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Châtelet-Les Halles: plus de bastons et de baffes que de beats…

Concert de rap aux Halles: quand le divertissement tourne à l'émeute


Châtelet-Les Halles: plus de bastons et de baffes que de beats…
Canopée du Forum des Halles, Paris, 11 octobre 2025. capture vidéo Le Parisien.

Alors que le préfet de Paris Laurent Nuñez venait la veille d’être nommé ministre de l’Intérieur, le cœur de Paris a connu samedi des débordements graves autour d’un concert de rap en plein air.


Samedi 11 octobre, le centre de Paris a de nouveau été le théâtre de violences urbaines. Et ce qui devait être un simple concert gratuit a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Bilan : huit interpellations et quatre policiers blessés.
Une scène devenue tristement banale, mais qui révèle un malaise profond: celui d’un espace public parisien de plus en plus incontrôlé.

Un concert qui vire au chaos

En fin d’après-midi, un rassemblement s’est formé au niveau du Forum des Halles, pour un concert sauvage du groupe L2B, très suivi sur les réseaux sociaux. L2B est constitué de trois membres ; le nom du groupe fait référence au quartier du Bois-l’Abbé de Champigny-sur-Marne où ces trois larrons ont grandi. Le lieu n’avait rien d’anodin: les Halles sont depuis des années un point névralgique de toute une jeunesse banlieusarde francilienne.

Très vite, plusieurs centaines de personnes se sont massées sur l’esplanade. Les vidéos diffusées sur TikTok et X montrent des adolescents surexcités souhaitant se rapprocher de la scène, criant et chahutant. Puis, lorsque les policiers sont intervenus pour disperser la foule trop nombreuse, des affrontements ont éclaté. Jets de projectiles, provocations, insultes: la scène avait tout d’une mini-émeute (voir vidéo plus bas). Huit personnes ont été interpellées pour violences et dégradations. Quatre policiers ont été blessés. Le concert n’a jamais vraiment eu lieu: il a surtout servi de prétexte à un défouloir collectif.

Ce nouvel épisode ne surprend guère les habitants et commerçants du quartier. Le Forum des Halles, longtemps présenté comme le « ventre de Paris », est devenu une zone où se concentrent insécurité, incivilités et tensions. Notamment en fin de semaine. Le lieu attire une jeunesse nombreuse, souvent livrée à elle-même, parfois violente, dans un contexte de délitement de l’autorité.

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Depuis plusieurs années, les incidents s’y multiplient : rixes entre bandes, vols à la tire, agressions, rodéos urbains et rassemblements non encadrés. Et les renforts policiers réguliers ne suffisent plus à rétablir durablement l’ordre.

Culture de l’instant

L’épisode de samedi illustre un autre phénomène inquiétant : la montée d’une culture de la foule incontrôlée, nourrie par les réseaux sociaux et le sentiment d’impunité. Ce type de concert « sauvage » fonctionne sur une mécanique bien rodée : annonce virale, afflux massif, tension, et affrontements.

Les artistes y trouvent un moyen de gagner en visibilité sans passer par les circuits légaux ; les participants viennent autant pour le spectacle que pour le frisson de la transgression. Ce mélange explosif transforme des lieux publics en zones de non-droit temporaires. D’autres incidents autour d’opérations commerciales dans des fast-foods ont également défrayé la chronique ces dernières semaines en France.

On pourra objecter qu’il ne s’agit à chaque fois que d’une minorité de perturbateurs ou de casseurs parmi une foule de badauds. Et c’est vrai. Mais c’est précisément l’effacement de l’autorité qui permet à cette minorité d’imposer temporairement sa loi au plus grand nombre dans l’espace public.

Une jeunesse qui n’a plus les codes

Au-delà du fait divers, cette soirée interroge la capacité de l’État et de la mairie à maintenir l’ordre dans le cœur même de la capitale. Les Halles, ce n’est pas franchement une cité de banlieue, encore moins une zone périphérique : c’est le centre historique et commercial de Paris ! Si même là, les forces de l’ordre doivent subir les coups, qu’en est-il ailleurs ?

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Depuis des années, une stratégie politique de tolérance molle et de gestion au cas par cas a remplacé une politique d’autorité claire. On réagit, on disperse, mais on n’anticipe pas. On « gère » la violence au lieu de la prévenir.


La jeunesse qui se rassemble aux Halles n’est pas homogène : elle mêle des groupes désœuvrés, des danseurs de hip-hop pas bien méchants, des jeunes qui font du lèche-vitrine dans le centre commercial, des fans de rap, des bandes en quête d’affrontements et des curieux attirés par l’effet de foule. Beaucoup de ces jeunes n’ont plus de rapport structuré à l’autorité, ni à l’espace public. Pour eux, la rue est un terrain de jeu — ou de guerre — où l’État n’est qu’un figurant.

Dans ce contexte, l’événement de samedi n’est pas une exception, mais un symptôme. Les Halles ne sont plus un lieu de rencontre conviviale ; elles sont devenues une scène de tension permanente. Et le concert de L2B n’a été que l’étincelle.

Ce que révèle ce nouvel épisode

– L’État est toujours en position défensive, réagissant au lieu de maîtriser.
– L’espace public est de plus en plus confisqué par des groupes informels, souvent jeunes et incontrôlables.
– Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la mobilisation de foules éphémères mais puissantes.
– La violence devient banale, presque routinière, y compris dans des lieux très touristiques et censés symboliser la capitale.

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Rétablir l’autorité, une urgence

La couverture médiatique des incidents graves de ce samedi a été minimale, une actualité en chassant une autre, et les péripéties gouvernementales et de la géopolitique du Proche-Orient ayant pris toute la place aux unes des gazettes. Face à cette situation, les réponses habituelles — indignation politique, déclarations fermes et déploiements temporaires de CRS — apparaissent bien dérisoires. Rétablir durablement l’ordre aux Halles supposerait une politique d’autorité assumée: reconquête de l’espace public, contrôle plus rigoureux des rassemblements, sanctions rapides.

La capitale de la France est-elle encore capable de garantir l’ordre et la sécurité, ou est-elle en passe de devenir une ville livrée à des logiques de gangs américains ? Les habitants se contenteront-ils une nouvelle fois des communiqués de circonstance des autorités ? La soirée de samedi a donné des réponses inquiétantes.

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