13-Novembre. Les commémorations et les nombreuses émissions proposées dans les médias entendaient à tout prix mettre de côté les «mauvais» sentiments, observe notre contributrice. Mais, on ne vainc pas l’islamisme conquérant, pas plus qu’on ne rend justice, autour d’un «groupe de parole».
Cette semaine, C ce soir a logiquement consacré l’une de ses émissions quotidiennes aux attentats du 13 novembre 2015. Sur le plateau : l’ancien président devenu député socialiste François Hollande, Gaëlle, victime du Bataclan défigurée à vie, Aurélie Silvestre, dont le compagnon et père de ses deux enfants a été assassiné, l’historien Denis Peschanski, codirecteur du Programme 13-Novembre, et Jean-Xavier Delestrade, réalisateur de la série Les Vivants, diffusée cette semaine sur France 2.
Islamiste, ce mot si difficile à prononcer
Les victimes sont mises en avant, à juste titre : on parle de leur souffrance, de celle de leurs proches, des blessures visibles et de celles qui ne le sont pas, de la reconstruction, de la transmission du souvenir aux jeunes générations.
Mais les auteurs, eux, disparaissent du récit. François Hollande prononce bien le mot « islamiste », prudemment, deux ou trois fois, mais personne ne s’y arrête. Et lorsqu’il cite les attaques qui ont précédé le 13-Novembre (Merah, Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher), il ne précise même plus la nature de ce terrorisme. Comme si tout cela relevait désormais d’une malédiction sans visage, d’un mal abstrait, dépolitisé.
L’émission préfère explorer le thème de la guérison, du dialogue, et la fameuse « justice restaurative » : cette approche de la réparation plutôt que de la punition, introduite par la loi Taubira du 15 août 2014 pour les délits de droit commun. Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos djihadistes du 13 novembre, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible, a fait savoir par la voix de son avocate qu’il était partant. Oui, partant ! Dans une « démarche restaurative », il souhaite rencontrer certaines victimes.
On cauchemarde. Celui qui, durant son procès, revendiquait son statut de « combattant de l’État islamique », invoquait Allah et le prophète, continue aujourd’hui à consulter en prison des contenus de propagande islamiste sur une clé USB. Et le voilà qui veut participer à un programme de justice restaurative. Restaurer quoi, au juste ? Le lien social ? La confiance ? La paix civile ? Il n’en a probablement rien à faire. Peut-être cherche-t-il simplement à profiter des failles du droit pour continuer à hanter ses victimes sous un vernis humaniste.
Bonjour le groupe de parole !
Comme l’a justement rappelé Riss, directeur de Charlie Hebdo, en réaction à la demande d’Abdeslam : on ne « restaure » pas le lien social avec ceux qui ont voulu le détruire. La justice n’est pas un groupe de parole. Pendant l’émission, la question de la compatibilité entre justice restaurative et terrorisme n’a pas été posée. Trop dérangeante, sans doute.
On préfère s’émouvoir du témoignage de Gaëlle, rescapée du Bataclan défigurée à vie, qui a choisi de rencontrer un terroriste en prison. Cette même victime avait déjà été mise en avant dans Envoyé Spécial par Élise Lucet, une journaliste toujours prompte à transformer l’émotion en leçons de morale. Gaëlle raconte qu’elle est « dénuée de haine », que la colère la paralyse. C’est bien son droit. Et nos médias adorent ce mantra devenu injonction : « Vous n’aurez pas ma haine » – comme l’écrivait Antoine Leiris, qui avait perdu son épouse au Bataclan, auteur du livre éponyme.
C’est que la haine, aujourd’hui, est devenue un mot tabou, presque indécent, un mot des plus sales, un mot quasiment inaudible, presque barbare. Comme si haïr ceux qui veulent notre mort faisait de nous des barbares, ou pire : des électeurs du Rassemblement national. Seule compte l’empathie bien légitime avec les victimes et leurs proches, mais la colère elle est exclue, perçue comme une anomalie.
Pourtant, peut-il vraiment y avoir une joue tendue, une rédemption possible, avec ceux qui ont voulu exterminer des innocents au nom d’Allah, avec ceux qui ont répondu à l’appel de Daesh de cibler « les méchants et sales Français » ? Ce choix médiatique de se focaliser sur la souffrance et la mémoire n’est pas anodin. Il évite soigneusement de poser la question politique : quel bilan dix ans après ? Que n’avons-nous pas voulu voir ?
Le laxisme migratoire continue
Lors du procès des attentats, François Hollande lui-même a reconnu qu’en 2015, le pouvoir savait que la filière d’immigration syrienne servait de porte d’entrée à des terroristes. Il savait, et il n’a rien fait ? Dix ans plus tard, les frontières sont restées poreuses, et la menace islamiste, elle, n’a pas reculé.
En octobre 2025, trois jeunes femmes radicalisées ont été écrouées à Paris pour préparation d’attentat. Le sixième projet islamiste déjoué depuis le début de l’année. Le discours djihadiste se diffuse toujours sur les réseaux sociaux, aux abords de certaines mosquées, et dans de nombreuses associations sportives à visée séparatiste. Et dans les écoles, on n’ose même plus parler de la hausse des atteintes à la laïcité.
Alors oui, on a le droit de haïr les terroristes islamistes. Les haïr, c’est affirmer qu’il existe des choses qui ne se réparent pas, ne se comprennent pas, ne se pardonnent pas. Les haïr, c’est rappeler que la justice n’est pas une thérapie collective, mais une frontière morale. Et qu’à force de confondre empathie et faiblesse, nous finirons peut-être par ne plus savoir ce que nous devons protéger.
Faire face. Les Français et les attentats du 13 novembre 2015
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