Ouverte au public telle une annexe du palais présidentiel, la Maison Élysée est un lieu hybride qui décline à travers un musée, une boutique et un salon de thé, l’art de vivre à la française et le « made in France » sous toutes ses facettes. On se croirait chez le voisin d’en face, la politique en moins
Depuis les gilets jaunes, le quartier de l’Élysée est barricadé et la rue du Faubourg-Saint-Honoré fermée à la circulation de la place Beauvau à la rue Boissy-d’Anglas. Seuls les piétons peuvent déambuler sous l’œil sévère de gardes républicains armés jusqu’aux dents… Il y a des promenades plus agréables ! Pourtant, depuis juillet 2024, plus de 85 000 personnes sont venues visiter La Maison Élysée, ouverte juste en face du palais présidentiel.
Un président soucieux de partage
Ce lieu singulier, dont on parle peu, dévoile un aspect plutôt sympathique de notre actuel président : sa volonté de rendre accessible à tous l’art de vivre de cet illustre palais de la République.
Comme nous l’explique notre guide passionné, « les Journées du patrimoine et la Fête de la musique ne suffisaient pas à accueillir tous les Français qui désirent découvrir le palais de l’Élysée. Il fallait créer un prolongement pour répondre à cette demande, preuve que notre vie démocratique n’est pas aussi malade qu’on le dit. Le succès est tel que la Maison-Blanche, à Washington, nous a copiés en reprenant le même concept ! En beaucoup moins bien, bien entendu… puisque les visites y sont payantes (alors qu’elles sont gratuites ici) et qu’on se contente d’y découvrir la crème glacée préférée du président Obama et le sandwich de Donald Trump au milieu d’objets souvenirs de pacotille fabriqués en Chine alors que nous, nous célébrons la grandeur de l’artisanat français. »
L’exploit, surtout, réside dans la brièveté foudroyante des travaux, quatre mois au cours desquels Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques, et Sarah Poniatowski ont métamorphosé une ancienne galerie de tableaux en créant un étage auquel on accède par un grand escalier en marbre doté d’une magnifique rambarde en fer forgé (moi, pendant ce temps, j’attends toujours que mes ouvriers terminent ma salle de bain) : quand l’Élysée veut vraiment quelque chose, ça va fissa !



Un espace en trois actes : boutique, musée, salon de thé
D’une blancheur immaculée, cette maison aux allures de théâtre se divise en trois parties distinctes : la boutique, le musée et le salon de thé.
La boutique, dans laquelle on entre de plain-pied, honore le « made in France » dans ce qu’il a de plus pittoresque : cornichons de la maison Marc, foie gras du Gers, vanille en gousse de Tahiti, huiles d’olive des Baux-de-Provence (parfumées au pesto par le chef des cuisines de l’Élysée, Fabrice Desvignes), chocolats d’Alain Ducasse et café Malongo (pour ces deux derniers, l’Élysée aurait pu nous consulter, nous lui aurions proposé mieux). Outre les produits comestibles, on trouve des montres mécaniques du Jura, des stylos-plume. Dupont, des chaussettes de la maison Broussaud, du savon de Marseille, des assiettes et des tasses de Degrenne, des parapluies de Cherbourg brodés à la main pouvant résister à des tornades de 150 km/h… Aussi insolites soient-ils, tous ces objets ont été « approuvés » par la présidence de la République française selon le modèle du Royal Warrant de la famille royale britannique.
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Quelques mètres plus loin, le visiteur pénètre dans la partie musée où sont exposés différents objets d’art provenant du palais, à commencer, justement, par le célèbre bureau du général, chef-d’œuvre en bois précieux, bronze et cuir de l’ébéniste de Louis XV, Charles Cressent (1740). Ce meuble majestueux porte encore les marques de cigarette de Pompidou, les taches d’encre de Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande – Giscard et Macron lui ont préféré un bureau plus moderne.
Macron est d’ailleurs le président qui a le plus modernisé les intérieurs de l’Élysée, héritier en cela de Georges Pompidou qui avait été le premier à y faire entrer l’art contemporain en commandant des meubles au designer Pierre Paulin en 1972.
Les cadeaux diplomatiques, entre symboles et bizarreries
Pendant que la voix enregistrée de Stéphane Bern raconte à qui veut l’entendre l’histoire de l’hôtel d’Évreux édifié en 1722, on se précipite dans la salle des cadeaux diplomatiques offerts au président Macron depuis 2017. On regrette de ne pouvoir admirer ceux reçus par tous ses prédécesseurs, à commencer par les bijoux de Bokassa, mais ceux-ci ont été éparpillés dans plusieurs musées nationaux. « Bientôt, je l’espère, ils seront tous ici ! » s’enflamme notre guide. Ces cadeaux n’appartiennent pas au président en personne, mais au Mobilier national, donc à la République. Certains fascinent par leur simple beauté ethnique, à l’image de la cloche de chameau d’Éthiopie, des éperons en argent de cow-boys du Chili, de la parure en coquillages de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des chandeliers à trois branches de Thaïlande, du luth à manche long joué par la déesse Sarasvati en Inde… Un tableau figure aussi les deux lévriers du Kazakhstan offerts au président et qui courent tous les jours dans les jardins du palais avant d’être gardés par un maître-chien. Certains cadeaux sont manifestement porteurs d’un message crypté, tel ce bouffon de la commedia dell’arte offert en 2019 par le Premier ministre italien…
Ce musée prometteur rend aussi hommage à la garde républicaine, dernière unité montée de l’armée française (565 cavaliers, 400 chevaux) dont la mission première est d’assurer la protection du président et des palais nationaux depuis 1880. Sabres, selles, bottes et casques sont tous fabriqués par des artisans français d’exception, pour son peloton de tireurs d’élite, constamment déployé lors des sorties présidentielles, et sa section antidrones, mobilisée en permanence.
À l’étage, on a la surprise de découvrir le plus beau salon de thé de Paris, écrin en marbre posé sous une verrière multicolore. Les serveurs sont vêtus avec élégance et s’expriment aussi bien que les acteurs de la Comédie-Française. Loin du bruit et de la fureur, on peut se régaler d’un chocolat chaud et d’une pâtisserie confectionnée par le chef pâtissier de l’Élysée : flan vanille Pompadour (à base de vanille fraîche et entière), tarte chocolat escalier de l’Empereur, charlotte corrézienne (un dessert aux pommes dédié à Jacques Chirac et à François Hollande), tarte marron et cassis… Moi qui ne savais pas où donner mes rendez-vous galants, maintenant, je sais.
La Maison Élysée
88, rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris
Accès libre et gratuit du mardi au samedi de 10 à 19 heures.
Visites guidées gratuites sur réservation : www.billetterie-elysee.fr
Au salon de thé : chocolat chaud 8 euros, thé et cappuccino 6 euros, pâtisseries entre 9 et 12 euros.