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[Nos années Causeur] L’art et l’intelligence

Pour le centième numéro de Causeur les rôles s’inversent. Cette fois-ci ce n’est pas Causeur qui écrit sur le comédien et metteur en scène Michel Fau mais ce dernier qui écrit sur ce magazine qui l’a si souvent interrogé (et célébré pour son indéniable talent). Michel Fau vous parle de ses années Causeur


La première interview que j’ai donnée à Causeur, menée par Élisabeth Lévy et Gil Mihaely, portait sur l’alexandrin français : une de mes passions. Le niveau du débat était déjà très élevé ! Depuis, l’équipe de Causeur a toujours fidèlement soutenu mon travail. Aujourd’hui, les journalistes parlent de moins en moins de culture, et encore moins d’art ! Ils préfèrent vous demander quelle est votre sexualité et pour qui vous votez… (Je réponds toujours que c’est un secret et que ça ne les regarde pas !).

Le magazine Causeur possède une ouverture d’esprit panoramique, qui permet de parler de la place de l’art dans notre société, longuement et profondément, ce qui est assez rare. Ce journal regarde les choses frontalement et n’a pas pour habitude de contourner les problèmes… cela s’appelle sans doute l’intelligence.

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À Causeur, j’ai pu aborder d’ambitieux sujets, comme par exemple les questions de style, les différents codes de jeu, l’importance du travestissement, les références aux maîtres anciens… évoquer ce dont on ne peut parler ailleurs sous prétexte que ça n’intéresse personne, ou tout simplement par manque de connaissance.

Enfin, dans cette revue, j’ai pu revendiquer ce à quoi j’ai consacré mon existence, ce pour quoi je me bats et qui me semble aujourd’hui parfois méprisé : l’Art théâtral, avec un grand A et un accent circonflexe ! Dans ce monde survolté et de plus en plus censuré, Causeur occupe une place insolente et totalement libre !

Matignon: pourquoi se contenter d’une femme?

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Exigeons une femme Premier ministre transgenre, voilée et noire!


Selon les journaux, le directeur de casting Emmanuel Macron n’avait toujours pas arrêté son choix mardi quant à son futur Premier ministre.

Ce dernier ne devra pas lui faire de l’ombre, bien sûr, et incarner le virage écolo de la « nouvelle ère » qui commence.

Parmi les noms qui se murmuraient dans Paris en début de semaine, Catherine Vautrin, Elisabeth Borne, Christine Lagarde ou même Nathalie Kosciusko-Morizet. Hier soir, sur Twitter, après ses exploits au ballon face à Manchester City, les internautes réclamaient Karim Benzema à Matignon. Mais il y a une condition que le joueur de Madrid ne satisfait pas ! En effet, Emmanuel Macron voudrait nommer une femme. C’est du moins ce que déclarait Clément Beaune, Secrétaire d’État aux Affaires européennes sur BFMTV, lundi.

Mais pourquoi donc se contenter d’une femme ? Pour cocher toutes les cases du progressisme, Emmanuel Macron devrait carrément nommer une femme transgenre, issue de la diversité, et souffrant de handicap. Et bien sûr, portant un voile islamique puisque désormais, il trouve que ça va très bien avec le féminisme

Une tendance lourde

Soyons honnêtes, cette instrumentalisation des femmes n’est pas l’apanage d’Emmanuel Macron. C’est la première chose qu’a dite Valérie Pécresse après sa nomination comme candidate au Congrès des Républicains. Je suis une femme, comme c’est moderne ! Anne Hidalgo a également essayé d’en jouer pendant la campagne. Et vous verrez que bientôt des femmes politiques ou leurs partisans nous expliqueront que leurs mauvaises performances s’expliquent par le machisme qui règne dans le monde politique…

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On peut évidemment nommer une femme à Matignon. Ce n’est bien sûr pas la nomination d’une femme qui pose problème en soi, mais cette affirmation que le président chercherait une femme par principe. C’est humiliant pour les femmes, et c’est d’ailleurs paradoxal, car si les femmes sont les égales des hommes – ce dont tout le monde est convaincu – pourquoi y aurait-il une façon féminine de gouverner ? Et c’est le même tarif si on nous disait qu’il faut nommer un Premier ministre noir, juif, musulman ou homosexuel. Dans cette optique où les gens sont regardés comme les représentants d’un groupe ou d’une communauté, ce n’est plus à la formation d’un gouvernement que nous assistons, mais bien à un casting.

« Envoyer un message »

De plus, les commentateurs nous disent qu’il s’agirait de « réparer une injustice ». Ce serait au tour des femmes, puisqu’il n’y a pas eu de Premier ministre femme dernièrement – ou de Premier ministre appartenant à l’une des autres catégories de la population susmentionnées.

Dans le cas qui nous occupe, ce qui est vraiment injuste, c’est que des hommes méritants ou talentueux seraient écartés par principe. Enfin, si vous privilégiez une catégorie parce que vous voulez « envoyer un message », le minimum serait de ne pas le dire. Soyez assurés que si c’est une femme ou un noir qui est nommé, tout le monde s’en rendra compte !

Le principe fondateur de la République, c’est l’universalisme – et la méritocratie qui en est le corollaire. Les gens occupent leur poste pour leur talent. S’agissant du choix du Premier ministre, il faut ajouter le critère des équilibres politiques. Il sera surtout intéressant de voir si Emmanuel Macron privilégie une personnalité marquée plutôt à droite ou plutôt à gauche. Que ce soit une femme ou un homme, on s’en fiche royalement. Les Français, dans leur sagesse, aussi. Sinon, Marine Le Pen ou Valérie Pécresse serait présidente de la République… ou même Anne Hidalgo !


Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice chaque matin à 8h10 dans la matinale.

Maïa Mazaurette, ou comment réussir sa vie quand on ne pense qu’au cul

Avec la spécialiste Maïa Mazaurette, la sexualité se fait féministe, égalitariste et moralisante. La journaliste du Monde et de « Quotidien » prône notamment des ébats «zéro déchet».


Maïa Mazaurette est aujourd’hui une “chroniqueuse sexe” reconnue. Il faut dire que rien d’autre ne l’intéresse. Longtemps elle s’est demandé où cela la conduirait.

Quelle profession embrasser lorsque l’unique sujet de vos réflexions est celui qui tourne autour des fluctuations de la fesse ? Maïa a envisagé plusieurs options, de la plus péripatéticiennement dégradante à la plus putassièrement accessible. Finalement, elle a choisi la voie journalistique qui n’interdit aucune des options susmentionnées et peut ouvrir bien des portes. Elle fait maintenant office de “chroniqueuse sexperte” sur France Inter, dans le journal Le Monde et pour l’émission « Quotidien », organes de presse modernes et progressistes dans lesquels elle dispense avis et conseils pour une sexualité féministe, morale et égalitaire.

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En guerre contre les handicapés du cunnilingus

Sa chronique sur la radio publique s’intitule « Burne Out ». Tout un programme. Pendant trois minutes, Maïa n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes et à tirer les oreilles des hommes. Le 18 mars, la chroniqueuse était « dans une colère noire ». Fichtre ! De quoi peut-il s’agir, nous demandâmes-nous in petto. Nous eûmes bientôt la réponse : Maïa venait de lire une enquête dans laquelle elle avait appris que « 48% des Français n’accepteraient pas d’être en couple avec une femme ne respectant pas les standards de beauté, 45 % refuseraient de coucher avec une femme qui a des poils, 20% ne voudraient pas d’une femme plus grande ou plus âgée ». On comprend mieux le courroux de Dame Mazaurette. Surtout que, dans 27% des cas, ces goujats rechigneraient également à utiliser un sextoy pour faire jouir leur partenaire ou refuseraient carrément de s’informer sur « comment la faire jouir ». La chroniqueuse, déjà passablement énervée, apprit dans la même enquête qu’en plus d’être des cancres du coït et des handicapés du cunnilingus, « les trois-quarts des hommes refusent les couples ouverts, l’échangisme, et que quatre hommes sur cinq refusent les plans à trois avec deux hommes ». Désespérée, elle s’interrogeait en direct : « Qu’est-ce que je vais faire de mes week-ends ? »

Maïa Mazaurette. D.R.

Le vendredi 15 avril, elle annonce qu’elle sait en tout cas ce qu’elle va faire pendant le week-end de Pâques : elle va s’offrir « un œuf-surprise en chocolat, comme les Kinder, mais avec un vibromasseur dedans ». Parce que le sexe c’est bien, c’est quand on veut, « c’est H24, sans week-ends, toute l’année, jours fériés compris, un rythme stakhanoviste assumé ». Toute obsédée du cul soit-elle, Maïa n’oublie pas les gestes écologiques pouvant “sauver la planète”. Elle pense qu’une « sexualité zéro déchet » est possible. Celle-ci reposerait essentiellement sur une « rétention de la semence masculine ». En même temps, s’interroge la Sandrine Rousseau du popotin, se retenir d’éjaculer ne relève-t-il pas d’un hyper-contrôle tendant à prouver la supériorité de l’homme, et donc d’un « exercice de masculinité, et même de remasculinisation ». On voit par là tout l’intérêt d’une radio publique qui n’hésite pas à mettre sur la table les sujets les plus sérieux, à poser les questions les plus fondamentales, à fouiller dans les arcanes des savoirs les plus mystérieux.

Dans l’émission « Quotidien », Maïa, toujours pimpante, donne des conseils. Par exemple, à Vincent, un adolescent qui avoue être « perdu dans sa sexualité », elle propose d’ouvrir un compte Instagram ou d’aller sur Facebook où il pourra choisir le genre qu’il veut. Il peut aussi, conseille-t-elle, aller sur « l’application Feeld et ses propositions hyper inclusives comme “objectum-sexuel” (être attiré sexuellement par un objet) ou “skolio-sexuel” (être attiré sexuellement par des personnes non-binaires hétérosexuelles ou homosexuelles)». Vincent est rassuré. Se frottant frénétiquement à un pied de table, il se sent prêt à déclarer sa flamme à sa voisine pansexuelle, à sa brosse à dents ou à son chat. Merci Maïa.

En guerre contre l’hégémonie du pénis

La “chroniqueuse sexperte” a écrit plusieurs ouvrages destinés à l’édification des masses d’hommes incultes. Dans La revanche du clitoris, elle affirme vouloir faire évoluer les mentalités en luttant contre les approximations. « Tous les adolescents savent ce qu’est la sodomie, mais beaucoup d’entre eux ne peuvent pas situer le clitoris. » Le clitoris ne doit plus être caché. En tout cas, l’homme doit tout faire pour le découvrir. Pour aider ce dernier, Maïa Mazaurette a glissé dans son livre des dessins, des plans, des astuces coquines, ainsi que, me semble-t-il, une carte routière et une liste d’objets à acquérir (gants, torche électrique, corde, casque, etc.). S’il est attentif et consciencieux, l’homme devrait finir par trouver un jour ou l’autre cet objet organique composé de huit mille fibres nerveuses qui n’attendent que d’être savamment titillées par l’expert du clito qu’il sera devenu après la lecture de ce livre instructif et pédagogique.

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Parmi les autres ouvrages de notre penseuse, il en est un qui s’intitule Sortir du trou, lever la tête. Non, il ne s’agit pas d’un manuscrit sur la spéléologie ou d’un énième travail herméneutique sur l’allégorie de la caverne de Platon, mais, plus profondément, d’une réflexion sur la pénétration et l’orifice féminin. Il y est question du pénis hégémonique, du « trou » des filles et même de la possible « transsubstantiation de la femme en trou ». C’est très pointu. En réalité, écrit notre volcanique spécialiste des tréfonds, le trou n’existe pas : c’est une invention de vieux dégeulasses qui pensent « étroit, petit, sans générosité ». La vérité est « qu’il n’y a aucun destin anatomique dans le trou. […] Le trou est une éducation », une construction sociale qui remonte à la plus haute Antiquité et que Maïa Mazaurette se charge de déconstruire. Résultat : 480 pages composées de phrases courtes, très courtes, parfois d’un mot ; écrites dans une langue misérable de journaliste inculte, disent certains réacs peine-à-jouir. Maïa Mazaurette a tout simplement voulu se mettre à la portée de tous. Son écriture claudicante et sèche – proche de celle qui pollue les réseaux sociaux et les messageries des téléphones portables – lui permet d’espérer toucher un plus large public que celui qu’elle aurait atteint en écrivant simplement en français. Ses phrases au premier abord insignifiantes, creuses ou sibyllines – « Le sexe nous déçoit. » « Il y a de la chair sous la chair. » « On te dessine avec un trou. » « Il n’y a aucune fatalité au trou. » « Les vainqueurs écrivent le trou. » « La culture t’a trouée. » « Je ne pense pas comme un trou. » – sont destinées principalement à de jeunes lectrices – étudiantes en sociologie à Paris 8, journalistes pour Slate ou Les Inrocks, ou artistes contemporaines et intermittentes – qui comprennent intuitivement que derrière ce que d’aucuns appellent un gribouillis informe se cache en vérité la défaite de la domination masculine et du patriarcat.

Enfin, notre bouillante chroniqueuse égalitaire n’oublie pas de rappeler aux femmes qu’elles aussi peuvent pénétrer et « baiser les hommes ». Réjouie, elle les informe « qu’on peut pénétrer le pénis par l’urètre ». Il est nécessaire pour cela de se munir de différents « instruments spéciaux » dont « des tiges de métal de différents diamètres ». Cette pratique permettrait d’obtenir « des orgasmes extraordinaires ». J’ai beau avoir été déçu par les résultats de l’élection présidentielle et chercher des moyens nouveaux de grimper aux rideaux ou seulement d’éviter de tomber en dépression, j’avoue que je ne me sens pas prêt pour ces nouvelles expériences avec Maïa ou une de ses congénères. Comme tout homme j’ai soif d’amour – mais, comme disait Desproges, ce n’est pas une raison pour me jeter sur la première gourde venue.

Les jardins, un patrimoine à la française

Les parcs et jardins constituent une part remarquable de notre patrimoine historique. Mais ces créations fragiles ont été négligées au fil des siècles. C’est pourquoi le Centre des monuments nationaux (CMN) met les bouchées doubles pour restaurer notre « patrimoine vert ». Les chantiers sont colossaux.


La grande tempête de 1999 a été un drame humain et matériel qui nous a cependant permis de prendre conscience de l’importance de notre patrimoine naturel, remarquable et fragile – on se souvient de l’incroyable succès de la souscription publique lancée pour replanter le parc de Versailles. Et ces dernières années, la pandémie de Covid a révélé chez les citadins un besoin de nature, de verdure et de vastes espaces. Tous ces facteurs alimentent une nouvelle approche du Centre des monuments nationaux (CMN) vis-à-vis du « patrimoine vert », ces parcs et jardins qui entourent bien souvent nos châteaux et qui ont été trop longtemps négligés. L’entretien et la restauration du patrimoine bâti est une obligation, mais la prise de conscience qu’un jardin peut être l’écrin de verdure fondamental à un monument – son pendant, voire son prolongement extérieur– est une avancée majeure pour le patrimoine. À leur façon, nos parcs et jardins racontent, eux aussi, l’histoire des siècles passés.

Une approche différente et coûteuse

La restauration d’un monument est bien différente de celle d’un jardin. Un bâtiment assaini, « hors d’eau », nécessite un entretien régulier, mais moins fréquent – et moins coûteux – que celui d’un extérieur qui s’avère être un chantier perpétuel. Il est ici question de travailler le vivant qui, par définition, évolue en permanence. Aux cycles saisonniers auxquels il faut répondre – tailler les arbres et tondre les pelouses, replanter les parterres selon les floraisons et désherber les allées –, s’ajoutent les imprévus d’une tempête, d’une inondation, du gel, de la sécheresse et des phytovirus. Le plus beau des jardins reste ainsi une œuvre constamment menacée de destruction.

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Sur la centaine de monuments qui lui sont confiés par l’État, le CMN gère un patrimoine naturel important : 82 parcs, jardins d’agrément, potagers, vergers, mais aussi des terres agricoles et des domaines forestiers qui totalisent près de 3 100 hectares à travers tout le pays. L’urgence d’une restauration pour certains d’entre eux et l’entretien obligatoire de cet ensemble a un coût très élevé. Philippe Bélaval, le président du CMN, reconnaît qu’il « est nécessaire de dégager davantage de budget pour garantir l’avenir de ces espaces. En outre, nous n’avons pas suffisamment de jardiniers, ce qui nous oblige à faire appel à de la main-d’œuvre extérieure pour de nombreuses tâches, tel l’élagage, et l’externalisation coûte cher. De plus, le xxe siècle n’ayant pas apporté une grande attention au patrimoine vert, il se passe avec les parcs et jardins la même chose qu’avec les bâtiments : ce qui n’a pas été entretenu coûte plus cher à restaurer ! L’exemple le plus cruel est actuellement le parc de Saint-Cloud, dessiné par Le Nôtre. Ce lieu qui est une œuvre d’art, une œuvre de l’esprit, avec son terrain vallonné et ses escarpements qui dominent la vallée de la Seine, ce lieu où Le Nôtre s’est montré encore plus virtuose qu’à Versailles, subit les conséquences du vieillissement des arbres, des tempêtes et des négligences successives. Aussi, les travaux se feront par tranches de plusieurs dizaines de millions d’euros chacune. La situation est comparable dans le parc du château de Bouges, dans l’Indre, conçu par les Duchêne au tournant du xxe siècle. Nous y menons en ce moment une campagne d’abattage et de remplacement d’arbres ainsi que l’entretien du système hydraulique. Le seul curage de l’étang et la consolidation de ses berges s’élèvent à 75 000 euros. Et à Rambouillet, la restauration du chapelet d’îlots est estimée à 300 000 euros. »

Les pièces d’eau sont en effet au cœur de ce patrimoine vert. Leur sauvegarde est une nécessité et le CMN mise sur des solutions inédites pour les pérenniser. Seront ainsi mis en place des systèmes de récupération des eaux de ruissellement, des circuits fermés dans les bassins et les fontaines… Ces ouvrages, riches de décors sculptés, nécessitent aussi des restaurations d’envergure. C’est le cas à Saint-Cloud où le chantier de la grande cascade s’élève à 11 millions d’euros.

Chantiers hors norme

Le domaine de Saint-Cloud représente un chantier colossal dont le budget peut être comparé à celui de Villers-Cotterêts, ce château Renaissance[1] qu’Emmanuel Macron souhaite transformer en « cité internationale de la langue française » pour la coquette somme de 180 millions d’euros. Comme pour le Panthéon, pour lequel le CMN a déboursé plus de 100 millions, Saint-Cloud s’apprête à connaître une restauration en profondeur et étalée dans le temps. Parce qu’il est encore ici question de gros sous, Philippe Bélaval avait demandé à l’Élysée que le plan de relance, présenté en octobre dernier, prévoie une tranche dédiée au patrimoine vert afin, précisément, de permettre le financement de ces grandes campagnes de travaux. Il n’a pas été entendu. « S’il devait y avoir un nouveau plan de relance, explique-t-il aujourd’hui, je le reproposerais car ce patrimoine spécifique touche plusieurs objectifs à la fois : cela donne du travail à des entreprises du secteur forestier horticole qui est très important, cela répond aux objectifs de la politique patrimoniale et cela rejoint les objectifs de la politique écologique puisque nos travaux contribuent à la préservation de la biodiversité. Saint-Cloud est aussi un poumon pour la capitale. En cela, ce parc représente un véritable enjeu écologique. »

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En se frottant à la nature, on apprend à être patient et à jouer avec l’inconstance du climat, à jongler, aussi, avec les impératifs de l’administration et ceux des saisons qui ne vont pas toujours dans le même sens. Et puis il y a cette donne impondérable qui pose de plus en plus problème aux hommes : le temps. Tracer et replanter un jardin demande des délais beaucoup plus longs qu’un ravalement de façade ou un changement de toiture. Et le résultat n’est pas immédiatement visible. Avant de mesurer le plein effet d’une campagne de restauration, il faut que les plantations s’installent, que les arbres grandissent… et ce n’est qu’après trois ou quatre ans que l’on peut réellement juger du succès d’un chantier. Ce temps long explique peut-être la difficulté de convaincre mécènes et responsables politiques d’investir durablement dans ce patrimoine vert. Beaucoup n’ont pas la philosophie de l’octogénaire de La Fontaine, dans Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes : « Passe encore de bâtir ; mais planter à cet âge ! Disaient trois Jouvenceaux, enfants du voisinage »

Ça pousse

Si la splendeur retrouvée de Saint-Cloud n’est pas pour demain, le public peut déjà admirer la première étape de la restauration des jardins du château de Maisons-Laffitte, près de Paris. Ce chef-d’œuvre de Mansart, « une des plus belles choses que nous ayons en France », disait Charles Perrault en 1696, a malheureusement perdu au fil du temps l’ampleur de son parc – qui ne représente plus que 1 % de sa superficie d’origine ! Drastiquement diminué par l’urbanisation au xixe siècle, loti et remanié dans la seconde moitié du xxe, amputé par des voies de circulation, le terrain n’offre plus les perspectives et les axes de promenade qui faisaient le ravissement des visiteurs. Mais le domaine a conservé quelques beaux restes – telles ses grottes ou salles de fraîcheur – mis en valeur par l’architecte en chef des Monuments historiques, Stefan Manciulescu, et le paysagiste Louis Benech. Les premières études ont été lancées en 2010, le chantier s’est déroulé de juillet 2020 à juillet 2021, sera totalement achevé en 2025 et aura coûté 4 millions d’euros. Le travail du paysagiste a notamment consisté à réduire les surfaces de gravier pour augmenter celles de verdure afin d’accentuer l’impression d’« écrin végétal ». Il a densifié les plantations déjà existantes avec une centaine de nouveaux arbres et joué sur leurs essences pour, qu’une fois grands, ils ne brouillent pas les alignements redessinés ni n’occultent les façades du château. Les deux parterres centraux ont été allongés et traités en « prairie fleurie » et, ici encore, le grand bassin a été rénové et ses 39 jets remis en état de marche. Parce qu’un jardin raconte une histoire, Louis Benech aimerait « que cette “prairie” qui entoure le bassin soit suffisamment agréable pour que les visiteurs aillent jusqu’au bout pour avoir une jolie lecture sur le château. » Son objectif est atteint : lorsque l’on descend l’escalier de la terrasse sud, nos pas nous mènent naturellement au bout du parc.

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Conservatoire écolo

Sensible aux vieilles pierres, un conservateur du patrimoine doit désormais être aussi attentif au réchauffement climatique et au bien-être animal. C’est dans l’air du temps, mais c’est une dimension inattendue de la tâche que s’est fixée le Centre des monuments nationaux dans sa promotion du patrimoine vert. Demi-surprise, pour être juste, puisqu’il est évident que ses vastes parcs, jardins et forêts sont de véritables réservoirs de biodiversité. « Nous devons prendre désormais en considération des spécialités que nous pouvions jusque-là minimiser, comme la défense des oiseaux, par exemple, reconnaît Philippe Bélaval. C’est aujourd’hui une considération positive. Cette prise de conscience du CMN a commencé avec le chantier du château d’Azay-le-Rideau, quand il a fallu ménager les chauves-souris qui habitent dans les combles. Nous devons déranger le moins possible les espèces qui vivent sur nos sites, nous devons même, dans notre mission de conservation, leur donner une occasion de se développer et de prospérer. Cette dimension supplémentaire est complètement nouvelle dans le métier de conservation du patrimoine. Aussi nous appuyons-nous sur des associations spécialisées, telle la Ligue de la protection des oiseaux, avec laquelle nous avons un accord-cadre et tout un ensemble de conventions localisées, jusque dans le jardin de l’hôtel de Sully [siège du CMN, ndlr], dans le Marais, qui est labélisé refuge LPO[2], à l’instar de 15 autres de nos monuments. » Dans sa lancée, le CMN s’adjoint les services de moutons, de poules, d’abeilles et autres insectes pour entretenir et revitaliser ses espaces verts. Il est aussi attentif aux phyllodactyles, ces lézards qui s’abritent dans les recoins des remparts du château d’If, qu’aux faucons qui nidifient sur les corniches de l’Arc de triomphe.

Tous les sites et monuments du CMN : www.monuments-nationaux.fr

Au château d’Esquelbecq, le tracé du jardin flamand remonte à la Renaissance © Château d’Esquelbecq
Esquelbecq, un jardin flamand
Les propriétaires de jardins privés sont souvent heureux d’en ouvrir les grilles aux visiteurs. En reprenant en main le château familial d’Esquelbecq, en 2015, Johan Tamer-Morael en a même fait une priorité. Outre le château, remarquable témoignage de l’architecture flamande du xviie siècle, le jardin est une curiosité en soi : avec son tracé Renaissance, il est le plus ancien de France. Sur un hectare, ses compartiments cadrent des allées en étoile bordées de buis taillés. Sa collection d’arbres fruitiers anciens montés en espaliers, de même que son potager de légumes oubliés et sa serre à vigne font l’admiration des amateurs et des connaisseurs. Au-delà, cinq hectares de parc paysager dessiné au xixe siècle serpentent vers une île et des rotondes de tilleuls. Johan et son association ne ménagent pas leurs efforts pour faire vivre ce domaine hors du temps. En 2019, plus 14 000 visiteurs ont assisté aux différents événements organisés au jardin : journée des plantes, ateliers de transmission de savoirs jardiniers, expositions, promenades aux flambeaux… •
Château d’Esquelbecq

Toutes les infos du château : www.chateau-esquelbecq.com

Capitale

Price: 22,00 €

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[1] C’est dans ce château que François Ier édicta, en août 1539, l’ordonnance dite « de Villers-Cotterêts » qui consacre, parmi d’autres articles, le français comme la langue officielle du royaume de France. N’ayant jamais été abrogée, cette ordonnance est notre plus ancien texte législatif.

[2] Un terrain public ou privé sur lequel le propriétaire s’engage à préserver et accueillir la biodiversité de proximité.

Résister à l’intimidation

Pour Marcel Gauchet, le centième numéro de Causeur est l’occasion d’égrener les menaces qui pèsent sur la vie intellectuelle française. Il se livre ainsi à une réflexion sur des combats que nous devons impérativement et urgemment mener…


Heureusement que vous existez, chers amis de Causeur ! Vous me faites revivre, quand j’y songe rétrospectivement, l’ambiance de mes 20 ans, sous la double chape de plomb du gaullisme autoritaire et du verrouillage communiste dans l’espace intellectuel. Car ce n’était pas gai, les années 1960 avant Mai 68, contrairement à ce que nous raconte une légende nostalgique très mal inspirée. Relisez les souvenirs de Cavanna et son récit épique des démêlés de la petite bande du Hara-Kiri de l’époque avec les autorités garantes de la respectabilité bourgeoise et vous aurez une idée de ce qu’était le moralisme régnant. Et pour la minuscule frange d’ultra-gauche qui ne s’accommodait pas de la célébration de la patrie du socialisme, c’était la quasi-clandestinité. Une ou deux librairies discrètes qui diffusaient une poignée de revues confidentielles, l’unique kiosque du boulevard Saint-Michel où l’on venait de toute la France acheter L’Internationale situationniste. On n’était pas loin du samizdat des pays de l’Est. Les coupeurs de tête staliniens veillaient au grain, avec la complaisance des organes « sérieux », Le Monde en tête, déjà.

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J’aurai au moins vécu l’explosion de ce carcan. Quel que soit le mal que l’on puisse penser, après coup, des imposteurs de la funeste « génération 68 », il faut lui reconnaître d’avoir imposé une incomparable liberté de la parole et de l’écrit. Je la croyais définitivement acquise, avec, de surcroît, dans la foulée, l’écroulement du mensonge totalitaire, mais aussi l’éradication des punaises de sacristie qui pourchassaient les manquements aux bonnes mœurs (je rappelle que Giscard a pu se faire élire, en 1974, en disqualifiant son concurrent de droite, Chaban-Delmas, pour cause de divorce).

Jamais deux sans trois

Grosse erreur. Nous voilà repartis dans un nouveau cycle de surveillance et de pénitence. La vertu revient à l’ordre du jour, grâce aux efforts conjugués de chaisières d’un genre inédit et de commissaires politiques improvisés, s’érigeant en gardiens de la moralité publique.

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L’ami Jacques Julliard parle, à juste titre d’une « troisième glaciation », la glaciation wokiste, venant après la glaciation stalinienne et la glaciation maoïste. Il a parfaitement raison du point de vue de la mode intellectuelle. Sauf que la gravité de la situation ne s’arrête pas, pour le coup, à la scène intellectuelle. Il n’a fallu que quatre ou cinq ans, après tout, pour pulvériser les insanités maoïstes, qui n’avaient que très modérément pénétré la classe ouvrière, en dépit du labeur sacrificiel des missionnaires de l’École normale supérieure.

Ici, l’affaire est d’une tout autre envergure. Elle déborde de beaucoup l’agitation des esprits au Quartier latin, ou ce qu’il en reste. Il y va ni plus ni moins de l’établissement d’un nouveau système de contrôle social, pour reprendre un des concepts favoris des sociologues « critiques » de ma jeunesse, qui trouve enfin son application. Ils l’ont oublié dans l’entre-temps, c’est dommage. Ils voyaient ce fameux « contrôle social » là où il n’était pas, ils ne le voient pas maintenant qu’il crève les yeux et qu’il dispose en plus de bras armés sans commune mesure avec ceux du passé. Ce sont les GAFA qui se chargent désormais de la police de la pensée. Les multinationales sont à l’avant-garde de l’imposition du catéchisme de l’intouchable « diversité ». Grands médias et juges marchent main dans la main pour faire taire les « phobes » supposés qui ont le malheur de soulever des questions incongrues là où seule la dévotion inconditionnelle envers l’Autre sous toutes ses formes est admissible. Ce n’est pas à un simple moment de délire idéologique que nous avons affaire, mais à une entreprise de dressage des populations à grande échelle pour les adapter à un univers de consommateurs sans frontières.

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Critique du safe space

D’aucuns voient dans cette vague de progressisme obligatoire les prémices d’un prochain totalitarisme. C’est aller trop loin. Mais ce qui est vrai, c’est que l’intimidation fonctionne avec une efficacité qui me stupéfie tous les jours. Elle confine les constats qui dérangent et les interrogations qui s’imposent dans les marges. Elle refoule la mal-pensance dans le secret des isoloirs et la protestation électorale. Soit la situation la plus malsaine qui se puisse concevoir pour la démocratie. Car la force de celle-ci réside dans la catharsis qu’opère la confrontation : les choses vont mieux lorsqu’elles peuvent être dites pour pouvoir être contredites. C’est l’opposé exact, soit dit au passage, des « safe spaces » réclamés par les enfants-rois de nos nurseries universitaires. En démocratie, il n’y a pas d’abris anti-contradiction.

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La priorité des priorités, dans ce climat pesant, c’est de résister à l’intimidation. C’est de faire valoir en toute circonstance et indépendamment de toute allégeance le principe du libre examen. Voilà ce qui vous rend indispensables, chers amis de Causeur. Vous entretenez la flamme de l’esprit de liberté dans un paysage sinistré par le conformisme vindicatif des bons sentiments. Continuez à nous montrer qu’il est salutaire de discuter de tout et de rire de tout, sans anathème ni tabou.

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Macron II: les conseils d’Abraham Lincoln

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Toute la presse, les grands et les petits médias, les chaînes de télé et les feuilles de chou, bruissent de conseils au président français.


Pour notre part, nous avons demandé son avis à un ancien président des États-Unis.

Il est clair qu’Emmanuel Macron veut entrer par la grande porte dans les livres d’histoire. Le soir de sa réélection, il a déclaré au Champ-de-Mars : « Les années à venir, à coup sûr, ne seront pas tranquilles mais elles seront historiques. » Rappelons au président réélu quelques fortes paroles d’un géant de l’humanité, prononcées par Abraham Lincoln devant le Congrès des États-Unis, lors de sa déclaration officielle de nouveau président après son élection du 6 novembre 1860 :

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« Vous ne pouvez pas créer la prospérité en décourageant l’épargne. Vous ne pouvez pas donner de la force au faible en affaiblissant le fort. Vous ne pouvez pas aider le salarié en anéantissant l’employeur. Vous ne pouvez pas encourager la fraternité humaine en encourageant la lutte des classes. Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche. Vous ne pouvez pas éviter les ennuis en dépensant plus que vous ne gagnez. Vous ne pouvez pas forger le caractère et le courage en décourageant l’initiative et l’indépendance. Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu’ils devraient faire eux-mêmes. »

La modernité implacable de ces paroles d’essence libérale prononcées il y a plus d’un siècle et demi ne devrait échapper à personne dans la France d’aujourd’hui.

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Lincoln, qui a aboli l’esclavage et remporté la guerre de Sécession, restera éternellement dans l’histoire des États-Unis pour ces mots puissants, empreints de sagesse et d’humanité. Réélu en 1864, il fut assassiné en 1865 par un extrémiste sudiste. Formons le vœu que les mots de cet historique président américain, 162 ans après avoir été prononcés, puissent à nouveau résonner cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, dans la patrie de La Fayette qui nous semble avoir un besoin vital de les entendre, de les adopter et de les mettre en pratique…

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L’Europe, c’est la paix… heu… la guerre!

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On nous avait vendu l’Europe comme le bouclier anti-nationaliste qui instaurerait une paix définitive sur un continent labouré par deux guerres mondiales. Nous sommes aujourd’hui forcés d’abandonner ce rêve simpliste : à la remorque des Etats-Unis, l’Europe cherche la guerre, et fait de son mieux pour la provoquer, estime notre chroniqueur.


Jean Monnet, heureux lascar qui, né en 1888, avait eu l’avantage indéniable de connaître deux guerres mondiales sans en faire lui-même aucune, nous avait vendu la création de l’Europe CEE comme un remède définitif au choc des nations. Banquier aux Etats-Unis à partir des années 1920, promoteur d’une fusion France-Grande-Bretagne (si !) comme aux plus beaux temps de la Guerre de Cent ans, il est resté le petit télégraphiste des Etats-Unis, comme disait De Gaulle qui ne l’aimait guère. Monnet avait refusé de se joindre au projet de « France libre », car il pensait plus utile de se mettre sous la houlette des Anglo-saxons. 

La Troisième Guerre mondiale sur les rails ?

Il se fit après-guerre le promoteur d’une Communauté Européenne de Défense, qui mit le Général en fureur et que Mendès-France refusa sagement d’entériner. La création de la CEE, et le ralliement de l’Allemagne à l’OTAN en préambule du Traité de l’Élysée en 1963, c’est l’œuvre de Monnet. Et la décision européenne d’armer l’Ukraine et d’intervenir en douce dans le conflit qui l’oppose à la Russie (le Times affirme que des commandos britanniques sont déjà à l’œuvre là-bas), c’est encore, à distance, l’œuvre de Monnet.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: La guerre de l’Élysée n’aura pas lieu

Plus de guerres ? Ah oui ? L’UE vient d’envoyer pour 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine — et des instructeurs pour aider les Ukrainiens à s’en servir, tout comme les Etats-Unis avaient envoyé des « conseillers » au Vietnam… La Troisième Guerre mondiale est sur les rails, et ceux qui pensent encore que c’est « la faute aux Russes » devraient réviser le jeu des alliances et des tutelles depuis cinquante ans — en particulier la décision de Sarkozy de rejoindre le commandement intégré de l’OTAN, et l’incitation faite à l’Ukraine en 2014 de rejoindre une alliance commandée par les Etats-Unis.

L’Allemagne, tremplin des forces américaines en Europe

À noter que la guerre déclenchée par l’OTAN contre la Serbie à partir de 1999 n’a pas fait bouger un cil à la communauté européenne, qui a applaudi le bombardement de Belgrade et les secours envoyés aux musulmans bosniaques, qui servent aujourd’hui de tête de pont aux menées islamistes et à tous les trafics — d’armes et de d’organes en particulier. Carton plein.

Non que je m’indigne de cette supervision américaine de l’OTAN. Il est assez logique, dans une entreprise, de laisser le gros actionnaire décider de tout — n’en déplaise aux petits. Mais le matraquage médiatique sur les exactions de l’armée russe (les soldats ukrainiens, eux, ne violent et ne tuent personne — d’ailleurs ils font des prisonniers de guerre auxquels ils ne pensent même pas à mettre une balle dans la tête) parviendra sans doute à nous convaincre qu’il faut intervenir de façon plus directe dans le conflit.

Mais je m’interroge sur la façon dont certains politiques — Macron en tête — vont s’écriant « L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! » comme si c’était un bouclier face à la rivalité américano-russe, alors que nous sommes juste le doigt entre l’écorce et l’arbre. Que les mêmes partis qui dominent la France soient nos mandataires à Bruxelles est un mélange des genres inquiétant : pourquoi défendraient-ils ici une indépendance nationale qu’ils récusent là-bas ?

La nation a été la grande absente des récentes élections. La nation et la République, et ce qui les constitue — l’histoire et la culture. Ni Marine Le Pen, qui faute de culture a renoncé à contester l’Europe, ni Eric Zemmour, libéral dans l’âme et qui pense que le libre-échange n’entre pas en conflit avec l’indépendance, ne sont de vrais républicains. Les vrais républicains, ce sont ceux qui à Valmy se sont opposés aux armées coalisées qui voulaient faire l’union européenne sur le dos de la Révolution. Ce sont ceux qui ont lutté contre l’Allemagne — pas ceux qui plus tard ont léché le cul du Deutsche Mark tout-puissant, ou consenti à ce que l’euro soit défini par rapport à ce même Deutsche Mark, sous prétexte de faciliter la réunion des deux Allemagnes — un joli tremplin pour les forces américaines présentes en Europe.

Notre stabilité menacée

Les États-Unis n’ont jamais consenti à une Europe indépendante. Ils mènent une politique de blocs et, dans leur anti-soviétisme perpétué, préconisent l’entrée en guerre des Européens — sans risque pour eux-mêmes. Ça me rappelle la façon dont les seigneurs des guerres médiévales envoyaient la piétaille se faire massacrer en leur lieu et place.

À lire aussi, Bruno Tertrais: La Guerre froide sur le feu

J’explique dans mon dernier livre sur l’école que les Européanistes disciples de Monnet, Giscard and co., ont modifié les programmes scolaires, dans l’étude de la langue ou en histoire, de façon à ce que les petits Français soient dépossédés d’un héritage millénaire. Ils préféraient de très loin des « communautés » qui éclatent le pays façon puzzle à une France unie et forte. Le boulot est fait : désormais, les Français, à quelques exceptions près, sont prêts à admettre qu’il est nécessaire d’aller faire la guerre à l’Est — et d’y mourir, pour la plus grande joie d’Américains qui benoîtement s’offrent à nous vendre du gaz ou du pétrole au prix fort. C’est ce jeu avantageux que défendent parfois à leur insu tous ceux qui aujourd’hui, prêchent un interventionnisme lourd. Le marché a-t-il besoin d’un conflit majeur pour se revitaliser ? Ou plus simplement, la volonté de puissance des Américains et des Russes aura-t-elle raison de la stabilité (relative, mais stabilité quand même) des soixante-dix dernières années ? Quand Paris sera bombardé, nous aurons la réponse.

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Sommes-nous aussi décadents que le pense Poutine?


Le mépris du président russe pour l’Occident, joint à celui des islamistes et à un moindre degré des Chinois, devrait réactiver la vieille question qui hante périodiquement les esprits depuis la parution en 1918 du Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler : à supposer que l’Occident perde en effet de son influence sur la scène internationale, sommes-nous pour autant des « décadents » ? La manière dont Spengler évaluait ce déclin n’avait rien d’un jugement moral et découlait de sa vision « morphologique » de l’Histoire universelle : si chaque culture est comparable à un organisme qui naît, croît et enfin meurt, il n’y a pas lieu de déplorer la disparition de telle ou telle d’entre elles qui s’éteint aussi – mais ce n’est là qu’une cause occasionnelle – des faiblesses qui sont les siennes. Ainsi Michel Onfray reste-t-il à sa manière spenglérien quand il inscrit la décadence à ses yeux inéluctable de l’Occident dans un cycle cosmique au regard duquel elle n’a rien de tragique (Décadence, 2016) [1]. Mais il l’est déjà moins quand il reconnaît, au cours d’un dialogue avec Eric Zemmour [2], que la fragilité intérieure d’une culture attire les envahisseurs, sans aller toutefois jusqu’à penser comme son partenaire qu’on n’est plus en mesure de distinguer amis et ennemis dès lors que l’Autre a toujours raison. De ce dialogue brillant et courtois il ressort finalement que ces deux points de vue sont complémentaires, et que la décadence commence quand on accepte d’utiliser les mots de ses adversaires.

A lire aussi, Esteban Maillot: Zemmour/Onfray: rat des villes et rat des champs

L’invasion de l’Ukraine va-t-elle donc faire comprendre aux Européens, et aux Français en particulier, qu’ils vont devoir cesser d’osciller entre attendrissement humanitaire et pulsions va-t-en-guerre s’ils veulent trouver la réponse adéquate face à un ennemi cynique et déterminé, mais plus encore face à eux-mêmes et à l’héritage culturel et spirituel qui leur a été légué ? Par sa violence même, et les menaces directes qu’elle fait peser sur l’Europe, la crise actuelle confronte les Occidentaux à un choix crucial qui ne se limite ni à un cas de conscience moral (peut-on laisser les Ukrainiens se faire massacrer ?) ni à une option stratégique : jusqu’où aider l’Ukraine sans déclencher un conflit mondial ? Si ces questions bien évidemment se posent, les réponses qu’elles appellent seront faussées, et engendreront d’autres catastrophes, si elles ne conduisent pas les Occidentaux à reprendre en main l’évaluation de leur propre « décadence », si tant est que ce mot se justifie et corresponde tant soit peu à l’image que s’en font leurs ennemis.

Car la décadence n’est ni une chute brutale ni un abaissement volontaire ou subi. C’est d’abord un déclin qui n’est vécu comme une déchéance que si on le rapporte à l’ordre de grandeur qu’on s’est soi-même donné, et qu’on estime en danger. Tous ceux qui voient dans la décroissance une arme contre la régression économique qui menace les sociétés libérales ne vivent pas ce recul de la consommation comme une décadence. Les dictateurs par contre justifient leurs exactions en prétextant qu’ils ne font qu’exterminer des « décadents » qui déshonorent l’humanité dont ils pensent être quant à eux les plus purs représentants. Sans donc aller jusqu’à penser que la décadence n’a pas plus de réalité objective que l’insécurité qui se limiterait en fait au ressenti qu’on en a, force est de constater que des bilans objectifs ne suffisent pas à restaurer ou à détruire l’estime qu’un individu ou un peuple peut avoir de soi. Autant le déclin renvoie à l’état antérieur qui permet de l’évaluer et parfois de le chiffrer, autant la décadence est une forme de dépression qui touche le cœur même d’un être et affaiblit sa volonté d’exister.

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Pour se défendre d’être « décadents » les Européens, et les Français les premiers, ne pourront pas éternellement brandir les fameuses « valeurs » dont ils sont si fiers – démocratie, liberté, laïcité – quitte à oublier que leurs ennemis peuvent eux aussi se prévaloir de valeurs pour lesquelles ils sont même prêts à mourir. La vraie question est de savoir si nos valeurs nous ont rendus plus valeureux, plus courageux et plus dignes à nos propres yeux, et au regard de ce qu’a pu signifier « être européen » dans des temps pas si lointains. Le regard admiratif porté sur le courage des Ukrainiens en dit long sur la nostalgie de voir se lever des héros qui sauveraient l’honneur d’une Europe aussi affaiblie par ses lâchetés que par des « valeurs » qu’elle ne parvient plus à incarner. Quelles leçons peut bien donner au monde la démocratie française, menacée de l’intérieur comme elle l’est aujourd’hui ? Les échecs en temps de paix ne se transforment pas magiquement en exploits valeureux grâce à la guerre ; et le vrai défi après la Seconde Guerre mondiale était pour les Européens d’inventer une voie nouvelle entre le pacifisme qui fit le jeu de Hitler, et un héroïsme belliqueux qui ne laisserait aucune chance à la force spirituelle que la culture occidentale peut encore transmettre à qui voudra la faire sienne. On ne saurait donc demander aux peuples européens de nouveaux sacrifices quand on n’a pas été capable de faire fructifier ceux déjà consentis et, comme l’écrivait Ernst Jünger en 1943 dans La Paix, « l’Europe peut devenir une patrie sans détruire pour autant les pays et les terres natales ».

Que Vladimir Poutine ait choisi d’incarner le Grand Inquisiteur plutôt que le Prince Mychkine est son affaire, qui ne nous dispense pas de tirer les leçons de cette terrible Légende imaginée par Dostoïevski dans Les frères Karamazov. Tout y est dit du renoncement à toute forme de grandeur qui pourrait bien, si nous y consentions, faire de nous des « décadents » monnayant leur souveraineté contre une quiétude grégaire. La plupart des élections se sont jouées jusqu’à présent sur l’idée que les différents candidats se faisaient du progrès. Mais comment repousser le spectre de la décadence si la préservation de la souveraineté n’est plus considérée comme le seul authentique progrès qui contient en soi tous les autres ?


[1] Cf. ma recension dans Causeur de 2017.

[2] A voir en ligne sur la chaîne de Front Populaire.

Combattre l’islamisme d’atmosphère

Emmanuel Macron n’a pas su lutter contre l’islamisme. Au lieu d’imposer des mesures radicales pour stopper cette idéologie djihadiste qui gangrène notre société, le « en même temps » présidentiel l’a laissé prospérer.


Depuis les attentats islamistes de mars 2012, commis par Mohammed Merah, l’opinion publique française cherche, avec civisme et retenue, à comprendre les ressorts de la violence islamiste, à trouver les mots justes pour nommer le mal et le combattre, par les seuls moyens dont dispose notre démocratie éprouvée.

Bilan d’une décennie fatale

En dix ans, au rythme des attaques au couteau, des véhicules-béliers et des tirs à la kalachnikov au cri d’« Allahou akbar », on a lu toutes sortes d’analyses – thèse fumeuse du « loup solitaire », psychiatrisation de prétendus « déséquilibrés » –, pour converger difficilement vers la thèse plus réaliste du « djihadisme d’atmosphère », avancée par Gilles Kepel. Toutefois, ces délires islamo-gauchistes ont la peau dure, refusant par idéologie ou clientélisme de constater la « radicalisation de l’islam » dans bien des territoires – Roubaix, Tourcoing, Grenoble, Trappes, Stains, Denain, Liévin, Lille, Nice, Décines, Mulhouse, Dijon, Béziers, Lunel, Besançon, Bordeaux, Valence, Lyon, Le Havre, Saint-Denis, Maubeuge et j’en passe.

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À la veille de l’élection présidentielle, le thème de l’islam (refoulé par l’invasion de l’Ukraine) s’impose avec force. Et pas seulement parce que des candidats de droite, en particulier Éric Zemmour, en parlent ouvertement. Si les citoyens français n’opposent pas encore la violence à la violence malgré les attaques, les provocations et les intimidations, ils n’en sont pas moins inquiets de ce que pourrait être le visage culturel de la France de demain. Ils le font savoir. Il faut agir avant qu’il soit trop tard. Il suffirait d’un Bataclan à l’envers, d’un Christchurch quelque part dans l’Hexagone, pour que tout bascule. Le risque de la guerre civile, déjà en gestation pour autrui sur le sol français, est à prendre très au sérieux. D’autant que cet « autrui » est désormais connu, identifié et nommé.

Fresque de l’artiste de rue Christian Guémy, alis C215, en hommage aux victimes de Charlie Hebdo, Paris, 6 janvier 2022 © Thomas COEX/AFP

Les candidats aux prochaines élections (présidentielle et législatives) doivent prendre l’engagement de terrasser ce mal à la racine. Il ne s’agit pas seulement de surveiller et contrer le « djihadisme d’atmosphère » mais, plus globalement, de s’attaquer à sa matrice nourricière et son réseau associatif : l’islamisme d’atmosphère. On ne peut que regretter le temps perdu durant les deux mandatures précédentes. Il a fallu attendre le 25 avril 2019, presque à mi- mandat, pour que le président de la République s’exprime, enfin, sur la laïcité. Ce jour-là, Emmanuel Macron a promis d’être « intraitable » face à « l’islam politique qui veut faire sécession avec notre République ». Le président a trouvé des mots justes pour réaffirmer son plein attachement à la loi de 1905. Le ton grave, il a, enfin, nommé l’islam politique et pointé du doigt le communautarisme qu’il engendre et la sécession qu’il risque d’entraîner.

Cependant, « en même temps » et malgré les alertes, son parti, à l’approche des municipales de 2020, s’est laissé infiltrer par de jeunes islamistes redoutables qui ont fait perdre le Nord au Parti socialiste, notamment dans le Denaisis et dans le Valenciennois. Le 29 mai 2019, son ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a rompu le jeûne du mois de ramadan, dans le fief d’un frère musulman établi à Strasbourg, en terre concordataire. Pis, Emmanuel Macron lui-même et son Premier ministre, Édouard Philippe, étaient bel et bien annoncés en ouverture et en clôture de la Conférence internationale de Paris pour la paix et la solidarité, qui s’est tenue au palais Brongniart le 17 septembre 2019. Cette conférence était organisée par la LIM (Ligue islamique mondiale) un puissant outil islamiste prosélyte, créé en 1962, avec l’appui de l’Arabie saoudite, par une coalition fréro-salafiste transnationale à laquelle appartenait un certain Saïd Ramadan, gendre d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, et père des sulfureux Hani et Tariq Ramadan.

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Au cours de l’année 2020 (marquée par le début des restrictions démesurées des libertés individuelles pour cause de Covid), les services de renseignement ont pu, fort heureusement, neutraliser et déjouer plusieurs attentats terroristes mais le bilan reste lourd à Villejuif, Romans-sur-Isère, Colombes, Conflans-Sainte-Honorine ainsi qu’à la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption de Nice. En 2021, l’attentat au commissariat de Rambouillet a de nouveau posé la question de la relation entre l’immigration maghrébine et/ou subsaharienne et l’islamisme qui tue. « Le risque zéro n’existe pas. » On connaît la chanson.

Le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron est donc en dessous des attentes alors que la situation exige des mesures radicales pour déraciner, à court terme, l’idéologie islamiste du terreau français. Certes, il y a eu le discours présidentiel du 2 octobre 2020, aux Mureaux, sur le thème de la lutte « contre les séparatismes », ainsi que celui du 21 octobre 2020, prononcé à la Sorbonne lors de l’hommage national à Samuel Paty. Il y a eu son explication devant un journaliste de la chaîne qatarie Al-Jazeera, le 31 octobre 2020. On a mis en place une Charte des principes pour l’islam de France, fermé quelques mosquées dites « salafistes », dissous quelques associations, comme Baraka City et le CCIF, et expulsé quelques imams radicaux – mais pas tous. Dix mois après la décapitation du professeur Samuel Paty, on a voté et promulgué la « loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République ».

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Toutefois, l’exécutif macronien continue sur la voie pernicieuse du « en même temps », en mettant en place une nouvelle instance dite représentative de « l’islam de France », à travers un nouveau forum, le Forif, remplaçant feu le CFCM. Au vu de sa composition et de ses axes d’action connus à ce jour, cet organisme s’inscrit dans la continuité du projet islamiste global, mais sous un aspect à dessein plus disséminé et plus décentralisé. On notera la présence en son sein de nombreux activistes fréro-salafistes, connus des services de l’État ; leurs fédérations de tutelle quadrillent toujours l’Hexagone, de Paris à Marseille, de Lille à Lyon, de Strasbourg à Bordeaux. Ils infiltrent le Forif et ses antennes départementales au service de la maison-mère de l’hydre islamiste, les Frères musulmans, qui, curieusement, n’a été ni dissoute ni interdite par Emmanuel Macron et par son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Cerise sur le gâteau, la majorité LREM à l’Assemblée nationale, soutenue par une partie du gouvernement, a refusé un amendement du Sénat visant à interdire les signes et tenues religieux ostentatoires « lors des compétitions sportives organisées par les fédérations sportives » Les « hidjabeuses » peuvent jubiler !

Pour un nouveau paradigme

Face à l’islamisme, les demi-mesures sont néfastes. Ce contre-projet culturel et civilisationnel œuvre d’arrache-pied pour désunir la France et déconstruire sa civilisation millénaire judéo-chrétienne et gréco-romaine, pour la remplacer, ou du moins, pour la concurrencer par un autre récit identitaire qui n’a plus besoin de se dissimuler derrière le slogan fumeux du « vivre-ensemble ». Ce ne doit pas être un défi à relever parmi d’autres, mais une priorité absolue.

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Il faut impérativement changer de paradigme et de stratégie dans la lutte contre l’hydre de l’islam politique. L’État n’a plus à se soucier de la mise en place ou de la structuration du mal nommé « islam de France ». Son devoir est de protéger les Français, tous les Français. Cela implique de neutraliser et dissoudre jusqu’à la dernière petite structure des forces islamistes qui agissent en réseau, parfois en toute impunité, souvent avec la complicité d’élus et de hauts fonctionnaires. Les citoyens français de confession musulmane n’ont jamais donné mandat aux élus de la République, que ce soit au plan local ou national, pour structurer l’islam ou choisir leurs prétendus « représentants ». Les citoyens français de confession musulmane sont d’abord des citoyens et, à ce titre, leurs représentants sont les élus de la République. Une évidence.

Discours de Mohammed bin Abdul Karim al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM), à la Conférence internationale de Paris pour la paix et la solidarité, au palais Brongniart, 17 septembre 2019 © GODONG / BSIP via AFP

La méconnaissance de la nature même de l’islam, une religion sans papauté, sans rabbinat, sans Églises, a conduit l’État à une succession d’erreurs d’appréciation et d’action. Les gouvernements successifs, du Corif au Forif, de 1990 à 2022, de Pierre Joxe à Gérald Darmanin, pensaient et pensent toujours, à tort, que « la » solution est d’offrir aux citoyens français musulmans « une structure représentative » de l’islam qui ferait émerger des « interlocuteurs officiels », sur le modèle du Consistoire juif. Ces tentatives n’ont abouti qu’à renforcer et notabiliser, d’un côté, les représentants des islams consulaires, algérien, marocain et turc, et de l’autre, les intégristes fréro-salafistes pilotés et télécommandés depuis l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et la Turquie.

Pire, force est de constater que depuis 1990, la violence djihadiste s’est répandue sur tout le territoire au même rythme que les revendications séparatistes liées au voile à l’école et à l’université, au burkini sur les plages, aux créneaux non mixtes dans les piscines, au « hallal » dans les cantines scolaires et aux carrés musulmans dans les cimetières. Et ce sont bel et bien des composantes du CFCM, des Frères musulmans se tenant main dans la main avec des responsables de la Grande Mosquée de Paris, appuyés par une puissance étrangère, la LIM wahhabite saoudienne, qui ont, dès 2006 (puis en 2012), accroché des cibles dans le dos des journalistes de Charlie Hebdo, avant que les frères Kouachi finissent la tâche mortifère, un 7 janvier 2015.

La tenaille islamiste

La République nourrit le monstre qui s’apprête à la dévorer. Par aveuglement, elle s’est laissé prendre entre les deux mâchoires d’une tenaille islamiste puissante : la branche politique et la branche djihadiste sont attachées l’une à l’autre par le même axe idéologique. Le front office de la diplomatie religieuse des monarchies pétrodollars se sert, au besoin, du back office djihadiste pour consolider ses acquis, entretenir la terreur et exercer un chantage implicite à la stabilité. Et le soft power de Mohammed bin Abdul Karim al-Issa, vient appuyer le « hard power » des réseaux terroristes d’al-Qaïda et du groupe État islamique, malgré les démarcations apparentes de circonstance. Cette tenaille islamiste connaît les failles du système. Le 14 juillet 2016, le jour de la fête nationale, le terroriste islamiste tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel fonce avec un camion-bélier sur une foule à Nice tuant 86 personnes. Un mois plus tard, c’est une affaire du burkini islamiste, sur une plage de Nice, qui défraye la chronique grâce au concours victimaire de la LDH islamo-gauchiste et du CCIF fréro-salafiste…

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L’État français, comme tétanisé, n’apprend pas de ses erreurs. Instaurer une autorité islamique de tutelle comme le Forif au sein de la République, c’est aider volontairement le Qatar et l’Arabie saoudite à influencer davantage les citoyens musulmans pour les transformer en une sorte de cinquième colonne. Au contraire, la France doit soutenir l’émancipation des Français de confession musulmane, sunnites comme chiites. L’islam en France doit connaître son moment Spinoza.

Aucune structure officielle ne peut être le porte-parole des Français musulmans. Aucune structure religieuse ne saurait être un corps intermédiaire entre l’État et les citoyens français musulmans. Qu’il faille un organisme indépendant pour gérer le mobilier et l’immobilier du culte musulman, fort bien, mais certainement pas un conseil ou un forum pour dire le dogme, surveiller la morale et dicter les règles canoniques de la « charia des minorités ».

Gérald Darmanin participe à la première session du Forum pour l’islam de France (Forif), appelé à remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM), Paris, 5 février 2022 ©
AP Photo / Lewis Joly / AFP

La première réponse est régalienne

Le monde arabe regarde la France. Si depuis plusieurs siècles, des théologiens et juristes musulmans ont usurpé le pouvoir du politique pour asservir les peuples, le monde arabe se défait sous nos yeux, petit à petit, avec courage et  détermination, des jougs de l’islamisme et de la pression des imams. Les « musulmanités » sont en train de remporter des batailles, l’une après l’autre, face à l’islamisme. Là-bas, y compris en Arabie saoudite, l’émancipation est en marche. Instaurer une autorité islamique en France, c’est offrir une assurance-vie à l’islam politique.

Le devoir de l’État, c’est de sanctionner les imams sulfureux, pas de former les imams, ni de leur donner des « certificats de laïcité », ni de fermer les yeux quand la LIM wahhabite saoudienne leur fait signer ses chartes et mémorandums inspirés du Coran et encore moins de lui offrir une succursale made in France à Lyon. Le devoir de l’État, c’est d’appliquer la loi garantissant le caractère laïque des cimetières municipaux, pas de faciliter aux islamistes l’accès à des « carrés musulmans » et faire ainsi triompher le séparatisme même après la mort. C’est aussi d’interdire la maltraitance de tous les enfants, en interdisant et pénalisant le voilement des fillettes et les mutilations génitales, circoncision comme excision, pas de garantir la « sécurité spirituelle » des Français musulmans.

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Face à l’islam politique, l’État doit assumer sans trembler ses devoirs régaliens. Sa stratégie devra être construite autour du triptyque : surveiller, isoler, sanctionner. La première réponse est, sans conteste, d’ordre sécuritaire. Tout ce que le droit permet doit être fait. Et si l’état actuel du droit comporte encore des failles, le législateur doit les combler. En France, si en nombre absolu, les islamistes sont minoritaires, leur récit idéologique identitaire, lui, bénéficie d’un quasi-monopole dans presque toutes les mosquées et dans la majorité des familles musulmanes, ce qui ne facilite pas la tâche aux services de l’État : toute attaque contre l’islamisme est très vite instrumentalisée par le réseau fréro-salafiste national et transnational comme une attaque contre l’islam et contre les musulmans. Au lieu de faire le procès de l’islamisme, on fait le procès de la France.

Par conséquent, l’État français doit laisser les Français, musulmans ou non, s’occuper des débats d’idées pour faire bouger les lignes d’un islam en crise existentielle. La République n’a pas à se soucier de l’avenir de l’islam, de la formation des imams ou des coûts d’entretien des mosquées-cathédrales. Si cette religion devait perdre des fidèles ou même disparaître, si une pénurie d’imams pointait son nez, eh bien qu’il en soit ainsi. La République n’a pas à être le gardien du temple islamique.

La deuxième réponse est sociétale

Il est évident que l’État seul ne peut pas grand-chose face à l’islamisme sans l’implication véritable des trois pouvoirs démocratiques, de toutes les institutions régaliennes, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que des forces de la société civile et de l’économie, bref, de toute la société. C’est l’affaire de tous.

Si l’islamisme est une somme de ruptures par rapport à la société française occidentale qu’il maudit, il est surtout la convergence silencieuse de toutes les continuités souterraines de la société de remplacement qu’il construit.

Le séparatisme islamiste, prêché lors des sermons de vendredi, trouve ses échos et ses représentations dans le voile d’une élève-avocate à l’école de formation des barreaux de Paris, dans le fichu sur la tête d’une candidate de l’émission « The Voice » sur TF1,  dans le CNRS qui se laisse infiltrer par l’idéologie islamo-gauchiste, dans le burkini sur des plages de Nice, dans les créneaux non mixtes dans des piscines à Grenoble, dans le « hijab-running » de Decathlon, dans les produits de la finance islamique du Crédit agricole, dans le refus d’un rappeur bling-bling converti à l’islam de souhaiter « bonne année » aux Français, dans les rayons « hallal » qui pullulent dans les grandes surfaces, dans les menaces contre des enseignants peu soutenus par leur hiérarchie, dans les poupées sans visage à Roubaix…

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D’ailleurs, l’analyse attentive des raisons de l’émergence de territoires conquis par l’islamisme, à Roubaix ou à Trappes, conduit à observer plusieurs facteurs concomitants : une masse démographique de musulmans, un ou plusieurs lieux de culte, des financements opaques, des élus clientélistes, une presse locale aux abonnés absents ou pire, complaisante, des représentants d’autres confessions prêtant leur caution morale aux islamistes par le biais du dialogue interreligieux, des acteurs économiques qui s’adaptent à la demande communautariste, des dealers de drogue qui font régner la peur dans les halls d’immeuble, une police nationale et/ou municipale empêchée par des injonctions administratives contradictoires… En somme, une mécanique infernale qui, au lieu d’assécher les sources de l’islamisme, apporte de l’eau à son moulin.

Évidemment, l’État et la société ne peuvent rien sans l’implication franche et audacieuse des citoyens français de confession musulmane qui disent rejeter l’islamisme. L’islamisme ne vient pas de nulle part. Il a structuré le récit dominant de l’islam et ses sources scripturaires depuis le 8 juin 632, la nuit de la mort de Mahomet, à tel point que l’on ne sait pas précisément ce qui différencie l’un de l’autre, tellement ils se confondent. Ce n’est pas la République qui fait l’amalgame entre islam et islamisme. Ce ne sont pas les citoyens français qui font l’amalgame entre islamistes et concitoyens musulmans. Ce sont hélas ces derniers qui sont les vrais acteurs et les premiers responsables de tous les amalgames.

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L’islamisme structure ladite « communauté » musulmane en France depuis plus d’un demi-siècle. C’est dans le vivier démographique français musulman, en croissance continue, que l’islamisme enracine son idéologie, recrute ses activistes, assure sa relève, finance ses projets séparatistes, remplit ses mosquées, trouve de l’écho à ses revendications, rend visible ses marqueurs identitaires et fait du chantage à la stabilité de notre nation.

L’islamisme n’est debout que parce que les Français musulmans le servent activement et passivement, par l’action comme par l’inaction. Vont-ils accepter que le combat pour la France soit mené sans eux ? Il est minuit moins deux. Mes concitoyens de confession musulmane ont rendez-vous avec l’Histoire, ici et maintenant.

Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans

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Tartuffe réélu: «Cachez cette France que je ne saurais voir»

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En Bourgeois gentilhomme, il serait aussi excellent


Quand nous eûmes connaissance des résultats sans surprise d’une élection présidentielle qui plaça bon nombre d’entre nous face à un choix cornélien, confrontés à deux candidats dans lesquels nous ne nous reconnaissions pas, c’est Rabelais qui me réconforta. Je songeais à son aphorisme, dans l’avis proposé aux lecteurs de Gargantua :

« Mieulx est de ris que de larmes escripre,
   Pour ce que rire est le propre de l’homme. »

Ensuite, toujours dans l’esprit d’en rire et pour faire passer une pilule, pour le moins amère, je me suis tournée vers Molière. Il eût été du reste follement inspiré par notre époque et c’est en faux dévot moliéresque que notre jeune acteur présidentiel brûle définitivement les planches. Je me suis donc plongée dans Le tartuffe ou l’imposteur  et vous livre dans la foulée ma réflexion à propos de ces derniers jours.

Ouvrons la pièce à la scène 2 de l’Acte I.

Nous sommes encore dans le précédent quinquennat de notre amateur de « carabistouilles » (le mot est lui) et de poudre de perlimpinpin. Restituons alors une conversation entre le porte-parole d’une France qui souffre sous le joug de notre royal imposteur (représentée par la Dorine de la comédie de Molière) et les sectateurs de notre Tartuffe de jeune Prince, incarnés en Orgon, le père de famille dupé par le princier charlatan. 

                  Orgon (partie de la France envoûtée par Emmanuel Macron)

Qu’est ce qu’on fait céans ? Comme est-ce qu’on s’y porte ?

                  Dorine (porte-drapeau d’une autre partie de la France martyrisée par Tartuffe)

Madame (La France) eut avant-hier la fièvre jusqu’au soir,
Avec un mal de tête étrange à concevoir.

Et pour cause, nombreux Jacques, à savoir une foule de sans-dents en colère, des gueux appelés Gilets-jaunes occupaient les ronds-points et les centres de nos villes, manifestant leur désespoir de ne pouvoir vivre de leurs maigres émoluments. Mais, poursuivons :

                   Orgon

Et Tartuffe ?

                  Dorine

Tartuffe ! Il se porte à merveille,
Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille

                Orgon

Le pauvre homme !

Ben tiens ! On ne comptait plus les coups de matraque infligés aux gueux, ni les yeux arrachés : dommages collatéraux subis par les manants lors de la répression des jacqueries ordonnée par Emmanuel Macron. Et le dialogue de se poursuivre : il fut ensuite question des soignants renvoyés de leurs emplois parce qu’ils refusaient un vaccin imposé par Tartuffe flanqué de son inénarrable « Conseil médical ».

              Orgon

Et Tartuffe ?

             Dorine

Pressé d’un sommeil agréable,
Il passa dans sa chambre au sortir de la table ;
Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,
Où sans troubles, il dormit jusques au lendemain.

             Orgon

Le pauvre homme !

Nous eûmes ensuite, avant le couronnement du 24 avril, la première manche d’un tournoi opposant douze chevaliers qui tourna très vite à la pantalonnade. Emmanuel Macron refusa d’en découdre avec ceux qu’il considérait comme de pauvres hères. Seuls restèrent en lice notre monarque et son adversaire préférée, la présidente de la Fédération Féline Française (l’amour de Marine Le Pen pour les chats est bien connu.) Le président s’obstina judicieusement à nommer le parti de celle-ci : « Front national », soucieux de cantonner sa rivale et ledit parti dans un passé à jamais maudit. C’est alors que débuta le second tour. Durant une quinzaine de jours fut sonné, à grand son de trompe, l’appel à un front républicain, orchestré de main de maître par notre président-candidat à sa propre succession. Celui-ci, plutôt que d’évoquer son triste bilan et un programme pour le moins léger, battit le rappel de tout ce que la France comptait d’artistes, de sportifs et de médias tout à sa cause acquis. On se mobilisa pour éviter le retour du fascisme en France. Il s’agissait de neutraliser les remugles qui commençaient à chatouiller désagréablement la narine de Tartuffe et de sauver la Liberté gravement menacée par la dame aux chats.

Eut ensuite lieu le débat institutionnel d’entre les deux tours, sans grande saveur. Notre Tartuffe y surjoua son personnage, d’étonnement, Gilles Bouleau fut métamorphosé en ficus et Léa Salamé en statue de sel. Face à une Marine Le Pen tout aussi médusée et soucieuse d’arborer un calme que ses conseils en communication avaient dû la sommer d’afficher contre vents et marées, l’insolent assomma les téléspectateurs et son adversaire de carabistouilles technocratiques. Les chiffres voltigeaient, dans un nuage de poudre jetée aux yeux. Souvent, les mains de notre prestidigitateur, disciple de Gérard Majax, s’agitaient frénétiquement pour sortir sans vergogne quelques couleuvres de son chapeau. Son adversaire les avalait sans broncher, assommée par les gesticulations méprisantes et condescendantes de l’histrion. Celui-ci lui coupait grossièrement la parole, tel un chien hargneux face à une interlocutrice qui aurait oublié d’être chat.

Gardons bien en mémoires certaines des saillies de notre bateleur face auxquelles Marine Le Pen resta coite. Alors qu’elle affirmait vouloir supprimer le voile de l’espace public, Tartuffe osa répondre, insultant une partie des Français et sous-entendant par là même qu’ils seraient incapables de respecter la loi : « Vous allez créer la guerre civile, si vous faites ça, je vous le dis en toute sincérité. » Quand elle tenta de se référer à Charles de Gaulle, notre pédant et condescendant personnage, grand bradeur de l’Histoire de la France, éructa : « Oh Madame Le Pen, venant d’où vous venez, vous ne devriez pas parler du Général de Gaulle. » Il lui assena enfin un uppercut en mentionnant le prêt qu’elle avait contracté en Russie pour financer sa campagne. À peine osa-t-elle rappeler pour riposter les accointances du tout petit Prince avec McKinsey.

Si Marine Le Pen ne broncha pas plus que Raminagrobis assoupi près d’une cheminée et digérant un bon rôt, c’est que notre fourbe Kaa l’avait hypnotisé. Bien sûr, après coup, il fut facile pour nous tous de convenir qu’elle eût dû être plus offensive. Il lui aurait suffi d’attaquer le président sur son bilan, sur l’insécurité et sur l’immigration. Mais tout se déroula ainsi parce que c’était elle et surtout parce que c’était lui.

On eut droit enfin, avant ce dimanche soir, marqué (à jamais) par la réélection de Foutriquet, à deux jours de récit des pérégrinations hexagonales épiques de nos deux candidats. J’en retins la formidable hypocrisie de notre Tartuffe qui vacillait à droite puis à gauche tel le Bateau ivre. On se souviendra de Figeac comme Clovis se souvint, en son temps, de Soisson. Notre recalé du Conservatoire n’y alla pas de main morte : « Rien n’est encore joué ! Vous l’avez compris : rien n’est encore joué ! » vociféra-t-il avec une impudeur déconcertante alors que nous savions tous que l’affaire était pliée. Pour ceux qui ignoreraient encore qui est notre comédien-président réelu, je ne peux m’empêcher, pour conclure, de rappeler le portrait qu’en fait Orgon à son beau-frère Cléante, toujours dans Tartuffe ou l’imposteur. Comme celui-ci ne peut comprendre la ferveur suscitée par le faux dévot, Orgon s’adresse à lui ainsi (scène 5 de l’acte I) :

               Orgon à Cléante

Qui suit bien ses leçons goûte une paix profonde,
Et comme du fumier regarde tout le monde.
Oui, je deviens tout autre à son entretien ;
De toutes amitiés il détache mon âme ;
Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme,
Que je m’en soucierai autant que de cela.

Courage, mes amis, soyons avare de notre mépris et ne devenons pas misanthropes pour si peu.
Contentons-nous, en bons Gaulois réfractaires, de réserver quelques fourberies à notre bon Tartuffe.

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[Nos années Causeur] L’art et l’intelligence

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L'acteur Michel Fau © Hannah Assouline

Pour le centième numéro de Causeur les rôles s’inversent. Cette fois-ci ce n’est pas Causeur qui écrit sur le comédien et metteur en scène Michel Fau mais ce dernier qui écrit sur ce magazine qui l’a si souvent interrogé (et célébré pour son indéniable talent). Michel Fau vous parle de ses années Causeur


La première interview que j’ai donnée à Causeur, menée par Élisabeth Lévy et Gil Mihaely, portait sur l’alexandrin français : une de mes passions. Le niveau du débat était déjà très élevé ! Depuis, l’équipe de Causeur a toujours fidèlement soutenu mon travail. Aujourd’hui, les journalistes parlent de moins en moins de culture, et encore moins d’art ! Ils préfèrent vous demander quelle est votre sexualité et pour qui vous votez… (Je réponds toujours que c’est un secret et que ça ne les regarde pas !).

Le magazine Causeur possède une ouverture d’esprit panoramique, qui permet de parler de la place de l’art dans notre société, longuement et profondément, ce qui est assez rare. Ce journal regarde les choses frontalement et n’a pas pour habitude de contourner les problèmes… cela s’appelle sans doute l’intelligence.

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À Causeur, j’ai pu aborder d’ambitieux sujets, comme par exemple les questions de style, les différents codes de jeu, l’importance du travestissement, les références aux maîtres anciens… évoquer ce dont on ne peut parler ailleurs sous prétexte que ça n’intéresse personne, ou tout simplement par manque de connaissance.

Enfin, dans cette revue, j’ai pu revendiquer ce à quoi j’ai consacré mon existence, ce pour quoi je me bats et qui me semble aujourd’hui parfois méprisé : l’Art théâtral, avec un grand A et un accent circonflexe ! Dans ce monde survolté et de plus en plus censuré, Causeur occupe une place insolente et totalement libre !

Matignon: pourquoi se contenter d’une femme?

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Elisabeth Borne en février 2022 © Jacques Witt/SIPA

Exigeons une femme Premier ministre transgenre, voilée et noire!


Selon les journaux, le directeur de casting Emmanuel Macron n’avait toujours pas arrêté son choix mardi quant à son futur Premier ministre.

Ce dernier ne devra pas lui faire de l’ombre, bien sûr, et incarner le virage écolo de la « nouvelle ère » qui commence.

Parmi les noms qui se murmuraient dans Paris en début de semaine, Catherine Vautrin, Elisabeth Borne, Christine Lagarde ou même Nathalie Kosciusko-Morizet. Hier soir, sur Twitter, après ses exploits au ballon face à Manchester City, les internautes réclamaient Karim Benzema à Matignon. Mais il y a une condition que le joueur de Madrid ne satisfait pas ! En effet, Emmanuel Macron voudrait nommer une femme. C’est du moins ce que déclarait Clément Beaune, Secrétaire d’État aux Affaires européennes sur BFMTV, lundi.

Mais pourquoi donc se contenter d’une femme ? Pour cocher toutes les cases du progressisme, Emmanuel Macron devrait carrément nommer une femme transgenre, issue de la diversité, et souffrant de handicap. Et bien sûr, portant un voile islamique puisque désormais, il trouve que ça va très bien avec le féminisme

Une tendance lourde

Soyons honnêtes, cette instrumentalisation des femmes n’est pas l’apanage d’Emmanuel Macron. C’est la première chose qu’a dite Valérie Pécresse après sa nomination comme candidate au Congrès des Républicains. Je suis une femme, comme c’est moderne ! Anne Hidalgo a également essayé d’en jouer pendant la campagne. Et vous verrez que bientôt des femmes politiques ou leurs partisans nous expliqueront que leurs mauvaises performances s’expliquent par le machisme qui règne dans le monde politique…

A lire aussi: Une victoire sans joie

On peut évidemment nommer une femme à Matignon. Ce n’est bien sûr pas la nomination d’une femme qui pose problème en soi, mais cette affirmation que le président chercherait une femme par principe. C’est humiliant pour les femmes, et c’est d’ailleurs paradoxal, car si les femmes sont les égales des hommes – ce dont tout le monde est convaincu – pourquoi y aurait-il une façon féminine de gouverner ? Et c’est le même tarif si on nous disait qu’il faut nommer un Premier ministre noir, juif, musulman ou homosexuel. Dans cette optique où les gens sont regardés comme les représentants d’un groupe ou d’une communauté, ce n’est plus à la formation d’un gouvernement que nous assistons, mais bien à un casting.

« Envoyer un message »

De plus, les commentateurs nous disent qu’il s’agirait de « réparer une injustice ». Ce serait au tour des femmes, puisqu’il n’y a pas eu de Premier ministre femme dernièrement – ou de Premier ministre appartenant à l’une des autres catégories de la population susmentionnées.

Dans le cas qui nous occupe, ce qui est vraiment injuste, c’est que des hommes méritants ou talentueux seraient écartés par principe. Enfin, si vous privilégiez une catégorie parce que vous voulez « envoyer un message », le minimum serait de ne pas le dire. Soyez assurés que si c’est une femme ou un noir qui est nommé, tout le monde s’en rendra compte !

Le principe fondateur de la République, c’est l’universalisme – et la méritocratie qui en est le corollaire. Les gens occupent leur poste pour leur talent. S’agissant du choix du Premier ministre, il faut ajouter le critère des équilibres politiques. Il sera surtout intéressant de voir si Emmanuel Macron privilégie une personnalité marquée plutôt à droite ou plutôt à gauche. Que ce soit une femme ou un homme, on s’en fiche royalement. Les Français, dans leur sagesse, aussi. Sinon, Marine Le Pen ou Valérie Pécresse serait présidente de la République… ou même Anne Hidalgo !


Cette chronique a initialement été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez notre directrice chaque matin à 8h10 dans la matinale.

Maïa Mazaurette, ou comment réussir sa vie quand on ne pense qu’au cul

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Avec la spécialiste Maïa Mazaurette, la sexualité se fait féministe, égalitariste et moralisante. La journaliste du Monde et de « Quotidien » prône notamment des ébats «zéro déchet».


Maïa Mazaurette est aujourd’hui une “chroniqueuse sexe” reconnue. Il faut dire que rien d’autre ne l’intéresse. Longtemps elle s’est demandé où cela la conduirait.

Quelle profession embrasser lorsque l’unique sujet de vos réflexions est celui qui tourne autour des fluctuations de la fesse ? Maïa a envisagé plusieurs options, de la plus péripatéticiennement dégradante à la plus putassièrement accessible. Finalement, elle a choisi la voie journalistique qui n’interdit aucune des options susmentionnées et peut ouvrir bien des portes. Elle fait maintenant office de “chroniqueuse sexperte” sur France Inter, dans le journal Le Monde et pour l’émission « Quotidien », organes de presse modernes et progressistes dans lesquels elle dispense avis et conseils pour une sexualité féministe, morale et égalitaire.

A lire aussi: «L’écriture inclusive est annonciatrice d’une tyrannie»

En guerre contre les handicapés du cunnilingus

Sa chronique sur la radio publique s’intitule « Burne Out ». Tout un programme. Pendant trois minutes, Maïa n’hésite pas à prendre le taureau par les cornes et à tirer les oreilles des hommes. Le 18 mars, la chroniqueuse était « dans une colère noire ». Fichtre ! De quoi peut-il s’agir, nous demandâmes-nous in petto. Nous eûmes bientôt la réponse : Maïa venait de lire une enquête dans laquelle elle avait appris que « 48% des Français n’accepteraient pas d’être en couple avec une femme ne respectant pas les standards de beauté, 45 % refuseraient de coucher avec une femme qui a des poils, 20% ne voudraient pas d’une femme plus grande ou plus âgée ». On comprend mieux le courroux de Dame Mazaurette. Surtout que, dans 27% des cas, ces goujats rechigneraient également à utiliser un sextoy pour faire jouir leur partenaire ou refuseraient carrément de s’informer sur « comment la faire jouir ». La chroniqueuse, déjà passablement énervée, apprit dans la même enquête qu’en plus d’être des cancres du coït et des handicapés du cunnilingus, « les trois-quarts des hommes refusent les couples ouverts, l’échangisme, et que quatre hommes sur cinq refusent les plans à trois avec deux hommes ». Désespérée, elle s’interrogeait en direct : « Qu’est-ce que je vais faire de mes week-ends ? »

Maïa Mazaurette. D.R.

Le vendredi 15 avril, elle annonce qu’elle sait en tout cas ce qu’elle va faire pendant le week-end de Pâques : elle va s’offrir « un œuf-surprise en chocolat, comme les Kinder, mais avec un vibromasseur dedans ». Parce que le sexe c’est bien, c’est quand on veut, « c’est H24, sans week-ends, toute l’année, jours fériés compris, un rythme stakhanoviste assumé ». Toute obsédée du cul soit-elle, Maïa n’oublie pas les gestes écologiques pouvant “sauver la planète”. Elle pense qu’une « sexualité zéro déchet » est possible. Celle-ci reposerait essentiellement sur une « rétention de la semence masculine ». En même temps, s’interroge la Sandrine Rousseau du popotin, se retenir d’éjaculer ne relève-t-il pas d’un hyper-contrôle tendant à prouver la supériorité de l’homme, et donc d’un « exercice de masculinité, et même de remasculinisation ». On voit par là tout l’intérêt d’une radio publique qui n’hésite pas à mettre sur la table les sujets les plus sérieux, à poser les questions les plus fondamentales, à fouiller dans les arcanes des savoirs les plus mystérieux.

Dans l’émission « Quotidien », Maïa, toujours pimpante, donne des conseils. Par exemple, à Vincent, un adolescent qui avoue être « perdu dans sa sexualité », elle propose d’ouvrir un compte Instagram ou d’aller sur Facebook où il pourra choisir le genre qu’il veut. Il peut aussi, conseille-t-elle, aller sur « l’application Feeld et ses propositions hyper inclusives comme “objectum-sexuel” (être attiré sexuellement par un objet) ou “skolio-sexuel” (être attiré sexuellement par des personnes non-binaires hétérosexuelles ou homosexuelles)». Vincent est rassuré. Se frottant frénétiquement à un pied de table, il se sent prêt à déclarer sa flamme à sa voisine pansexuelle, à sa brosse à dents ou à son chat. Merci Maïa.

En guerre contre l’hégémonie du pénis

La “chroniqueuse sexperte” a écrit plusieurs ouvrages destinés à l’édification des masses d’hommes incultes. Dans La revanche du clitoris, elle affirme vouloir faire évoluer les mentalités en luttant contre les approximations. « Tous les adolescents savent ce qu’est la sodomie, mais beaucoup d’entre eux ne peuvent pas situer le clitoris. » Le clitoris ne doit plus être caché. En tout cas, l’homme doit tout faire pour le découvrir. Pour aider ce dernier, Maïa Mazaurette a glissé dans son livre des dessins, des plans, des astuces coquines, ainsi que, me semble-t-il, une carte routière et une liste d’objets à acquérir (gants, torche électrique, corde, casque, etc.). S’il est attentif et consciencieux, l’homme devrait finir par trouver un jour ou l’autre cet objet organique composé de huit mille fibres nerveuses qui n’attendent que d’être savamment titillées par l’expert du clito qu’il sera devenu après la lecture de ce livre instructif et pédagogique.

A lire aussi: Mazette, Mazaurette !

Parmi les autres ouvrages de notre penseuse, il en est un qui s’intitule Sortir du trou, lever la tête. Non, il ne s’agit pas d’un manuscrit sur la spéléologie ou d’un énième travail herméneutique sur l’allégorie de la caverne de Platon, mais, plus profondément, d’une réflexion sur la pénétration et l’orifice féminin. Il y est question du pénis hégémonique, du « trou » des filles et même de la possible « transsubstantiation de la femme en trou ». C’est très pointu. En réalité, écrit notre volcanique spécialiste des tréfonds, le trou n’existe pas : c’est une invention de vieux dégeulasses qui pensent « étroit, petit, sans générosité ». La vérité est « qu’il n’y a aucun destin anatomique dans le trou. […] Le trou est une éducation », une construction sociale qui remonte à la plus haute Antiquité et que Maïa Mazaurette se charge de déconstruire. Résultat : 480 pages composées de phrases courtes, très courtes, parfois d’un mot ; écrites dans une langue misérable de journaliste inculte, disent certains réacs peine-à-jouir. Maïa Mazaurette a tout simplement voulu se mettre à la portée de tous. Son écriture claudicante et sèche – proche de celle qui pollue les réseaux sociaux et les messageries des téléphones portables – lui permet d’espérer toucher un plus large public que celui qu’elle aurait atteint en écrivant simplement en français. Ses phrases au premier abord insignifiantes, creuses ou sibyllines – « Le sexe nous déçoit. » « Il y a de la chair sous la chair. » « On te dessine avec un trou. » « Il n’y a aucune fatalité au trou. » « Les vainqueurs écrivent le trou. » « La culture t’a trouée. » « Je ne pense pas comme un trou. » – sont destinées principalement à de jeunes lectrices – étudiantes en sociologie à Paris 8, journalistes pour Slate ou Les Inrocks, ou artistes contemporaines et intermittentes – qui comprennent intuitivement que derrière ce que d’aucuns appellent un gribouillis informe se cache en vérité la défaite de la domination masculine et du patriarcat.

Enfin, notre bouillante chroniqueuse égalitaire n’oublie pas de rappeler aux femmes qu’elles aussi peuvent pénétrer et « baiser les hommes ». Réjouie, elle les informe « qu’on peut pénétrer le pénis par l’urètre ». Il est nécessaire pour cela de se munir de différents « instruments spéciaux » dont « des tiges de métal de différents diamètres ». Cette pratique permettrait d’obtenir « des orgasmes extraordinaires ». J’ai beau avoir été déçu par les résultats de l’élection présidentielle et chercher des moyens nouveaux de grimper aux rideaux ou seulement d’éviter de tomber en dépression, j’avoue que je ne me sens pas prêt pour ces nouvelles expériences avec Maïa ou une de ses congénères. Comme tout homme j’ai soif d’amour – mais, comme disait Desproges, ce n’est pas une raison pour me jeter sur la première gourde venue.

Les jardins, un patrimoine à la française

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La terrasse des Orangers est l'un des trésors du domaine national de Saint-Cloud © Eric Sander - CMN

Les parcs et jardins constituent une part remarquable de notre patrimoine historique. Mais ces créations fragiles ont été négligées au fil des siècles. C’est pourquoi le Centre des monuments nationaux (CMN) met les bouchées doubles pour restaurer notre « patrimoine vert ». Les chantiers sont colossaux.


La grande tempête de 1999 a été un drame humain et matériel qui nous a cependant permis de prendre conscience de l’importance de notre patrimoine naturel, remarquable et fragile – on se souvient de l’incroyable succès de la souscription publique lancée pour replanter le parc de Versailles. Et ces dernières années, la pandémie de Covid a révélé chez les citadins un besoin de nature, de verdure et de vastes espaces. Tous ces facteurs alimentent une nouvelle approche du Centre des monuments nationaux (CMN) vis-à-vis du « patrimoine vert », ces parcs et jardins qui entourent bien souvent nos châteaux et qui ont été trop longtemps négligés. L’entretien et la restauration du patrimoine bâti est une obligation, mais la prise de conscience qu’un jardin peut être l’écrin de verdure fondamental à un monument – son pendant, voire son prolongement extérieur– est une avancée majeure pour le patrimoine. À leur façon, nos parcs et jardins racontent, eux aussi, l’histoire des siècles passés.

Une approche différente et coûteuse

La restauration d’un monument est bien différente de celle d’un jardin. Un bâtiment assaini, « hors d’eau », nécessite un entretien régulier, mais moins fréquent – et moins coûteux – que celui d’un extérieur qui s’avère être un chantier perpétuel. Il est ici question de travailler le vivant qui, par définition, évolue en permanence. Aux cycles saisonniers auxquels il faut répondre – tailler les arbres et tondre les pelouses, replanter les parterres selon les floraisons et désherber les allées –, s’ajoutent les imprévus d’une tempête, d’une inondation, du gel, de la sécheresse et des phytovirus. Le plus beau des jardins reste ainsi une œuvre constamment menacée de destruction.

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Sur la centaine de monuments qui lui sont confiés par l’État, le CMN gère un patrimoine naturel important : 82 parcs, jardins d’agrément, potagers, vergers, mais aussi des terres agricoles et des domaines forestiers qui totalisent près de 3 100 hectares à travers tout le pays. L’urgence d’une restauration pour certains d’entre eux et l’entretien obligatoire de cet ensemble a un coût très élevé. Philippe Bélaval, le président du CMN, reconnaît qu’il « est nécessaire de dégager davantage de budget pour garantir l’avenir de ces espaces. En outre, nous n’avons pas suffisamment de jardiniers, ce qui nous oblige à faire appel à de la main-d’œuvre extérieure pour de nombreuses tâches, tel l’élagage, et l’externalisation coûte cher. De plus, le xxe siècle n’ayant pas apporté une grande attention au patrimoine vert, il se passe avec les parcs et jardins la même chose qu’avec les bâtiments : ce qui n’a pas été entretenu coûte plus cher à restaurer ! L’exemple le plus cruel est actuellement le parc de Saint-Cloud, dessiné par Le Nôtre. Ce lieu qui est une œuvre d’art, une œuvre de l’esprit, avec son terrain vallonné et ses escarpements qui dominent la vallée de la Seine, ce lieu où Le Nôtre s’est montré encore plus virtuose qu’à Versailles, subit les conséquences du vieillissement des arbres, des tempêtes et des négligences successives. Aussi, les travaux se feront par tranches de plusieurs dizaines de millions d’euros chacune. La situation est comparable dans le parc du château de Bouges, dans l’Indre, conçu par les Duchêne au tournant du xxe siècle. Nous y menons en ce moment une campagne d’abattage et de remplacement d’arbres ainsi que l’entretien du système hydraulique. Le seul curage de l’étang et la consolidation de ses berges s’élèvent à 75 000 euros. Et à Rambouillet, la restauration du chapelet d’îlots est estimée à 300 000 euros. »

Les pièces d’eau sont en effet au cœur de ce patrimoine vert. Leur sauvegarde est une nécessité et le CMN mise sur des solutions inédites pour les pérenniser. Seront ainsi mis en place des systèmes de récupération des eaux de ruissellement, des circuits fermés dans les bassins et les fontaines… Ces ouvrages, riches de décors sculptés, nécessitent aussi des restaurations d’envergure. C’est le cas à Saint-Cloud où le chantier de la grande cascade s’élève à 11 millions d’euros.

Chantiers hors norme

Le domaine de Saint-Cloud représente un chantier colossal dont le budget peut être comparé à celui de Villers-Cotterêts, ce château Renaissance[1] qu’Emmanuel Macron souhaite transformer en « cité internationale de la langue française » pour la coquette somme de 180 millions d’euros. Comme pour le Panthéon, pour lequel le CMN a déboursé plus de 100 millions, Saint-Cloud s’apprête à connaître une restauration en profondeur et étalée dans le temps. Parce qu’il est encore ici question de gros sous, Philippe Bélaval avait demandé à l’Élysée que le plan de relance, présenté en octobre dernier, prévoie une tranche dédiée au patrimoine vert afin, précisément, de permettre le financement de ces grandes campagnes de travaux. Il n’a pas été entendu. « S’il devait y avoir un nouveau plan de relance, explique-t-il aujourd’hui, je le reproposerais car ce patrimoine spécifique touche plusieurs objectifs à la fois : cela donne du travail à des entreprises du secteur forestier horticole qui est très important, cela répond aux objectifs de la politique patrimoniale et cela rejoint les objectifs de la politique écologique puisque nos travaux contribuent à la préservation de la biodiversité. Saint-Cloud est aussi un poumon pour la capitale. En cela, ce parc représente un véritable enjeu écologique. »

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En se frottant à la nature, on apprend à être patient et à jouer avec l’inconstance du climat, à jongler, aussi, avec les impératifs de l’administration et ceux des saisons qui ne vont pas toujours dans le même sens. Et puis il y a cette donne impondérable qui pose de plus en plus problème aux hommes : le temps. Tracer et replanter un jardin demande des délais beaucoup plus longs qu’un ravalement de façade ou un changement de toiture. Et le résultat n’est pas immédiatement visible. Avant de mesurer le plein effet d’une campagne de restauration, il faut que les plantations s’installent, que les arbres grandissent… et ce n’est qu’après trois ou quatre ans que l’on peut réellement juger du succès d’un chantier. Ce temps long explique peut-être la difficulté de convaincre mécènes et responsables politiques d’investir durablement dans ce patrimoine vert. Beaucoup n’ont pas la philosophie de l’octogénaire de La Fontaine, dans Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes : « Passe encore de bâtir ; mais planter à cet âge ! Disaient trois Jouvenceaux, enfants du voisinage »

Ça pousse

Si la splendeur retrouvée de Saint-Cloud n’est pas pour demain, le public peut déjà admirer la première étape de la restauration des jardins du château de Maisons-Laffitte, près de Paris. Ce chef-d’œuvre de Mansart, « une des plus belles choses que nous ayons en France », disait Charles Perrault en 1696, a malheureusement perdu au fil du temps l’ampleur de son parc – qui ne représente plus que 1 % de sa superficie d’origine ! Drastiquement diminué par l’urbanisation au xixe siècle, loti et remanié dans la seconde moitié du xxe, amputé par des voies de circulation, le terrain n’offre plus les perspectives et les axes de promenade qui faisaient le ravissement des visiteurs. Mais le domaine a conservé quelques beaux restes – telles ses grottes ou salles de fraîcheur – mis en valeur par l’architecte en chef des Monuments historiques, Stefan Manciulescu, et le paysagiste Louis Benech. Les premières études ont été lancées en 2010, le chantier s’est déroulé de juillet 2020 à juillet 2021, sera totalement achevé en 2025 et aura coûté 4 millions d’euros. Le travail du paysagiste a notamment consisté à réduire les surfaces de gravier pour augmenter celles de verdure afin d’accentuer l’impression d’« écrin végétal ». Il a densifié les plantations déjà existantes avec une centaine de nouveaux arbres et joué sur leurs essences pour, qu’une fois grands, ils ne brouillent pas les alignements redessinés ni n’occultent les façades du château. Les deux parterres centraux ont été allongés et traités en « prairie fleurie » et, ici encore, le grand bassin a été rénové et ses 39 jets remis en état de marche. Parce qu’un jardin raconte une histoire, Louis Benech aimerait « que cette “prairie” qui entoure le bassin soit suffisamment agréable pour que les visiteurs aillent jusqu’au bout pour avoir une jolie lecture sur le château. » Son objectif est atteint : lorsque l’on descend l’escalier de la terrasse sud, nos pas nous mènent naturellement au bout du parc.

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Conservatoire écolo

Sensible aux vieilles pierres, un conservateur du patrimoine doit désormais être aussi attentif au réchauffement climatique et au bien-être animal. C’est dans l’air du temps, mais c’est une dimension inattendue de la tâche que s’est fixée le Centre des monuments nationaux dans sa promotion du patrimoine vert. Demi-surprise, pour être juste, puisqu’il est évident que ses vastes parcs, jardins et forêts sont de véritables réservoirs de biodiversité. « Nous devons prendre désormais en considération des spécialités que nous pouvions jusque-là minimiser, comme la défense des oiseaux, par exemple, reconnaît Philippe Bélaval. C’est aujourd’hui une considération positive. Cette prise de conscience du CMN a commencé avec le chantier du château d’Azay-le-Rideau, quand il a fallu ménager les chauves-souris qui habitent dans les combles. Nous devons déranger le moins possible les espèces qui vivent sur nos sites, nous devons même, dans notre mission de conservation, leur donner une occasion de se développer et de prospérer. Cette dimension supplémentaire est complètement nouvelle dans le métier de conservation du patrimoine. Aussi nous appuyons-nous sur des associations spécialisées, telle la Ligue de la protection des oiseaux, avec laquelle nous avons un accord-cadre et tout un ensemble de conventions localisées, jusque dans le jardin de l’hôtel de Sully [siège du CMN, ndlr], dans le Marais, qui est labélisé refuge LPO[2], à l’instar de 15 autres de nos monuments. » Dans sa lancée, le CMN s’adjoint les services de moutons, de poules, d’abeilles et autres insectes pour entretenir et revitaliser ses espaces verts. Il est aussi attentif aux phyllodactyles, ces lézards qui s’abritent dans les recoins des remparts du château d’If, qu’aux faucons qui nidifient sur les corniches de l’Arc de triomphe.

Tous les sites et monuments du CMN : www.monuments-nationaux.fr

Au château d’Esquelbecq, le tracé du jardin flamand remonte à la Renaissance © Château d’Esquelbecq
Esquelbecq, un jardin flamand
Les propriétaires de jardins privés sont souvent heureux d’en ouvrir les grilles aux visiteurs. En reprenant en main le château familial d’Esquelbecq, en 2015, Johan Tamer-Morael en a même fait une priorité. Outre le château, remarquable témoignage de l’architecture flamande du xviie siècle, le jardin est une curiosité en soi : avec son tracé Renaissance, il est le plus ancien de France. Sur un hectare, ses compartiments cadrent des allées en étoile bordées de buis taillés. Sa collection d’arbres fruitiers anciens montés en espaliers, de même que son potager de légumes oubliés et sa serre à vigne font l’admiration des amateurs et des connaisseurs. Au-delà, cinq hectares de parc paysager dessiné au xixe siècle serpentent vers une île et des rotondes de tilleuls. Johan et son association ne ménagent pas leurs efforts pour faire vivre ce domaine hors du temps. En 2019, plus 14 000 visiteurs ont assisté aux différents événements organisés au jardin : journée des plantes, ateliers de transmission de savoirs jardiniers, expositions, promenades aux flambeaux… •
Château d’Esquelbecq

Toutes les infos du château : www.chateau-esquelbecq.com

Capitale

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[1] C’est dans ce château que François Ier édicta, en août 1539, l’ordonnance dite « de Villers-Cotterêts » qui consacre, parmi d’autres articles, le français comme la langue officielle du royaume de France. N’ayant jamais été abrogée, cette ordonnance est notre plus ancien texte législatif.

[2] Un terrain public ou privé sur lequel le propriétaire s’engage à préserver et accueillir la biodiversité de proximité.

Résister à l’intimidation

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Marcel Gauchet © Hannah Assouline

Pour Marcel Gauchet, le centième numéro de Causeur est l’occasion d’égrener les menaces qui pèsent sur la vie intellectuelle française. Il se livre ainsi à une réflexion sur des combats que nous devons impérativement et urgemment mener…


Heureusement que vous existez, chers amis de Causeur ! Vous me faites revivre, quand j’y songe rétrospectivement, l’ambiance de mes 20 ans, sous la double chape de plomb du gaullisme autoritaire et du verrouillage communiste dans l’espace intellectuel. Car ce n’était pas gai, les années 1960 avant Mai 68, contrairement à ce que nous raconte une légende nostalgique très mal inspirée. Relisez les souvenirs de Cavanna et son récit épique des démêlés de la petite bande du Hara-Kiri de l’époque avec les autorités garantes de la respectabilité bourgeoise et vous aurez une idée de ce qu’était le moralisme régnant. Et pour la minuscule frange d’ultra-gauche qui ne s’accommodait pas de la célébration de la patrie du socialisme, c’était la quasi-clandestinité. Une ou deux librairies discrètes qui diffusaient une poignée de revues confidentielles, l’unique kiosque du boulevard Saint-Michel où l’on venait de toute la France acheter L’Internationale situationniste. On n’était pas loin du samizdat des pays de l’Est. Les coupeurs de tête staliniens veillaient au grain, avec la complaisance des organes « sérieux », Le Monde en tête, déjà.

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J’aurai au moins vécu l’explosion de ce carcan. Quel que soit le mal que l’on puisse penser, après coup, des imposteurs de la funeste « génération 68 », il faut lui reconnaître d’avoir imposé une incomparable liberté de la parole et de l’écrit. Je la croyais définitivement acquise, avec, de surcroît, dans la foulée, l’écroulement du mensonge totalitaire, mais aussi l’éradication des punaises de sacristie qui pourchassaient les manquements aux bonnes mœurs (je rappelle que Giscard a pu se faire élire, en 1974, en disqualifiant son concurrent de droite, Chaban-Delmas, pour cause de divorce).

Jamais deux sans trois

Grosse erreur. Nous voilà repartis dans un nouveau cycle de surveillance et de pénitence. La vertu revient à l’ordre du jour, grâce aux efforts conjugués de chaisières d’un genre inédit et de commissaires politiques improvisés, s’érigeant en gardiens de la moralité publique.

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L’ami Jacques Julliard parle, à juste titre d’une « troisième glaciation », la glaciation wokiste, venant après la glaciation stalinienne et la glaciation maoïste. Il a parfaitement raison du point de vue de la mode intellectuelle. Sauf que la gravité de la situation ne s’arrête pas, pour le coup, à la scène intellectuelle. Il n’a fallu que quatre ou cinq ans, après tout, pour pulvériser les insanités maoïstes, qui n’avaient que très modérément pénétré la classe ouvrière, en dépit du labeur sacrificiel des missionnaires de l’École normale supérieure.

Ici, l’affaire est d’une tout autre envergure. Elle déborde de beaucoup l’agitation des esprits au Quartier latin, ou ce qu’il en reste. Il y va ni plus ni moins de l’établissement d’un nouveau système de contrôle social, pour reprendre un des concepts favoris des sociologues « critiques » de ma jeunesse, qui trouve enfin son application. Ils l’ont oublié dans l’entre-temps, c’est dommage. Ils voyaient ce fameux « contrôle social » là où il n’était pas, ils ne le voient pas maintenant qu’il crève les yeux et qu’il dispose en plus de bras armés sans commune mesure avec ceux du passé. Ce sont les GAFA qui se chargent désormais de la police de la pensée. Les multinationales sont à l’avant-garde de l’imposition du catéchisme de l’intouchable « diversité ». Grands médias et juges marchent main dans la main pour faire taire les « phobes » supposés qui ont le malheur de soulever des questions incongrues là où seule la dévotion inconditionnelle envers l’Autre sous toutes ses formes est admissible. Ce n’est pas à un simple moment de délire idéologique que nous avons affaire, mais à une entreprise de dressage des populations à grande échelle pour les adapter à un univers de consommateurs sans frontières.

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Critique du safe space

D’aucuns voient dans cette vague de progressisme obligatoire les prémices d’un prochain totalitarisme. C’est aller trop loin. Mais ce qui est vrai, c’est que l’intimidation fonctionne avec une efficacité qui me stupéfie tous les jours. Elle confine les constats qui dérangent et les interrogations qui s’imposent dans les marges. Elle refoule la mal-pensance dans le secret des isoloirs et la protestation électorale. Soit la situation la plus malsaine qui se puisse concevoir pour la démocratie. Car la force de celle-ci réside dans la catharsis qu’opère la confrontation : les choses vont mieux lorsqu’elles peuvent être dites pour pouvoir être contredites. C’est l’opposé exact, soit dit au passage, des « safe spaces » réclamés par les enfants-rois de nos nurseries universitaires. En démocratie, il n’y a pas d’abris anti-contradiction.

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La priorité des priorités, dans ce climat pesant, c’est de résister à l’intimidation. C’est de faire valoir en toute circonstance et indépendamment de toute allégeance le principe du libre examen. Voilà ce qui vous rend indispensables, chers amis de Causeur. Vous entretenez la flamme de l’esprit de liberté dans un paysage sinistré par le conformisme vindicatif des bons sentiments. Continuez à nous montrer qu’il est salutaire de discuter de tout et de rire de tout, sans anathème ni tabou.

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Macron II: les conseils d’Abraham Lincoln

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D.R.

Toute la presse, les grands et les petits médias, les chaînes de télé et les feuilles de chou, bruissent de conseils au président français.


Pour notre part, nous avons demandé son avis à un ancien président des États-Unis.

Il est clair qu’Emmanuel Macron veut entrer par la grande porte dans les livres d’histoire. Le soir de sa réélection, il a déclaré au Champ-de-Mars : « Les années à venir, à coup sûr, ne seront pas tranquilles mais elles seront historiques. » Rappelons au président réélu quelques fortes paroles d’un géant de l’humanité, prononcées par Abraham Lincoln devant le Congrès des États-Unis, lors de sa déclaration officielle de nouveau président après son élection du 6 novembre 1860 :

À lire aussi, du même auteur: Salaire de Carlos Tavares: le bal des antilibéraux et des faux-culs

« Vous ne pouvez pas créer la prospérité en décourageant l’épargne. Vous ne pouvez pas donner de la force au faible en affaiblissant le fort. Vous ne pouvez pas aider le salarié en anéantissant l’employeur. Vous ne pouvez pas encourager la fraternité humaine en encourageant la lutte des classes. Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche. Vous ne pouvez pas éviter les ennuis en dépensant plus que vous ne gagnez. Vous ne pouvez pas forger le caractère et le courage en décourageant l’initiative et l’indépendance. Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu’ils devraient faire eux-mêmes. »

La modernité implacable de ces paroles d’essence libérale prononcées il y a plus d’un siècle et demi ne devrait échapper à personne dans la France d’aujourd’hui.

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Lincoln, qui a aboli l’esclavage et remporté la guerre de Sécession, restera éternellement dans l’histoire des États-Unis pour ces mots puissants, empreints de sagesse et d’humanité. Réélu en 1864, il fut assassiné en 1865 par un extrémiste sudiste. Formons le vœu que les mots de cet historique président américain, 162 ans après avoir été prononcés, puissent à nouveau résonner cette fois de l’autre côté de l’Atlantique, dans la patrie de La Fayette qui nous semble avoir un besoin vital de les entendre, de les adopter et de les mettre en pratique…

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L’Europe, c’est la paix… heu… la guerre!

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Kharkiv, nord-est de l'Ukraine, 25 avril 2022 © Felipe Dana/AP/SIPA

On nous avait vendu l’Europe comme le bouclier anti-nationaliste qui instaurerait une paix définitive sur un continent labouré par deux guerres mondiales. Nous sommes aujourd’hui forcés d’abandonner ce rêve simpliste : à la remorque des Etats-Unis, l’Europe cherche la guerre, et fait de son mieux pour la provoquer, estime notre chroniqueur.


Jean Monnet, heureux lascar qui, né en 1888, avait eu l’avantage indéniable de connaître deux guerres mondiales sans en faire lui-même aucune, nous avait vendu la création de l’Europe CEE comme un remède définitif au choc des nations. Banquier aux Etats-Unis à partir des années 1920, promoteur d’une fusion France-Grande-Bretagne (si !) comme aux plus beaux temps de la Guerre de Cent ans, il est resté le petit télégraphiste des Etats-Unis, comme disait De Gaulle qui ne l’aimait guère. Monnet avait refusé de se joindre au projet de « France libre », car il pensait plus utile de se mettre sous la houlette des Anglo-saxons. 

La Troisième Guerre mondiale sur les rails ?

Il se fit après-guerre le promoteur d’une Communauté Européenne de Défense, qui mit le Général en fureur et que Mendès-France refusa sagement d’entériner. La création de la CEE, et le ralliement de l’Allemagne à l’OTAN en préambule du Traité de l’Élysée en 1963, c’est l’œuvre de Monnet. Et la décision européenne d’armer l’Ukraine et d’intervenir en douce dans le conflit qui l’oppose à la Russie (le Times affirme que des commandos britanniques sont déjà à l’œuvre là-bas), c’est encore, à distance, l’œuvre de Monnet.

À lire aussi, Elisabeth Lévy: La guerre de l’Élysée n’aura pas lieu

Plus de guerres ? Ah oui ? L’UE vient d’envoyer pour 450 millions d’euros d’armes à l’Ukraine — et des instructeurs pour aider les Ukrainiens à s’en servir, tout comme les Etats-Unis avaient envoyé des « conseillers » au Vietnam… La Troisième Guerre mondiale est sur les rails, et ceux qui pensent encore que c’est « la faute aux Russes » devraient réviser le jeu des alliances et des tutelles depuis cinquante ans — en particulier la décision de Sarkozy de rejoindre le commandement intégré de l’OTAN, et l’incitation faite à l’Ukraine en 2014 de rejoindre une alliance commandée par les Etats-Unis.

L’Allemagne, tremplin des forces américaines en Europe

À noter que la guerre déclenchée par l’OTAN contre la Serbie à partir de 1999 n’a pas fait bouger un cil à la communauté européenne, qui a applaudi le bombardement de Belgrade et les secours envoyés aux musulmans bosniaques, qui servent aujourd’hui de tête de pont aux menées islamistes et à tous les trafics — d’armes et de d’organes en particulier. Carton plein.

Non que je m’indigne de cette supervision américaine de l’OTAN. Il est assez logique, dans une entreprise, de laisser le gros actionnaire décider de tout — n’en déplaise aux petits. Mais le matraquage médiatique sur les exactions de l’armée russe (les soldats ukrainiens, eux, ne violent et ne tuent personne — d’ailleurs ils font des prisonniers de guerre auxquels ils ne pensent même pas à mettre une balle dans la tête) parviendra sans doute à nous convaincre qu’il faut intervenir de façon plus directe dans le conflit.

Mais je m’interroge sur la façon dont certains politiques — Macron en tête — vont s’écriant « L’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! » comme si c’était un bouclier face à la rivalité américano-russe, alors que nous sommes juste le doigt entre l’écorce et l’arbre. Que les mêmes partis qui dominent la France soient nos mandataires à Bruxelles est un mélange des genres inquiétant : pourquoi défendraient-ils ici une indépendance nationale qu’ils récusent là-bas ?

La nation a été la grande absente des récentes élections. La nation et la République, et ce qui les constitue — l’histoire et la culture. Ni Marine Le Pen, qui faute de culture a renoncé à contester l’Europe, ni Eric Zemmour, libéral dans l’âme et qui pense que le libre-échange n’entre pas en conflit avec l’indépendance, ne sont de vrais républicains. Les vrais républicains, ce sont ceux qui à Valmy se sont opposés aux armées coalisées qui voulaient faire l’union européenne sur le dos de la Révolution. Ce sont ceux qui ont lutté contre l’Allemagne — pas ceux qui plus tard ont léché le cul du Deutsche Mark tout-puissant, ou consenti à ce que l’euro soit défini par rapport à ce même Deutsche Mark, sous prétexte de faciliter la réunion des deux Allemagnes — un joli tremplin pour les forces américaines présentes en Europe.

Notre stabilité menacée

Les États-Unis n’ont jamais consenti à une Europe indépendante. Ils mènent une politique de blocs et, dans leur anti-soviétisme perpétué, préconisent l’entrée en guerre des Européens — sans risque pour eux-mêmes. Ça me rappelle la façon dont les seigneurs des guerres médiévales envoyaient la piétaille se faire massacrer en leur lieu et place.

À lire aussi, Bruno Tertrais: La Guerre froide sur le feu

J’explique dans mon dernier livre sur l’école que les Européanistes disciples de Monnet, Giscard and co., ont modifié les programmes scolaires, dans l’étude de la langue ou en histoire, de façon à ce que les petits Français soient dépossédés d’un héritage millénaire. Ils préféraient de très loin des « communautés » qui éclatent le pays façon puzzle à une France unie et forte. Le boulot est fait : désormais, les Français, à quelques exceptions près, sont prêts à admettre qu’il est nécessaire d’aller faire la guerre à l’Est — et d’y mourir, pour la plus grande joie d’Américains qui benoîtement s’offrent à nous vendre du gaz ou du pétrole au prix fort. C’est ce jeu avantageux que défendent parfois à leur insu tous ceux qui aujourd’hui, prêchent un interventionnisme lourd. Le marché a-t-il besoin d’un conflit majeur pour se revitaliser ? Ou plus simplement, la volonté de puissance des Américains et des Russes aura-t-elle raison de la stabilité (relative, mais stabilité quand même) des soixante-dix dernières années ? Quand Paris sera bombardé, nous aurons la réponse.

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Sommes-nous aussi décadents que le pense Poutine?

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Vladimir Poutine, La Cathédrale du Christ Sauveur, Moscou, 23 avril 2022 © Alexander Zemlianichenko/AP/SIPA

Le mépris du président russe pour l’Occident, joint à celui des islamistes et à un moindre degré des Chinois, devrait réactiver la vieille question qui hante périodiquement les esprits depuis la parution en 1918 du Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler : à supposer que l’Occident perde en effet de son influence sur la scène internationale, sommes-nous pour autant des « décadents » ? La manière dont Spengler évaluait ce déclin n’avait rien d’un jugement moral et découlait de sa vision « morphologique » de l’Histoire universelle : si chaque culture est comparable à un organisme qui naît, croît et enfin meurt, il n’y a pas lieu de déplorer la disparition de telle ou telle d’entre elles qui s’éteint aussi – mais ce n’est là qu’une cause occasionnelle – des faiblesses qui sont les siennes. Ainsi Michel Onfray reste-t-il à sa manière spenglérien quand il inscrit la décadence à ses yeux inéluctable de l’Occident dans un cycle cosmique au regard duquel elle n’a rien de tragique (Décadence, 2016) [1]. Mais il l’est déjà moins quand il reconnaît, au cours d’un dialogue avec Eric Zemmour [2], que la fragilité intérieure d’une culture attire les envahisseurs, sans aller toutefois jusqu’à penser comme son partenaire qu’on n’est plus en mesure de distinguer amis et ennemis dès lors que l’Autre a toujours raison. De ce dialogue brillant et courtois il ressort finalement que ces deux points de vue sont complémentaires, et que la décadence commence quand on accepte d’utiliser les mots de ses adversaires.

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L’invasion de l’Ukraine va-t-elle donc faire comprendre aux Européens, et aux Français en particulier, qu’ils vont devoir cesser d’osciller entre attendrissement humanitaire et pulsions va-t-en-guerre s’ils veulent trouver la réponse adéquate face à un ennemi cynique et déterminé, mais plus encore face à eux-mêmes et à l’héritage culturel et spirituel qui leur a été légué ? Par sa violence même, et les menaces directes qu’elle fait peser sur l’Europe, la crise actuelle confronte les Occidentaux à un choix crucial qui ne se limite ni à un cas de conscience moral (peut-on laisser les Ukrainiens se faire massacrer ?) ni à une option stratégique : jusqu’où aider l’Ukraine sans déclencher un conflit mondial ? Si ces questions bien évidemment se posent, les réponses qu’elles appellent seront faussées, et engendreront d’autres catastrophes, si elles ne conduisent pas les Occidentaux à reprendre en main l’évaluation de leur propre « décadence », si tant est que ce mot se justifie et corresponde tant soit peu à l’image que s’en font leurs ennemis.

Car la décadence n’est ni une chute brutale ni un abaissement volontaire ou subi. C’est d’abord un déclin qui n’est vécu comme une déchéance que si on le rapporte à l’ordre de grandeur qu’on s’est soi-même donné, et qu’on estime en danger. Tous ceux qui voient dans la décroissance une arme contre la régression économique qui menace les sociétés libérales ne vivent pas ce recul de la consommation comme une décadence. Les dictateurs par contre justifient leurs exactions en prétextant qu’ils ne font qu’exterminer des « décadents » qui déshonorent l’humanité dont ils pensent être quant à eux les plus purs représentants. Sans donc aller jusqu’à penser que la décadence n’a pas plus de réalité objective que l’insécurité qui se limiterait en fait au ressenti qu’on en a, force est de constater que des bilans objectifs ne suffisent pas à restaurer ou à détruire l’estime qu’un individu ou un peuple peut avoir de soi. Autant le déclin renvoie à l’état antérieur qui permet de l’évaluer et parfois de le chiffrer, autant la décadence est une forme de dépression qui touche le cœur même d’un être et affaiblit sa volonté d’exister.

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Pour se défendre d’être « décadents » les Européens, et les Français les premiers, ne pourront pas éternellement brandir les fameuses « valeurs » dont ils sont si fiers – démocratie, liberté, laïcité – quitte à oublier que leurs ennemis peuvent eux aussi se prévaloir de valeurs pour lesquelles ils sont même prêts à mourir. La vraie question est de savoir si nos valeurs nous ont rendus plus valeureux, plus courageux et plus dignes à nos propres yeux, et au regard de ce qu’a pu signifier « être européen » dans des temps pas si lointains. Le regard admiratif porté sur le courage des Ukrainiens en dit long sur la nostalgie de voir se lever des héros qui sauveraient l’honneur d’une Europe aussi affaiblie par ses lâchetés que par des « valeurs » qu’elle ne parvient plus à incarner. Quelles leçons peut bien donner au monde la démocratie française, menacée de l’intérieur comme elle l’est aujourd’hui ? Les échecs en temps de paix ne se transforment pas magiquement en exploits valeureux grâce à la guerre ; et le vrai défi après la Seconde Guerre mondiale était pour les Européens d’inventer une voie nouvelle entre le pacifisme qui fit le jeu de Hitler, et un héroïsme belliqueux qui ne laisserait aucune chance à la force spirituelle que la culture occidentale peut encore transmettre à qui voudra la faire sienne. On ne saurait donc demander aux peuples européens de nouveaux sacrifices quand on n’a pas été capable de faire fructifier ceux déjà consentis et, comme l’écrivait Ernst Jünger en 1943 dans La Paix, « l’Europe peut devenir une patrie sans détruire pour autant les pays et les terres natales ».

Que Vladimir Poutine ait choisi d’incarner le Grand Inquisiteur plutôt que le Prince Mychkine est son affaire, qui ne nous dispense pas de tirer les leçons de cette terrible Légende imaginée par Dostoïevski dans Les frères Karamazov. Tout y est dit du renoncement à toute forme de grandeur qui pourrait bien, si nous y consentions, faire de nous des « décadents » monnayant leur souveraineté contre une quiétude grégaire. La plupart des élections se sont jouées jusqu’à présent sur l’idée que les différents candidats se faisaient du progrès. Mais comment repousser le spectre de la décadence si la préservation de la souveraineté n’est plus considérée comme le seul authentique progrès qui contient en soi tous les autres ?


[1] Cf. ma recension dans Causeur de 2017.

[2] A voir en ligne sur la chaîne de Front Populaire.

Combattre l’islamisme d’atmosphère

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Mohamed Louizi © D.R.

Emmanuel Macron n’a pas su lutter contre l’islamisme. Au lieu d’imposer des mesures radicales pour stopper cette idéologie djihadiste qui gangrène notre société, le « en même temps » présidentiel l’a laissé prospérer.


Depuis les attentats islamistes de mars 2012, commis par Mohammed Merah, l’opinion publique française cherche, avec civisme et retenue, à comprendre les ressorts de la violence islamiste, à trouver les mots justes pour nommer le mal et le combattre, par les seuls moyens dont dispose notre démocratie éprouvée.

Bilan d’une décennie fatale

En dix ans, au rythme des attaques au couteau, des véhicules-béliers et des tirs à la kalachnikov au cri d’« Allahou akbar », on a lu toutes sortes d’analyses – thèse fumeuse du « loup solitaire », psychiatrisation de prétendus « déséquilibrés » –, pour converger difficilement vers la thèse plus réaliste du « djihadisme d’atmosphère », avancée par Gilles Kepel. Toutefois, ces délires islamo-gauchistes ont la peau dure, refusant par idéologie ou clientélisme de constater la « radicalisation de l’islam » dans bien des territoires – Roubaix, Tourcoing, Grenoble, Trappes, Stains, Denain, Liévin, Lille, Nice, Décines, Mulhouse, Dijon, Béziers, Lunel, Besançon, Bordeaux, Valence, Lyon, Le Havre, Saint-Denis, Maubeuge et j’en passe.

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À la veille de l’élection présidentielle, le thème de l’islam (refoulé par l’invasion de l’Ukraine) s’impose avec force. Et pas seulement parce que des candidats de droite, en particulier Éric Zemmour, en parlent ouvertement. Si les citoyens français n’opposent pas encore la violence à la violence malgré les attaques, les provocations et les intimidations, ils n’en sont pas moins inquiets de ce que pourrait être le visage culturel de la France de demain. Ils le font savoir. Il faut agir avant qu’il soit trop tard. Il suffirait d’un Bataclan à l’envers, d’un Christchurch quelque part dans l’Hexagone, pour que tout bascule. Le risque de la guerre civile, déjà en gestation pour autrui sur le sol français, est à prendre très au sérieux. D’autant que cet « autrui » est désormais connu, identifié et nommé.

Fresque de l’artiste de rue Christian Guémy, alis C215, en hommage aux victimes de Charlie Hebdo, Paris, 6 janvier 2022 © Thomas COEX/AFP

Les candidats aux prochaines élections (présidentielle et législatives) doivent prendre l’engagement de terrasser ce mal à la racine. Il ne s’agit pas seulement de surveiller et contrer le « djihadisme d’atmosphère » mais, plus globalement, de s’attaquer à sa matrice nourricière et son réseau associatif : l’islamisme d’atmosphère. On ne peut que regretter le temps perdu durant les deux mandatures précédentes. Il a fallu attendre le 25 avril 2019, presque à mi- mandat, pour que le président de la République s’exprime, enfin, sur la laïcité. Ce jour-là, Emmanuel Macron a promis d’être « intraitable » face à « l’islam politique qui veut faire sécession avec notre République ». Le président a trouvé des mots justes pour réaffirmer son plein attachement à la loi de 1905. Le ton grave, il a, enfin, nommé l’islam politique et pointé du doigt le communautarisme qu’il engendre et la sécession qu’il risque d’entraîner.

Cependant, « en même temps » et malgré les alertes, son parti, à l’approche des municipales de 2020, s’est laissé infiltrer par de jeunes islamistes redoutables qui ont fait perdre le Nord au Parti socialiste, notamment dans le Denaisis et dans le Valenciennois. Le 29 mai 2019, son ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a rompu le jeûne du mois de ramadan, dans le fief d’un frère musulman établi à Strasbourg, en terre concordataire. Pis, Emmanuel Macron lui-même et son Premier ministre, Édouard Philippe, étaient bel et bien annoncés en ouverture et en clôture de la Conférence internationale de Paris pour la paix et la solidarité, qui s’est tenue au palais Brongniart le 17 septembre 2019. Cette conférence était organisée par la LIM (Ligue islamique mondiale) un puissant outil islamiste prosélyte, créé en 1962, avec l’appui de l’Arabie saoudite, par une coalition fréro-salafiste transnationale à laquelle appartenait un certain Saïd Ramadan, gendre d’Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, et père des sulfureux Hani et Tariq Ramadan.

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Au cours de l’année 2020 (marquée par le début des restrictions démesurées des libertés individuelles pour cause de Covid), les services de renseignement ont pu, fort heureusement, neutraliser et déjouer plusieurs attentats terroristes mais le bilan reste lourd à Villejuif, Romans-sur-Isère, Colombes, Conflans-Sainte-Honorine ainsi qu’à la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption de Nice. En 2021, l’attentat au commissariat de Rambouillet a de nouveau posé la question de la relation entre l’immigration maghrébine et/ou subsaharienne et l’islamisme qui tue. « Le risque zéro n’existe pas. » On connaît la chanson.

Le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron est donc en dessous des attentes alors que la situation exige des mesures radicales pour déraciner, à court terme, l’idéologie islamiste du terreau français. Certes, il y a eu le discours présidentiel du 2 octobre 2020, aux Mureaux, sur le thème de la lutte « contre les séparatismes », ainsi que celui du 21 octobre 2020, prononcé à la Sorbonne lors de l’hommage national à Samuel Paty. Il y a eu son explication devant un journaliste de la chaîne qatarie Al-Jazeera, le 31 octobre 2020. On a mis en place une Charte des principes pour l’islam de France, fermé quelques mosquées dites « salafistes », dissous quelques associations, comme Baraka City et le CCIF, et expulsé quelques imams radicaux – mais pas tous. Dix mois après la décapitation du professeur Samuel Paty, on a voté et promulgué la « loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République ».

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Toutefois, l’exécutif macronien continue sur la voie pernicieuse du « en même temps », en mettant en place une nouvelle instance dite représentative de « l’islam de France », à travers un nouveau forum, le Forif, remplaçant feu le CFCM. Au vu de sa composition et de ses axes d’action connus à ce jour, cet organisme s’inscrit dans la continuité du projet islamiste global, mais sous un aspect à dessein plus disséminé et plus décentralisé. On notera la présence en son sein de nombreux activistes fréro-salafistes, connus des services de l’État ; leurs fédérations de tutelle quadrillent toujours l’Hexagone, de Paris à Marseille, de Lille à Lyon, de Strasbourg à Bordeaux. Ils infiltrent le Forif et ses antennes départementales au service de la maison-mère de l’hydre islamiste, les Frères musulmans, qui, curieusement, n’a été ni dissoute ni interdite par Emmanuel Macron et par son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Cerise sur le gâteau, la majorité LREM à l’Assemblée nationale, soutenue par une partie du gouvernement, a refusé un amendement du Sénat visant à interdire les signes et tenues religieux ostentatoires « lors des compétitions sportives organisées par les fédérations sportives » Les « hidjabeuses » peuvent jubiler !

Pour un nouveau paradigme

Face à l’islamisme, les demi-mesures sont néfastes. Ce contre-projet culturel et civilisationnel œuvre d’arrache-pied pour désunir la France et déconstruire sa civilisation millénaire judéo-chrétienne et gréco-romaine, pour la remplacer, ou du moins, pour la concurrencer par un autre récit identitaire qui n’a plus besoin de se dissimuler derrière le slogan fumeux du « vivre-ensemble ». Ce ne doit pas être un défi à relever parmi d’autres, mais une priorité absolue.

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Il faut impérativement changer de paradigme et de stratégie dans la lutte contre l’hydre de l’islam politique. L’État n’a plus à se soucier de la mise en place ou de la structuration du mal nommé « islam de France ». Son devoir est de protéger les Français, tous les Français. Cela implique de neutraliser et dissoudre jusqu’à la dernière petite structure des forces islamistes qui agissent en réseau, parfois en toute impunité, souvent avec la complicité d’élus et de hauts fonctionnaires. Les citoyens français de confession musulmane n’ont jamais donné mandat aux élus de la République, que ce soit au plan local ou national, pour structurer l’islam ou choisir leurs prétendus « représentants ». Les citoyens français de confession musulmane sont d’abord des citoyens et, à ce titre, leurs représentants sont les élus de la République. Une évidence.

Discours de Mohammed bin Abdul Karim al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale (LIM), à la Conférence internationale de Paris pour la paix et la solidarité, au palais Brongniart, 17 septembre 2019 © GODONG / BSIP via AFP

La méconnaissance de la nature même de l’islam, une religion sans papauté, sans rabbinat, sans Églises, a conduit l’État à une succession d’erreurs d’appréciation et d’action. Les gouvernements successifs, du Corif au Forif, de 1990 à 2022, de Pierre Joxe à Gérald Darmanin, pensaient et pensent toujours, à tort, que « la » solution est d’offrir aux citoyens français musulmans « une structure représentative » de l’islam qui ferait émerger des « interlocuteurs officiels », sur le modèle du Consistoire juif. Ces tentatives n’ont abouti qu’à renforcer et notabiliser, d’un côté, les représentants des islams consulaires, algérien, marocain et turc, et de l’autre, les intégristes fréro-salafistes pilotés et télécommandés depuis l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et la Turquie.

Pire, force est de constater que depuis 1990, la violence djihadiste s’est répandue sur tout le territoire au même rythme que les revendications séparatistes liées au voile à l’école et à l’université, au burkini sur les plages, aux créneaux non mixtes dans les piscines, au « hallal » dans les cantines scolaires et aux carrés musulmans dans les cimetières. Et ce sont bel et bien des composantes du CFCM, des Frères musulmans se tenant main dans la main avec des responsables de la Grande Mosquée de Paris, appuyés par une puissance étrangère, la LIM wahhabite saoudienne, qui ont, dès 2006 (puis en 2012), accroché des cibles dans le dos des journalistes de Charlie Hebdo, avant que les frères Kouachi finissent la tâche mortifère, un 7 janvier 2015.

La tenaille islamiste

La République nourrit le monstre qui s’apprête à la dévorer. Par aveuglement, elle s’est laissé prendre entre les deux mâchoires d’une tenaille islamiste puissante : la branche politique et la branche djihadiste sont attachées l’une à l’autre par le même axe idéologique. Le front office de la diplomatie religieuse des monarchies pétrodollars se sert, au besoin, du back office djihadiste pour consolider ses acquis, entretenir la terreur et exercer un chantage implicite à la stabilité. Et le soft power de Mohammed bin Abdul Karim al-Issa, vient appuyer le « hard power » des réseaux terroristes d’al-Qaïda et du groupe État islamique, malgré les démarcations apparentes de circonstance. Cette tenaille islamiste connaît les failles du système. Le 14 juillet 2016, le jour de la fête nationale, le terroriste islamiste tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel fonce avec un camion-bélier sur une foule à Nice tuant 86 personnes. Un mois plus tard, c’est une affaire du burkini islamiste, sur une plage de Nice, qui défraye la chronique grâce au concours victimaire de la LDH islamo-gauchiste et du CCIF fréro-salafiste…

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L’État français, comme tétanisé, n’apprend pas de ses erreurs. Instaurer une autorité islamique de tutelle comme le Forif au sein de la République, c’est aider volontairement le Qatar et l’Arabie saoudite à influencer davantage les citoyens musulmans pour les transformer en une sorte de cinquième colonne. Au contraire, la France doit soutenir l’émancipation des Français de confession musulmane, sunnites comme chiites. L’islam en France doit connaître son moment Spinoza.

Aucune structure officielle ne peut être le porte-parole des Français musulmans. Aucune structure religieuse ne saurait être un corps intermédiaire entre l’État et les citoyens français musulmans. Qu’il faille un organisme indépendant pour gérer le mobilier et l’immobilier du culte musulman, fort bien, mais certainement pas un conseil ou un forum pour dire le dogme, surveiller la morale et dicter les règles canoniques de la « charia des minorités ».

Gérald Darmanin participe à la première session du Forum pour l’islam de France (Forif), appelé à remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM), Paris, 5 février 2022 ©
AP Photo / Lewis Joly / AFP

La première réponse est régalienne

Le monde arabe regarde la France. Si depuis plusieurs siècles, des théologiens et juristes musulmans ont usurpé le pouvoir du politique pour asservir les peuples, le monde arabe se défait sous nos yeux, petit à petit, avec courage et  détermination, des jougs de l’islamisme et de la pression des imams. Les « musulmanités » sont en train de remporter des batailles, l’une après l’autre, face à l’islamisme. Là-bas, y compris en Arabie saoudite, l’émancipation est en marche. Instaurer une autorité islamique en France, c’est offrir une assurance-vie à l’islam politique.

Le devoir de l’État, c’est de sanctionner les imams sulfureux, pas de former les imams, ni de leur donner des « certificats de laïcité », ni de fermer les yeux quand la LIM wahhabite saoudienne leur fait signer ses chartes et mémorandums inspirés du Coran et encore moins de lui offrir une succursale made in France à Lyon. Le devoir de l’État, c’est d’appliquer la loi garantissant le caractère laïque des cimetières municipaux, pas de faciliter aux islamistes l’accès à des « carrés musulmans » et faire ainsi triompher le séparatisme même après la mort. C’est aussi d’interdire la maltraitance de tous les enfants, en interdisant et pénalisant le voilement des fillettes et les mutilations génitales, circoncision comme excision, pas de garantir la « sécurité spirituelle » des Français musulmans.

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Face à l’islam politique, l’État doit assumer sans trembler ses devoirs régaliens. Sa stratégie devra être construite autour du triptyque : surveiller, isoler, sanctionner. La première réponse est, sans conteste, d’ordre sécuritaire. Tout ce que le droit permet doit être fait. Et si l’état actuel du droit comporte encore des failles, le législateur doit les combler. En France, si en nombre absolu, les islamistes sont minoritaires, leur récit idéologique identitaire, lui, bénéficie d’un quasi-monopole dans presque toutes les mosquées et dans la majorité des familles musulmanes, ce qui ne facilite pas la tâche aux services de l’État : toute attaque contre l’islamisme est très vite instrumentalisée par le réseau fréro-salafiste national et transnational comme une attaque contre l’islam et contre les musulmans. Au lieu de faire le procès de l’islamisme, on fait le procès de la France.

Par conséquent, l’État français doit laisser les Français, musulmans ou non, s’occuper des débats d’idées pour faire bouger les lignes d’un islam en crise existentielle. La République n’a pas à se soucier de l’avenir de l’islam, de la formation des imams ou des coûts d’entretien des mosquées-cathédrales. Si cette religion devait perdre des fidèles ou même disparaître, si une pénurie d’imams pointait son nez, eh bien qu’il en soit ainsi. La République n’a pas à être le gardien du temple islamique.

La deuxième réponse est sociétale

Il est évident que l’État seul ne peut pas grand-chose face à l’islamisme sans l’implication véritable des trois pouvoirs démocratiques, de toutes les institutions régaliennes, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, ainsi que des forces de la société civile et de l’économie, bref, de toute la société. C’est l’affaire de tous.

Si l’islamisme est une somme de ruptures par rapport à la société française occidentale qu’il maudit, il est surtout la convergence silencieuse de toutes les continuités souterraines de la société de remplacement qu’il construit.

Le séparatisme islamiste, prêché lors des sermons de vendredi, trouve ses échos et ses représentations dans le voile d’une élève-avocate à l’école de formation des barreaux de Paris, dans le fichu sur la tête d’une candidate de l’émission « The Voice » sur TF1,  dans le CNRS qui se laisse infiltrer par l’idéologie islamo-gauchiste, dans le burkini sur des plages de Nice, dans les créneaux non mixtes dans des piscines à Grenoble, dans le « hijab-running » de Decathlon, dans les produits de la finance islamique du Crédit agricole, dans le refus d’un rappeur bling-bling converti à l’islam de souhaiter « bonne année » aux Français, dans les rayons « hallal » qui pullulent dans les grandes surfaces, dans les menaces contre des enseignants peu soutenus par leur hiérarchie, dans les poupées sans visage à Roubaix…

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D’ailleurs, l’analyse attentive des raisons de l’émergence de territoires conquis par l’islamisme, à Roubaix ou à Trappes, conduit à observer plusieurs facteurs concomitants : une masse démographique de musulmans, un ou plusieurs lieux de culte, des financements opaques, des élus clientélistes, une presse locale aux abonnés absents ou pire, complaisante, des représentants d’autres confessions prêtant leur caution morale aux islamistes par le biais du dialogue interreligieux, des acteurs économiques qui s’adaptent à la demande communautariste, des dealers de drogue qui font régner la peur dans les halls d’immeuble, une police nationale et/ou municipale empêchée par des injonctions administratives contradictoires… En somme, une mécanique infernale qui, au lieu d’assécher les sources de l’islamisme, apporte de l’eau à son moulin.

Évidemment, l’État et la société ne peuvent rien sans l’implication franche et audacieuse des citoyens français de confession musulmane qui disent rejeter l’islamisme. L’islamisme ne vient pas de nulle part. Il a structuré le récit dominant de l’islam et ses sources scripturaires depuis le 8 juin 632, la nuit de la mort de Mahomet, à tel point que l’on ne sait pas précisément ce qui différencie l’un de l’autre, tellement ils se confondent. Ce n’est pas la République qui fait l’amalgame entre islam et islamisme. Ce ne sont pas les citoyens français qui font l’amalgame entre islamistes et concitoyens musulmans. Ce sont hélas ces derniers qui sont les vrais acteurs et les premiers responsables de tous les amalgames.

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L’islamisme structure ladite « communauté » musulmane en France depuis plus d’un demi-siècle. C’est dans le vivier démographique français musulman, en croissance continue, que l’islamisme enracine son idéologie, recrute ses activistes, assure sa relève, finance ses projets séparatistes, remplit ses mosquées, trouve de l’écho à ses revendications, rend visible ses marqueurs identitaires et fait du chantage à la stabilité de notre nation.

L’islamisme n’est debout que parce que les Français musulmans le servent activement et passivement, par l’action comme par l’inaction. Vont-ils accepter que le combat pour la France soit mené sans eux ? Il est minuit moins deux. Mes concitoyens de confession musulmane ont rendez-vous avec l’Histoire, ici et maintenant.

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Tartuffe réélu: «Cachez cette France que je ne saurais voir»

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24 avril 2022 © LAURENT VU/SIPA

En Bourgeois gentilhomme, il serait aussi excellent


Quand nous eûmes connaissance des résultats sans surprise d’une élection présidentielle qui plaça bon nombre d’entre nous face à un choix cornélien, confrontés à deux candidats dans lesquels nous ne nous reconnaissions pas, c’est Rabelais qui me réconforta. Je songeais à son aphorisme, dans l’avis proposé aux lecteurs de Gargantua :

« Mieulx est de ris que de larmes escripre,
   Pour ce que rire est le propre de l’homme. »

Ensuite, toujours dans l’esprit d’en rire et pour faire passer une pilule, pour le moins amère, je me suis tournée vers Molière. Il eût été du reste follement inspiré par notre époque et c’est en faux dévot moliéresque que notre jeune acteur présidentiel brûle définitivement les planches. Je me suis donc plongée dans Le tartuffe ou l’imposteur  et vous livre dans la foulée ma réflexion à propos de ces derniers jours.

Ouvrons la pièce à la scène 2 de l’Acte I.

Nous sommes encore dans le précédent quinquennat de notre amateur de « carabistouilles » (le mot est lui) et de poudre de perlimpinpin. Restituons alors une conversation entre le porte-parole d’une France qui souffre sous le joug de notre royal imposteur (représentée par la Dorine de la comédie de Molière) et les sectateurs de notre Tartuffe de jeune Prince, incarnés en Orgon, le père de famille dupé par le princier charlatan. 

                  Orgon (partie de la France envoûtée par Emmanuel Macron)

Qu’est ce qu’on fait céans ? Comme est-ce qu’on s’y porte ?

                  Dorine (porte-drapeau d’une autre partie de la France martyrisée par Tartuffe)

Madame (La France) eut avant-hier la fièvre jusqu’au soir,
Avec un mal de tête étrange à concevoir.

Et pour cause, nombreux Jacques, à savoir une foule de sans-dents en colère, des gueux appelés Gilets-jaunes occupaient les ronds-points et les centres de nos villes, manifestant leur désespoir de ne pouvoir vivre de leurs maigres émoluments. Mais, poursuivons :

                   Orgon

Et Tartuffe ?

                  Dorine

Tartuffe ! Il se porte à merveille,
Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille

                Orgon

Le pauvre homme !

Ben tiens ! On ne comptait plus les coups de matraque infligés aux gueux, ni les yeux arrachés : dommages collatéraux subis par les manants lors de la répression des jacqueries ordonnée par Emmanuel Macron. Et le dialogue de se poursuivre : il fut ensuite question des soignants renvoyés de leurs emplois parce qu’ils refusaient un vaccin imposé par Tartuffe flanqué de son inénarrable « Conseil médical ».

              Orgon

Et Tartuffe ?

             Dorine

Pressé d’un sommeil agréable,
Il passa dans sa chambre au sortir de la table ;
Et dans son lit bien chaud il se mit tout soudain,
Où sans troubles, il dormit jusques au lendemain.

             Orgon

Le pauvre homme !

Nous eûmes ensuite, avant le couronnement du 24 avril, la première manche d’un tournoi opposant douze chevaliers qui tourna très vite à la pantalonnade. Emmanuel Macron refusa d’en découdre avec ceux qu’il considérait comme de pauvres hères. Seuls restèrent en lice notre monarque et son adversaire préférée, la présidente de la Fédération Féline Française (l’amour de Marine Le Pen pour les chats est bien connu.) Le président s’obstina judicieusement à nommer le parti de celle-ci : « Front national », soucieux de cantonner sa rivale et ledit parti dans un passé à jamais maudit. C’est alors que débuta le second tour. Durant une quinzaine de jours fut sonné, à grand son de trompe, l’appel à un front républicain, orchestré de main de maître par notre président-candidat à sa propre succession. Celui-ci, plutôt que d’évoquer son triste bilan et un programme pour le moins léger, battit le rappel de tout ce que la France comptait d’artistes, de sportifs et de médias tout à sa cause acquis. On se mobilisa pour éviter le retour du fascisme en France. Il s’agissait de neutraliser les remugles qui commençaient à chatouiller désagréablement la narine de Tartuffe et de sauver la Liberté gravement menacée par la dame aux chats.

Eut ensuite lieu le débat institutionnel d’entre les deux tours, sans grande saveur. Notre Tartuffe y surjoua son personnage, d’étonnement, Gilles Bouleau fut métamorphosé en ficus et Léa Salamé en statue de sel. Face à une Marine Le Pen tout aussi médusée et soucieuse d’arborer un calme que ses conseils en communication avaient dû la sommer d’afficher contre vents et marées, l’insolent assomma les téléspectateurs et son adversaire de carabistouilles technocratiques. Les chiffres voltigeaient, dans un nuage de poudre jetée aux yeux. Souvent, les mains de notre prestidigitateur, disciple de Gérard Majax, s’agitaient frénétiquement pour sortir sans vergogne quelques couleuvres de son chapeau. Son adversaire les avalait sans broncher, assommée par les gesticulations méprisantes et condescendantes de l’histrion. Celui-ci lui coupait grossièrement la parole, tel un chien hargneux face à une interlocutrice qui aurait oublié d’être chat.

Gardons bien en mémoires certaines des saillies de notre bateleur face auxquelles Marine Le Pen resta coite. Alors qu’elle affirmait vouloir supprimer le voile de l’espace public, Tartuffe osa répondre, insultant une partie des Français et sous-entendant par là même qu’ils seraient incapables de respecter la loi : « Vous allez créer la guerre civile, si vous faites ça, je vous le dis en toute sincérité. » Quand elle tenta de se référer à Charles de Gaulle, notre pédant et condescendant personnage, grand bradeur de l’Histoire de la France, éructa : « Oh Madame Le Pen, venant d’où vous venez, vous ne devriez pas parler du Général de Gaulle. » Il lui assena enfin un uppercut en mentionnant le prêt qu’elle avait contracté en Russie pour financer sa campagne. À peine osa-t-elle rappeler pour riposter les accointances du tout petit Prince avec McKinsey.

Si Marine Le Pen ne broncha pas plus que Raminagrobis assoupi près d’une cheminée et digérant un bon rôt, c’est que notre fourbe Kaa l’avait hypnotisé. Bien sûr, après coup, il fut facile pour nous tous de convenir qu’elle eût dû être plus offensive. Il lui aurait suffi d’attaquer le président sur son bilan, sur l’insécurité et sur l’immigration. Mais tout se déroula ainsi parce que c’était elle et surtout parce que c’était lui.

On eut droit enfin, avant ce dimanche soir, marqué (à jamais) par la réélection de Foutriquet, à deux jours de récit des pérégrinations hexagonales épiques de nos deux candidats. J’en retins la formidable hypocrisie de notre Tartuffe qui vacillait à droite puis à gauche tel le Bateau ivre. On se souviendra de Figeac comme Clovis se souvint, en son temps, de Soisson. Notre recalé du Conservatoire n’y alla pas de main morte : « Rien n’est encore joué ! Vous l’avez compris : rien n’est encore joué ! » vociféra-t-il avec une impudeur déconcertante alors que nous savions tous que l’affaire était pliée. Pour ceux qui ignoreraient encore qui est notre comédien-président réelu, je ne peux m’empêcher, pour conclure, de rappeler le portrait qu’en fait Orgon à son beau-frère Cléante, toujours dans Tartuffe ou l’imposteur. Comme celui-ci ne peut comprendre la ferveur suscitée par le faux dévot, Orgon s’adresse à lui ainsi (scène 5 de l’acte I) :

               Orgon à Cléante

Qui suit bien ses leçons goûte une paix profonde,
Et comme du fumier regarde tout le monde.
Oui, je deviens tout autre à son entretien ;
De toutes amitiés il détache mon âme ;
Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme,
Que je m’en soucierai autant que de cela.

Courage, mes amis, soyons avare de notre mépris et ne devenons pas misanthropes pour si peu.
Contentons-nous, en bons Gaulois réfractaires, de réserver quelques fourberies à notre bon Tartuffe.

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