Accueil Site Page 26

«La Walkyrie» à l’Opéra de Paris: Wagner trahi!

Une distribution exceptionnelle, une réalisation scénique navrante d’insignifiance : à l’Opéra de Paris la médiocrité de la mise en scène de La Walkyrie profane l’éblouissante prestation vocale des interprètes.


Mais de quelle rage souffrent donc les metteurs en scène engagés par l’Opéra de Paris pour s’emparer des ouvrages wagnériens afin de les saccager sans scrupules, de dénaturer l’essence même des livrets et des partitions, de ridiculiser ou de trahir leurs personnages, de gommer systématiquement, ici le merveilleux chrétien, là le souffle des mythes germaniques, de conduire enfin le spectateur à devoir fermer les yeux pour ne pas avoir à subir tant d’imbécillités et d’incohérences accumulées ?  

Qui sont-ils ces tâcherons galonnés se faisant les dents sur un Wagner qu’ils paraissent haïr en demeurant imperméables à sa musique, qui doivent se penser audacieux et iconoclastes quand ils ne sont que pitoyables et ridicules ? Qui n’ont le plus souvent ni le talent, ni l’envergure intellectuelle pour incarner les révolutionnaires qu’ils aimeraient tant être ?

Les faux prophètes

Saison après saison, l’Opéra de Paris semble s’être fait une spécialité de ces faux prophètes qui semblent n’avoir pris connaissance des ouvrages dont ils ont la charge qu’au moment de la commande. Parsifal, Lohengrin, une précédente et calamiteuse production de la Tétralogie, et tout récemment encore L’Or du Rhin en ont été les victimes expiatoires. Sous couvert de visions apocalyptiques ou de lectures politiques qui sont depuis longtemps la tarte à la crème des ennemis jurés du wagnérisme, on accumule les clichés en vogue dans leur monde semi cultivé. On avance, pour justifier les réalisations les plus horripilantes, des arguments de notaires voltairiens ou d’histrions marxistes afin de ne servir jamais que les propres obsessions des metteurs en scène, et cela à grand renfort de professions de foi messianiques.   

Ce qui est sûr, c’est que la plupart d’entre eux paraissent ne rien comprendre à l’univers wagnérien et trahissent allégrement la musique. Il ne faut effectivement pas se bercer d’illusions sur leur savoir artistique et musical. Bien souvent, ils n’ont construit leur identité que par l’outrance ou la dérision. Et leur analyse sur des idées fumeuses, mais qui ont l’heur d’être dans l’esprit du temps.

Ils semblent n’apprendre à connaître les ouvrages qu’ils vont devoir mettre en scène qu’au moment où on a la faiblesse de leur en passer commande. Et faute de s’être pénétrés durant des années d’une musique qui n’aura jamais mûri en eux, ils n’en offrent le plus souvent qu’une écoute immédiate, superficielle et convenue. Ils ne sont en réalité que les thuriféraires d’un nouvel académisme où le concept foireux ne fait rien d’autre que de remplacer les peaux de bête des héros barbus d’autrefois et les casques ailés de plantureuses walkyries.

Bancale, incohérente, anecdotique

Avoir commandé la réalisation scénique de l’ensemble du Ring à l’Espagnol Calixto Bieito qui avait à peu près réussi une mise en scène de Carmen en 2017, c’est un peu comme si l’on avait donné la direction d’un restaurant étoilé à une ménagère sévillane sachant réussir un gazpacho andaluz.

A lire aussi: Tant qu’il y aura des films

Sa mise en scène de La Walkyrie ne mérite pas qu’on s’y attarde longtemps. Elle est trop bancale, trop incohérente, trop anecdotique. Ennuyeuse et sotte en deux mots, mais de cette sottise savantasse qu’on porte haut et fier en se donnant le sentiment d’enrichir l’univers wagnérien de conceptions radicalement nouvelles. Déjà la mise en scène de L’Or du Rhin, et en plus lourdingue encore, portait toutes les incongruités dont on est accablé dans La Walkyrie. Ce décor énorme et sans grandeur, ces masques à gaz, ces bonbonnes d’oxygène et ces tuyaux hideux qui prétendent dénoncer une apocalypse à venir ou déjà survenue : ce n’est même plus révoltant, car on peut avoir vu pire encore, mais cela végète à un niveau dérisoire de déjà vu cent fois. 

Entre martien égaré et grenouille verte

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, magnifique d’homogénéité, Pablo Heras-Casado est parfaitement éloquent dans les registres du lyrisme ou de la tendresse. Curieusement, toutefois, au cours des pages les plus épiques de La Walkyrie, la noire tempête du prologue, l’angoissante approche de Hunding au deuxième acte ou la folle chevauchée des filles de Wotan, il manque singulièrement de souffle et de puissance. Curieusement, parce qu’on ne peut imaginer qu’une telle puissance dramatique ne puisse fouetter davantage le sang d’un chef d’orchestre talentueux.

Les artistes lyriques ont-ils conscience de ce que l’on leur fait faire en tant qu’acteurs ? S’il est difficile de les imaginer se sortant indemnes d’une production qui accumule les clichés, les contorsions inutiles, cette vaine et perpétuelle agitation derrière laquelle un metteur en scène croit pouvoir masquer son impuissance, il est plus douloureux encore de voir les rôles féminins, les trois principaux surtout, desservis par des costumes pensés et voulus laids, alors que celles qui en  sont affublées déploient des voix magnifiques : Sieglinde en gros godillots et robe informe de ménagère allemande pauvre, Brünnhilde sous une énorme crinoline couleur saphir, puis dans des collants qui n’occultent rien de ses proportions hors-normes, Fricka en Belphégor de feuilleton et en tunique bleu électrique, alors que les huit walkyries, avec leurs tenues et leurs masques à loupiottes couleur d’absinthe, tiennent à la fois du martien égaré et de la grenouille verte.

Photo: Herwig Prammer / OnP

Des voix somptueuses

Il n’était pas nécessaire d’imposer à la Brünnhilde de Tamara Wilson cet air de bonne grosse fille un peu simple qui la fait ressembler à Bécassine débarquant chez Madame de Grand-Air, alors que le livret la chante en héroïne sublime. Ni de lui imposer une sourde confrontation avec Siegmund évoquant une lutte entre sumos. Ni de camper la Sieglinde d’Elza van den Heever tenant en joue un Siegmund tout pantelant avec une méfiance haineuse de fermière texane suprémaciste face au métèque de passage. Ce sont des gadgets imbéciles qui ne font que confirmer le manque d’ampleur des concepteurs de la mise-en-scène. Cependant, l’interprète de Hunding, Günther Groissböck, se révèle être un remarquable acteur, sans qu’on sache s’il doit cela à son seul talent ou à une subite lueur apparue dans le cerveau du démiurge. Son personnage fascisant est terriblement inquiétant tout autant que misérable. Et l’une des rares facettes intéressantes de la mise en scène est la façon appuyée dont on dénonce la violence faite aux femmes : violence physique de Hunding s’exerçant sur Sieglinde, mais aussi violence arbitraire du maître suprême, Wotan, sur sa fille préférée. Il est vrai que c’est dans l’air du temps et que ce n’est peut-être là que pour se montrer politiquement correct. Toutefois cette violence confère à la mise en scène quelque chose de sombre et de désespérant qui confère plus de poids encore à la détresse de Sieglinde avant qu’elle ne rencontre Siegmund, son frère et amant, puis à celle de Brünnhilde que son père veut punir en livrant son corps de vierge combattante au premier venu.

Uniformément magnifiques de bout en bout de l’ouvrage, Elza van den Heever et Tamara Wilson parviennent au sublime. L’une au moment où Sieglinde se sépare de cette sœur inconnue qui l’a sauvée, l’autre quand Brünnhilde, d’un dernier cri déchirant, parvient à infléchir Wotan. Ce dernier, interprété superbement ce soir de première par Christopher Maltman, est aussi victime d’une direction d’acteur qui ne grandit pas le personnage. Il sera malheureusement remplacé lors des autres représentations par le titulaire du rôle, Iain Paterson, qui n’a guère brillé dans L’Or du Rhin.

Face à Sieglinde, à Hunding, à Brünnhilde, le Siegmund de Stanislas de Barbeyrac est d’une vaillance sans faille. Même s’il mériterait que s’affine encore son jeu théâtral, sa voix admirable, puissante et douce, module aussi bien la détresse absolue que la félicité fugace, le courage autant que la tendresse. Il rejoint l’héroïque cohorte des grands interprètes du plus beau et du plus attachant des personnages du Ring.

La Walkyrie. Opéra de Paris-Bastille. Jusqu’au 30 novembre 2025

Vive le gras!

Marion Chatelain signe un livre de recettes voluptueux: une véritable ode au bon gras ! Des charcuteries d’apéro aux desserts beurrés en passant par les bouillons, plats en sauce et feuilletés… ses textes et photos ouvrent furieusement l’appétit.


« On n’est pas sur le chemin de la minceur », dit Micheline à Maïté dans « La Cuisine des mousquetaires » lorsqu’il s’agit de détailler les ingrédients du gratin landais… Mais une chose est sûre, en lisant Le gras c’est la vie !, on est sur le chemin de la volupté. Marion Chatelain connaît son rayon : cette designer et créatrice d’événements culinaires sait transmettre sa passion pour la bonne chère. Et son livre fourmille de remarques, d’anecdotes, de rencontres et de recettes savoureuses.

Un pilier du goût

Pour elle, le « gras de terroir » est un pilier de l’architecture du goût ; il est donc indispensable au palais et présent dans l’histoire de chacun. « Mon obsession et ma fascination pour le(s) gras sont nées entre la Normandie, la Beauce et le Doubs, entre le jus gras de la saucisse de Morteau qui se mêlait à la purée et les cerises au kirsch jetées dans le beurre par ma grand-mère paternelle, entre les quartiers de citron pressés dans le beurre noisette de la raie rôtie et la crème double, bien jaune, qui fondait sur la tarte aux pommes encore brûlante de ma grand-mère maternelle, sans oublier la teurgoule au lait cru qui patientait, encore et encore, dans son four tiède. »

A lire aussi: Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

Cette randonnée (très) gourmande nous mène chez des charcutiers, des fromagers, des éleveurs, des agriculteurs… leur point commun, au-delà d’incarner un pan fondamental de notre patrimoine vivant, est que le fruit de leur travail se retrouve dans nos poêles, casseroles et marmites à côtoyer beurre, crème, graisses végétale ou animale afin de fondre, dorer et crépiter pour révéler toutes leurs saveurs.

Subtil

Les recettes confectionnées par Marion Chatelain et admirablement photographiées se comptent par dizaines. Impossible de rester insensible face à ses bocaux de rillettes de canard, à ses gaufres au sarrasin et œuf mollet, à son os à moelle gratiné, à sa Morteau briochée, ses bouchées « cochonnes » nappées de sauce au vin blanc crémée…

Les asperges sont frites façon tempura, les Saint-Jacques sont colorées au beurre, les ravioles de crevettes se marient à une crème infusée au lard fumé, le bretzel révèle un cœur de fromage coulant, le camembert est rôti au calva… Quant aux desserts, à vous de les découvrir.

Loin, très loin du gros gras qui tache, ces recettes se distinguent par la subtilité des goûts associés, par la finesse des légumes et des herbes ciselées, par l’équilibre des textures complémentaires. Au fil des pages, et des bouchées, on est convaincu que le gras mérite d’être considéré comme le « 6e goût », au même titre que le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. On apprend d’ailleurs que des chercheurs lui ont trouvé un nom sérieux : oleogustus (du latin oleo, huileux, et gustus, goût). De quoi inspirer de nouveaux chapitres et de nourrir de futures régalades.

Le gras c’est la vie !, Marion Chatelain, Flammarion, 2025. 192 pages

Le gras, c'est la vie !

Price: 29,90 €

17 used & new available from 22,33 €

Mbappé: entre primes et déprime

0

Kylian Mbappé et le PSG ont rendez-vous aux prud’hommes de Paris lundi prochain


On se souvient qu’un professeur de français avait utilisé le nom de Mbappé pour par procédé mnémotechnique enseigner à ses élèves une règle d’orthographe : il ne faut jamais un N mais toujours un M devant M, B et P, les trois consonnes de Mbappé. Ce professeur de lettres s’en est tiré à bon compte, le joueur ne lui a réclamé aucun droit d’auteur. Car avec les chiffres Kylian Mbappé jongle aussi facilement qu’avec un ballon, toujours à l’affût pour faire fructifier son compte en banque.

Aujourd’hui il attaque son ancien employeur, le PSG, et multiplie les actions devant les Prud’hommes. Aurait-il été victime de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral, motifs qui font l’ordinaire du Conseil prud’hommal ? Non pas. Au menu, il y a une soupe, dans laquelle le joueur crache, et des salades où le club a mis trop de vinaigre.

A lire aussi: Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

Flash-Back. Lors de la saison 23/24, pour qu’il prolonge son contrat afin de le revendre à prix d’or au Real Madrid (alors contraint de racheter le dit contrat), le PSG avait promis à Mbappé une ribambelle de primes (liées à l’éthique, aux résultats, à la pluie et au beau temps… primes qui ont surtout l’avantage ne de pas être soumises aux cotisations sociales…). Le joueur avait évidemment accepté, mais au final il n’a pas prolongé son contrat et il est parti au Real sans que le PSG touche un euro. Du coup le PSG n’a pas versé les primes.

D’où la déprime de Mbappé : il estime que le PSG n’a pas tenu parole, alors que le club soutient que le joueur n’a pas honoré ses engagements. Sur la forme, c’est une querelle d’épiciers, des calculs de maquignons, une bagarre de chiffonniers, mais vu les fonds en jeu, entre le joueur, multimillionnaire, et le PSG, propriété de l’émir du Qatar, c’est un problème de riches, un bras de fer en or. Si au début du feuilleton Mbappé réclamait 55 millions, lors du dernier épisode (diffusé le 17 novembre, lors d’une nouvelle audience devant le Conseil prud’hommal) il en exigerait maintenant 264 ! Ce ne sont pas les Prud’hommes qui devraient être saisis, mais le FMI, le Fonds Monétaire International.

Si d’aventure Kylian Mbappé obtenait (gros) gain de cause, il pourrait s’acheter un Ballon d’Or, récompense après laquelle il court depuis des années, un ballon en or… massif.

L’union, combien de divisions?

Faire alliance avec le RN n’est plus un tabou. Certains ont franchi le pas avec Éric Ciotti, d’autres l’espèrent tel Éric Zemmour, mais chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Une majorité de Français se dit pourtant favorable à un bloc de droite.


C’est l’Arlésienne de la politique française. L’union des droites, tout le monde en parle, mais on ne la voit jamais. Il faut dire qu’à l’exception notable d’Éric Zemmour, la plupart des dirigeants concernés n’en veulent toujours pas, malgré la séquence politique qui a sidéré les Français, fait ricaner à l’étranger et consterné économistes et chefs d’entreprise. L’implosion du gouvernement Lecornu I, résultat d’une bataille d’égos plus que de divergences idéologiques, a révélé la fragilité existentielle des LR. Pourtant, nombre de Républicains continuent d’exclure tout rapprochement avec le RN qu’ils feignent de confondre avec le FN. Il est vrai aussi que Marine Le Pen qualifie cette union de « fantasme réducteur ». En attendant, pour 55 % des électeurs LR, l’union est la seule voie susceptible de mener la droite au pouvoir : de LR au RN en passant par l’UDR et Reconquête, aucun n’a les reins suffisamment solides pour y parvenir en solitaire. La gauche socialiste et les Insoumis se délectent de voir le camp adverse incapable de s’unir. Eux qui n’hésitent pas à mêler leurs voix pour gagner des sièges guettent avec gourmandise les échéances de 2027 en se disant qu’avec pareille droite, le pouvoir est à portée de main. À moins que, comme l’observe Marianne, on assiste plutôt à « la fin d’un tabou » et à l’avènement d’un « front identitaire » en lieu et place du moribond front républicain. 

« Irresponsable »

Les LR sont plus divisés que jamais. Et pas franchement sur des questions doctrinales. Le chef du parti, Bruno Retailleau, a du mal à « cheffer », comme aurait dit Chirac – son véto à toute participation au gouvernement Lecornu II n’a pas empêché plusieurs de ses lieutenants d’accepter un ministère. Quant à Laurent Wauquiez, le chef du groupe à l’Assemblée, il prend le contrepied de son rival. Ainsi a-t-il opéré un tête-à-queue sur la réforme des retraites avec une facilité déconcertante. « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », disait-il en janvier dernier. En mai, il appelait les Républicains à « ne pas se diluer dans le macronisme ». Depuis que Bruno Retailleau a quitté le gouvernement, il est farouchement opposé à la censure. À la mi-octobre, il a refusé de voter la motion de censure du RN. « Nous nous engageons à des compromis nécessaires pour que les lois indispensables soient adoptées, pour que la France ne soit pas bloquée », s’est-il justifié. D’autres dirigeants y sont favorables comme David Lisnard. D’ailleurs, Alexandra Martin, la seule députée LR (Alpes-Maritimes) à avoir voté les motions de censure RN/UDR et LFI, est l’une de ses proches. « Si j’étais député, j’aurais voté la censure », affirme François-Xavier Bellamy, député européen LR. Florence Portelli, maire LR de Taverny, déclare la même chose, tout en déplorant ces « divisions ». « Il y a un clivage entre le parti (les militants et les fédérations) et les parlementaires qui considèrent qu’il fallait donner sa chance au produit Lecornu », dit-elle bizarrement, à la manière des gars du Sentier de La vérité si je mens.

A lire aussi: Sarko, la chasse à l’homme

Autant dire que l’opinion ne comprend pas grand-chose aux tempêtes qui secouent les Républicains. « LR, j’ai du mal à suivre », ironise Marine Le Pen. « Wauquiez et toute la smala ont protégé Macron, on ne peut pas travailler avec ces gens-là », tranche le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.

Finalement, le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement. Et les Français dans l’histoire ? Qui les écoutera, eux qui sont 52 % à se dire favorables à un gouvernement de coalition des droites (sondage IFOP pour Valeurs actuelles[1]) ? Médusés par ce spectacle incompréhensible ne savent plus à quel saint se vouer[2]. Oubliant qu’eux aussi ne sont pas d’une cohérence de fer : après avoir pesté et manifesté contre la réforme des retraites, beaucoup s’étranglent de voir Macron y renoncer (ou faire semblant).

Qui est pour qui est contre ?

Dans ce paysage, deux personnalités se déclarent nettement en faveur de l’union, outre Éric Zemmour et Sarah Knafo : Éric Ciotti, fondateur en 2025 de l’Union des droites pour la République (UDR), et Marion Maréchal (Identités et libertés) qui ne cesse de plaider pour le modèle italien.

« L’heure est venue de briser le cordon sanitaire et d’unir toutes les forces de droite, écrit Ciotti sur le site de son parti. Nous portons une alternative solide, fondée sur l’autorité, la liberté et l’identité. » De son côté, Marion Maréchal estime que « Georgia Meloni obtient un succès de gouvernement parce qu’elle a rassemblé toutes les droites ». Et la députée européenne de détailler : « C’est comme si en France, une partie d’Horizons [le parti d’Édouard Philippe] travaillait avec le RN, LR, DLF [Debout la France, de Nicolas Dupont Aignan] et Reconquête. » Le parti d’Éric Zemmour prône une union circonstanciée, sur un dénominateur commun : l’immigration et le budget. Et Reconquête vient d’investir 577 candidats en vue d’une dissolution, en se disant prêt à des désistements en cas d’accord avec le RN, LR ou Nouvelle Énergie de David Lisnard.

Cependant, au-delà de ces avocats de longue date du rassemblement à droite, les lignes bougent. En octobre, une alliance tactique s’est formée entre le RN, des macronistes et des LR, permettant au parti de Marine Le Pen de récupérer deux vice-présidences au bureau de l’Assemblée nationale. Cette entorse au sacro-saint front républicain a bien sûr suscité l’ire de la gauche. À vrai dire, l’appel au barrage commence à avoir du plomb dans l’aile. À LR, quelques personnalités font entendre leur petite musique : « Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible. J’ouvre la porte à une discussion programmatique rassemblant toutes les droites », déclare David Lisnard à Valeurs actuelles. « Bien sûr qu’il faut s’allier avec Sarah Knafo », affirme pour sa part Alexandra Martin. Reste à convaincre les apparatchiks. Et ça, c’est loin d’être gagné.

A lire aussi, Marine Le Pen: « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

Sophie Primas, ex-sénatrice LR des Yvelines et ex-porte-parole du gouvernement Bayrou l’a appris à ses dépens. Après avoir déclaré sur RTL « Nous n’avons pas que des désaccords avec le RN », elle doit dès le lendemain faire repentance sur son compte X : « De tout temps, opposée à l’Union des droites, je n’ai jamais changé de position. L’esprit de mon propos était d’indiquer qu’à ce moment épineux de notre vie politique, nous avons un impératif besoin de trouver une voie pour donner un budget à la France. » À l’évidence, elle s’est fait taper sur les doigts. Son ancien collègue Roger Karoutchi n’a pas les mêmes pudeurs. « Plutôt RN que LFI », lance le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Mais ces rares et timides avancées vers une union se heurtent à des résistances solidement ancrées chez les Républicains, restés en ce sens très chiraquiens. « L’union des droites est un mirage », tranche l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Éric Ciotti à Levens pour promouvoir l’union des droites, 31 août 2025. SYSPEO/SIPA

La valse-hésitation des élus LR montre que le fameux « cordon sanitaire » théorisé par François Mitterrand et mis en place par Jacques Chirac en 2002 a la vie dure. Dans son dernier livre, Je ne regrette rien (Fayard), Éric Ciotti dénonce « le piège mitterrandien » qui pousse la droite à nouer des accords électoraux avec la gauche plutôt qu’avec le RN, comme on l’a encore vu en 2024 au Havre quand Édouard Philippe a favorisé l’élection du communiste Jean-Paul Lecoq contre la candidate RN. Cependant, la valse-hésitation des Républicains s’explique moins par des considérations morales que par une appréciation tactique : si l’union des droites les effraie, c’est parce que leur parti n’est pas en position de force pour négocier. Henri Guaino le reconnaît : « Si on parlait d’un programme commun, il serait à 90% RN. Ce ne serait pas une union mais une absorption ! » L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rêve de voir renaître « un parti gaullo-bonapartiste », mais le problème dit-il, c’est qu’« il n’y a personne pour l’incarner ».

« Un cadeau empoisonné »

Le projet de réunion des droites françaises n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1960 avec l’Union pour la nouvelle République (UNR), ancêtre des Républicains, qui visait à rassembler les forces gaullistes et conservatrices. Six décennies plus tard, l’idée continue de hanter le microcosme, mais peine à se concrétiser. Pourtant, ça marche ailleurs : en Italie, en Croatie et en Finlande, les partis ont fini par s’allier pour gouverner. Qu’est-ce qui empêche la droite française d’en faire autant ? Nos institutions, répond en substance le politologue Dominique Reynié : « L’élection présidentielle est un cadeau empoisonné. Elle empêche tout compromis. Elle amène tous les acteurs à jouer leur partition seuls. Il n’y a plus d’esprit national[3]. »

Quant au RN, malgré le mépris affiché par Marine Le Pen pour cette alliance des droites, il est ouvert à des alliances locales, comme l’a montré en octobre le retrait de Stéphane Ravier (proche de Reconquête) en faveur d’un candidat LR à Marseille. Toutefois, Marine Le Pen continue de rejeter tout rapprochement avec LR qu’elle accuse de proximité avec Emmanuel Macron. Les récentes prises de position de Laurent Wauquiez ne la feront pas changer d’avis. Si elle était finalement empêchée de se présenter, le plan B du RN, B comme Bardella serait sans doute plus enclin à nouer des alliances.

Paradoxalement, c’est peut-être la cacophonie au sein des Républicains qui pourrait pousser certains d’entre eux, de guerre lasse, à se tourner vers leur droite (selon la géographie de l’Hémicycle). Le risque étant, sinon, que LR se retrouve dans la configuration inverse de celle de 2007, quand Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du FN. Si la droite refuse de prendre en charge les demandes de ses électeurs, il se pourrait que ce soit le RN qui siphonne les voix de LR. Un retournement de situation qu’affectionne l’histoire politique.


[1] Toujours selon l’IFOP pour VA, ce soutien atteint 82 % chez les sympathisants de LR, 91 % chez ceux du RN et 100 % chez les partisans de Reconquête. Plus étonnant, 41 % des électeurs Renaissance se déclarent aussi favorables à une telle coalition.

[2] Les sondages se suivent et se contredisent : selon Elabe pour BFMTV, 56 % des Français ne souhaitaient pas la censure du gouvernement au lendemain du discours de politique générale de Sébastien Lecornu. Mais selon CSA pour CNews, Europe1 et Le JDD, ils étaient 68 % à réclamer une présidentielle anticipée.

[3] Sur Radio Classique, le 17 octobre.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

Price: 21,90 €

19 used & new available from 6,78 €

Commémorations du 13-Novembre: une barbarie toujours recommencée

À Saint-Denis puis à Paris, un hommage a été rendu hier aux 132 victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015. En début de soirée, le président Emmanuel Macron a inauguré un jardin mémoriel (notre photo) sur la place Saint-Gervais, à proximité de l’Hôtel de Ville de la capitale. Il est temps de relever la tête, affirme Charles Rojzman. Il est temps de reconnaître que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de combattre l’islamisme qui s’enracine sur notre sol.


Le rituel se répète : gerbes déposées, visages fermés des autorités, discours calibrés, violons qui pleurent comme s’ils pleuraient pour nous, pour masquer l’essentiel. Les commémorations officielles des attentats du 13 novembre ressemblent de plus en plus à une liturgie républicaine sans foi, sans courage, sans vérité. Quelques minutes de silence, un dépôt de fleurs, et l’on se félicite d’avoir « tenu bon ».

Mais dans cette parole officielle, un mot se dérobe, un mot que l’on enfouit sous des euphémismes : l’islamisme.

Lente fatigue morale

Ce ne sont pas des « exclus », des « paumés », des « déséquilibrés » qui ont criblé Paris de balles et transformé des terrasses en morgue : ce sont des soldats d’une idéologie millénaire, patiemment nourrie, patiemment justifiée, patiemment importée.

On commémore, mais on ne nomme pas. On pleure, mais on ne comprend pas.
On s’incline, mais on ne se relève pas.

Comme si nommer l’islamisme constituait un blasphème dans une société qui préfère commémorer ses morts que protéger ses vivants. Comme si la République avait peur d’elle-même. Peur de rompre avec ses fictions, ses illusions d’un « vivre-ensemble » dont les plus lucides savent déjà qu’il n’existe que dans les brochures ministérielles.

C’est ici que commence le retour de la barbarie.

Non seulement dans les actes terroristes eux-mêmes — ils sont la pointe du glaive — mais dans ce renoncement préalable, dans cette lente fatigue morale qui consiste à éviter le mot juste, à diluer la réalité dans la compassion institutionnalisée.

Car les violences collectives issues du monde arabo-musulman ne surgissent jamais de manière soudaine. Elles ne sont ni des accidents de l’histoire ni des éclats imprévisibles. Elles sont patiemment préparées, longtemps à l’avance, dans le silence des frustrations accumulées, dans les replis amers des ressentiments communautaires. Elles germent dans les failles de sociétés fracturées, rongées de l’intérieur par la défiance, le mépris mutuel, la haine contenue.

Lorsque l’économie vacille, que les structures sociales se disloquent, que les élites perdent toute légitimité, les sociétés cherchent un point d’ancrage. Ce besoin d’identité devient obsessionnel. Et lorsqu’il n’est pas satisfait de manière saine — par l’éducation, la culture, le débat — il se pervertit : identités rigides, mythes simplificateurs, fabrication d’ennemis.

Régressions

On désigne l’hérétique, l’apostat, le riche, le Juif, l’Occidental, la femme trop libre, la laïcité. Peu importe la cible, ce qui compte, c’est la haine comme anesthésiant, comme certitude.

Ces révoltes ne sont pas les signes d’une avancée démocratique. Trop souvent, elles accouchent de régressions. Derrière la colère contre l’injustice se cache parfois une soif de soumission.

Les printemps arabes ont vu naître, après l’espoir, des automnes islamistes. L’histoire européenne a montré que la colère des peuples peut engendrer le fascisme.

Ces « révolutions » n’éveillent pas les consciences : elles les endorment. Elles rejettent l’autorité au nom de la liberté, mais pour mieux adorer ensuite un gourou, un Prophète de substitution, une Vérité révé­lée. Elles crient à l’émancipation tout en réclamant l’idéologie qui pense à leur place. Ce n’est pas un progrès : c’est une démission, une abdication, une régression spirituelle.

La haine est fille de l’humiliation. Mais elle devient poison lorsqu’elle se fait doctrine. Dans un monde désorienté, la pensée complotiste est une drogue douce: elle rassure, elle simplifie, elle déresponsabilise. Mais surtout, elle rend la violence légitime.

A lire aussi, Isabelle Marchandier: Ils n’auront pas notre haine?

Le fanatisme religieux n’a pas le monopole du mal. Le mal s’habille de toutes les couleurs : croix gammée, faucille, croissant. Les djihadistes invoquent le Coran comme les nazis invoquaient la Germanie éternelle. Boko Haram — « l’éducation occidentale est un péché » — ne dit rien d’autre que les Croisés exaltés ou les révolutionnaires de la Terreur : penser est un crime, la nuance une hérésie.

Ce n’est pas une lutte pour la justice : c’est une revanche contre la complexité, contre la liberté d’être autre. Une guerre contre les Lumières et la dignité humaine.

Frapper un policier, incendier une voiture, décapiter un enseignant, mitrailler une foule dans une fosse de théâtre ou sur des terrasses de café : voilà le visage moderne de la barbarie. Ce ne sont pas des actes de courage, mais de lâcheté.

Et que certains intellectuels les excusent au nom d’un antiracisme dévoyé est une trahison — la plus grande.

Meutes lâches

Le fanatique ne s’attaque jamais aux puissants réels : il vise les faibles, les isolés, les enseignants, les symboles. Il hait ce qu’il désire mais n’atteint pas : la liberté, la connaissance. Il agit en meute, comme les lâches. Son idéologie n’est qu’un alibi : ce qu’il aime, c’est détruire.

Et nous, durant ce temps, reculons. Nous hésitons à enseigner Voltaire. Nous craignons de nommer l’islamisme de peur d’être accusés d’islamophobie. Nous appelons « culture » des traditions qui justifient le viol ou l’excision. Nous transformons l’école en champ de bataille idéologique. Nous acceptons, au nom de la tolérance, l’intolérable.

La question de la barbarie est aussi est ici, chez nous : dans les rues d’Europe où l’on crie From the river to the sea sans comprendre que cette phrase signifie l’effacement d’un peuple. Dans les universités américaines où l’on célèbre le Hamas comme on célébrait jadis Che Guevara. Dans les plateaux télé où les journalistes, bardés de moraline, accusent Israël d’être ce qu’ils n’ont pas le courage de nommer ailleurs : un rempart.

Le 7 octobre n’a pas seulement révélé la barbarie des tueurs : il a révélé notre propre barbarie douce — celle du déni, du relativisme, de la lâcheté. Nous sommes devenus les clercs du renversement moral : ceux pour qui la culpabilité occidentale doit être payée par procuration. Et quoi de mieux, pour expier, que de désigner Israël comme le miroir de nos crimes ?

L’Europe, lassée d’elle-même, se lave les mains dans le sang juif. Elle retrouve, sans le savoir, la vieille jubilation des temps obscurs : accuser le Juif pour ne pas se regarder.

C’est là le secret obscène du progressisme contemporain : il hait le Juif en se croyant antiraciste, il justifie le meurtre en se croyant humaniste, il adore la victime quand elle tue au nom du Bien.

Nous sommes à la croisée des chemins. Ce que nous voyons n’est pas un simple accès de violence, mais une bascule. Une menace directe contre ce que l’humanité a mis des siècles à construire.

Le fanatisme avance parce que nous reculons. Il est fort de notre faiblesse, de nos renoncements, de notre peur d’affirmer que certaines valeurs valent mieux que d’autres.

La barbarie revient, mais pas en haillons : elle revient avec micros, réseaux, tribunes, soutiens universitaires. Elle infiltre l’école, les médias, les institutions. Et ceux qui devraient la combattre la justifient. Il est temps de relever la tête. Il est temps de dire que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de refuser. De combattre. Car le prix du silence est l’effondrement. Et le prix de la complaisance, la soumission. Le combat pour la civilisation n’est pas un luxe : il est vital. Le perdre, c’est condamner l’avenir.

La société malade

Price: 23,90 €

6 used & new available from 23,48 €

Les coups de règle de Mme Neveux contre les petits pains de M. Neuhoff

0

En 2020, Marine Turchi de Mediapart s’était tapé l’écoute de 96 heures (!) du « Masque et la Plume » pour faire la recension complète des propos sexistes tenus par les critiques de France inter. Tout le monde avait alors raillé la journaliste. Cette semaine, coup de théâtre: tout juste élu à l’Académie française, le terrible Éric Neuhoff ose qualifier la linguiste de gauche Julie Neveux de «petite instit bornée» dans la matinale de la radio publique. Et le respect ? comme disent les jeunes. C’est que cette dernière s’était précédemment émue de l’élection de M. Neuhoff dans les colonnes de Libération


Chère Madame Neveux, vous êtes parvenue à me rendre l’Académie française sympathique, alors qu’elle me laissait jusqu’à présent plutôt indifférent. Susciter contre elle la colère de tant de bonnes âmes la rend terriblement séduisante.

Neuhoff dans le pétrin

Vous avez gratifié Monsieur Neuhoff du terme de « boulanger » dans Libération[1], reprenant ses propres mots pour mieux le moquer[2]. Il vous a répondu à la radio en vous qualifiant de « petite instit bornée » [3]. Je regrette assez la violence de l’injure. La méchante estocade vous a permis de vous draper dans une posture de femme blessée. On vous répond un peu vertement, et c’est tout à la fois Simone de Beauvoir et Ferdinand de Saussure que l’on assassine. Mais passons. Après tout, nul ne peut juger de la sensibilité réelle des gens. Celui-là s’offensera d’un bonjour un peu sec quand une autre se portera la main sur le cœur, comme après un coup de revolver, d’être qualifiée d’institutrice bornée. Je vous vois déjà tomber au champ d’honneur de la recherche en linguistique. J’espère que la France s’en remettra…

A lire aussi: Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

Le souci, avec les violons des cœurs outragés, est que l’on en oublierait presque votre propre mépris, Madame Neveux. Cette tribune où vous vous moquez de l’écriture de Monsieur Neuhoff et à laquelle il se contente, ma foi, de répondre. Vous citez quelques phrases de l’écrivain, avant de conclure: « On ne sait qui souffre le plus, du personnage ou du lecteur. » Quelle pertinence dans l’analyse ! Linguiste, mais aussi critique émérite: votre bonne fée vous a donc pourvue de tous les dons. Quoique, à la lecture de vos remarques, si je puis me permettre, on comprend que ce n’est pas tout à fait l’usage de l’accent circonflexe dans les œuvres complètes de Monsieur Neuhoff qui vous chagrine tant. Surtout quand vous affirmez à son sujet, sans mépris aucun, n’est-ce pas: « La teneur en pensée du cinéma flirte avec le néant, aplatie qu’elle est par le sexisme crasse. » Il me semble là, si vous me permettez, que votre sens esthétique apparaisse furieusement politique. De linguiste, vous devenez critique, et de critique vous voilà Saint.e-Just.e !

Mais c’est surtout la conclusion de votre tribune qui ne peut que m’enchanter : « C’est une chose que de faire du français son outil de travail, c’en est une autre que d’en faire un objet d’étude. La première est un art, la seconde une science. Que l’Académie française s’occupe donc de distribuer ses médailles littéraires, mais, par pitié, qu’elle cesse de vouloir réguler la langue et nos usages. »

Le bon usage

Ah ! vous n’allez pas jusqu’à écrire « bande de manants », mais cela s’entend quand même bien fort après le point final ! Et cela serait admirable si votre courroux ne répondait qu’à un souci d’intégrité de votre noble discipline. Hélas, il suffit de se renseigner un peu sur vos propres interventions publiques pour entrevoir que le jour est sans doute finalement un tantinet plus pur que le fond de votre cœur. Quand, par exemple, dans un entretien pour Brut sur le point médian, vous qualifiez Vaugelas de « personnage sexiste », je me demande à quel concept linguistique vous faites précisément référence ? Et c’est là où l’on comprend que de linguiste qui prétend observer des faits de langue, vous aspirez à devenir prescriptrice. Si vous voulez la fin de l’Académie française, c’est simplement parce que vous souhaitez la remplacer. Vous brûlez d’orienter à votre tour le bon usage.

A lire aussi; Eric Neuhoff: «J’espère aussi pouvoir défendre le roman contre l’autofiction, à l’Académie française!»

Sauf que Vaugelas, que vous réduisez à une sorte de masculiniste excité de la chose grammaticale, avait du moins pour modèle Malherbe. Il croyait, avec le cardinal Bembo, qu’il cite dans sa préface, à une perfection idéale du style. On peut certes critiquer ces positions. Elles ne sont pas les miennes et je crois plus volontiers à la variété des grandes œuvres, avec Pic de la Mirandole. Mais c’était du moins une époque où la plupart des écrivains n’avaient pas déserté tout imaginaire linguistique. Leur écriture portait en elle une certaine idée de la langue. Et vous, Madame Neveux, de quel imaginaire vous réclamez-vous exactement pour prétendre influencer la pratique à travers une relecture politiquement orientée de l’histoire littéraire et grammaticale du français ?

Pour conclure, quiconque n’est pas de mauvaise foi comprend sans peine ce que Monsieur Neuhoff entendait par cette expression de « petite instit bornée ». Non le mépris des femmes universitaires en général, mais simplement votre propre mépris de classe. Celui qui vous fait regarder de haut toute personne qui ne détient pas votre savoir. Il vous fait vous adresser à vos interlocuteurs comme à des enfants à qui on doit faire la leçon.

Cette expression souligne aussi parfaitement votre volonté de légiférer la langue, mais sans le dire, cachée derrière votre Science, au nom d’une norme qui répond non à un idéal de beauté linguistique ou littéraire, mais au seul fantasme politique de moraliser la grammaire pour mieux moraliser les mœurs. Pour ma part, je défendrai toujours ceux qui rêvent la langue au nom de l’art, face à ceux qui la manipulent au nom de la politique.

Pentothal

Price: 19,90 €

18 used & new available from 3,51 €


[1] https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/eric-neuhoff-un-ecrivain-boulanger-dans-le-petrin-de-lacademie-francaise-20251109_ZB7KNMET5RHMPIQXB2SIWZB244

[2] «La langue française, c’est la farine du boulanger pour les écrivains. C’est à eux de s’en occuper. »

[3] https://www.youtube.com/watch?v=ab5pV-ITrBs

«J’espère aussi pouvoir défendre le roman contre l’autofiction, à l’Académie française!»

Éric Neuhoff, élu à l’Académie française


Âge de 69 ans, auteur notamment de La petite Française (1997) et Un bien fou (2001), il siègera au fauteuil de Gabriel de Broglie, essayiste et haut fonctionnaire décédé en janvier dernier. Florian Zeller, 46 ans, dramaturge, a également été élu ; il siègera à la place de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, décédée en août 2023. Un coup de jeune pour l’Académie ? C’est indéniable. Éric Neuhoff a bien voulu répondre à nos questions.


Contre l’écriture inclusive

Causeur. Que ressentez-vous après avoir été élu à l’Académie française ?

Éric Neuhoff. Surprise et fierté. Première phrase qui me soit venue à l’esprit : recomptez les bulletins !

Vous avez été élu au fauteuil de Gabriel de Broglie, essayiste et haut fonctionnaire ; le connaissiez-vous et que pensez-vous de lui ?

Je ne le connaissais pas personnellement, mais pour préparer mon discours je vais passer les prochains mois en sa compagnie et je vais devenir incollable sur le sujet.

Comme lui, défendrez-vous avec acharnement l’utilisation de la langue française et non pas de l’américain (il appréciait cependant la langue anglaise, ce qui doit vous plaire, vous, l’amoureux des Beatles !) ?

La langue française est une cour de récréation et un terrain de sport. Elle a ses plaisirs et ses lois. Je suis optimiste et je pense qu’elle est assez grande pour se défendre toute seule, grâce à sa beauté. Cependant, je me battrai de toute ma plume contre l’écriture inclusive qui me semble être un non-sens et une initiative aberrante qui complique et enlaidit ce qu’elle touche. Un dernier détail : je suis plus Rolling Stones que Beatles. Nobody’s perfect (en français dans le texte).

A lire aussi: Patrice Jean: «Je ne défends jamais d’idées réactionnaires»

En dehors de la défense de la langue française, quels seront vos autres chevaux de bataille ?

J’espère pouvoir défendre le roman contre l’autofiction qui me semble une des plaies contemporaines.

Comment s’est passée votre élection ? Postule-t-on à l’Académie française ? Ou est-on plus simplement proposé par des académiciens ?

Des amis – surtout un – m’ont sollicité. Il faut effectivement se présenter, envoyer une trentaine de lettres personnalisées, rendre quelques visites. Effectivement, on ne risque pas d’être élu si on ne s’est pas présenté.

Florian Zeller a été élu en même temps que vous. Ne pensez-vous pas que l’Académie, avec vos deux élections, prend “un coup de jeune” ?

Oui, en ce qui concerne Florian. De mon côté, la jeunesse me semble un souvenir, même si j’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup changé.

Vous aimez donc le rock. Pourriez-vous nous citer quelques groupes qui vous ont marqué ?

Les Stones, donc. On ne se refait pas, même si j’ai cessé d’aller les voir en concert. Patti Smith avant qu’elle ne se prenne pour la réincarnation de Rimbaud. Leonard Cohen même s’il ne s’agit pas de rock. Aujourd’hui, je leur préfère Sinatra.

Vos écrivains préférés ?

Déon, Fitzgerald, Hemingway, James Salter, Drieu La Rochelle, Pascal Jardin, Geneviève Dormann. Il y en a trop pour les citer tous.

Un nouveau livre en préparation ?

Deux: un roman, Cahors sous la pluie et un livre sur le cinéma et les années 70.

Pentothal

Price: 19,90 €

18 used & new available from 3,51 €

Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

0

Promis: avec son émission consacrée à la prétendue «dictature des bien-pensants», elle n’avait aucune idée en tête!


Le 5 novembre, le journaliste Tristan Waleckx se promettait de tout nous dire sur le wokisme dans l’émission hebdomadaire Complément d’enquête qu’il anime sur France 2. Plusieurs questions le tarabustent : « le “wokisme” est-il réellement un danger pour notre pays ? » ; les adversaires du wokisme ont-ils raison de parler de « dictature des bien-pensants ? » ; le wokisme « serait-il un “nouvel obscurantisme”, comme le qualifient certains hommes politiques ? » Ces questions trouveront rapidement leurs réponses. Dès les premières minutes de l’émission, le chemin est tout tracé et le téléspectateur comprend immédiatement ce que Tristan Waleckx va tenter de lui faire gober.

Thomas Jolly, l’audacieux

Cela commence avec… la cérémonie des JO de Paris, cet « événement qui a rendu fier tout un pays »grâce au « parti pris audacieux de son directeur artistique », Thomas Jolly. Celui-ci ne comprend pas les reproches qui lui ont été adressés. Il s’interroge : « Inclure l’ensemble des Français et Françaises, dans leur diversité, dans une cérémonie qui s’adresse à chacun et chacune d’entre eux et d’entre elles, qui a créé de l’unité, de la fierté nationale, c’est woke ? » M. Jolly ne se rend visiblement pas compte que cette phrase est un pur produit de l’idéologie qui a conçu, entre autres difformités, le verbiage « inclusif ». Sa cérémonie était imprégnée jusqu’au trognon de la même idéologie. Sans le savoir, Tristan Waleckx vend d’ailleurs la mèche lorsqu’il évoque l’abondante présence de « représentants queer », entre autres Nicky Doll, « la plus célèbre drag-queen française, animatrice d’une émission sur France Télévisions, une figure du mouvement LGBT qui défend les droits des minorités sexuelles ». Cette cérémonie n’était effectivement pas destinée à « l’ensemble des Français et Françaises » mais aux différentes « communautés » supposément discriminées qui furent majoritairement représentées dans ce lamentable spectacle.

Au député Julien Odoul qui confie n’avoir pas particulièrement apprécié la prestation d’Aya Nakamura avec la Garde républicaine, le journaliste rétorque : « Elle est quand même la chanteuse francophone la plus écoutée au monde. » Rectificatif : si Aya Nakamura est très écoutée dans le monde entier ce n’est sûrement pas parce qu’elle est une « chanteuse francophone » mais plutôt parce qu’elle est une chanteuse charabiaphone qui baragouine, sur des musiques électro-pop standardisées, des textes incompréhensibles, un salmigondis farci d’argot malien, de verlan français, anglais ou espagnol, d’expressions arabo-africaines à la mode dans les « quartiers », etc. Il y a quelques années, le député socialo-macroniste Rémy Rebeyrotte s’était extasié devant ce galimatias et voyait en Aya Nakamura une ambassadrice de la langue française parce que, disait-il, « elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue française ». On ne parlait pas encore d’interdire l’alcool à la buvette de l’Assemblée nationale ; pourtant…

Militants identitaires et wokisme pur

Bien entendu, les personnes qui ont critiqué cette cérémonie ne peuvent être que des « militants identitaires » de la pire espèce, des personnalités douteuses, intolérantes, homophobes et racistes. D’ailleurs, insiste le journaliste, un rapport récent[1] a mis en évidence les liens entre ces individus et différentes associations, dont une, « considérée comme très conservatrice », est financée par « le milliardaire catholique Pierre-Édouard Stérin ». L’initiateur de ce rapport, Neil Datta, est le directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, souligne le reportage qui omet toutefois de préciser, comme c’est bizarre, que ce Forum basé à Bruxelles est financé entre autres par la Commission européenne, la Gates Foundation et… l’Open Society Foundation de George Soros. Interviewé par France TV, Neil Datta livre une réflexion étonnante : « Auparavant, ils [les vilains détracteurs du wokisme] utilisaient “l’idéologie du genre”, ils s’en sont servis et ils ont bien utilisé cette notion d’idéologie du genre. Ça ne sert plus à grand-chose maintenant, les gens s’en lassent, donc tout l’ensemble de cette extrême droite a inventé cette notion de woke qui ne veut rien dire mais, en même temps, on comprend ce que cela veut dire. » Soit Neil Datta est un imbécile qui n’a strictement rien compris au wokisme, soit il fait semblant d’être un imbécile n’ayant strictement rien compris au wokisme pour noyer le poisson – dans ce cas, il fait ça très bien. Quoi qu’il en soit, nous lui recommandons de lire l’essai du philosophe Jean-François Braunstein La Religion woke, qui explique justement que « la théorie du genre est le cœur de la religion woke, la partie la plus originale mais aussi, en quelque sorte, le “produit d’appel”, par son absurdité décomplexée, et aussi par son mystère quasi théologique ». Pour plus d’informations, il pourra également compulser l’ouvrage intitulé Face à l’obscurantisme woke puisque celui-ci a pu paraître malgré la demande acharnée de censure du Grand Inquisiteur du Collège de France Patrick Boucheron qui fut aussi, il n’y a pas de hasard, l’un des co-scénaristes de la cérémonie des JO.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Najat Vallaud-Belkacem, la femme qui valait trois milliards

Le sujet de l’islamo-wokisme est ensuite abordé. « Que s’est-il passé à Lyon 2 ? Cette faculté est-elle tombée aux mains des wokes ? », demande Tristan Waleckx en relatant l’affaire Balanche, du nom de cet universitaire qui, parce qu’il avait approuvé l’interdiction d’une soirée consacrée à la rupture du jeûne du ramadan au sein de l’université, a été agressé pendant son cours par des individus masqués le traitant de sioniste et de raciste. Sur France TV, on se demande quand même, l’air de rien, si l’enseignant ne l’aurait pas un peu cherché : deux jours avant cette agression, Fabrice Balanche était effet interviewé sur… CNews, où il dénonçait l’islamo-gauchisme qui gangrène l’université française en général et Lyon 2 en particulier. Les islamo-gauchistes qui l’ont agressé ont posté leur méfait sur les réseaux sociaux. La vidéo, devenue « virale », a surtout été « reprise par des comptes comme celui du syndicat étudiant de droite, l’UNI, et ceux des sites d’extrême droite, Frontières et Boulevard Voltaire », tient à souligner, avec des frissons dans la voix, le journaliste. L’enquête progresse : il semblerait bien que cette affaire ait été montée en épingle par la droite nationale la plus rigide.

L’universitaire Xavier-Laurent Salvador, signataire d’une tribune dénonçant la mouvance islamo-wokiste dans les milieux universitaires et co-directeur de Face à l’obscurantisme woke, est interviewé. Il cite différents intitulés baroques ou nébuleux glanés dans les dizaines et dizaines de publications, de colloques, d’articles universitaires sur le genre, le queer, le racialisme, le décolonialisme, etc., qu’il a recensés en France pour le seul mois de février 2023. Pour contrecarrer ce témoignage, Complément d’enquête a mené « sa propre enquête » et, pour ce faire, s’est tourné vers Étienne Ollion, sociologue au CNRS. D’après celui-ci, Xavier-Laurent Salvador a utilisé une « logique de l’anecdote » au détriment de la « logique scientifique ». Heureusement, Étienne Ollion et son équipe ont lancé une « vaste étude » portant sur l’évolution des sciences sociales depuis 2001 et sont parvenus au résultat suivant : il n’y a guère plus de travaux sur le « genre » ou le « concept de race » en 2022 qu’en 2001. Curieux ! Pour comprendre ce tour de passe-passe, il suffit de lire Ce que le militantisme fait à la recherche (Tract Gallimard n° 29), ouvrage dans lequel la sociologue Nathalie Heinich rappelle un article du Monde citant l’étude d’un chercheur se faisant fort de démontrer, lui aussi, « statistiques et graphiques à l’appui », le très faible pourcentage depuis 2011 de certains termes – « décolonial », « intersectionnel », « racisé », « islamo-gauchisme » – dans les quatre moteurs de recherche universitaire les plus utilisés. Résultat stupéfiant : 0,01 % ! Mais… « il suffit d’ajouter à la liste quelques termes très fréquents dans ce type de travaux (tels que “genre”, “féminin”, “islamophobie”, etc.) et de prendre en compte d’autres sources (annonces de colloques, de journées d’étude, titres de séminaires, ateliers, etc.) pour arriver à un tout autre résultat: ces termes constituent plus de la moitié du corpus ainsi élargi », écrit Nathalie Heinich. Par ailleurs, ironise-t-elle, comment prendre au sérieux certains « experts » du CNRS, en particulier ceux qui défendirent la « géographe du genre » Rachele Borghi, victime, selon eux, « “d’attaques indignes”, malgré “une rigueur et une éthique scientifiques” ne faisant aucun doute pour “celles et ceux qui, depuis le début de sa carrière, ont réalisé des évaluations véritablement scientifiques de ses travaux” ». Et Nathalie Heinich de se demander qui a bien pu expertiser, sans éclater de rire, l’article « scientifique » de Mme Borghi intitulé « De l’espace genré à l’espace queerisé », dans lequel la géographe affirme d’abord que « l’espace public est conçu, géré et modelé sur la base d’une conception dualiste rigide: homme-femme, licite-illicite, homosexuel-hétérosexuel », et conclut ensuite que « la géographie de la sexualité, définie comme branche de la géographie, peut contribuer de manière importante au dévoilement des normes et des structures de pouvoir qui oppriment et excluent de l’espace public les dissident.e.s sexue.le.s ». Présupposé délirant, remise en cause pseudo-foucaldienne des « normes et des structures de pouvoir », militantisme néo-féministe et pro-LGBT, écriture inclusive – bref, du wokisme à l’état pur…

Jean-Michel Blanquer, le sage

À la fin de l’émission, Tristan Waleckx reçoit Jean-Michel Blanquer. Celui-ci est présenté comme « l’un des tout premiers à avoir utilisé en France le mot et le concept de wokisme ». Nous devons rectifier cette assertion : s’il est vrai que, depuis qu’il a quitté le ministère de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer n’a pas manqué de dénoncer les dérives wokes, de nombreux universitaires, journalistes et représentants politiques l’ont devancé dans le combat contre le wokisme. Par ailleurs, la circulaire Blanquer de septembre 2021 – « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire » – contredit l’idée que le ministre ait été parmi les premiers à s’opposer à l’idéologie woke, en particulier à la théorie du genre. Cette circulaire entérinait en effet les revendications d’associations transgenres: possibilité pour l’élève de se déclarer du sexe de son choix, de changer de prénom, de bénéficier d’aménagements particuliers pour l’utilisation des toilettes et des vestiaires, de jouir d’un traitement individualisé et, bien sûr, d’une bienveillance sans limite de la part du « personnel éducatif » et des élèves auxquels devaient être proposées des sessions de sensibilisation (c’est-à-dire de rééducation) sur le sujet[2]. Il n’est pas impossible que cette circulaire ait été concoctée dans le dos du ministre, sous la férule de hauts fonctionnaires indéboulonnables suivant à la lettre l’agenda européiste de rééducation de la population, tant en ce qui concerne les questions de sexualité et de genre qu’en ce qui concerne les questions d’écologie ou d’éducation aux médias. Il n’empêche: la signature de M. Blanquer au bas de ce document consternant restera comme l’illustration de sa soumission à l’idéologie transgenre au moment où il aurait dû, au contraire, faire montre de conviction et d’autorité et renvoyer dans leurs cordes les idéologues de la rue de Grenelle.

A lire aussi, du même auteur: Quand Jean-Noël Barrot loue l’immigration africaine

Tristan Waleckx a, depuis le début de son émission, une idée en tête. Il pose par conséquent à Jean-Michel Blanquer une question qui n’est pas une question mais un sous-entendu courant chez les journalistes de l’audiovisuel public : « Le fait d’avoir popularisé le mot woke, ça a permis à l’extrême droite d’imposer un concept dans le débat public ? » Quelques minutes plus tard, après avoir montré un graphique où il apparaît que l’expression « islamo-gauchisme » a été entendue dix à vingt fois plus « sur CNews, la chaîne de Vincent Bolloré » que sur les autres chaînes d’info, le journaliste, toujours aussi lourdingue, interroge faussement l’ex-ministre : « Ça veut dire quelque chose ? » Et lorsque ce dernier affirme que, CNews ou pas, « l’islamo-gauchisme existe », le journaliste sort ce qu’il croit être sa carte maîtresse :« C’est un concept qui est quand même contesté par le CNRS qui est un institut sérieux (sic – voir ci-dessus) expliquant que “l’islamo-gauchisme est un slogan politique ne correspondant à aucune réalité scientifique” » et par des présidents d’universités déclarant que « l’islamo-gauchisme est une pseudo-notion qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de CNews, plus largement à l’extrême droite ». L’argumentation tourne court. Au passage, on remarquera qu’en ce moment, qu’il s’agisse du wokisme, de l’islamo-gauchisme ou de l’écologisme, les gourous de ces nouvelles religions n’ont qu’un mot à la bouche, le mot « science », mot-amulette, mot-talisman, mot magique ayant pour but d’empêcher justement toute démarche scientifique, laquelle ne peut se passer de réflexion critique et de controverses.

Nul besoin, je crois, de préciser l’objectif de cette émission. Le procédé pour y parvenir, grossier, est celui qu’utilisent régulièrement les journalistes bien-pensants du service public. Ce « Complément d’enquête » corrobore les déclarations de Delphine Ernotte, la présidente de France TV ayant avoué que l’audiovisuel public n’était pas là pour montrer la France telle qu’elle est mais telle que la caste médiatico-progressiste aimerait qu’elle soit. De ce côté-là, on peut dire que Tristan Waleckx a parfaitement rempli sa mission…

La religion woke

Price: 9,50 €

10 used & new available from 5,48 €

Face à l'obscurantisme woke

Price: 22,00 €

17 used & new available from 17,48 €

Tracts (N°29) - Ce que le militantisme fait à la recherche

Price: 3,49 €

1 used & new available from 3,49 €

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €


[1] La prochaine vague : comment l’extrémisme religieux regagne le pouvoir. L’extrémisme religieux en question est bien entendu l’extrémisme… catholique qui, comme chacun sait, ravage l’Europe en ce moment.

[2] Pour plus d’informations sur cette position catastrophique du ministre Jean-Michel Blanquer vis-à-vis des revendications émanant de différents organes politiques et associatifs promouvant l’idéologie sur le genre, je renvoie à mon article du 16 octobre 2021 : https://www.causeur.fr/vallaud-belkacem-blanquer-meme-combat-215169

Macron debout devant Poutine et couché devant Tebboune

0

La grâce de Boualem Sansal ne solde pas notre lourd contentieux avec l’Algérie


C’est hier soir que l’avion officiel affrété par l’Allemagne a atterri à Berlin. À son bord, Boualem Sansal, enfin libéré de sa geôle d’Alger où il était emprisonné depuis le 16 novembre 2024 pour de simples faits d’opinion. Suite à l’intervention du président de la République fédérale Frank-Walter Steinmeier, l’écrivain dissident, âgé de 81 ans, a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune pour motifs « humanitaires ».

Sansal, qui souffre d’un cancer, a été dès son arrivée admis dans un hôpital berlinois, où il pourra bénéficier de soins dignes de ce nom. Qu’il soit permis à l’auteur des lignes d’en pleurer de joie. L’écrivain est un ami de Causeur. Et le système de santé algérien, auquel il avait accès depuis son arrestation, est calamiteux. La preuve : les présidents de ce pays autoritaire et corrompu – et pourtant si riche de son pétrole et de son gaz – préfèrent systématiquement consulter des médecins en Europe quand ils souffrent de maladies graves.

Emmanuel Macron peut à bon droit se féliciter de la « mission de bons offices » effectuée par son homologue allemand, qui lui a permis d’obtenir l’élargissement de Sansal sans avoir à principalement remercier Tebboune, dont la politique reste de toute évidence résolument hostile à la France.

A lire aussi: Compromissions cairotes

Curieusement pourtant, l’Élysée a fait savoir hier que les conditions étaient à présent réunies pour « renouer le dialogue »avec le régime algérien. Alors que celui-ci continue de refuser ses citoyens expulsés de France, maintient toujours en détention le journaliste Christophe Gleizes et est soupçonné par la justice d’être impliqué dans l’enlèvement d’Amir DZ, un opposant algérien réfugié dans notre pays…

« Le bras de fer ne fonctionne pas, c’est clair », a même osé glisser un proche du président français, pour suggérer que le calvaire de Sansal aurait été abrégé plus tôt si Bruno Retailleau n’avait pas fait preuve de détermination vis-à-vis d’Alger dans le dossier des OQTF quand il était Place Beauvau et si le RN n’avait pas fait voter à l’Assemblée nationale le 30 octobre une résolution visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968. Syllogisme typiquement macronien ! La stratégie de lèche-babouches de l’Élysée et du quai d’Orsay n’a pas mieux fonctionné que la fermeté affichée du patron des LR.

Il n’est pas question ici de discuter de la sincérité et de la résolution du chef de l’État dans l’affaire Sansal, ni davantage dans le contentieux du Sahara occidental (dans lequel il a pris le parti du Maroc l’année dernière). Mais simplement de souligner son hypocrisie, aussi humiliante que contre-productive. Macron feint de ne pas voir que, de toute manière, les Algériens ont décidé de punir la France. Sa comédie ne fait que renforcer leur mépris. « On n’obtient rien en se fâchant avec ceux qu’on sollicite », a indiqué hier un conseiller de l’Élysée. On n’obtient rien non plus en leur lâchant tout.

Vivre: Le compte à rebours

Price: 9,00 €

12 used & new available from 5,01 €

Le village de l'Allemand ou Le journal des frères Schiller

Price: 9,50 €

21 used & new available from 9,40 €

Ils n’auront pas notre haine?

13-Novembre. Les commémorations et les nombreuses émissions proposées dans les médias entendaient à tout prix mettre de côté les «mauvais» sentiments, observe notre contributrice. Mais, on ne vainc pas l’islamisme conquérant, pas plus qu’on ne rend justice, autour d’un «groupe de parole».


Cette semaine, C ce soir a logiquement consacré l’une de ses émissions quotidiennes aux attentats du 13 novembre 2015. Sur le plateau : l’ancien président devenu député socialiste François Hollande, Gaëlle, victime du Bataclan défigurée à vie, Aurélie Silvestre, dont le compagnon et père de ses deux enfants a été assassiné, l’historien Denis Peschanski, codirecteur du Programme 13-Novembre, et Jean-Xavier Delestrade, réalisateur de la série Les Vivants, diffusée cette semaine sur France 2.

Islamiste, ce mot si difficile à prononcer

Les victimes sont mises en avant, à juste titre : on parle de leur souffrance, de celle de leurs proches, des blessures visibles et de celles qui ne le sont pas, de la reconstruction, de la transmission du souvenir aux jeunes générations.

Mais les auteurs, eux, disparaissent du récit. François Hollande prononce bien le mot « islamiste », prudemment, deux ou trois fois, mais personne ne s’y arrête. Et lorsqu’il cite les attaques qui ont précédé le 13-Novembre (Merah, Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher), il ne précise même plus la nature de ce terrorisme. Comme si tout cela relevait désormais d’une malédiction sans visage, d’un mal abstrait, dépolitisé.

L’émission préfère explorer le thème de la guérison, du dialogue, et la fameuse « justice restaurative » : cette approche de la réparation plutôt que de la punition, introduite par la loi Taubira du 15 août 2014 pour les délits de droit commun. Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos djihadistes du 13 novembre, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, a fait savoir par la voix de son avocate qu’il était partant. Oui, partant ! Dans une « démarche restaurative », il souhaite rencontrer certaines victimes.

On cauchemarde. Celui qui, durant son procès, revendiquait son statut de « combattant de l’État islamique », invoquait Allah et le prophète, continue aujourd’hui à consulter en prison des contenus de propagande islamiste sur une clé USB. Et le voilà qui veut participer à un programme de justice restaurative. Restaurer quoi, au juste ? Le lien social ? La confiance ? La paix civile ? Il n’en a probablement rien à faire. Peut-être cherche-t-il simplement à profiter des failles du droit pour continuer à hanter ses victimes sous un vernis humaniste.

Bonjour le groupe de parole !

Comme l’a justement rappelé Riss, directeur de Charlie Hebdo, en réaction à la demande d’Abdeslam : on ne « restaure » pas le lien social avec ceux qui ont voulu le détruire. La justice n’est pas un groupe de parole. Pendant l’émission, la question de la compatibilité entre justice restaurative et terrorisme n’a pas été posée. Trop dérangeante, sans doute.

On préfère s’émouvoir du témoignage de Gaëlle, rescapée du Bataclan défigurée à vie, qui a choisi de rencontrer un terroriste en prison. Cette même victime avait déjà été mise en avant dans Envoyé Spécial par Élise Lucet, une journaliste toujours prompte à transformer l’émotion en leçons de morale. Gaëlle raconte qu’elle est « dénuée de haine », que la colère la paralyse. C’est bien son droit. Et nos médias adorent ce mantra devenu injonction : « Vous n’aurez pas ma haine » – comme l’écrivait Antoine Leiris, qui avait perdu son épouse au Bataclan, auteur du livre éponyme.

C’est que la haine, aujourd’hui, est devenue un mot tabou, presque indécent, un mot des plus sales, un mot quasiment inaudible, presque barbare. Comme si haïr ceux qui veulent notre mort faisait de nous des barbares, ou pire : des électeurs du Rassemblement national. Seule compte l’empathie bien légitime avec les victimes et leurs proches, mais la colère elle est exclue, perçue comme une anomalie. 

Pourtant, peut-il vraiment y avoir une joue tendue, une rédemption possible, avec ceux qui ont voulu exterminer des innocents au nom d’Allah, avec ceux qui ont répondu à l’appel de Daesh de cibler « les méchants et sales Français » ? Ce choix médiatique de se focaliser sur la souffrance et la mémoire n’est pas anodin. Il évite soigneusement de poser la question politique : quel bilan dix ans après ? Que n’avons-nous pas voulu voir ?

Le laxisme migratoire continue

Lors du procès des attentats, François Hollande lui-même a reconnu qu’en 2015, le pouvoir savait que la filière d’immigration syrienne servait de porte d’entrée à des terroristes. Il savait, et il n’a rien fait ? Dix ans plus tard, les frontières sont restées poreuses, et la menace islamiste, elle, n’a pas reculé.

En octobre 2025, trois jeunes femmes radicalisées ont été écrouées à Paris pour préparation d’attentat. Le sixième projet islamiste déjoué depuis le début de l’année. Le discours djihadiste se diffuse toujours sur les réseaux sociaux, aux abords de certaines mosquées, et dans de nombreuses associations sportives à visée séparatiste. Et dans les écoles, on n’ose même plus parler de la hausse des atteintes à la laïcité.

Alors oui, on a le droit de haïr les terroristes islamistes. Les haïr, c’est affirmer qu’il existe des choses qui ne se réparent pas, ne se comprennent pas, ne se pardonnent pas. Les haïr, c’est rappeler que la justice n’est pas une thérapie collective, mais une frontière morale. Et qu’à force de confondre empathie et faiblesse, nous finirons peut-être par ne plus savoir ce que nous devons protéger.

Faire face. Les Français et les attentats du 13 novembre 2015

Price: 22,00 €

11 used & new available from 18,96 €

«La Walkyrie» à l’Opéra de Paris: Wagner trahi!

0
"La Walkyrie" à l'Opéra Bastille 2025 © Herwig Prammer / Opéra national de Paris

Une distribution exceptionnelle, une réalisation scénique navrante d’insignifiance : à l’Opéra de Paris la médiocrité de la mise en scène de La Walkyrie profane l’éblouissante prestation vocale des interprètes.


Mais de quelle rage souffrent donc les metteurs en scène engagés par l’Opéra de Paris pour s’emparer des ouvrages wagnériens afin de les saccager sans scrupules, de dénaturer l’essence même des livrets et des partitions, de ridiculiser ou de trahir leurs personnages, de gommer systématiquement, ici le merveilleux chrétien, là le souffle des mythes germaniques, de conduire enfin le spectateur à devoir fermer les yeux pour ne pas avoir à subir tant d’imbécillités et d’incohérences accumulées ?  

Qui sont-ils ces tâcherons galonnés se faisant les dents sur un Wagner qu’ils paraissent haïr en demeurant imperméables à sa musique, qui doivent se penser audacieux et iconoclastes quand ils ne sont que pitoyables et ridicules ? Qui n’ont le plus souvent ni le talent, ni l’envergure intellectuelle pour incarner les révolutionnaires qu’ils aimeraient tant être ?

Les faux prophètes

Saison après saison, l’Opéra de Paris semble s’être fait une spécialité de ces faux prophètes qui semblent n’avoir pris connaissance des ouvrages dont ils ont la charge qu’au moment de la commande. Parsifal, Lohengrin, une précédente et calamiteuse production de la Tétralogie, et tout récemment encore L’Or du Rhin en ont été les victimes expiatoires. Sous couvert de visions apocalyptiques ou de lectures politiques qui sont depuis longtemps la tarte à la crème des ennemis jurés du wagnérisme, on accumule les clichés en vogue dans leur monde semi cultivé. On avance, pour justifier les réalisations les plus horripilantes, des arguments de notaires voltairiens ou d’histrions marxistes afin de ne servir jamais que les propres obsessions des metteurs en scène, et cela à grand renfort de professions de foi messianiques.   

Ce qui est sûr, c’est que la plupart d’entre eux paraissent ne rien comprendre à l’univers wagnérien et trahissent allégrement la musique. Il ne faut effectivement pas se bercer d’illusions sur leur savoir artistique et musical. Bien souvent, ils n’ont construit leur identité que par l’outrance ou la dérision. Et leur analyse sur des idées fumeuses, mais qui ont l’heur d’être dans l’esprit du temps.

Ils semblent n’apprendre à connaître les ouvrages qu’ils vont devoir mettre en scène qu’au moment où on a la faiblesse de leur en passer commande. Et faute de s’être pénétrés durant des années d’une musique qui n’aura jamais mûri en eux, ils n’en offrent le plus souvent qu’une écoute immédiate, superficielle et convenue. Ils ne sont en réalité que les thuriféraires d’un nouvel académisme où le concept foireux ne fait rien d’autre que de remplacer les peaux de bête des héros barbus d’autrefois et les casques ailés de plantureuses walkyries.

Bancale, incohérente, anecdotique

Avoir commandé la réalisation scénique de l’ensemble du Ring à l’Espagnol Calixto Bieito qui avait à peu près réussi une mise en scène de Carmen en 2017, c’est un peu comme si l’on avait donné la direction d’un restaurant étoilé à une ménagère sévillane sachant réussir un gazpacho andaluz.

A lire aussi: Tant qu’il y aura des films

Sa mise en scène de La Walkyrie ne mérite pas qu’on s’y attarde longtemps. Elle est trop bancale, trop incohérente, trop anecdotique. Ennuyeuse et sotte en deux mots, mais de cette sottise savantasse qu’on porte haut et fier en se donnant le sentiment d’enrichir l’univers wagnérien de conceptions radicalement nouvelles. Déjà la mise en scène de L’Or du Rhin, et en plus lourdingue encore, portait toutes les incongruités dont on est accablé dans La Walkyrie. Ce décor énorme et sans grandeur, ces masques à gaz, ces bonbonnes d’oxygène et ces tuyaux hideux qui prétendent dénoncer une apocalypse à venir ou déjà survenue : ce n’est même plus révoltant, car on peut avoir vu pire encore, mais cela végète à un niveau dérisoire de déjà vu cent fois. 

Entre martien égaré et grenouille verte

A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, magnifique d’homogénéité, Pablo Heras-Casado est parfaitement éloquent dans les registres du lyrisme ou de la tendresse. Curieusement, toutefois, au cours des pages les plus épiques de La Walkyrie, la noire tempête du prologue, l’angoissante approche de Hunding au deuxième acte ou la folle chevauchée des filles de Wotan, il manque singulièrement de souffle et de puissance. Curieusement, parce qu’on ne peut imaginer qu’une telle puissance dramatique ne puisse fouetter davantage le sang d’un chef d’orchestre talentueux.

Les artistes lyriques ont-ils conscience de ce que l’on leur fait faire en tant qu’acteurs ? S’il est difficile de les imaginer se sortant indemnes d’une production qui accumule les clichés, les contorsions inutiles, cette vaine et perpétuelle agitation derrière laquelle un metteur en scène croit pouvoir masquer son impuissance, il est plus douloureux encore de voir les rôles féminins, les trois principaux surtout, desservis par des costumes pensés et voulus laids, alors que celles qui en  sont affublées déploient des voix magnifiques : Sieglinde en gros godillots et robe informe de ménagère allemande pauvre, Brünnhilde sous une énorme crinoline couleur saphir, puis dans des collants qui n’occultent rien de ses proportions hors-normes, Fricka en Belphégor de feuilleton et en tunique bleu électrique, alors que les huit walkyries, avec leurs tenues et leurs masques à loupiottes couleur d’absinthe, tiennent à la fois du martien égaré et de la grenouille verte.

Photo: Herwig Prammer / OnP

Des voix somptueuses

Il n’était pas nécessaire d’imposer à la Brünnhilde de Tamara Wilson cet air de bonne grosse fille un peu simple qui la fait ressembler à Bécassine débarquant chez Madame de Grand-Air, alors que le livret la chante en héroïne sublime. Ni de lui imposer une sourde confrontation avec Siegmund évoquant une lutte entre sumos. Ni de camper la Sieglinde d’Elza van den Heever tenant en joue un Siegmund tout pantelant avec une méfiance haineuse de fermière texane suprémaciste face au métèque de passage. Ce sont des gadgets imbéciles qui ne font que confirmer le manque d’ampleur des concepteurs de la mise-en-scène. Cependant, l’interprète de Hunding, Günther Groissböck, se révèle être un remarquable acteur, sans qu’on sache s’il doit cela à son seul talent ou à une subite lueur apparue dans le cerveau du démiurge. Son personnage fascisant est terriblement inquiétant tout autant que misérable. Et l’une des rares facettes intéressantes de la mise en scène est la façon appuyée dont on dénonce la violence faite aux femmes : violence physique de Hunding s’exerçant sur Sieglinde, mais aussi violence arbitraire du maître suprême, Wotan, sur sa fille préférée. Il est vrai que c’est dans l’air du temps et que ce n’est peut-être là que pour se montrer politiquement correct. Toutefois cette violence confère à la mise en scène quelque chose de sombre et de désespérant qui confère plus de poids encore à la détresse de Sieglinde avant qu’elle ne rencontre Siegmund, son frère et amant, puis à celle de Brünnhilde que son père veut punir en livrant son corps de vierge combattante au premier venu.

Uniformément magnifiques de bout en bout de l’ouvrage, Elza van den Heever et Tamara Wilson parviennent au sublime. L’une au moment où Sieglinde se sépare de cette sœur inconnue qui l’a sauvée, l’autre quand Brünnhilde, d’un dernier cri déchirant, parvient à infléchir Wotan. Ce dernier, interprété superbement ce soir de première par Christopher Maltman, est aussi victime d’une direction d’acteur qui ne grandit pas le personnage. Il sera malheureusement remplacé lors des autres représentations par le titulaire du rôle, Iain Paterson, qui n’a guère brillé dans L’Or du Rhin.

Face à Sieglinde, à Hunding, à Brünnhilde, le Siegmund de Stanislas de Barbeyrac est d’une vaillance sans faille. Même s’il mériterait que s’affine encore son jeu théâtral, sa voix admirable, puissante et douce, module aussi bien la détresse absolue que la félicité fugace, le courage autant que la tendresse. Il rejoint l’héroïque cohorte des grands interprètes du plus beau et du plus attachant des personnages du Ring.

La Walkyrie. Opéra de Paris-Bastille. Jusqu’au 30 novembre 2025

Vive le gras!

0
© Rina Nurra, Flammarion

Marion Chatelain signe un livre de recettes voluptueux: une véritable ode au bon gras ! Des charcuteries d’apéro aux desserts beurrés en passant par les bouillons, plats en sauce et feuilletés… ses textes et photos ouvrent furieusement l’appétit.


« On n’est pas sur le chemin de la minceur », dit Micheline à Maïté dans « La Cuisine des mousquetaires » lorsqu’il s’agit de détailler les ingrédients du gratin landais… Mais une chose est sûre, en lisant Le gras c’est la vie !, on est sur le chemin de la volupté. Marion Chatelain connaît son rayon : cette designer et créatrice d’événements culinaires sait transmettre sa passion pour la bonne chère. Et son livre fourmille de remarques, d’anecdotes, de rencontres et de recettes savoureuses.

Un pilier du goût

Pour elle, le « gras de terroir » est un pilier de l’architecture du goût ; il est donc indispensable au palais et présent dans l’histoire de chacun. « Mon obsession et ma fascination pour le(s) gras sont nées entre la Normandie, la Beauce et le Doubs, entre le jus gras de la saucisse de Morteau qui se mêlait à la purée et les cerises au kirsch jetées dans le beurre par ma grand-mère paternelle, entre les quartiers de citron pressés dans le beurre noisette de la raie rôtie et la crème double, bien jaune, qui fondait sur la tarte aux pommes encore brûlante de ma grand-mère maternelle, sans oublier la teurgoule au lait cru qui patientait, encore et encore, dans son four tiède. »

A lire aussi: Hugo Jacomet, l’homme qui nous invite à être élégants

Cette randonnée (très) gourmande nous mène chez des charcutiers, des fromagers, des éleveurs, des agriculteurs… leur point commun, au-delà d’incarner un pan fondamental de notre patrimoine vivant, est que le fruit de leur travail se retrouve dans nos poêles, casseroles et marmites à côtoyer beurre, crème, graisses végétale ou animale afin de fondre, dorer et crépiter pour révéler toutes leurs saveurs.

Subtil

Les recettes confectionnées par Marion Chatelain et admirablement photographiées se comptent par dizaines. Impossible de rester insensible face à ses bocaux de rillettes de canard, à ses gaufres au sarrasin et œuf mollet, à son os à moelle gratiné, à sa Morteau briochée, ses bouchées « cochonnes » nappées de sauce au vin blanc crémée…

Les asperges sont frites façon tempura, les Saint-Jacques sont colorées au beurre, les ravioles de crevettes se marient à une crème infusée au lard fumé, le bretzel révèle un cœur de fromage coulant, le camembert est rôti au calva… Quant aux desserts, à vous de les découvrir.

Loin, très loin du gros gras qui tache, ces recettes se distinguent par la subtilité des goûts associés, par la finesse des légumes et des herbes ciselées, par l’équilibre des textures complémentaires. Au fil des pages, et des bouchées, on est convaincu que le gras mérite d’être considéré comme le « 6e goût », au même titre que le sucré, le salé, l’acide, l’amer et l’umami. On apprend d’ailleurs que des chercheurs lui ont trouvé un nom sérieux : oleogustus (du latin oleo, huileux, et gustus, goût). De quoi inspirer de nouveaux chapitres et de nourrir de futures régalades.

Le gras c’est la vie !, Marion Chatelain, Flammarion, 2025. 192 pages

Le gras, c'est la vie !

Price: 29,90 €

17 used & new available from 22,33 €

Mbappé: entre primes et déprime

0
La superstar de l'Equipe de France a marqué deux buts face à l'Ukraine au Parc des Princes, hier soir à Paris © Gabrielle CEZARD/SIPA

Kylian Mbappé et le PSG ont rendez-vous aux prud’hommes de Paris lundi prochain


On se souvient qu’un professeur de français avait utilisé le nom de Mbappé pour par procédé mnémotechnique enseigner à ses élèves une règle d’orthographe : il ne faut jamais un N mais toujours un M devant M, B et P, les trois consonnes de Mbappé. Ce professeur de lettres s’en est tiré à bon compte, le joueur ne lui a réclamé aucun droit d’auteur. Car avec les chiffres Kylian Mbappé jongle aussi facilement qu’avec un ballon, toujours à l’affût pour faire fructifier son compte en banque.

Aujourd’hui il attaque son ancien employeur, le PSG, et multiplie les actions devant les Prud’hommes. Aurait-il été victime de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral, motifs qui font l’ordinaire du Conseil prud’hommal ? Non pas. Au menu, il y a une soupe, dans laquelle le joueur crache, et des salades où le club a mis trop de vinaigre.

A lire aussi: Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

Flash-Back. Lors de la saison 23/24, pour qu’il prolonge son contrat afin de le revendre à prix d’or au Real Madrid (alors contraint de racheter le dit contrat), le PSG avait promis à Mbappé une ribambelle de primes (liées à l’éthique, aux résultats, à la pluie et au beau temps… primes qui ont surtout l’avantage ne de pas être soumises aux cotisations sociales…). Le joueur avait évidemment accepté, mais au final il n’a pas prolongé son contrat et il est parti au Real sans que le PSG touche un euro. Du coup le PSG n’a pas versé les primes.

D’où la déprime de Mbappé : il estime que le PSG n’a pas tenu parole, alors que le club soutient que le joueur n’a pas honoré ses engagements. Sur la forme, c’est une querelle d’épiciers, des calculs de maquignons, une bagarre de chiffonniers, mais vu les fonds en jeu, entre le joueur, multimillionnaire, et le PSG, propriété de l’émir du Qatar, c’est un problème de riches, un bras de fer en or. Si au début du feuilleton Mbappé réclamait 55 millions, lors du dernier épisode (diffusé le 17 novembre, lors d’une nouvelle audience devant le Conseil prud’hommal) il en exigerait maintenant 264 ! Ce ne sont pas les Prud’hommes qui devraient être saisis, mais le FMI, le Fonds Monétaire International.

Si d’aventure Kylian Mbappé obtenait (gros) gain de cause, il pourrait s’acheter un Ballon d’Or, récompense après laquelle il court depuis des années, un ballon en or… massif.

L’union, combien de divisions?

0
Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, après leur entrevue avec Emmanuel Macron, à l’Élysée, 10 octobre 2025 © J.E.E/SIPA

Faire alliance avec le RN n’est plus un tabou. Certains ont franchi le pas avec Éric Ciotti, d’autres l’espèrent tel Éric Zemmour, mais chez les Républicains, déjà divisés par une guerre des chefs, une coalition avec Marine Le Pen est loin de faire l’unanimité. Une majorité de Français se dit pourtant favorable à un bloc de droite.


C’est l’Arlésienne de la politique française. L’union des droites, tout le monde en parle, mais on ne la voit jamais. Il faut dire qu’à l’exception notable d’Éric Zemmour, la plupart des dirigeants concernés n’en veulent toujours pas, malgré la séquence politique qui a sidéré les Français, fait ricaner à l’étranger et consterné économistes et chefs d’entreprise. L’implosion du gouvernement Lecornu I, résultat d’une bataille d’égos plus que de divergences idéologiques, a révélé la fragilité existentielle des LR. Pourtant, nombre de Républicains continuent d’exclure tout rapprochement avec le RN qu’ils feignent de confondre avec le FN. Il est vrai aussi que Marine Le Pen qualifie cette union de « fantasme réducteur ». En attendant, pour 55 % des électeurs LR, l’union est la seule voie susceptible de mener la droite au pouvoir : de LR au RN en passant par l’UDR et Reconquête, aucun n’a les reins suffisamment solides pour y parvenir en solitaire. La gauche socialiste et les Insoumis se délectent de voir le camp adverse incapable de s’unir. Eux qui n’hésitent pas à mêler leurs voix pour gagner des sièges guettent avec gourmandise les échéances de 2027 en se disant qu’avec pareille droite, le pouvoir est à portée de main. À moins que, comme l’observe Marianne, on assiste plutôt à « la fin d’un tabou » et à l’avènement d’un « front identitaire » en lieu et place du moribond front républicain. 

« Irresponsable »

Les LR sont plus divisés que jamais. Et pas franchement sur des questions doctrinales. Le chef du parti, Bruno Retailleau, a du mal à « cheffer », comme aurait dit Chirac – son véto à toute participation au gouvernement Lecornu II n’a pas empêché plusieurs de ses lieutenants d’accepter un ministère. Quant à Laurent Wauquiez, le chef du groupe à l’Assemblée, il prend le contrepied de son rival. Ainsi a-t-il opéré un tête-à-queue sur la réforme des retraites avec une facilité déconcertante. « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement, c’est irresponsable », disait-il en janvier dernier. En mai, il appelait les Républicains à « ne pas se diluer dans le macronisme ». Depuis que Bruno Retailleau a quitté le gouvernement, il est farouchement opposé à la censure. À la mi-octobre, il a refusé de voter la motion de censure du RN. « Nous nous engageons à des compromis nécessaires pour que les lois indispensables soient adoptées, pour que la France ne soit pas bloquée », s’est-il justifié. D’autres dirigeants y sont favorables comme David Lisnard. D’ailleurs, Alexandra Martin, la seule députée LR (Alpes-Maritimes) à avoir voté les motions de censure RN/UDR et LFI, est l’une de ses proches. « Si j’étais député, j’aurais voté la censure », affirme François-Xavier Bellamy, député européen LR. Florence Portelli, maire LR de Taverny, déclare la même chose, tout en déplorant ces « divisions ». « Il y a un clivage entre le parti (les militants et les fédérations) et les parlementaires qui considèrent qu’il fallait donner sa chance au produit Lecornu », dit-elle bizarrement, à la manière des gars du Sentier de La vérité si je mens.

A lire aussi: Sarko, la chasse à l’homme

Autant dire que l’opinion ne comprend pas grand-chose aux tempêtes qui secouent les Républicains. « LR, j’ai du mal à suivre », ironise Marine Le Pen. « Wauquiez et toute la smala ont protégé Macron, on ne peut pas travailler avec ces gens-là », tranche le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy.

Finalement, le seul point sur lequel la majorité des élus et responsables LR s’accordent encore, c’est pour refuser l’alliance avec le RN, jugé trop à gauche économiquement. Et les Français dans l’histoire ? Qui les écoutera, eux qui sont 52 % à se dire favorables à un gouvernement de coalition des droites (sondage IFOP pour Valeurs actuelles[1]) ? Médusés par ce spectacle incompréhensible ne savent plus à quel saint se vouer[2]. Oubliant qu’eux aussi ne sont pas d’une cohérence de fer : après avoir pesté et manifesté contre la réforme des retraites, beaucoup s’étranglent de voir Macron y renoncer (ou faire semblant).

Qui est pour qui est contre ?

Dans ce paysage, deux personnalités se déclarent nettement en faveur de l’union, outre Éric Zemmour et Sarah Knafo : Éric Ciotti, fondateur en 2025 de l’Union des droites pour la République (UDR), et Marion Maréchal (Identités et libertés) qui ne cesse de plaider pour le modèle italien.

« L’heure est venue de briser le cordon sanitaire et d’unir toutes les forces de droite, écrit Ciotti sur le site de son parti. Nous portons une alternative solide, fondée sur l’autorité, la liberté et l’identité. » De son côté, Marion Maréchal estime que « Georgia Meloni obtient un succès de gouvernement parce qu’elle a rassemblé toutes les droites ». Et la députée européenne de détailler : « C’est comme si en France, une partie d’Horizons [le parti d’Édouard Philippe] travaillait avec le RN, LR, DLF [Debout la France, de Nicolas Dupont Aignan] et Reconquête. » Le parti d’Éric Zemmour prône une union circonstanciée, sur un dénominateur commun : l’immigration et le budget. Et Reconquête vient d’investir 577 candidats en vue d’une dissolution, en se disant prêt à des désistements en cas d’accord avec le RN, LR ou Nouvelle Énergie de David Lisnard.

Cependant, au-delà de ces avocats de longue date du rassemblement à droite, les lignes bougent. En octobre, une alliance tactique s’est formée entre le RN, des macronistes et des LR, permettant au parti de Marine Le Pen de récupérer deux vice-présidences au bureau de l’Assemblée nationale. Cette entorse au sacro-saint front républicain a bien sûr suscité l’ire de la gauche. À vrai dire, l’appel au barrage commence à avoir du plomb dans l’aile. À LR, quelques personnalités font entendre leur petite musique : « Commençons par écrire le pacte de gouvernement et nous verrons si l’union est possible. J’ouvre la porte à une discussion programmatique rassemblant toutes les droites », déclare David Lisnard à Valeurs actuelles. « Bien sûr qu’il faut s’allier avec Sarah Knafo », affirme pour sa part Alexandra Martin. Reste à convaincre les apparatchiks. Et ça, c’est loin d’être gagné.

A lire aussi, Marine Le Pen: « La France, c’est le pire du libéralisme et le pire du socialisme »

Sophie Primas, ex-sénatrice LR des Yvelines et ex-porte-parole du gouvernement Bayrou l’a appris à ses dépens. Après avoir déclaré sur RTL « Nous n’avons pas que des désaccords avec le RN », elle doit dès le lendemain faire repentance sur son compte X : « De tout temps, opposée à l’Union des droites, je n’ai jamais changé de position. L’esprit de mon propos était d’indiquer qu’à ce moment épineux de notre vie politique, nous avons un impératif besoin de trouver une voie pour donner un budget à la France. » À l’évidence, elle s’est fait taper sur les doigts. Son ancien collègue Roger Karoutchi n’a pas les mêmes pudeurs. « Plutôt RN que LFI », lance le sénateur LR des Hauts-de-Seine. Mais ces rares et timides avancées vers une union se heurtent à des résistances solidement ancrées chez les Républicains, restés en ce sens très chiraquiens. « L’union des droites est un mirage », tranche l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Éric Ciotti à Levens pour promouvoir l’union des droites, 31 août 2025. SYSPEO/SIPA

La valse-hésitation des élus LR montre que le fameux « cordon sanitaire » théorisé par François Mitterrand et mis en place par Jacques Chirac en 2002 a la vie dure. Dans son dernier livre, Je ne regrette rien (Fayard), Éric Ciotti dénonce « le piège mitterrandien » qui pousse la droite à nouer des accords électoraux avec la gauche plutôt qu’avec le RN, comme on l’a encore vu en 2024 au Havre quand Édouard Philippe a favorisé l’élection du communiste Jean-Paul Lecoq contre la candidate RN. Cependant, la valse-hésitation des Républicains s’explique moins par des considérations morales que par une appréciation tactique : si l’union des droites les effraie, c’est parce que leur parti n’est pas en position de force pour négocier. Henri Guaino le reconnaît : « Si on parlait d’un programme commun, il serait à 90% RN. Ce ne serait pas une union mais une absorption ! » L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy rêve de voir renaître « un parti gaullo-bonapartiste », mais le problème dit-il, c’est qu’« il n’y a personne pour l’incarner ».

« Un cadeau empoisonné »

Le projet de réunion des droites françaises n’est pas nouveau. Il remonte aux années 1960 avec l’Union pour la nouvelle République (UNR), ancêtre des Républicains, qui visait à rassembler les forces gaullistes et conservatrices. Six décennies plus tard, l’idée continue de hanter le microcosme, mais peine à se concrétiser. Pourtant, ça marche ailleurs : en Italie, en Croatie et en Finlande, les partis ont fini par s’allier pour gouverner. Qu’est-ce qui empêche la droite française d’en faire autant ? Nos institutions, répond en substance le politologue Dominique Reynié : « L’élection présidentielle est un cadeau empoisonné. Elle empêche tout compromis. Elle amène tous les acteurs à jouer leur partition seuls. Il n’y a plus d’esprit national[3]. »

Quant au RN, malgré le mépris affiché par Marine Le Pen pour cette alliance des droites, il est ouvert à des alliances locales, comme l’a montré en octobre le retrait de Stéphane Ravier (proche de Reconquête) en faveur d’un candidat LR à Marseille. Toutefois, Marine Le Pen continue de rejeter tout rapprochement avec LR qu’elle accuse de proximité avec Emmanuel Macron. Les récentes prises de position de Laurent Wauquiez ne la feront pas changer d’avis. Si elle était finalement empêchée de se présenter, le plan B du RN, B comme Bardella serait sans doute plus enclin à nouer des alliances.

Paradoxalement, c’est peut-être la cacophonie au sein des Républicains qui pourrait pousser certains d’entre eux, de guerre lasse, à se tourner vers leur droite (selon la géographie de l’Hémicycle). Le risque étant, sinon, que LR se retrouve dans la configuration inverse de celle de 2007, quand Nicolas Sarkozy avait réussi à siphonner les voix du FN. Si la droite refuse de prendre en charge les demandes de ses électeurs, il se pourrait que ce soit le RN qui siphonne les voix de LR. Un retournement de situation qu’affectionne l’histoire politique.


[1] Toujours selon l’IFOP pour VA, ce soutien atteint 82 % chez les sympathisants de LR, 91 % chez ceux du RN et 100 % chez les partisans de Reconquête. Plus étonnant, 41 % des électeurs Renaissance se déclarent aussi favorables à une telle coalition.

[2] Les sondages se suivent et se contredisent : selon Elabe pour BFMTV, 56 % des Français ne souhaitaient pas la censure du gouvernement au lendemain du discours de politique générale de Sébastien Lecornu. Mais selon CSA pour CNews, Europe1 et Le JDD, ils étaient 68 % à réclamer une présidentielle anticipée.

[3] Sur Radio Classique, le 17 octobre.

Je ne regrette rien: L'heure est venue de dire pourquoi

Price: 21,90 €

19 used & new available from 6,78 €

Commémorations du 13-Novembre: une barbarie toujours recommencée

0
Paris, 13 novembre 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

À Saint-Denis puis à Paris, un hommage a été rendu hier aux 132 victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015. En début de soirée, le président Emmanuel Macron a inauguré un jardin mémoriel (notre photo) sur la place Saint-Gervais, à proximité de l’Hôtel de Ville de la capitale. Il est temps de relever la tête, affirme Charles Rojzman. Il est temps de reconnaître que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de combattre l’islamisme qui s’enracine sur notre sol.


Le rituel se répète : gerbes déposées, visages fermés des autorités, discours calibrés, violons qui pleurent comme s’ils pleuraient pour nous, pour masquer l’essentiel. Les commémorations officielles des attentats du 13 novembre ressemblent de plus en plus à une liturgie républicaine sans foi, sans courage, sans vérité. Quelques minutes de silence, un dépôt de fleurs, et l’on se félicite d’avoir « tenu bon ».

Mais dans cette parole officielle, un mot se dérobe, un mot que l’on enfouit sous des euphémismes : l’islamisme.

Lente fatigue morale

Ce ne sont pas des « exclus », des « paumés », des « déséquilibrés » qui ont criblé Paris de balles et transformé des terrasses en morgue : ce sont des soldats d’une idéologie millénaire, patiemment nourrie, patiemment justifiée, patiemment importée.

On commémore, mais on ne nomme pas. On pleure, mais on ne comprend pas.
On s’incline, mais on ne se relève pas.

Comme si nommer l’islamisme constituait un blasphème dans une société qui préfère commémorer ses morts que protéger ses vivants. Comme si la République avait peur d’elle-même. Peur de rompre avec ses fictions, ses illusions d’un « vivre-ensemble » dont les plus lucides savent déjà qu’il n’existe que dans les brochures ministérielles.

C’est ici que commence le retour de la barbarie.

Non seulement dans les actes terroristes eux-mêmes — ils sont la pointe du glaive — mais dans ce renoncement préalable, dans cette lente fatigue morale qui consiste à éviter le mot juste, à diluer la réalité dans la compassion institutionnalisée.

Car les violences collectives issues du monde arabo-musulman ne surgissent jamais de manière soudaine. Elles ne sont ni des accidents de l’histoire ni des éclats imprévisibles. Elles sont patiemment préparées, longtemps à l’avance, dans le silence des frustrations accumulées, dans les replis amers des ressentiments communautaires. Elles germent dans les failles de sociétés fracturées, rongées de l’intérieur par la défiance, le mépris mutuel, la haine contenue.

Lorsque l’économie vacille, que les structures sociales se disloquent, que les élites perdent toute légitimité, les sociétés cherchent un point d’ancrage. Ce besoin d’identité devient obsessionnel. Et lorsqu’il n’est pas satisfait de manière saine — par l’éducation, la culture, le débat — il se pervertit : identités rigides, mythes simplificateurs, fabrication d’ennemis.

Régressions

On désigne l’hérétique, l’apostat, le riche, le Juif, l’Occidental, la femme trop libre, la laïcité. Peu importe la cible, ce qui compte, c’est la haine comme anesthésiant, comme certitude.

Ces révoltes ne sont pas les signes d’une avancée démocratique. Trop souvent, elles accouchent de régressions. Derrière la colère contre l’injustice se cache parfois une soif de soumission.

Les printemps arabes ont vu naître, après l’espoir, des automnes islamistes. L’histoire européenne a montré que la colère des peuples peut engendrer le fascisme.

Ces « révolutions » n’éveillent pas les consciences : elles les endorment. Elles rejettent l’autorité au nom de la liberté, mais pour mieux adorer ensuite un gourou, un Prophète de substitution, une Vérité révé­lée. Elles crient à l’émancipation tout en réclamant l’idéologie qui pense à leur place. Ce n’est pas un progrès : c’est une démission, une abdication, une régression spirituelle.

La haine est fille de l’humiliation. Mais elle devient poison lorsqu’elle se fait doctrine. Dans un monde désorienté, la pensée complotiste est une drogue douce: elle rassure, elle simplifie, elle déresponsabilise. Mais surtout, elle rend la violence légitime.

A lire aussi, Isabelle Marchandier: Ils n’auront pas notre haine?

Le fanatisme religieux n’a pas le monopole du mal. Le mal s’habille de toutes les couleurs : croix gammée, faucille, croissant. Les djihadistes invoquent le Coran comme les nazis invoquaient la Germanie éternelle. Boko Haram — « l’éducation occidentale est un péché » — ne dit rien d’autre que les Croisés exaltés ou les révolutionnaires de la Terreur : penser est un crime, la nuance une hérésie.

Ce n’est pas une lutte pour la justice : c’est une revanche contre la complexité, contre la liberté d’être autre. Une guerre contre les Lumières et la dignité humaine.

Frapper un policier, incendier une voiture, décapiter un enseignant, mitrailler une foule dans une fosse de théâtre ou sur des terrasses de café : voilà le visage moderne de la barbarie. Ce ne sont pas des actes de courage, mais de lâcheté.

Et que certains intellectuels les excusent au nom d’un antiracisme dévoyé est une trahison — la plus grande.

Meutes lâches

Le fanatique ne s’attaque jamais aux puissants réels : il vise les faibles, les isolés, les enseignants, les symboles. Il hait ce qu’il désire mais n’atteint pas : la liberté, la connaissance. Il agit en meute, comme les lâches. Son idéologie n’est qu’un alibi : ce qu’il aime, c’est détruire.

Et nous, durant ce temps, reculons. Nous hésitons à enseigner Voltaire. Nous craignons de nommer l’islamisme de peur d’être accusés d’islamophobie. Nous appelons « culture » des traditions qui justifient le viol ou l’excision. Nous transformons l’école en champ de bataille idéologique. Nous acceptons, au nom de la tolérance, l’intolérable.

La question de la barbarie est aussi est ici, chez nous : dans les rues d’Europe où l’on crie From the river to the sea sans comprendre que cette phrase signifie l’effacement d’un peuple. Dans les universités américaines où l’on célèbre le Hamas comme on célébrait jadis Che Guevara. Dans les plateaux télé où les journalistes, bardés de moraline, accusent Israël d’être ce qu’ils n’ont pas le courage de nommer ailleurs : un rempart.

Le 7 octobre n’a pas seulement révélé la barbarie des tueurs : il a révélé notre propre barbarie douce — celle du déni, du relativisme, de la lâcheté. Nous sommes devenus les clercs du renversement moral : ceux pour qui la culpabilité occidentale doit être payée par procuration. Et quoi de mieux, pour expier, que de désigner Israël comme le miroir de nos crimes ?

L’Europe, lassée d’elle-même, se lave les mains dans le sang juif. Elle retrouve, sans le savoir, la vieille jubilation des temps obscurs : accuser le Juif pour ne pas se regarder.

C’est là le secret obscène du progressisme contemporain : il hait le Juif en se croyant antiraciste, il justifie le meurtre en se croyant humaniste, il adore la victime quand elle tue au nom du Bien.

Nous sommes à la croisée des chemins. Ce que nous voyons n’est pas un simple accès de violence, mais une bascule. Une menace directe contre ce que l’humanité a mis des siècles à construire.

Le fanatisme avance parce que nous reculons. Il est fort de notre faiblesse, de nos renoncements, de notre peur d’affirmer que certaines valeurs valent mieux que d’autres.

La barbarie revient, mais pas en haillons : elle revient avec micros, réseaux, tribunes, soutiens universitaires. Elle infiltre l’école, les médias, les institutions. Et ceux qui devraient la combattre la justifient. Il est temps de relever la tête. Il est temps de dire que toutes les cultures ne se valent pas. Il est temps de refuser. De combattre. Car le prix du silence est l’effondrement. Et le prix de la complaisance, la soumission. Le combat pour la civilisation n’est pas un luxe : il est vital. Le perdre, c’est condamner l’avenir.

La société malade

Price: 23,90 €

6 used & new available from 23,48 €

Les coups de règle de Mme Neveux contre les petits pains de M. Neuhoff

0
Image d'illustration

En 2020, Marine Turchi de Mediapart s’était tapé l’écoute de 96 heures (!) du « Masque et la Plume » pour faire la recension complète des propos sexistes tenus par les critiques de France inter. Tout le monde avait alors raillé la journaliste. Cette semaine, coup de théâtre: tout juste élu à l’Académie française, le terrible Éric Neuhoff ose qualifier la linguiste de gauche Julie Neveux de «petite instit bornée» dans la matinale de la radio publique. Et le respect ? comme disent les jeunes. C’est que cette dernière s’était précédemment émue de l’élection de M. Neuhoff dans les colonnes de Libération


Chère Madame Neveux, vous êtes parvenue à me rendre l’Académie française sympathique, alors qu’elle me laissait jusqu’à présent plutôt indifférent. Susciter contre elle la colère de tant de bonnes âmes la rend terriblement séduisante.

Neuhoff dans le pétrin

Vous avez gratifié Monsieur Neuhoff du terme de « boulanger » dans Libération[1], reprenant ses propres mots pour mieux le moquer[2]. Il vous a répondu à la radio en vous qualifiant de « petite instit bornée » [3]. Je regrette assez la violence de l’injure. La méchante estocade vous a permis de vous draper dans une posture de femme blessée. On vous répond un peu vertement, et c’est tout à la fois Simone de Beauvoir et Ferdinand de Saussure que l’on assassine. Mais passons. Après tout, nul ne peut juger de la sensibilité réelle des gens. Celui-là s’offensera d’un bonjour un peu sec quand une autre se portera la main sur le cœur, comme après un coup de revolver, d’être qualifiée d’institutrice bornée. Je vous vois déjà tomber au champ d’honneur de la recherche en linguistique. J’espère que la France s’en remettra…

A lire aussi: Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

Le souci, avec les violons des cœurs outragés, est que l’on en oublierait presque votre propre mépris, Madame Neveux. Cette tribune où vous vous moquez de l’écriture de Monsieur Neuhoff et à laquelle il se contente, ma foi, de répondre. Vous citez quelques phrases de l’écrivain, avant de conclure: « On ne sait qui souffre le plus, du personnage ou du lecteur. » Quelle pertinence dans l’analyse ! Linguiste, mais aussi critique émérite: votre bonne fée vous a donc pourvue de tous les dons. Quoique, à la lecture de vos remarques, si je puis me permettre, on comprend que ce n’est pas tout à fait l’usage de l’accent circonflexe dans les œuvres complètes de Monsieur Neuhoff qui vous chagrine tant. Surtout quand vous affirmez à son sujet, sans mépris aucun, n’est-ce pas: « La teneur en pensée du cinéma flirte avec le néant, aplatie qu’elle est par le sexisme crasse. » Il me semble là, si vous me permettez, que votre sens esthétique apparaisse furieusement politique. De linguiste, vous devenez critique, et de critique vous voilà Saint.e-Just.e !

Mais c’est surtout la conclusion de votre tribune qui ne peut que m’enchanter : « C’est une chose que de faire du français son outil de travail, c’en est une autre que d’en faire un objet d’étude. La première est un art, la seconde une science. Que l’Académie française s’occupe donc de distribuer ses médailles littéraires, mais, par pitié, qu’elle cesse de vouloir réguler la langue et nos usages. »

Le bon usage

Ah ! vous n’allez pas jusqu’à écrire « bande de manants », mais cela s’entend quand même bien fort après le point final ! Et cela serait admirable si votre courroux ne répondait qu’à un souci d’intégrité de votre noble discipline. Hélas, il suffit de se renseigner un peu sur vos propres interventions publiques pour entrevoir que le jour est sans doute finalement un tantinet plus pur que le fond de votre cœur. Quand, par exemple, dans un entretien pour Brut sur le point médian, vous qualifiez Vaugelas de « personnage sexiste », je me demande à quel concept linguistique vous faites précisément référence ? Et c’est là où l’on comprend que de linguiste qui prétend observer des faits de langue, vous aspirez à devenir prescriptrice. Si vous voulez la fin de l’Académie française, c’est simplement parce que vous souhaitez la remplacer. Vous brûlez d’orienter à votre tour le bon usage.

A lire aussi; Eric Neuhoff: «J’espère aussi pouvoir défendre le roman contre l’autofiction, à l’Académie française!»

Sauf que Vaugelas, que vous réduisez à une sorte de masculiniste excité de la chose grammaticale, avait du moins pour modèle Malherbe. Il croyait, avec le cardinal Bembo, qu’il cite dans sa préface, à une perfection idéale du style. On peut certes critiquer ces positions. Elles ne sont pas les miennes et je crois plus volontiers à la variété des grandes œuvres, avec Pic de la Mirandole. Mais c’était du moins une époque où la plupart des écrivains n’avaient pas déserté tout imaginaire linguistique. Leur écriture portait en elle une certaine idée de la langue. Et vous, Madame Neveux, de quel imaginaire vous réclamez-vous exactement pour prétendre influencer la pratique à travers une relecture politiquement orientée de l’histoire littéraire et grammaticale du français ?

Pour conclure, quiconque n’est pas de mauvaise foi comprend sans peine ce que Monsieur Neuhoff entendait par cette expression de « petite instit bornée ». Non le mépris des femmes universitaires en général, mais simplement votre propre mépris de classe. Celui qui vous fait regarder de haut toute personne qui ne détient pas votre savoir. Il vous fait vous adresser à vos interlocuteurs comme à des enfants à qui on doit faire la leçon.

Cette expression souligne aussi parfaitement votre volonté de légiférer la langue, mais sans le dire, cachée derrière votre Science, au nom d’une norme qui répond non à un idéal de beauté linguistique ou littéraire, mais au seul fantasme politique de moraliser la grammaire pour mieux moraliser les mœurs. Pour ma part, je défendrai toujours ceux qui rêvent la langue au nom de l’art, face à ceux qui la manipulent au nom de la politique.

Pentothal

Price: 19,90 €

18 used & new available from 3,51 €


[1] https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/eric-neuhoff-un-ecrivain-boulanger-dans-le-petrin-de-lacademie-francaise-20251109_ZB7KNMET5RHMPIQXB2SIWZB244

[2] «La langue française, c’est la farine du boulanger pour les écrivains. C’est à eux de s’en occuper. »

[3] https://www.youtube.com/watch?v=ab5pV-ITrBs

«J’espère aussi pouvoir défendre le roman contre l’autofiction, à l’Académie française!»

0
Eric Neuhoff photographié en 2025 © Denis Felix

Éric Neuhoff, élu à l’Académie française


Âge de 69 ans, auteur notamment de La petite Française (1997) et Un bien fou (2001), il siègera au fauteuil de Gabriel de Broglie, essayiste et haut fonctionnaire décédé en janvier dernier. Florian Zeller, 46 ans, dramaturge, a également été élu ; il siègera à la place de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, décédée en août 2023. Un coup de jeune pour l’Académie ? C’est indéniable. Éric Neuhoff a bien voulu répondre à nos questions.


Contre l’écriture inclusive

Causeur. Que ressentez-vous après avoir été élu à l’Académie française ?

Éric Neuhoff. Surprise et fierté. Première phrase qui me soit venue à l’esprit : recomptez les bulletins !

Vous avez été élu au fauteuil de Gabriel de Broglie, essayiste et haut fonctionnaire ; le connaissiez-vous et que pensez-vous de lui ?

Je ne le connaissais pas personnellement, mais pour préparer mon discours je vais passer les prochains mois en sa compagnie et je vais devenir incollable sur le sujet.

Comme lui, défendrez-vous avec acharnement l’utilisation de la langue française et non pas de l’américain (il appréciait cependant la langue anglaise, ce qui doit vous plaire, vous, l’amoureux des Beatles !) ?

La langue française est une cour de récréation et un terrain de sport. Elle a ses plaisirs et ses lois. Je suis optimiste et je pense qu’elle est assez grande pour se défendre toute seule, grâce à sa beauté. Cependant, je me battrai de toute ma plume contre l’écriture inclusive qui me semble être un non-sens et une initiative aberrante qui complique et enlaidit ce qu’elle touche. Un dernier détail : je suis plus Rolling Stones que Beatles. Nobody’s perfect (en français dans le texte).

A lire aussi: Patrice Jean: «Je ne défends jamais d’idées réactionnaires»

En dehors de la défense de la langue française, quels seront vos autres chevaux de bataille ?

J’espère pouvoir défendre le roman contre l’autofiction qui me semble une des plaies contemporaines.

Comment s’est passée votre élection ? Postule-t-on à l’Académie française ? Ou est-on plus simplement proposé par des académiciens ?

Des amis – surtout un – m’ont sollicité. Il faut effectivement se présenter, envoyer une trentaine de lettres personnalisées, rendre quelques visites. Effectivement, on ne risque pas d’être élu si on ne s’est pas présenté.

Florian Zeller a été élu en même temps que vous. Ne pensez-vous pas que l’Académie, avec vos deux élections, prend “un coup de jeune” ?

Oui, en ce qui concerne Florian. De mon côté, la jeunesse me semble un souvenir, même si j’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup changé.

Vous aimez donc le rock. Pourriez-vous nous citer quelques groupes qui vous ont marqué ?

Les Stones, donc. On ne se refait pas, même si j’ai cessé d’aller les voir en concert. Patti Smith avant qu’elle ne se prenne pour la réincarnation de Rimbaud. Leonard Cohen même s’il ne s’agit pas de rock. Aujourd’hui, je leur préfère Sinatra.

Vos écrivains préférés ?

Déon, Fitzgerald, Hemingway, James Salter, Drieu La Rochelle, Pascal Jardin, Geneviève Dormann. Il y en a trop pour les citer tous.

Un nouveau livre en préparation ?

Deux: un roman, Cahors sous la pluie et un livre sur le cinéma et les années 70.

Pentothal

Price: 19,90 €

18 used & new available from 3,51 €

Wokisme: la télévision publique mène son enquête…

0
Le journaliste Tristan Waleckx © Nathalie Guyon / France TV

Promis: avec son émission consacrée à la prétendue «dictature des bien-pensants», elle n’avait aucune idée en tête!


Le 5 novembre, le journaliste Tristan Waleckx se promettait de tout nous dire sur le wokisme dans l’émission hebdomadaire Complément d’enquête qu’il anime sur France 2. Plusieurs questions le tarabustent : « le “wokisme” est-il réellement un danger pour notre pays ? » ; les adversaires du wokisme ont-ils raison de parler de « dictature des bien-pensants ? » ; le wokisme « serait-il un “nouvel obscurantisme”, comme le qualifient certains hommes politiques ? » Ces questions trouveront rapidement leurs réponses. Dès les premières minutes de l’émission, le chemin est tout tracé et le téléspectateur comprend immédiatement ce que Tristan Waleckx va tenter de lui faire gober.

Thomas Jolly, l’audacieux

Cela commence avec… la cérémonie des JO de Paris, cet « événement qui a rendu fier tout un pays »grâce au « parti pris audacieux de son directeur artistique », Thomas Jolly. Celui-ci ne comprend pas les reproches qui lui ont été adressés. Il s’interroge : « Inclure l’ensemble des Français et Françaises, dans leur diversité, dans une cérémonie qui s’adresse à chacun et chacune d’entre eux et d’entre elles, qui a créé de l’unité, de la fierté nationale, c’est woke ? » M. Jolly ne se rend visiblement pas compte que cette phrase est un pur produit de l’idéologie qui a conçu, entre autres difformités, le verbiage « inclusif ». Sa cérémonie était imprégnée jusqu’au trognon de la même idéologie. Sans le savoir, Tristan Waleckx vend d’ailleurs la mèche lorsqu’il évoque l’abondante présence de « représentants queer », entre autres Nicky Doll, « la plus célèbre drag-queen française, animatrice d’une émission sur France Télévisions, une figure du mouvement LGBT qui défend les droits des minorités sexuelles ». Cette cérémonie n’était effectivement pas destinée à « l’ensemble des Français et Françaises » mais aux différentes « communautés » supposément discriminées qui furent majoritairement représentées dans ce lamentable spectacle.

Au député Julien Odoul qui confie n’avoir pas particulièrement apprécié la prestation d’Aya Nakamura avec la Garde républicaine, le journaliste rétorque : « Elle est quand même la chanteuse francophone la plus écoutée au monde. » Rectificatif : si Aya Nakamura est très écoutée dans le monde entier ce n’est sûrement pas parce qu’elle est une « chanteuse francophone » mais plutôt parce qu’elle est une chanteuse charabiaphone qui baragouine, sur des musiques électro-pop standardisées, des textes incompréhensibles, un salmigondis farci d’argot malien, de verlan français, anglais ou espagnol, d’expressions arabo-africaines à la mode dans les « quartiers », etc. Il y a quelques années, le député socialo-macroniste Rémy Rebeyrotte s’était extasié devant ce galimatias et voyait en Aya Nakamura une ambassadrice de la langue française parce que, disait-il, « elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue française ». On ne parlait pas encore d’interdire l’alcool à la buvette de l’Assemblée nationale ; pourtant…

Militants identitaires et wokisme pur

Bien entendu, les personnes qui ont critiqué cette cérémonie ne peuvent être que des « militants identitaires » de la pire espèce, des personnalités douteuses, intolérantes, homophobes et racistes. D’ailleurs, insiste le journaliste, un rapport récent[1] a mis en évidence les liens entre ces individus et différentes associations, dont une, « considérée comme très conservatrice », est financée par « le milliardaire catholique Pierre-Édouard Stérin ». L’initiateur de ce rapport, Neil Datta, est le directeur exécutif du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, souligne le reportage qui omet toutefois de préciser, comme c’est bizarre, que ce Forum basé à Bruxelles est financé entre autres par la Commission européenne, la Gates Foundation et… l’Open Society Foundation de George Soros. Interviewé par France TV, Neil Datta livre une réflexion étonnante : « Auparavant, ils [les vilains détracteurs du wokisme] utilisaient “l’idéologie du genre”, ils s’en sont servis et ils ont bien utilisé cette notion d’idéologie du genre. Ça ne sert plus à grand-chose maintenant, les gens s’en lassent, donc tout l’ensemble de cette extrême droite a inventé cette notion de woke qui ne veut rien dire mais, en même temps, on comprend ce que cela veut dire. » Soit Neil Datta est un imbécile qui n’a strictement rien compris au wokisme, soit il fait semblant d’être un imbécile n’ayant strictement rien compris au wokisme pour noyer le poisson – dans ce cas, il fait ça très bien. Quoi qu’il en soit, nous lui recommandons de lire l’essai du philosophe Jean-François Braunstein La Religion woke, qui explique justement que « la théorie du genre est le cœur de la religion woke, la partie la plus originale mais aussi, en quelque sorte, le “produit d’appel”, par son absurdité décomplexée, et aussi par son mystère quasi théologique ». Pour plus d’informations, il pourra également compulser l’ouvrage intitulé Face à l’obscurantisme woke puisque celui-ci a pu paraître malgré la demande acharnée de censure du Grand Inquisiteur du Collège de France Patrick Boucheron qui fut aussi, il n’y a pas de hasard, l’un des co-scénaristes de la cérémonie des JO.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Najat Vallaud-Belkacem, la femme qui valait trois milliards

Le sujet de l’islamo-wokisme est ensuite abordé. « Que s’est-il passé à Lyon 2 ? Cette faculté est-elle tombée aux mains des wokes ? », demande Tristan Waleckx en relatant l’affaire Balanche, du nom de cet universitaire qui, parce qu’il avait approuvé l’interdiction d’une soirée consacrée à la rupture du jeûne du ramadan au sein de l’université, a été agressé pendant son cours par des individus masqués le traitant de sioniste et de raciste. Sur France TV, on se demande quand même, l’air de rien, si l’enseignant ne l’aurait pas un peu cherché : deux jours avant cette agression, Fabrice Balanche était effet interviewé sur… CNews, où il dénonçait l’islamo-gauchisme qui gangrène l’université française en général et Lyon 2 en particulier. Les islamo-gauchistes qui l’ont agressé ont posté leur méfait sur les réseaux sociaux. La vidéo, devenue « virale », a surtout été « reprise par des comptes comme celui du syndicat étudiant de droite, l’UNI, et ceux des sites d’extrême droite, Frontières et Boulevard Voltaire », tient à souligner, avec des frissons dans la voix, le journaliste. L’enquête progresse : il semblerait bien que cette affaire ait été montée en épingle par la droite nationale la plus rigide.

L’universitaire Xavier-Laurent Salvador, signataire d’une tribune dénonçant la mouvance islamo-wokiste dans les milieux universitaires et co-directeur de Face à l’obscurantisme woke, est interviewé. Il cite différents intitulés baroques ou nébuleux glanés dans les dizaines et dizaines de publications, de colloques, d’articles universitaires sur le genre, le queer, le racialisme, le décolonialisme, etc., qu’il a recensés en France pour le seul mois de février 2023. Pour contrecarrer ce témoignage, Complément d’enquête a mené « sa propre enquête » et, pour ce faire, s’est tourné vers Étienne Ollion, sociologue au CNRS. D’après celui-ci, Xavier-Laurent Salvador a utilisé une « logique de l’anecdote » au détriment de la « logique scientifique ». Heureusement, Étienne Ollion et son équipe ont lancé une « vaste étude » portant sur l’évolution des sciences sociales depuis 2001 et sont parvenus au résultat suivant : il n’y a guère plus de travaux sur le « genre » ou le « concept de race » en 2022 qu’en 2001. Curieux ! Pour comprendre ce tour de passe-passe, il suffit de lire Ce que le militantisme fait à la recherche (Tract Gallimard n° 29), ouvrage dans lequel la sociologue Nathalie Heinich rappelle un article du Monde citant l’étude d’un chercheur se faisant fort de démontrer, lui aussi, « statistiques et graphiques à l’appui », le très faible pourcentage depuis 2011 de certains termes – « décolonial », « intersectionnel », « racisé », « islamo-gauchisme » – dans les quatre moteurs de recherche universitaire les plus utilisés. Résultat stupéfiant : 0,01 % ! Mais… « il suffit d’ajouter à la liste quelques termes très fréquents dans ce type de travaux (tels que “genre”, “féminin”, “islamophobie”, etc.) et de prendre en compte d’autres sources (annonces de colloques, de journées d’étude, titres de séminaires, ateliers, etc.) pour arriver à un tout autre résultat: ces termes constituent plus de la moitié du corpus ainsi élargi », écrit Nathalie Heinich. Par ailleurs, ironise-t-elle, comment prendre au sérieux certains « experts » du CNRS, en particulier ceux qui défendirent la « géographe du genre » Rachele Borghi, victime, selon eux, « “d’attaques indignes”, malgré “une rigueur et une éthique scientifiques” ne faisant aucun doute pour “celles et ceux qui, depuis le début de sa carrière, ont réalisé des évaluations véritablement scientifiques de ses travaux” ». Et Nathalie Heinich de se demander qui a bien pu expertiser, sans éclater de rire, l’article « scientifique » de Mme Borghi intitulé « De l’espace genré à l’espace queerisé », dans lequel la géographe affirme d’abord que « l’espace public est conçu, géré et modelé sur la base d’une conception dualiste rigide: homme-femme, licite-illicite, homosexuel-hétérosexuel », et conclut ensuite que « la géographie de la sexualité, définie comme branche de la géographie, peut contribuer de manière importante au dévoilement des normes et des structures de pouvoir qui oppriment et excluent de l’espace public les dissident.e.s sexue.le.s ». Présupposé délirant, remise en cause pseudo-foucaldienne des « normes et des structures de pouvoir », militantisme néo-féministe et pro-LGBT, écriture inclusive – bref, du wokisme à l’état pur…

Jean-Michel Blanquer, le sage

À la fin de l’émission, Tristan Waleckx reçoit Jean-Michel Blanquer. Celui-ci est présenté comme « l’un des tout premiers à avoir utilisé en France le mot et le concept de wokisme ». Nous devons rectifier cette assertion : s’il est vrai que, depuis qu’il a quitté le ministère de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer n’a pas manqué de dénoncer les dérives wokes, de nombreux universitaires, journalistes et représentants politiques l’ont devancé dans le combat contre le wokisme. Par ailleurs, la circulaire Blanquer de septembre 2021 – « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire » – contredit l’idée que le ministre ait été parmi les premiers à s’opposer à l’idéologie woke, en particulier à la théorie du genre. Cette circulaire entérinait en effet les revendications d’associations transgenres: possibilité pour l’élève de se déclarer du sexe de son choix, de changer de prénom, de bénéficier d’aménagements particuliers pour l’utilisation des toilettes et des vestiaires, de jouir d’un traitement individualisé et, bien sûr, d’une bienveillance sans limite de la part du « personnel éducatif » et des élèves auxquels devaient être proposées des sessions de sensibilisation (c’est-à-dire de rééducation) sur le sujet[2]. Il n’est pas impossible que cette circulaire ait été concoctée dans le dos du ministre, sous la férule de hauts fonctionnaires indéboulonnables suivant à la lettre l’agenda européiste de rééducation de la population, tant en ce qui concerne les questions de sexualité et de genre qu’en ce qui concerne les questions d’écologie ou d’éducation aux médias. Il n’empêche: la signature de M. Blanquer au bas de ce document consternant restera comme l’illustration de sa soumission à l’idéologie transgenre au moment où il aurait dû, au contraire, faire montre de conviction et d’autorité et renvoyer dans leurs cordes les idéologues de la rue de Grenelle.

A lire aussi, du même auteur: Quand Jean-Noël Barrot loue l’immigration africaine

Tristan Waleckx a, depuis le début de son émission, une idée en tête. Il pose par conséquent à Jean-Michel Blanquer une question qui n’est pas une question mais un sous-entendu courant chez les journalistes de l’audiovisuel public : « Le fait d’avoir popularisé le mot woke, ça a permis à l’extrême droite d’imposer un concept dans le débat public ? » Quelques minutes plus tard, après avoir montré un graphique où il apparaît que l’expression « islamo-gauchisme » a été entendue dix à vingt fois plus « sur CNews, la chaîne de Vincent Bolloré » que sur les autres chaînes d’info, le journaliste, toujours aussi lourdingue, interroge faussement l’ex-ministre : « Ça veut dire quelque chose ? » Et lorsque ce dernier affirme que, CNews ou pas, « l’islamo-gauchisme existe », le journaliste sort ce qu’il croit être sa carte maîtresse :« C’est un concept qui est quand même contesté par le CNRS qui est un institut sérieux (sic – voir ci-dessus) expliquant que “l’islamo-gauchisme est un slogan politique ne correspondant à aucune réalité scientifique” » et par des présidents d’universités déclarant que « l’islamo-gauchisme est une pseudo-notion qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de CNews, plus largement à l’extrême droite ». L’argumentation tourne court. Au passage, on remarquera qu’en ce moment, qu’il s’agisse du wokisme, de l’islamo-gauchisme ou de l’écologisme, les gourous de ces nouvelles religions n’ont qu’un mot à la bouche, le mot « science », mot-amulette, mot-talisman, mot magique ayant pour but d’empêcher justement toute démarche scientifique, laquelle ne peut se passer de réflexion critique et de controverses.

Nul besoin, je crois, de préciser l’objectif de cette émission. Le procédé pour y parvenir, grossier, est celui qu’utilisent régulièrement les journalistes bien-pensants du service public. Ce « Complément d’enquête » corrobore les déclarations de Delphine Ernotte, la présidente de France TV ayant avoué que l’audiovisuel public n’était pas là pour montrer la France telle qu’elle est mais telle que la caste médiatico-progressiste aimerait qu’elle soit. De ce côté-là, on peut dire que Tristan Waleckx a parfaitement rempli sa mission…

La religion woke

Price: 9,50 €

10 used & new available from 5,48 €

Face à l'obscurantisme woke

Price: 22,00 €

17 used & new available from 17,48 €

Tracts (N°29) - Ce que le militantisme fait à la recherche

Price: 3,49 €

1 used & new available from 3,49 €

Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €


[1] La prochaine vague : comment l’extrémisme religieux regagne le pouvoir. L’extrémisme religieux en question est bien entendu l’extrémisme… catholique qui, comme chacun sait, ravage l’Europe en ce moment.

[2] Pour plus d’informations sur cette position catastrophique du ministre Jean-Michel Blanquer vis-à-vis des revendications émanant de différents organes politiques et associatifs promouvant l’idéologie sur le genre, je renvoie à mon article du 16 octobre 2021 : https://www.causeur.fr/vallaud-belkacem-blanquer-meme-combat-215169

Macron debout devant Poutine et couché devant Tebboune

0
© SYSPEO/SIPA

La grâce de Boualem Sansal ne solde pas notre lourd contentieux avec l’Algérie


C’est hier soir que l’avion officiel affrété par l’Allemagne a atterri à Berlin. À son bord, Boualem Sansal, enfin libéré de sa geôle d’Alger où il était emprisonné depuis le 16 novembre 2024 pour de simples faits d’opinion. Suite à l’intervention du président de la République fédérale Frank-Walter Steinmeier, l’écrivain dissident, âgé de 81 ans, a été gracié par le président algérien Abdelmadjid Tebboune pour motifs « humanitaires ».

Sansal, qui souffre d’un cancer, a été dès son arrivée admis dans un hôpital berlinois, où il pourra bénéficier de soins dignes de ce nom. Qu’il soit permis à l’auteur des lignes d’en pleurer de joie. L’écrivain est un ami de Causeur. Et le système de santé algérien, auquel il avait accès depuis son arrestation, est calamiteux. La preuve : les présidents de ce pays autoritaire et corrompu – et pourtant si riche de son pétrole et de son gaz – préfèrent systématiquement consulter des médecins en Europe quand ils souffrent de maladies graves.

Emmanuel Macron peut à bon droit se féliciter de la « mission de bons offices » effectuée par son homologue allemand, qui lui a permis d’obtenir l’élargissement de Sansal sans avoir à principalement remercier Tebboune, dont la politique reste de toute évidence résolument hostile à la France.

A lire aussi: Compromissions cairotes

Curieusement pourtant, l’Élysée a fait savoir hier que les conditions étaient à présent réunies pour « renouer le dialogue »avec le régime algérien. Alors que celui-ci continue de refuser ses citoyens expulsés de France, maintient toujours en détention le journaliste Christophe Gleizes et est soupçonné par la justice d’être impliqué dans l’enlèvement d’Amir DZ, un opposant algérien réfugié dans notre pays…

« Le bras de fer ne fonctionne pas, c’est clair », a même osé glisser un proche du président français, pour suggérer que le calvaire de Sansal aurait été abrégé plus tôt si Bruno Retailleau n’avait pas fait preuve de détermination vis-à-vis d’Alger dans le dossier des OQTF quand il était Place Beauvau et si le RN n’avait pas fait voter à l’Assemblée nationale le 30 octobre une résolution visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968. Syllogisme typiquement macronien ! La stratégie de lèche-babouches de l’Élysée et du quai d’Orsay n’a pas mieux fonctionné que la fermeté affichée du patron des LR.

Il n’est pas question ici de discuter de la sincérité et de la résolution du chef de l’État dans l’affaire Sansal, ni davantage dans le contentieux du Sahara occidental (dans lequel il a pris le parti du Maroc l’année dernière). Mais simplement de souligner son hypocrisie, aussi humiliante que contre-productive. Macron feint de ne pas voir que, de toute manière, les Algériens ont décidé de punir la France. Sa comédie ne fait que renforcer leur mépris. « On n’obtient rien en se fâchant avec ceux qu’on sollicite », a indiqué hier un conseiller de l’Élysée. On n’obtient rien non plus en leur lâchant tout.

Vivre: Le compte à rebours

Price: 9,00 €

12 used & new available from 5,01 €

Le village de l'Allemand ou Le journal des frères Schiller

Price: 9,50 €

21 used & new available from 9,40 €

Ils n’auront pas notre haine?

0
Les responsables politiques réunis autour du président Macron devant le Stade de France le 13 novembre 2025. 10 ans plus tôt, trois islamistes se sont fait exploser autour du stade, faisant une victime © Stephane Lemouton/SIPA

13-Novembre. Les commémorations et les nombreuses émissions proposées dans les médias entendaient à tout prix mettre de côté les «mauvais» sentiments, observe notre contributrice. Mais, on ne vainc pas l’islamisme conquérant, pas plus qu’on ne rend justice, autour d’un «groupe de parole».


Cette semaine, C ce soir a logiquement consacré l’une de ses émissions quotidiennes aux attentats du 13 novembre 2015. Sur le plateau : l’ancien président devenu député socialiste François Hollande, Gaëlle, victime du Bataclan défigurée à vie, Aurélie Silvestre, dont le compagnon et père de ses deux enfants a été assassiné, l’historien Denis Peschanski, codirecteur du Programme 13-Novembre, et Jean-Xavier Delestrade, réalisateur de la série Les Vivants, diffusée cette semaine sur France 2.

Islamiste, ce mot si difficile à prononcer

Les victimes sont mises en avant, à juste titre : on parle de leur souffrance, de celle de leurs proches, des blessures visibles et de celles qui ne le sont pas, de la reconstruction, de la transmission du souvenir aux jeunes générations.

Mais les auteurs, eux, disparaissent du récit. François Hollande prononce bien le mot « islamiste », prudemment, deux ou trois fois, mais personne ne s’y arrête. Et lorsqu’il cite les attaques qui ont précédé le 13-Novembre (Merah, Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher), il ne précise même plus la nature de ce terrorisme. Comme si tout cela relevait désormais d’une malédiction sans visage, d’un mal abstrait, dépolitisé.

L’émission préfère explorer le thème de la guérison, du dialogue, et la fameuse « justice restaurative » : cette approche de la réparation plutôt que de la punition, introduite par la loi Taubira du 15 août 2014 pour les délits de droit commun. Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos djihadistes du 13 novembre, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, a fait savoir par la voix de son avocate qu’il était partant. Oui, partant ! Dans une « démarche restaurative », il souhaite rencontrer certaines victimes.

On cauchemarde. Celui qui, durant son procès, revendiquait son statut de « combattant de l’État islamique », invoquait Allah et le prophète, continue aujourd’hui à consulter en prison des contenus de propagande islamiste sur une clé USB. Et le voilà qui veut participer à un programme de justice restaurative. Restaurer quoi, au juste ? Le lien social ? La confiance ? La paix civile ? Il n’en a probablement rien à faire. Peut-être cherche-t-il simplement à profiter des failles du droit pour continuer à hanter ses victimes sous un vernis humaniste.

Bonjour le groupe de parole !

Comme l’a justement rappelé Riss, directeur de Charlie Hebdo, en réaction à la demande d’Abdeslam : on ne « restaure » pas le lien social avec ceux qui ont voulu le détruire. La justice n’est pas un groupe de parole. Pendant l’émission, la question de la compatibilité entre justice restaurative et terrorisme n’a pas été posée. Trop dérangeante, sans doute.

On préfère s’émouvoir du témoignage de Gaëlle, rescapée du Bataclan défigurée à vie, qui a choisi de rencontrer un terroriste en prison. Cette même victime avait déjà été mise en avant dans Envoyé Spécial par Élise Lucet, une journaliste toujours prompte à transformer l’émotion en leçons de morale. Gaëlle raconte qu’elle est « dénuée de haine », que la colère la paralyse. C’est bien son droit. Et nos médias adorent ce mantra devenu injonction : « Vous n’aurez pas ma haine » – comme l’écrivait Antoine Leiris, qui avait perdu son épouse au Bataclan, auteur du livre éponyme.

C’est que la haine, aujourd’hui, est devenue un mot tabou, presque indécent, un mot des plus sales, un mot quasiment inaudible, presque barbare. Comme si haïr ceux qui veulent notre mort faisait de nous des barbares, ou pire : des électeurs du Rassemblement national. Seule compte l’empathie bien légitime avec les victimes et leurs proches, mais la colère elle est exclue, perçue comme une anomalie. 

Pourtant, peut-il vraiment y avoir une joue tendue, une rédemption possible, avec ceux qui ont voulu exterminer des innocents au nom d’Allah, avec ceux qui ont répondu à l’appel de Daesh de cibler « les méchants et sales Français » ? Ce choix médiatique de se focaliser sur la souffrance et la mémoire n’est pas anodin. Il évite soigneusement de poser la question politique : quel bilan dix ans après ? Que n’avons-nous pas voulu voir ?

Le laxisme migratoire continue

Lors du procès des attentats, François Hollande lui-même a reconnu qu’en 2015, le pouvoir savait que la filière d’immigration syrienne servait de porte d’entrée à des terroristes. Il savait, et il n’a rien fait ? Dix ans plus tard, les frontières sont restées poreuses, et la menace islamiste, elle, n’a pas reculé.

En octobre 2025, trois jeunes femmes radicalisées ont été écrouées à Paris pour préparation d’attentat. Le sixième projet islamiste déjoué depuis le début de l’année. Le discours djihadiste se diffuse toujours sur les réseaux sociaux, aux abords de certaines mosquées, et dans de nombreuses associations sportives à visée séparatiste. Et dans les écoles, on n’ose même plus parler de la hausse des atteintes à la laïcité.

Alors oui, on a le droit de haïr les terroristes islamistes. Les haïr, c’est affirmer qu’il existe des choses qui ne se réparent pas, ne se comprennent pas, ne se pardonnent pas. Les haïr, c’est rappeler que la justice n’est pas une thérapie collective, mais une frontière morale. Et qu’à force de confondre empathie et faiblesse, nous finirons peut-être par ne plus savoir ce que nous devons protéger.

Faire face. Les Français et les attentats du 13 novembre 2015

Price: 22,00 €

11 used & new available from 18,96 €