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Réseaux sociaux et crépuscule de la presse officielle

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Labelliser les médias ? Le combat du fameux « cercle de la raison » contre les nouvelles libertés numériques est perdu d’avance, observe Ivan Rioufol. Les médias traditionnels et connivents avec les pouvoirs sont dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux, fake news) forcent les journalistes à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés.


La révolution numérique est une aubaine pour la démocratie en rade. Cette technologie, utilisée par 94% des ménages, rend vaines les tentatives désespérées d’Emmanuel Macronpour contrôler l’opinion populaire. Une mer qui monte ne s’arrête pas avec des interdits. L’obsession du chef de l’État visant à mettre sous surveillance les réseaux sociaux lui fait commettre des embardées liberticides. Elles dévoilent sa pente manichéenne et sectaire : un anachronisme alors que partout la parole se libère.

Dès son premier mandat, j’avais alerté sur ses initiatives qui, au prétexte de traquer des « fake news » et des « propos haineux », impliquaient le pouvoir politique dans la police de la pensée. Ses derniers projets pour installer une labellisation de l’information par des professionnels et pour prévoir des actions en référé contre des « désinformations », relèvent de cette incapacité du chef de l’Etat, en guerre contre le « populisme », à admettre les critiques non homologuées par l’incestueux système politico-médiatique. Lundi soir, l’Elysée a été jusqu’à publier une vidéo dénonçant des commentaires tenus sur CNews par Pascal Praud et Philippe de Villiers. Mais cette maladresse puérile d’un président esseulé ne fait qu’étaler les failles intimes du Narcisse blessé. « La vraie dictature est là, en Russie », a-t-il lancé ce même jour en recevant Volodimir Zelenski. Or, la macrocrature se rapproche des régimes totalitaires qu’elle sermonne en multipliant les obstacles et les intimidations à la libre expression, sur l’internet et l’audiovisuel, et en mobilisant la presse de cour, singulièrement les médias financés par l’Etat, pour décréter la vérité (pravda, en russe).

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En réalité la macronie laisse voir, dans son appétit pour les censures et les rappels à l’ordre de ses chiens de garde, les ultimes soubresauts d’un pouvoir ébranlé par le nouveau monde qui vient. Les oligarchies politiques et médiatiques sont vouées à disparaître sous la force irrépressible de la démocratie numérique. Elle fait de chaque individu l’acteur potentiel d’une démocratie décentralisée, localisée, horizontale, participative, informée, éduquée. Les médias traditionnels sont dès à présent dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux) forcent la profession à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés. Le quatrième pouvoir n’est plus dévolu à la presse connivente qui ne joue plus son rôle de contre-pouvoir. Ce dernier est représenté par l’indomptable internet, qui irrite tant Macron. Les succès des pétitions numériques, dernièrement contre l’immigration ou la loi Duplomb, forcent les politiques à penser ce nouveau monde en rupture avec les anciennes pratiques confisquées par les castes et leurs experts cooptés. 

« Tout devient soumis à consultation », admet Robin Rivaton, dans une note de décembre pour la Fondapol[1]. Dans cette conception novatrice de la politique, Macron symbolise le modèle déphasé. Ses combats contre les libertés sont honteux. Surtout, ils sont perdus d’avance.


[1] Contre la bureaucratie, la compétence du peuple, Fondation pour l’Innovation Politique

Quand le Ballet de l’Opéra apprivoise la modernité

Qu’elles soient signées par Merce Cunningham, par Trisha Brown ou, dans un tout autre registre, par Pina Bausch, leurs œuvres, quand elles sont au programme du Ballet de l’Opéra de Paris, révèlent l’extraordinaire évolution de la compagnie.


Il y a quelques lustres à peine, il était quasiment impensable que les danseurs de l’Opéra de Paris puissent se plier à des esthétiques nouvelles, à autre chose que la danse classique. Ce n’était pas seulement un problème de technique et d’adaptation des corps à des formes de danse en absolue contradiction avec les canons du ballet romantique ou de la danse académique ou néo-académique. Mais plus encore sans doute un état d’esprit qui empêchait les ballerines et leurs partenaires masculins, à quelques rares exceptions près, d’adhérer à une philosophie, à des conceptions parfaitement étrangères à leur univers. Un univers d’excellence certes, mais borné et incapable alors de s’ouvrir à d’autres façons d’envisager le monde de l’art.  

Il faut avoir observé le mépris affiché par les danseurs devant les premiers ouvrages et les méthodes de travail de Carolyn Carlson, alors étoile-chorégraphe du temps de Rolf Liebermann ; avoir entendu de petites idiotes en tutu blanc ricaner à l’idée qu’on puisse interpréter Dominique Bagouet sur la scène de l’Opéra ; avoir vu des danseurs pousser des cris d’orfraie devant des pièces maîtresses de Pina Bausch ou avoir découvert Sylvie Guillem, dansant à Londres de sirupeux navets enrubannés, étaler son dédain face aux chefs-d’œuvre de Cunningham, pour mesurer le chemin désormais parcouru jusqu’à aujourd’hui. 

Des pionniers

On se souvient avec d’autant plus d’émerveillement de danseurs-étoiles comme Wilfride Piollet et Jean Guizerix qui furent alors de hardis pionniers lors de la création d’Un Jour ou deux de Cunningham commandé au Ballet de l’Opéra pour le Festival d’Automne de 1973. Ou encore de Laurent Hilaire, magnifique lors de la reprise du même ouvrage en 1985. Mais encore de figures comme Jean-Christophe Paré et ses camarades du Groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris (GRCOP) conduit par Jacques Garnier et voué à la création contemporaine. Il y en eut d’autres, à l’instar de la danseuse Miteki Kudo qui naguère se glissa avec un stupéfiant naturel dans l’esthétique « post modern » de Trisha Brown ou d’Olivia Granville quittant l’Opéra pour explorer des contrées inaccessibles au sein du ballet.

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Alors qu’il y a vingt ans à peine les anciennes générations de danseurs de l’Opéra demeuraient encore raides et empruntées dans le répertoire contemporain, on voit leurs successeurs d’aujourd’hui magnifiques (surtout les femmes) dans Kontakthof ou Blaubart de Pina Bausch. On les découvre désormais prêts à s’adapter, avec plus ou moins de bonheur, mais avec générosité le plus souvent, à toutes sortes d’écritures.

D’une saisissante beauté

C’est précisément le cas avec deux œuvres de la chorégraphe américaine Trisha Brown (1936-2017) qui est à nouveau à l’honneur à l’Opéra de Paris. Deux pièces remontées par d’anciens de ses interprètes, Carolyn Lucas, Todd Stone, Elena Demyanenko et Leah Morrison, dont le trio O Zlozony/O Composite (Ô compliqué, ô complexe), créé en 2004 pour les danseurs de l’Opéra sur un poème en polonais de Czeslaw Milosz et sur une partition (de facture inégale) de Laurie Anderson. Dans ce trio très élaboré qui se profile sur un ciel étoilé (décors de Vija Celmins et lumières de Jennifer Tipton) et dont les premières images sont d’une beauté saisissante, une étoile comme Dorothée Gilbert qui sait être, dans le registre romantique, une Giselle bouleversante, est également ici parfaite, encadrée de deux jeunes hommes à la tenue irréprochable, Marc Moreau et Guillaume Diop.

Conçu pour elle-même par Trisha Brown en 1994 avec la complicité de Robert Rauschenberg, If You Couldn’t See Me (Si tu ne pouvais pas me voir) est un parfait exemple de l’art de la chorégraphe, de cette incomparable alternance entre tension et relâchement, de cette souplesse féline qui la caractérisait. L’interprète, ainsi que le suggère le titre, n’est vue que de dos. Une gageure qui requiert d’ailleurs une puissance d’interprétation décuplée pour les quatre différentes danseuses qui vont assumer cette tâche au fil des représentations. Celle affrontant le rôle le soir de la première, Hannah O’Neill, est remarquable. Mais il lui manque encore quelque chose de cette distance, de cet abandon, de cette souplesse qui étaient la marque unique de Trisha Brown. Toutes choses qu’elle acquerra avec le temps, mais qui est si difficile de saisir quand on a été nourrie de technique académique. C’est justement ce que Miteki Kudo, citée plus haut, avait si miraculeusement capté.

Un aimable néant

Spectaculaire dans son dépouillement, le décor conçu avec un certain esprit Art Déco par le Néo-Zélandais John Otto l’a été pour la pièce de l’Anglais David Dawson, Anima Animus. Lui répondent énergiquement de remarquables costumes très architecturés, dessinés par la Japonaise Yumiko Takeshima. Un concerto pour violon du compositeur italien Ezio Bosso, mort dramatiquement en 2020, à l’âge de 48 ans, nimbe l’ensemble.

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Bondissant, tourbillonnant, virevoltant, tout en jambes tendues et en bras élevés vers le ciel, les dix danseurs du Ballet de l’Opéra sont brillants. Et c’est bien tout. D’un académisme militant, la chorégraphie est surtout d’un vide abyssal. Un inventaire de prouesses de classe de danse qui se reproduisent à satiété, pas du tout laides, mais parfaitement creuses et inutiles. C’est toutefois cette pièce qui a été le plus acclamée. On aurait espéré que c’était uniquement pour saluer la vaillance des danseurs. Eh bien non ! L’auteur de cet aimable néant a été lui aussi ovationné.

Anima Animus n’a pas l’excuse d’être une création. La pièce a vu le jour avec le Ballet de San Francisco en 2018, puis a été reprise en 2023 à la Scala de Milan qui est, dans le domaine de la danse, le repaire de l’académisme le plus ranci et le plus réactionnaire. Comment donc avoir eu l’idée de programmer ce pensum à Paris ? Cela prête à penser.

Et une impitoyable punition    

Caroline Osmont. A l’arriere plan Ida Viikinkoski et Clemence Gross, « Drift Wood » – Imre et Marne van Opstal © Benoite Fanton / OnP

Mais on n’a pas tout vu ! Exécutée par douze courageux interprètes dans une semi-obscurité qui n’arrange rien, Drift Wood (Bois flotté en bon français) porte bien évidemment, selon les critères établis, un titre en anglais. Comment avaler qu’un ouvrage créé par le Ballet de l’Opéra de Paris à l’Académie nationale (ci-devant impériale et royale) de Musique et de Danse, financé par elle et conçu dans la capitale, non par des auteurs anglo-saxons, mais par deux Néerlandais du Limbourg, porte obligatoirement et sans justification aucune un titre en anglais ? Comme si un titre français sur une scène française était une chose définitivement ringarde et déshonorante ! Mais le monde de la danse est souvent si bête, si vain et si moutonnier qu’intituler un ouvrage en anglais pour se donner un genre et une contenance est devenu depuis longtemps un automatisme irrépressible chez nombre de chorégraphes auto-proclamés.

40 minutes à endurer un truc indescriptible et crapoteux créé par Marne et Imre van Opstal. Un frère et une sœur presque jumeaux qui se sont donc mis à deux pour concevoir cette pièce informe et sans vrai caractère, d’un abominable ennui… Ils sont dotés de deux sœurs également artistes chorégraphiques. Et l’on frémit à la seule idée que ces quatre-là auraient pu tout aussi bien accumuler leurs énergies pour faire encore plus assommant.


Contrastes. Ballet de l’Opéra de Paris. Palais Garnier. Jusqu’au 31 décembre.

Causeur: Il était une foi en France

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Monseigneur Rougé, évêque de Nanterre, dialogue avec Éric Zemmour. Découvrez le sommaire de notre numéro de décembre


Le nouveau numéro est diponible aujourd’hui sur le kiosque numérique et demain mercredi 3/12 chez les marchands de journaux.

Le premier a dédié sa vie à Dieu, le second à la France. Monseigneur Matthieu Rougé et Éric Zemmour n’étaient pas faits pour se rencontrer. Mais l’évêque de Nanterre, en pointe dans le combat contre les réformes bioéthiques, enseigne aussi la théologie politique au collège des Bernardins. Et dans son dernier essai, le président de Reconquête ! appelle ses compatriotes à un « sursaut judéo-chrétien ». Dès lors, ces deux-là avaient beaucoup de choses à se dire. Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, qui ont recueilli les propos de ce dialogue, présentent notre dossier du mois, intitulé : « Sommes-nous judéo-chrétiens ? ». Le nouveau livre d’Éric Zemmour, La Messe n’est pas dite (Fayard) ne cherche pas à faire du catholicisme une religion d’État, mais prône un combat culturel pour rappeler que, en France, le christianisme « reste le socle d’une civilisation » qui « a laissé sa marque partout, dans les bâtiments, les paysages, les institutions, le Code civil ». Le président de Reconquête ! « souhaite juste qu’on apprenne aux enfants de France, quelle que soit leur origine réelle, d’où ils viennent et ce que signifient les tableaux qu’ils voient dans les musées, qu’on n’ait pas honte de célébrer Noël et Pâques ».

Pour la philosophe Chantal Delsol, l’héritage judéo-chrétien est une réalité dont il faut reconnaître les apports majeurs à l’humanité. Mais elle estime que les chrétiens, devenus minoritaires, ne sont plus les prescripteurs moraux de nos sociétés et qu’ils ne doivent pas chercher à le redevenir. Geoffroy Lejeune, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, se qualifie lui-même de « catholique identitaire ». Le directeur de la rédaction du Journal du Dimanche plaide pour que les chrétiens français se recentrent sur le cœur du message évangélique et n’aient pas peur de proclamer leur foi. Sans remettre en cause la laïcité. Dans son Dictionnaire amoureux des juifs de France, Denis Olivennes retrace deux mille ans d’une histoire extraordinaire, ou comment les enfants d’Israël se sont retrouvés chez eux sous le ciel gaulois. Se confiant à Élisabeth Lévy, il salue la bienveillance de grands auteurs à l’égard des juifs et le rôle crucial des Lumières qui ont fait rimer émancipation et assimilation. De Renan à Charlie Kirk en passant par Orwell, les penseurs qui se sont référés à des valeurs « judéo-chrétiennes » sont légion dans l’histoire occidentale et singulièrement anglo-saxonne. Je montre que, contrairement à ce qu’affirme la doxa islamo-gauchiste, ce concept ancien n’a pas été forgé pour s’opposer aux musulmans. Pour Frédéric Magellan et Lucien Rabouille, le catholicisme a servi de caution à la monarchie avant d’être l’un des principaux vecteurs de sa contestation. Les Lumières ont hérité des passions, de la rhétorique, des structures mentales et du sens du tragique des dévots jansénistes. 1789 n’a pas aboli le sacré mais l’a remplacé.

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente l’esclandre politico-médiatique déclenché par le discours que le chef d’état-major des armées a tenu devant le Congrès des Maires de France. Les paniquards qui ont réagi n’ont pas compris que le général Fabien Mandon ne parlait pas de tous les enfants des Français, mais « de militaires professionnels qui acceptent par contrat une mission pouvant les mener jusqu’au « sacrifice ultime » ». Plus grave encore, toute idée que la défense de la patrie puisse entraîner des sacrifices est désormais inadmissible car « les générations gâtées que nous sommes n’ont connu que la paix sur leur sol, si bien que nous pensons qu’elle est la norme et surtout qu’elle est un dû »

La libération de Boualem Sansal aurait dû être célébrée par toute la classe politique. Mais pour Amine El-Khatmi, elle laisse un goût amer : celui d’un pays qui ne sait plus défendre un écrivain persécuté par une dictature et qui, perdu dans ses renoncements, confond la prudence et la lâcheté. Le halal ne se cantonne plus aux étals des rayons alimentaires. L’enquête menée par Estelle Farjot et Léonie Trebor montre que le marché des vêtements et des produits cosmétiques conformes aux prescriptions de l’islam est en plein essor. Et tout le monde, des sites made in China aux maisons de haute couture européennes, veut sa part du gâteau. Giorgia Meloni est à la tête du gouvernement italien depuis trois ans. Selon les analyses de Gil Mihaely, ses succès ne reposent pas uniquement sur les lois votées ni les réformes engagées mais sur une stratégie européenne de longue haleine qui lui confère aujourd’hui prestige et sympathie sur la scène internationale. Stéphane Germain interroge la novlangue de notre époque. Des mots comme « vivre-ensemble », « faire société », « inclusion » ou « résilience », devenus courants dans le vocabulaire quotidien, constituent une barrière mentale qui interdit de penser le monde autrement qu’à la lumière du progressisme.

Parmi nos chroniqueurs, Olivier Dartigolles se demande pourquoi, face aux problèmes du narcobanditisme, l’État n’a pas fait pour la consommation de drogue ce qu’il fait pour la sécurité routière, l’alcool et le tabac. À défaut d’une grande politique de santé publique, on ne nous sert que de la com’. Ivan Rioufol salue la fin de l’hégémonie des progressistes et des globalistes dans le domaine de l’info. Plus les médias alternatifs sont hués par le pouvoir, plus ces indésirables s’imposent comme l’authentique quatrième pouvoir. L’internet déverrouille la démocratie. La gauche cloueuse de bec a perdu. Emmanuelle Ménard nous parle des préparatifs de Noël à Béziers, où les chalets, les illuminations et la fontaine musicale de Noël ont été inaugurés dans la bonne humeur. En attendant la crèche, bien sûr ! Jean-Jacques Netter commente le suicide économique de la France sous la gestion de Sébastien Lecornu et Yaël Braun-Pivet, tandis que Gilles-William Goldnadel réagit aux plaintes qui viennent d’être déposées par les groupes France Télévisions et Radio France auprès du tribunal des affaires économiques contre CNews, Europe 1 et le JDD pour « dénigrement ».

Côté culture, Bérénice Levet ouvre le bal en interrogeant Stéphane Guégan sur un des plus grands artistes du XXe siècle. Dans son dernier livre, Matisse sans frontières, l’historien et critique d’art rétablit quelques vérités sur un peintre dont l’œuvre a été instrumentalisée par l’histoire de l’art. Réduire ce génie français au « bonheur de vivre », au « décoratif » et le considérer comme un précurseur de l’art abstrait américain est une erreur. Félix Vallotton est mort il y a cent ans. Le peintre a fait carrière dans le Paris des années 1880-1900, alors capitale de la bourgeoise, des conflits sociaux, des attentats anarchistes et de l’essor de la presse. Pour Georgia Ray, la rétrospective que lui offre Lausanne, sa ville natale, révèle un artiste engagé, héritier des maîtres anciens et audacieux coloriste. Jonathan Siksou a visité « L’Empire du sommeil » au musée Marmottan Monet. Cette exposition, en réunissant des œuvres de l’Antiquité à nos jours, brosse le portrait psychologique de l’humanité occidentale : ses amours, ses textes saints, sa mythologie, ses désirs érotiques, ses ivresses et ses paradis artificiels. Le centre Pompidou ferme ses portes pour au moins cinq ans de travaux. Pierre Lamalattie nous explique que cet énième chantier s’annonce pharaonique tant le bâtiment de Renzo Piano vieillit mal. Derrière ses façades de verre et d’acier se cache une institution mal gérée, boudée par les visiteurs et dont le bilan culturel est discutable.

Parlez-vous le Goldnadel ? Compagnon de route de Causeur, le président d’Avocats sans frontières a du fond mais aussi de la forme. Dans son nouvel essai, Vol au-dessus d’un nid de cocus (Fayard) où il attaque la gauche dévoyée par le racialisme et l’islamisme, il multiplie les formules spirituelles et les fulgurances comiques. Jean-Baptiste Roques nous a préparé un petit florilège des plus fameuses. Julien San Frax a lu la sacrée sommequ’est la Nouvelle histoire de France. Sous la direction d’Éric Anceau, une centaine de contributeurs explorent tous les domaines, toutes les notions qui illustrent la singularité de notre histoire commune. Une brillante riposte à la vision « mondialisée » de Patrick Boucheron. Notre collaborateur et ami François Kasbi signe avec Mes chéries une déclaration d’amour aux femmes écrivains et à la littérature. Pour Alexandra Lemasson, c’est un ouvrage passionné et érudit qui donne forcément envie de lire. Philippe Lacoche a lu – et écouté – l’essai-anthologie et le CD consacrés aux relations étroites entre les musiques caribéennes et américaines par Bruno Blum, ex-journaliste, écrivain, musicien et producteur. C’est rythmé ! Enfin, Jean Chauvet passe en revue trois nouveaux films français. Sa conclusion ? N’en déplaise à ses détracteurs, le cinéma d’auteur français n’est pas à la dérive. Il est tout simplement éclectique et offre par conséquent le pire comme le meilleur. À la différence de Causeur, bien sûr, qui n’offre que le meilleur…

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Le goal s’est fait gauler

Lucas Chevalier, gardien du PSG et international français, a fait l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux et dans la presse sportive après avoir mis un « j’aime » sous une publication de Julien Aubert annonçant son vote pour le RN contre le NFP. Retour sur le déroulé précis du drame.


C’est l’histoire d’un chevalier pas bayard mais trouillard, qui a peur de certains reproches, Lucas Chevalier, le goal du PSG, et nouveau membre de l’équipe de France. Se promenant sur le réseau social Instagram, il est tombé en arrêt sur une vidéo, une interview de Julien Aubert, vice-président des Républicains, qui disait tout le bien qu’il pensait du RN, estimant naturel de faire alliance avec Marine Le Pen et Bardella pour mette la gauche hors-jeu. Et notre Chevalier a « liké », comprenez qu’il a posté un petit cœur pour marquer son soutien. Immédiatement les djihadistes du Net lui sont tombés dessus, le traitant de « sale blanc », de « raciste de m… », de « fils de p », bref le lexique habituel des insoumis de la syntaxe.

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Que fit alors notre Chevalier ainsi désarçonné ? Le gardien n’est pas sorti les poings en avant pour boxer ses détracteurs, il s’est couché, déballonné. Il a expliqué qu’il avait liké par erreur, commis en quelque sorte une faute de main… inquiétant pour un gardien de but dont le métier est d’avoir la main ferme. Et, s’étant à l’évidence fait taper sur les doigts par les dirigeants du PSG, il s’est excusé, expliquant qu’il était une personne à qui « les parents avaient inculqué des valeurs lui interdisant de penser ces “choses-là” », c’est-à-dire que le RN était un parti respectable. Les millions de footeux qui votent à droite apprécieront la sortie du gardien…

Pourquoi notre Chevalier blanc est-il soudain devenu bleu de trouille ? Peut-être a-t-il eu peur que l’émir du Qatar, proprio du PSG, voie en lui un croisé qu’il faut rayer des cadres, ou encore d’être blackboulé en équipe de France, où le meneur de jeu, sur le terrain et dans les vestiaires, est un certain Kylian Mbappé, qui lors des législatives de 2024 avait donné ses consignes de vote – « Je suis contre les extrêmes, les idées qui divisent » –, invitant in fine les « jeunes » à voter contre le RN.

Une liste de juifs? Tout à fait Théry!

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Antisionisme. Le professeur d’histoire et journaliste sur la webtélé islamo-gauchiste Le Média Julien Théry se considère comme un simple progressiste radical et un défenseur de la cause palestinienne. Il n’en reste pas moins qu’il établit des listes rappelant des pratiques de l’époque de l’Occupation. « C’est profondément scandaleux (…) J’apporte mon soutien aux personnes qui ont été visées » a déclaré devant les sénateurs le ministre de l’Éducation nationale. Le professeur demeure en poste à l’université.


Il y a dans certains gestes une vieille odeur de nuit. Un exemple parmi d’autres: un enseignant-chercheur de Lyon 2 spécialiste du Moyen Âge (son nom importe peu) a cru bon de publier sur son compte Facebook une liste de vingt personnalités – Arthur, Charlotte Gainsbourg, Joann Sfar ou Philippe Torreton  – qualifiées de « génocidaires à boycotter » pour avoir demandé la libération des otages et le démantèlement du Hamas avant toute reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien. Naturellement, les noms juifs y abondent. Qu’on en soit revenu à cela devrait suffire à glacer le sang.

La délation: un procédé moyenâgeux

On invoquera la liberté d’expression, ce paravent derrière lequel se dissimule si souvent le droit à la bêtise. Mais la liberté d’expression n’a jamais autorisé qu’on livre des individus à la vindicte ni qu’on transforme une réprobation politique en mise au pilori de personnes réelles, avec une cible collée dans le dos. Dresser une liste, aujourd’hui, équivaut à dénoncer, exclure, mettre des gens en danger. Il n’y a qu’un Mélenchon, toujours prompt à tweeter une provocation, pour feindre de ne pas le voir, ainsi que tous ceux qui confondent délibérément soutien à la Palestine et soutien au Hamas, parmi lesquels les inévitables Insoumis.  

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On croyait ces réflexes de délation relégués aux zones grises de notre histoire : proscriptions, affichages infamants, noms blacklistés. La Libération n’a manifestement pas vacciné ce pays contre ce type d’abjection. Contester une pétition est le droit de chacun. Mais qu’un historien fasse une liste de personnes à « boycotter » en les assignant à une identité supposée et en les accusant de crimes imaginaires, quitte à faire planer sur elles une menace physique, relève d’un autre registre. Combattre une idée n’exige pas qu’on joue avec la peur comme on joue avec des mots.

La Licra consternée

Le plus consternant est que cette infamie soit le fait d’un universitaire, profession censée instruire au discernement, apaiser les passions, élever la pensée et défendre la nuance. À la place, on a un tribunal de fortune, un procès fantasmé, et ce geste impardonnable : trier des noms. La trahison des clercs, derechef… Critiquer Netanyahou appartient au débat démocratique. Accuser collectivement les amis d’Israël d’un « génocide », c’est renouer avec une tradition européenne multiséculaire : l’accusation délirante, du meurtre rituel aux Protocoles des Sages de Sion. Sous le masque gratifiant de l’antisionisme, c’est la forme la plus chimiquement pure de l’antisémitisme moderne.

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La Licra, notamment, ne s’y est pas trompée, qui a soulevé le lièvre et déposé plainte. La liberté d’expression n’est pas faite pour protéger les émules islamo-gauchistes de Gringoire ou de Je suis partout qui pullulent aujourd’hui dans certains milieux universitaires et artistiques. Elle protège ceux que d’aucuns voudraient, drapés dans leur bonne conscience, livrer aux flammes.

Il serait peut-être temps de s’en souvenir. Avant qu’il ne soit, une fois de plus, trop tard.

Général, nous voilà !

Menace russe. Après le discours du Chef d’état-major des armées Mandon devant les maires de France, on a vu un pays qui préférait s’indigner que se préparer


Le mot « enfant » empêche de penser. Mais en l’accolant au mot « guerre », le chef d’état-major des armées a déclenché une belle chorale de paniquards, pleurnichards et capitulards[1]. Au cœur d’un discours charpenté sur la menace russe et la nécessité de « dissuader Vladimir Poutine d’aller plus loin » (plus loin que l’Ukraine), donc de nous réarmer, le général Fabien Mandon a évoqué les jeunes gens appelés à se battre pour la France : « Ils tiendront dans leur mission s’ils sentent que le pays tient avec eux. Si notre pays flanche, parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, de souffrir économiquement, alors on est en risque. » Le braillomètre a chauffé à hauteur de la transgression. « On ne veut pas mourir pour Kiev ! », « Nos enfants ne sont pas de la chair à canon ! », « Du fric pour les retraites, pas pour les mitraillettes ! » (celle-là, je l’invente).

Si ça se trouve, je n’ai pas de cœur parce que je n’ai pas d’enfant. Je jure que je veux du bien à ceux des autres – faut quand même qu’ils la payent, ma fichue retraite. En tout cas, cette infirmité sentimentale m’a permis d’entendre les véritables propos du général Mandon. Calmez-vous, il ne parle pas de vos gosses ni de ceux de Madame Michu, mais de militaires professionnels qui acceptent par contrat une mission pouvant les mener jusqu’au « sacrifice ultime » et pourraient donc, selon Mandon, être amenés à intervenir aux frontières de l’OTAN (à laquelle sauf erreur nous appartenons toujours et qu’il est question d’européaniser). Notez que les 57 morts pour la France en OPEX au Mali et ailleurs n’étaient pas les enfants de personne. Aucun de leur père n’a déclaré face caméra que son fils n’aurait jamais dû mourir dans une guerre lointaine – et perdue depuis.

Juste avant de lâcher le fatal « enfant », le CEMA s’était demandé si nous avions « la force d’âme de nous faire mal pour protéger ce que l’on est ». Il a eu sa réponse. Évidemment qu’on est prêts, si on admet que ce qu’on est se définit par ce qu’on a. Pour défendre le modèle social que le monde nous envie et dont on répète qu’il est notre ADN, alors oui, on est prêts à souffrir, et surtout à faire souffrir le voisin, le commerçant du coin ou le policier en service. Au pays de l’État-Roi, chacun est encouragé à se demander obsessionnellement ce que son pays doit faire pour lui. L’État, c’est moi, sauf pour payer : là, c’est les autres.

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Qu’on ne veuille pas mourir pour Kiev parce que nos intérêts nationaux n’y sont pas engagés, c’est légitime même s’il n’y a pas de quoi être particulièrement fier. Ça tombe bien, le général Mandon n’en demande pas tant. Il n’a fait que développer le vieil adage : si tu veux la paix prépare la guerre. Pas de quoi détaler en criant maman ! La France a perdu plusieurs guerres, pas parce que ses soldats manquaient de bravoure, mais parce qu’elle n’était pas prête. Ça fait réfléchir. Ça devrait.

On peut évidemment, comme d’excellents esprits de ma connaissance, tels que Pierre Lellouche ou Vincent Hervouët, s’émouvoir qu’un militaire soit autorisé à présenter une stratégie politique. On peut contester son appréciation de la menace russe, trouver qu’on n’y répondra pas en affolant les populations et en montrant des muscles qu’on n’a pas (et qu’on n’est pas prêt d’avoir si on hurle à la mort à chaque fois qu’on propose de couper une dépense sociale). On peut estimer qu’on a encouragé l’Ukraine à mener une guerre qui lui a coûté des dizaines de milliers de vies humaines et, à nous, des dizaines de milliards, pour qu’elle finisse par la perdre (encore que Poutine n’a pas réussi à installer à Kiev un pouvoir à sa botte). Peut-être que s’ils avaient connu l’issue, les Ukrainiens auraient tout de même choisi de mener une guerre perdue plutôt que de léguer à leurs enfants l’histoire d’un peuple qui s’est rendu sans combattre. Allez savoir.

Il est possible que le général Mandon se trompe sur Poutine. Et peut-être que ce sont ses contradicteurs qui se fourrent le doigt dans l’œil. Alors que l’Oncle Sam finira par nous laisser nous débrouiller, on s’attendait à ce que tous les patriotes s’accordent sur la nécessité de faire des sacrifices pour notre défense. Au risque de me répéter, on ne déclenche pas les guerres en s’armant, mais en se désarmant. Surtout quand toutes les puissances se remilitarisent. D’innombrables experts et souverainistes professionnels ont pourtant expliqué à la chaîne que le général Mandon disait n’importe quoi, ou pire encore, comme l’impayable et inoxydable Ségolène Royal, qu’il était en service commandé pour permettre au président de déclencher une guerre contre la Russie et rester à l’Élysée. Ils auraient pu jurer qu’ils étaient prêts à se sacrifier pour la France quand elle serait menacée par des ennemis plus crédibles à leurs yeux que Poutine. Derrière ce festival de protestations dont il ressort que nos intérêts nationaux s’arrêtent aux frontières de l’Hexagone et aux sacro-saintes « préoccupations quotidiennes des Français », on entend que rien ne vaut qu’on sacrifie sa vie et son pouvoir d’achat. On ne sait si le spectacle de patriotes invoquant les mânes du gaullisme pour justifier leur renoncement à la force est comique ou désespérant. Les générations gâtées que nous sommes n’ont connu que la paix sur leur sol, si bien que nous pensons qu’elle est la norme et surtout qu’elle est un dû. « La guerre est toujours la plus mauvaise des solutions », affirmait Chirac. Traduction en bon français : même la soumission est préférable.

Il est possible que j’exagère parce que je rentre d’Israël, où la majorité des citoyens, en dépit de leurs différences radicales, acceptent que leurs enfants meurent pour le pays. N’empêche, quand on n’a aucune raison de mourir, c’est peut-être qu’on n’a pas beaucoup de raisons de vivre.


[1] Ne vous énervez pas, je ne mets pas dans ce vilain sac tous ceux qui ont critiqué le discours.

Cinéma: le retour d’Abdellatif Kechiche

Malgré les obstacles ayant failli mettre fin à la carrière du singulier cinéaste, la sortie de Mektoub, My Love: canto due demain marque un retour réjouissant de son cinéma vibrant, sensuel et sensible.


On n’y croyait plus. On pensait que les diverses accusations portées contre le cinéaste Abdellatif Kechiche (La Graine et le Mulet, La Vie d’Adèle…) avaient définitivement eu raison de lui et de son cinéma. Il était devenu l’une des bêtes noires des ultra-féministes du milieu artistique, devant répondre aussi bien de son attitude sur les plateaux de tournage que du prétendu sexisme de ses films. Jusqu’à provoquer d’ailleurs chez lui un AVC aux lourdes séquelles. On se réjouit d’autant plus d’assister à la sortie de son nouvel opus, Mektoub, My Love: canto due, deuxième volet d’une trilogie sur la jeunesse, qu’un formidable intermède entre les deux premiers films (intitulé comme il se doit Intermezzo) était passé à la trappe, pour d’obscures raisons musicales et une véritable censure artistique. Ne boudons pas notre plaisir de retrouver l’allant et l’énergie du cinéma de Kechiche toujours prompt à filmer les âmes, les corps et les cœurs de personnages à la fois singuliers et familiers.

2h 14m


De mal en Pisa

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Attention: sujet ultra-sensible! Si elle n’est pas la cause unique des difficultés de notre école (et il serait évidemment injuste d’accabler les personnes), l’immigration massive les exacerbe toutes, pointe un rapport de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie[1]. Le regard libre d’Elisabeth Lévy


L’immigration tire-t-elle le niveau scolaire vers le bas ? C’est ce que savent tous les parents, y compris immigrés, qui ont mis en place des stratégies d’évitement des établissements où la proportion d’étrangers et d’enfants d’étrangers est la plus importante. C’est ce que savent ces mères maghrébines de Montpellier qui demandaient des « Pierre » et des « Paul » dans les classes de leurs enfants. C’est ce que savait la rectrice de l’académie d’Orléans, Marie Reynié, qui en 2011 imputait les mauvais résultats de son académie au grand nombre d’élèves étrangers et qui a été insultée pour cela. C’est que ce sait ce fonctionnaire de l’Éducation nationale qui dit à Joachim Le Floch-Imad, auteur de Main basse sur l’Éducation nationale (Le Cerf, 2025) : « Sans l’immigration on serait au niveau de Singapour ou Taïwan. »C’est ce que savent tous les Français qui, conformément à l’injonction de Péguy « voient ce qu’ils voient ».

D’accord, mais tout cela n’est pas très scientifique, me réplique-t-on depuis longtemps sur ce sujet. Mais justement, l’expérience sensible est aujourd’hui confirmée par la note de Joachim Le Floch-Imad pour l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie de Nicolas Pouvreau-Monti.

Quelques données :

D’abord, depuis 2000, le nombre annuel des naissances d’enfants de deux parents immigrés a augmenté de 73% dans notre pays ;

Un élève de CM1 sur cinq ne parle pas français à la maison ;

Si l’on dénombrait 35000 primo-arrivants allophones en 2007, ils sont près de 90 000 en 2025 ;

A lire aussi, Joachim Le Floch-Imad et Philippe Nemo: Clash de niveau

Si on enlève les enfants de l’immigration, la France obtient 11 points de plus au PISA, nous dit cette note.

Ce à quoi il faut ajouter les atteintes à la laïcité, le refus de certains enseignements, l’antisémitisme importé etc. Résultat: 8% des profs français seulement se disent formés à cet environnement multiculturel.

Pour résumer, l’immigration exacerbe toutes les difficultés de l’École. Ce n’est évidemment pas la faute des enfants d’immigrés, agents d’un phénomène qui leur échappe. C’est la faute des immigrationnistes. On laisse entrer des centaines de milliers d’étrangers dont on ne sait pas intégrer et éduquer les enfants. C’est un crime contre la France, l’École et contre ces enfants à qui on fait des fausses promesses. Il parait que c’est raciste de voir et de dire cela. Le réel est raciste ! Pour paraphraser Brecht, changez le réel !

Main basse sur l'Éducation nationale: Enquête sur un suicide assisté

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Pour finir, un mot sur le fameux « ministère de la Vérité » version Macron. Cette idée délirante et contreproductive ne verra pas le jour. Mais, l’absence frappante de réactions des journalistes donne une triste idée de l’attachement de cette corporation à la liberté.

Je ne peux pas y croire. Et si jamais on persistait dans l’erreur, j’appelle mes confrères à se battre pour ce que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen définit comme un des droits les plus précieux de l’homme : la liberté d’expression.  


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio


[1] https://observatoire-immigration.fr/limpact-de-limmigration-sur-le-systeme-educatif-francais/

Mon coming-out nationaliste!

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Dans notre grand bazar idéologique actuel où les concepts «tournent dans l’air vicié comme des feuilles mortes», Charles Rojzman explique que la nation, jadis considérée comme ringarde voire dangereuse, est devenue le dernier parapluie avant l’averse générale. Pendant que tout le monde se chamaille pour définir le réel, ceux qu’on croyait infréquentables deviennent soudain les seuls à oser regarder sous le tapis. Les nationalismes du XXIᵉ siècle ne sont plus les nationalismes «des uniformes impeccables, des parades martiales et des hymnes hurlés sous les drapeaux», observe-t-il.


Succès d’édition des livres de Zemmour, de Villiers, Bardella. Pourquoi ? Il est des moments où les mots se défont, où les concepts s’effondrent comme des cathédrales rongées de sel, et où ceux qui s’y abritaient se retrouvent nus sous la pluie d’un monde qu’ils ne comprennent plus. Nous habitons l’un de ces instants de renversement, de ce basculement silencieux où l’histoire change de sens sans daigner prévenir ceux qui croyaient encore la diriger. Les vieilles catégories — fascisme, nationalisme, antiracisme, universalisme — persistent à tourner dans l’air vicié comme des feuilles mortes, mais elles ne nomment plus rien. Elles ne sont que les reliques d’un siècle qui se croyait tragique et qui ne fut peut-être qu’un prélude.

Illumination tardive ?

Ce qui fut hier honni comme l’instrument de la violence collective — la nation — apparaît désormais, paradoxe insupportable pour les consciences progressistes, comme le dernier rempart contre une dissolution généralisée. Non pas parce qu’elle serait bonne par essence — rien de ce qui est humain ne l’est — mais parce qu’elle est la seule forme encore capable de dire « nous » dans un monde qui ne veut plus que des « eux ». Un monde où l’on ne reconnaît plus que des consommateurs, des croyants ou des victimes. Un monde où l’on rêve d’un homme interchangeable, sans mémoire, sans sol, sans héritage — un homme réduit à ses fonctions biologiques et économiques, un appareil respiratoire connecté à un marché et à une morale.

Ce texte ne procède pas d’une illumination tardive, ni d’un quelconque alignement partisan. Il vient du réel, de ce que l’on voit quand on accepte de regarder l’homme sans les filtres moraux dont nos sociétés se sont recouvertes comme d’un linceul parfumé. Il vient d’une expérience de chair et de voix, commencée il y a quarante ans, parmi les cités, les commissariats, les foyers, les salles communautaires où la haine circule comme un sang impur. Là où la gauche morale se détourne. Là où les discours se taisent et où ne subsistent que la peur, l’humiliation, la violence — ce que l’on ne veut pas entendre parce que cela contredit le récit rédempteur d’un Occident coupable et d’un Autre immaculé. J’ai appris là que le réel est obscène pour ceux qui vivent dans l’abstraction, et que l’imperfection humaine est désormais tenue pour un scandale. Pourtant, c’est d’elle que nous sommes faits, et c’est en elle que réside la seule vérité possible.

A lire aussi, l’éditorial d’Elisabeth Lévy: Général, nous voilà !

Il faut d’abord prendre la mesure du renversement historique que nous vivons, et que notre vocabulaire politique peine encore à nommer. Car le nationalisme du XXIᵉ siècle n’est plus celui des uniformes impeccables, des parades martiales et des hymnes hurlés sous les drapeaux. Il n’est plus cet élan conquérant, saturé d’orgueil collectif et de certitude raciale, qui rêvait d’étendre son empire comme on étend un blason sur la peau d’un peuple soumis. Cette figure appartient à l’histoire tragique de l’Europe — et l’Europe, qui n’a plus la force de ses tragédies, la regarde désormais avec l’effroi d’un vieillard se souvenant de ses crimes.

Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est presque l’inverse : la nation, longtemps tenue pour l’outil du totalitarisme, devient l’abri fragile contre trois forces qui, chacune à sa manière, veulent abolir les frontières, les appartenances, les différences concrètes qui donnent une forme aux hommes. La globalisation, cet anesthésiant universel ; l’islamisme, cette théologie guerrière qui rêve d’un califat sur les ruines des États ; et la gauche révolutionnaire, qui n’a jamais cessé de vouloir réduire l’humanité au schéma puéril des dominants et des dominés.

Toutes trois aspirent à une uniformité meurtrière. La globalisation ne veut plus de citoyens, mais des consommateurs sans attaches, dociles, solvables, loyaux non à un pays mais à un marché. L’islamisme ne reconnaît que les croyants de l’umma, communauté fantasmée qui prétend effacer les cultures, les langues, les histoires pour ne laisser subsister que la soumission. Quant à la gauche révolutionnaire, elle rêve d’un prolétaire mondial, purifié de toute appartenance, réduit à sa fonction de victime.

Pas de démocratie sans nations

Ces dynamiques convergent vers une même fin : dissoudre la nation, dernier espace où peut encore se déployer une démocratie réelle, fondée sur la confrontation entre égaux. Là où, hier, la famille et la patrie étaient brandies comme les symboles du fascisme, elles deviennent aujourd’hui — paradoxe somptueux — les lieux où s’abritent encore la continuité, la transmission, la responsabilité.

Ce renversement, je ne l’ai pas seulement pensé : je l’ai vécu. Dans les années 1980, lorsque, travaillant sur les dispositifs de lutte contre le racisme, j’ai voulu écouter les hommes non pas à travers les sermons moralisateurs, mais à partir de ce qu’ils portaient en eux : peur, rancœur, violence, humiliation. Je croyais entrer dans le domaine de la générosité universelle ; je suis tombé dans la géologie du ressentiment.

J’ai découvert ce que personne ne voulait voir : il n’existait pas un racisme, mais des racismes. Non pas un oppresseur et des victimes, mais une mosaïque de haines, de rejets, de mépris croisés. Non pas une morale, mais un champ de bataille.

Tout cela m’a arraché à la morale de gauche dans laquelle baignait notre culture politique, cette morale saturée de culpabilité postcoloniale, persuadée que la violence est toujours le fait du même camp. Nous vivons désormais sous un totalitarisme doux, sucré, écologique, compassionnel, qui rêve d’une société sans conflit — donc sans réalité.

A lire aussi, du même auteur: Une jeunesse musulmane orpheline de pères et assoiffée d’autorité

Car vouloir supprimer l’imperfection humaine, c’est vouloir supprimer l’homme.

Et voici le scandale : aujourd’hui, ce que l’on nomme « l’extrême droite » est souvent la seule force qui accepte de nommer le réel. Elle dit ce que les autres taisent. Elle regarde là où les autres détournent le regard. Non par vertu, mais par fidélité au monde tel qu’il est.

Danger il y a, bien sûr : car celui qui nomme le réel peut être tenté d’en devenir le propriétaire, le prophète, le maître. L’Europe sait où mènent ces tentations : à la réduction du conflit à l’essentialisme, à la transformation de la nation en idole et du peuple en matière sacrificielle.

Le véritable enjeu n’est donc pas de savoir qui a raison, mais de restaurer un cadre où le réel peut être dit sans être immédiatement sanctifié ou excommunié. La nation demeure ce cadre : non comme essence, mais comme forme politique, comme possibilité d’un « nous » qui ne soit pas un cri de haine ou un soupir de victime.

Le courage du XXIᵉ siècle sera de maintenir ce lieu fragile où le réel peut être affronté sans être écrasé. Non pas rêver d’un monde parfait — mensonge utopique — ni sacraliser une identité close — nostalgie mortifère — mais tenir, simplement tenir, dans cet entre-deux où l’homme continue d’exister.

Et pour l’instant, il faut le reconnaître : ceux qui acceptent de regarder ce réel en face ne sont pas ceux que l’on croyait. Ils sont les bannis, les honnis, les infréquentables — ces figures que l’histoire, parfois, choisit pour dire ce que les autres n’ont plus le courage d’articuler.

La société malade

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Procès de Luigi Mangione: l’Amérique est une société malade

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Le gauchiste Luigi Mangione, soupçonné d’avoir tué Brian Thomson, abattu au cœur de Manhattan il y a un an, a comparu hier lors d’une audience préliminaire. Il encourt une peine de réclusion à perpétuité.


Seul Dieu peut offrir une assurance contre la maladie.
Maurice Duplessis, ancien Premier ministre québécois.


Aux États-Unis, les compagnies d’assurance de santé privées ne gagnent pas un concours de popularité. On les accuse de pratiquer l’obstruction et le culte du seul profit.

C’est dans ce contexte que, le 4 décembre 2024, à Manhattan, Luigi Mangione est censé avoir abattu de sang-froid, dans une embuscade bien planifiée, Brian Thompson, PDG de la United Healthcare, le plus gros groupe d’assurance de santé privé aux Etats-Unis. Aux termes de la loi new-yorkaise, il fait face à neuf chefs d’accusation, dont l’assassinat.

(Les procureurs résistent mal à la tentation de ratisser large, mais a été écarté par le juge le ridicule chef d’accusation de « terrorisme »; c’est déjà ça de pris pour M. Mangione).

Passible de la perpétuité

Il est passible de l’emprisonnement à perpétuité, l’État de New York ayant aboli la peine de mort. Par ailleurs, il fait face à des accusations prévues par la loi fédérale pour les mêmes faits. Le président Trump, qui, naguère se vantait de pouvoir assassiner n’importe qui sur le 5e Avenue sans perdre un seul vote, réclame d’ores et déjà le châtiment suprême.

De prime abord, les faits semblent parler d’eux-mêmes de manière écrasante en faveur de la culpabilité.

Les séries policières américaines sont friandes du mythe du vice de forme (on ne compte plus les mandats de perquisition invalidés pour une virgule mal placée…). En l’espèce cependant, dans une affaire médiatique aussi retentissante, les procureurs devront aller « by the book » (en v.o.), (« selon la lettre du code de procédure » (en v.f.)).

A lire aussi: «Mère empoisonneuse» de Dax: ce témoignage qui ébranle l’accusation

A eu lieu hier 1er décembre une première comparution dans le cadre d’une audience préliminaire portant sur la (non) recevabilité d’éléments de preuve cruciaux. La défense demande l’exclusion des déclarations incriminantes de l’accusé lors de son arrestation puisque les policiers ne lui avaient pas communiqué son droit au silence (cf. la légendaire jurisprudence Miranda[1]). En outre, les agents saisirent alors son sac à dos et en retirèrent notamment des pièces à conviction censées le rattacher à l’homicide : un révolver (l’arme du crime?), un magasin chargé et un cahier contenant des observations manuscrites dénonçant les compagnies privées d’assurance de santé, mais… sans mandat de perquisition.

En matière pénale, la procédurite est toujours de bonne guerre, encore que M. Magione ne peut raisonnablement espérer ressortir de quelque tribunal que ce soit en faisant un doigt d’honneur. Au mieux, il peut rêver d’un répit sur les accusations les plus graves.

Semble étrange et critiquable la coexistence de procédures étatiques et fédérales pour les mêmes faits. D’emblée, il semble y avoir atteinte à la règle « non bis in idem », à savoir le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction. Lorsque viendra leur tour, les procureurs fédéraux seront tentés d’invoquer la jurisprudence Rodney King : en 1991, quatre policiers avaient été filmés pendant qu’ils tabassaient sauvagement M. King, mais ils furent acquittés par les jurés californiens. Cependant, deux d’entre eux furent ultérieurement condamnés par une juridiction fédérale au titre de la violation des droits civiques de M. King, les avocats de la défense ayant en vain invoqué ladite règle (« double jeopardy » en v.o.) puisque le moyen de droit fédéral était distinct. En l’espèce, on admettra volontiers que la cavale de M. Mangione hors de l’État du crime principal (l’arrestation eut lieu en Pennsylvanie) donne lieu à des infractions supplémentaires, distinctes, de nature fédérale, mais la compétence relative à l’homicide lui-même ne tombe pas sous le sens. Mais peu importe, les procureurs fédéraux sont bel et bien déterminés à avoir leur part du gâteau.

À suivre donc.  Pour l’instant aucun calendrier n’est fixé. L’audience préliminaire en cours devrait durer une semaine; seront entendus plusieurs témoins au sujet du déroulement de l’arrestation.

Sinistre justicier

Sur le plan social, aux yeux d’une certaine gauche, M. Mangione fait figure de Robin des Bois. On peut supposer qu’y appartiennent de nombreux donateurs qui ont généreusement versé leur obole à sa cagnotte de défense (est évoqué le chiffre de 1 million de dollars); c’est de bonne guerre (il serait également intéressant de savoir quelle est l’enveloppe budgétaire dont dispose(ront) le(s) ministère(s) public(s)).

Pour autant, les supporteurs de M. Mangione oublient que si le maître archer prônait et pratiquait une forme de redistribution des richesses au profit des démunis, au grand dam du shérif de Nottingham, il ne semblait pas avoir l’habitude de trucider sommairement les nantis.

A lire aussi: Royaume Uni: l’insécurité culturelle en VO

L’assurance santé, qui laisse en effet beaucoup à désirer aux Etats-Unis, est sans conteste un immense problème de justice sociale. Que l’on exprime son opposition à la peine de mort est légitime (même les tyrans condamnés pour crimes contre l’humanité ne sont plus exécutés); il en va de même si l’on insiste sur cette évidence que tout accusé, même (par exemple) filmé par 24 caméras de surveillance, a toujours droit à la présomption d’innocence et à une défense pleine et entière.

Mais cela ne justifie pas la violence qui est contreproductive, la potion qui tue le patient. Rappelons que M. Magione fut arrêté dans un McDo. La honte. Quand on veut jouer les chevaliers blancs combattant les entreprises qui font primer le profit sur la santé, on opte plutôt, par exemple, pour des campagnes pacifiques dénonçant les fastefoudes dont la tambouille vomissant le cholestérol constitue la plus grande menace à la santé publique jamais vue…

Faire de Luigi Mangione une star est de très mauvais goût. Un autre spectacle à grand déploiement vient de commencer. En vedette américaine, Luigi Mangione. On s’arrache les billets pour la salle d’audience. Il était temps, 30 ans après l’acquittement de OJ Simpson. « Only in America ».


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Miranda_v._Arizona

Réseaux sociaux et crépuscule de la presse officielle

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Le journaliste et polémiste Ivan Rioufol © Hannah Assouline

Labelliser les médias ? Le combat du fameux « cercle de la raison » contre les nouvelles libertés numériques est perdu d’avance, observe Ivan Rioufol. Les médias traditionnels et connivents avec les pouvoirs sont dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux, fake news) forcent les journalistes à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés.


La révolution numérique est une aubaine pour la démocratie en rade. Cette technologie, utilisée par 94% des ménages, rend vaines les tentatives désespérées d’Emmanuel Macronpour contrôler l’opinion populaire. Une mer qui monte ne s’arrête pas avec des interdits. L’obsession du chef de l’État visant à mettre sous surveillance les réseaux sociaux lui fait commettre des embardées liberticides. Elles dévoilent sa pente manichéenne et sectaire : un anachronisme alors que partout la parole se libère.

Dès son premier mandat, j’avais alerté sur ses initiatives qui, au prétexte de traquer des « fake news » et des « propos haineux », impliquaient le pouvoir politique dans la police de la pensée. Ses derniers projets pour installer une labellisation de l’information par des professionnels et pour prévoir des actions en référé contre des « désinformations », relèvent de cette incapacité du chef de l’Etat, en guerre contre le « populisme », à admettre les critiques non homologuées par l’incestueux système politico-médiatique. Lundi soir, l’Elysée a été jusqu’à publier une vidéo dénonçant des commentaires tenus sur CNews par Pascal Praud et Philippe de Villiers. Mais cette maladresse puérile d’un président esseulé ne fait qu’étaler les failles intimes du Narcisse blessé. « La vraie dictature est là, en Russie », a-t-il lancé ce même jour en recevant Volodimir Zelenski. Or, la macrocrature se rapproche des régimes totalitaires qu’elle sermonne en multipliant les obstacles et les intimidations à la libre expression, sur l’internet et l’audiovisuel, et en mobilisant la presse de cour, singulièrement les médias financés par l’Etat, pour décréter la vérité (pravda, en russe).

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En réalité la macronie laisse voir, dans son appétit pour les censures et les rappels à l’ordre de ses chiens de garde, les ultimes soubresauts d’un pouvoir ébranlé par le nouveau monde qui vient. Les oligarchies politiques et médiatiques sont vouées à disparaître sous la force irrépressible de la démocratie numérique. Elle fait de chaque individu l’acteur potentiel d’une démocratie décentralisée, localisée, horizontale, participative, informée, éduquée. Les médias traditionnels sont dès à présent dépassés par les informations que fournissent les réseaux sociaux en prise avec le réel. Ceux-ci, en dépit de défauts qui restent à corriger (anonymat, appels illégaux) forcent la profession à ouvrir les yeux sur des faits naguère occultés. Le quatrième pouvoir n’est plus dévolu à la presse connivente qui ne joue plus son rôle de contre-pouvoir. Ce dernier est représenté par l’indomptable internet, qui irrite tant Macron. Les succès des pétitions numériques, dernièrement contre l’immigration ou la loi Duplomb, forcent les politiques à penser ce nouveau monde en rupture avec les anciennes pratiques confisquées par les castes et leurs experts cooptés. 

« Tout devient soumis à consultation », admet Robin Rivaton, dans une note de décembre pour la Fondapol[1]. Dans cette conception novatrice de la politique, Macron symbolise le modèle déphasé. Ses combats contre les libertés sont honteux. Surtout, ils sont perdus d’avance.


[1] Contre la bureaucratie, la compétence du peuple, Fondation pour l’Innovation Politique

Quand le Ballet de l’Opéra apprivoise la modernité

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Marc Moreau, Dorothee Gilbert et Guillaume Diop, "O złożony, O composite" © Benoite Fanton / OnP

Qu’elles soient signées par Merce Cunningham, par Trisha Brown ou, dans un tout autre registre, par Pina Bausch, leurs œuvres, quand elles sont au programme du Ballet de l’Opéra de Paris, révèlent l’extraordinaire évolution de la compagnie.


Il y a quelques lustres à peine, il était quasiment impensable que les danseurs de l’Opéra de Paris puissent se plier à des esthétiques nouvelles, à autre chose que la danse classique. Ce n’était pas seulement un problème de technique et d’adaptation des corps à des formes de danse en absolue contradiction avec les canons du ballet romantique ou de la danse académique ou néo-académique. Mais plus encore sans doute un état d’esprit qui empêchait les ballerines et leurs partenaires masculins, à quelques rares exceptions près, d’adhérer à une philosophie, à des conceptions parfaitement étrangères à leur univers. Un univers d’excellence certes, mais borné et incapable alors de s’ouvrir à d’autres façons d’envisager le monde de l’art.  

Il faut avoir observé le mépris affiché par les danseurs devant les premiers ouvrages et les méthodes de travail de Carolyn Carlson, alors étoile-chorégraphe du temps de Rolf Liebermann ; avoir entendu de petites idiotes en tutu blanc ricaner à l’idée qu’on puisse interpréter Dominique Bagouet sur la scène de l’Opéra ; avoir vu des danseurs pousser des cris d’orfraie devant des pièces maîtresses de Pina Bausch ou avoir découvert Sylvie Guillem, dansant à Londres de sirupeux navets enrubannés, étaler son dédain face aux chefs-d’œuvre de Cunningham, pour mesurer le chemin désormais parcouru jusqu’à aujourd’hui. 

Des pionniers

On se souvient avec d’autant plus d’émerveillement de danseurs-étoiles comme Wilfride Piollet et Jean Guizerix qui furent alors de hardis pionniers lors de la création d’Un Jour ou deux de Cunningham commandé au Ballet de l’Opéra pour le Festival d’Automne de 1973. Ou encore de Laurent Hilaire, magnifique lors de la reprise du même ouvrage en 1985. Mais encore de figures comme Jean-Christophe Paré et ses camarades du Groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris (GRCOP) conduit par Jacques Garnier et voué à la création contemporaine. Il y en eut d’autres, à l’instar de la danseuse Miteki Kudo qui naguère se glissa avec un stupéfiant naturel dans l’esthétique « post modern » de Trisha Brown ou d’Olivia Granville quittant l’Opéra pour explorer des contrées inaccessibles au sein du ballet.

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Alors qu’il y a vingt ans à peine les anciennes générations de danseurs de l’Opéra demeuraient encore raides et empruntées dans le répertoire contemporain, on voit leurs successeurs d’aujourd’hui magnifiques (surtout les femmes) dans Kontakthof ou Blaubart de Pina Bausch. On les découvre désormais prêts à s’adapter, avec plus ou moins de bonheur, mais avec générosité le plus souvent, à toutes sortes d’écritures.

D’une saisissante beauté

C’est précisément le cas avec deux œuvres de la chorégraphe américaine Trisha Brown (1936-2017) qui est à nouveau à l’honneur à l’Opéra de Paris. Deux pièces remontées par d’anciens de ses interprètes, Carolyn Lucas, Todd Stone, Elena Demyanenko et Leah Morrison, dont le trio O Zlozony/O Composite (Ô compliqué, ô complexe), créé en 2004 pour les danseurs de l’Opéra sur un poème en polonais de Czeslaw Milosz et sur une partition (de facture inégale) de Laurie Anderson. Dans ce trio très élaboré qui se profile sur un ciel étoilé (décors de Vija Celmins et lumières de Jennifer Tipton) et dont les premières images sont d’une beauté saisissante, une étoile comme Dorothée Gilbert qui sait être, dans le registre romantique, une Giselle bouleversante, est également ici parfaite, encadrée de deux jeunes hommes à la tenue irréprochable, Marc Moreau et Guillaume Diop.

Conçu pour elle-même par Trisha Brown en 1994 avec la complicité de Robert Rauschenberg, If You Couldn’t See Me (Si tu ne pouvais pas me voir) est un parfait exemple de l’art de la chorégraphe, de cette incomparable alternance entre tension et relâchement, de cette souplesse féline qui la caractérisait. L’interprète, ainsi que le suggère le titre, n’est vue que de dos. Une gageure qui requiert d’ailleurs une puissance d’interprétation décuplée pour les quatre différentes danseuses qui vont assumer cette tâche au fil des représentations. Celle affrontant le rôle le soir de la première, Hannah O’Neill, est remarquable. Mais il lui manque encore quelque chose de cette distance, de cet abandon, de cette souplesse qui étaient la marque unique de Trisha Brown. Toutes choses qu’elle acquerra avec le temps, mais qui est si difficile de saisir quand on a été nourrie de technique académique. C’est justement ce que Miteki Kudo, citée plus haut, avait si miraculeusement capté.

Un aimable néant

Spectaculaire dans son dépouillement, le décor conçu avec un certain esprit Art Déco par le Néo-Zélandais John Otto l’a été pour la pièce de l’Anglais David Dawson, Anima Animus. Lui répondent énergiquement de remarquables costumes très architecturés, dessinés par la Japonaise Yumiko Takeshima. Un concerto pour violon du compositeur italien Ezio Bosso, mort dramatiquement en 2020, à l’âge de 48 ans, nimbe l’ensemble.

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Bondissant, tourbillonnant, virevoltant, tout en jambes tendues et en bras élevés vers le ciel, les dix danseurs du Ballet de l’Opéra sont brillants. Et c’est bien tout. D’un académisme militant, la chorégraphie est surtout d’un vide abyssal. Un inventaire de prouesses de classe de danse qui se reproduisent à satiété, pas du tout laides, mais parfaitement creuses et inutiles. C’est toutefois cette pièce qui a été le plus acclamée. On aurait espéré que c’était uniquement pour saluer la vaillance des danseurs. Eh bien non ! L’auteur de cet aimable néant a été lui aussi ovationné.

Anima Animus n’a pas l’excuse d’être une création. La pièce a vu le jour avec le Ballet de San Francisco en 2018, puis a été reprise en 2023 à la Scala de Milan qui est, dans le domaine de la danse, le repaire de l’académisme le plus ranci et le plus réactionnaire. Comment donc avoir eu l’idée de programmer ce pensum à Paris ? Cela prête à penser.

Et une impitoyable punition    

Caroline Osmont. A l’arriere plan Ida Viikinkoski et Clemence Gross, « Drift Wood » – Imre et Marne van Opstal © Benoite Fanton / OnP

Mais on n’a pas tout vu ! Exécutée par douze courageux interprètes dans une semi-obscurité qui n’arrange rien, Drift Wood (Bois flotté en bon français) porte bien évidemment, selon les critères établis, un titre en anglais. Comment avaler qu’un ouvrage créé par le Ballet de l’Opéra de Paris à l’Académie nationale (ci-devant impériale et royale) de Musique et de Danse, financé par elle et conçu dans la capitale, non par des auteurs anglo-saxons, mais par deux Néerlandais du Limbourg, porte obligatoirement et sans justification aucune un titre en anglais ? Comme si un titre français sur une scène française était une chose définitivement ringarde et déshonorante ! Mais le monde de la danse est souvent si bête, si vain et si moutonnier qu’intituler un ouvrage en anglais pour se donner un genre et une contenance est devenu depuis longtemps un automatisme irrépressible chez nombre de chorégraphes auto-proclamés.

40 minutes à endurer un truc indescriptible et crapoteux créé par Marne et Imre van Opstal. Un frère et une sœur presque jumeaux qui se sont donc mis à deux pour concevoir cette pièce informe et sans vrai caractère, d’un abominable ennui… Ils sont dotés de deux sœurs également artistes chorégraphiques. Et l’on frémit à la seule idée que ces quatre-là auraient pu tout aussi bien accumuler leurs énergies pour faire encore plus assommant.


Contrastes. Ballet de l’Opéra de Paris. Palais Garnier. Jusqu’au 31 décembre.

Causeur: Il était une foi en France

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© Causeur

Monseigneur Rougé, évêque de Nanterre, dialogue avec Éric Zemmour. Découvrez le sommaire de notre numéro de décembre


Le nouveau numéro est diponible aujourd’hui sur le kiosque numérique et demain mercredi 3/12 chez les marchands de journaux.

Le premier a dédié sa vie à Dieu, le second à la France. Monseigneur Matthieu Rougé et Éric Zemmour n’étaient pas faits pour se rencontrer. Mais l’évêque de Nanterre, en pointe dans le combat contre les réformes bioéthiques, enseigne aussi la théologie politique au collège des Bernardins. Et dans son dernier essai, le président de Reconquête ! appelle ses compatriotes à un « sursaut judéo-chrétien ». Dès lors, ces deux-là avaient beaucoup de choses à se dire. Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, qui ont recueilli les propos de ce dialogue, présentent notre dossier du mois, intitulé : « Sommes-nous judéo-chrétiens ? ». Le nouveau livre d’Éric Zemmour, La Messe n’est pas dite (Fayard) ne cherche pas à faire du catholicisme une religion d’État, mais prône un combat culturel pour rappeler que, en France, le christianisme « reste le socle d’une civilisation » qui « a laissé sa marque partout, dans les bâtiments, les paysages, les institutions, le Code civil ». Le président de Reconquête ! « souhaite juste qu’on apprenne aux enfants de France, quelle que soit leur origine réelle, d’où ils viennent et ce que signifient les tableaux qu’ils voient dans les musées, qu’on n’ait pas honte de célébrer Noël et Pâques ».

Pour la philosophe Chantal Delsol, l’héritage judéo-chrétien est une réalité dont il faut reconnaître les apports majeurs à l’humanité. Mais elle estime que les chrétiens, devenus minoritaires, ne sont plus les prescripteurs moraux de nos sociétés et qu’ils ne doivent pas chercher à le redevenir. Geoffroy Lejeune, dont les propos ont été recueillis par Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques, se qualifie lui-même de « catholique identitaire ». Le directeur de la rédaction du Journal du Dimanche plaide pour que les chrétiens français se recentrent sur le cœur du message évangélique et n’aient pas peur de proclamer leur foi. Sans remettre en cause la laïcité. Dans son Dictionnaire amoureux des juifs de France, Denis Olivennes retrace deux mille ans d’une histoire extraordinaire, ou comment les enfants d’Israël se sont retrouvés chez eux sous le ciel gaulois. Se confiant à Élisabeth Lévy, il salue la bienveillance de grands auteurs à l’égard des juifs et le rôle crucial des Lumières qui ont fait rimer émancipation et assimilation. De Renan à Charlie Kirk en passant par Orwell, les penseurs qui se sont référés à des valeurs « judéo-chrétiennes » sont légion dans l’histoire occidentale et singulièrement anglo-saxonne. Je montre que, contrairement à ce qu’affirme la doxa islamo-gauchiste, ce concept ancien n’a pas été forgé pour s’opposer aux musulmans. Pour Frédéric Magellan et Lucien Rabouille, le catholicisme a servi de caution à la monarchie avant d’être l’un des principaux vecteurs de sa contestation. Les Lumières ont hérité des passions, de la rhétorique, des structures mentales et du sens du tragique des dévots jansénistes. 1789 n’a pas aboli le sacré mais l’a remplacé.

Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente l’esclandre politico-médiatique déclenché par le discours que le chef d’état-major des armées a tenu devant le Congrès des Maires de France. Les paniquards qui ont réagi n’ont pas compris que le général Fabien Mandon ne parlait pas de tous les enfants des Français, mais « de militaires professionnels qui acceptent par contrat une mission pouvant les mener jusqu’au « sacrifice ultime » ». Plus grave encore, toute idée que la défense de la patrie puisse entraîner des sacrifices est désormais inadmissible car « les générations gâtées que nous sommes n’ont connu que la paix sur leur sol, si bien que nous pensons qu’elle est la norme et surtout qu’elle est un dû »

La libération de Boualem Sansal aurait dû être célébrée par toute la classe politique. Mais pour Amine El-Khatmi, elle laisse un goût amer : celui d’un pays qui ne sait plus défendre un écrivain persécuté par une dictature et qui, perdu dans ses renoncements, confond la prudence et la lâcheté. Le halal ne se cantonne plus aux étals des rayons alimentaires. L’enquête menée par Estelle Farjot et Léonie Trebor montre que le marché des vêtements et des produits cosmétiques conformes aux prescriptions de l’islam est en plein essor. Et tout le monde, des sites made in China aux maisons de haute couture européennes, veut sa part du gâteau. Giorgia Meloni est à la tête du gouvernement italien depuis trois ans. Selon les analyses de Gil Mihaely, ses succès ne reposent pas uniquement sur les lois votées ni les réformes engagées mais sur une stratégie européenne de longue haleine qui lui confère aujourd’hui prestige et sympathie sur la scène internationale. Stéphane Germain interroge la novlangue de notre époque. Des mots comme « vivre-ensemble », « faire société », « inclusion » ou « résilience », devenus courants dans le vocabulaire quotidien, constituent une barrière mentale qui interdit de penser le monde autrement qu’à la lumière du progressisme.

Parmi nos chroniqueurs, Olivier Dartigolles se demande pourquoi, face aux problèmes du narcobanditisme, l’État n’a pas fait pour la consommation de drogue ce qu’il fait pour la sécurité routière, l’alcool et le tabac. À défaut d’une grande politique de santé publique, on ne nous sert que de la com’. Ivan Rioufol salue la fin de l’hégémonie des progressistes et des globalistes dans le domaine de l’info. Plus les médias alternatifs sont hués par le pouvoir, plus ces indésirables s’imposent comme l’authentique quatrième pouvoir. L’internet déverrouille la démocratie. La gauche cloueuse de bec a perdu. Emmanuelle Ménard nous parle des préparatifs de Noël à Béziers, où les chalets, les illuminations et la fontaine musicale de Noël ont été inaugurés dans la bonne humeur. En attendant la crèche, bien sûr ! Jean-Jacques Netter commente le suicide économique de la France sous la gestion de Sébastien Lecornu et Yaël Braun-Pivet, tandis que Gilles-William Goldnadel réagit aux plaintes qui viennent d’être déposées par les groupes France Télévisions et Radio France auprès du tribunal des affaires économiques contre CNews, Europe 1 et le JDD pour « dénigrement ».

Côté culture, Bérénice Levet ouvre le bal en interrogeant Stéphane Guégan sur un des plus grands artistes du XXe siècle. Dans son dernier livre, Matisse sans frontières, l’historien et critique d’art rétablit quelques vérités sur un peintre dont l’œuvre a été instrumentalisée par l’histoire de l’art. Réduire ce génie français au « bonheur de vivre », au « décoratif » et le considérer comme un précurseur de l’art abstrait américain est une erreur. Félix Vallotton est mort il y a cent ans. Le peintre a fait carrière dans le Paris des années 1880-1900, alors capitale de la bourgeoise, des conflits sociaux, des attentats anarchistes et de l’essor de la presse. Pour Georgia Ray, la rétrospective que lui offre Lausanne, sa ville natale, révèle un artiste engagé, héritier des maîtres anciens et audacieux coloriste. Jonathan Siksou a visité « L’Empire du sommeil » au musée Marmottan Monet. Cette exposition, en réunissant des œuvres de l’Antiquité à nos jours, brosse le portrait psychologique de l’humanité occidentale : ses amours, ses textes saints, sa mythologie, ses désirs érotiques, ses ivresses et ses paradis artificiels. Le centre Pompidou ferme ses portes pour au moins cinq ans de travaux. Pierre Lamalattie nous explique que cet énième chantier s’annonce pharaonique tant le bâtiment de Renzo Piano vieillit mal. Derrière ses façades de verre et d’acier se cache une institution mal gérée, boudée par les visiteurs et dont le bilan culturel est discutable.

Parlez-vous le Goldnadel ? Compagnon de route de Causeur, le président d’Avocats sans frontières a du fond mais aussi de la forme. Dans son nouvel essai, Vol au-dessus d’un nid de cocus (Fayard) où il attaque la gauche dévoyée par le racialisme et l’islamisme, il multiplie les formules spirituelles et les fulgurances comiques. Jean-Baptiste Roques nous a préparé un petit florilège des plus fameuses. Julien San Frax a lu la sacrée sommequ’est la Nouvelle histoire de France. Sous la direction d’Éric Anceau, une centaine de contributeurs explorent tous les domaines, toutes les notions qui illustrent la singularité de notre histoire commune. Une brillante riposte à la vision « mondialisée » de Patrick Boucheron. Notre collaborateur et ami François Kasbi signe avec Mes chéries une déclaration d’amour aux femmes écrivains et à la littérature. Pour Alexandra Lemasson, c’est un ouvrage passionné et érudit qui donne forcément envie de lire. Philippe Lacoche a lu – et écouté – l’essai-anthologie et le CD consacrés aux relations étroites entre les musiques caribéennes et américaines par Bruno Blum, ex-journaliste, écrivain, musicien et producteur. C’est rythmé ! Enfin, Jean Chauvet passe en revue trois nouveaux films français. Sa conclusion ? N’en déplaise à ses détracteurs, le cinéma d’auteur français n’est pas à la dérive. Il est tout simplement éclectique et offre par conséquent le pire comme le meilleur. À la différence de Causeur, bien sûr, qui n’offre que le meilleur…

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Le goal s’est fait gauler

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DR.

Lucas Chevalier, gardien du PSG et international français, a fait l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux et dans la presse sportive après avoir mis un « j’aime » sous une publication de Julien Aubert annonçant son vote pour le RN contre le NFP. Retour sur le déroulé précis du drame.


C’est l’histoire d’un chevalier pas bayard mais trouillard, qui a peur de certains reproches, Lucas Chevalier, le goal du PSG, et nouveau membre de l’équipe de France. Se promenant sur le réseau social Instagram, il est tombé en arrêt sur une vidéo, une interview de Julien Aubert, vice-président des Républicains, qui disait tout le bien qu’il pensait du RN, estimant naturel de faire alliance avec Marine Le Pen et Bardella pour mette la gauche hors-jeu. Et notre Chevalier a « liké », comprenez qu’il a posté un petit cœur pour marquer son soutien. Immédiatement les djihadistes du Net lui sont tombés dessus, le traitant de « sale blanc », de « raciste de m… », de « fils de p », bref le lexique habituel des insoumis de la syntaxe.

A lire aussi, du même auteur: Mbappé: entre primes et déprime

Que fit alors notre Chevalier ainsi désarçonné ? Le gardien n’est pas sorti les poings en avant pour boxer ses détracteurs, il s’est couché, déballonné. Il a expliqué qu’il avait liké par erreur, commis en quelque sorte une faute de main… inquiétant pour un gardien de but dont le métier est d’avoir la main ferme. Et, s’étant à l’évidence fait taper sur les doigts par les dirigeants du PSG, il s’est excusé, expliquant qu’il était une personne à qui « les parents avaient inculqué des valeurs lui interdisant de penser ces “choses-là” », c’est-à-dire que le RN était un parti respectable. Les millions de footeux qui votent à droite apprécieront la sortie du gardien…

Pourquoi notre Chevalier blanc est-il soudain devenu bleu de trouille ? Peut-être a-t-il eu peur que l’émir du Qatar, proprio du PSG, voie en lui un croisé qu’il faut rayer des cadres, ou encore d’être blackboulé en équipe de France, où le meneur de jeu, sur le terrain et dans les vestiaires, est un certain Kylian Mbappé, qui lors des législatives de 2024 avait donné ses consignes de vote – « Je suis contre les extrêmes, les idées qui divisent » –, invitant in fine les « jeunes » à voter contre le RN.

Une liste de juifs? Tout à fait Théry!

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Le professeur d'histoire Julien Théry. DR.

Antisionisme. Le professeur d’histoire et journaliste sur la webtélé islamo-gauchiste Le Média Julien Théry se considère comme un simple progressiste radical et un défenseur de la cause palestinienne. Il n’en reste pas moins qu’il établit des listes rappelant des pratiques de l’époque de l’Occupation. « C’est profondément scandaleux (…) J’apporte mon soutien aux personnes qui ont été visées » a déclaré devant les sénateurs le ministre de l’Éducation nationale. Le professeur demeure en poste à l’université.


Il y a dans certains gestes une vieille odeur de nuit. Un exemple parmi d’autres: un enseignant-chercheur de Lyon 2 spécialiste du Moyen Âge (son nom importe peu) a cru bon de publier sur son compte Facebook une liste de vingt personnalités – Arthur, Charlotte Gainsbourg, Joann Sfar ou Philippe Torreton  – qualifiées de « génocidaires à boycotter » pour avoir demandé la libération des otages et le démantèlement du Hamas avant toute reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien. Naturellement, les noms juifs y abondent. Qu’on en soit revenu à cela devrait suffire à glacer le sang.

La délation: un procédé moyenâgeux

On invoquera la liberté d’expression, ce paravent derrière lequel se dissimule si souvent le droit à la bêtise. Mais la liberté d’expression n’a jamais autorisé qu’on livre des individus à la vindicte ni qu’on transforme une réprobation politique en mise au pilori de personnes réelles, avec une cible collée dans le dos. Dresser une liste, aujourd’hui, équivaut à dénoncer, exclure, mettre des gens en danger. Il n’y a qu’un Mélenchon, toujours prompt à tweeter une provocation, pour feindre de ne pas le voir, ainsi que tous ceux qui confondent délibérément soutien à la Palestine et soutien au Hamas, parmi lesquels les inévitables Insoumis.  

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On croyait ces réflexes de délation relégués aux zones grises de notre histoire : proscriptions, affichages infamants, noms blacklistés. La Libération n’a manifestement pas vacciné ce pays contre ce type d’abjection. Contester une pétition est le droit de chacun. Mais qu’un historien fasse une liste de personnes à « boycotter » en les assignant à une identité supposée et en les accusant de crimes imaginaires, quitte à faire planer sur elles une menace physique, relève d’un autre registre. Combattre une idée n’exige pas qu’on joue avec la peur comme on joue avec des mots.

La Licra consternée

Le plus consternant est que cette infamie soit le fait d’un universitaire, profession censée instruire au discernement, apaiser les passions, élever la pensée et défendre la nuance. À la place, on a un tribunal de fortune, un procès fantasmé, et ce geste impardonnable : trier des noms. La trahison des clercs, derechef… Critiquer Netanyahou appartient au débat démocratique. Accuser collectivement les amis d’Israël d’un « génocide », c’est renouer avec une tradition européenne multiséculaire : l’accusation délirante, du meurtre rituel aux Protocoles des Sages de Sion. Sous le masque gratifiant de l’antisionisme, c’est la forme la plus chimiquement pure de l’antisémitisme moderne.

A lire aussi, Charles Rojzman: Une jeunesse musulmane orpheline de pères et assoiffée d’autorité

La Licra, notamment, ne s’y est pas trompée, qui a soulevé le lièvre et déposé plainte. La liberté d’expression n’est pas faite pour protéger les émules islamo-gauchistes de Gringoire ou de Je suis partout qui pullulent aujourd’hui dans certains milieux universitaires et artistiques. Elle protège ceux que d’aucuns voudraient, drapés dans leur bonne conscience, livrer aux flammes.

Il serait peut-être temps de s’en souvenir. Avant qu’il ne soit, une fois de plus, trop tard.

Général, nous voilà !

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Paris, 18 novembre 2025 © Franck Derouda/SIPA

Menace russe. Après le discours du Chef d’état-major des armées Mandon devant les maires de France, on a vu un pays qui préférait s’indigner que se préparer


Le mot « enfant » empêche de penser. Mais en l’accolant au mot « guerre », le chef d’état-major des armées a déclenché une belle chorale de paniquards, pleurnichards et capitulards[1]. Au cœur d’un discours charpenté sur la menace russe et la nécessité de « dissuader Vladimir Poutine d’aller plus loin » (plus loin que l’Ukraine), donc de nous réarmer, le général Fabien Mandon a évoqué les jeunes gens appelés à se battre pour la France : « Ils tiendront dans leur mission s’ils sentent que le pays tient avec eux. Si notre pays flanche, parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, de souffrir économiquement, alors on est en risque. » Le braillomètre a chauffé à hauteur de la transgression. « On ne veut pas mourir pour Kiev ! », « Nos enfants ne sont pas de la chair à canon ! », « Du fric pour les retraites, pas pour les mitraillettes ! » (celle-là, je l’invente).

Si ça se trouve, je n’ai pas de cœur parce que je n’ai pas d’enfant. Je jure que je veux du bien à ceux des autres – faut quand même qu’ils la payent, ma fichue retraite. En tout cas, cette infirmité sentimentale m’a permis d’entendre les véritables propos du général Mandon. Calmez-vous, il ne parle pas de vos gosses ni de ceux de Madame Michu, mais de militaires professionnels qui acceptent par contrat une mission pouvant les mener jusqu’au « sacrifice ultime » et pourraient donc, selon Mandon, être amenés à intervenir aux frontières de l’OTAN (à laquelle sauf erreur nous appartenons toujours et qu’il est question d’européaniser). Notez que les 57 morts pour la France en OPEX au Mali et ailleurs n’étaient pas les enfants de personne. Aucun de leur père n’a déclaré face caméra que son fils n’aurait jamais dû mourir dans une guerre lointaine – et perdue depuis.

Juste avant de lâcher le fatal « enfant », le CEMA s’était demandé si nous avions « la force d’âme de nous faire mal pour protéger ce que l’on est ». Il a eu sa réponse. Évidemment qu’on est prêts, si on admet que ce qu’on est se définit par ce qu’on a. Pour défendre le modèle social que le monde nous envie et dont on répète qu’il est notre ADN, alors oui, on est prêts à souffrir, et surtout à faire souffrir le voisin, le commerçant du coin ou le policier en service. Au pays de l’État-Roi, chacun est encouragé à se demander obsessionnellement ce que son pays doit faire pour lui. L’État, c’est moi, sauf pour payer : là, c’est les autres.

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Qu’on ne veuille pas mourir pour Kiev parce que nos intérêts nationaux n’y sont pas engagés, c’est légitime même s’il n’y a pas de quoi être particulièrement fier. Ça tombe bien, le général Mandon n’en demande pas tant. Il n’a fait que développer le vieil adage : si tu veux la paix prépare la guerre. Pas de quoi détaler en criant maman ! La France a perdu plusieurs guerres, pas parce que ses soldats manquaient de bravoure, mais parce qu’elle n’était pas prête. Ça fait réfléchir. Ça devrait.

On peut évidemment, comme d’excellents esprits de ma connaissance, tels que Pierre Lellouche ou Vincent Hervouët, s’émouvoir qu’un militaire soit autorisé à présenter une stratégie politique. On peut contester son appréciation de la menace russe, trouver qu’on n’y répondra pas en affolant les populations et en montrant des muscles qu’on n’a pas (et qu’on n’est pas prêt d’avoir si on hurle à la mort à chaque fois qu’on propose de couper une dépense sociale). On peut estimer qu’on a encouragé l’Ukraine à mener une guerre qui lui a coûté des dizaines de milliers de vies humaines et, à nous, des dizaines de milliards, pour qu’elle finisse par la perdre (encore que Poutine n’a pas réussi à installer à Kiev un pouvoir à sa botte). Peut-être que s’ils avaient connu l’issue, les Ukrainiens auraient tout de même choisi de mener une guerre perdue plutôt que de léguer à leurs enfants l’histoire d’un peuple qui s’est rendu sans combattre. Allez savoir.

Il est possible que le général Mandon se trompe sur Poutine. Et peut-être que ce sont ses contradicteurs qui se fourrent le doigt dans l’œil. Alors que l’Oncle Sam finira par nous laisser nous débrouiller, on s’attendait à ce que tous les patriotes s’accordent sur la nécessité de faire des sacrifices pour notre défense. Au risque de me répéter, on ne déclenche pas les guerres en s’armant, mais en se désarmant. Surtout quand toutes les puissances se remilitarisent. D’innombrables experts et souverainistes professionnels ont pourtant expliqué à la chaîne que le général Mandon disait n’importe quoi, ou pire encore, comme l’impayable et inoxydable Ségolène Royal, qu’il était en service commandé pour permettre au président de déclencher une guerre contre la Russie et rester à l’Élysée. Ils auraient pu jurer qu’ils étaient prêts à se sacrifier pour la France quand elle serait menacée par des ennemis plus crédibles à leurs yeux que Poutine. Derrière ce festival de protestations dont il ressort que nos intérêts nationaux s’arrêtent aux frontières de l’Hexagone et aux sacro-saintes « préoccupations quotidiennes des Français », on entend que rien ne vaut qu’on sacrifie sa vie et son pouvoir d’achat. On ne sait si le spectacle de patriotes invoquant les mânes du gaullisme pour justifier leur renoncement à la force est comique ou désespérant. Les générations gâtées que nous sommes n’ont connu que la paix sur leur sol, si bien que nous pensons qu’elle est la norme et surtout qu’elle est un dû. « La guerre est toujours la plus mauvaise des solutions », affirmait Chirac. Traduction en bon français : même la soumission est préférable.

Il est possible que j’exagère parce que je rentre d’Israël, où la majorité des citoyens, en dépit de leurs différences radicales, acceptent que leurs enfants meurent pour le pays. N’empêche, quand on n’a aucune raison de mourir, c’est peut-être qu’on n’a pas beaucoup de raisons de vivre.


[1] Ne vous énervez pas, je ne mets pas dans ce vilain sac tous ceux qui ont critiqué le discours.

Cinéma: le retour d’Abdellatif Kechiche

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© Pathé

Malgré les obstacles ayant failli mettre fin à la carrière du singulier cinéaste, la sortie de Mektoub, My Love: canto due demain marque un retour réjouissant de son cinéma vibrant, sensuel et sensible.


On n’y croyait plus. On pensait que les diverses accusations portées contre le cinéaste Abdellatif Kechiche (La Graine et le Mulet, La Vie d’Adèle…) avaient définitivement eu raison de lui et de son cinéma. Il était devenu l’une des bêtes noires des ultra-féministes du milieu artistique, devant répondre aussi bien de son attitude sur les plateaux de tournage que du prétendu sexisme de ses films. Jusqu’à provoquer d’ailleurs chez lui un AVC aux lourdes séquelles. On se réjouit d’autant plus d’assister à la sortie de son nouvel opus, Mektoub, My Love: canto due, deuxième volet d’une trilogie sur la jeunesse, qu’un formidable intermède entre les deux premiers films (intitulé comme il se doit Intermezzo) était passé à la trappe, pour d’obscures raisons musicales et une véritable censure artistique. Ne boudons pas notre plaisir de retrouver l’allant et l’énergie du cinéma de Kechiche toujours prompt à filmer les âmes, les corps et les cœurs de personnages à la fois singuliers et familiers.

2h 14m


De mal en Pisa

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© ISA HARSIN/SIPA

Attention: sujet ultra-sensible! Si elle n’est pas la cause unique des difficultés de notre école (et il serait évidemment injuste d’accabler les personnes), l’immigration massive les exacerbe toutes, pointe un rapport de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie[1]. Le regard libre d’Elisabeth Lévy


L’immigration tire-t-elle le niveau scolaire vers le bas ? C’est ce que savent tous les parents, y compris immigrés, qui ont mis en place des stratégies d’évitement des établissements où la proportion d’étrangers et d’enfants d’étrangers est la plus importante. C’est ce que savent ces mères maghrébines de Montpellier qui demandaient des « Pierre » et des « Paul » dans les classes de leurs enfants. C’est ce que savait la rectrice de l’académie d’Orléans, Marie Reynié, qui en 2011 imputait les mauvais résultats de son académie au grand nombre d’élèves étrangers et qui a été insultée pour cela. C’est que ce sait ce fonctionnaire de l’Éducation nationale qui dit à Joachim Le Floch-Imad, auteur de Main basse sur l’Éducation nationale (Le Cerf, 2025) : « Sans l’immigration on serait au niveau de Singapour ou Taïwan. »C’est ce que savent tous les Français qui, conformément à l’injonction de Péguy « voient ce qu’ils voient ».

D’accord, mais tout cela n’est pas très scientifique, me réplique-t-on depuis longtemps sur ce sujet. Mais justement, l’expérience sensible est aujourd’hui confirmée par la note de Joachim Le Floch-Imad pour l’Observatoire de l’Immigration et de la Démographie de Nicolas Pouvreau-Monti.

Quelques données :

D’abord, depuis 2000, le nombre annuel des naissances d’enfants de deux parents immigrés a augmenté de 73% dans notre pays ;

Un élève de CM1 sur cinq ne parle pas français à la maison ;

Si l’on dénombrait 35000 primo-arrivants allophones en 2007, ils sont près de 90 000 en 2025 ;

A lire aussi, Joachim Le Floch-Imad et Philippe Nemo: Clash de niveau

Si on enlève les enfants de l’immigration, la France obtient 11 points de plus au PISA, nous dit cette note.

Ce à quoi il faut ajouter les atteintes à la laïcité, le refus de certains enseignements, l’antisémitisme importé etc. Résultat: 8% des profs français seulement se disent formés à cet environnement multiculturel.

Pour résumer, l’immigration exacerbe toutes les difficultés de l’École. Ce n’est évidemment pas la faute des enfants d’immigrés, agents d’un phénomène qui leur échappe. C’est la faute des immigrationnistes. On laisse entrer des centaines de milliers d’étrangers dont on ne sait pas intégrer et éduquer les enfants. C’est un crime contre la France, l’École et contre ces enfants à qui on fait des fausses promesses. Il parait que c’est raciste de voir et de dire cela. Le réel est raciste ! Pour paraphraser Brecht, changez le réel !

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Pour finir, un mot sur le fameux « ministère de la Vérité » version Macron. Cette idée délirante et contreproductive ne verra pas le jour. Mais, l’absence frappante de réactions des journalistes donne une triste idée de l’attachement de cette corporation à la liberté.

Je ne peux pas y croire. Et si jamais on persistait dans l’erreur, j’appelle mes confrères à se battre pour ce que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen définit comme un des droits les plus précieux de l’homme : la liberté d’expression.  


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Sud Radio


[1] https://observatoire-immigration.fr/limpact-de-limmigration-sur-le-systeme-educatif-francais/

Mon coming-out nationaliste!

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Jordan Bardella au siège du RN à Paris, le 25 avril 2025 © Chang Martin/SIPA

Dans notre grand bazar idéologique actuel où les concepts «tournent dans l’air vicié comme des feuilles mortes», Charles Rojzman explique que la nation, jadis considérée comme ringarde voire dangereuse, est devenue le dernier parapluie avant l’averse générale. Pendant que tout le monde se chamaille pour définir le réel, ceux qu’on croyait infréquentables deviennent soudain les seuls à oser regarder sous le tapis. Les nationalismes du XXIᵉ siècle ne sont plus les nationalismes «des uniformes impeccables, des parades martiales et des hymnes hurlés sous les drapeaux», observe-t-il.


Succès d’édition des livres de Zemmour, de Villiers, Bardella. Pourquoi ? Il est des moments où les mots se défont, où les concepts s’effondrent comme des cathédrales rongées de sel, et où ceux qui s’y abritaient se retrouvent nus sous la pluie d’un monde qu’ils ne comprennent plus. Nous habitons l’un de ces instants de renversement, de ce basculement silencieux où l’histoire change de sens sans daigner prévenir ceux qui croyaient encore la diriger. Les vieilles catégories — fascisme, nationalisme, antiracisme, universalisme — persistent à tourner dans l’air vicié comme des feuilles mortes, mais elles ne nomment plus rien. Elles ne sont que les reliques d’un siècle qui se croyait tragique et qui ne fut peut-être qu’un prélude.

Illumination tardive ?

Ce qui fut hier honni comme l’instrument de la violence collective — la nation — apparaît désormais, paradoxe insupportable pour les consciences progressistes, comme le dernier rempart contre une dissolution généralisée. Non pas parce qu’elle serait bonne par essence — rien de ce qui est humain ne l’est — mais parce qu’elle est la seule forme encore capable de dire « nous » dans un monde qui ne veut plus que des « eux ». Un monde où l’on ne reconnaît plus que des consommateurs, des croyants ou des victimes. Un monde où l’on rêve d’un homme interchangeable, sans mémoire, sans sol, sans héritage — un homme réduit à ses fonctions biologiques et économiques, un appareil respiratoire connecté à un marché et à une morale.

Ce texte ne procède pas d’une illumination tardive, ni d’un quelconque alignement partisan. Il vient du réel, de ce que l’on voit quand on accepte de regarder l’homme sans les filtres moraux dont nos sociétés se sont recouvertes comme d’un linceul parfumé. Il vient d’une expérience de chair et de voix, commencée il y a quarante ans, parmi les cités, les commissariats, les foyers, les salles communautaires où la haine circule comme un sang impur. Là où la gauche morale se détourne. Là où les discours se taisent et où ne subsistent que la peur, l’humiliation, la violence — ce que l’on ne veut pas entendre parce que cela contredit le récit rédempteur d’un Occident coupable et d’un Autre immaculé. J’ai appris là que le réel est obscène pour ceux qui vivent dans l’abstraction, et que l’imperfection humaine est désormais tenue pour un scandale. Pourtant, c’est d’elle que nous sommes faits, et c’est en elle que réside la seule vérité possible.

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Il faut d’abord prendre la mesure du renversement historique que nous vivons, et que notre vocabulaire politique peine encore à nommer. Car le nationalisme du XXIᵉ siècle n’est plus celui des uniformes impeccables, des parades martiales et des hymnes hurlés sous les drapeaux. Il n’est plus cet élan conquérant, saturé d’orgueil collectif et de certitude raciale, qui rêvait d’étendre son empire comme on étend un blason sur la peau d’un peuple soumis. Cette figure appartient à l’histoire tragique de l’Europe — et l’Europe, qui n’a plus la force de ses tragédies, la regarde désormais avec l’effroi d’un vieillard se souvenant de ses crimes.

Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est presque l’inverse : la nation, longtemps tenue pour l’outil du totalitarisme, devient l’abri fragile contre trois forces qui, chacune à sa manière, veulent abolir les frontières, les appartenances, les différences concrètes qui donnent une forme aux hommes. La globalisation, cet anesthésiant universel ; l’islamisme, cette théologie guerrière qui rêve d’un califat sur les ruines des États ; et la gauche révolutionnaire, qui n’a jamais cessé de vouloir réduire l’humanité au schéma puéril des dominants et des dominés.

Toutes trois aspirent à une uniformité meurtrière. La globalisation ne veut plus de citoyens, mais des consommateurs sans attaches, dociles, solvables, loyaux non à un pays mais à un marché. L’islamisme ne reconnaît que les croyants de l’umma, communauté fantasmée qui prétend effacer les cultures, les langues, les histoires pour ne laisser subsister que la soumission. Quant à la gauche révolutionnaire, elle rêve d’un prolétaire mondial, purifié de toute appartenance, réduit à sa fonction de victime.

Pas de démocratie sans nations

Ces dynamiques convergent vers une même fin : dissoudre la nation, dernier espace où peut encore se déployer une démocratie réelle, fondée sur la confrontation entre égaux. Là où, hier, la famille et la patrie étaient brandies comme les symboles du fascisme, elles deviennent aujourd’hui — paradoxe somptueux — les lieux où s’abritent encore la continuité, la transmission, la responsabilité.

Ce renversement, je ne l’ai pas seulement pensé : je l’ai vécu. Dans les années 1980, lorsque, travaillant sur les dispositifs de lutte contre le racisme, j’ai voulu écouter les hommes non pas à travers les sermons moralisateurs, mais à partir de ce qu’ils portaient en eux : peur, rancœur, violence, humiliation. Je croyais entrer dans le domaine de la générosité universelle ; je suis tombé dans la géologie du ressentiment.

J’ai découvert ce que personne ne voulait voir : il n’existait pas un racisme, mais des racismes. Non pas un oppresseur et des victimes, mais une mosaïque de haines, de rejets, de mépris croisés. Non pas une morale, mais un champ de bataille.

Tout cela m’a arraché à la morale de gauche dans laquelle baignait notre culture politique, cette morale saturée de culpabilité postcoloniale, persuadée que la violence est toujours le fait du même camp. Nous vivons désormais sous un totalitarisme doux, sucré, écologique, compassionnel, qui rêve d’une société sans conflit — donc sans réalité.

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Car vouloir supprimer l’imperfection humaine, c’est vouloir supprimer l’homme.

Et voici le scandale : aujourd’hui, ce que l’on nomme « l’extrême droite » est souvent la seule force qui accepte de nommer le réel. Elle dit ce que les autres taisent. Elle regarde là où les autres détournent le regard. Non par vertu, mais par fidélité au monde tel qu’il est.

Danger il y a, bien sûr : car celui qui nomme le réel peut être tenté d’en devenir le propriétaire, le prophète, le maître. L’Europe sait où mènent ces tentations : à la réduction du conflit à l’essentialisme, à la transformation de la nation en idole et du peuple en matière sacrificielle.

Le véritable enjeu n’est donc pas de savoir qui a raison, mais de restaurer un cadre où le réel peut être dit sans être immédiatement sanctifié ou excommunié. La nation demeure ce cadre : non comme essence, mais comme forme politique, comme possibilité d’un « nous » qui ne soit pas un cri de haine ou un soupir de victime.

Le courage du XXIᵉ siècle sera de maintenir ce lieu fragile où le réel peut être affronté sans être écrasé. Non pas rêver d’un monde parfait — mensonge utopique — ni sacraliser une identité close — nostalgie mortifère — mais tenir, simplement tenir, dans cet entre-deux où l’homme continue d’exister.

Et pour l’instant, il faut le reconnaître : ceux qui acceptent de regarder ce réel en face ne sont pas ceux que l’on croyait. Ils sont les bannis, les honnis, les infréquentables — ces figures que l’histoire, parfois, choisit pour dire ce que les autres n’ont plus le courage d’articuler.

La société malade

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Procès de Luigi Mangione: l’Amérique est une société malade

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Luigi Mangione (à droite) au tribunal à New York, hier © Yuki Iwamura/AP/SIPA

Le gauchiste Luigi Mangione, soupçonné d’avoir tué Brian Thomson, abattu au cœur de Manhattan il y a un an, a comparu hier lors d’une audience préliminaire. Il encourt une peine de réclusion à perpétuité.


Seul Dieu peut offrir une assurance contre la maladie.
Maurice Duplessis, ancien Premier ministre québécois.


Aux États-Unis, les compagnies d’assurance de santé privées ne gagnent pas un concours de popularité. On les accuse de pratiquer l’obstruction et le culte du seul profit.

C’est dans ce contexte que, le 4 décembre 2024, à Manhattan, Luigi Mangione est censé avoir abattu de sang-froid, dans une embuscade bien planifiée, Brian Thompson, PDG de la United Healthcare, le plus gros groupe d’assurance de santé privé aux Etats-Unis. Aux termes de la loi new-yorkaise, il fait face à neuf chefs d’accusation, dont l’assassinat.

(Les procureurs résistent mal à la tentation de ratisser large, mais a été écarté par le juge le ridicule chef d’accusation de « terrorisme »; c’est déjà ça de pris pour M. Mangione).

Passible de la perpétuité

Il est passible de l’emprisonnement à perpétuité, l’État de New York ayant aboli la peine de mort. Par ailleurs, il fait face à des accusations prévues par la loi fédérale pour les mêmes faits. Le président Trump, qui, naguère se vantait de pouvoir assassiner n’importe qui sur le 5e Avenue sans perdre un seul vote, réclame d’ores et déjà le châtiment suprême.

De prime abord, les faits semblent parler d’eux-mêmes de manière écrasante en faveur de la culpabilité.

Les séries policières américaines sont friandes du mythe du vice de forme (on ne compte plus les mandats de perquisition invalidés pour une virgule mal placée…). En l’espèce cependant, dans une affaire médiatique aussi retentissante, les procureurs devront aller « by the book » (en v.o.), (« selon la lettre du code de procédure » (en v.f.)).

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A eu lieu hier 1er décembre une première comparution dans le cadre d’une audience préliminaire portant sur la (non) recevabilité d’éléments de preuve cruciaux. La défense demande l’exclusion des déclarations incriminantes de l’accusé lors de son arrestation puisque les policiers ne lui avaient pas communiqué son droit au silence (cf. la légendaire jurisprudence Miranda[1]). En outre, les agents saisirent alors son sac à dos et en retirèrent notamment des pièces à conviction censées le rattacher à l’homicide : un révolver (l’arme du crime?), un magasin chargé et un cahier contenant des observations manuscrites dénonçant les compagnies privées d’assurance de santé, mais… sans mandat de perquisition.

En matière pénale, la procédurite est toujours de bonne guerre, encore que M. Magione ne peut raisonnablement espérer ressortir de quelque tribunal que ce soit en faisant un doigt d’honneur. Au mieux, il peut rêver d’un répit sur les accusations les plus graves.

Semble étrange et critiquable la coexistence de procédures étatiques et fédérales pour les mêmes faits. D’emblée, il semble y avoir atteinte à la règle « non bis in idem », à savoir le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction. Lorsque viendra leur tour, les procureurs fédéraux seront tentés d’invoquer la jurisprudence Rodney King : en 1991, quatre policiers avaient été filmés pendant qu’ils tabassaient sauvagement M. King, mais ils furent acquittés par les jurés californiens. Cependant, deux d’entre eux furent ultérieurement condamnés par une juridiction fédérale au titre de la violation des droits civiques de M. King, les avocats de la défense ayant en vain invoqué ladite règle (« double jeopardy » en v.o.) puisque le moyen de droit fédéral était distinct. En l’espèce, on admettra volontiers que la cavale de M. Mangione hors de l’État du crime principal (l’arrestation eut lieu en Pennsylvanie) donne lieu à des infractions supplémentaires, distinctes, de nature fédérale, mais la compétence relative à l’homicide lui-même ne tombe pas sous le sens. Mais peu importe, les procureurs fédéraux sont bel et bien déterminés à avoir leur part du gâteau.

À suivre donc.  Pour l’instant aucun calendrier n’est fixé. L’audience préliminaire en cours devrait durer une semaine; seront entendus plusieurs témoins au sujet du déroulement de l’arrestation.

Sinistre justicier

Sur le plan social, aux yeux d’une certaine gauche, M. Mangione fait figure de Robin des Bois. On peut supposer qu’y appartiennent de nombreux donateurs qui ont généreusement versé leur obole à sa cagnotte de défense (est évoqué le chiffre de 1 million de dollars); c’est de bonne guerre (il serait également intéressant de savoir quelle est l’enveloppe budgétaire dont dispose(ront) le(s) ministère(s) public(s)).

Pour autant, les supporteurs de M. Mangione oublient que si le maître archer prônait et pratiquait une forme de redistribution des richesses au profit des démunis, au grand dam du shérif de Nottingham, il ne semblait pas avoir l’habitude de trucider sommairement les nantis.

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L’assurance santé, qui laisse en effet beaucoup à désirer aux Etats-Unis, est sans conteste un immense problème de justice sociale. Que l’on exprime son opposition à la peine de mort est légitime (même les tyrans condamnés pour crimes contre l’humanité ne sont plus exécutés); il en va de même si l’on insiste sur cette évidence que tout accusé, même (par exemple) filmé par 24 caméras de surveillance, a toujours droit à la présomption d’innocence et à une défense pleine et entière.

Mais cela ne justifie pas la violence qui est contreproductive, la potion qui tue le patient. Rappelons que M. Magione fut arrêté dans un McDo. La honte. Quand on veut jouer les chevaliers blancs combattant les entreprises qui font primer le profit sur la santé, on opte plutôt, par exemple, pour des campagnes pacifiques dénonçant les fastefoudes dont la tambouille vomissant le cholestérol constitue la plus grande menace à la santé publique jamais vue…

Faire de Luigi Mangione une star est de très mauvais goût. Un autre spectacle à grand déploiement vient de commencer. En vedette américaine, Luigi Mangione. On s’arrache les billets pour la salle d’audience. Il était temps, 30 ans après l’acquittement de OJ Simpson. « Only in America ».


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Miranda_v._Arizona