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American parano

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Contrairement à Jean Chauvet dans le magazine, notre contributeur a apprécié le film Bugonia, en salles depuis hier. Il prévient: le dernier film de Lánthimos sur les délires conspirationnistes va nous perturber…


Et si cela devenait une nouvelle lame de fond du cinéma nord-américain ? Après Eddington (Ari Aster), Une bataille après l’autre (Paul Thomas Anderson), Marche ou crève (Francis Lawrence) ou Running Man (Edgar Wright), Bugonia, le dernier opus du réalisateur grec un brin perché Yórgos Lánthimos, accoste à son tour sur les rivages conspirationnistes et paranoïaques d’un Empire jadis étoilé, actuellement en pleine déliquescence… C’est un grand film inclassable, malséant et perturbant !  

Le coup d’éclat permanent

Après Canine, The Lobster, Mise à mort du cerf sacré, Pauvres créatures et Kinds of kindness, Yórgos Lánthimos s’impose désormais selon moi comme le réalisateur le plus excitant et le plus électrisant de ces dernières années. Il possède ce don rare et singulier de capter l’air du temps via de saisissantes paraboles intimistes, philosophiques et politiques, n’hésitant pas à plonger sans ciller dans nos angoisses, fantasmes et phobies les plus profondément enfouis. Une introspection qui, évidemment, peut faire très mal…

Il le prouve une fois encore avec panache, brio et provocation en revisitant, littéralement habité et exalté, le film sud-coréen Save the Green Planet ! (2003) de Jang Joon-hwan.

Porté à bout de bras (et de crâne…) par son actrice fétiche Emma Stone – également coproductrice du métrage aux côtés de l’incontournable Ari Aster – son Bugonia (étymologiquement « progéniture de bœuf ») s’érige comme l’un des premiers grands chefs-d’œuvre de notre ère dite de la post-vérité, dont l’avènement fut accéléré par la pandémie mondiale de la Covid-19. Une période trouble et inédite ayant alimenté à travers le globe les théories conspirationnistes et paranoïaques les plus farfelues et les plus fumeuses, surtout aux Etats-Unis, par ailleurs avant-garde du camp masculiniste et survivaliste.   

Ils sont parmi nous…

De quoi s’agit-il ? Très schématiquement, et sans trop déflorer l’intrigue, nous pénétrons le cerveau apparemment malade et dysfonctionnel de deux Américains (très) moyens, vivotant dans une vieille maison perdue dans une banlieue campagnarde archétypale. Chimiquement castrés, ils ambitionnent de se délier de toute contrainte matérielle et corporelle pour enfin atteindre la Vérité absolue… tout en sauvant au passage le genre humain !

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Si Don (Aidan Delbis) est un gros nounours simple d’esprit, directement sorti de l’univers d’un John Steinbeck, Teddy (Jesse Plemons) incarne la tête pensante de ce binôme de « losers », grands perdants de la mondialisation, autre nom de L’Horreur économique, jadis prophétisée dans nos contrées cartésiennes par notre grande pythonisse Viviane Forrester (1996). Opérateur de commandes dans une immense firme pharmaceutique dirigée par la très charismatique (et bien nommée !) Michelle Fuller (Emma Stone), Teddy est surtout passionné par son hobby d’apiculteur. Mais constatant une dégradation progressive et inéluctable du cycle de reproduction et de vitalité des abeilles, il croit y déceler les signes d’un grand complot mondial ourdi par des forces extra-terrestres dans le but de provoquer une extinction de l’espèce humaine ! Et l’un des ordonnateurs déguisés de ce terrible dessein serait sa propre P-DG, un alien sous les apparences d’une hyper active working executive woman. N’écoutant que son intuition et se fiant à ses nombreuses lectures sur le net, il décide de la séquestrer et de la rudoyer, aidé par son pauvre acolyte. Objectif : démasquer l’adversaire (en lui rasant le crâne afin de couper toute liaison avec les forces d’occupation) tout en tentant d’accéder au grand manitou, sorte d’Empereur suprême trônant quelque part dans un supra-monde !

Jesse Plemons (C) Focus features

À partir d’un tel script dément et insensé, le cinéaste furieusement inspiré parvient à tenir en haleine le spectateur deux heures durant, entre huis-clos asphyxiant, tunnels de dialogues sibyllins, torture-porn, éclaboussures gore et révélation finale pré-apocalyptique absolument hallucinante, au détour de plans finaux d’une époustouflante beauté tragique digne de toiles de maîtres !

Références cachées

On pourra au passage se délecter de la peinture au vitriol d’une certaine caste dirigeante mondialisée prête à tout pour rester accrochée au pouvoir, quitte à recourir à une « novlangue » perfide versant sournoisement dans le discours corporate « diversitaire » (d’aucuns diraient wokiste !) tout en cultivant les injonctions paradoxales en direction des salariés et des masses laborieuses : « N’oubliez pas de partir de l’entreprise à 17H30 pour profiter de vos proches, sauf si vous ne le souhaitez pas et sauf si vous avez encore du travail à accomplir ! »… Comble du vide hypocrite et nonsensique cher à nos élites « corporate » dénationalisées.

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Mais, au-delà des références évidentes au film premium sud-coréen déjà évoqué (et qu’on peut (re)voir en double programme !), on est forcément obligés de songer au formidable film Emprise (Frailty), du regretté Bill Paxton, sorti en 2001. Dans un coin perdu du Texas, un père veuf hyper rigoriste, élevant seul ses deux garçons, était assagi de visions « divines » lui enjoignant de débarrasser le monde de démons ayant pris le corps de citoyens lambdas… Le pauvre chrétien investi de cette mission salvatrice allait alors commettre l’irréparable jusqu’à une terrible révélation finale…

Le fondamentalisme chrétien du film de Paxton est ici remplacé par un délire complotiste et paranoïaque aboutissant à un savoureux jeu de massacres dont la conclusion tout aussi inattendue devrait vous remuer les méninges pendant un long moment…

Sacré Yorgos, décidément le plus grand affabulateur de notre ère post-véridique ! Surtout, ne changez rien !

L'Horreur économique

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1h 59min.

Au bonheur des drames

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Dans son roman, Gabriel Boksztejn dessine un tableau noir et précis de la France contemporaine.


Pierre-André est fier de sa réussite professionnelle : il dirige un supermarché à Saint-Lô, en Normandie. Il a de l’argent, une maîtresse et un frère, Bernard, un perdant assez peu magnifique. Il est aussi menacé par son sous-directeur, Marc-Antoine, un salaud pas du tout lumineux. Pour aider son frère, Pierre-André embauche Émilie, la femme de Bernard.

L’effet papillon du coupon de réduction

On regarde s’agiter ces créatures en cherchant l’élément qui va déclencher la tragédie. On croit d’abord que Saint-Lô, et ce magasin qui s’appelle Martin, vont devenir, comme la caissière Émilie, les héros du roman – ce n’est pas directement le cas et le récit se dérobe en partie. Le drame, le dé du destin, viendra d’un bon de réduction, aussi dérisoire que sera dramatique son effet sur la vie de tous ces personnages – auxquels il faut ajouter, habilement liés les uns aux autres, Hichem, chef de rayon, qui a recueilli Jamil, son neveu homo chassé par sa mère (pour qui une liaison entre hommes est « un mariage génétiquement modifié ») ; Louis, normalien et idéologue, et Adrien, son frère cadet.

C’est par des additions de contraires que le roman progresse et tient le lecteur en haleine. La plus réussie des oppositions est peut-être celle entre Jamil et Farid, qui sont parmi les personnages les plus attachants du livre ; et l’opposition la plus flagrante est celle entre Adrien et Louis. Le premier, jeune écrivain putatif et torturé, est écrasé par le second, son frère aîné, « Louis le Magnifique ». Ce brillant normalien est surtout un cynique à qui le fameux « bon de réduction » permettra de se lancer en politique – puisque le récit, surtout dans sa dernière partie, brosse le portrait d’un militant porté par « l’arrivisme de la vertu » : Louis surjoue le révolutionnaire, dont il a le caractère irréductible et machiavélique : « Il n’était guère de ces hommes à brûler un Pôle emploi ou une voiture de police. Il subsistait entre lui et le crime trop d’ambition et plus encore de calculs. »

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Il est significatif que ce soit de son propre camp, de son propre parti, La Nouvelle Action directe, que viendra le coup qui le fera trébucher ; on est toujours condamné par plus pur que soi.

Avec certaines silhouettes – Mathias, figure terrible d’adolescent tourmenté, ou Isabelle, sympathique prostituée occasionnelle –, le portraitiste est à son meilleur ; et, avec certains détails – les applis de rencontre, les emballements médiatiques, « la meute des réseaux sociaux » –, il dessine un tableau précis de la France contemporaine.

Quelques lourdeurs mais des formules originales

Tous les personnages entretiennent des liens qui les isolent plus qu’ils ne les rapprochent. L’auteur a choisi pour cela un dispositif narratif où le destin (peut-être), passant d’une langue académique à un style parlé, du lyrisme à la méditation, apostrophe ses créatures, isolées dans des chapitres autonomes, où chacun est renvoyé à sa solitude. Les lecteurs trouveront peut-être que le lyrisme amoureux alourdit certaines pages, alors que l’auteur est très bon dans la verdeur – une des meilleures façons de parler d’amour. Ils regretteront aussi peut-être, dans un autre genre, l’abus d’infinitifs utilisés comme sujet. Mais on oublie ces détails quand on tombe sur des formules originales et imagées : cette corde, dans un suicide par pendaison, comparée à « une alliance que l’on passe au doigt de la mariée » ; ou ce compte en banque «vidé comme on ach[ève] les blessés sur les champs de bataille».

Une belle noirceur domine l’ensemble, rehaussée par l’ironie du narrateur. L’obsession du suicide, suivi ou non de passages à l’acte, court par exemple tout au long du livre. Si le destin est cruel, l’auteur aime ses personnages, quand tant de romanciers s’aiment d’abord eux-mêmes. Il ne les a pas voulus noirs ni blancs, mais 𝑔𝑟𝑖𝑠𝑒́𝑠, hachurés à la mine de plomb, accusant ou éclaircissant leurs traits, en fonction des obstacles rencontrés – comme la maladie qui humanise Pierre-André. C’est plus généralement un récit qui refuse le « noir et le blanc », lui préférant « le gris écœurant qui ronge le monde », où les Arabes ne votent pas forcément à gauche, où l’amour ne sauve pas toujours les êtres, où les salopards ne sont pas tout d’une pièce : 

« En ce sens, Louis ne se révélait pas même un franc salaud. Un de ces salauds dont la saloperie vous dévisage de face, d’une ignominie que l’on peut défier, à la loyale, et qui, tel le Pyrrhus de Racine, s’abandonne au crime en criminel. Non, Louis recherchait le crime, mais sans l’odeur du crime. Il aspirait à l’hygiène du crime. Il en niait jusqu’à la forme […]. C’est parce qu’il se figurait profondément convaincu de la justesse de sa lutte, qu’il se complaisait sans remords dans l’abaissement de sa politique, cette dégradation se présentant sous mille masques, mille prétextes, mille arrangements et casuistiques, combines retouchées de noblesse, tromperies maquillées de sublime, qu’il vous exposait avec sa condescendance mielleuse de lumineux bourreau. »

296 pages

Les terres mortes

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Suicide ou assassinat? Le dilemme du procès de «la mère empoisonneuse»

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Dans les Landes, la mère de famille Maylis Daubon assure au tribunal qu’elle n’est pas responsable de l’empoisonnement de sa fille.


Depuis son inauguration en 2021, le flambant Palais de justice de Mont-de-Marsan, à l’architecture tout en angles et grandes baies vitrées, ressemblant davantage à une moderne salle de spectacle qu’à un solennel édifice où l’on prononce des condamnations ou accorde parfois un acquittement, trône à la périphérie de cette commune de 40 000 habitants, préfecture des Landes. Il n’avait encore jamais connu pareille affluence. C’est que depuis le lundi 24 novembre se tient jusqu’au moins mercredi 3 décembre, en cour d’assises, un procès hors du commun d’une durée exceptionnellement longue, huit jours alors que la moyenne est deux ou trois jours.

Un geste routinier

On y juge en effet une affaire particulièrement ténébreuse, morbide, scabreuse, appelée, si condamnation il y a, à rester dans les annales judiciaires, comme si elle était sortie de l’imagination de l’écrivaine anglaise, Agatha Christie, dite « la Reine du crime » et dont l’arme de prédilection dans ses romans était les poisons.

Devant un « jury citoyen » composé de six personnes tirées au sort et de trois magistrates professionnelles comparaît Maylis Daubon, une mère de famille de 53 ans originaire de Dax, ville voisine de Mont-de-Marsan, accusée d’avoir, durant des mois, empoisonné ses deux filles en leur administrant à leur insu une mixture de médicaments de manière systématique, presque quotidienne. L’ainée, Enéa, y a succombé à 18 ans. La cadette, Luan, un an de moins, a survécu. Témoin crucial, elle a pris le parti de sa mère, ne s’est pas constituée partie civile estimant que celle-ci ne lui a rien fait de mal. Ce qui fragilise singulièrement l’accusation.

Pas moins d’une trentaine de journalistes, presse régionale et nationale, ont été accrédités. Un important service d’ordre a été mobilisé. La salle d’audience était le premier jour, et aussi, les suivants, pleine à craquer. Tous les matins bien avant l’ouverture des portes à 8 h 15, une longue file d’attente de curieux se forme pour assister aux débats qui devront établir s’il y a eu effectivement assassinat ou suicide. Car si l’acte d’accusation est accablant, les preuves d’un geste délibéré sont absentes.

L’accusée défie l’assistance

Le journaliste du quotidien régional Sud Ouest, Alexis Gonzalez, rapporte que lundi, à l’ouverture du procès, Maylis Daubon est entrée « dans la salle vêtue d’un tailleur gris, sa longue chevelure noire tenue par une barrette. Elle ne baisse pas la tête et jauge du regard chaque personne présente, prenant tout de même le soin d’éviter le banc des parties civiles où siège son ex-mari ». Ce dernier, père des deux filles, séparé depuis 13 ans de son épouse, Yannick Reverdy, 49 ans, un ancien international de hand-ball au physique de colosse, est son unique accusateur et s’est beaucoup répandu dans la presse pour l’accabler.   

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 « L’accusée, souligne l’article, (a) fait forte impression. » C’est un peu, déduit-on, comme si elle avait voulu défier l’assistance en affichant par cette posture altière son refus de reconnaître la moindre culpabilité.

 « Je suis innocente de ce qu’on me reproche, a-t-elle proclamé dans une déclaration liminaire avant de s’asseoir et de rester coite, recroquevillée sur son banc. Je suis dévastée par le décès de mon enfant. C’est un chagrin abyssal. Je suis terrorisée d’être ici, accusée de faits horribles pour une mère et une femme. Jamais rien au monde ne pourrait me faire commettre ces actes. » Durant toute l’instruction, elle n’a cessé d’affirmer que sa fille s’était suicidée. Pourtant, les faits établis — ou plutôt le faisceau d’indices concordants — mentionnés dans l’acte d’accusation accréditeraient le contraire. La présidente de la cour, Emmanuelle Adoul, les égrènera pendant une bonne heure et demie, sans négliger le moindre petit détail. 

Médication noire

En proie à des convulsions et à un arrêt cardiorespiratoire le 13 novembre 2019, Enéa est hospitalisée aux urgences de Dax. Six jours plus tard, elle décède. Perplexe face à cette mort étrange, le corps médical procède à une expertise toxicologique. Stupéfaction, on y décèle dans ses flux une quantité faramineuse de propranolol, un bêtabloquant cardiaque, équivalente à l’absorption de 50 à 75 cachets. Une analyse capillaire révèle en plus la soumission à ce qu’on appelle une « médication noire », à savoir la présence d’un cocktail d’hypnotiques, anxiolytiques, sédatifs, antidépresseurs. Le soupçon d’un empoisonnement s’installe. Le parquet ouvre une enquête. Une perquisition est menée trois jours après le décès au domicile de l’accusée.

Nouvelle stupéfaction, alors qu’elle avait dit ne pas en disposer, les enquêteurs découvrent une quantité impressionnante de propranolol, de psychotropes, et des seringues n’ayant pas servi.  Pour se justifier, elle se dit avoir été dépassée par la maladie de sa fille sans être en mesure de la nommer. L’enquête établit rapidement que c’est elle qui se les est procurés « après 83 passages en pharmacie », à l’aide d’ordonnances aux dates trafiquées, et que, durant la même période, de février 2018 à novembre 2019, elle a accompagné Enéa à 58 consultations de psychiatres pour cause de dépression chronique. Autre fait troublant, le portable de la défunte demeure introuvable. Or une énigmatique communication a été passée après son admission aux urgences. Par qui ?

A sa décharge, le jour de son hospitalisation, Maylis Daubon n’était pas à son domicile. En outre, à la même époque, une forte dose, pas suffisante pour être mortelle, du même cocktail médicamenteux, avait été détectée dans les flux et cheveux de Luan, la cadette. Donc logiquement, pour l’accusation, elle aussi avait été victime d’une tentative d’empoisonnement de la part de la mère. À la mort de sa sœur, elle a refusé d’aller vivre avec le père pour rester auprès de sa mère. De plus, âgée de 22 ans aujourd’hui, Luan a refusé catégoriquement de se porter partie civile contre cette dernière qui n’a été mise en examen et incarcérée à Pau qu’en 2022, trois ans après les faits qui lui sont imputés. Comme quoi la certitude de l’empoisonnement a mis du temps à s’imposer aux enquêteurs.

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Le père prétend qu’elle a subi de la part de sa famille maternelle qui l’a hébergée, « un lavage de cerveau pendant des années ». Il ajoute dans un entretien à Sud Ouest : « Elle continue de défendre son bourreau. Ce procès doit lui ouvrir les yeux. »

Son ex-épouse fait l’objet également d’une autre mise en examen. Elle aurait commandité auprès de codétenues libérables son assassinat. L’accusation repose essentiellement sur la délation de ces dernières.

Syndrome de Münchhausen

A partir du peu de témoignages qu’il a pu recueillir auprès des proches de l’accusée, l’enquêteur de personnalité, Bruno Rougeoreille, la décrit comme une menteuse invétérée et mythomane « qui surjoue les émotions qu’elle exprime ». Une policière chargée de l’enquête a affirmé à la barre lundi que ses dépositions étaient un tissu « de petites incohérences ». Un de ses collèges, lui, a taxé celles-ci de « mensonges ». Mais il a ajouté que « beaucoup de questions demeurent », précisant que « c’est l’histoire de la mort d’une gamine de 18 ans dans des circonstances que l’on ne connait pas ». Mais il a néanmoins écarté l’éventualité d’un suicide.

Pour une psychologue du pôle départemental de la protection de l’enfance, Maylis Daudon serait atteinte d’une pathologie mentale rare, le syndrome de Münchhausen. Il s’agit « d’un trouble factice qui conduit un parent à simuler, exagérer, ou provoquer chez son enfant une pathologie physique ou psychique, puis à faire appel au corps médical pour le soumettre à des traitements inutiles, voire dangereux. La plupart du temps, le parent (…) semble être à la recherche d’une reconnaissance au travers de l’assistance qu’il offre à son enfant. »

Lors de la première audience, son avocate, Me Carine Monzat a d’entrée fixée quelle sera, dans cette nébuleuse affaire, la ligne directrice de la défense de sa cliente. « Même si elle est mythomane, et alors ? Ça ne fait pas d’elle une empoisonneuse » a-t-elle lancé à l’endroit du jury.

Pour entrer en condamnation, une cour d’assisses n’a pas besoin de preuves mais seulement d’une intime conviction. Et quand il se l’est faite, le tribunal prononce son verdict en « son âme et conscience ». Mercredi prochain, quand il se retirera pour délibérer, face « aux circonstances que l’on ne connaît pas » de la mort d’Enéa, le jury des assises des Landes aura sans doute bien du mal à se faire la sienne d’intime conviction.  

Parité mal ordonnée…

Mauvais film. Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le cinéma français connait une tendance terriblement préoccupante: seulement 62 films français ont été réalisés ou coréalisés par des femmes en 2024 (contre 64 en 2023 et 69 en 2022). La parité, c’est anti-féministe, explique Elisabeth Lévy!


Comptez la femme ! D’après le CNC, la part des femmes dans les réalisateurs de films français est à son plus bas niveau depuis cinq ans. C’est une étude de l’observatoire de la parité créé par l’organisme public qui nous apprend cette nouvelle gravissime. En 2025, 24 % des films français ont été réalisés par des femmes. J’enrage que des gens soient payés pour ce travail absurde et même nuisible. Si le film de femmes est une catégorie artistique je veux qu’on me les signale pour les éviter.

L’art enrôlé dans une entreprise militante

La seule aune à laquelle on devrait juger un film est sa qualité artistique, son succès, sa maitrise technique. Peu me chaut que le metteur en scène ou le chef op soit un homme, une femme ou un non-binaire. Pire, introduire ce type de critères, c’est enrôler le cinéma dans une entreprise militante. Et puis si on compte les femmes, moi je veux savoir combien de films français sont réalisés par des bouddhistes, des unijambistes ou des « trans racisés ».

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Compter les réalisatrices ça ne suffit pas. Pour juger un film on compte aussi les femmes aux postes de direction. Jusque-là, les productions paritaires touchaient déjà un bonus du CNC. A partir du 1er janvier prochain, les films qui n’embauchent pas assez de femmes aux postes de chef auront un malus. Pas de femmes, pas de subvention : c’est une victoire de la statistique sur la singularité, de l’idéologie sur l’art, du droit sur le mérite.

Bondieuseries féministes

En politique, on me somme de reconnaitre que la parité est un vrai progrès. Non, c’est une insulte aux femmes, une forme de paternalisme. La seule chose importante, c’est qu’on n’écarte pas une femme parce qu’elle est une femme. Pourquoi faudrait-il choisir ses colistiers en fonction de leur sexe ? Résultat : on finit par recruter des femmes même si elles sont moins compétentes. Comble de la sottise administrative c’est désormais obligatoire pour les communes de 1000 habitants. Parité au village ! Un vrai casse-tête quand nombre de maires veulent jeter l’éponge.

On n’a pas besoin de règles tatillonnes et de sanctions, la société évolue à son rythme. L’égalité est la norme dans notre pays, mais quelle loi divine exige que toutes les activités humaines soient paritaires ? Faut-il une loi imposant autant de policières que de policiers, autant de magistrats que de magistrates ? Tout ceci est complètement idiot. Remarquez, cette bondieuserie prétendument féministe a une conséquence positive. Ceux qui pleurnichent parce qu’il n’y a pas assez de femmes, reconnaissent au moins que les hommes et les femmes ça existe.


Bilal Hussein, nouvelle voix des apostats de l’islam

À l’heure où les ex-musulmans sont de plus en plus nombreux à s’exprimer, le militant athée Bilal Hussein, qui débat régulièrement avec ses anciens coreligionnaires sur le web, a donné une conférence à Paris. Nous sommes allés écouter ce qui s’y est raconté…


Il s’est fait connaître pour ses débats avec des musulmans à travers Tiktok et YouTube. En juin, son passage sur CNews a été remarqué pour l’impitoyable dérision avec laquelle il critique l’islam.

Rires

Ce soir-là, aux Salons Hoche à Paris, une centaine de personnes sont venues écouter la conférence de Bilal Hussein, 33 ans, militant athée. Un événement co-organisé par le Café Laïque de Fadila Maaroufi et Florence Bergeaud-Blackler. Dès le début de sa présentation, le ton est posé : « Je suis Syrien, je suis né aux pays des droits de l’homme : l’Arabie saoudite », entraînant des rires qui ne cesseront pas de fuser.

L’humour est la marque de fabrique de Bilal Hussein, qui, dans toutes ses interventions, montre à l’aide de la satire la dimension rétrograde et les contradictions de la religion dans laquelle il a grandi, qui fragilisent son authenticité. Ce que ses détracteurs perçoivent comme une série de provocations puériles s’avère en fait un moyen d’émanciper les esprits, comme il l’explique : « Je ne critique pas l’islam parce que c’est drôle en soi, mais je pense que nous, musulmans, en fait on n’a jamais vraiment rigolé. » Car le rire est libérateur. Il est, selon Bilal Hussein, « ce qui manque aux musulmans pour se détacher de l’islam ». Seulement, derrière la plaisanterie, il y a une vie, faite de véritables souffrances.

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Comme il le raconte, l’enfance de Bilal Hussein est émaillée de scènes de violences : l’agonie des moutons sacrifiés sans étourdissement pour l’Aïd le marque et, quand il demande pourquoi on le contraint à prier, la réponse avec des coups. Le jour de l’attentat du World Trade Center, le 11 septembre 2001, son entourage, fou de joie, l’encourage à célébrer l’attaque. L’endoctrinement qu’il subit alors, explique l’apostat, repose en partie sur un principe: « Apprendre à des enfants à aimer la mort plus que la vie. » Et la manœuvre fonctionne. Le dogme macabre qui lui est inculqué ampute le jeune Bilal de toute empathie. En témoigne cet aveu saisissant: « Quand Samuel Paty est mort, je n’ai rien ressenti et aujourd’hui, je ne veux plus qu’on l’accepte. » Pour sortir de cette torpeur, il lui fallait sortir de l’islam.        

Obligations éreintantes

Plus qu’une croyance, l’islam est une pratique. Bilal Hussein égrène les obligations éreintantes qui lui ont été́ imposées très tôt telles que se lever au petit matin dès que rugit l’appel à la prière, prière à effectuer pas moins de cinq fois par jour. « C’est une vision très marxiste de la religion », commente d’un ton critique, assise à sa gauche sur la scène Florence Bergeaud-Blackler, avant d’ajouter: « Éric Zemmour amène cette même différence, qu’il y aurait les musulmans et l’islam, je trouve que ça nous empêche de réfléchir. Vous dites que l’islam, c’est juste des contes de fées… » L’apostat assume et maintient que son expérience est celle de « la société́ islamique dans sa forme la plus pure ». S’il n’avait pas quitté la Syrie pour la France à l’âge de huit ans, dit-il, son destin, tracé par l’islam, aurait été tout autre : « J’aurais pu finir esclavagiste ».

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Florence Bergeaud-Blackler reste sceptique. « J’ai un sentiment mitigé par rapport à la question de l’apostasie », confie l’anthropologue, qui différencie les apostats des ex-musulmans. « Pour moi, l’apostat c’est celui qui sort l’autre de l’islam, et vous, vous êtes un apostat athée, donc vous véhiculez l’idée que toutes les religions sont toxiques. Je ne suis pas de cet avis, la question du rapport à la religion est complexe, ce n’est pas seulement de l’endoctrinement d’enfants. » L’expérience la plus traumatisante des jeunes années de Bilal Hussein – une circoncision clandestine, sans anesthésie, dans le salon familial – explique sans aucun doute son opposition viscérale à toutes les pratiques qui se veulent d’inspiration divine. La trahison des adultes a alors été profonde et il ne leur pardonnera jamais.

Sortir du marasme

Durant le temps des questions au public, un médecin, qui s’est occupé́ de femmes victimes de l’excision, exprime lui aussi son désaccord avec l’apostat, pour qui la circoncision et l’excision sont à ranger sur le même plan, celui d’une pratique sans aucun fondement médical. Bilal Hussein maintient ne pas vouloir « hiérarchiser » les souffrances. Le médecin ne minimise pas la sienne mais lui fait remarquer que les conséquences de l’excision sont destructrices et définitives, contrairement à la circoncision: « Médicalement, vous avez tort ». L’échange, tendu, est ponctué par les applaudissements du public, qui se rangent du côté de l’apostat. Fadila Maaroufi doit faire un rappel à l’ordre au nom du respect de toutes les paroles.

Il faut dire que beaucoup dans la salle suivent Bilal Hussein sur les réseaux sociaux et, à la fin de la conférence, ils seront nombreux à faire la queue pour se faire dédicacer leur exemplaire de son livre, Incroyable Islam. Avant cela, Fadila Maaroufi conclut la conférence: « On doit continuer à ne pas s’auto-censurer, c’est ce qui nous sortira de ce marasme. » Comme l’aura souligné un peu plus tôt la co-fondatrice du Café Laïque, le surgissement de nouveaux visages comme celui de Bilal Hussein témoigne d’un véritable changement dans le débat sur l’islam en France. « La prise de parole des ex-musulmans va faire connaitre la réalité́ des choses », se réjouit-elle. Elle va sans doute aussi décomplexer les nombreux musulmans qui n’osent exprimer leurs critiques du dogme islamique. Une belle perspective dans un pays comme la France, qui s’enorgueillit d’être le gardien de la liberté́ de conscience et le phare le plus lumineux qui soit contre l’obscurantisme religieux.

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Pour amuser la galerie

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Dans l’histoire des casses qui ont fait du bruit, il y a en 1963 l’attaque du Glasgow-Londres (qui a inspiré « Le cerveau », film avec Belmondo et Bourvil), en 1976 le casse à Nice de Spaggiari, sans haine ni violence, et depuis le 19 octobre, le fric-frac du Louvre, quand des voleurs du dimanche ont dérobé les bijoux de la couronne, dont la majorité des Français ignorait l’existence, voire peut-être le conservateur du musée lui-même, vu que le manège à bijoux chez Leclerc est mieux protégé. Sur l’instant, les enquêteurs ont dû penser à un faux cambriolage, organisé par l’État, afin d’escroquer les assurances et toucher des millions pour boucler son budget…

Au Louvre, la salle la plus visitée, et la plus sécurisée, est celle où trône « La Joconde » (achetée par François 1er à de Vinci). Or cette salle recèle un tableau volé ! Le plus grand tableau du Louvre, du moins par ses dimensions (10 m sur 6m), une toile de Véronèse, « Les noces de Cana », qui à l’origine ornait le monastère de San Giorgio Maggiore à Venise.

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De sa campagne d’Italie en 1797, Napoléon est en effet revenu avec des souvenirs, près de 600 œuvres d’art, dont les fameuses « Noces de Cana ».

Depuis, régulièrement, des comités italiens réclament la restitution du tableau. En mai 2022, l’ONG « Restitutions Internationales » s’adressait ainsi au ministère de la Culture français pour demander la restitution de dix tableaux italiens saisis sous Napoléon et restés au Louvre. Dans un rapport de 2023, le directeur honoraire du Louvre informait encore Emmanuel Macron qu’en Italie l’affaire des « Noces » suscitait toujours une certaine émotion.

L’État français pensait pourtant avoir réglé le problème: en 2007 le musée du Louvre a offert à Venise une copie du célèbre tableau ! Peut-être une solution pour le fric-frac du 19 octobre: l’État devrait proposer aux voleurs d’indemniser le musée en livrant une copie des bijoux volés… juste pour amuser et abuser la galerie.

Quand ce monde imbuvable jette ses ultimes anathèmes

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Gallimard, Ockrent, Souchon: le cirque «antifasciste» s’épuise un peu, observe notre chroniqueur


Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, éditeurs de Boualem Sansal, ont menti. Mais qui s’en étonne ? Contrairement à leurs affirmations, jamais l’écrivain, alors emprisonné en Algérie, n’a fait connaître son opposition à concourir au prix Sakharov, proposé par Jordan Bardella au nom du parlement européen. « Je n’ai rien refusé », a expliqué Sansal sur France Inter lundi, après son retour en France. « J’ai appris cette histoire quasiment trois ou quatre semaines après ». Le 15 septembre dans un communiqué, ses éditeurs s’étaient réclamés de lui pour repousser ce prix et qualifier la démarche des Patriotes pour l’Europe « d’irrecevable et d’insidieusement partisane ». Ainsi font les poseurs quand il s’agit d’exclure « l’extrême droite », en l’occurrence ceux qui voulaient saluer la liberté d’expression du Soljenitsyne français, pourfendeur des idéologies totalitaires et singulièrement de l’islamisme.

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Supérieurement moraux…

L’indécence et le mépris de classe sont les marques de cette caste snobinarde qui se donne en exemple. Christine Ockrent est un autre symbole de ce monde convaincu de sa supériorité attractive : la journaliste de salon, l’autre jour sur France 2, a attaqué à son tour le groupe Bolloré (CNews, Europe 1, JDD) en évoquant « des gens qui sont la négation même de nos métiers à mon avis », et en accusant notamment CNews, portée par ses audiences, de « falsification des faits » et de « désinformation ». La pensée de luxe n’a pas fini de se rendre odieuse, dans son mépris du peuple et de son réalisme. En admiration d’elle-même depuis un demi-siècle, cette « élite » n’a toujours pas pris la mesure de son éloignement des Français et de leur vie réelle. « Nous avons changé d’époque », prévient avec raison Olivier Marleix, dans son livre posthume[1]. Cependant, ce n’est pas seulement le macronisme qui s’effondre. C’est le système qui agonise.

… ils privilégient l’anathème au débat

Ces imbuvables sont les derniers acteurs, caricaturaux dans leur suffisance déplacée, d’une époque qui se termine. Les faux esprits préfèrent l’anathème au débat. Ils ne savent plus argumenter. Rien ne sort de leurs conclaves, sinon des clichés sur le retour d’un fascisme dont ils ne voient pas qu’il est couvé chez leurs cousins germains de la gauche-hallal. Plus ces parvenus crachent sur les gens ordinaires, plus le peuple les envoie paître.

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Emmanuel Macron, symbole de ce progressisme en déroute, est la première victime du boomerang. Sa guerre des mots contre la Russie, qu’il présente comme « la principale menace pour la France », ne fait pas oublier ces enfants de France tués dans les guerres de rues. Lundi, sur Europe 1, la mère d’Elias, assassiné à coups de machettes par deux récidivistes « diversitaires » il y a dix mois à Paris, a accusé la justice « de n’avoir pas protégé » son fils. Stéphanie Bonhomme a dit avoir été traitée de « populiste » par des juges à qui elle demandait des comptes sur leur manque de discernement. Sa révolte s’ajoute à celles de nombreuses autres familles de victimes d’une société qui a baissé les bras devant ses ennemis intérieurs.

Un sondage Odoxa, publié mardi, donne Bardella largement vainqueur au second tour de la présidentielle, dans tous les cas de figure. Il est certes trop tôt pour conclure à la fin d’un monde. Mais l’échéance se précise.

Dissolution française - La fin du macronisme

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[1] Dissolution française, Robert Laffont

Le chagrin et la piété

Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre: une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la Shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Reportage.


Entre le village de Martel et les Quatre-Routes, dans le Lot, au bout d’une montée caillouteuse, invisible pour ceux qui ne la cherchent pas, se dresse la chapelle de Maraden. Le peintre Miklos Bokor, juif hongrois rescapé des camps de la mort, s’était installé tout près, à Floirac. Dans les années 19941995, il s’était mis en tête de travailler dans une chapelle. C’est son maçon, Monsieur Oubreyrie qui trouva une chapelle abandonnée appartenant à une famille de sa connaissance. Dans les ronces, la petite église romane du xiie siècle de 12 mètres de haut, 15 mètres de long et cinq mètres de large. La nef est éclairée à ses deux extrémités par deux fenêtres hautes et étroites. Au sol, creusé dans la roche, un ancien autel funéraire.

Dès qu’il y entre, l’artiste sait que c’est son lieu, que sur ces murs, il peindra ce qu’il doit peindre. Il l’achète en 1996 avec l’aide du musée Jenisch de Vevey. Le maçon était le père de l’actuel maire de Martel, Yannick, qui se souvient avoir aidé son père à la restauration de la nef et à la réfection d’une partie du toit en lauzes. Jeune homme à l’époque, Yannick montait l’eau et le sable à « Monsieur Bokor » pour faire ses couleurs. Il travaillait dur, précise-t-il, c’était un grand bonhomme, sombre et taiseux. Des années après, Yannick Oubreyrie est en première ligne pour sauver la création de Miklos Bokor.

Quand le peintre achète la chapelle, son œuvre est déjà immense. Des centaines de tableaux sont exposés çà et là. Une peinture sur le motif commencée en Hongrie, des figures de paysans et des paysages, car la nature le calme de ses profonds tourments. Ses parents, sa famille et lui-même ont été déportés à Auschwitz, comme la plupart des juifs de Hongrie à partir de 1944. Il avait 17 ans. Sa mère a été assassinée à Auschwitz, son père à Bergen-Belsen. Lui a été transporté de camp en camp jusqu’à Theresienstadt d’où il a été libéré. Il passe ensuite deux ans à l’hôpital. Il s’ennuie. Il dessine. Il reste en Hongrie jusqu’en 1956 puis visite la France.

En 1960, après la mort de son premier fils, il s’installe définitivement à Paris. Il se remarie et a un second enfant, Michel.

Il rejoint la Ruche, dans le 15e arrondissement, et se lie à des artistes. Il expose avec Zoran Mušič, rencontre Paul Celan, échange avec Yves Bonnefoy sur la réalité de l’existence et du vivant, écrit un livre avec le psychanalyste Paul Wiener, hongrois comme lui, « pour en finir avec Hitler[1] », où se pose la question du monstrueux en termes psychotiques. Une autre question termine le livre : quel peut être l’apport des survivants ?

Certains de ses grands tableaux montrent des silhouettes humaines qui chutent, annonçant, tout comme leurs titres, son futur chef-d’œuvre : Qu’avons-nous fait ?, Un homme peut-être ?

Il découvre le Lot et y achète une maison. Dorénavant, Bokor se partage entre son atelier parisien et Floirac.

Nous sommes sur le causse de Martel. Un pays de pierres et de chênes, une terre rocailleuse, calcaire. La grotte de Pech Merle n’est pas loin, comme celle de Roucadour, qui recèle les figurations pariétales des premiers hommes du Quercy. Cette terre préhistorique, où l’humanité se raconte depuis son origine, est propice au projet de l’artiste. Il veut puiser dans cette force universelle pour inscrire à son tour son empreinte, tout aussi universelle.

À plus de 70 ans, Bokor apprend la technique de la fresque et invente son propre langage. Raphaël Daubet, sénateur du Lot, se souvient de l’atelier du peintre : des cailloux, des galets de toutes formes… Il visitait souvent les Bokor, dont il connaissait le fils. Ensemble, ils allaient pêcher, chasser, cueillir des champignons… Un jour son ami lui a fait découvrir une merveille, cette fameuse chapelle que son père ne montrait à personne. De l’extérieur, Raphaël a vu quatre murs de pierres rustiques bâtis à l’argile et envahis de lierre. Il évoque ce moment dans un magnifique recueil de nouvelles[2] : « Michel tourna la clef dans l’énorme serrure et poussa la lourde porte en chêne, puis me fit signe d’entrer. Le chef-d’œuvre de son père était stupéfiant. J’étais saisi d’effroi. » Avec sa fresque, Bokor a ajouté une couche supplémentaire à l’humanité, affirme le sénateur. « Il continue la préhistoire, on trouve sur cette terre du sable ocre qui, mélangé à la chaux, fait comme un pigment préhistorique. »

Le sénateur Daubet fait également partie des sauveteurs.

Personne ne sort indemne de la visite

Pendant quatre ans, seul entre quatre murs, il laisse ses mains le guider, inventer un langage de formes, de vides, de traits.

Tous les visiteurs rencontrés expriment la même sidération. La Spirale de l’Histoire, titre de la fresque, se lit de droite à gauche, comme l’hébreu.

Sur le mur de droite en entrant, récit de la période biblique : l’Exode, la sortie d’Égypte, Jacob, Abel et Caïn, Amalek, le sacrifice d’Abraham, etc.

En face, sur le mur nord, la Shoah, mot que l’artiste n’a jamais employé. Il disait « ce qui s’est passé ».

La Spirale de l’Histoire, de Miklos Bokor, 1998-1999.

Le vertige naît de ce que les murs, celui de la Bible et celui de la Shoah avancent d’un même mouvement, donnant une sensation de continuité et de vie. « Baharta bahaim », enseigne la Torah, « tu choisiras la vie ». Malgré l’horreur, c’est ce qu’a fait Bokor. Toujours habité par les mêmes lancinantes questions : comment créer après la Shoah ? Comment dire l’anéantissement ? Comment réhabiliter l’homme ? Il dit à Yves Bonnefoy : « Longtemps j’ai perdu la définition de l’homme… il me paraît à nouveau que l’essentiel de l’art, ce doit être d’inscrire cet humain dans son siècle. » Cependant Bokor ne veut pas témoigner, ne peint pas avec sa tête, ne réfléchit pas. C’est au-delà. « L’humanité est menacée, rien ne sert de décrire, il faut toucher au plus profond », confie-t-il encore à Bonnefoy. Il choisit la métaphysique pour aller à ce plus profond et au plus haut.

Ses mains

Avant d’entrer, il y a la porte. Deux mains sortent d’une plaque d’airain, paumes tournées vers le visiteur. Ce sont celles de l’artiste, coulées par le forgeron. Elles rappellent la bénédiction des Cohen, les prêtres, qu’on trouve sur des tombes juives. L’écartement des doigts forme les trois barres de la lettre hébraïque shin, dont est dérivé un des noms de Dieu – Shaddai. Bokor le savait-il ?

Comme l’écrit Raphaël Daubet, on est saisi « d’effroi en pénétrant dans la chapelle, c’est un foisonnement de membres, de fémurs, de troncs. Une foule de squelettes désarticulés. Des silhouettes décharnées, levant les bras au ciel, hurlant… » La fresque peinte sur les murs, du sol au plafond, est un vertige d’incisions plus ou moins profondes, de lignes blanches verticales, obliques, horizontales. Une foule en marche obsédante. Du blanc, de l’ocre, du gris, parfois du bleu. Au sol, Bokor a fait du rocher qui tenait lieu d’autel une sépulture symbolique pour ses parents et son fils. Elle est aujourd’hui protégée par une vitre. Il faudrait des pages et des pages pour raconter cette œuvre. Elles ont été écrites par Saralev Hollander, qui a suivi « ces chemins anéantis où nous ne cessons d’aller », titre de son magnifique livre sur Miklos Bokor[3]. Oui, il faut aller avec ce qui a été anéanti. Bokor ne cherche pas à reproduire mais à « réhabiliter la dimension de l’homme dans l’espèce humaine », explique-t-elle. Ici, seulement des corps humains, nulle représentation d’objets, sauf un bonnet, celui que Bokor a lancé à son père à Auschwitz pour qu’il se couvre. « Autzen ab ! » (« Enlevez les bonnets ») : hurlaient les gardiens pendant le comptage. Douleur indicible, Miklos n’a jamais revu son père après ce geste gravé là, dans la pierre, tout comme la silhouette de ses parents, de dos, sur un petit mur d’au revoir, près de la porte, en sortant. Inoubliable.

Les mains de l’artiste, coulées dans une plaque d’airain.

Le sauvetage

Miklos Bokor meurt en 2019. Son fils, puis sa femme le suivent peu après. En 2023, il n’y a plus d’héritiers directs. La chapelle revient à des petits neveux et nièces qui la mettent en vente au prix de 500 000 euros, prix fixé en fonction de la cote des tableaux de l’artiste. Des fuites sont repérées dans le toit en lauzes. Le chef-d’œuvre risque d’être endommagé. Il faut agir au plus vite. Les héritiers font bâcher la toiture pour 15 000 euros.

Mais une mobilisation s’organise. Pas question de vendre la chapelle à des particuliers ! Le sénateur, le maire et d’autres, des amis de Bokor montent au créneau, alertent la presse et la préfète qui se rend sur les lieux. Autre défenseur de l’œuvre, Charles Soubeyran, critique d’art indépendant, laïque et universaliste, vit là depuis des décennies. Bourru derrière la pipe qu’il ne lâche pas, c’est un acteur important de la vie culturelle de la région. Il crée un collectif et envoie une pétition à la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, soutenant que la chapelle s’inscrit dans une démarche très ancienne de dénonciation des horreurs de la guerre, comme certaines œuvres de Goya ou le Guernica de Picasso. Grâce à sa notoriété et celle de Raïssa Blankoff, ancienne journaliste et voisine – et, me semble-t-il, la seule juive rencontrée dans cette histoire –, quelques signatures prestigieuses figurent sur la pétition.

Le sénateur Daubet prend notamment attache avec la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), le département du Lot et le Mémorial de la Shoah. Sans succès. Des controverses éclatent. Tout le monde a son idée sur l’avenir de la chapelle. Raphaël Daubet n’en démord pas : elle doit appartenir à la collectivité. « Après le 7-Octobre, il est impératif de faire classer la fresque de Bokor au patrimoine national », affirme-t-il. Le maire de Martel, Yannick Oubreyrie, n’en pense pas moins et s’acharne à convaincre son conseil municipal : la chapelle doit appartenir à la commune. Reste à convaincre les héritiers d’abandonner ce prix exorbitant de 500 000 euros. Finalement, les bonnes nouvelles s’enchaînent : Cauvaldor, la communauté de communes, accepte d’être coacquéreur, le prix est fixé à 66 000 euros et le classement au patrimoine national est accepté. La chapelle de Maraden de Miklos Bokor est sauvée grâce à la volonté de quelques-uns, contre l’indifférence ou la bêtise d’autres. Fin septembre, une cérémonie émouvante a réuni au Sénat les responsables du patrimoine et les élus de Martel et du Lot. Il s’agit désormais de faire connaître la chapelle pour financer son entretien. « Nous prévoyons de reproduire la fresque pour l’adosser au musée de Martel, au risque d’atténuer, c’est vrai, la force émotionnelle du lieu quand on est dedans, déclare Yannick Oubreyrie. Nous détenons un chef-d’œuvre, nous le ferons visiter à de petits groupes, notamment de collégiens, ou pendant les Journées du patrimoine, mais pas question de voir débarquer des cars de touristes ! »

Qui sait, peut-être que dans quelques générations, le monde entier connaîtra La Spirale de l’Histoire, ce tatouage funeste de la Shoah qu’un artiste juif revenu des camps a imprimé sur les murs à la manière des hommes préhistoriques.

Pour faire un don à la chapelle de Maraden : « Chapelle de Maraden à Martel », fondation-patrimoine.org.


[1] Miklos Bokor, Paul Wiener, Peut-on en finir avec Hitler ?, L’Harmattan, 2010.

[2] Raphaël Daubet, Vieux pays, Toute Latitude, 2025.

[3] Saralev H. Hollander, Miklos Bokor, la fresque de Maraden : par les chemins anéantis nous ne cessons d’aller, Meridianes, 2022.

La présidentielle: autrefois épopée, aujourd’hui épisode…

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Gérard Courtois raconte la Ve République comme un roman « national », dans son dernier livre, La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin, 2025)


Avec La Saga des élections présidentielles : De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, Gérard Courtois retrace soixante ans de vie politique française. Au fil des campagnes, l’ancien éditorialiste du Monde raconte l’ascension puis l’essoufflement d’une institution longtemps considérée comme le cœur battant de notre nation. Une fresque électorale qui dit, parfois malgré elle, le glissement d’une France verticale vers une démocratie d’opinion fragmentée.

De Gaulle–Mitterrand : l’âge mythologique de la Ve République

Les premiers chapitres évoquent une époque que l’on croirait presque légendaire. 1965 : de Gaulle accepte de se soumettre au suffrage universel, comme un chef convoqué par son peuple. 1981 : Mitterrand, après vingt-trois ans de combats politiques, conquiert l’Élysée comme on atteint un sommet promis depuis longtemps.

Pour Courtois, ces campagnes fondatrices ont une dimension épique. Elles ne se résument pas à des alliances, des petites phrases ou des sondages : elles mettent en jeu des visions du pays. Les candidats s’affrontent sur des conceptions du destin français. Le général incarne la souveraineté, Mitterrand la culture et la durée historique. Et les adversaires eux-mêmes partagent l’idée que la France a une vocation singulière.

Cette période n’est pas qu’un souvenir politique : elle illustre un cadre mental. La présidentielle n’est pas encore une compétition médiatique ; elle reste une bataille de légitimité, presque une cérémonie d’intronisation républicaine.

De Chirac à Hollande : la politique avalée par la démocratie d’opinion

Le centre du livre marque un tournant. À partir des années 1990, Courtois décrit une vie politique désormais rythmée par les courbes de popularité et les commentaires en plateau. Chirac est élu en 1995 sur le thème de la fracture sociale, puis triomphe en 2002 plus par accident de l’histoire qu’au nom d’une volonté populaire structurée. Le « front républicain » qui en naît, présenté comme un réflexe unanime, se révèle être une construction fragile dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une ombre.

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Avec Nicolas Sarkozy, l’Élysée devient un théâtre. Hyperactivité, communication constante, accélération permanente : la fonction présidentielle s’épuise au rythme même où elle cherche à se réinventer. François Hollande, lui, accède au pouvoir presque malgré lui. Son élection de 2012 apparaît comme la victoire d’un style plus que d’une vision — ou plutôt comme le rejet d’une personnalité. Dans cette séquence, la Ve République perd ce qui faisait sa force : l’enracinement d’une autorité reconnue. Le président n’incarne plus ; il gère. Il ne trace plus une voie ; il ajuste un rapport de forces mouvant.

Macron : rupture réelle ou simple reconfiguration du vide ?

En 2017, Emmanuel Macron joue de l’effondrement des partis traditionnels pour s’emparer du pouvoir à la manière d’un entrepreneur politique. Il recueille les espoirs de ceux qui ne croient plus ni à la gauche ni à la droite — mais sans forcément leur proposer un cadre idéologique durable. En 2022, sa réélection s’explique moins par un élan populaire que par un paysage fracturé. Et Courtois montre comment le chef de l’État occupe l’espace en l’absence d’adversaire capable de structurer un récit national alternatif. Derrière l’analyse, un constat : si le président Macron règne, c’est aussi parce que la fonction elle-même s’est distendue. L’autorité présidentielle n’est plus transcendante ; elle se fond dans la gestion pragmatique d’un pays divisé.

Une fresque qui dit le malaise d’un pays en quête de centre de gravité

Le livre de Gérard Courtois n’est pas un pamphlet. L’auteur raconte, détaille, contextualise. Mais son travail fait apparaître, presque en creux, la fin d’un cycle. La présidentielle, pensée comme le pivot de la vie nationale, s’est transformée en rituel médiatique où l’émotion prime sur le projet, et où le vote exprime davantage des humeurs que des convictions.

La Ve République, conçue pour un peuple rassemblé autour d’une figure d’incarnation, se retrouve confrontée à une société fragmentée. Ce que révèle cette « saga », c’est la persistance d’un vide symbolique que les campagnes électorales ne parviennent plus à combler. La France élit toujours un président, mais elle ne se reconnaît plus tout entière dans la figure qu’elle porte à l’Élysée.

464 pages.

La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron

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Un inquiétant retour à la terre

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« Le bonheur n’est-il pas l’une des formes de l’étourderie ? » Cette phrase ne peut provenir que d’un écrivain, d’un grand écrivain. François Cérésa, on le sait, en est un. Auteur d’une quarantaine d’opus, primé par les plus grand prix littéraires (Grand Prix de l’Académie française Michel-Déon ; prix Denis-Tillinac, prix Paul-Léautaud), on sait déjà qu’il excelle dans la littérature traditionnelle (romans, récits, nouvelles) ; ce qu’on sait moins c’est que depuis quelque temps, il excelle tout autant dans la littérature de genre : polar, romans noirs. La preuve : il nous propose La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, un thriller exaltant et haletant qui, d’un bout à l’autre, nous tient en haleine.

Champignons

Il nous convie à suivre pas à pas un couple de Parisiens bobos, la délicieuse, délurée et très blonde Rachel, et son mari très permissif, très compréhensif, Louis, médecin blasé, calme en apparence mais qui cache bien son jeu. Ils décident de quitter la capitale pour s’installer en Auvergne. Le coin est charmant, verdoyant et bucolique ; leur nouvelle maison, confortable. Il y a un lac magnifique, et un mystérieux cimetière qui fait jaser. Tout pourrait aller pour le mieux mais, non, ça coince quelque part. Serait-ce le métier (critique de cinéma d’horreur!) de la très sensuelle et coquine Rachel qui serait le vilain grain de sable dans la mécanique bien huilée du bonheur ? Serait-ce le fait qu’elle collectionne les gigolos ? Serait-ce l’aura bizarre de leur voisin Just, bûcheron de son état, ancien gilet jaune, militant de la France insoumise ? Ou serait-ce encore Papa Momo, le père de Rachel, grabataire après un AVC provoqué par les excès divers, qui, en fauteuil roulant, ne parvient quasiment plus à parler et qui, parfois, leur casse carrément les pieds ? En parlant de pieds, Kévin, le podologue qui pue des pinceaux, praticien dans le même cabinet médical fondé par Louis, serait-il à l’origine de l’atmosphère qui, au fil des jours, empuantit leurs existences ? Et puis qu’a-t-il tout au fond de lui-même, le Louis, à s’enfermer des heures dans le cabanon de son jardin ? (On apprendra qu’il y confectionne avec gourmandise des engins de torture.)

Détestations

Résultat : tout le monde eût pu s’aimer, se respecter, profiter de la magnifique Auvergne. Non. Il n’en est rien. Tout le monde s’épie, se déteste. Chacun commence à craindre pour sa vie, d’autant qu’une partie de la joyeuse communauté a failli y passer après la dégustation de champignons (des Inocybes de Patouillard). Pendant ce temps, les ombres continuent à rôder autour de la maison, certaines équipées de fusil… On en saura un peu plus quand Rachel invitera Alex, son jeune amant, à manger. Tout cela se finira-t-il très mal ?

François Cérésa nous intrigue, nous inquiète, nous fait rire. En un mot : avec ce thriller vif comme les eaux du barrage de Villerest, il a réussi son coup. On en redemande.

La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, François Cérésa ; éd. Glyphe ; 239 pages.

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American parano

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Emma Stone, "Bugonia" (2025) de Y. Lánthimos © Focus Features

Contrairement à Jean Chauvet dans le magazine, notre contributeur a apprécié le film Bugonia, en salles depuis hier. Il prévient: le dernier film de Lánthimos sur les délires conspirationnistes va nous perturber…


Et si cela devenait une nouvelle lame de fond du cinéma nord-américain ? Après Eddington (Ari Aster), Une bataille après l’autre (Paul Thomas Anderson), Marche ou crève (Francis Lawrence) ou Running Man (Edgar Wright), Bugonia, le dernier opus du réalisateur grec un brin perché Yórgos Lánthimos, accoste à son tour sur les rivages conspirationnistes et paranoïaques d’un Empire jadis étoilé, actuellement en pleine déliquescence… C’est un grand film inclassable, malséant et perturbant !  

Le coup d’éclat permanent

Après Canine, The Lobster, Mise à mort du cerf sacré, Pauvres créatures et Kinds of kindness, Yórgos Lánthimos s’impose désormais selon moi comme le réalisateur le plus excitant et le plus électrisant de ces dernières années. Il possède ce don rare et singulier de capter l’air du temps via de saisissantes paraboles intimistes, philosophiques et politiques, n’hésitant pas à plonger sans ciller dans nos angoisses, fantasmes et phobies les plus profondément enfouis. Une introspection qui, évidemment, peut faire très mal…

Il le prouve une fois encore avec panache, brio et provocation en revisitant, littéralement habité et exalté, le film sud-coréen Save the Green Planet ! (2003) de Jang Joon-hwan.

Porté à bout de bras (et de crâne…) par son actrice fétiche Emma Stone – également coproductrice du métrage aux côtés de l’incontournable Ari Aster – son Bugonia (étymologiquement « progéniture de bœuf ») s’érige comme l’un des premiers grands chefs-d’œuvre de notre ère dite de la post-vérité, dont l’avènement fut accéléré par la pandémie mondiale de la Covid-19. Une période trouble et inédite ayant alimenté à travers le globe les théories conspirationnistes et paranoïaques les plus farfelues et les plus fumeuses, surtout aux Etats-Unis, par ailleurs avant-garde du camp masculiniste et survivaliste.   

Ils sont parmi nous…

De quoi s’agit-il ? Très schématiquement, et sans trop déflorer l’intrigue, nous pénétrons le cerveau apparemment malade et dysfonctionnel de deux Américains (très) moyens, vivotant dans une vieille maison perdue dans une banlieue campagnarde archétypale. Chimiquement castrés, ils ambitionnent de se délier de toute contrainte matérielle et corporelle pour enfin atteindre la Vérité absolue… tout en sauvant au passage le genre humain !

A lire aussi: Le baby sitting? pas question!

Si Don (Aidan Delbis) est un gros nounours simple d’esprit, directement sorti de l’univers d’un John Steinbeck, Teddy (Jesse Plemons) incarne la tête pensante de ce binôme de « losers », grands perdants de la mondialisation, autre nom de L’Horreur économique, jadis prophétisée dans nos contrées cartésiennes par notre grande pythonisse Viviane Forrester (1996). Opérateur de commandes dans une immense firme pharmaceutique dirigée par la très charismatique (et bien nommée !) Michelle Fuller (Emma Stone), Teddy est surtout passionné par son hobby d’apiculteur. Mais constatant une dégradation progressive et inéluctable du cycle de reproduction et de vitalité des abeilles, il croit y déceler les signes d’un grand complot mondial ourdi par des forces extra-terrestres dans le but de provoquer une extinction de l’espèce humaine ! Et l’un des ordonnateurs déguisés de ce terrible dessein serait sa propre P-DG, un alien sous les apparences d’une hyper active working executive woman. N’écoutant que son intuition et se fiant à ses nombreuses lectures sur le net, il décide de la séquestrer et de la rudoyer, aidé par son pauvre acolyte. Objectif : démasquer l’adversaire (en lui rasant le crâne afin de couper toute liaison avec les forces d’occupation) tout en tentant d’accéder au grand manitou, sorte d’Empereur suprême trônant quelque part dans un supra-monde !

Jesse Plemons (C) Focus features

À partir d’un tel script dément et insensé, le cinéaste furieusement inspiré parvient à tenir en haleine le spectateur deux heures durant, entre huis-clos asphyxiant, tunnels de dialogues sibyllins, torture-porn, éclaboussures gore et révélation finale pré-apocalyptique absolument hallucinante, au détour de plans finaux d’une époustouflante beauté tragique digne de toiles de maîtres !

Références cachées

On pourra au passage se délecter de la peinture au vitriol d’une certaine caste dirigeante mondialisée prête à tout pour rester accrochée au pouvoir, quitte à recourir à une « novlangue » perfide versant sournoisement dans le discours corporate « diversitaire » (d’aucuns diraient wokiste !) tout en cultivant les injonctions paradoxales en direction des salariés et des masses laborieuses : « N’oubliez pas de partir de l’entreprise à 17H30 pour profiter de vos proches, sauf si vous ne le souhaitez pas et sauf si vous avez encore du travail à accomplir ! »… Comble du vide hypocrite et nonsensique cher à nos élites « corporate » dénationalisées.

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Mais, au-delà des références évidentes au film premium sud-coréen déjà évoqué (et qu’on peut (re)voir en double programme !), on est forcément obligés de songer au formidable film Emprise (Frailty), du regretté Bill Paxton, sorti en 2001. Dans un coin perdu du Texas, un père veuf hyper rigoriste, élevant seul ses deux garçons, était assagi de visions « divines » lui enjoignant de débarrasser le monde de démons ayant pris le corps de citoyens lambdas… Le pauvre chrétien investi de cette mission salvatrice allait alors commettre l’irréparable jusqu’à une terrible révélation finale…

Le fondamentalisme chrétien du film de Paxton est ici remplacé par un délire complotiste et paranoïaque aboutissant à un savoureux jeu de massacres dont la conclusion tout aussi inattendue devrait vous remuer les méninges pendant un long moment…

Sacré Yorgos, décidément le plus grand affabulateur de notre ère post-véridique ! Surtout, ne changez rien !

L'Horreur économique

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1h 59min.

Au bonheur des drames

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Image d'illustration Unsplash.

Dans son roman, Gabriel Boksztejn dessine un tableau noir et précis de la France contemporaine.


Pierre-André est fier de sa réussite professionnelle : il dirige un supermarché à Saint-Lô, en Normandie. Il a de l’argent, une maîtresse et un frère, Bernard, un perdant assez peu magnifique. Il est aussi menacé par son sous-directeur, Marc-Antoine, un salaud pas du tout lumineux. Pour aider son frère, Pierre-André embauche Émilie, la femme de Bernard.

L’effet papillon du coupon de réduction

On regarde s’agiter ces créatures en cherchant l’élément qui va déclencher la tragédie. On croit d’abord que Saint-Lô, et ce magasin qui s’appelle Martin, vont devenir, comme la caissière Émilie, les héros du roman – ce n’est pas directement le cas et le récit se dérobe en partie. Le drame, le dé du destin, viendra d’un bon de réduction, aussi dérisoire que sera dramatique son effet sur la vie de tous ces personnages – auxquels il faut ajouter, habilement liés les uns aux autres, Hichem, chef de rayon, qui a recueilli Jamil, son neveu homo chassé par sa mère (pour qui une liaison entre hommes est « un mariage génétiquement modifié ») ; Louis, normalien et idéologue, et Adrien, son frère cadet.

C’est par des additions de contraires que le roman progresse et tient le lecteur en haleine. La plus réussie des oppositions est peut-être celle entre Jamil et Farid, qui sont parmi les personnages les plus attachants du livre ; et l’opposition la plus flagrante est celle entre Adrien et Louis. Le premier, jeune écrivain putatif et torturé, est écrasé par le second, son frère aîné, « Louis le Magnifique ». Ce brillant normalien est surtout un cynique à qui le fameux « bon de réduction » permettra de se lancer en politique – puisque le récit, surtout dans sa dernière partie, brosse le portrait d’un militant porté par « l’arrivisme de la vertu » : Louis surjoue le révolutionnaire, dont il a le caractère irréductible et machiavélique : « Il n’était guère de ces hommes à brûler un Pôle emploi ou une voiture de police. Il subsistait entre lui et le crime trop d’ambition et plus encore de calculs. »

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Il est significatif que ce soit de son propre camp, de son propre parti, La Nouvelle Action directe, que viendra le coup qui le fera trébucher ; on est toujours condamné par plus pur que soi.

Avec certaines silhouettes – Mathias, figure terrible d’adolescent tourmenté, ou Isabelle, sympathique prostituée occasionnelle –, le portraitiste est à son meilleur ; et, avec certains détails – les applis de rencontre, les emballements médiatiques, « la meute des réseaux sociaux » –, il dessine un tableau précis de la France contemporaine.

Quelques lourdeurs mais des formules originales

Tous les personnages entretiennent des liens qui les isolent plus qu’ils ne les rapprochent. L’auteur a choisi pour cela un dispositif narratif où le destin (peut-être), passant d’une langue académique à un style parlé, du lyrisme à la méditation, apostrophe ses créatures, isolées dans des chapitres autonomes, où chacun est renvoyé à sa solitude. Les lecteurs trouveront peut-être que le lyrisme amoureux alourdit certaines pages, alors que l’auteur est très bon dans la verdeur – une des meilleures façons de parler d’amour. Ils regretteront aussi peut-être, dans un autre genre, l’abus d’infinitifs utilisés comme sujet. Mais on oublie ces détails quand on tombe sur des formules originales et imagées : cette corde, dans un suicide par pendaison, comparée à « une alliance que l’on passe au doigt de la mariée » ; ou ce compte en banque «vidé comme on ach[ève] les blessés sur les champs de bataille».

Une belle noirceur domine l’ensemble, rehaussée par l’ironie du narrateur. L’obsession du suicide, suivi ou non de passages à l’acte, court par exemple tout au long du livre. Si le destin est cruel, l’auteur aime ses personnages, quand tant de romanciers s’aiment d’abord eux-mêmes. Il ne les a pas voulus noirs ni blancs, mais 𝑔𝑟𝑖𝑠𝑒́𝑠, hachurés à la mine de plomb, accusant ou éclaircissant leurs traits, en fonction des obstacles rencontrés – comme la maladie qui humanise Pierre-André. C’est plus généralement un récit qui refuse le « noir et le blanc », lui préférant « le gris écœurant qui ronge le monde », où les Arabes ne votent pas forcément à gauche, où l’amour ne sauve pas toujours les êtres, où les salopards ne sont pas tout d’une pièce : 

« En ce sens, Louis ne se révélait pas même un franc salaud. Un de ces salauds dont la saloperie vous dévisage de face, d’une ignominie que l’on peut défier, à la loyale, et qui, tel le Pyrrhus de Racine, s’abandonne au crime en criminel. Non, Louis recherchait le crime, mais sans l’odeur du crime. Il aspirait à l’hygiène du crime. Il en niait jusqu’à la forme […]. C’est parce qu’il se figurait profondément convaincu de la justesse de sa lutte, qu’il se complaisait sans remords dans l’abaissement de sa politique, cette dégradation se présentant sous mille masques, mille prétextes, mille arrangements et casuistiques, combines retouchées de noblesse, tromperies maquillées de sublime, qu’il vous exposait avec sa condescendance mielleuse de lumineux bourreau. »

296 pages

Les terres mortes

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Suicide ou assassinat? Le dilemme du procès de «la mère empoisonneuse»

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DR.

Dans les Landes, la mère de famille Maylis Daubon assure au tribunal qu’elle n’est pas responsable de l’empoisonnement de sa fille.


Depuis son inauguration en 2021, le flambant Palais de justice de Mont-de-Marsan, à l’architecture tout en angles et grandes baies vitrées, ressemblant davantage à une moderne salle de spectacle qu’à un solennel édifice où l’on prononce des condamnations ou accorde parfois un acquittement, trône à la périphérie de cette commune de 40 000 habitants, préfecture des Landes. Il n’avait encore jamais connu pareille affluence. C’est que depuis le lundi 24 novembre se tient jusqu’au moins mercredi 3 décembre, en cour d’assises, un procès hors du commun d’une durée exceptionnellement longue, huit jours alors que la moyenne est deux ou trois jours.

Un geste routinier

On y juge en effet une affaire particulièrement ténébreuse, morbide, scabreuse, appelée, si condamnation il y a, à rester dans les annales judiciaires, comme si elle était sortie de l’imagination de l’écrivaine anglaise, Agatha Christie, dite « la Reine du crime » et dont l’arme de prédilection dans ses romans était les poisons.

Devant un « jury citoyen » composé de six personnes tirées au sort et de trois magistrates professionnelles comparaît Maylis Daubon, une mère de famille de 53 ans originaire de Dax, ville voisine de Mont-de-Marsan, accusée d’avoir, durant des mois, empoisonné ses deux filles en leur administrant à leur insu une mixture de médicaments de manière systématique, presque quotidienne. L’ainée, Enéa, y a succombé à 18 ans. La cadette, Luan, un an de moins, a survécu. Témoin crucial, elle a pris le parti de sa mère, ne s’est pas constituée partie civile estimant que celle-ci ne lui a rien fait de mal. Ce qui fragilise singulièrement l’accusation.

Pas moins d’une trentaine de journalistes, presse régionale et nationale, ont été accrédités. Un important service d’ordre a été mobilisé. La salle d’audience était le premier jour, et aussi, les suivants, pleine à craquer. Tous les matins bien avant l’ouverture des portes à 8 h 15, une longue file d’attente de curieux se forme pour assister aux débats qui devront établir s’il y a eu effectivement assassinat ou suicide. Car si l’acte d’accusation est accablant, les preuves d’un geste délibéré sont absentes.

L’accusée défie l’assistance

Le journaliste du quotidien régional Sud Ouest, Alexis Gonzalez, rapporte que lundi, à l’ouverture du procès, Maylis Daubon est entrée « dans la salle vêtue d’un tailleur gris, sa longue chevelure noire tenue par une barrette. Elle ne baisse pas la tête et jauge du regard chaque personne présente, prenant tout de même le soin d’éviter le banc des parties civiles où siège son ex-mari ». Ce dernier, père des deux filles, séparé depuis 13 ans de son épouse, Yannick Reverdy, 49 ans, un ancien international de hand-ball au physique de colosse, est son unique accusateur et s’est beaucoup répandu dans la presse pour l’accabler.   

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 « L’accusée, souligne l’article, (a) fait forte impression. » C’est un peu, déduit-on, comme si elle avait voulu défier l’assistance en affichant par cette posture altière son refus de reconnaître la moindre culpabilité.

 « Je suis innocente de ce qu’on me reproche, a-t-elle proclamé dans une déclaration liminaire avant de s’asseoir et de rester coite, recroquevillée sur son banc. Je suis dévastée par le décès de mon enfant. C’est un chagrin abyssal. Je suis terrorisée d’être ici, accusée de faits horribles pour une mère et une femme. Jamais rien au monde ne pourrait me faire commettre ces actes. » Durant toute l’instruction, elle n’a cessé d’affirmer que sa fille s’était suicidée. Pourtant, les faits établis — ou plutôt le faisceau d’indices concordants — mentionnés dans l’acte d’accusation accréditeraient le contraire. La présidente de la cour, Emmanuelle Adoul, les égrènera pendant une bonne heure et demie, sans négliger le moindre petit détail. 

Médication noire

En proie à des convulsions et à un arrêt cardiorespiratoire le 13 novembre 2019, Enéa est hospitalisée aux urgences de Dax. Six jours plus tard, elle décède. Perplexe face à cette mort étrange, le corps médical procède à une expertise toxicologique. Stupéfaction, on y décèle dans ses flux une quantité faramineuse de propranolol, un bêtabloquant cardiaque, équivalente à l’absorption de 50 à 75 cachets. Une analyse capillaire révèle en plus la soumission à ce qu’on appelle une « médication noire », à savoir la présence d’un cocktail d’hypnotiques, anxiolytiques, sédatifs, antidépresseurs. Le soupçon d’un empoisonnement s’installe. Le parquet ouvre une enquête. Une perquisition est menée trois jours après le décès au domicile de l’accusée.

Nouvelle stupéfaction, alors qu’elle avait dit ne pas en disposer, les enquêteurs découvrent une quantité impressionnante de propranolol, de psychotropes, et des seringues n’ayant pas servi.  Pour se justifier, elle se dit avoir été dépassée par la maladie de sa fille sans être en mesure de la nommer. L’enquête établit rapidement que c’est elle qui se les est procurés « après 83 passages en pharmacie », à l’aide d’ordonnances aux dates trafiquées, et que, durant la même période, de février 2018 à novembre 2019, elle a accompagné Enéa à 58 consultations de psychiatres pour cause de dépression chronique. Autre fait troublant, le portable de la défunte demeure introuvable. Or une énigmatique communication a été passée après son admission aux urgences. Par qui ?

A sa décharge, le jour de son hospitalisation, Maylis Daubon n’était pas à son domicile. En outre, à la même époque, une forte dose, pas suffisante pour être mortelle, du même cocktail médicamenteux, avait été détectée dans les flux et cheveux de Luan, la cadette. Donc logiquement, pour l’accusation, elle aussi avait été victime d’une tentative d’empoisonnement de la part de la mère. À la mort de sa sœur, elle a refusé d’aller vivre avec le père pour rester auprès de sa mère. De plus, âgée de 22 ans aujourd’hui, Luan a refusé catégoriquement de se porter partie civile contre cette dernière qui n’a été mise en examen et incarcérée à Pau qu’en 2022, trois ans après les faits qui lui sont imputés. Comme quoi la certitude de l’empoisonnement a mis du temps à s’imposer aux enquêteurs.

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Le père prétend qu’elle a subi de la part de sa famille maternelle qui l’a hébergée, « un lavage de cerveau pendant des années ». Il ajoute dans un entretien à Sud Ouest : « Elle continue de défendre son bourreau. Ce procès doit lui ouvrir les yeux. »

Son ex-épouse fait l’objet également d’une autre mise en examen. Elle aurait commandité auprès de codétenues libérables son assassinat. L’accusation repose essentiellement sur la délation de ces dernières.

Syndrome de Münchhausen

A partir du peu de témoignages qu’il a pu recueillir auprès des proches de l’accusée, l’enquêteur de personnalité, Bruno Rougeoreille, la décrit comme une menteuse invétérée et mythomane « qui surjoue les émotions qu’elle exprime ». Une policière chargée de l’enquête a affirmé à la barre lundi que ses dépositions étaient un tissu « de petites incohérences ». Un de ses collèges, lui, a taxé celles-ci de « mensonges ». Mais il a ajouté que « beaucoup de questions demeurent », précisant que « c’est l’histoire de la mort d’une gamine de 18 ans dans des circonstances que l’on ne connait pas ». Mais il a néanmoins écarté l’éventualité d’un suicide.

Pour une psychologue du pôle départemental de la protection de l’enfance, Maylis Daudon serait atteinte d’une pathologie mentale rare, le syndrome de Münchhausen. Il s’agit « d’un trouble factice qui conduit un parent à simuler, exagérer, ou provoquer chez son enfant une pathologie physique ou psychique, puis à faire appel au corps médical pour le soumettre à des traitements inutiles, voire dangereux. La plupart du temps, le parent (…) semble être à la recherche d’une reconnaissance au travers de l’assistance qu’il offre à son enfant. »

Lors de la première audience, son avocate, Me Carine Monzat a d’entrée fixée quelle sera, dans cette nébuleuse affaire, la ligne directrice de la défense de sa cliente. « Même si elle est mythomane, et alors ? Ça ne fait pas d’elle une empoisonneuse » a-t-elle lancé à l’endroit du jury.

Pour entrer en condamnation, une cour d’assisses n’a pas besoin de preuves mais seulement d’une intime conviction. Et quand il se l’est faite, le tribunal prononce son verdict en « son âme et conscience ». Mercredi prochain, quand il se retirera pour délibérer, face « aux circonstances que l’on ne connaît pas » de la mort d’Enéa, le jury des assises des Landes aura sans doute bien du mal à se faire la sienne d’intime conviction.  

Parité mal ordonnée…

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Rebecca Zlotowski et Jodie Foster présentent leur film "Vie privée" à New York, le 5 octobre 2025 © Lev Radin/Sipa USA/SIPA

Mauvais film. Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), le cinéma français connait une tendance terriblement préoccupante: seulement 62 films français ont été réalisés ou coréalisés par des femmes en 2024 (contre 64 en 2023 et 69 en 2022). La parité, c’est anti-féministe, explique Elisabeth Lévy!


Comptez la femme ! D’après le CNC, la part des femmes dans les réalisateurs de films français est à son plus bas niveau depuis cinq ans. C’est une étude de l’observatoire de la parité créé par l’organisme public qui nous apprend cette nouvelle gravissime. En 2025, 24 % des films français ont été réalisés par des femmes. J’enrage que des gens soient payés pour ce travail absurde et même nuisible. Si le film de femmes est une catégorie artistique je veux qu’on me les signale pour les éviter.

L’art enrôlé dans une entreprise militante

La seule aune à laquelle on devrait juger un film est sa qualité artistique, son succès, sa maitrise technique. Peu me chaut que le metteur en scène ou le chef op soit un homme, une femme ou un non-binaire. Pire, introduire ce type de critères, c’est enrôler le cinéma dans une entreprise militante. Et puis si on compte les femmes, moi je veux savoir combien de films français sont réalisés par des bouddhistes, des unijambistes ou des « trans racisés ».

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Compter les réalisatrices ça ne suffit pas. Pour juger un film on compte aussi les femmes aux postes de direction. Jusque-là, les productions paritaires touchaient déjà un bonus du CNC. A partir du 1er janvier prochain, les films qui n’embauchent pas assez de femmes aux postes de chef auront un malus. Pas de femmes, pas de subvention : c’est une victoire de la statistique sur la singularité, de l’idéologie sur l’art, du droit sur le mérite.

Bondieuseries féministes

En politique, on me somme de reconnaitre que la parité est un vrai progrès. Non, c’est une insulte aux femmes, une forme de paternalisme. La seule chose importante, c’est qu’on n’écarte pas une femme parce qu’elle est une femme. Pourquoi faudrait-il choisir ses colistiers en fonction de leur sexe ? Résultat : on finit par recruter des femmes même si elles sont moins compétentes. Comble de la sottise administrative c’est désormais obligatoire pour les communes de 1000 habitants. Parité au village ! Un vrai casse-tête quand nombre de maires veulent jeter l’éponge.

On n’a pas besoin de règles tatillonnes et de sanctions, la société évolue à son rythme. L’égalité est la norme dans notre pays, mais quelle loi divine exige que toutes les activités humaines soient paritaires ? Faut-il une loi imposant autant de policières que de policiers, autant de magistrats que de magistrates ? Tout ceci est complètement idiot. Remarquez, cette bondieuserie prétendument féministe a une conséquence positive. Ceux qui pleurnichent parce qu’il n’y a pas assez de femmes, reconnaissent au moins que les hommes et les femmes ça existe.


Bilal Hussein, nouvelle voix des apostats de l’islam

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Le militant Bilal Hussein dit "Ali Babal" sur CNews. DR.

À l’heure où les ex-musulmans sont de plus en plus nombreux à s’exprimer, le militant athée Bilal Hussein, qui débat régulièrement avec ses anciens coreligionnaires sur le web, a donné une conférence à Paris. Nous sommes allés écouter ce qui s’y est raconté…


Il s’est fait connaître pour ses débats avec des musulmans à travers Tiktok et YouTube. En juin, son passage sur CNews a été remarqué pour l’impitoyable dérision avec laquelle il critique l’islam.

Rires

Ce soir-là, aux Salons Hoche à Paris, une centaine de personnes sont venues écouter la conférence de Bilal Hussein, 33 ans, militant athée. Un événement co-organisé par le Café Laïque de Fadila Maaroufi et Florence Bergeaud-Blackler. Dès le début de sa présentation, le ton est posé : « Je suis Syrien, je suis né aux pays des droits de l’homme : l’Arabie saoudite », entraînant des rires qui ne cesseront pas de fuser.

L’humour est la marque de fabrique de Bilal Hussein, qui, dans toutes ses interventions, montre à l’aide de la satire la dimension rétrograde et les contradictions de la religion dans laquelle il a grandi, qui fragilisent son authenticité. Ce que ses détracteurs perçoivent comme une série de provocations puériles s’avère en fait un moyen d’émanciper les esprits, comme il l’explique : « Je ne critique pas l’islam parce que c’est drôle en soi, mais je pense que nous, musulmans, en fait on n’a jamais vraiment rigolé. » Car le rire est libérateur. Il est, selon Bilal Hussein, « ce qui manque aux musulmans pour se détacher de l’islam ». Seulement, derrière la plaisanterie, il y a une vie, faite de véritables souffrances.

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Comme il le raconte, l’enfance de Bilal Hussein est émaillée de scènes de violences : l’agonie des moutons sacrifiés sans étourdissement pour l’Aïd le marque et, quand il demande pourquoi on le contraint à prier, la réponse avec des coups. Le jour de l’attentat du World Trade Center, le 11 septembre 2001, son entourage, fou de joie, l’encourage à célébrer l’attaque. L’endoctrinement qu’il subit alors, explique l’apostat, repose en partie sur un principe: « Apprendre à des enfants à aimer la mort plus que la vie. » Et la manœuvre fonctionne. Le dogme macabre qui lui est inculqué ampute le jeune Bilal de toute empathie. En témoigne cet aveu saisissant: « Quand Samuel Paty est mort, je n’ai rien ressenti et aujourd’hui, je ne veux plus qu’on l’accepte. » Pour sortir de cette torpeur, il lui fallait sortir de l’islam.        

Obligations éreintantes

Plus qu’une croyance, l’islam est une pratique. Bilal Hussein égrène les obligations éreintantes qui lui ont été́ imposées très tôt telles que se lever au petit matin dès que rugit l’appel à la prière, prière à effectuer pas moins de cinq fois par jour. « C’est une vision très marxiste de la religion », commente d’un ton critique, assise à sa gauche sur la scène Florence Bergeaud-Blackler, avant d’ajouter: « Éric Zemmour amène cette même différence, qu’il y aurait les musulmans et l’islam, je trouve que ça nous empêche de réfléchir. Vous dites que l’islam, c’est juste des contes de fées… » L’apostat assume et maintient que son expérience est celle de « la société́ islamique dans sa forme la plus pure ». S’il n’avait pas quitté la Syrie pour la France à l’âge de huit ans, dit-il, son destin, tracé par l’islam, aurait été tout autre : « J’aurais pu finir esclavagiste ».

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Florence Bergeaud-Blackler reste sceptique. « J’ai un sentiment mitigé par rapport à la question de l’apostasie », confie l’anthropologue, qui différencie les apostats des ex-musulmans. « Pour moi, l’apostat c’est celui qui sort l’autre de l’islam, et vous, vous êtes un apostat athée, donc vous véhiculez l’idée que toutes les religions sont toxiques. Je ne suis pas de cet avis, la question du rapport à la religion est complexe, ce n’est pas seulement de l’endoctrinement d’enfants. » L’expérience la plus traumatisante des jeunes années de Bilal Hussein – une circoncision clandestine, sans anesthésie, dans le salon familial – explique sans aucun doute son opposition viscérale à toutes les pratiques qui se veulent d’inspiration divine. La trahison des adultes a alors été profonde et il ne leur pardonnera jamais.

Sortir du marasme

Durant le temps des questions au public, un médecin, qui s’est occupé́ de femmes victimes de l’excision, exprime lui aussi son désaccord avec l’apostat, pour qui la circoncision et l’excision sont à ranger sur le même plan, celui d’une pratique sans aucun fondement médical. Bilal Hussein maintient ne pas vouloir « hiérarchiser » les souffrances. Le médecin ne minimise pas la sienne mais lui fait remarquer que les conséquences de l’excision sont destructrices et définitives, contrairement à la circoncision: « Médicalement, vous avez tort ». L’échange, tendu, est ponctué par les applaudissements du public, qui se rangent du côté de l’apostat. Fadila Maaroufi doit faire un rappel à l’ordre au nom du respect de toutes les paroles.

Il faut dire que beaucoup dans la salle suivent Bilal Hussein sur les réseaux sociaux et, à la fin de la conférence, ils seront nombreux à faire la queue pour se faire dédicacer leur exemplaire de son livre, Incroyable Islam. Avant cela, Fadila Maaroufi conclut la conférence: « On doit continuer à ne pas s’auto-censurer, c’est ce qui nous sortira de ce marasme. » Comme l’aura souligné un peu plus tôt la co-fondatrice du Café Laïque, le surgissement de nouveaux visages comme celui de Bilal Hussein témoigne d’un véritable changement dans le débat sur l’islam en France. « La prise de parole des ex-musulmans va faire connaitre la réalité́ des choses », se réjouit-elle. Elle va sans doute aussi décomplexer les nombreux musulmans qui n’osent exprimer leurs critiques du dogme islamique. Une belle perspective dans un pays comme la France, qui s’enorgueillit d’être le gardien de la liberté́ de conscience et le phare le plus lumineux qui soit contre l’obscurantisme religieux.

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Pour amuser la galerie

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Dans l’histoire des casses qui ont fait du bruit, il y a en 1963 l’attaque du Glasgow-Londres (qui a inspiré « Le cerveau », film avec Belmondo et Bourvil), en 1976 le casse à Nice de Spaggiari, sans haine ni violence, et depuis le 19 octobre, le fric-frac du Louvre, quand des voleurs du dimanche ont dérobé les bijoux de la couronne, dont la majorité des Français ignorait l’existence, voire peut-être le conservateur du musée lui-même, vu que le manège à bijoux chez Leclerc est mieux protégé. Sur l’instant, les enquêteurs ont dû penser à un faux cambriolage, organisé par l’État, afin d’escroquer les assurances et toucher des millions pour boucler son budget…

Au Louvre, la salle la plus visitée, et la plus sécurisée, est celle où trône « La Joconde » (achetée par François 1er à de Vinci). Or cette salle recèle un tableau volé ! Le plus grand tableau du Louvre, du moins par ses dimensions (10 m sur 6m), une toile de Véronèse, « Les noces de Cana », qui à l’origine ornait le monastère de San Giorgio Maggiore à Venise.

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De sa campagne d’Italie en 1797, Napoléon est en effet revenu avec des souvenirs, près de 600 œuvres d’art, dont les fameuses « Noces de Cana ».

Depuis, régulièrement, des comités italiens réclament la restitution du tableau. En mai 2022, l’ONG « Restitutions Internationales » s’adressait ainsi au ministère de la Culture français pour demander la restitution de dix tableaux italiens saisis sous Napoléon et restés au Louvre. Dans un rapport de 2023, le directeur honoraire du Louvre informait encore Emmanuel Macron qu’en Italie l’affaire des « Noces » suscitait toujours une certaine émotion.

L’État français pensait pourtant avoir réglé le problème: en 2007 le musée du Louvre a offert à Venise une copie du célèbre tableau ! Peut-être une solution pour le fric-frac du 19 octobre: l’État devrait proposer aux voleurs d’indemniser le musée en livrant une copie des bijoux volés… juste pour amuser et abuser la galerie.

Quand ce monde imbuvable jette ses ultimes anathèmes

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Christine Ockrent sur le plateau de France 2, 22 novembre 2025. Capture France TV.

Gallimard, Ockrent, Souchon: le cirque «antifasciste» s’épuise un peu, observe notre chroniqueur


Antoine Gallimard et Jean-Marie Laclavetine, éditeurs de Boualem Sansal, ont menti. Mais qui s’en étonne ? Contrairement à leurs affirmations, jamais l’écrivain, alors emprisonné en Algérie, n’a fait connaître son opposition à concourir au prix Sakharov, proposé par Jordan Bardella au nom du parlement européen. « Je n’ai rien refusé », a expliqué Sansal sur France Inter lundi, après son retour en France. « J’ai appris cette histoire quasiment trois ou quatre semaines après ». Le 15 septembre dans un communiqué, ses éditeurs s’étaient réclamés de lui pour repousser ce prix et qualifier la démarche des Patriotes pour l’Europe « d’irrecevable et d’insidieusement partisane ». Ainsi font les poseurs quand il s’agit d’exclure « l’extrême droite », en l’occurrence ceux qui voulaient saluer la liberté d’expression du Soljenitsyne français, pourfendeur des idéologies totalitaires et singulièrement de l’islamisme.

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Supérieurement moraux…

L’indécence et le mépris de classe sont les marques de cette caste snobinarde qui se donne en exemple. Christine Ockrent est un autre symbole de ce monde convaincu de sa supériorité attractive : la journaliste de salon, l’autre jour sur France 2, a attaqué à son tour le groupe Bolloré (CNews, Europe 1, JDD) en évoquant « des gens qui sont la négation même de nos métiers à mon avis », et en accusant notamment CNews, portée par ses audiences, de « falsification des faits » et de « désinformation ». La pensée de luxe n’a pas fini de se rendre odieuse, dans son mépris du peuple et de son réalisme. En admiration d’elle-même depuis un demi-siècle, cette « élite » n’a toujours pas pris la mesure de son éloignement des Français et de leur vie réelle. « Nous avons changé d’époque », prévient avec raison Olivier Marleix, dans son livre posthume[1]. Cependant, ce n’est pas seulement le macronisme qui s’effondre. C’est le système qui agonise.

… ils privilégient l’anathème au débat

Ces imbuvables sont les derniers acteurs, caricaturaux dans leur suffisance déplacée, d’une époque qui se termine. Les faux esprits préfèrent l’anathème au débat. Ils ne savent plus argumenter. Rien ne sort de leurs conclaves, sinon des clichés sur le retour d’un fascisme dont ils ne voient pas qu’il est couvé chez leurs cousins germains de la gauche-hallal. Plus ces parvenus crachent sur les gens ordinaires, plus le peuple les envoie paître.

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Emmanuel Macron, symbole de ce progressisme en déroute, est la première victime du boomerang. Sa guerre des mots contre la Russie, qu’il présente comme « la principale menace pour la France », ne fait pas oublier ces enfants de France tués dans les guerres de rues. Lundi, sur Europe 1, la mère d’Elias, assassiné à coups de machettes par deux récidivistes « diversitaires » il y a dix mois à Paris, a accusé la justice « de n’avoir pas protégé » son fils. Stéphanie Bonhomme a dit avoir été traitée de « populiste » par des juges à qui elle demandait des comptes sur leur manque de discernement. Sa révolte s’ajoute à celles de nombreuses autres familles de victimes d’une société qui a baissé les bras devant ses ennemis intérieurs.

Un sondage Odoxa, publié mardi, donne Bardella largement vainqueur au second tour de la présidentielle, dans tous les cas de figure. Il est certes trop tôt pour conclure à la fin d’un monde. Mais l’échéance se précise.

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[1] Dissolution française, Robert Laffont

Le chagrin et la piété

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La chapelle de Maraden (Lot) et sa fresque monumentale, La Spirale de l’Histoire, peinte par Miklos Bokor © Maya Nahum

Perdue dans un sous-bois du Lot, la chapelle de Maraden abrite un chef-d’œuvre: une fresque de Miklos Bokor, artiste juif hongrois rescapé des camps de la mort. Sous ces voûtes romanes, il a peint l’histoire biblique et l’horreur de la Shoah. Grâce à la mobilisation des élus locaux, ce monument ignoré est en passe d’être sauvé. Reportage.


Entre le village de Martel et les Quatre-Routes, dans le Lot, au bout d’une montée caillouteuse, invisible pour ceux qui ne la cherchent pas, se dresse la chapelle de Maraden. Le peintre Miklos Bokor, juif hongrois rescapé des camps de la mort, s’était installé tout près, à Floirac. Dans les années 19941995, il s’était mis en tête de travailler dans une chapelle. C’est son maçon, Monsieur Oubreyrie qui trouva une chapelle abandonnée appartenant à une famille de sa connaissance. Dans les ronces, la petite église romane du xiie siècle de 12 mètres de haut, 15 mètres de long et cinq mètres de large. La nef est éclairée à ses deux extrémités par deux fenêtres hautes et étroites. Au sol, creusé dans la roche, un ancien autel funéraire.

Dès qu’il y entre, l’artiste sait que c’est son lieu, que sur ces murs, il peindra ce qu’il doit peindre. Il l’achète en 1996 avec l’aide du musée Jenisch de Vevey. Le maçon était le père de l’actuel maire de Martel, Yannick, qui se souvient avoir aidé son père à la restauration de la nef et à la réfection d’une partie du toit en lauzes. Jeune homme à l’époque, Yannick montait l’eau et le sable à « Monsieur Bokor » pour faire ses couleurs. Il travaillait dur, précise-t-il, c’était un grand bonhomme, sombre et taiseux. Des années après, Yannick Oubreyrie est en première ligne pour sauver la création de Miklos Bokor.

Quand le peintre achète la chapelle, son œuvre est déjà immense. Des centaines de tableaux sont exposés çà et là. Une peinture sur le motif commencée en Hongrie, des figures de paysans et des paysages, car la nature le calme de ses profonds tourments. Ses parents, sa famille et lui-même ont été déportés à Auschwitz, comme la plupart des juifs de Hongrie à partir de 1944. Il avait 17 ans. Sa mère a été assassinée à Auschwitz, son père à Bergen-Belsen. Lui a été transporté de camp en camp jusqu’à Theresienstadt d’où il a été libéré. Il passe ensuite deux ans à l’hôpital. Il s’ennuie. Il dessine. Il reste en Hongrie jusqu’en 1956 puis visite la France.

En 1960, après la mort de son premier fils, il s’installe définitivement à Paris. Il se remarie et a un second enfant, Michel.

Il rejoint la Ruche, dans le 15e arrondissement, et se lie à des artistes. Il expose avec Zoran Mušič, rencontre Paul Celan, échange avec Yves Bonnefoy sur la réalité de l’existence et du vivant, écrit un livre avec le psychanalyste Paul Wiener, hongrois comme lui, « pour en finir avec Hitler[1] », où se pose la question du monstrueux en termes psychotiques. Une autre question termine le livre : quel peut être l’apport des survivants ?

Certains de ses grands tableaux montrent des silhouettes humaines qui chutent, annonçant, tout comme leurs titres, son futur chef-d’œuvre : Qu’avons-nous fait ?, Un homme peut-être ?

Il découvre le Lot et y achète une maison. Dorénavant, Bokor se partage entre son atelier parisien et Floirac.

Nous sommes sur le causse de Martel. Un pays de pierres et de chênes, une terre rocailleuse, calcaire. La grotte de Pech Merle n’est pas loin, comme celle de Roucadour, qui recèle les figurations pariétales des premiers hommes du Quercy. Cette terre préhistorique, où l’humanité se raconte depuis son origine, est propice au projet de l’artiste. Il veut puiser dans cette force universelle pour inscrire à son tour son empreinte, tout aussi universelle.

À plus de 70 ans, Bokor apprend la technique de la fresque et invente son propre langage. Raphaël Daubet, sénateur du Lot, se souvient de l’atelier du peintre : des cailloux, des galets de toutes formes… Il visitait souvent les Bokor, dont il connaissait le fils. Ensemble, ils allaient pêcher, chasser, cueillir des champignons… Un jour son ami lui a fait découvrir une merveille, cette fameuse chapelle que son père ne montrait à personne. De l’extérieur, Raphaël a vu quatre murs de pierres rustiques bâtis à l’argile et envahis de lierre. Il évoque ce moment dans un magnifique recueil de nouvelles[2] : « Michel tourna la clef dans l’énorme serrure et poussa la lourde porte en chêne, puis me fit signe d’entrer. Le chef-d’œuvre de son père était stupéfiant. J’étais saisi d’effroi. » Avec sa fresque, Bokor a ajouté une couche supplémentaire à l’humanité, affirme le sénateur. « Il continue la préhistoire, on trouve sur cette terre du sable ocre qui, mélangé à la chaux, fait comme un pigment préhistorique. »

Le sénateur Daubet fait également partie des sauveteurs.

Personne ne sort indemne de la visite

Pendant quatre ans, seul entre quatre murs, il laisse ses mains le guider, inventer un langage de formes, de vides, de traits.

Tous les visiteurs rencontrés expriment la même sidération. La Spirale de l’Histoire, titre de la fresque, se lit de droite à gauche, comme l’hébreu.

Sur le mur de droite en entrant, récit de la période biblique : l’Exode, la sortie d’Égypte, Jacob, Abel et Caïn, Amalek, le sacrifice d’Abraham, etc.

En face, sur le mur nord, la Shoah, mot que l’artiste n’a jamais employé. Il disait « ce qui s’est passé ».

La Spirale de l’Histoire, de Miklos Bokor, 1998-1999.

Le vertige naît de ce que les murs, celui de la Bible et celui de la Shoah avancent d’un même mouvement, donnant une sensation de continuité et de vie. « Baharta bahaim », enseigne la Torah, « tu choisiras la vie ». Malgré l’horreur, c’est ce qu’a fait Bokor. Toujours habité par les mêmes lancinantes questions : comment créer après la Shoah ? Comment dire l’anéantissement ? Comment réhabiliter l’homme ? Il dit à Yves Bonnefoy : « Longtemps j’ai perdu la définition de l’homme… il me paraît à nouveau que l’essentiel de l’art, ce doit être d’inscrire cet humain dans son siècle. » Cependant Bokor ne veut pas témoigner, ne peint pas avec sa tête, ne réfléchit pas. C’est au-delà. « L’humanité est menacée, rien ne sert de décrire, il faut toucher au plus profond », confie-t-il encore à Bonnefoy. Il choisit la métaphysique pour aller à ce plus profond et au plus haut.

Ses mains

Avant d’entrer, il y a la porte. Deux mains sortent d’une plaque d’airain, paumes tournées vers le visiteur. Ce sont celles de l’artiste, coulées par le forgeron. Elles rappellent la bénédiction des Cohen, les prêtres, qu’on trouve sur des tombes juives. L’écartement des doigts forme les trois barres de la lettre hébraïque shin, dont est dérivé un des noms de Dieu – Shaddai. Bokor le savait-il ?

Comme l’écrit Raphaël Daubet, on est saisi « d’effroi en pénétrant dans la chapelle, c’est un foisonnement de membres, de fémurs, de troncs. Une foule de squelettes désarticulés. Des silhouettes décharnées, levant les bras au ciel, hurlant… » La fresque peinte sur les murs, du sol au plafond, est un vertige d’incisions plus ou moins profondes, de lignes blanches verticales, obliques, horizontales. Une foule en marche obsédante. Du blanc, de l’ocre, du gris, parfois du bleu. Au sol, Bokor a fait du rocher qui tenait lieu d’autel une sépulture symbolique pour ses parents et son fils. Elle est aujourd’hui protégée par une vitre. Il faudrait des pages et des pages pour raconter cette œuvre. Elles ont été écrites par Saralev Hollander, qui a suivi « ces chemins anéantis où nous ne cessons d’aller », titre de son magnifique livre sur Miklos Bokor[3]. Oui, il faut aller avec ce qui a été anéanti. Bokor ne cherche pas à reproduire mais à « réhabiliter la dimension de l’homme dans l’espèce humaine », explique-t-elle. Ici, seulement des corps humains, nulle représentation d’objets, sauf un bonnet, celui que Bokor a lancé à son père à Auschwitz pour qu’il se couvre. « Autzen ab ! » (« Enlevez les bonnets ») : hurlaient les gardiens pendant le comptage. Douleur indicible, Miklos n’a jamais revu son père après ce geste gravé là, dans la pierre, tout comme la silhouette de ses parents, de dos, sur un petit mur d’au revoir, près de la porte, en sortant. Inoubliable.

Les mains de l’artiste, coulées dans une plaque d’airain.

Le sauvetage

Miklos Bokor meurt en 2019. Son fils, puis sa femme le suivent peu après. En 2023, il n’y a plus d’héritiers directs. La chapelle revient à des petits neveux et nièces qui la mettent en vente au prix de 500 000 euros, prix fixé en fonction de la cote des tableaux de l’artiste. Des fuites sont repérées dans le toit en lauzes. Le chef-d’œuvre risque d’être endommagé. Il faut agir au plus vite. Les héritiers font bâcher la toiture pour 15 000 euros.

Mais une mobilisation s’organise. Pas question de vendre la chapelle à des particuliers ! Le sénateur, le maire et d’autres, des amis de Bokor montent au créneau, alertent la presse et la préfète qui se rend sur les lieux. Autre défenseur de l’œuvre, Charles Soubeyran, critique d’art indépendant, laïque et universaliste, vit là depuis des décennies. Bourru derrière la pipe qu’il ne lâche pas, c’est un acteur important de la vie culturelle de la région. Il crée un collectif et envoie une pétition à la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, soutenant que la chapelle s’inscrit dans une démarche très ancienne de dénonciation des horreurs de la guerre, comme certaines œuvres de Goya ou le Guernica de Picasso. Grâce à sa notoriété et celle de Raïssa Blankoff, ancienne journaliste et voisine – et, me semble-t-il, la seule juive rencontrée dans cette histoire –, quelques signatures prestigieuses figurent sur la pétition.

Le sénateur Daubet prend notamment attache avec la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), le département du Lot et le Mémorial de la Shoah. Sans succès. Des controverses éclatent. Tout le monde a son idée sur l’avenir de la chapelle. Raphaël Daubet n’en démord pas : elle doit appartenir à la collectivité. « Après le 7-Octobre, il est impératif de faire classer la fresque de Bokor au patrimoine national », affirme-t-il. Le maire de Martel, Yannick Oubreyrie, n’en pense pas moins et s’acharne à convaincre son conseil municipal : la chapelle doit appartenir à la commune. Reste à convaincre les héritiers d’abandonner ce prix exorbitant de 500 000 euros. Finalement, les bonnes nouvelles s’enchaînent : Cauvaldor, la communauté de communes, accepte d’être coacquéreur, le prix est fixé à 66 000 euros et le classement au patrimoine national est accepté. La chapelle de Maraden de Miklos Bokor est sauvée grâce à la volonté de quelques-uns, contre l’indifférence ou la bêtise d’autres. Fin septembre, une cérémonie émouvante a réuni au Sénat les responsables du patrimoine et les élus de Martel et du Lot. Il s’agit désormais de faire connaître la chapelle pour financer son entretien. « Nous prévoyons de reproduire la fresque pour l’adosser au musée de Martel, au risque d’atténuer, c’est vrai, la force émotionnelle du lieu quand on est dedans, déclare Yannick Oubreyrie. Nous détenons un chef-d’œuvre, nous le ferons visiter à de petits groupes, notamment de collégiens, ou pendant les Journées du patrimoine, mais pas question de voir débarquer des cars de touristes ! »

Qui sait, peut-être que dans quelques générations, le monde entier connaîtra La Spirale de l’Histoire, ce tatouage funeste de la Shoah qu’un artiste juif revenu des camps a imprimé sur les murs à la manière des hommes préhistoriques.

Pour faire un don à la chapelle de Maraden : « Chapelle de Maraden à Martel », fondation-patrimoine.org.


[1] Miklos Bokor, Paul Wiener, Peut-on en finir avec Hitler ?, L’Harmattan, 2010.

[2] Raphaël Daubet, Vieux pays, Toute Latitude, 2025.

[3] Saralev H. Hollander, Miklos Bokor, la fresque de Maraden : par les chemins anéantis nous ne cessons d’aller, Meridianes, 2022.

La présidentielle: autrefois épopée, aujourd’hui épisode…

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DR.

Gérard Courtois raconte la Ve République comme un roman « national », dans son dernier livre, La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin, 2025)


Avec La Saga des élections présidentielles : De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, Gérard Courtois retrace soixante ans de vie politique française. Au fil des campagnes, l’ancien éditorialiste du Monde raconte l’ascension puis l’essoufflement d’une institution longtemps considérée comme le cœur battant de notre nation. Une fresque électorale qui dit, parfois malgré elle, le glissement d’une France verticale vers une démocratie d’opinion fragmentée.

De Gaulle–Mitterrand : l’âge mythologique de la Ve République

Les premiers chapitres évoquent une époque que l’on croirait presque légendaire. 1965 : de Gaulle accepte de se soumettre au suffrage universel, comme un chef convoqué par son peuple. 1981 : Mitterrand, après vingt-trois ans de combats politiques, conquiert l’Élysée comme on atteint un sommet promis depuis longtemps.

Pour Courtois, ces campagnes fondatrices ont une dimension épique. Elles ne se résument pas à des alliances, des petites phrases ou des sondages : elles mettent en jeu des visions du pays. Les candidats s’affrontent sur des conceptions du destin français. Le général incarne la souveraineté, Mitterrand la culture et la durée historique. Et les adversaires eux-mêmes partagent l’idée que la France a une vocation singulière.

Cette période n’est pas qu’un souvenir politique : elle illustre un cadre mental. La présidentielle n’est pas encore une compétition médiatique ; elle reste une bataille de légitimité, presque une cérémonie d’intronisation républicaine.

De Chirac à Hollande : la politique avalée par la démocratie d’opinion

Le centre du livre marque un tournant. À partir des années 1990, Courtois décrit une vie politique désormais rythmée par les courbes de popularité et les commentaires en plateau. Chirac est élu en 1995 sur le thème de la fracture sociale, puis triomphe en 2002 plus par accident de l’histoire qu’au nom d’une volonté populaire structurée. Le « front républicain » qui en naît, présenté comme un réflexe unanime, se révèle être une construction fragile dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une ombre.

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Avec Nicolas Sarkozy, l’Élysée devient un théâtre. Hyperactivité, communication constante, accélération permanente : la fonction présidentielle s’épuise au rythme même où elle cherche à se réinventer. François Hollande, lui, accède au pouvoir presque malgré lui. Son élection de 2012 apparaît comme la victoire d’un style plus que d’une vision — ou plutôt comme le rejet d’une personnalité. Dans cette séquence, la Ve République perd ce qui faisait sa force : l’enracinement d’une autorité reconnue. Le président n’incarne plus ; il gère. Il ne trace plus une voie ; il ajuste un rapport de forces mouvant.

Macron : rupture réelle ou simple reconfiguration du vide ?

En 2017, Emmanuel Macron joue de l’effondrement des partis traditionnels pour s’emparer du pouvoir à la manière d’un entrepreneur politique. Il recueille les espoirs de ceux qui ne croient plus ni à la gauche ni à la droite — mais sans forcément leur proposer un cadre idéologique durable. En 2022, sa réélection s’explique moins par un élan populaire que par un paysage fracturé. Et Courtois montre comment le chef de l’État occupe l’espace en l’absence d’adversaire capable de structurer un récit national alternatif. Derrière l’analyse, un constat : si le président Macron règne, c’est aussi parce que la fonction elle-même s’est distendue. L’autorité présidentielle n’est plus transcendante ; elle se fond dans la gestion pragmatique d’un pays divisé.

Une fresque qui dit le malaise d’un pays en quête de centre de gravité

Le livre de Gérard Courtois n’est pas un pamphlet. L’auteur raconte, détaille, contextualise. Mais son travail fait apparaître, presque en creux, la fin d’un cycle. La présidentielle, pensée comme le pivot de la vie nationale, s’est transformée en rituel médiatique où l’émotion prime sur le projet, et où le vote exprime davantage des humeurs que des convictions.

La Ve République, conçue pour un peuple rassemblé autour d’une figure d’incarnation, se retrouve confrontée à une société fragmentée. Ce que révèle cette « saga », c’est la persistance d’un vide symbolique que les campagnes électorales ne parviennent plus à combler. La France élit toujours un président, mais elle ne se reconnaît plus tout entière dans la figure qu’elle porte à l’Élysée.

464 pages.

La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron

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Un inquiétant retour à la terre

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L'écrivain François Ceresa © John Foley

« Le bonheur n’est-il pas l’une des formes de l’étourderie ? » Cette phrase ne peut provenir que d’un écrivain, d’un grand écrivain. François Cérésa, on le sait, en est un. Auteur d’une quarantaine d’opus, primé par les plus grand prix littéraires (Grand Prix de l’Académie française Michel-Déon ; prix Denis-Tillinac, prix Paul-Léautaud), on sait déjà qu’il excelle dans la littérature traditionnelle (romans, récits, nouvelles) ; ce qu’on sait moins c’est que depuis quelque temps, il excelle tout autant dans la littérature de genre : polar, romans noirs. La preuve : il nous propose La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, un thriller exaltant et haletant qui, d’un bout à l’autre, nous tient en haleine.

Champignons

Il nous convie à suivre pas à pas un couple de Parisiens bobos, la délicieuse, délurée et très blonde Rachel, et son mari très permissif, très compréhensif, Louis, médecin blasé, calme en apparence mais qui cache bien son jeu. Ils décident de quitter la capitale pour s’installer en Auvergne. Le coin est charmant, verdoyant et bucolique ; leur nouvelle maison, confortable. Il y a un lac magnifique, et un mystérieux cimetière qui fait jaser. Tout pourrait aller pour le mieux mais, non, ça coince quelque part. Serait-ce le métier (critique de cinéma d’horreur!) de la très sensuelle et coquine Rachel qui serait le vilain grain de sable dans la mécanique bien huilée du bonheur ? Serait-ce le fait qu’elle collectionne les gigolos ? Serait-ce l’aura bizarre de leur voisin Just, bûcheron de son état, ancien gilet jaune, militant de la France insoumise ? Ou serait-ce encore Papa Momo, le père de Rachel, grabataire après un AVC provoqué par les excès divers, qui, en fauteuil roulant, ne parvient quasiment plus à parler et qui, parfois, leur casse carrément les pieds ? En parlant de pieds, Kévin, le podologue qui pue des pinceaux, praticien dans le même cabinet médical fondé par Louis, serait-il à l’origine de l’atmosphère qui, au fil des jours, empuantit leurs existences ? Et puis qu’a-t-il tout au fond de lui-même, le Louis, à s’enfermer des heures dans le cabanon de son jardin ? (On apprendra qu’il y confectionne avec gourmandise des engins de torture.)

Détestations

Résultat : tout le monde eût pu s’aimer, se respecter, profiter de la magnifique Auvergne. Non. Il n’en est rien. Tout le monde s’épie, se déteste. Chacun commence à craindre pour sa vie, d’autant qu’une partie de la joyeuse communauté a failli y passer après la dégustation de champignons (des Inocybes de Patouillard). Pendant ce temps, les ombres continuent à rôder autour de la maison, certaines équipées de fusil… On en saura un peu plus quand Rachel invitera Alex, son jeune amant, à manger. Tout cela se finira-t-il très mal ?

François Cérésa nous intrigue, nous inquiète, nous fait rire. En un mot : avec ce thriller vif comme les eaux du barrage de Villerest, il a réussi son coup. On en redemande.

La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, François Cérésa ; éd. Glyphe ; 239 pages.

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