Accueil Édition Abonné Décembre 2025 La fille gênée de l’Église

La fille gênée de l’Église

Il était une fois en France: le grand dossier de décembre


La fille gênée de l’Église
La nef de l’église Saint-Sulpice © Wikimedia

Sommes-nous judéo-chrétiens ? Causeur consacre 28 pages à la question dans le magazine ce mois-ci, avec Éric Zemmour, Monseigneur Rougé, Chantal Delsol, Geoffroy Lejeune, Denis Olivennes, Jeremy Stubbs etc. Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques vous présentent ce grand dossier.


On s’attendait à un livre un peu maurrassien sur les bords, l’antisémitisme en moins. En clair, on soupçonnait vaguement l’ami Zemmour de rêver d’une nouvelle alliance du trône et du goupillon, restaurant le catholicisme dans sa dignité de religion française par excellence. On l’imaginait surfer sur la vague catho-identitaire qui enflamme les cœurs de nombreux jeunes, trouvant, en même temps que « la joie d’être aimé de Dieu », comme le confie Geoffroy Lejeune dans nos pages, la foi dans un avenir appelé France. À vrai dire, il s’agit plutôt d’une vaguelette que d’une tendance lourde susceptible d’enrayer ou d’inverser la longue marche vers la sécularisation. D’après un récent sondage de l’IFOP (qui, n’en déplaise aux Insoumis à bas front, ausculte les croyants de toutes obédiences depuis des décennies), seules 41 % des personnes interrogées en 2025 croient en Dieu contre 56 % encore en 2011. Comme l’écrit Chantal Delsol dans notre dossier, les jeunes croyants savent qu’ils sont minoritaires même s’ils ne se résignent pas tous avec la philosophe à ce que « les chrétiens ne soient plus les prescripteurs moraux de nos sociétés ».

La nostalgie d’un catholicisme viril 

Il y a une différence de taille entre ces cathos qui appartiennent doublement à la génération Z (par leur âge et par leur admiration pour l’auteur du Suicide français) et leurs aînés catho-culturels (ou cathos-zombies, selon l’expression mal comprise mais juste d’Emmanuel Todd). Non seulement ce sont de vrais croyants soucieux d’accorder leur vie et leur foi en s’engageant dans la cité, comme le souligne Monseigneur Rougé dans son dialogue avec Zemmour, mais ils n’entendent plus cacher leur étendard, ni accepter d’être la seule religion qu’on puisse ouvertement mépriser et moquer sans jamais subir les foudres des censeurs. Ils sont sortis du placard avec la Manif pour tous, ils n’entendent pas y retourner. Ils ne tendront plus la joue gauche.

En attendant, tous ceux qui guettent avec gourmandise le dérapage qui fera sortir Zemmour de la route idéologique où ils entendent cantonner le débat public et qui, espèrent-ils toujours et toujours en vain, signera sa mort sociale en seront pour leurs frais. Dans La messe n’est pas dite, le président de Reconquête ! ne propose pas d’en finir avec la laïcité dont il n’oublie pas qu’elle est l’enfant du christianisme, ni de destituer la Raison avec laquelle celui-ci a su se conjuguer, après moult vicissitudes il est vrai. Certes, cet amoureux de notre histoire, convaincu que « notre avenir est écrit dans le passé », pense que la Révolution a été une catastrophe pour la France – la Révolution, pas l’avènement de la démocratie – et se dit nostalgique d’un « catholicisme viril ». Pour autant, il ne prétend pas refaire du catholicisme le fondement officiel de l’identité nationale. Revisitant ses lectures de jeunesse, il assure avec André Suarès que « les Français, qu’ils aillent ou non à l’église, ont les Évangiles dans le sang ». Autrement dit, si le catholicisme n’est plus une religion d’État ni même une religion majoritaire, il reste le socle d’une civilisation que Zemmour définit comme judéo-chrétienne, car il n’oublie pas que c’est la religion de la Loi qui a engendré la religion de la Foi.

Actuellement dans les kioques: Causeur #140: Il était une foi en France

Les flics du progressisme n’ont pas mis longtemps à débusquer dans ce trait d’union entre judaïsme et christianisme une nouvelle façon d’exclure les musulmans. Ils se trompent doublement. D’abord, comme le montre Jeremy Stubbs dans nos pages, bien avant que l’islam mette au défi nos sociétés, le judéo-christianisme a été le soubassement anthropologique et le code culturel de l’Occident. Ensuite, il ne s’agit pas d’exclure les musulmans mais de contenir l’islam (faute de pouvoir le christianiser en lui faisant avaler la séparation entre spirituel et temporel), précisément pour ramener les musulmans dans la matrice commune.

La messe n’est pas dite

La civilisation judéo-chrétienne, rappelle Zemmour, a laissé sa marque partout, dans les bâtiments, les paysages, les institutions, le Code civil. Dans ces conditions, dira-t-on, que veut-il de plus ? L’ancien journaliste du Figaro ne demande pas que le chef de l’État jure sur la Bible ou qu’on célèbre son élection par une messe, il ne propose pas de ramener les crucifix dans les salles de classe. Il souhaite juste qu’on apprenne aux enfants de France, quelle que soit leur origine réelle, d’où ils viennent et ce que signifient les tableaux qu’ils voient dans les musées, qu’on n’ait pas honte de célébrer Noël et Pâques, que les juges et les associations mal nommées de libre-pensée trouvent d’autres paroissiens à enquiquiner que les élus qui, à l’instar de Robert Ménard, installent une superbe crèche de Noël dans la cour de leur mairie. Ce qu’on appelle en somme le combat culturel : pas de quoi fouetter un bouffeur de curé.

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Décembre 2025 – #140

Article extrait du Magazine Causeur



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Elisabeth Lévy est directrice de la rédaction de Causeur. Jean-Baptiste Roques est directeur adjoint de la rédaction.

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