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Union des droites: jusqu’où?

Le billet politique de Philippe Bilger


Union des droites: jusqu’où?
Eric Zemmour et Laurent Wauquiez à Paris, le 30 janvier 2019 © WITT/SIPA

Pour la présidentielle, Laurent Wauquiez et David Lisnard souhaitent tous deux une primaire « de Gérald Darmanin à Sarah Knafo ». Plus personne en France ne considère Marine Le Pen, Jordan Bardella ou Eric Zemmour comme des fascistes. Lors de la dernière élection, il faut se souvenir qu’Éric Zemmour avait proposé sa candidature à la primaire de la droite, avant que les chapeaux à plumes LR ne trouvent des arguties juridiques pour refuser sa candidature… Alors que 2027 se rapproche, la droite traditionnelle doit mettre fin aux clivages internes, et clarifier sa position entre fidélité aux principes démocratiques et réponse aux attentes du peuple, analyse notre chroniqueur. Dans son livre, Nicolas Sarkozy révèle de son côté avoir dit à Marine Le Pen qu’il ne s’associerait plus à un « front républicain » contre le RN.


La droite a-t-elle le droit d’être plurielle ? C’est une question qu’on a le droit de se poser.

C’est à la suite d’un remarquable article d’Alexandre Pedro dans Le Monde sur l’union des droites, ses problématiques et ses enjeux, que j’ai eu envie de reprendre ce thème, lequel a perdu son caractère sulfureux — entre opprobre et enthousiasme — pour s’ancrer désormais dans une réflexion plus profonde. Celle-ci est d’autant plus nécessaire que le débat actuel semble opposer certains des esprits les plus clairvoyants et respectés à droite, notamment Bruno Retailleau et David Lisnard.

Une alternative simple

Ma référence au Monde – aussi discutables et biaisées que puissent parfois m’apparaître les analyses de ce quotidien, qui demeure pourtant tristement nécessaire à l’information du citoyen – vise à montrer pourquoi je suis incapable d’une détestation en bloc. Il arrive que certaines synthèses, d’une réelle clarté, éclairent n’importe quel lecteur. On ne peut pas, on ne doit jamais rejeter globalement.

Un mot sur ces paramètres inutiles. Ce n’est pas à la gauche de déterminer ce qui serait bon pour la droite, et celle-ci doit évidemment demeurer indifférente aux leçons d’un « progressisme » qui s’est totalement disqualifié. On peut certes s’interroger sur le caractère électoralement nécessaire d’une entente visant à dégager un candidat unique, mais cette approche n’aborderait pas le fond de la question. Enfin, définir les limites de cette union – de Gérald Darmanin à Sarah Knafo, par exemple – uniquement à partir du choix des personnalités ne serait pas suffisamment opératoire.

Si l’on élimine quelques paramètres, l’union des droites, au fond, confronte le camp largement conservateur à une alternative simple.

En réalité, l’alternative que j’évoquais plus haut et qui est centrale tient à cette interrogation. L’extrême droite (paresseusement définie comme telle par de nombreux médias) constitue-t-elle un territoire totalement étranger à la droite classique, ou n’est-elle qu’une branche, une nuance radicale d’une droite aux mille visages, allant d’un souci de cohérence et de responsabilité à l’approche la plus débridée et inventive qui soit ?

A lire aussi: Mais… quelle bataille culturelle?

Doit-on considérer Marine Le Pen, Jordan Bardella, Éric Zemmour et Sarah Knafo comme des partenaires potentiels des Républicains, quels que soient les antagonismes apparents — qu’il ne faut pas surestimer — ou bien sont-ils, de manière irréductible, des adversaires que la vie politique ne parviendra jamais à concilier ?

S’agit-il d’une droite radicale susceptible de se mêler à d’autres visions de droite, ou d’un objet politique non assimilable, condamnant les droites classiques à s’ébattre dans leur seul champ traditionnel ?

Une intuition

À la réflexion, passionné par cet enjeu dont la résolution aurait une incidence directe sur 2027, je me demande si le désir d’affirmer sa propre identité ne conduit pas chaque parti, groupe ou groupuscule à exagérer ce qui le sépare des autres sur le fond, alors que la forme, la méthode, la volonté d’accomplir ou non seraient sans doute capitales.

J’ai ainsi l’intuition qu’un partage devrait être opéré entre, d’un côté, ceux qui ne seraient pas prêts à sacrifier les principes d’une démocratie traditionnelle pour satisfaire les attentes du peuple, et de l’autre, ceux qui placeraient ce dernier au-dessus de tout, fût-ce au risque d’écorner nos structures républicaines.
Les citoyens d’abord, ou la démocratie comme bouclier honorable ?

La droite a le droit d’être plurielle. Cependant, contrairement à ses habitudes qui la réduisent parfois à des pulsions et à des réflexes, elle ne pourra pas faire l’économie de l’intelligence et de la pensée. Et le temps presse.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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