Toute une partie de l’opinion estime que Bruno Retailleau est parti sur un coup de tête, et lui reproche d’avoir fait tomber le gouvernement. Désormais, M. Lecornu dirige l’exécutif avec les socialistes, abandonne la réforme des retraites et augmente les impôts… Mais non, l’ancien ministre de l’Intérieur n’est pas « détruit », défend notre chroniqueur…
Dans Le Canard enchaîné, on fait de l’esprit sur « une folle semaine où Macron s’est autodissous et Retailleau autodétruit ». Je vais laisser de côté le président de la République et contester l’appréciation négative portée sur l’ancien ministre de l’Intérieur et le toujours président du parti Les Républicains.
Wauquier-Retailleau, frères ennemis
Si j’insiste sur ce dernier plan, au sujet duquel sa victoire éclatante contre Laurent Wauquiez ne doit pas être oubliée, c’est qu’il m’a semblé que Bruno Retailleau, face à la multitude des nuisances aigres et politiques que le vaincu n’a cessé de lui adresser, a paru, dans un premier temps, éprouver une sorte de timidité pour « cheffer », d’autant plus que sa charge de ministre l’occupait déjà pleinement.
Depuis qu’il a quitté le gouvernement, dans les conditions que l’on sait, je pourrais me féliciter du fait que le parti, entre ses mains, avec le projet qu’il porte, contrairement aux oiseaux de mauvais augure, aux adversaires compulsifs et aux médias à la limite de la condescendance, va enfin forger une identité claire et vigoureuse, tenir une ligne cohérente et courageuse, avec à sa tête une personnalité d’une intégrité absolue, jamais contestée par quiconque. Je ne doute pas que, sorti des miasmes de ces derniers jours, Bruno Retailleau va comprendre que rien n’a changé dans son rapport avec la majorité de l’opinion publique, et que le fait de n’être plus ministre ne va pas obérer son avenir, qu’il soit candidat ou au service d’un autre qu’il aura choisi. Il me semble que sa liberté d’aujourd’hui va lui permettre de se consacrer à sa tâche capitale : créer, ou restaurer, une droite retrouvant l’estime publique non pas avec des promesses démesurées et démagogiques, mais avec la capacité de tenir les engagements plausibles et raisonnables qu’une pensée conservatrice se doit de cultiver.
Exclusions
Contre cette absurdité d’un président de parti qui n’a pas la main sur un groupe parlementaire dirigé par un brillant adversaire sans cesse rétif Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau a enfin résolu, devant l’attitude de ministres inconséquents et irresponsables, de les exclure des Républicains – et cette autorité doit être le premier signe d’une conscience collective qui n’a plus honte d’être elle-même – et de rappeler aux députés que la peur de l’élection ne sera jamais la meilleure solution parlementaire, ni une embellie démocratique.
Peut-on douter un seul instant de la validité du point de vue de Bruno Retailleau, en désaccord avec la non-censure prônée par Laurent Wauquiez ? Il pourfend à juste titre l’aval de la suspension de la loi sur les retraites, avec les conséquences financières et calamiteuses qui pourtant en résulteront, validation en totale contradiction avec la vision de la droite républicaine, laquelle tenait à cette distinction capitale avec le Rassemblement national ?
Comment donner tort à Bruno Retailleau qui, la France étant majoritairement à droite, constate – pour la déplorer – la défaite en rase campagne de Sébastien Lecornu qui, malgré une habileté apparente ayant cherché à faire croire que la crise était une opportunité, a offert aux socialistes ce qu’ils réclamaient haut et fort ? Après des relations à la fois masquées et officielles avec Olivier Faure, le Premier ministre a livré, sans combattre, une victoire sur les retraites aux socialistes – sans qu’on soit assuré d’une issue favorable pour eux jusqu’au bout – et probablement ouvert la voie à d’autres avancées catastrophiques, comme la taxe Zucman…
Derrière cette divergence capitale entre Bruno Retailleau (soutenu par les meilleurs de la droite, notamment David Lisnard et François-Xavier Bellamy) et Laurent Wauquiez et ses députés frileux, se cachent à la fois un conflit politique et une dispute morale.
Quand on est de droite, selon Bruno Retailleau, on n’a plus le droit de se trahir ni de faire n’importe quoi. Contrairement à tant d’autres qui ont moqué sa naïveté sans voir que cette perte de confiance en Sébastien Lecornu relevait plus d’une incrédulité humaine que d’un dépit politique, BR est plus que jamais en position de continuer à incarner l’espérance forte qu’il a portée comme ministre hier et comme président des Républicains aujourd’hui. Et demain, pas du tout « détruit », il sera un atout fabuleux pour la droite.




