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«L’islamisme instaure une contre-culture patiente et méthodique en Europe!»

Selon l’essayiste et ancien agent du Service action de la DGSE, Français et Britanniques cèdent le terrain aux islamistes. Seule une riposte ferme, structurée et spirituelle, résolue à combattre l’islamisme visible et à maitriser strictement l’immigration, peut éviter un basculement sociétal tragique. Réaffirmer un projet national enraciné dans les valeurs judéo-chrétiennes et républicaines est une nécessité, selon lui.


Causeur. L’attaque meurtrière du 2 octobre 2025 devant la synagogue d’Heaton Park, première en Angleterre liée à l’antisémitisme, était-elle prévisible ?

Pierre Martinet. Absolument. J’ai vécu cinq ans en Grande-Bretagne, jusqu’à mon retour fin 2020, après le Brexit. J’y ai travaillé à plusieurs reprises pour la DGSE. Bien avant le 11 septembre 2001, l’antisémitisme s’exprimait librement à Hyde Park Corner : tous les dimanches, des prêcheurs hurlaient « Mort aux Juifs ! » en toute impunité. Mais l’antisémitisme n’est pas nouveau dans certaines franges de l’islam politique britannique. Il est enraciné dans l’idéologie des Frères musulmans, nés en Égypte dans le rejet des Britanniques et des Juifs. Dans cette vision, les Juifs incarnent l’ennemi absolu, éternel. Le 7 octobre 2023 a agi comme un catalyseur, non pas en déclenchant une guerre, mais en dévoilant le vrai visage d’une partie de l’Occident.

Nos ennemis ne se cachent plus. Ils sortent au grand jour, défilant avec des drapeaux du Hamas ou de Daech, criant des slogans antisémites sans retenue. Chez certains, la haine ne reste pas qu’un discours, elle mène à l’acte. L’Europe est un ventre mou, et l’islamisme y progresse non pas militairement, mais culturellement, en instaurant une contre-culture patiente et méthodique. Le temps ne joue pas contre eux : leur projet est à long terme. Depuis 1979, on compte entre 250 000 à 300 000 morts dans le monde dans des attentats islamistes.

Plus islamisée que la France, l’Angleterre aurait dû être frappée plus tôt ; alors, pourquoi son premier assassinat antisémite n’est-il survenu qu’en 2025 ?

C’est une excellente question. En France, les morts antisémites se sont multipliées bien plus tôt : Ilan Halimi, Toulouse, l’Hyper Cacher, sans parler des attentats de 1995 à Saint-Michel. La menace est installée depuis longtemps, et la France reste la cible principale du djihadisme en Europe. En Angleterre, la stratégie a été différente, pas besoin d’attentats spectaculaires; l’infiltration idéologique a suffi.

À Londres, certains quartiers sont devenus des enclaves. De nombreux maires sont musulmans, et on y recense entre 150 à 200 tribunaux islamiques en activité. J’ai vécu à Wapping, près de Tower Bridge. Le vendredi, à Whitechapel, les femmes voilées sont omniprésentes, on avait parfois l’impression d’être à Kaboul. Les attentats, eux, servent à créer une psychose, à provoquer des affrontements, voire à préparer une guerre civile si les armes venaient à circuler. L’explication tient aussi à l’omerta médiatique britannique, bien plus marquée qu’en France. Chez nous, la parole s’est un peu libérée depuis 2016. Avant cela, les journalistes évitaient soigneusement les mots « islamisme » ou « djihad ». Manuel Valls fut le premier à parler de « fascisme islamiste ». Cela fait quarante ans que le déni domine, pendant que l’offensive idéologique, elle, progresse.

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La laïcité française masque-t-elle un islamisme aussi virulent qu’en Angleterre ?

Les deux modèles ont échoué. Le multiculturalisme britannique est en faillite et la laïcité française apparaît impuissante face à un islam politique conquérant. Il faut tout repenser, repartir de zéro. L’islam politique est fondamentalement incompatible avec les principes de la République. Dans les services de l’État — armée, police, renseignement — on voit parfois des engagements clairs contre l’islamisation, mais cela reste marginal. La majorité n’agit pas réellement. Notre faiblesse, c’est notre vision à court terme : cinq ans au mieux. Eux, en face, ont une stratégie sur le long terme. Les Frères musulmans œuvrent depuis 77 ans, patiemment: prêcher, gagner les esprits, s’implanter village par village. Nous réagissons à l’urgence ; eux développent un projet de civilisation. Il nous reste peut-être dix à quinze ans pour inverser la tendance. Au-delà, ce sont nos enfants et petits-enfants qui vivront dans une société islamisée.

Après Manchester, les chrétiens seront-ils la prochaine cible ? Quel avenir en France après le père Hamel ?

Ils le sont déjà. L’assassinat du père Hamel, les profanations régulières d’églises et de cimetières en témoignent. L’avenir ? S’il ne change pas radicalement, il se résume à un mot : disparition. D’ici à cinquante ans, l’Europe sera soit islamisée, soit en guerre civile. Dans les pays musulmans, les chrétiens sont déjà persécutés. Au Niger ou en Mauritanie, ils sont obligés de cacher leurs croix. Je n’ai vu là-bas qu’une seule église visible et elle ne montre aucun signe ostentatoire. Ce que les islamistes exploitent ici, c’est un vide spirituel, moral, social que les chrétiens devraient pourtant combler.

Notre erreur, c’est de croire qu’un combat militaire suffit, alors que dans le même temps, les puissances du Golfe – Qatar, Arabie saoudite, Émirats – financent massivement l’islamisme en Occident. Prenons le Qatar, par exemple : investissements massifs dans l’immobilier londonien, proximité assumée avec la Couronne. À Londres, les églises ferment, pendant que mosquées et salles de prière se multiplient. C’est une stratégie d’implantation, de visibilité, de conquête. Sans une spiritualité chrétienne vivante, sans une réaction à la fois spirituelle et civique, les chrétiens d’Europe disparaîtront. Mon reproche principal aux Églises et aux fidèles, c’est leur passivité, ce réflexe de « tendre l’autre joue », alors que la situation exige désormais un réveil, une résistance.

Nous restons prisonniers d’un univers de droits de l’homme et de compassion naïve : cela finira par nous perdre. L’Occident traverse une fin de cycle : spirituellement à bout de souffle, financièrement affaibli, incapable de proposer un véritable projet de société. En face, ils en ont un, l’islam encadre tous les aspects de la vie. Nous, nous ne proposons plus rien. C’est le vide contre la structure.

L’entrisme islamique est partout : médecine, justice, armée… Comment inverser la tendance malgré nos blocages européens ?

L’immigration est le problème central. Depuis 15 à 20 ans, tout s’est accéléré. Nous avons perdu le contrôle, et nous n’avons plus la maîtrise du processus. Ce n’est pas une immigration d’intégration, c’est une immigration de transformation : pour modifier le continent, maintenir des pratiques étrangères et implanter une contre-culture. Pour renverser la vapeur, il faut un président déterminé à affirmer que la France n’est pas une terre d’islam. Il faut rétablir des frontières, des contrôles migratoires stricts, et une laïcité repensée, adaptée aux défis d’aujourd’hui. La France doit redevenir le fer de lance de la résistance. Aujourd’hui, nous subissons les renoncements, la défaite idéologique.

Et le plus préoccupant : une partie des jeunes n’en a même plus conscience. Pour eux, une France musulmane n’est pas un problème. Le kebab est halal, le goût est le même. Leur conscience historique, culturelle, identitaire est faible. L’idéologie islamiste a infiltré la nourriture, l’habillement, le sport… C’est un projet ancien, bien documenté, annoncé depuis des décennies. Et notre lâcheté politique est abyssale. Si j’étais président, je donnerais dix ans pour éradiquer l’islamisme visible. Retour du sacré apaisé, des repères clairs, de l’ordre. On ne combat pas une offensive idéologique par la mollesse : il faut une réponse déterminée, structurée, enracinée.

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Vous êtes président, quelles seraient vos dix premières mesures à prendre dans les 100 premiers jours ?

Je commence par reconnaître officiellement que le projet islamiste fondamentaliste, incarné par les Frères musulmans et les salafistes, constitue une menace nationale majeure, avec un discours clair et sans ambiguïté. Je classe les Frères musulmans comme organisation terroriste et lance leur démantèlement systématique. Le salafisme, en tant que dérive sectaire, devrait être criminalisé : cela passe par la fermeture des mosquées salafistes et l’interdiction des pratiques vestimentaires ostentatoires dans l’espace public.

Il est indispensable d’appliquer strictement les lois déjà en vigueur, notamment l’interdiction du voile intégral, instaurée en 2010, et de mettre fin aux prières dans la rue. Dans les services publics, aucune dérogation religieuse ne doit être tolérée : par exemple, le halal serait interdit dans les cantines publiques, sauf dans les établissements confessionnels. Le voile total, porteur d’une idéologie politique, doit être interdit, tandis que la kippa reste autorisée, car elle ne représente pas un projet politique comparable. Toutes les religions doivent être confinées à la sphère privée, avec une affirmation claire de la primauté des lois de la République.

Pour faire face aux blocages juridiques et administratifs, il faudra instaurer des lois d’exception permettant des décrets rapides, et mener un combat tenace sur une décennie. La maîtrise des frontières est également cruciale, avec une politique rigoureuse d’immigration et de contrôle étanche. Enfin, un audit complet des institutions devra être lancé pour identifier tout entrisme islamiste, suivi d’expulsions massives des individus impliqués.

L’Occident doit-il se ressouder autour d’un socle judéo-chrétien face à l’islamisme, comme le prônent Netanyahu, Vance ou Trump ?

Oui, c’est la seule voie possible. La solidarité avec Israël est essentielle : ce qui se passe là-bas peut arriver ici – pas forcément sous la même forme, mais c’est possible. Il faut une alliance spirituelle et un projet de société solides pour leur faire face. Or, nous, je l’ai dit, nous n’en avons actuellement aucun. Nos villes, nos modes de vie, n’offrent aucune alternative idéologique. En 1975, il y avait huit mosquées en France ; aujourd’hui, plus de 3 000 mosquées, salles de prière et associations forment un véritable écosystème. Ces associations, parfois légitimes, sont souvent idéologiques, et ont profité de l’absence de réponse structurée. Ce phénomène ne concerne pas que l’islam. Les associations chrétiennes, débordées par un pseudo-humanisme ne proposent plus rien de fort. Il faut un retour à une spiritualité active et à un projet national clair. Sinon, le terrain est laissé aux autres.

Pris en otage, un agent du service action raconte

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Prenez le train de l’Art déco!

Le Musée des Arts Décoratifs de la rue de Rivoli fête les 100 ans de l’Art déco dans une exposition mettant en lumière l’art du voyage à bord de l’Orient-Express, le mobilier d’élite ou encore la joaillerie française signée Cartier…


Notre pays bégaie. Un œil dans le rétroviseur, l’autre dans le vague. Difficile d’avancer dans ces conditions-là. Quand rien ne va plus au pays de la culture, quand on braque la couronne un dimanche matin, il est normal de se tourner vers du « sûr », du « valorisé », du « beau » et désormais du « classique ». L’image de la France resplendit enfin. Les musées s’en emparent. Les marchands s’agenouillent. Les collectionneurs américains ne s’en lassent toujours pas. Le « rassurant » n’est pas forcément une faute de goût, messieurs les censeurs. La transgression esthétique a perdu de sa superbe ces dernières années. Chez soi, on préfère du Lalique et du Ruhlmann, du galuchat et du sycomore au plastique moulé et aux performances aussi gênantes qu’encombrantes de nos nouveaux directeurs de conscience. Même les réfractaires à la ligne claire se soumettent à l’Art déco par peur de passer pour des ignorants ou des radicalisés. Que n’a-t-on pourtant dit, craché, vitupéré, écrit ou souri sur ce pseudo-mouvement décadent par sa joliesse et sa rectitude géométrique ; né dans les Années folles, il fut souvent rabaissé car trop équilibré, trop harmonieux et trop « propre » sur lui. Trop « lisible ». Il plaisait, quel crime ! Il n’offusquait pas le regard, quelle infamie !

Pierre Chareau — Bureau-bibliothèque des appartements intimes d’une Ambassade française à l’exposition internationale de 1925 © Les Arts Décoratifs Luc Boegly

Succès « populaire »

En politique comme en ébénisterie, la fioriture, le verbiage, la charge héroïque nuisent à la clarté du discours. Plus on tentait de déconstruire ce style d’apparat, de minorer son éclat et de le rejeter au rang d’art factice, presque risible, seulement bon à meubler les intérieurs des économiquement aisés, plus il résistait, il a même vu son aura grandir au fil des décennies. L’objet « Art déco » est l’élu de ceux qui n’y connaissaient rien. D’instinct, ils l’ont adopté. Les « spécialistes » ne lui ont jamais pardonné ce succès populaire. Dégoûtant !

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Dans une succession, on se bat pour un buffet en érable à la teinte douce, une touche d’ivoire et d’émeraude sur un bijou de famille même de faible valeur peut conduire à des duels fratricides. Naturellement, on délaisse les pierrailles et les boursouflures, les dorures accablantes et les névroses des créateurs au profit de cette simplicité raffinée. D’une émotion délicate qui ravit l’œil et qui charge la mémoire. L’Art déco charrie tant de souvenirs, il est le parfait véhicule pour l’imaginaire, il permet à l’esprit de se déplacer librement sans contrainte, il ne phagocyte pas la rêverie, sa pondération est une échappatoire qui n’a jamais été aussi indispensable qu’aujourd’hui. L’Art déco est le prolongement de l’amour courtois. On connaît ses influences : ballets russes, vitesse, attirance pour l’Orient, fêtes du Vicomte de Noailles, laques d’Eileen Gray et « ascèse décorative ». Nous pourrions ici faire le parallèle avec la Nouvelle Vague au cinéma dont il ne reste presque rien, si ce n’est les blousons en suédine de la bande du « Drugstore » et les étudiantes en tee-shirt blanc remontant les Champs-Elysées, un journal à la main. Truffaut ce classique qui s’ignorait trouvait à la fin de sa vie que les élucubrations des petits caïds des Cahiers étaient réductrices. En ce temps-là, il fallait bien faire sa place quitte à dénigrer les réalisateurs « à papa ». Ces « besogneux » qui soignaient le scénario, la lumière, le maquillage, le placement et promouvaient une forme de narration compréhensible par un être humain n’étaient que des pleutres, des affidés au système, quasiment des traitres au septième art. La tambouille, l’amateurisme, la glu intellectuelle qui accompagnèrent les premiers films d’auteurs (comme si les autres étaient des tâcherons) nous apparaissent désormais dans leur nudité idiote. Crue. Bavarde et vaine. Et les autres, les ringards, les graisseux Verneuil et Broca ou les plus anciens, Autant-Lara et Guitry, les robustes artisans avec leurs histoires ficelées, leurs dialogues à la virgule près et leur cadre précis sont des « classiques ».

Chaise et table à journaux de Clément Rousseau (1872-1950), décorateur et pare-feu de Clément Mère (1861-1940), décorateur, Chartier, ébéniste © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière

Pas « disruptif »

Pareillement, l’Art déco ne fait pas de la modernité un Aventin et il s’en nourrit cependant. Il ne cherche pas à disrupter tout en modifiant nos perceptions par la grâce. Pour mieux appréhender son histoire et sa plasticité, il faut se rendre au Musée des Arts Décoratifs de Paris où démarre ce mercredi 22 octobre l’exposition « 1925-2025 Cent ans d’Art déco ». « Mobilier sculptural, bijoux précieux, objets d’art, dessins, affiches, et pièces de mode : plus de 1 200 œuvres racontent la richesse, l’élégance et les contradictions d’un mouvement qui continue de fasciner », nous annoncent les organisateurs.

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Durant les vacances de la Toussaint, allez donc du côté de la rue de Rivoli, simplement voir, presque toucher de « belles choses », c’est un privilège rare dans un monde si laid. La collection de bijoux Cartier datant de cette période-là est féérique. Et surtout, « montez » dans l’Orient-Express, ce temple de la marqueterie trône avec tout son faste et sa magie au milieu d’un étage. L’architecte Maxime d’Angeac a fait renaître ce mythe roulant en réaménageant un compartiment centenaire. Il a réinventé les décors manquants en faisant notamment appel à Jean-Brieuc Chevalier, maître en borderie sur bois, si vous n’avez jamais vu des perles du Japon brodées sur d’aussi grandes surfaces par cet artisan d’art d’Angers, c’est une occasion unique. Ne loupez pas le train du « beau » !

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Marronnier rose

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Les campagnes de « sensibilisation », notre chroniqueuse en a soupé! Billet d’humeur.


Tels les marronniers journalistiques, octobre qui s’achève est revenu enquiquiner le monde. Ce n’est plus un mois, c’est un bulletin médical. Autrefois, la pudeur et le savoir-vivre commandaient qu’on ne parle pas de tout, partout.

Tous ensemble, ouais !

Aujourd’hui, ces vertus passent pour une faute politique. La santé ne se vit plus, elle se partage. On ne soigne plus son corps, on en rend compte.

Le pays tout entier se couvre de rubans roses comme d’une varicelle morale : vitrines, écoles, réseaux sociaux, entreprises, ministères… tous mobilisés. La couleur de la douceur, paraît-il. En réalité, celle de la surveillance bienveillante, mais sourcilleuse.

« Octobre Rose » n’est pas une simple campagne, c’est une croisade hygiéniste. On n’en appelle plus à la responsabilité individuelle mais à la dévotion collective. La République ne se contente plus de vacciner : elle veut palper, sonder, scanner. Elle s’invite dans les tissus mammaires comme autrefois dans les consciences. On croyait que le salut passait par la foi, on découvre qu’il passe désormais par la mammographie.
Le plus fascinant, c’est la ferveur civique avec laquelle chacun s’improvise apôtre de la prévention.

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« Tu devrais vraiment prendre rendez-vous, hein ! » dit la collègue à la pause-café, l’air grave d’un curé à confesse.

« Tu n’as pas encore fait ta mammographie ? » s’indigne la voisine, comme si on venait d’avouer un meurtre.

Le génie de notre époque, c’est d’avoir transformé le contrôle en sollicitude. Refuser de participer à la course caritative, c’est suspect.
Ne pas afficher le petit ruban sur sa photo de profil, c’est presque du négationnisme médical. La santé est devenue un devoir civique, une liturgie sociale, un rite de conformité. Le plus ironique, c’est que cette surveillance douce se pare du visage de la liberté.

« Informer, sensibiliser, accompagner », voilà les trois vertus cardinales du nouveau clergé sanitaire.

C’est pour mieux vous sensibiliser, mon enfant

Mais informer, n’est-ce pas déjà présupposer qu’on sait mieux que l’autre ? Sensibiliser, n’est-ce estimer qu’il ne l’est pas assez ?
Quant à accompagner, c’est surtout s’assurer qu’il ne s’écarte pas du bon chemin. Dorénavant, octobre n’est plus le mois des plantations ou de l’ouverture de la chasse, c’est le mois de la citoyenneté mammaire, nouvelle forme de vertu républicaine. Chacun surveille son prochain au nom du bien et c’est ainsi que se bâtit le contrôle social le plus efficace jamais inventé : l’injonction compatissante, que Tocqueville avait entrevue.

Ce n’est plus la police qui vous observe, c’est votre entourage, votre famille, vos collègues, vos followers. Big Sister is watching your boobs. Et peu-à-peu, le ruban rose remplace le brassard, tout comme la compassion tient lieu de légitime autorité.

Si autrefois, on confessait ses péchés au prêtre, aujourd’hui, on confesse ses oublis médicaux à l’État. On ne dit plus : « J’ai péché. », on dit : « J’ai oublié mon dépistage. » Le médecin devient curé, le dossier médical partagé, registre paroissial. L’Assurance Maladie que vous financez, elle, veille : elle sait si vous avez manqué à vos devoirs sanitaires.

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On imagine déjà la prochaine étape.

Un soutien-gorge intelligent, estampillé Santé Publique France, équipé de capteurs thermiques et d’un QR code tricolore. Ou rose. Chaque matin, il transmettra au ministère votre indice mammaire de conformité. À chaque contrôle, un message : « Félicitations, votre poitrine est en règle avec la République. » Peut-être certaines start-up sont-elles déjà sur l’affaire !

Refuser de partager cette ferveur sanitaire ? C’est louche, ça. Presqu’autant que ne pas être vacciné contre le Covid. C’est une trahison civique et les regards se feront pesants. Avant de passer à la vitesse supérieure ? Qui sait ? Bientôt, les entreprises exigeront peut-être une attestation de dépistage pour accéder à la machine à café. Les femmes libres seront désormais celles qui se laissent examiner sans broncher. La pudeur ou le quant-à-soi deviendront un archaïsme réactionnaire, un reste d’individualisme bourgeois.

« Octobre Rose » n’a rien d’un complot, c’est pire : c’est une évidence. La surveillance la plus aboutie, c’est celle que les gens réclament eux-mêmes, persuadés qu’elle les protège.

Le rose, tout à la fois couleur de l’enfance et de l’érotisme, apaise, endort, séduit. Il est la couleur idéale du contrôle : doux, rassurant, charmeur et maternant. Mais cette colonisation du corps au nom du bien commun qu’est devenue la santé est d’autant plus redoutable qu’elle se fait sans violence.

«C’est Nicolas qui va payer»

Choses vues et entendues ce matin, en immersion parmi les soutiens de Nicolas Sarkozy, dans le XVIᵉ arrondissement…


Il fallait être matinal, ce mardi 21 octobre, pour assister au déferrement de Nicolas Sarkozy, prévu à 8 h 30. Ou chômeur. Ou bien retraité.
Au pied des balcons cossus du XVIᵉ arrondissement, les fourrures avaient été ressorties des placards : une foule d’environ un millier de fidèles (militants, admirateurs, simples curieux) s’était massée pour soutenir l’ancien président.
Beaucoup de visages grisonnants, quelques étudiants, et ces retraités nostalgiques des années Sarkozy, donc. Des anciens LR, des anciens UMP, voire même, confie Didier, Parisien sexagénaire, un « ancien UDR, du temps de Pompidou ».
L’ambiance est militante, un peu émue. On scande « Sarkozy président ! », on brandit de vieilles affiches officielles. Chantal et Annie, venues du XVIᵉ et de Versailles, précisent qu’elles ne sont « pas militantes, mais là pour un homme ».

Morano, Guaino et les irréductibles

Nadine Morano, fidèle parmi les fidèles, n’a rien perdu de sa gouaille. « Au regard de tout ce qu’il a fait pour le pays, on peut être fier de lui ! » lance-t-elle, avant d’énumérer les crises traversées « avec brio » par son champion. Face aux journalistes, elle s’emporte. Quand Quotidien lui lance : « association de malfaiteurs », elle réplique, cinglante : « Une juge d’instruction m’a dit que c’était une décision politique. »« Mais que connaissez-vous du dossier ? », lui rétorque-t-on. — « Et vous, vous êtes qui ? »
Henri Guaino, lui aussi présent, n’a pas manqué le rendez-vous. Celui qui rêvait, en 2017, de se présenter, au besoin contre son ancien patron, évoque depuis quelques jours sur les plateaux télé une nouvelle décapitation symbolique des corps du roi, une volonté d’atteindre la Ve République… Il parle aujourd’hui du pouvoir judiciaire, des principes constitutionnels, et jure un peu dans cette ambiance militante et émotive.
Roger Karoutchi, indémodable, érudit, agrégé d’histoire, sourit à l’évocation des figures politiques passées par la prison avant la rédemption — Louis-Napoléon Bonaparte, Nelson Mandela, Jacques Médecin : « Permettez-moi de préférer Louis-Napoléon à Jacques Médecin. » Puis ajoute, plus grave : « Il y a une incompréhension entre le monde politique et le monde judiciaire. Les affaires se succèdent : cela va trop loin. »

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Absences remarquées, ferveur populaire

Quelques fidèles sont là, mais aucun ténor des LR. Ni Bruno Retailleau, ni Laurent Wauquiez, en Abel et Caïn ingrats, n’ont fait le déplacement. En revanche, la base, plus radicale, s’exprime : « Les juges en prison ! », « En enfer ! » — « Ne dites pas ça, ça va être répété », tempère une militante. On entend aussi : « Mediapart, torchon ! »
« On sera là dans cinq ans, à la sortie de la Santé »
, plaisante un autre.
Parmi les anonymes : Alain, François, Parisiens sarkozystes et aujourd’hui adhérents de « Reconquête ». Qui incarne, selon eux, le mieux les valeurs du sarkozysme ? « Sarah Knafo. »
Eva Stattin, Franco-Suédoise naturalisée en 2006 « pour voter Sarkozy », habite place Beauvau. Elle est venue pour son ancien voisin. En tenue de guinguette sarkozyste, elle confie pourtant pencher désormais pour Édouard Philippe.

 Folklore militant, une militante franco-suédoise « naturalisée en 2006 pour pouvoir voter Sarkozy » soutient avec ferveur son champion.

Famille, loyauté et mise en scène

Il y a là des sarkozystes, des zemmouristes, des philippistes, des curieux, mais surtout la famille, version Scorsese. La famille Sarkozy descend: les enfants des trois unions et épouses confondues arrivent en rangs serrés à 9h précises à l’angle des rues Pierre Guérin et de la Source. Les fils ont lancé un appel à la loyauté ; il a été entendu.
« J’ai répondu au magnifique appel des enfants à leur père », confie une grand-mère émue.
L’image a tout d’une saga familiale : la dramaturgie fonctionne. Thierry Saussez, le communicant des années Sarkozy, jure qu’il n’y a « aucune mise en scène, seulement de l’affection sincère ». Roger Karoutchi résume la situation, en vieux sage de la droite : « On est là dans les moments difficiles. Loyauté, fidélité… ce n’est plus à la mode. Je dois être vieille école. »
Il y a aussi les journalistes de gauche — Paul Gasnier de Quotidien en tête — narquois, pas mécontents de pouvoir ricaner au milieu du peuple de droite.
Des larmes, des chants, et le corbillard pénitentiaire d’une présidence déchue : la familia grande au grand complet ! Le déferrement ressemblait, il faut bien le reconnaître, à un genre de sacre à rebours. On pleurait autant un homme politique qu’un style : celui des fidélités de sang comme de clan, quand la loyauté l’emporte sur la morale et la lignée sur les idées. Mi-bourgeoise, mi-corse, sentimentale jusque dans le calcul, fidèle jusque dans la disgrâce… la droite vibre à de vieux affects.
Et quand les mamies en vison regagnent leurs appartements du XVIᵉ, la sono continue : entre deux Marseillaises, résonne une playlist choisie avec à-propos : Du ferme de La Fouine et Les Portes du pénitencier de Johnny. Bien mises, elles applaudissent celui qui mérite désormais son titre de parrain de la droite française, et cocottent de bon matin. Leur odeur s’appelle : fidélité.


Emmanuelle Brisson, jeune étoile montante des LR, au ton pugnace, présente de bon matin, a répondu à nos questions.
Figure montante des Républicains, parfois critique à l’égard de sa famille politique, Emmanuelle Brisson, candidate LR dans les Pyrénées-Atlantiques en 2024, était présente au rassemblement.
Causeur. Vous êtes aujourd’hui en première ligne pour ce rassemblement de soutien au président Sarkozy. Est-ce une démarche personnelle ou une action politique ?
Emmanuelle Brisson. C’est d’abord un magnifique hommage des fils de Nicolas Sarkozy à leur père, et j’ai tenu à être présente. Je suis militante encartée à l’UMP et chez LR depuis mes seize ans. On en a assez également de cette justice à deux vitesses. Certains auteurs de délits violents reçoivent une peine bien moindre que celle de cinq ans de Nicolas Sarkozy, alors que l’ancien président n’est en rien une menace pour la société. La gauche préfère voir Nicolas Sarkozy dormir en prison plutôt que de voir les voyous, les crapules derrière les barreaux. Je pense aussi au courage du maire de Neuilly, qui a risqué sa vie autrefois et qui a reçu la Légion d’Honneur pour cet acte remarquable. Ce courage, cette dignité, cette loyauté, nous les avons retrouvés aujourd’hui.
Dans ce moment difficile, ce n’est pas seulement un ancien président que nous voyons : c’est un homme qui incarne l’engagement, le dévouement et la fidélité à ses valeurs. 17 ans de procédure – et de procédure politique, plein de perquisitions, et le juge qui l’a condamné avait manifesté contre lui en 2011. Je suis par ailleurs très déçue que la droite n’ait pas organisé cette manifestation. Les Français se souviennent aussi de l’homme courageux et engagé depuis les images de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly en 1993.
Aujourd’hui il y a des militants de plusieurs partis politiques, c’est la grande union des droites ? 
Il est normal de trouver des militants de différents partis politiques : Horizons, LR, Reconquête… C’était le président de tous les Français, de la classe populaire comme de la classe bourgeoise.
Où en êtes-vous personnellement avec votre parti, les LR, avec lesquels vous êtes parfois critique ?
Je suis attaché à ma famille politique. Les médias nous enterrent mais on continue d’incarner les valeurs de la droite. Maintenant, il faut du panache et du courage. Il ne faut plus avoir peur des mots qui fâchent.

Quand la dette publique faisait le lit de la Révolution

Crack financier, plans d’austérité, déficits, inflation… Les crises économiques étaient déjà connues sous l’Ancien Régime. Mais en se montrant plus soucieux de préserver les privilèges de castes que de mener les réformes nécessaires, l’État a fait le lit de la Révolution.


« Je m’en vais mais l’État demeurera toujours. » 1er septembre 1715 à Versailles, quand Louis XIV, sur le point de rendre son dernier souffle, prononce ses derniers mots, il sait qu’il laisse à son successeur, âgé de cinq ans, un pays voué à un grand avenir. L’un des royaumes les plus peuplés au monde, la France est alors dotée d’un vaste empire colonial, regroupant notamment la Louisiane, le Québec, les Antilles, le Sénégal et la Réunion. En Europe, elle vient de remporter une grande victoire diplomatique, avec la paix d’Utrecht, qui reconnaît à Philippe de Bourbon, l’un des petits-fils du Roi-Soleil, le droit de s’asseoir sur le trône d’Espagne.

Seul hic : les caisses du royaume sont vides. La dette s’élève à dix années de recettes fiscales. Chargé d’assurer la régence jusqu’à la majorité de Louis XV, Philippe d’Orléans pourrait certes tailler dans les pensions et imposer une grande réforme fiscale… mais ce serait mettre à contribution la noblesse. Hors de question ! Reste une solution, que lui suggère un improbable personnage, digne d’un film de cape et d’épée que Stanley Kubrick aurait pu tourner à la bougie : John Law.

Rumeur financière

Le siècle des Lumières fut celui des philosophes mais aussi des fripouilles, des cyniques et des hâbleurs. John Law en est l’un des plus illustres exemples. Dès l’âge de 17 ans, ce fils d’un banquier d’Édimbourg tue un rival amoureux lors d’un duel. C’est le début d’une cavale en Europe, d’abord à Amsterdam, puis à Venise, où il observe les négociants qui troquent de l’or ou de l’argent contre des bouts de papier. Il n’ignore pas que, depuis 1691, à Londres, la toute nouvelle Bank of England, dont les actionnaires forment l’élite politique et économique du pays, prête à la couronne britannique, moyennant des taux fixes, de quoi financer l’effort de guerre tandis que, de l’autre côté de la Manche, le royaume de France, pris dans l’étau de ses conflits aux prolongements incertains, doit improviser le financement de ses nécessités en empruntant n’importe comment et souvent au prix fort.

John Law cogite : et si le succès des Anglois, vainqueurs de Louis XIV lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), était d’abord financier ? En audacieux, il pense que la France ferait bien de reprendre les méthodes de la City. Entre deux parties de pharaon, il imagine un système à grande échelle, organisé autour d’un établissement parisien qui émettrait des certificats contre le dépôt d’espèces métalliques. Parvenant à convaincre le régent, l’aventurier écossais est nommé contrôleur général des Finances et autorisé à créer en 1716 la Banque générale.

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Dans un premier temps, c’est l’emballement. Le papier-monnaie de Law fait fureur. Mais l’Écossais a eu le don de se faire quelques ennemis. Certains, tapis dans l’ombre, notamment le prince de Conti, attendent leur heure. Les voilà qui achètent à tout-va des billets, dont la valeur grimpe jusqu’à atteindre 40 fois le prix d’émission. Puis soudain, les plus gros possesseurs demandent, de conserve, à récupérer leur mise de départ. Quand c’est au tour des moins gros, effrayés par la rumeur d’une faillite, de réclamer leur dû, il n’y a déjà plus d’or ni d’argent dans les caisses. Au moment des comptes, les uns se sont allègrement enrichis, les autres en ressortent plumés, le système Law est un échec retentissant. En décembre 1720, son initiateur doit s’enfuir, déguisé en vieille dame. Bruno Le Maire n’a pas été amené à une telle extrémité au moment de quitter Bercy pour Lausanne.

Tout n’était pourtant pas à jeter chez Law. Quatre ans avant sa déchéance, le mémoire qu’il avait rendu au régent pour lui soumettre son plan d’action était d’une grande sagacité. On pouvait y lire  : « L’abondance et bonne conduite de la monnoie, entretiennent et augmentent l’industrie, les manufactures et le commerce, bonifient les revenus du Prince et des propriétaires des terres etc, et rendent l’Etat riche, peuplé et puissant. La rareté et mauvaise conduite des monnoyes, produisent les effets opposés. » Précurseur de John Maynard Keynes, l’Écossais avait compris que la monnaie est le véritable sang de l’organisme économique. En émettre en temps de crise, c’est comme transfuser le malade ; l’en saigner comme le faisaient les médecins de Molière, c’est l’anémier. Une utile théorie économique interventionniste aurait pu naître avec lui.

Guerres ruineuses

En pratique, le système Law eut aussi, paradoxalement, un effet appréciable. En faisant tourner à plein la planche à billets, le pouvoir a engendré une spirale d’inflation qui du même coup a généreusement (et douloureusement) dévalué la monnaie dans laquelle étaient libellés ses emprunts. Au prix des bas de laine des épargnants, l’État a allégé le poids de sa dette. L’épisode inspire aussi la littérature de l’époque, et non des moindres. Dans son second Faust (1832), Goethe raconte comment Méphistophélès fait succomber l’empereur germanique aux charmes du papier-monnaie. Diabolique.

Le scandale Law n’empêche pas l’économie française, portée par la poussée démographique, de se développer dans les années qui suivent. Sous le règne de Louis XV, le royaume passe de 20 à 27 millions d’habitants ; avec une hausse de la production agricole qui fait mieux que suivre l’embellie démographique. L’État pilote les premières initiatives industrielles, crée les Ponts et Chaussées (1747). On assiste au début d’accumulation du capital. La France n’est pas loin de connaître un décollage comparable à l’Angleterre. Sauf que Louis XV mène, à côté, les guerres les plus ruineuses. Quand il nomme l’abbé Terray contrôleur général des Finances en 1770, celui-ci sait que l’intendance ne pourra suivre éternellement. Il prend alors des mesures fortes, qualifiées à l’époque de banqueroute – on parlerait aujourd’hui de plan d’austérité.

Selon Colbert, « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ». Terray ne s’encombre pas tant des cris d’orfraie et taille dans le vif, réduit l’intérêt des rentes, diminue les pensions. Il est le père Fouettard que l’économie française aime à se donner de temps en temps dans les situations désespérées. À un administré, scandalisé par tant de nouvelles taxes, qui lui demande : « Faudrait-il donc que j’égorge mes enfants ? », l’abbé répond : « Peut-être leur rendriez-vous service ! » Ses mesures, aussi impopulaires qu’elles soient, permettent un redressement des comptes. Las, après la disparition de Louis XV en 1774, son héritier, le très charitable Louis XVI, cède à la pression de l’opinion et congédie notre Antoine Pinay en soutane.

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C’est peu dire que l’époux de Marie-Antoinette ne fait pas preuve d’une clairvoyance financière à toute épreuve. Ainsi, son idée d’équiper une flotte de guerre en soutien aux troupes de George Washington qui mène une lutte sans merci contre l’Empire britannique est une folie. Si, à Versailles, les courtisans applaudissent les exploits des révolutionnaires anticolonialistes américains, ils contrarient, chez eux, toute réforme qui leur coûterait un centime. De même, les parlements d’Ancien Régime s’opposent à l’égalité devant l’impôt et à la remise en cause des restes de droits féodaux. Dans l’incapacité de réformer le système, Louis XVI organise l’instabilité ministérielle et tente tous les expédients. Toute ressemblance avec la situation française actuelle n’est peut-être pas fortuite. De Turgot en Necker, de Calonne en Loménie, de Loménie en Necker, la détresse des finances publiques reste inchangée tant que le pouvoir reste impuissant à ponctionner les privilégiés, lesquels parviennent à mettre l’opinion de leur côté en dénonçant les dépenses et la corruption de la cour. Dur d’incarner l’austérité quand on a soi-même un train de vie dispendieux ! François Fillon l’a appris à ses dépens.

Paysan vendant ses assignats auprès d’un changeur, Jean-Baptiste Lesueur, vers 1789-1796 (C) Musée Carnavalet, Histoire de Paris

Au pied du mur

En 1789, au pied du mur, le roi tente le tout pour le tout et convoque les États généraux, soit l’assemblée des représentants de la noblesse, du clergé et du tiers état. La suite est connue : ces derniers constituent l’Assemblée nationale, s’arrogent la souveraineté, précipitent la Révolution et mettent à bas les privilèges durant la nuit du 4 août en proclamant la fin des inégalités, notamment fiscales, devenues insupportables dans tout le royaume. Cependant, les caisses demeurent désespérément vides. Le déficit atteint deux milliards. Talleyrand, évêque d’Autun, monte à la tribune. C’est lui qui gère la colossale fortune de l’Église de France. Il choisit de trahir son ordre et convainc de résorber le déficit en nationalisant les biens du clergé, puis en les nantissant pour émettre des assignats. Problème : le cours desdits assignats ne tardera pas à s’effondrer. Des petits malins en profiteront pour acquérir à vil prix le patrimoine gagé. Ce sont les fameux acquéreurs de biens nationaux, que Balzac décrit dans Eugénie Grandet comme une nouvelle classe de parvenus sans vertu ni vergogne, et dont Barbey d’Aurevilly raconte, dans L’Ensorcelée, l’ascension sociale, qui n’a d’égale que la déchéance financière des vieilles familles seigneuriales.Dans les campagnes, on estime que les transferts de propriété représentent 10 % des richesses foncières. L’émergence de nouvelles dynasties bourgeoises aux fortunes mal acquises ne renfloue pas pour autant l’État. L’inflation succède à la déflation. Les particuliers thésaurisent leur monnaie métallique et l’argent se cache. En 1797, pour s’en sortir, le Directoire décrète finalement la banqueroute. Les deux tiers de la dette publique sont dénoncés. Le gouvernement travestira cette ruine du créancier en parlant de « tiers consolidé ». On parlerait aujourd’hui d’assouplissement quantitatif et de renégociation de la dette : l’Etat est moins avare de langue de bois que de monnaie de singe. Les comptes assainis, la France peut envisager des réformes. L’autorité et la confiance reviendront avec Bonaparte et le coup d’État de Brumaire. Bientôt, le futur empereur associera son nom au franc germinal (1803). Il s’efforcera, malgré la guerre, de maintenir l’équilibre budgétaire.

Morale de l’histoire : les résistances financières ont scellé le destin de la monarchie. Ce qui aurait pu être une transformation ordonnée s’est muée en révolution brutale. À force de multiplier les occasions manquées, les Bourbon ont révélé leur incapacité à se projeter dans l’avenir. L’État absolutiste, dans son désir de tout embrasser, avait en fait figé le mouvement et renforcé l’orgueil d’une noblesse qui cherchait à compenser par les privilèges financiers le pouvoir politique qu’elle avait perdu. La France de l’Ancien Régime, avec son aristocratie oisive, son clergé possessif et ses financiers rapaces, portait dans ses petitesses les germes de nos gloires futures : une rage de recommencer, encore et encore, une histoire qui oscille entre le sublime et le grotesque, où chaque crise, à défaut de nous corriger, au moins nous édifie.

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Les milliards, la vieille et le gigolo

La femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa, en salles le 29 octobre, est le film le plus astucieux du mois. Ceux qui voudront ensuite tout apprendre de l’affaire Bettencourt peuvent en outre retrouver un documentaire en trois volets sur Netflix…


Toute ressemblance avec des personnes réelles serait évidemment fortuite. On s’en paye tout de même une bonne tranche dans La femme la plus riche du monde, hors compétition à Cannes cette année, transposition transparente de la saga qui, il y a une quinzaine d’années, pour la délectation des médias, mettait aux prises les héritiers du groupe L’Oréal sur l’accusation d’abus de faiblesse portée contre le photographe François-Marie Banier, le protégé de l’aïeule Liliane Bettencourt (1922-2017).

Huppert au meilleur de sa forme

Les noms sont changés, mais pas les protagonistes : « Isabelle Farrère », passablement rajeunie sous les traits d’Isabelle Huppert dans le rôle-titre (Liliane est morte nonagénaire) ; André Marcon pour camper le mari, « Guy Farrère » ; Laurent Lafitte pour incarner Banier, devenu « Pierre-Alain Fantin », tout comme la vraie Françoise Meyers, jouée par Marina Foïs, s’appelle ici « Frédérique Spielman », épouse de « Jean-Marc Spielman » (Matthieu Demy). Pascal Bonnefoy, le majordome dévoué à sa patronne qui, par ses enregistrements clandestins, déclencha le procès que l’on sait, prend le nom de « Jérôme Bonjean », figuré à l’écran par Raphaël Personnaz, le cheveu parcouru de mèches blondes. Jusqu’au mec de Banier, Martin d’Orgeval, conserve sa particule à l’écran, sous le patronyme de « Raphaël d’Alloz » (Joseph Olivennes). Au reste, le film ne fait qu’une potiche du d’Alloz, alors qu’en vrai le d’Orgeval a fini en taule, à l’instar de son amant et protecteur. Idem, le petit-fils de la milliardaire, fade blondinet BCBG, est aperçu crawlant sous le soleil d’Arros, l’île privée de grand-mère aux Seychelles, claironnant à la fin du film qu’il part pour Dubaï.  


Bref, tout est supposément vrai dans le canevas de cette fiction qui, tout de même, pousse un peu loin le bouchon de la caricature. Malgré tout, on rit de bon cœur aux répliques ciselées à l’ancienne, dans la tradition ‘’qualité française’’ (sur un scénario du vieux compère Cédric Anger, aidé de l’émérite Jacques Fieschi pour les dialogues). Jean-Marie Banier/ Pierre-Alain Fantin est présenté, d’un bout à l’autre du film, comme une follasse adipeuse et libidinale, sire graveleux, vulgaire, méchant, manipulateur, crapule proprement odieuse. Lorgnant par exemple un phallus antique devant le trumeau du salon, il lâche cette saillie au mari de Liliane : « n’oubliez pas de le lubrifier ! ».  Ce parti pris d’appuyer sur le burlesque ne permet pas de comprendre tout à fait l’adoration que lui a voué Liliane Bettencourt/Marianne Farrère, dont notre Huppert nationale, ici au meilleur de sa forme, fait une enfant gâtée, sincère dans son égoïsme infantile comme dans le délire de ses largesses. Marianne entraînée par Pierre-Alain dans une boîte de nuit gay, prétexte à une échappée poétique par le truchement d’une chanson d’Alex Beaupain interprétée par Anne Brochet, on hésite à y croire. Reste que le film condense efficacement l’inexorable progression d’une emprise qui, dans les faits, étalée sur plus de vingt ans, a fini par soumettre à ses caprices une vieillarde devenue à peu près sénile.   

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C’est peut-être la limite d’un film qui, à défaut de creuser profondément la nature et la férocité de cette liaison dangereuse, ne se contente pas, néanmoins, d’emprunter les couleurs d’un pur divertissement : à travers les personnages de Guy, le vieil époux expiant les errements vichyssois de sa jeunesse, et de sa fille Frédérique, l’épouse de l’israélite Jean-Marc Spielmann, il interroge les fluctuations confessionnelles, et cette pollution antisémite dont l’actualité montre assez qu’elle est loin d’être endiguée.

Une affaire qui a scotché l’opinion

Dans la réalité, le très catholique homme d’affaires André Bettencourt (1919-2007), plusieurs fois ministres sous De Gaulle et Pompidou, a bel et bien dû quitter ses fonctions de vice-président de L’Oréal à la suite des révélations sur son passé maréchaliste. Mais le vrai cagoulard collaborationniste, pas évoqué dans le film, c’est Eugène Schueller (1881-1957), le père de Liliane et fondateur de l’entreprise à l’origine de la fortune du clan Bettencourt.  Enfin et surtout, focalisé sur Fantin, La femme la plus riche du monde fait volontairement l’impasse sur l’intrication de l’intrigue Banier/Bettencourt avec la politique et la finance, à partir des accusations portées contre Nicolas Sarkozy, Éric Woerth et le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, précisément sur la base des enregistrements du majordome ainsi que des déclarations fluctuantes de la comptable, Claire Thibout. Sont également effleurées les longues tractations judiciaires de Françoise Bettencourt-Meyers pour aboutir à la mise sous curatelle de sa mère et écarter définitivement Banier du colossal héritage.

Moins désopilant et moins fictif que La femme la plus riche du monde, mais aussi palpitant quoiqu’assez racoleur, le documentaire en trois parties L’affaire Bettencourt, scandale chez la femme la plus riche du monde pourra, en option, vous tenir scotché trois heures durant sur Netflix, – toujours disponible à la demande.    


La femme la plus riche du monde. Film de Thierry Klifa. Avec Isabelle Huppert, Marina Foïs, Laurent Lafitte, Raphaël Personnaz, André Marcon… France/ Belgique, couleur, 2025. Durée : 2h03. En salles le 29 octobre 2025

L’affaire Bettencourt, scandale chez la femme la plus riche du monde. Documentaire de Baptiste Etchegaray et Maxime Bonnet. France, couleur.  3x 52mn (1- Parce qu’il le valait bien, 2- De l’affaire aux affaires, 3- Le Bal des profiteurs).

Voici venu le temps de la curée

Alors que les Galeries Lafayette ferment à Marseille, provoquant l’émeute, le Louvre est victime du « casse du siècle ». Tout fout le camp !


Marseille. Les deux magasins des Galeries Lafayette s’apprêtent à baisser définitivement le rideau. Alors on solde, on brade. Ce sont des moins 60%, moins 80 % affichés sur quantité de marchandises en stock. Alléchant bien sûr. On pouvait s’attendre au succès. On est très au-delà du succès. Des gens par centaines, par milliers peut-être s’agglutinent devant les portes bien avant l’ouverture, se précipitent à l’intérieur à peine sont-elles entrouvertes. On se bouscule, on en serait à se piétiner. Images impressionnantes autant que consternantes. On dirait un troupeau de gnous, bref des animaux, de pauvres bêtes de la savane mourant de soif se ruant sur l’unique point d’eau à des dizaines de kilomètres à la ronde. C’est bien à cela que nous assistons. Les choses se passent comme si la vie de cette foule, avilie en populace, était en jeu. Profiter de l’aubaine ou crever ! Hallucinant ! Plus rien d’autre n’existe que le truc qu’on veut à toutes fins posséder. Tel un trophée.

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Tout doit disparaitre

Comportement quasi bestial, absolument. Des plus primitifs, en tout cas. Plus rien ne compte, il n’y a plus la moindre retenue, le plus infime respect de ce qu’on appelait voilà encore peu de temps les « civilités ». On verse dans l’émeute, le pillage, le saccage. Or c’est à des scènes comme celles-là qu’on mesure combien notre société est menacée de régression. Où est le remède ? Qui saurait le dire aujourd’hui ?

Et puis, il y a le braquage du Louvre. Si j’osais, je dirais qu’on est là aux antipodes du chaos marseillais. Qu’on imagine un instant ce braquage comme élément de scénario d’un film dont la vedette sympathique serait, par exemple, notre Jean-Paul Belmondo. On applaudirait sans retenue. Pas de violence, pas de coups de flingue, de rafales de kalach’, pas d’égorgement au couteau, pas de prise d’otages, rien de tout cela. En quatre ou sept minutes montre en main, un dimanche matin, en plein jour, au cœur de Paris, l’affaire est réglée. Bien sûr, on peut évidemment larmoyer à l’infini sur la perte de ces joyaux patrimoniaux, témoignage magnifique de notre glorieux passé, de notre grandeur de jadis. Mais cette grandeur n’est plus et il n’est pas certain que la France d’aujourd’hui mérite encore de tels joyaux, qu’elle en soit réellement digne. Cela, bien entendu, n’excuse rien, n’efface nullement l’affront qui nous est fait, le préjudice culturel d’un tel vol. Ni d’ailleurs l’humiliation qui va avec, car, une fois de plus, nous faisons beaucoup rire à l’étranger. Pensez donc ! Le plus beau musée du monde incapable de protéger ses trésors. Oui, cela fait rigoler. À nos dépens, bien évidemment.

Chef d’œuvre

Ces derniers temps, nous donnons il est vrai nombre d’occasions de se payer notre tête. Les moulinets dans le vide et les péroraisons stériles du président, l’interminable pataquès gouvernemental, les bouffonneries parlementaires à répétition, la politicaillerie pitoyable des appareils. Hors de nos frontières, on a donc amplement de quoi se tenir les côtes. La grande marrade, actuellement notre splendide réussite à l’international.

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Mais passons outre. Résolument optimiste comme je suis et tiens à le demeurer,  je me permettrai l’outrecuidance de souligner la perfection esthétique – oui esthétique – de ce braquage du Louvre. Un ballet, un véritable ballet. Chacun des quatre lascars parfaitement dans sa partition. Pas un geste inutile. Un sang-froid de grands fauves. Le spectacle de rue en majesté, pour ainsi dire. À ce niveau, un tel chef d’œuvre aurait sa place au Louvre, justement…

Bien sûr, redisons-le, le dol patrimonial est lourd, traumatisant nul ne le contestera. Mais on se gardera tout de même d’oublier que rien n’est davantage français – et donc tout aussi légitimement patrimonial – que la fascination de l’audace, de l’intrépidité et, accessoirement, du bras d’honneur à l’ordre établi considéré comme un des beaux-arts. Alors, on perd certes en pierreries de grand prix, en symboles d’importance, mais on gagne d’autant dans le registre de la jubilation iconoclaste. Autre joyau de notre culture, et non des moindres, du moins à ce qu’il me semble.

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La fracture invisible: Israël, la parole confisquée et la France réelle

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Sur la question israélo-palestinienne, une contre-société a pris le pouvoir symbolique: elle dicte la peur, façonne le discours, dénonce les « sionistes » et verrouille le débat. Dans les médias comme à l’université, la crainte d’être montré du doigt l’emporte sur la liberté de penser. Le pays légal s’incline, et le pays réel, peu à peu, baisse les yeux. Analyse.


Il y a un paradoxe, ou plutôt une imposture, qu’il faut nommer sans détours : ce que nous entendons sur Israël, dans ce qu’il reste du débat public français, ne vient pas de la France réelle, mais d’un petit monde clos — celui des faiseurs d’opinion, des producteurs de récits, des prêtres de la morale médiatique. Ce n’est pas le peuple qui parle, c’est la caste. Celle dont les mots forment la liturgie de l’époque : journalistes, universitaires, sociologues subventionnés, militants recyclés en chroniqueurs. Ces gens parlent pour la France, mais ne sont plus de la France.

Clergé sans foi ni loi

Christopher Lasch les nommait déjà les talking classes : ces classes qui, n’ayant plus rien à produire ni à défendre, se sont arrogé le privilège de dire le vrai, de définir le bien et d’excommunier le reste.

Dans cette caste, une large part de ce qui s’appelle encore « la gauche » s’est métamorphosée en clergé sans foi. La France insoumise, caricature d’une révolution morte, s’y est taillée le rôle du nouveau parti missionnaire : celui d’un Occident rongé par la mauvaise conscience. Elle a troqué la lutte des classes pour la lutte des races, le peuple pour les minorités, et le prolétariat pour les imams. N’ayant plus rien à dire aux ouvriers, elle parle aux banlieues islamisées. Elle a trouvé dans le voile et le drapeau palestinien ses nouveaux symboles, dans la haine d’Israël sa dernière mystique, dans les Frères musulmans ses nouveaux alliés.

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Ainsi s’est formée une alliance monstrueuse entre le gauchisme moral et l’islamisme politique, un front du ressentiment où se mêlent professeurs de vertu, idéologues anticolonialistes et petits marabouts du ressentiment urbain.

Autour de ce noyau gravite une nébuleuse : ministères, ONG, associations, médias publics, universités — tout un appareil de pouvoir idéologique qui dicte la morale du temps, distribue les indulgences et les anathèmes, fixe les mots permis. Ce n’est pas seulement un pouvoir de dire : c’est un pouvoir d’effacer.

Le peuple réduit au silence

La majorité silencieuse n’est pas muette : on lui a coupé la langue. Ses mots, sitôt prononcés, sont jetés au pilori : populistes, xénophobes, réactionnaires. La sanction est immédiate, sociale, médiatique, symbolique. Et cette peur suffit à faire taire la vérité.

Lorsqu’un micro se tend vers la France populaire, c’est toujours sous condition : questions biaisées, réponses cadrées, conclusions préécrites. Le réel n’a pas droit de cité.

Or cette France-là, celle qui travaille encore, celle qui ne manifeste pas pour Gaza mais subit les violences, voit ce que d’autres ne veulent pas voir : les territoires perdus, la peur diffuse, la montée d’un islam radical qui se sait victorieux. Elle sait que les menaces ne viennent pas des fantômes du fascisme mais d’un fanatisme bien réel, enraciné dans des quartiers où la République a abdiqué.

Dans les cités, le drapeau palestinien est devenu l’étendard d’une revanche globale : celle des humiliés de l’Histoire réinventée, des héritiers d’un islam politique qui prospère sur les ruines de la nation. Là s’est forgée une idéologie où le Juif tient lieu d’ennemi métaphysique, Israël de cible expiatoire, et la France de champ de bataille.

Sous l’influence des Frères musulmans, de leurs officines culturelles et de leurs satellites médiatiques, s’est construite une contre-société : séparée, victimaire, fanatisée. Et c’est elle, désormais, qui dicte la peur dans les écoles, la rue, les débats. Le pays légal s’y soumet, le pays réel s’y résigne.

La mémoire trahie et l’inversion des fidélités

Pendant l’Occupation, c’étaient les humbles, souvent, qui avaient sauvé les Juifs : paysans, curés, instituteurs. Ce peuple qu’on méprise aujourd’hui a su risquer sa vie pour la justice. Ma propre famille y a trouvé refuge : un policier, un village, des visages anonymes. La France, la vraie. Celle qui ne se proclame pas morale, mais qui agit.

Aujourd’hui, la morale est le masque du renoncement. Les castes dominantes ont trahi la mémoire du courage. Elles ont remplacé la transmission par la rééducation. Dans les lycées et les universités, la cause palestinienne tient lieu de catéchisme. Les jeunes apprennent à s’indigner à bon compte, à haïr Israël comme leurs aînés haïssaient l’Amérique. On ne leur enseigne ni l’histoire ni la complexité, mais le réflexe pavlovien : l’Occident est coupable, le Sud est innocent, le Juif est redevenu suspect.

La cause palestinienne comme clé de voûte du nouveau clergé

Israël est devenu le miroir dans lequel la France des élites contemple sa propre lâcheté. La cause palestinienne lui offre une scène morale où rejouer sans cesse la comédie de la repentance. Elle lui permet d’expier sans rien comprendre, de dénoncer sans rien risquer.

Soutenir Gaza, c’est communier. Refuser, c’est apostasier. Dans les rédactions, les amphithéâtres, les associations, la cause palestinienne n’est pas un débat : c’est un rite d’appartenance.

Mais ce n’est pas seulement un simulacre de compassion : c’est un instrument de tri. Comme on jurait jadis fidélité au Parti, on jure aujourd’hui fidélité à la cause palestinienne. C’est le nouveau serment civique du monde progressiste. Ceux qui refusent sont proscrits, privés de tribune, frappés d’inexistence.

Une cause-miroir pour l’Occident coupable

Tout cela obéit à une logique plus vaste. Depuis la décolonisation, l’Europe n’a plus de foi qu’en sa propre culpabilité. Elle s’imagine expier ses crimes passés en embrassant toutes les causes des nouveaux opprimés — pourvu qu’elles ne menacent pas son confort.

Le Palestinien a remplacé le prolétaire : il est l’absolu moral, la victime définitive, le visage sanctifié de la souffrance. Face à lui, Israël tient le rôle du bourreau : un État fort, occidental, donc forcément coupable.

Le réel, encore une fois, n’a pas sa place : ni les guerres arabes, ni les dictatures islamistes, ni les génocides africains ne pèsent face au mythe du petit peuple martyrisé par le grand. La simplification morale a remplacé la vérité historique.

L’alliance du haut et du bas : la symbiose du mensonge

Ce qui est nouveau, c’est la jonction entre deux mondes : celui des élites progressistes et celui des banlieues islamisées. Le premier possède les mots, le second la force. L’un parle au nom de l’universel, l’autre au nom d’Allah ; et, étrangement, leurs haines se rejoignent.

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La gauche culturelle a trouvé dans les Frères musulmans des supplétifs commodes : un peuple prêt à haïr Israël, à exécrer la France, à nourrir le mythe de l’innocent arabe contre le coupable européen. Et réciproquement, l’islamisme a trouvé dans la gauche morale une légitimation intellectuelle, un bouclier contre toute critique.

C’est ainsi que s’organise, sous nos yeux, une double colonisation : celle des esprits par la repentance, celle des territoires par la peur.

L’érosion silencieuse de la démocratie

La démocratie n’est plus qu’un décor. Ses institutions fonctionnent, mais son âme s’est retirée. Car la démocratie, c’est le droit de nommer les choses. Et quand les mots deviennent dangereux, la liberté n’est plus qu’un souvenir.

Dans ce vide prospèrent les nouveaux totalitarismes doux : celui des plateaux télévisés, celui des injonctions morales, celui de l’intimidation communautaire. On y apprend à se taire pour ne pas perdre sa place, à mentir pour ne pas être exclu, à consentir pour ne pas disparaître.

Conclusion – De la mémoire du courage à la vigilance du réel

La mémoire du peuple de 1940 nous oblige : à ne pas nous soumettre, à ne pas laisser confisquer le droit de nommer, à ne pas nous laisser endormir par les slogans d’un humanisme qui n’a plus d’humain que le nom.

Si nous cédons encore à ce théâtre moral, si nous laissons l’alliance des imams et des intellectuels régner sur nos consciences, nous verrons disparaître ce qu’il reste de la France : non pas sa puissance, déjà perdue, mais sa dignité, sa lucidité, son âme. Alors il ne restera plus qu’une terre divisée entre ceux qui haïssent, ceux qui s’excusent, et ceux qui se taisent. Et dans ce silence tombera, comme une dernière vérité, le nom d’Israël — ce miroir brisé où se lit, encore une fois, la défaite du monde civilisé.

Manifeste pour une euthanasie du retraité aisé

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Mon oncle s’appelle Jacques. Il est récemment retraité. En tant que neveu, j’ai une grande affection pour lui. En tant que citoyen, je souhaite secrètement sa mort. Mais avec le moins de souffrances possibles, car pour être citoyen, on n’en est pas moins un être humain sensible.

Actifs et inactifs, la guerre des générations

Les retraités aisés sont des parasites qui sucent le sang des forces vives de la nation, dont je fais partie. Jacques touche plus de 100 000 euros annuels de retraite. Sur cette somme, il déduit 10% pour « frais professionnels » (alors qu’il est totalement improductif) et bénéficie d’un taux réduit de CSG. Dans les années 90, lorsque Jacques cotisait et (puisqu’il s’agit d’un système par répartition), payait pour la retraite de ses parents, cela lui coûtait 30% de ses émoluments. Aujourd’hui, je paie 45% de mon salaire brut pour la retraite de Jacques.

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Jacques a 65 ans, et il est en parfaite santé, car sa vie de cadre sup a été douce. Il aurait pu parfaitement continuer à travailler au moins cinq années de plus. Ceci dit, quand sa santé va se dégrader, il va nous coûter un bras, en profitant d’avancées médicales que son père n’a pas eu la chance de connaître. Et comme la médecine est formidable, il va nous coûter cher très très longtemps.

Taux d’épargne record

Jacques s’ennuie ferme depuis qu’il a pris sa retraite, et passe son temps à voyager en avion avec son épouse. Il contribue ainsi, lui et ses semblables, à polluer la planète et rendre infréquentables pas mal d’endroits qui pourraient se passer de ces hordes de couples chenus.

Quand il ne s’ennuie pas à l’étranger avec son épouse, Jacques s’ennuie avec ses amis sur un terrain de golf. J’ai eu l’occasion de passer l’y voir un mercredi après-midi et j’ai été abasourdi par la quantité de sexagénaires fringants, poussant gaiement devant eux un chariot hors de prix, et profitant d’une cotisation annuelle payée de fait par le contribuable. Il m’est d’ailleurs apparu que les seules personnes non retraitées pouvant se permettre de jouer au golf le mercredi après-midi sont des médecins spécialistes, dont la cotisation est aussi généreusement offerte par l’Assurance-maladie. Mais c’est un autre sujet.

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Malgré ces activités onéreuses, Jacques, qui est propriétaire de sa maison, n’arrive pas à dépenser l’entièreté de sa pension. Il épargne donc, comme ses amis. Effectivement, il s’avère que les plus de 70 ans ont un taux d’épargne record, allant jusqu’à 20% de leur revenu. Je paye donc la moitié de mon salaire brut pour permettre à Jacques d’épargner. Plus j’y pense, plus je souhaite sa mort.

Je suis conscient que j’écris ces lignes dans un media supposément droitier, qui est censé défendre les intérêts des CSP+. Mon propos est simplement le suivant : le retraité aisé est une charge pour la collectivité, et une vraie politique « de droite » (privilégiant le mérite à l’assistanat) devrait le châtier durement…

Et puis si Jacques se met en grève pour protester, il y aura moins de touristes à Venise, et moins d’attente au départ du trou n°10 !

Cédric Jubillar: justice de places…

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Après quatre semaines d’audience, la cour d’assises du Tarn a rendu son verdict vendredi 17 octobre: Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse Delphine, disparue en décembre 2020 et dont le corps n’a jamais été retrouvé. À l’issue du jugement, ses avocats, Me Alexandre Martin et Me Emmanuelle Franck, ont exprimé leur profonde déception et annoncé que leur client interjetait appel de cette décision. Notre chroniqueur souligne dans son analyse le fossé de perception entre les acteurs de la justice — juges, jurés, avocats — et les journalistes, dont la distance et le prisme médiatique conduisent souvent à valoriser la défense plutôt que l’accusation.


Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour meurtre. Ses avocats ont immédiatement interjeté appel de cet arrêt. Aussi vais-je bien me garder d’évoquer le fond de cette affaire qui a passionné l’opinion publique, mais seulement la différence de perception entre les participants au procès et les journalistes dans leur ensemble.

Cette impression, chez moi, ne date pas d’aujourd’hui. Combien de fois, lorsque j’étais avocat général à la cour d’assises de Paris, ai-je remarqué cet écart entre des personnes qui, dans la même salle d’audience, paraissaient assister au même procès. En réalité, leur regard et leur écoute n’étaient pas les mêmes.

La presse s’enthousiasme pour Me Franck

Écouter et questionner pour juger ultérieurement n’a rien à voir avec l’activité du journaliste qui écoute et s’interroge pour ensuite écrire un article. La plupart du temps, ils n’assistent pas au même procès, tant leur rapport à la scène judiciaire les place, les uns au premier plan et dans l’action, les autres dans une certaine distance.

Mon titre s’explique ainsi : justice des places. Des places où l’on se trouve dans la salle d’audience. Jurés, magistrats, avocats généraux, avocats de la défense, avocats des parties civiles d’un côté ; journalistes et chroniqueurs judiciaires de l’autre. Les premiers en plein dans le vif de la tragédie criminelle et responsables, les seconds concernés mais témoins d’une horreur dans le jugement de laquelle ils ne sont pas engagés. Pas les mêmes places, pas le même regard…

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C’est ainsi que dans les péripéties finales du procès de Cédric Jubillar, il est clair que les deux avocats généraux ont convaincu les jurés et la cour d’assises, tandis que les deux avocats de la défense, sans doute brillants, ont convaincu les journalistes.

Je n’ai pas été surpris – c’est habituel chez ces derniers – par le fait qu’au moins une plaidoirie de la défense, celle de Me Emmanuelle Franck, a suscité un enthousiasme éperdu, comme si toutes les contradictions opposées à l’accusation étaient solides et décisives. Alors que les réquisitions, même les plus talentueuses, pertinentes et de haute volée, ne suscitent jamais, de la part des chroniqueurs, la moindre adhésion admirative dépassant le cadre du strict compte rendu.

Les jurés heureusement convaincus par les avocats généraux

C’est le parti pris de principe, originel, des médias : pour l’accusé, plus que pour la défense de la société.

Le journaliste, quelle que soit sa tendance, n’est pas spontanément accordé, sur le plan judiciaire, avec l’ordre. Souvent il préfère les incertitudes troublantes aux vérités trop évidentes. Alors, quand de surcroît on a un Cédric Jubillar qui conteste obstinément, et que le corps de la victime demeure introuvable, les médias ne se sentent plus ! Pourtant, ayant lu la relation des réquisitions des deux avocats généraux, je n’avais pas eu le moindre doute sur le fait que, implacables, intelligentes et parfaitement argumentées, elles allaient convaincre les jurés. Évidemment, les trente ans requis ayant été prononcés, on a tenté, médiatiquement, une mise en cause de l’arrêt et de la présidente, alors que les conseils de l’accusé ont, eux, eu une attitude exemplaire, gardant leur énergie et leurs qualités pour l’appel à venir. Selon que vous êtes à une place de responsabilité et d’implication, ou que, parfois, vous n’écoutiez que d’une oreille, pressé d’écrire votre article…

Une justice des places, qui changent la perception.

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«L’islamisme instaure une contre-culture patiente et méthodique en Europe!»

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Pierre Martinet. DR.

Selon l’essayiste et ancien agent du Service action de la DGSE, Français et Britanniques cèdent le terrain aux islamistes. Seule une riposte ferme, structurée et spirituelle, résolue à combattre l’islamisme visible et à maitriser strictement l’immigration, peut éviter un basculement sociétal tragique. Réaffirmer un projet national enraciné dans les valeurs judéo-chrétiennes et républicaines est une nécessité, selon lui.


Causeur. L’attaque meurtrière du 2 octobre 2025 devant la synagogue d’Heaton Park, première en Angleterre liée à l’antisémitisme, était-elle prévisible ?

Pierre Martinet. Absolument. J’ai vécu cinq ans en Grande-Bretagne, jusqu’à mon retour fin 2020, après le Brexit. J’y ai travaillé à plusieurs reprises pour la DGSE. Bien avant le 11 septembre 2001, l’antisémitisme s’exprimait librement à Hyde Park Corner : tous les dimanches, des prêcheurs hurlaient « Mort aux Juifs ! » en toute impunité. Mais l’antisémitisme n’est pas nouveau dans certaines franges de l’islam politique britannique. Il est enraciné dans l’idéologie des Frères musulmans, nés en Égypte dans le rejet des Britanniques et des Juifs. Dans cette vision, les Juifs incarnent l’ennemi absolu, éternel. Le 7 octobre 2023 a agi comme un catalyseur, non pas en déclenchant une guerre, mais en dévoilant le vrai visage d’une partie de l’Occident.

Nos ennemis ne se cachent plus. Ils sortent au grand jour, défilant avec des drapeaux du Hamas ou de Daech, criant des slogans antisémites sans retenue. Chez certains, la haine ne reste pas qu’un discours, elle mène à l’acte. L’Europe est un ventre mou, et l’islamisme y progresse non pas militairement, mais culturellement, en instaurant une contre-culture patiente et méthodique. Le temps ne joue pas contre eux : leur projet est à long terme. Depuis 1979, on compte entre 250 000 à 300 000 morts dans le monde dans des attentats islamistes.

Plus islamisée que la France, l’Angleterre aurait dû être frappée plus tôt ; alors, pourquoi son premier assassinat antisémite n’est-il survenu qu’en 2025 ?

C’est une excellente question. En France, les morts antisémites se sont multipliées bien plus tôt : Ilan Halimi, Toulouse, l’Hyper Cacher, sans parler des attentats de 1995 à Saint-Michel. La menace est installée depuis longtemps, et la France reste la cible principale du djihadisme en Europe. En Angleterre, la stratégie a été différente, pas besoin d’attentats spectaculaires; l’infiltration idéologique a suffi.

À Londres, certains quartiers sont devenus des enclaves. De nombreux maires sont musulmans, et on y recense entre 150 à 200 tribunaux islamiques en activité. J’ai vécu à Wapping, près de Tower Bridge. Le vendredi, à Whitechapel, les femmes voilées sont omniprésentes, on avait parfois l’impression d’être à Kaboul. Les attentats, eux, servent à créer une psychose, à provoquer des affrontements, voire à préparer une guerre civile si les armes venaient à circuler. L’explication tient aussi à l’omerta médiatique britannique, bien plus marquée qu’en France. Chez nous, la parole s’est un peu libérée depuis 2016. Avant cela, les journalistes évitaient soigneusement les mots « islamisme » ou « djihad ». Manuel Valls fut le premier à parler de « fascisme islamiste ». Cela fait quarante ans que le déni domine, pendant que l’offensive idéologique, elle, progresse.

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La laïcité française masque-t-elle un islamisme aussi virulent qu’en Angleterre ?

Les deux modèles ont échoué. Le multiculturalisme britannique est en faillite et la laïcité française apparaît impuissante face à un islam politique conquérant. Il faut tout repenser, repartir de zéro. L’islam politique est fondamentalement incompatible avec les principes de la République. Dans les services de l’État — armée, police, renseignement — on voit parfois des engagements clairs contre l’islamisation, mais cela reste marginal. La majorité n’agit pas réellement. Notre faiblesse, c’est notre vision à court terme : cinq ans au mieux. Eux, en face, ont une stratégie sur le long terme. Les Frères musulmans œuvrent depuis 77 ans, patiemment: prêcher, gagner les esprits, s’implanter village par village. Nous réagissons à l’urgence ; eux développent un projet de civilisation. Il nous reste peut-être dix à quinze ans pour inverser la tendance. Au-delà, ce sont nos enfants et petits-enfants qui vivront dans une société islamisée.

Après Manchester, les chrétiens seront-ils la prochaine cible ? Quel avenir en France après le père Hamel ?

Ils le sont déjà. L’assassinat du père Hamel, les profanations régulières d’églises et de cimetières en témoignent. L’avenir ? S’il ne change pas radicalement, il se résume à un mot : disparition. D’ici à cinquante ans, l’Europe sera soit islamisée, soit en guerre civile. Dans les pays musulmans, les chrétiens sont déjà persécutés. Au Niger ou en Mauritanie, ils sont obligés de cacher leurs croix. Je n’ai vu là-bas qu’une seule église visible et elle ne montre aucun signe ostentatoire. Ce que les islamistes exploitent ici, c’est un vide spirituel, moral, social que les chrétiens devraient pourtant combler.

Notre erreur, c’est de croire qu’un combat militaire suffit, alors que dans le même temps, les puissances du Golfe – Qatar, Arabie saoudite, Émirats – financent massivement l’islamisme en Occident. Prenons le Qatar, par exemple : investissements massifs dans l’immobilier londonien, proximité assumée avec la Couronne. À Londres, les églises ferment, pendant que mosquées et salles de prière se multiplient. C’est une stratégie d’implantation, de visibilité, de conquête. Sans une spiritualité chrétienne vivante, sans une réaction à la fois spirituelle et civique, les chrétiens d’Europe disparaîtront. Mon reproche principal aux Églises et aux fidèles, c’est leur passivité, ce réflexe de « tendre l’autre joue », alors que la situation exige désormais un réveil, une résistance.

Nous restons prisonniers d’un univers de droits de l’homme et de compassion naïve : cela finira par nous perdre. L’Occident traverse une fin de cycle : spirituellement à bout de souffle, financièrement affaibli, incapable de proposer un véritable projet de société. En face, ils en ont un, l’islam encadre tous les aspects de la vie. Nous, nous ne proposons plus rien. C’est le vide contre la structure.

L’entrisme islamique est partout : médecine, justice, armée… Comment inverser la tendance malgré nos blocages européens ?

L’immigration est le problème central. Depuis 15 à 20 ans, tout s’est accéléré. Nous avons perdu le contrôle, et nous n’avons plus la maîtrise du processus. Ce n’est pas une immigration d’intégration, c’est une immigration de transformation : pour modifier le continent, maintenir des pratiques étrangères et implanter une contre-culture. Pour renverser la vapeur, il faut un président déterminé à affirmer que la France n’est pas une terre d’islam. Il faut rétablir des frontières, des contrôles migratoires stricts, et une laïcité repensée, adaptée aux défis d’aujourd’hui. La France doit redevenir le fer de lance de la résistance. Aujourd’hui, nous subissons les renoncements, la défaite idéologique.

Et le plus préoccupant : une partie des jeunes n’en a même plus conscience. Pour eux, une France musulmane n’est pas un problème. Le kebab est halal, le goût est le même. Leur conscience historique, culturelle, identitaire est faible. L’idéologie islamiste a infiltré la nourriture, l’habillement, le sport… C’est un projet ancien, bien documenté, annoncé depuis des décennies. Et notre lâcheté politique est abyssale. Si j’étais président, je donnerais dix ans pour éradiquer l’islamisme visible. Retour du sacré apaisé, des repères clairs, de l’ordre. On ne combat pas une offensive idéologique par la mollesse : il faut une réponse déterminée, structurée, enracinée.

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Vous êtes président, quelles seraient vos dix premières mesures à prendre dans les 100 premiers jours ?

Je commence par reconnaître officiellement que le projet islamiste fondamentaliste, incarné par les Frères musulmans et les salafistes, constitue une menace nationale majeure, avec un discours clair et sans ambiguïté. Je classe les Frères musulmans comme organisation terroriste et lance leur démantèlement systématique. Le salafisme, en tant que dérive sectaire, devrait être criminalisé : cela passe par la fermeture des mosquées salafistes et l’interdiction des pratiques vestimentaires ostentatoires dans l’espace public.

Il est indispensable d’appliquer strictement les lois déjà en vigueur, notamment l’interdiction du voile intégral, instaurée en 2010, et de mettre fin aux prières dans la rue. Dans les services publics, aucune dérogation religieuse ne doit être tolérée : par exemple, le halal serait interdit dans les cantines publiques, sauf dans les établissements confessionnels. Le voile total, porteur d’une idéologie politique, doit être interdit, tandis que la kippa reste autorisée, car elle ne représente pas un projet politique comparable. Toutes les religions doivent être confinées à la sphère privée, avec une affirmation claire de la primauté des lois de la République.

Pour faire face aux blocages juridiques et administratifs, il faudra instaurer des lois d’exception permettant des décrets rapides, et mener un combat tenace sur une décennie. La maîtrise des frontières est également cruciale, avec une politique rigoureuse d’immigration et de contrôle étanche. Enfin, un audit complet des institutions devra être lancé pour identifier tout entrisme islamiste, suivi d’expulsions massives des individus impliqués.

L’Occident doit-il se ressouder autour d’un socle judéo-chrétien face à l’islamisme, comme le prônent Netanyahu, Vance ou Trump ?

Oui, c’est la seule voie possible. La solidarité avec Israël est essentielle : ce qui se passe là-bas peut arriver ici – pas forcément sous la même forme, mais c’est possible. Il faut une alliance spirituelle et un projet de société solides pour leur faire face. Or, nous, je l’ai dit, nous n’en avons actuellement aucun. Nos villes, nos modes de vie, n’offrent aucune alternative idéologique. En 1975, il y avait huit mosquées en France ; aujourd’hui, plus de 3 000 mosquées, salles de prière et associations forment un véritable écosystème. Ces associations, parfois légitimes, sont souvent idéologiques, et ont profité de l’absence de réponse structurée. Ce phénomène ne concerne pas que l’islam. Les associations chrétiennes, débordées par un pseudo-humanisme ne proposent plus rien de fort. Il faut un retour à une spiritualité active et à un projet national clair. Sinon, le terrain est laissé aux autres.

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Prenez le train de l’Art déco!

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Wagon-bar du Nouvel Orient Express 2020-2025. Maxime d’Angeac (né en 1962), architecte Maquette échelle 1 © Orient Express

Le Musée des Arts Décoratifs de la rue de Rivoli fête les 100 ans de l’Art déco dans une exposition mettant en lumière l’art du voyage à bord de l’Orient-Express, le mobilier d’élite ou encore la joaillerie française signée Cartier…


Notre pays bégaie. Un œil dans le rétroviseur, l’autre dans le vague. Difficile d’avancer dans ces conditions-là. Quand rien ne va plus au pays de la culture, quand on braque la couronne un dimanche matin, il est normal de se tourner vers du « sûr », du « valorisé », du « beau » et désormais du « classique ». L’image de la France resplendit enfin. Les musées s’en emparent. Les marchands s’agenouillent. Les collectionneurs américains ne s’en lassent toujours pas. Le « rassurant » n’est pas forcément une faute de goût, messieurs les censeurs. La transgression esthétique a perdu de sa superbe ces dernières années. Chez soi, on préfère du Lalique et du Ruhlmann, du galuchat et du sycomore au plastique moulé et aux performances aussi gênantes qu’encombrantes de nos nouveaux directeurs de conscience. Même les réfractaires à la ligne claire se soumettent à l’Art déco par peur de passer pour des ignorants ou des radicalisés. Que n’a-t-on pourtant dit, craché, vitupéré, écrit ou souri sur ce pseudo-mouvement décadent par sa joliesse et sa rectitude géométrique ; né dans les Années folles, il fut souvent rabaissé car trop équilibré, trop harmonieux et trop « propre » sur lui. Trop « lisible ». Il plaisait, quel crime ! Il n’offusquait pas le regard, quelle infamie !

Pierre Chareau — Bureau-bibliothèque des appartements intimes d’une Ambassade française à l’exposition internationale de 1925 © Les Arts Décoratifs Luc Boegly

Succès « populaire »

En politique comme en ébénisterie, la fioriture, le verbiage, la charge héroïque nuisent à la clarté du discours. Plus on tentait de déconstruire ce style d’apparat, de minorer son éclat et de le rejeter au rang d’art factice, presque risible, seulement bon à meubler les intérieurs des économiquement aisés, plus il résistait, il a même vu son aura grandir au fil des décennies. L’objet « Art déco » est l’élu de ceux qui n’y connaissaient rien. D’instinct, ils l’ont adopté. Les « spécialistes » ne lui ont jamais pardonné ce succès populaire. Dégoûtant !

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Dans une succession, on se bat pour un buffet en érable à la teinte douce, une touche d’ivoire et d’émeraude sur un bijou de famille même de faible valeur peut conduire à des duels fratricides. Naturellement, on délaisse les pierrailles et les boursouflures, les dorures accablantes et les névroses des créateurs au profit de cette simplicité raffinée. D’une émotion délicate qui ravit l’œil et qui charge la mémoire. L’Art déco charrie tant de souvenirs, il est le parfait véhicule pour l’imaginaire, il permet à l’esprit de se déplacer librement sans contrainte, il ne phagocyte pas la rêverie, sa pondération est une échappatoire qui n’a jamais été aussi indispensable qu’aujourd’hui. L’Art déco est le prolongement de l’amour courtois. On connaît ses influences : ballets russes, vitesse, attirance pour l’Orient, fêtes du Vicomte de Noailles, laques d’Eileen Gray et « ascèse décorative ». Nous pourrions ici faire le parallèle avec la Nouvelle Vague au cinéma dont il ne reste presque rien, si ce n’est les blousons en suédine de la bande du « Drugstore » et les étudiantes en tee-shirt blanc remontant les Champs-Elysées, un journal à la main. Truffaut ce classique qui s’ignorait trouvait à la fin de sa vie que les élucubrations des petits caïds des Cahiers étaient réductrices. En ce temps-là, il fallait bien faire sa place quitte à dénigrer les réalisateurs « à papa ». Ces « besogneux » qui soignaient le scénario, la lumière, le maquillage, le placement et promouvaient une forme de narration compréhensible par un être humain n’étaient que des pleutres, des affidés au système, quasiment des traitres au septième art. La tambouille, l’amateurisme, la glu intellectuelle qui accompagnèrent les premiers films d’auteurs (comme si les autres étaient des tâcherons) nous apparaissent désormais dans leur nudité idiote. Crue. Bavarde et vaine. Et les autres, les ringards, les graisseux Verneuil et Broca ou les plus anciens, Autant-Lara et Guitry, les robustes artisans avec leurs histoires ficelées, leurs dialogues à la virgule près et leur cadre précis sont des « classiques ».

Chaise et table à journaux de Clément Rousseau (1872-1950), décorateur et pare-feu de Clément Mère (1861-1940), décorateur, Chartier, ébéniste © Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière

Pas « disruptif »

Pareillement, l’Art déco ne fait pas de la modernité un Aventin et il s’en nourrit cependant. Il ne cherche pas à disrupter tout en modifiant nos perceptions par la grâce. Pour mieux appréhender son histoire et sa plasticité, il faut se rendre au Musée des Arts Décoratifs de Paris où démarre ce mercredi 22 octobre l’exposition « 1925-2025 Cent ans d’Art déco ». « Mobilier sculptural, bijoux précieux, objets d’art, dessins, affiches, et pièces de mode : plus de 1 200 œuvres racontent la richesse, l’élégance et les contradictions d’un mouvement qui continue de fasciner », nous annoncent les organisateurs.

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Durant les vacances de la Toussaint, allez donc du côté de la rue de Rivoli, simplement voir, presque toucher de « belles choses », c’est un privilège rare dans un monde si laid. La collection de bijoux Cartier datant de cette période-là est féérique. Et surtout, « montez » dans l’Orient-Express, ce temple de la marqueterie trône avec tout son faste et sa magie au milieu d’un étage. L’architecte Maxime d’Angeac a fait renaître ce mythe roulant en réaménageant un compartiment centenaire. Il a réinventé les décors manquants en faisant notamment appel à Jean-Brieuc Chevalier, maître en borderie sur bois, si vous n’avez jamais vu des perles du Japon brodées sur d’aussi grandes surfaces par cet artisan d’art d’Angers, c’est une occasion unique. Ne loupez pas le train du « beau » !

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Marronnier rose

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DR.

Les campagnes de « sensibilisation », notre chroniqueuse en a soupé! Billet d’humeur.


Tels les marronniers journalistiques, octobre qui s’achève est revenu enquiquiner le monde. Ce n’est plus un mois, c’est un bulletin médical. Autrefois, la pudeur et le savoir-vivre commandaient qu’on ne parle pas de tout, partout.

Tous ensemble, ouais !

Aujourd’hui, ces vertus passent pour une faute politique. La santé ne se vit plus, elle se partage. On ne soigne plus son corps, on en rend compte.

Le pays tout entier se couvre de rubans roses comme d’une varicelle morale : vitrines, écoles, réseaux sociaux, entreprises, ministères… tous mobilisés. La couleur de la douceur, paraît-il. En réalité, celle de la surveillance bienveillante, mais sourcilleuse.

« Octobre Rose » n’est pas une simple campagne, c’est une croisade hygiéniste. On n’en appelle plus à la responsabilité individuelle mais à la dévotion collective. La République ne se contente plus de vacciner : elle veut palper, sonder, scanner. Elle s’invite dans les tissus mammaires comme autrefois dans les consciences. On croyait que le salut passait par la foi, on découvre qu’il passe désormais par la mammographie.
Le plus fascinant, c’est la ferveur civique avec laquelle chacun s’improvise apôtre de la prévention.

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« Tu devrais vraiment prendre rendez-vous, hein ! » dit la collègue à la pause-café, l’air grave d’un curé à confesse.

« Tu n’as pas encore fait ta mammographie ? » s’indigne la voisine, comme si on venait d’avouer un meurtre.

Le génie de notre époque, c’est d’avoir transformé le contrôle en sollicitude. Refuser de participer à la course caritative, c’est suspect.
Ne pas afficher le petit ruban sur sa photo de profil, c’est presque du négationnisme médical. La santé est devenue un devoir civique, une liturgie sociale, un rite de conformité. Le plus ironique, c’est que cette surveillance douce se pare du visage de la liberté.

« Informer, sensibiliser, accompagner », voilà les trois vertus cardinales du nouveau clergé sanitaire.

C’est pour mieux vous sensibiliser, mon enfant

Mais informer, n’est-ce pas déjà présupposer qu’on sait mieux que l’autre ? Sensibiliser, n’est-ce estimer qu’il ne l’est pas assez ?
Quant à accompagner, c’est surtout s’assurer qu’il ne s’écarte pas du bon chemin. Dorénavant, octobre n’est plus le mois des plantations ou de l’ouverture de la chasse, c’est le mois de la citoyenneté mammaire, nouvelle forme de vertu républicaine. Chacun surveille son prochain au nom du bien et c’est ainsi que se bâtit le contrôle social le plus efficace jamais inventé : l’injonction compatissante, que Tocqueville avait entrevue.

Ce n’est plus la police qui vous observe, c’est votre entourage, votre famille, vos collègues, vos followers. Big Sister is watching your boobs. Et peu-à-peu, le ruban rose remplace le brassard, tout comme la compassion tient lieu de légitime autorité.

Si autrefois, on confessait ses péchés au prêtre, aujourd’hui, on confesse ses oublis médicaux à l’État. On ne dit plus : « J’ai péché. », on dit : « J’ai oublié mon dépistage. » Le médecin devient curé, le dossier médical partagé, registre paroissial. L’Assurance Maladie que vous financez, elle, veille : elle sait si vous avez manqué à vos devoirs sanitaires.

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On imagine déjà la prochaine étape.

Un soutien-gorge intelligent, estampillé Santé Publique France, équipé de capteurs thermiques et d’un QR code tricolore. Ou rose. Chaque matin, il transmettra au ministère votre indice mammaire de conformité. À chaque contrôle, un message : « Félicitations, votre poitrine est en règle avec la République. » Peut-être certaines start-up sont-elles déjà sur l’affaire !

Refuser de partager cette ferveur sanitaire ? C’est louche, ça. Presqu’autant que ne pas être vacciné contre le Covid. C’est une trahison civique et les regards se feront pesants. Avant de passer à la vitesse supérieure ? Qui sait ? Bientôt, les entreprises exigeront peut-être une attestation de dépistage pour accéder à la machine à café. Les femmes libres seront désormais celles qui se laissent examiner sans broncher. La pudeur ou le quant-à-soi deviendront un archaïsme réactionnaire, un reste d’individualisme bourgeois.

« Octobre Rose » n’a rien d’un complot, c’est pire : c’est une évidence. La surveillance la plus aboutie, c’est celle que les gens réclament eux-mêmes, persuadés qu’elle les protège.

Le rose, tout à la fois couleur de l’enfance et de l’érotisme, apaise, endort, séduit. Il est la couleur idéale du contrôle : doux, rassurant, charmeur et maternant. Mais cette colonisation du corps au nom du bien commun qu’est devenue la santé est d’autant plus redoutable qu’elle se fait sans violence.

«C’est Nicolas qui va payer»

Des partisans devant le domicile de Nicolas Sarkozy, avant son départ pour la prison de la Santé, où il doit commencer à purger une peine de cinq ans de réclusion après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen présumé de sa campagne présidentielle de 2007. Paris, 21 octobre © Frederic Munsch/SIPA

Choses vues et entendues ce matin, en immersion parmi les soutiens de Nicolas Sarkozy, dans le XVIᵉ arrondissement…


Il fallait être matinal, ce mardi 21 octobre, pour assister au déferrement de Nicolas Sarkozy, prévu à 8 h 30. Ou chômeur. Ou bien retraité.
Au pied des balcons cossus du XVIᵉ arrondissement, les fourrures avaient été ressorties des placards : une foule d’environ un millier de fidèles (militants, admirateurs, simples curieux) s’était massée pour soutenir l’ancien président.
Beaucoup de visages grisonnants, quelques étudiants, et ces retraités nostalgiques des années Sarkozy, donc. Des anciens LR, des anciens UMP, voire même, confie Didier, Parisien sexagénaire, un « ancien UDR, du temps de Pompidou ».
L’ambiance est militante, un peu émue. On scande « Sarkozy président ! », on brandit de vieilles affiches officielles. Chantal et Annie, venues du XVIᵉ et de Versailles, précisent qu’elles ne sont « pas militantes, mais là pour un homme ».

Morano, Guaino et les irréductibles

Nadine Morano, fidèle parmi les fidèles, n’a rien perdu de sa gouaille. « Au regard de tout ce qu’il a fait pour le pays, on peut être fier de lui ! » lance-t-elle, avant d’énumérer les crises traversées « avec brio » par son champion. Face aux journalistes, elle s’emporte. Quand Quotidien lui lance : « association de malfaiteurs », elle réplique, cinglante : « Une juge d’instruction m’a dit que c’était une décision politique. »« Mais que connaissez-vous du dossier ? », lui rétorque-t-on. — « Et vous, vous êtes qui ? »
Henri Guaino, lui aussi présent, n’a pas manqué le rendez-vous. Celui qui rêvait, en 2017, de se présenter, au besoin contre son ancien patron, évoque depuis quelques jours sur les plateaux télé une nouvelle décapitation symbolique des corps du roi, une volonté d’atteindre la Ve République… Il parle aujourd’hui du pouvoir judiciaire, des principes constitutionnels, et jure un peu dans cette ambiance militante et émotive.
Roger Karoutchi, indémodable, érudit, agrégé d’histoire, sourit à l’évocation des figures politiques passées par la prison avant la rédemption — Louis-Napoléon Bonaparte, Nelson Mandela, Jacques Médecin : « Permettez-moi de préférer Louis-Napoléon à Jacques Médecin. » Puis ajoute, plus grave : « Il y a une incompréhension entre le monde politique et le monde judiciaire. Les affaires se succèdent : cela va trop loin. »

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Absences remarquées, ferveur populaire

Quelques fidèles sont là, mais aucun ténor des LR. Ni Bruno Retailleau, ni Laurent Wauquiez, en Abel et Caïn ingrats, n’ont fait le déplacement. En revanche, la base, plus radicale, s’exprime : « Les juges en prison ! », « En enfer ! » — « Ne dites pas ça, ça va être répété », tempère une militante. On entend aussi : « Mediapart, torchon ! »
« On sera là dans cinq ans, à la sortie de la Santé »
, plaisante un autre.
Parmi les anonymes : Alain, François, Parisiens sarkozystes et aujourd’hui adhérents de « Reconquête ». Qui incarne, selon eux, le mieux les valeurs du sarkozysme ? « Sarah Knafo. »
Eva Stattin, Franco-Suédoise naturalisée en 2006 « pour voter Sarkozy », habite place Beauvau. Elle est venue pour son ancien voisin. En tenue de guinguette sarkozyste, elle confie pourtant pencher désormais pour Édouard Philippe.

 Folklore militant, une militante franco-suédoise « naturalisée en 2006 pour pouvoir voter Sarkozy » soutient avec ferveur son champion.

Famille, loyauté et mise en scène

Il y a là des sarkozystes, des zemmouristes, des philippistes, des curieux, mais surtout la famille, version Scorsese. La famille Sarkozy descend: les enfants des trois unions et épouses confondues arrivent en rangs serrés à 9h précises à l’angle des rues Pierre Guérin et de la Source. Les fils ont lancé un appel à la loyauté ; il a été entendu.
« J’ai répondu au magnifique appel des enfants à leur père », confie une grand-mère émue.
L’image a tout d’une saga familiale : la dramaturgie fonctionne. Thierry Saussez, le communicant des années Sarkozy, jure qu’il n’y a « aucune mise en scène, seulement de l’affection sincère ». Roger Karoutchi résume la situation, en vieux sage de la droite : « On est là dans les moments difficiles. Loyauté, fidélité… ce n’est plus à la mode. Je dois être vieille école. »
Il y a aussi les journalistes de gauche — Paul Gasnier de Quotidien en tête — narquois, pas mécontents de pouvoir ricaner au milieu du peuple de droite.
Des larmes, des chants, et le corbillard pénitentiaire d’une présidence déchue : la familia grande au grand complet ! Le déferrement ressemblait, il faut bien le reconnaître, à un genre de sacre à rebours. On pleurait autant un homme politique qu’un style : celui des fidélités de sang comme de clan, quand la loyauté l’emporte sur la morale et la lignée sur les idées. Mi-bourgeoise, mi-corse, sentimentale jusque dans le calcul, fidèle jusque dans la disgrâce… la droite vibre à de vieux affects.
Et quand les mamies en vison regagnent leurs appartements du XVIᵉ, la sono continue : entre deux Marseillaises, résonne une playlist choisie avec à-propos : Du ferme de La Fouine et Les Portes du pénitencier de Johnny. Bien mises, elles applaudissent celui qui mérite désormais son titre de parrain de la droite française, et cocottent de bon matin. Leur odeur s’appelle : fidélité.


Emmanuelle Brisson, jeune étoile montante des LR, au ton pugnace, présente de bon matin, a répondu à nos questions.
Figure montante des Républicains, parfois critique à l’égard de sa famille politique, Emmanuelle Brisson, candidate LR dans les Pyrénées-Atlantiques en 2024, était présente au rassemblement.
Causeur. Vous êtes aujourd’hui en première ligne pour ce rassemblement de soutien au président Sarkozy. Est-ce une démarche personnelle ou une action politique ?
Emmanuelle Brisson. C’est d’abord un magnifique hommage des fils de Nicolas Sarkozy à leur père, et j’ai tenu à être présente. Je suis militante encartée à l’UMP et chez LR depuis mes seize ans. On en a assez également de cette justice à deux vitesses. Certains auteurs de délits violents reçoivent une peine bien moindre que celle de cinq ans de Nicolas Sarkozy, alors que l’ancien président n’est en rien une menace pour la société. La gauche préfère voir Nicolas Sarkozy dormir en prison plutôt que de voir les voyous, les crapules derrière les barreaux. Je pense aussi au courage du maire de Neuilly, qui a risqué sa vie autrefois et qui a reçu la Légion d’Honneur pour cet acte remarquable. Ce courage, cette dignité, cette loyauté, nous les avons retrouvés aujourd’hui.
Dans ce moment difficile, ce n’est pas seulement un ancien président que nous voyons : c’est un homme qui incarne l’engagement, le dévouement et la fidélité à ses valeurs. 17 ans de procédure – et de procédure politique, plein de perquisitions, et le juge qui l’a condamné avait manifesté contre lui en 2011. Je suis par ailleurs très déçue que la droite n’ait pas organisé cette manifestation. Les Français se souviennent aussi de l’homme courageux et engagé depuis les images de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly en 1993.
Aujourd’hui il y a des militants de plusieurs partis politiques, c’est la grande union des droites ? 
Il est normal de trouver des militants de différents partis politiques : Horizons, LR, Reconquête… C’était le président de tous les Français, de la classe populaire comme de la classe bourgeoise.
Où en êtes-vous personnellement avec votre parti, les LR, avec lesquels vous êtes parfois critique ?
Je suis attaché à ma famille politique. Les médias nous enterrent mais on continue d’incarner les valeurs de la droite. Maintenant, il faut du panache et du courage. Il ne faut plus avoir peur des mots qui fâchent.

Quand la dette publique faisait le lit de la Révolution

Caricature hollandaise représentant John Law, dont le « système » fit la fortune de quelques-uns et ruina la plupart des épargnants en 1720 © Alamy

Crack financier, plans d’austérité, déficits, inflation… Les crises économiques étaient déjà connues sous l’Ancien Régime. Mais en se montrant plus soucieux de préserver les privilèges de castes que de mener les réformes nécessaires, l’État a fait le lit de la Révolution.


« Je m’en vais mais l’État demeurera toujours. » 1er septembre 1715 à Versailles, quand Louis XIV, sur le point de rendre son dernier souffle, prononce ses derniers mots, il sait qu’il laisse à son successeur, âgé de cinq ans, un pays voué à un grand avenir. L’un des royaumes les plus peuplés au monde, la France est alors dotée d’un vaste empire colonial, regroupant notamment la Louisiane, le Québec, les Antilles, le Sénégal et la Réunion. En Europe, elle vient de remporter une grande victoire diplomatique, avec la paix d’Utrecht, qui reconnaît à Philippe de Bourbon, l’un des petits-fils du Roi-Soleil, le droit de s’asseoir sur le trône d’Espagne.

Seul hic : les caisses du royaume sont vides. La dette s’élève à dix années de recettes fiscales. Chargé d’assurer la régence jusqu’à la majorité de Louis XV, Philippe d’Orléans pourrait certes tailler dans les pensions et imposer une grande réforme fiscale… mais ce serait mettre à contribution la noblesse. Hors de question ! Reste une solution, que lui suggère un improbable personnage, digne d’un film de cape et d’épée que Stanley Kubrick aurait pu tourner à la bougie : John Law.

Rumeur financière

Le siècle des Lumières fut celui des philosophes mais aussi des fripouilles, des cyniques et des hâbleurs. John Law en est l’un des plus illustres exemples. Dès l’âge de 17 ans, ce fils d’un banquier d’Édimbourg tue un rival amoureux lors d’un duel. C’est le début d’une cavale en Europe, d’abord à Amsterdam, puis à Venise, où il observe les négociants qui troquent de l’or ou de l’argent contre des bouts de papier. Il n’ignore pas que, depuis 1691, à Londres, la toute nouvelle Bank of England, dont les actionnaires forment l’élite politique et économique du pays, prête à la couronne britannique, moyennant des taux fixes, de quoi financer l’effort de guerre tandis que, de l’autre côté de la Manche, le royaume de France, pris dans l’étau de ses conflits aux prolongements incertains, doit improviser le financement de ses nécessités en empruntant n’importe comment et souvent au prix fort.

John Law cogite : et si le succès des Anglois, vainqueurs de Louis XIV lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697), était d’abord financier ? En audacieux, il pense que la France ferait bien de reprendre les méthodes de la City. Entre deux parties de pharaon, il imagine un système à grande échelle, organisé autour d’un établissement parisien qui émettrait des certificats contre le dépôt d’espèces métalliques. Parvenant à convaincre le régent, l’aventurier écossais est nommé contrôleur général des Finances et autorisé à créer en 1716 la Banque générale.

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Dans un premier temps, c’est l’emballement. Le papier-monnaie de Law fait fureur. Mais l’Écossais a eu le don de se faire quelques ennemis. Certains, tapis dans l’ombre, notamment le prince de Conti, attendent leur heure. Les voilà qui achètent à tout-va des billets, dont la valeur grimpe jusqu’à atteindre 40 fois le prix d’émission. Puis soudain, les plus gros possesseurs demandent, de conserve, à récupérer leur mise de départ. Quand c’est au tour des moins gros, effrayés par la rumeur d’une faillite, de réclamer leur dû, il n’y a déjà plus d’or ni d’argent dans les caisses. Au moment des comptes, les uns se sont allègrement enrichis, les autres en ressortent plumés, le système Law est un échec retentissant. En décembre 1720, son initiateur doit s’enfuir, déguisé en vieille dame. Bruno Le Maire n’a pas été amené à une telle extrémité au moment de quitter Bercy pour Lausanne.

Tout n’était pourtant pas à jeter chez Law. Quatre ans avant sa déchéance, le mémoire qu’il avait rendu au régent pour lui soumettre son plan d’action était d’une grande sagacité. On pouvait y lire  : « L’abondance et bonne conduite de la monnoie, entretiennent et augmentent l’industrie, les manufactures et le commerce, bonifient les revenus du Prince et des propriétaires des terres etc, et rendent l’Etat riche, peuplé et puissant. La rareté et mauvaise conduite des monnoyes, produisent les effets opposés. » Précurseur de John Maynard Keynes, l’Écossais avait compris que la monnaie est le véritable sang de l’organisme économique. En émettre en temps de crise, c’est comme transfuser le malade ; l’en saigner comme le faisaient les médecins de Molière, c’est l’anémier. Une utile théorie économique interventionniste aurait pu naître avec lui.

Guerres ruineuses

En pratique, le système Law eut aussi, paradoxalement, un effet appréciable. En faisant tourner à plein la planche à billets, le pouvoir a engendré une spirale d’inflation qui du même coup a généreusement (et douloureusement) dévalué la monnaie dans laquelle étaient libellés ses emprunts. Au prix des bas de laine des épargnants, l’État a allégé le poids de sa dette. L’épisode inspire aussi la littérature de l’époque, et non des moindres. Dans son second Faust (1832), Goethe raconte comment Méphistophélès fait succomber l’empereur germanique aux charmes du papier-monnaie. Diabolique.

Le scandale Law n’empêche pas l’économie française, portée par la poussée démographique, de se développer dans les années qui suivent. Sous le règne de Louis XV, le royaume passe de 20 à 27 millions d’habitants ; avec une hausse de la production agricole qui fait mieux que suivre l’embellie démographique. L’État pilote les premières initiatives industrielles, crée les Ponts et Chaussées (1747). On assiste au début d’accumulation du capital. La France n’est pas loin de connaître un décollage comparable à l’Angleterre. Sauf que Louis XV mène, à côté, les guerres les plus ruineuses. Quand il nomme l’abbé Terray contrôleur général des Finances en 1770, celui-ci sait que l’intendance ne pourra suivre éternellement. Il prend alors des mesures fortes, qualifiées à l’époque de banqueroute – on parlerait aujourd’hui de plan d’austérité.

Selon Colbert, « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ». Terray ne s’encombre pas tant des cris d’orfraie et taille dans le vif, réduit l’intérêt des rentes, diminue les pensions. Il est le père Fouettard que l’économie française aime à se donner de temps en temps dans les situations désespérées. À un administré, scandalisé par tant de nouvelles taxes, qui lui demande : « Faudrait-il donc que j’égorge mes enfants ? », l’abbé répond : « Peut-être leur rendriez-vous service ! » Ses mesures, aussi impopulaires qu’elles soient, permettent un redressement des comptes. Las, après la disparition de Louis XV en 1774, son héritier, le très charitable Louis XVI, cède à la pression de l’opinion et congédie notre Antoine Pinay en soutane.

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C’est peu dire que l’époux de Marie-Antoinette ne fait pas preuve d’une clairvoyance financière à toute épreuve. Ainsi, son idée d’équiper une flotte de guerre en soutien aux troupes de George Washington qui mène une lutte sans merci contre l’Empire britannique est une folie. Si, à Versailles, les courtisans applaudissent les exploits des révolutionnaires anticolonialistes américains, ils contrarient, chez eux, toute réforme qui leur coûterait un centime. De même, les parlements d’Ancien Régime s’opposent à l’égalité devant l’impôt et à la remise en cause des restes de droits féodaux. Dans l’incapacité de réformer le système, Louis XVI organise l’instabilité ministérielle et tente tous les expédients. Toute ressemblance avec la situation française actuelle n’est peut-être pas fortuite. De Turgot en Necker, de Calonne en Loménie, de Loménie en Necker, la détresse des finances publiques reste inchangée tant que le pouvoir reste impuissant à ponctionner les privilégiés, lesquels parviennent à mettre l’opinion de leur côté en dénonçant les dépenses et la corruption de la cour. Dur d’incarner l’austérité quand on a soi-même un train de vie dispendieux ! François Fillon l’a appris à ses dépens.

Paysan vendant ses assignats auprès d’un changeur, Jean-Baptiste Lesueur, vers 1789-1796 (C) Musée Carnavalet, Histoire de Paris

Au pied du mur

En 1789, au pied du mur, le roi tente le tout pour le tout et convoque les États généraux, soit l’assemblée des représentants de la noblesse, du clergé et du tiers état. La suite est connue : ces derniers constituent l’Assemblée nationale, s’arrogent la souveraineté, précipitent la Révolution et mettent à bas les privilèges durant la nuit du 4 août en proclamant la fin des inégalités, notamment fiscales, devenues insupportables dans tout le royaume. Cependant, les caisses demeurent désespérément vides. Le déficit atteint deux milliards. Talleyrand, évêque d’Autun, monte à la tribune. C’est lui qui gère la colossale fortune de l’Église de France. Il choisit de trahir son ordre et convainc de résorber le déficit en nationalisant les biens du clergé, puis en les nantissant pour émettre des assignats. Problème : le cours desdits assignats ne tardera pas à s’effondrer. Des petits malins en profiteront pour acquérir à vil prix le patrimoine gagé. Ce sont les fameux acquéreurs de biens nationaux, que Balzac décrit dans Eugénie Grandet comme une nouvelle classe de parvenus sans vertu ni vergogne, et dont Barbey d’Aurevilly raconte, dans L’Ensorcelée, l’ascension sociale, qui n’a d’égale que la déchéance financière des vieilles familles seigneuriales.Dans les campagnes, on estime que les transferts de propriété représentent 10 % des richesses foncières. L’émergence de nouvelles dynasties bourgeoises aux fortunes mal acquises ne renfloue pas pour autant l’État. L’inflation succède à la déflation. Les particuliers thésaurisent leur monnaie métallique et l’argent se cache. En 1797, pour s’en sortir, le Directoire décrète finalement la banqueroute. Les deux tiers de la dette publique sont dénoncés. Le gouvernement travestira cette ruine du créancier en parlant de « tiers consolidé ». On parlerait aujourd’hui d’assouplissement quantitatif et de renégociation de la dette : l’Etat est moins avare de langue de bois que de monnaie de singe. Les comptes assainis, la France peut envisager des réformes. L’autorité et la confiance reviendront avec Bonaparte et le coup d’État de Brumaire. Bientôt, le futur empereur associera son nom au franc germinal (1803). Il s’efforcera, malgré la guerre, de maintenir l’équilibre budgétaire.

Morale de l’histoire : les résistances financières ont scellé le destin de la monarchie. Ce qui aurait pu être une transformation ordonnée s’est muée en révolution brutale. À force de multiplier les occasions manquées, les Bourbon ont révélé leur incapacité à se projeter dans l’avenir. L’État absolutiste, dans son désir de tout embrasser, avait en fait figé le mouvement et renforcé l’orgueil d’une noblesse qui cherchait à compenser par les privilèges financiers le pouvoir politique qu’elle avait perdu. La France de l’Ancien Régime, avec son aristocratie oisive, son clergé possessif et ses financiers rapaces, portait dans ses petitesses les germes de nos gloires futures : une rage de recommencer, encore et encore, une histoire qui oscille entre le sublime et le grotesque, où chaque crise, à défaut de nous corriger, au moins nous édifie.

Eugénie Grandet

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L'Ensorcelée

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Les milliards, la vieille et le gigolo

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Isabelle Huppert et Laurent Lafitte © Haut et court / Manuel Moutier / 2025 Récifilms – Versus Production – RTBF – Blue Parrot – Les films du Camélia

La femme la plus riche du monde, de Thierry Klifa, en salles le 29 octobre, est le film le plus astucieux du mois. Ceux qui voudront ensuite tout apprendre de l’affaire Bettencourt peuvent en outre retrouver un documentaire en trois volets sur Netflix…


Toute ressemblance avec des personnes réelles serait évidemment fortuite. On s’en paye tout de même une bonne tranche dans La femme la plus riche du monde, hors compétition à Cannes cette année, transposition transparente de la saga qui, il y a une quinzaine d’années, pour la délectation des médias, mettait aux prises les héritiers du groupe L’Oréal sur l’accusation d’abus de faiblesse portée contre le photographe François-Marie Banier, le protégé de l’aïeule Liliane Bettencourt (1922-2017).

Huppert au meilleur de sa forme

Les noms sont changés, mais pas les protagonistes : « Isabelle Farrère », passablement rajeunie sous les traits d’Isabelle Huppert dans le rôle-titre (Liliane est morte nonagénaire) ; André Marcon pour camper le mari, « Guy Farrère » ; Laurent Lafitte pour incarner Banier, devenu « Pierre-Alain Fantin », tout comme la vraie Françoise Meyers, jouée par Marina Foïs, s’appelle ici « Frédérique Spielman », épouse de « Jean-Marc Spielman » (Matthieu Demy). Pascal Bonnefoy, le majordome dévoué à sa patronne qui, par ses enregistrements clandestins, déclencha le procès que l’on sait, prend le nom de « Jérôme Bonjean », figuré à l’écran par Raphaël Personnaz, le cheveu parcouru de mèches blondes. Jusqu’au mec de Banier, Martin d’Orgeval, conserve sa particule à l’écran, sous le patronyme de « Raphaël d’Alloz » (Joseph Olivennes). Au reste, le film ne fait qu’une potiche du d’Alloz, alors qu’en vrai le d’Orgeval a fini en taule, à l’instar de son amant et protecteur. Idem, le petit-fils de la milliardaire, fade blondinet BCBG, est aperçu crawlant sous le soleil d’Arros, l’île privée de grand-mère aux Seychelles, claironnant à la fin du film qu’il part pour Dubaï.  


Bref, tout est supposément vrai dans le canevas de cette fiction qui, tout de même, pousse un peu loin le bouchon de la caricature. Malgré tout, on rit de bon cœur aux répliques ciselées à l’ancienne, dans la tradition ‘’qualité française’’ (sur un scénario du vieux compère Cédric Anger, aidé de l’émérite Jacques Fieschi pour les dialogues). Jean-Marie Banier/ Pierre-Alain Fantin est présenté, d’un bout à l’autre du film, comme une follasse adipeuse et libidinale, sire graveleux, vulgaire, méchant, manipulateur, crapule proprement odieuse. Lorgnant par exemple un phallus antique devant le trumeau du salon, il lâche cette saillie au mari de Liliane : « n’oubliez pas de le lubrifier ! ».  Ce parti pris d’appuyer sur le burlesque ne permet pas de comprendre tout à fait l’adoration que lui a voué Liliane Bettencourt/Marianne Farrère, dont notre Huppert nationale, ici au meilleur de sa forme, fait une enfant gâtée, sincère dans son égoïsme infantile comme dans le délire de ses largesses. Marianne entraînée par Pierre-Alain dans une boîte de nuit gay, prétexte à une échappée poétique par le truchement d’une chanson d’Alex Beaupain interprétée par Anne Brochet, on hésite à y croire. Reste que le film condense efficacement l’inexorable progression d’une emprise qui, dans les faits, étalée sur plus de vingt ans, a fini par soumettre à ses caprices une vieillarde devenue à peu près sénile.   

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C’est peut-être la limite d’un film qui, à défaut de creuser profondément la nature et la férocité de cette liaison dangereuse, ne se contente pas, néanmoins, d’emprunter les couleurs d’un pur divertissement : à travers les personnages de Guy, le vieil époux expiant les errements vichyssois de sa jeunesse, et de sa fille Frédérique, l’épouse de l’israélite Jean-Marc Spielmann, il interroge les fluctuations confessionnelles, et cette pollution antisémite dont l’actualité montre assez qu’elle est loin d’être endiguée.

Une affaire qui a scotché l’opinion

Dans la réalité, le très catholique homme d’affaires André Bettencourt (1919-2007), plusieurs fois ministres sous De Gaulle et Pompidou, a bel et bien dû quitter ses fonctions de vice-président de L’Oréal à la suite des révélations sur son passé maréchaliste. Mais le vrai cagoulard collaborationniste, pas évoqué dans le film, c’est Eugène Schueller (1881-1957), le père de Liliane et fondateur de l’entreprise à l’origine de la fortune du clan Bettencourt.  Enfin et surtout, focalisé sur Fantin, La femme la plus riche du monde fait volontairement l’impasse sur l’intrication de l’intrigue Banier/Bettencourt avec la politique et la finance, à partir des accusations portées contre Nicolas Sarkozy, Éric Woerth et le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, précisément sur la base des enregistrements du majordome ainsi que des déclarations fluctuantes de la comptable, Claire Thibout. Sont également effleurées les longues tractations judiciaires de Françoise Bettencourt-Meyers pour aboutir à la mise sous curatelle de sa mère et écarter définitivement Banier du colossal héritage.

Moins désopilant et moins fictif que La femme la plus riche du monde, mais aussi palpitant quoiqu’assez racoleur, le documentaire en trois parties L’affaire Bettencourt, scandale chez la femme la plus riche du monde pourra, en option, vous tenir scotché trois heures durant sur Netflix, – toujours disponible à la demande.    


La femme la plus riche du monde. Film de Thierry Klifa. Avec Isabelle Huppert, Marina Foïs, Laurent Lafitte, Raphaël Personnaz, André Marcon… France/ Belgique, couleur, 2025. Durée : 2h03. En salles le 29 octobre 2025

L’affaire Bettencourt, scandale chez la femme la plus riche du monde. Documentaire de Baptiste Etchegaray et Maxime Bonnet. France, couleur.  3x 52mn (1- Parce qu’il le valait bien, 2- De l’affaire aux affaires, 3- Le Bal des profiteurs).

Voici venu le temps de la curée

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Image d'archive. Musée du Louvre, février 2024 © Xavier Francolon/SIPA

Alors que les Galeries Lafayette ferment à Marseille, provoquant l’émeute, le Louvre est victime du « casse du siècle ». Tout fout le camp !


Marseille. Les deux magasins des Galeries Lafayette s’apprêtent à baisser définitivement le rideau. Alors on solde, on brade. Ce sont des moins 60%, moins 80 % affichés sur quantité de marchandises en stock. Alléchant bien sûr. On pouvait s’attendre au succès. On est très au-delà du succès. Des gens par centaines, par milliers peut-être s’agglutinent devant les portes bien avant l’ouverture, se précipitent à l’intérieur à peine sont-elles entrouvertes. On se bouscule, on en serait à se piétiner. Images impressionnantes autant que consternantes. On dirait un troupeau de gnous, bref des animaux, de pauvres bêtes de la savane mourant de soif se ruant sur l’unique point d’eau à des dizaines de kilomètres à la ronde. C’est bien à cela que nous assistons. Les choses se passent comme si la vie de cette foule, avilie en populace, était en jeu. Profiter de l’aubaine ou crever ! Hallucinant ! Plus rien d’autre n’existe que le truc qu’on veut à toutes fins posséder. Tel un trophée.

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Tout doit disparaitre

Comportement quasi bestial, absolument. Des plus primitifs, en tout cas. Plus rien ne compte, il n’y a plus la moindre retenue, le plus infime respect de ce qu’on appelait voilà encore peu de temps les « civilités ». On verse dans l’émeute, le pillage, le saccage. Or c’est à des scènes comme celles-là qu’on mesure combien notre société est menacée de régression. Où est le remède ? Qui saurait le dire aujourd’hui ?

Et puis, il y a le braquage du Louvre. Si j’osais, je dirais qu’on est là aux antipodes du chaos marseillais. Qu’on imagine un instant ce braquage comme élément de scénario d’un film dont la vedette sympathique serait, par exemple, notre Jean-Paul Belmondo. On applaudirait sans retenue. Pas de violence, pas de coups de flingue, de rafales de kalach’, pas d’égorgement au couteau, pas de prise d’otages, rien de tout cela. En quatre ou sept minutes montre en main, un dimanche matin, en plein jour, au cœur de Paris, l’affaire est réglée. Bien sûr, on peut évidemment larmoyer à l’infini sur la perte de ces joyaux patrimoniaux, témoignage magnifique de notre glorieux passé, de notre grandeur de jadis. Mais cette grandeur n’est plus et il n’est pas certain que la France d’aujourd’hui mérite encore de tels joyaux, qu’elle en soit réellement digne. Cela, bien entendu, n’excuse rien, n’efface nullement l’affront qui nous est fait, le préjudice culturel d’un tel vol. Ni d’ailleurs l’humiliation qui va avec, car, une fois de plus, nous faisons beaucoup rire à l’étranger. Pensez donc ! Le plus beau musée du monde incapable de protéger ses trésors. Oui, cela fait rigoler. À nos dépens, bien évidemment.

Chef d’œuvre

Ces derniers temps, nous donnons il est vrai nombre d’occasions de se payer notre tête. Les moulinets dans le vide et les péroraisons stériles du président, l’interminable pataquès gouvernemental, les bouffonneries parlementaires à répétition, la politicaillerie pitoyable des appareils. Hors de nos frontières, on a donc amplement de quoi se tenir les côtes. La grande marrade, actuellement notre splendide réussite à l’international.

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Mais passons outre. Résolument optimiste comme je suis et tiens à le demeurer,  je me permettrai l’outrecuidance de souligner la perfection esthétique – oui esthétique – de ce braquage du Louvre. Un ballet, un véritable ballet. Chacun des quatre lascars parfaitement dans sa partition. Pas un geste inutile. Un sang-froid de grands fauves. Le spectacle de rue en majesté, pour ainsi dire. À ce niveau, un tel chef d’œuvre aurait sa place au Louvre, justement…

Bien sûr, redisons-le, le dol patrimonial est lourd, traumatisant nul ne le contestera. Mais on se gardera tout de même d’oublier que rien n’est davantage français – et donc tout aussi légitimement patrimonial – que la fascination de l’audace, de l’intrépidité et, accessoirement, du bras d’honneur à l’ordre établi considéré comme un des beaux-arts. Alors, on perd certes en pierreries de grand prix, en symboles d’importance, mais on gagne d’autant dans le registre de la jubilation iconoclaste. Autre joyau de notre culture, et non des moindres, du moins à ce qu’il me semble.

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La fracture invisible: Israël, la parole confisquée et la France réelle

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Activistes de la Flotille pour Gaza, Place de la République à Paris, 8 octobre 2025 © SEVGI/SIPA

Sur la question israélo-palestinienne, une contre-société a pris le pouvoir symbolique: elle dicte la peur, façonne le discours, dénonce les « sionistes » et verrouille le débat. Dans les médias comme à l’université, la crainte d’être montré du doigt l’emporte sur la liberté de penser. Le pays légal s’incline, et le pays réel, peu à peu, baisse les yeux. Analyse.


Il y a un paradoxe, ou plutôt une imposture, qu’il faut nommer sans détours : ce que nous entendons sur Israël, dans ce qu’il reste du débat public français, ne vient pas de la France réelle, mais d’un petit monde clos — celui des faiseurs d’opinion, des producteurs de récits, des prêtres de la morale médiatique. Ce n’est pas le peuple qui parle, c’est la caste. Celle dont les mots forment la liturgie de l’époque : journalistes, universitaires, sociologues subventionnés, militants recyclés en chroniqueurs. Ces gens parlent pour la France, mais ne sont plus de la France.

Clergé sans foi ni loi

Christopher Lasch les nommait déjà les talking classes : ces classes qui, n’ayant plus rien à produire ni à défendre, se sont arrogé le privilège de dire le vrai, de définir le bien et d’excommunier le reste.

Dans cette caste, une large part de ce qui s’appelle encore « la gauche » s’est métamorphosée en clergé sans foi. La France insoumise, caricature d’une révolution morte, s’y est taillée le rôle du nouveau parti missionnaire : celui d’un Occident rongé par la mauvaise conscience. Elle a troqué la lutte des classes pour la lutte des races, le peuple pour les minorités, et le prolétariat pour les imams. N’ayant plus rien à dire aux ouvriers, elle parle aux banlieues islamisées. Elle a trouvé dans le voile et le drapeau palestinien ses nouveaux symboles, dans la haine d’Israël sa dernière mystique, dans les Frères musulmans ses nouveaux alliés.

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Ainsi s’est formée une alliance monstrueuse entre le gauchisme moral et l’islamisme politique, un front du ressentiment où se mêlent professeurs de vertu, idéologues anticolonialistes et petits marabouts du ressentiment urbain.

Autour de ce noyau gravite une nébuleuse : ministères, ONG, associations, médias publics, universités — tout un appareil de pouvoir idéologique qui dicte la morale du temps, distribue les indulgences et les anathèmes, fixe les mots permis. Ce n’est pas seulement un pouvoir de dire : c’est un pouvoir d’effacer.

Le peuple réduit au silence

La majorité silencieuse n’est pas muette : on lui a coupé la langue. Ses mots, sitôt prononcés, sont jetés au pilori : populistes, xénophobes, réactionnaires. La sanction est immédiate, sociale, médiatique, symbolique. Et cette peur suffit à faire taire la vérité.

Lorsqu’un micro se tend vers la France populaire, c’est toujours sous condition : questions biaisées, réponses cadrées, conclusions préécrites. Le réel n’a pas droit de cité.

Or cette France-là, celle qui travaille encore, celle qui ne manifeste pas pour Gaza mais subit les violences, voit ce que d’autres ne veulent pas voir : les territoires perdus, la peur diffuse, la montée d’un islam radical qui se sait victorieux. Elle sait que les menaces ne viennent pas des fantômes du fascisme mais d’un fanatisme bien réel, enraciné dans des quartiers où la République a abdiqué.

Dans les cités, le drapeau palestinien est devenu l’étendard d’une revanche globale : celle des humiliés de l’Histoire réinventée, des héritiers d’un islam politique qui prospère sur les ruines de la nation. Là s’est forgée une idéologie où le Juif tient lieu d’ennemi métaphysique, Israël de cible expiatoire, et la France de champ de bataille.

Sous l’influence des Frères musulmans, de leurs officines culturelles et de leurs satellites médiatiques, s’est construite une contre-société : séparée, victimaire, fanatisée. Et c’est elle, désormais, qui dicte la peur dans les écoles, la rue, les débats. Le pays légal s’y soumet, le pays réel s’y résigne.

La mémoire trahie et l’inversion des fidélités

Pendant l’Occupation, c’étaient les humbles, souvent, qui avaient sauvé les Juifs : paysans, curés, instituteurs. Ce peuple qu’on méprise aujourd’hui a su risquer sa vie pour la justice. Ma propre famille y a trouvé refuge : un policier, un village, des visages anonymes. La France, la vraie. Celle qui ne se proclame pas morale, mais qui agit.

Aujourd’hui, la morale est le masque du renoncement. Les castes dominantes ont trahi la mémoire du courage. Elles ont remplacé la transmission par la rééducation. Dans les lycées et les universités, la cause palestinienne tient lieu de catéchisme. Les jeunes apprennent à s’indigner à bon compte, à haïr Israël comme leurs aînés haïssaient l’Amérique. On ne leur enseigne ni l’histoire ni la complexité, mais le réflexe pavlovien : l’Occident est coupable, le Sud est innocent, le Juif est redevenu suspect.

La cause palestinienne comme clé de voûte du nouveau clergé

Israël est devenu le miroir dans lequel la France des élites contemple sa propre lâcheté. La cause palestinienne lui offre une scène morale où rejouer sans cesse la comédie de la repentance. Elle lui permet d’expier sans rien comprendre, de dénoncer sans rien risquer.

Soutenir Gaza, c’est communier. Refuser, c’est apostasier. Dans les rédactions, les amphithéâtres, les associations, la cause palestinienne n’est pas un débat : c’est un rite d’appartenance.

Mais ce n’est pas seulement un simulacre de compassion : c’est un instrument de tri. Comme on jurait jadis fidélité au Parti, on jure aujourd’hui fidélité à la cause palestinienne. C’est le nouveau serment civique du monde progressiste. Ceux qui refusent sont proscrits, privés de tribune, frappés d’inexistence.

Une cause-miroir pour l’Occident coupable

Tout cela obéit à une logique plus vaste. Depuis la décolonisation, l’Europe n’a plus de foi qu’en sa propre culpabilité. Elle s’imagine expier ses crimes passés en embrassant toutes les causes des nouveaux opprimés — pourvu qu’elles ne menacent pas son confort.

Le Palestinien a remplacé le prolétaire : il est l’absolu moral, la victime définitive, le visage sanctifié de la souffrance. Face à lui, Israël tient le rôle du bourreau : un État fort, occidental, donc forcément coupable.

Le réel, encore une fois, n’a pas sa place : ni les guerres arabes, ni les dictatures islamistes, ni les génocides africains ne pèsent face au mythe du petit peuple martyrisé par le grand. La simplification morale a remplacé la vérité historique.

L’alliance du haut et du bas : la symbiose du mensonge

Ce qui est nouveau, c’est la jonction entre deux mondes : celui des élites progressistes et celui des banlieues islamisées. Le premier possède les mots, le second la force. L’un parle au nom de l’universel, l’autre au nom d’Allah ; et, étrangement, leurs haines se rejoignent.

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La gauche culturelle a trouvé dans les Frères musulmans des supplétifs commodes : un peuple prêt à haïr Israël, à exécrer la France, à nourrir le mythe de l’innocent arabe contre le coupable européen. Et réciproquement, l’islamisme a trouvé dans la gauche morale une légitimation intellectuelle, un bouclier contre toute critique.

C’est ainsi que s’organise, sous nos yeux, une double colonisation : celle des esprits par la repentance, celle des territoires par la peur.

L’érosion silencieuse de la démocratie

La démocratie n’est plus qu’un décor. Ses institutions fonctionnent, mais son âme s’est retirée. Car la démocratie, c’est le droit de nommer les choses. Et quand les mots deviennent dangereux, la liberté n’est plus qu’un souvenir.

Dans ce vide prospèrent les nouveaux totalitarismes doux : celui des plateaux télévisés, celui des injonctions morales, celui de l’intimidation communautaire. On y apprend à se taire pour ne pas perdre sa place, à mentir pour ne pas être exclu, à consentir pour ne pas disparaître.

Conclusion – De la mémoire du courage à la vigilance du réel

La mémoire du peuple de 1940 nous oblige : à ne pas nous soumettre, à ne pas laisser confisquer le droit de nommer, à ne pas nous laisser endormir par les slogans d’un humanisme qui n’a plus d’humain que le nom.

Si nous cédons encore à ce théâtre moral, si nous laissons l’alliance des imams et des intellectuels régner sur nos consciences, nous verrons disparaître ce qu’il reste de la France : non pas sa puissance, déjà perdue, mais sa dignité, sa lucidité, son âme. Alors il ne restera plus qu’une terre divisée entre ceux qui haïssent, ceux qui s’excusent, et ceux qui se taisent. Et dans ce silence tombera, comme une dernière vérité, le nom d’Israël — ce miroir brisé où se lit, encore une fois, la défaite du monde civilisé.

Manifeste pour une euthanasie du retraité aisé

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DR.

Mon oncle s’appelle Jacques. Il est récemment retraité. En tant que neveu, j’ai une grande affection pour lui. En tant que citoyen, je souhaite secrètement sa mort. Mais avec le moins de souffrances possibles, car pour être citoyen, on n’en est pas moins un être humain sensible.

Actifs et inactifs, la guerre des générations

Les retraités aisés sont des parasites qui sucent le sang des forces vives de la nation, dont je fais partie. Jacques touche plus de 100 000 euros annuels de retraite. Sur cette somme, il déduit 10% pour « frais professionnels » (alors qu’il est totalement improductif) et bénéficie d’un taux réduit de CSG. Dans les années 90, lorsque Jacques cotisait et (puisqu’il s’agit d’un système par répartition), payait pour la retraite de ses parents, cela lui coûtait 30% de ses émoluments. Aujourd’hui, je paie 45% de mon salaire brut pour la retraite de Jacques.

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Jacques a 65 ans, et il est en parfaite santé, car sa vie de cadre sup a été douce. Il aurait pu parfaitement continuer à travailler au moins cinq années de plus. Ceci dit, quand sa santé va se dégrader, il va nous coûter un bras, en profitant d’avancées médicales que son père n’a pas eu la chance de connaître. Et comme la médecine est formidable, il va nous coûter cher très très longtemps.

Taux d’épargne record

Jacques s’ennuie ferme depuis qu’il a pris sa retraite, et passe son temps à voyager en avion avec son épouse. Il contribue ainsi, lui et ses semblables, à polluer la planète et rendre infréquentables pas mal d’endroits qui pourraient se passer de ces hordes de couples chenus.

Quand il ne s’ennuie pas à l’étranger avec son épouse, Jacques s’ennuie avec ses amis sur un terrain de golf. J’ai eu l’occasion de passer l’y voir un mercredi après-midi et j’ai été abasourdi par la quantité de sexagénaires fringants, poussant gaiement devant eux un chariot hors de prix, et profitant d’une cotisation annuelle payée de fait par le contribuable. Il m’est d’ailleurs apparu que les seules personnes non retraitées pouvant se permettre de jouer au golf le mercredi après-midi sont des médecins spécialistes, dont la cotisation est aussi généreusement offerte par l’Assurance-maladie. Mais c’est un autre sujet.

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Malgré ces activités onéreuses, Jacques, qui est propriétaire de sa maison, n’arrive pas à dépenser l’entièreté de sa pension. Il épargne donc, comme ses amis. Effectivement, il s’avère que les plus de 70 ans ont un taux d’épargne record, allant jusqu’à 20% de leur revenu. Je paye donc la moitié de mon salaire brut pour permettre à Jacques d’épargner. Plus j’y pense, plus je souhaite sa mort.

Je suis conscient que j’écris ces lignes dans un media supposément droitier, qui est censé défendre les intérêts des CSP+. Mon propos est simplement le suivant : le retraité aisé est une charge pour la collectivité, et une vraie politique « de droite » (privilégiant le mérite à l’assistanat) devrait le châtier durement…

Et puis si Jacques se met en grève pour protester, il y aura moins de touristes à Venise, et moins d’attente au départ du trou n°10 !

Cédric Jubillar: justice de places…

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Me Alexandre Martin et Me Emmanuelle Franck (avocats de Cédric Jubillar), Albi, 17 octobre 2025 © JM HAEDRICH/SIPA

Après quatre semaines d’audience, la cour d’assises du Tarn a rendu son verdict vendredi 17 octobre: Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour le meurtre de son épouse Delphine, disparue en décembre 2020 et dont le corps n’a jamais été retrouvé. À l’issue du jugement, ses avocats, Me Alexandre Martin et Me Emmanuelle Franck, ont exprimé leur profonde déception et annoncé que leur client interjetait appel de cette décision. Notre chroniqueur souligne dans son analyse le fossé de perception entre les acteurs de la justice — juges, jurés, avocats — et les journalistes, dont la distance et le prisme médiatique conduisent souvent à valoriser la défense plutôt que l’accusation.


Cédric Jubillar a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour meurtre. Ses avocats ont immédiatement interjeté appel de cet arrêt. Aussi vais-je bien me garder d’évoquer le fond de cette affaire qui a passionné l’opinion publique, mais seulement la différence de perception entre les participants au procès et les journalistes dans leur ensemble.

Cette impression, chez moi, ne date pas d’aujourd’hui. Combien de fois, lorsque j’étais avocat général à la cour d’assises de Paris, ai-je remarqué cet écart entre des personnes qui, dans la même salle d’audience, paraissaient assister au même procès. En réalité, leur regard et leur écoute n’étaient pas les mêmes.

La presse s’enthousiasme pour Me Franck

Écouter et questionner pour juger ultérieurement n’a rien à voir avec l’activité du journaliste qui écoute et s’interroge pour ensuite écrire un article. La plupart du temps, ils n’assistent pas au même procès, tant leur rapport à la scène judiciaire les place, les uns au premier plan et dans l’action, les autres dans une certaine distance.

Mon titre s’explique ainsi : justice des places. Des places où l’on se trouve dans la salle d’audience. Jurés, magistrats, avocats généraux, avocats de la défense, avocats des parties civiles d’un côté ; journalistes et chroniqueurs judiciaires de l’autre. Les premiers en plein dans le vif de la tragédie criminelle et responsables, les seconds concernés mais témoins d’une horreur dans le jugement de laquelle ils ne sont pas engagés. Pas les mêmes places, pas le même regard…

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C’est ainsi que dans les péripéties finales du procès de Cédric Jubillar, il est clair que les deux avocats généraux ont convaincu les jurés et la cour d’assises, tandis que les deux avocats de la défense, sans doute brillants, ont convaincu les journalistes.

Je n’ai pas été surpris – c’est habituel chez ces derniers – par le fait qu’au moins une plaidoirie de la défense, celle de Me Emmanuelle Franck, a suscité un enthousiasme éperdu, comme si toutes les contradictions opposées à l’accusation étaient solides et décisives. Alors que les réquisitions, même les plus talentueuses, pertinentes et de haute volée, ne suscitent jamais, de la part des chroniqueurs, la moindre adhésion admirative dépassant le cadre du strict compte rendu.

Les jurés heureusement convaincus par les avocats généraux

C’est le parti pris de principe, originel, des médias : pour l’accusé, plus que pour la défense de la société.

Le journaliste, quelle que soit sa tendance, n’est pas spontanément accordé, sur le plan judiciaire, avec l’ordre. Souvent il préfère les incertitudes troublantes aux vérités trop évidentes. Alors, quand de surcroît on a un Cédric Jubillar qui conteste obstinément, et que le corps de la victime demeure introuvable, les médias ne se sentent plus ! Pourtant, ayant lu la relation des réquisitions des deux avocats généraux, je n’avais pas eu le moindre doute sur le fait que, implacables, intelligentes et parfaitement argumentées, elles allaient convaincre les jurés. Évidemment, les trente ans requis ayant été prononcés, on a tenté, médiatiquement, une mise en cause de l’arrêt et de la présidente, alors que les conseils de l’accusé ont, eux, eu une attitude exemplaire, gardant leur énergie et leurs qualités pour l’appel à venir. Selon que vous êtes à une place de responsabilité et d’implication, ou que, parfois, vous n’écoutiez que d’une oreille, pressé d’écrire votre article…

Une justice des places, qui changent la perception.

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