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«C’est Nicolas qui va payer»

Les irréductibles du sarkozysme, ou la nostalgie d’un chef


«C’est Nicolas qui va payer»
Des partisans devant le domicile de Nicolas Sarkozy, avant son départ pour la prison de la Santé, où il doit commencer à purger une peine de cinq ans de réclusion après sa condamnation pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen présumé de sa campagne présidentielle de 2007. Paris, 21 octobre © Frederic Munsch/SIPA

Choses vues et entendues ce matin, en immersion parmi les soutiens de Nicolas Sarkozy, dans le XVIᵉ arrondissement…


Il fallait être matinal, ce mardi 21 octobre, pour assister au déferrement de Nicolas Sarkozy, prévu à 8 h 30. Ou chômeur. Ou bien retraité.
Au pied des balcons cossus du XVIᵉ arrondissement, les fourrures avaient été ressorties des placards : une foule d’environ un millier de fidèles (militants, admirateurs, simples curieux) s’était massée pour soutenir l’ancien président.
Beaucoup de visages grisonnants, quelques étudiants, et ces retraités nostalgiques des années Sarkozy, donc. Des anciens LR, des anciens UMP, voire même, confie Didier, Parisien sexagénaire, un « ancien UDR, du temps de Pompidou ».
L’ambiance est militante, un peu émue. On scande « Sarkozy président ! », on brandit de vieilles affiches officielles. Chantal et Annie, venues du XVIᵉ et de Versailles, précisent qu’elles ne sont « pas militantes, mais là pour un homme ».

Morano, Guaino et les irréductibles

Nadine Morano, fidèle parmi les fidèles, n’a rien perdu de sa gouaille. « Au regard de tout ce qu’il a fait pour le pays, on peut être fier de lui ! » lance-t-elle, avant d’énumérer les crises traversées « avec brio » par son champion. Face aux journalistes, elle s’emporte. Quand Quotidien lui lance : « association de malfaiteurs », elle réplique, cinglante : « Une juge d’instruction m’a dit que c’était une décision politique. »« Mais que connaissez-vous du dossier ? », lui rétorque-t-on. — « Et vous, vous êtes qui ? »
Henri Guaino, lui aussi présent, n’a pas manqué le rendez-vous. Celui qui rêvait, en 2017, de se présenter, au besoin contre son ancien patron, évoque depuis quelques jours sur les plateaux télé une nouvelle décapitation symbolique des corps du roi, une volonté d’atteindre la Ve République… Il parle aujourd’hui du pouvoir judiciaire, des principes constitutionnels, et jure un peu dans cette ambiance militante et émotive.
Roger Karoutchi, indémodable, érudit, agrégé d’histoire, sourit à l’évocation des figures politiques passées par la prison avant la rédemption — Louis-Napoléon Bonaparte, Nelson Mandela, Jacques Médecin : « Permettez-moi de préférer Louis-Napoléon à Jacques Médecin. » Puis ajoute, plus grave : « Il y a une incompréhension entre le monde politique et le monde judiciaire. Les affaires se succèdent : cela va trop loin. »

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Absences remarquées, ferveur populaire

Quelques fidèles sont là, mais aucun ténor des LR. Ni Bruno Retailleau, ni Laurent Wauquiez, en Abel et Caïn ingrats, n’ont fait le déplacement. En revanche, la base, plus radicale, s’exprime : « Les juges en prison ! », « En enfer ! » — « Ne dites pas ça, ça va être répété », tempère une militante. On entend aussi : « Mediapart, torchon ! »
« On sera là dans cinq ans, à la sortie de la Santé »
, plaisante un autre.
Parmi les anonymes : Alain, François, Parisiens sarkozystes et aujourd’hui adhérents de « Reconquête ». Qui incarne, selon eux, le mieux les valeurs du sarkozysme ? « Sarah Knafo. »
Eva Stattin, Franco-Suédoise naturalisée en 2006 « pour voter Sarkozy », habite place Beauvau. Elle est venue pour son ancien voisin. En tenue de guinguette sarkozyste, elle confie pourtant pencher désormais pour Édouard Philippe.

 Folklore militant, une militante franco-suédoise « naturalisée en 2006 pour pouvoir voter Sarkozy » soutient avec ferveur son champion.

Famille, loyauté et mise en scène

Il y a là des sarkozystes, des zemmouristes, des philippistes, des curieux, mais surtout la famille, version Scorsese. La famille Sarkozy descend: les enfants des trois unions et épouses confondues arrivent en rangs serrés à 9h précises à l’angle des rues Pierre Guérin et de la Source. Les fils ont lancé un appel à la loyauté ; il a été entendu.
« J’ai répondu au magnifique appel des enfants à leur père », confie une grand-mère émue.
L’image a tout d’une saga familiale : la dramaturgie fonctionne. Thierry Saussez, le communicant des années Sarkozy, jure qu’il n’y a « aucune mise en scène, seulement de l’affection sincère ». Roger Karoutchi résume la situation, en vieux sage de la droite : « On est là dans les moments difficiles. Loyauté, fidélité… ce n’est plus à la mode. Je dois être vieille école. »
Il y a aussi les journalistes de gauche — Paul Gasnier de Quotidien en tête — narquois, pas mécontents de pouvoir ricaner au milieu du peuple de droite.
Des larmes, des chants, et le corbillard pénitentiaire d’une présidence déchue : la familia grande au grand complet ! Le déferrement ressemblait, il faut bien le reconnaître, à un genre de sacre à rebours. On pleurait autant un homme politique qu’un style : celui des fidélités de sang comme de clan, quand la loyauté l’emporte sur la morale et la lignée sur les idées. Mi-bourgeoise, mi-corse, sentimentale jusque dans le calcul, fidèle jusque dans la disgrâce… la droite vibre à de vieux affects.
Et quand les mamies en vison regagnent leurs appartements du XVIᵉ, la sono continue : entre deux Marseillaises, résonne une playlist choisie avec à-propos : Du ferme de La Fouine et Les Portes du pénitencier de Johnny. Bien mises, elles applaudissent celui qui mérite désormais son titre de parrain de la droite française, et cocottent de bon matin. Leur odeur s’appelle : fidélité.


Emmanuelle Brisson, jeune étoile montante des LR, au ton pugnace, présente de bon matin, a répondu à nos questions.
Figure montante des Républicains, parfois critique à l’égard de sa famille politique, Emmanuelle Brisson, candidate LR dans les Pyrénées-Atlantiques en 2024, était présente au rassemblement.
Causeur. Vous êtes aujourd’hui en première ligne pour ce rassemblement de soutien au président Sarkozy. Est-ce une démarche personnelle ou une action politique ?
Emmanuelle Brisson. C’est d’abord un magnifique hommage des fils de Nicolas Sarkozy à leur père, et j’ai tenu à être présente. Je suis militante encartée à l’UMP et chez LR depuis mes seize ans. On en a assez également de cette justice à deux vitesses. Certains auteurs de délits violents reçoivent une peine bien moindre que celle de cinq ans de Nicolas Sarkozy, alors que l’ancien président n’est en rien une menace pour la société. La gauche préfère voir Nicolas Sarkozy dormir en prison plutôt que de voir les voyous, les crapules derrière les barreaux. Je pense aussi au courage du maire de Neuilly, qui a risqué sa vie autrefois et qui a reçu la Légion d’Honneur pour cet acte remarquable. Ce courage, cette dignité, cette loyauté, nous les avons retrouvés aujourd’hui.
Dans ce moment difficile, ce n’est pas seulement un ancien président que nous voyons : c’est un homme qui incarne l’engagement, le dévouement et la fidélité à ses valeurs. 17 ans de procédure – et de procédure politique, plein de perquisitions, et le juge qui l’a condamné avait manifesté contre lui en 2011. Je suis par ailleurs très déçue que la droite n’ait pas organisé cette manifestation. Les Français se souviennent aussi de l’homme courageux et engagé depuis les images de la prise d’otages de la maternelle de Neuilly en 1993.
Aujourd’hui il y a des militants de plusieurs partis politiques, c’est la grande union des droites ? 
Il est normal de trouver des militants de différents partis politiques : Horizons, LR, Reconquête… C’était le président de tous les Français, de la classe populaire comme de la classe bourgeoise.
Où en êtes-vous personnellement avec votre parti, les LR, avec lesquels vous êtes parfois critique ?
Je suis attaché à ma famille politique. Les médias nous enterrent mais on continue d’incarner les valeurs de la droite. Maintenant, il faut du panache et du courage. Il ne faut plus avoir peur des mots qui fâchent.


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