Lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël hier soir à la Philharmonie de Paris, des spectateurs ont tenté à trois reprises d’interrompre la représentation avec des fumigènes avant d’être évacués. La Philharmonie a porté plainte et quatre personnes ont été placées en garde à vue. Rachida Dati a condamné fermement ces perturbations, affirmant sur X que « la violence n’a pas sa place dans une salle de concert »
J’ai d’abord cru à un remake de la fameuse bataille d’Hernani avant d’apprendre que les troubles qui ont eu lieu jeudi soir au concert donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre philharmonique d’Israël n’étaient en rien la manifestation spontanée d’un désaccord artistique.
Des personnes munies d’un billet d’entrée tentèrent à trois reprises d’interrompre la représentation.
Spectateurs excédés
La Philharmonie a condamné ces « graves incidents » et a décidé de porter plainte tout en tenant à rappeler qu’elle a à cœur d’accueillir des artistes de toutes origines, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. Elle tient d’ailleurs à préciser qu’une invitation n’est pas une prise de position politique. À bon entendeur…
A lire aussi : Journal de bord du Dr Thomas Guénolé, pseudo-résistant
Il est 20h15 (soit quinze minutes après le début du concert) quand deux militantes situées au balcon central, avec la prestance et l’agilité d’un diable sorti de sa boîte, déploient une banderole « Free Palestine » et commencent à entonner le sempiternel refrain « Stop au génocide ». De leur perchoir, elles se mettent à jeter des tracts qui tourbillonnent et atterrissent dans la fosse d’orchestre. Probablement surpris par une telle pluie, le pianiste (Schiff) s’arrête de jouer. Plusieurs spectateurs, visiblement excédés, se saisissent des deux mutines. Des coups de poing sont échangés, des cheveux sont tirés. Les services de sécurité grimpent dans les gradins et, à 20h20, les deux femmes – dûment menottées- sont sorties de la salle. La musique reprend ses droits quand un homme, sis dans le parterre cette fois, active un fumigène rouge. Les couleurs de l’enfer se déploient dans la grande salle, une épaisse fumée envahit la scène et l’alarme incendie se déclenche. Dramaturgie en trois actes ! La salle est plongée dans un brouillard pourpre. Les ombres rougeoyantes plongent la Philharmonie dans un climat de purgatoire. Le public tousse, certains suffoquent, le tout sur fond de huées avant qu’on ne parvienne à éteindre le fumigène et qu’on aère la salle. Un semblant d’ordre revient enfin et Shani remonte sur scène, prend le micro et dit jouer « pour la paix, pas pour la haine ». Une ovation éclate. L’Art – un instant – semble triompher et la symphonie numéro 4 de Brahms reprend.
Toutes les couleurs du palestinisme !
Mais probablement troublée par ce temps de sérénité, une femme située au deuxième balcon, allume un second fumigène. Vert cette fois-ci. Notons le souci de variation dans les couleurs. Nouvelle évacuation, la sécurité boucle les issues. Il s’agirait que la plaisanterie ne se reproduise pas une quatrième fois. D’ailleurs, il n’y a même plus de dicton pour cela : « Jamais deux sans trois », la comptine ne saurait aller plus loin.
La musique reprend et cette fois-ci, c’est la bonne ! Rien ne viendra plus interrompre le concert. Quant à savoir dans quel état d’esprit étaient le public ou les musiciens… probablement aussi tendus que la corde de l’archet.
A lire aussi: La fracture invisible: Israël, la parole confisquée et la France réelle
Un torrent d’applaudissemenst est venu clore cette soirée, la foule éprouvée a tenu à remercier les musiciens d’être restés. Malgré tout. Envers et contre la haine qui – par trois reprises – s’est levée.
Mais là où le symbole devient extraordinairement fort, c’est que les œuvres choisies entraient quasiment en résonance avec les débordements qui avaient cours dans la salle. Le concerto pour piano n°4 de Beethoven évoque la douceur triomphant de la force quand la symphonie n°4 de Brahms s’attarde sur la musique qui se donne pour insensée mission de transcender la douleur…
Manon Aubry, Jean-Luc Mélenchon ou Thomas Portes ont refusé de condamner les « incidents ». Il y a décidément des sujets qui, chez LFI, provoquent un mutisme des plus complets.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !




