
« Le bonheur n’est-il pas l’une des formes de l’étourderie ? » Cette phrase ne peut provenir que d’un écrivain, d’un grand écrivain. François Cérésa, on le sait, en est un. Auteur d’une quarantaine d’opus, primé par les plus grand prix littéraires (Grand Prix de l’Académie française Michel-Déon ; prix Denis-Tillinac, prix Paul-Léautaud), on sait déjà qu’il excelle dans la littérature traditionnelle (romans, récits, nouvelles) ; ce qu’on sait moins c’est que depuis quelque temps, il excelle tout autant dans la littérature de genre : polar, romans noirs. La preuve : il nous propose La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, un thriller exaltant et haletant qui, d’un bout à l’autre, nous tient en haleine.
Champignons
Il nous convie à suivre pas à pas un couple de Parisiens bobos, la délicieuse, délurée et très blonde Rachel, et son mari très permissif, très compréhensif, Louis, médecin blasé, calme en apparence mais qui cache bien son jeu. Ils décident de quitter la capitale pour s’installer en Auvergne. Le coin est charmant, verdoyant et bucolique ; leur nouvelle maison, confortable. Il y a un lac magnifique, et un mystérieux cimetière qui fait jaser. Tout pourrait aller pour le mieux mais, non, ça coince quelque part. Serait-ce le métier (critique de cinéma d’horreur!) de la très sensuelle et coquine Rachel qui serait le vilain grain de sable dans la mécanique bien huilée du bonheur ? Serait-ce le fait qu’elle collectionne les gigolos ? Serait-ce l’aura bizarre de leur voisin Just, bûcheron de son état, ancien gilet jaune, militant de la France insoumise ? Ou serait-ce encore Papa Momo, le père de Rachel, grabataire après un AVC provoqué par les excès divers, qui, en fauteuil roulant, ne parvient quasiment plus à parler et qui, parfois, leur casse carrément les pieds ? En parlant de pieds, Kévin, le podologue qui pue des pinceaux, praticien dans le même cabinet médical fondé par Louis, serait-il à l’origine de l’atmosphère qui, au fil des jours, empuantit leurs existences ? Et puis qu’a-t-il tout au fond de lui-même, le Louis, à s’enfermer des heures dans le cabanon de son jardin ? (On apprendra qu’il y confectionne avec gourmandise des engins de torture.)
Détestations
Résultat : tout le monde eût pu s’aimer, se respecter, profiter de la magnifique Auvergne. Non. Il n’en est rien. Tout le monde s’épie, se déteste. Chacun commence à craindre pour sa vie, d’autant qu’une partie de la joyeuse communauté a failli y passer après la dégustation de champignons (des Inocybes de Patouillard). Pendant ce temps, les ombres continuent à rôder autour de la maison, certaines équipées de fusil… On en saura un peu plus quand Rachel invitera Alex, son jeune amant, à manger. Tout cela se finira-t-il très mal ?
François Cérésa nous intrigue, nous inquiète, nous fait rire. En un mot : avec ce thriller vif comme les eaux du barrage de Villerest, il a réussi son coup. On en redemande.
La mouche qui se lavait les mains dans un verre d’eau, François Cérésa ; éd. Glyphe ; 239 pages.
La mouche qui se lavait les mains dans un verre d'eau
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