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Marions-les!

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La justice impose de reconnaître les mariages gays entre États membres de l’UE. Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli qui s’impose face à la souveraineté des nations, observe Elisabeth Lévy.


Tous les pays européens devront désormais reconnaître les mariages homosexuels conclus dans un autre pays. Jakub et Mateus, un Polonais et un Allemand-Polonais mariés en Allemagne ont obtenu, par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la reconnaissance de leur union en Pologne, où le mariage gay n’existe pas. Refuser cette reconnaissance serait selon la Cour « une atteinte à leur liberté de circulation » et au « respect de la vie privée et familiale », qui les obligerait « à vivre en tant que célibataires » dans leur pays.

Méthode progressiste du fait accompli

Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli. Mariés en France = mariés en Pologne. Plus curieux est ce droit à une vie familiale normale (Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) au nom duquel on interdit l’expulsion de malfaisants parce qu’ils ont le droit de pouponner leurs enfants français. De même, un texte européen impose la reconnaissance des enfants nés par GPA dans toute l’UE. Vous me direz qu’il s’agit de véritables petits enfants, auxquels je ne souhaite que du bien ; mais ils ont toujours un parent biologique, et ils pourraient parfaitement bénéficier d’un statut légal sans que l’on soit contraint de valider une pratique interdite presque partout en Europe.

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Une question de souveraineté

Qu’est-ce que ça peut vous faire que des homosexuels se disent mariés en Pologne ? me dira-t-on. Donc, selon cette logique, tout citoyen doit payer les impôts votés par son Parlement mais chacun fixerait à sa convenance les règles du mariage et de la filiation. C’est mon choix, c’est mon droit ! En réalité, c’est la négation même de l’existence de communautés politiques réduites à une collection d’individus.

Je suis évidemment ravie pour les heureux époux, mais c’est une question de souveraineté. Même si la CJUE prétend le contraire, son arrêt oblige la Pologne à reconnaître de facto le mariage gay. Le statut personnel n’est pourtant pas une compétence européenne. C’est aux citoyens de chaque pays de décider.

C’est toujours le même procédé. L’extension du domaine du droit permet à un tribunal de supplanter la souveraineté nationale. Au nom des droits individuels toujours supérieurs aux droits des nations. Le tout assorti d’un chantage au sentiment : condamnerez-vous ce joli bébé à n’avoir qu’un parent officiel? Priverez-vous ces amoureux des joies de la respectabilité ? Ce serait tellement cruel !

En réalité, cet arrêt de la CJUE est une nouvelle attaque contre les frontières et contre les nations considérées par nos juges comme des obstacles à l’épanouissement des individus. Dans cette logique, on ne voit pas pourquoi on priverait une femme habituée à porter sa burqa en Espagne de ce délicieux accoutrement en France. À ce compte-là, donnons les clefs aux juges et à la Commission européenne et fermons les Parlements nationaux. On fera des économies.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Wokisme de bénitier


Un grand vent de modernité souffle depuis quelques semaines sur la cathédrale de Cantorbéry, chef-d’œuvre de l’art gothique perpendiculaire situé à 80 kilomètres de Londres. Le 3 octobre, Sarah Mullally, 63 ans, y a été nommée archevêque, devenant ainsi la première femme à accéder au poste de primat de l’Église d’Angleterre. Plus décoiffant encore, le 17 octobre, une exposition d’un genre inédit a été inaugurée à l’intérieur de la nef. Intitulée « Écoutez-nous », elle a été conçue par des représentants de minorités (Indiens, Caribéens, handicapés mentaux et LGBTQIA+), qui ont tagué les murs et les piliers avec des messages adressés à Dieu, tels que : « Pourquoi as-tu créé la haine alors que l’amour est bien plus puissant ? » et « Es-tu là ? ».

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Sans surprise, l’opération a scandalisé de nombreux croyants au Royaume-Uni, mais aussi à l’étranger puisque le vice-président américain J. D. Vance, fervent catholique, a estimé sur X que ces graffitis – heureusement effaçables – ont « rendu un magnifique bâtiment vraiment laid ». Le doyen de la cathédrale, le révérend David Monteith, s’est justifié en indiquant qu’il s’agissait là du « langage de ceux qui ne sont pas entendus », ne voyant manifestement pas combien il est insultant pour les vrais pauvres, les vrais malades et les vrais exclus de les réduire à la sous-culture du vandalisme urbain, à une révolte métaphysique ultra-convenue et, peut-être pire encore, à une incapacité artistique, dans un sanctuaire chrétien, à glorifier ce qu’il y a d’humain dans le divin et de divin dans l’humain.

Ce n’est pas la première fois que des hauts lieux spirituels britanniques ont recours à des concepts publicitaires ringards pour attirer les visiteurs. En 2019, la cathédrale de Norwich a accueilli en son sein pendant dix jours un toboggan de fête foraine. La même année, un minigolf a été installé dans la cathédrale de Rochester. Et sont annoncées prochainement des soirées disco dans les cathédrales de Chelmsford et de Durham.

Islamisation: cachez donc ce réel que je ne saurais voir

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Suite à l’inquiétant sondage de la semaine passée consacré aux musulmans français et leur rapport à l’islamisme, l’affaire prend soudainement un tournant judiciaire. Sur BFMTV, le directeur Opinion de l’Ifop, Frédéric Dabi, a déclaré hier: «L’Ifop a décidé de porter plainte contre deux députés de La France insoumise qui nous ont mis une cible dans le dos», précisant que la procédure viserait les élus Bastien Lachaud et Paul Vannier.


Le sondage IFOP révélant la progression d’un islamisme d’atmosphère dans la jeunesse musulmane est violemment attaqué. On dirait que l’IFOP a mis les pieds dans le plat. Quatre associations musulmanes portent plainte. Le recteur de la Grande mosquée s’énerve. Le Monde a déniché des spécialistes qui trouvent très dangereux d’interroger les musulmans sur leurs pratiques religieuses parce que cela en ferait des sous-citoyens. Edwy Plenel dénonce des raccourcis et des approximations dans un tweet interminable. Interroger les Français sur leurs pratiques religieuses, c’est pourtant l’ADN de l’IFOP depuis les années 50.

Des questions « islamophobes » ?

Les attaques les plus violentes et déplaisantes sont évidemment venues des Insoumis. Mélenchon dépeint notre ami Frédéric Dabi en ami de Netanyahou. Le député du Val d’Oise Paul Vannier parle d’une « enquête bidon d’IFLOP, destinée à servir l’agenda islamophobe de l’extrême droite » – c’est gratiné. Il balance aussi la journaliste Nora Bussigny et le commanditaire du sondage, Ecrans de veille, en surlignant dans son tweet leur adresse ce qui en bon français veut dire allez leur casser la figure. Quant au député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, il pointe un « récit anxiogène destiné à flatter l’idéologie de l’extrême droite ». Tous ces gens n’ont pas beaucoup d’imagination.

Les arguments employés sont misérables. L’échantillon ne serait pas pertinent, nous disent-ils. Mais le même échantillon a pourtant été utilisé dans un sondage sur les discriminations pour la mosquée de Paris sans susciter de réaction il y a un mois. Étrange… Quant aux questions prétendument orientées, beaucoup ont été élaborées pour Le Monde à la grande époque où Edwy Plenel dirigeait le journal qui a financé et publié plusieurs des précédentes enquêtes sur le sujet.

Incitation au séparatisme

Alors comment expliquer cette levée de boucliers ? C’est très simple : le sondage montre une réalité que LFI et nombre d’institutionnels musulmans veulent cacher. Le problème, pour eux, n’est pas qu’un nombre considérable de jeunes musulmans refusent de serrer la main d’une personne de l’autre sexe ou trouvent que la religion a raison contre la science, c’est qu’on le dise. D’ailleurs, jusqu’à la polémique, les médias de gauche ont largement fait l’impasse sur le sondage.

Ces réactions confirment ce qu’on sait. Non seulement une partie des musulmans français est happée par l’islamisme, mais elle fait également preuve d’une intolérance épidermique à toute critique décrétée « raciste ».

Ceux qui prétendent les défendre et qui en fait les utilisent et les encouragent au séparatisme n’ont que l’invective et la menace à la bouche. L’IFOP annonce qu’elle porte plainte contre Vannier et Lachaud. Bravo. Ras-le-bol de ces petits gardes rouges-verts. Pour disqualifier un propos ou une personne ils n’ont qu’une insulte à la bouche : extrême droite. À force d’entendre leurs mensonges et dénis beaucoup de Français finiront par penser que c’est le réel qui est d’extrême droite.


Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Suspension de Shein: un cadeau de Noël empoisonné pour des millions de Français

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À l’approche des fêtes, la volonté du gouvernement de suspendre Shein pendant trois mois apparait comme un geste fort. Pourtant, si cette mesure peut sembler légitime face aux dérives de la marque, elle est vécue par beaucoup comme une forme d’injustice sociale. S’il est urgent de réguler, encore faut-il le faire intelligemment: punir les excès, oui, mais sans sacrifier l’accès à la mode pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.


Le 26 novembre se tiendra, au Tribunal judiciaire de Paris, une audience en référé appelée à statuer sur la suspension provisoire, pendant trois mois, de la plateforme Shein en France, à la demande du gouvernement. Un jugement qui intervient alors que la marque est mise en cause pour ses pratiques commerciales, et notamment pour la mise en vente de produits illégaux : on pense évidemment aux « poupées sexuelles » proposées par des vendeurs tiers et qui ont réussi à passer les filtres de modération. L’audience revêt un caractère symbolique et juridique : symbolique parce qu’elle marque la volonté de l’État de contrôler un acteur de la mode à très bas prix, quitte à « faire un exemple » ; juridique parce que la décision pourrait constituer une jurisprudence majeure pour l’encadrement des plateformes de e‑commerce.

Débranché pour Noël ?

Mais ce qui interpelle avant tout, c’est le timing de cette audience. Si le Tribunal de Paris actait la fermeture temporaire de la plateforme, cette suspension interviendrait juste avant les fêtes de fin d’année. Or les Français, qu’on le déplore ou non, ont massivement recours à la fast‑fashion, qui constitue pour eux une façon économique d’avoir accès à des vêtements branchés, ou de faire des emplettes et cadeaux sans avoir à briser leur tirelire. Ainsi, selon un récent sondage réalisé par le cabinet Norstat Express pour la revue L’Hémicycle, 100 % des Français déclarent avoir acheté l’une des marques considérées comme de la fast fashion dans les douze derniers mois (Shein, Temu, H&M, Zara, etc.), tandis que 70% d’entre eux déclarent avoir régulièrement recours à ces marques, une proportion qui grimpe à 88% parmi les 18-35 ans.

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Un plébiscite largement lié au prix. Selon une étude Ipsos, 62% des Français affirment que, loin devant la durabilité, le prix est leur critère principal d’achat. Et pour cause : plus de 46 % déclarent dépenser moins de 50 euros par mois pour s’habiller. Et les conditions de fabrication dans tout ça ? En dépit de l’indignation médiatique, elles n’intéressent, dans les faits, que peu les Français. Ainsi, seuls 7% des sondés interrogés par le cabinet Norstat Express ont placé l’impact environnemental en tête de leurs critères d’achat. A contrario, près de huit consommateurs sur 10 se désintéressent purement et simplement des questions éthiques.

Écume médiatique et mépris de classe

J’ai pu, dans mon propre entourage, prendre la mesure de ces chiffres, et du divorce consommé dont ils témoignent entre l’écume médiatique et la réalité du quotidien, fait de fin de mois difficiles et d’achats pragmatiques avant d’être idéologiques. Ainsi, beaucoup de mes proches m’expliquent qu’acheter chez Shein, à raison d’une fois par mois, c’est d’abord une façon d’avoir des pièces à la mode « sans exploser son budget ». Ils sont nombreux à évoquer un sentiment de « dignité ». Toujours dans mon entourage, de nombreuses personnes soulignent que la mode dite « éthique » coûte trop cher pour constituer une réelle alternative. Pour nombre d’entre elles, la mode est aussi un marqueur d’appartenance: se vêtir « stylé » compte, même quand les moyens sont limités. Certaines, enfin, évoquent leur difficulté à trouver des vêtements « cool et de grande taille à petit prix ».

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Une crainte revient souvent: que derrière la volonté de régulation de Shein ne se cache une forme de « chasse aux pauvres ». J’ai ainsi beaucoup entendu cet argument : « ne taxons pas seulement Shein pour punir et faire un exemple, mais refondons le système pour que chacun puisse accéder à une mode juste. » Une autre remarque m’a semblé édifiante : « Shein au BHV, c’est choquant. Mais si Shein avait ouvert dans une zone populaire, est-ce que le débat aurait été le même ? » Autrement dit, reproche-t-on à l’enseigne chinoise ses pratiques commerciales, ou de permettre à des personnes issues de milieux populaires d’avoir accès au beau, non seulement pour leur garde-robe, mais aussi sur leurs lieux d’achat ? Cette charge anti-Shein n’est-elle pas, à bien des égards, révélatrice d’un véritable mépris de classe ?

Moralité à peu de frais

Alors oui, il importe de réguler les marketplaces afin de ne pas les laisser faire n’importe quoi. Mais pour que cette régulation soit cohérente et crédible, elle ne peut pas se limiter à Shein. D’autant que plusieurs autres marketplaces, dont Temu, Amazon, AliExpress, Wish et Joom, ont été signalées pour des pratiques douteuses voire illégales : des ventes de produits non conformes, des contenus extrêmement préoccupants comme, là aussi, des poupées sexuelles d’apparence enfantine ou des armes de catégorie A. Ne fermer que Shein, c’est fournir des arguments à la plateforme, qui aura beau jeu de se plaindre ensuite d’être victime d’une forme de procès politique…

Dans une interview accordée ce 24 novembre à RTL, Michel-Edouard Leclerc a eu l’occasion de dénoncer les « postures » d’une partie de la classe politique, qui s’offre dans sa croisade contre le géant chinois une moralité à peu de frais. Laissons-lui le mot de la fin : « À titre personnel, je trouve ça con [d’attaquer Shein] au moment où Carrefour est en Chine, Galeries Lafayette est en Chine. Tous les commerçants des grandes marques de Bernard Arnault, de (François-Henri) Pinault sont en Chine. Les galeries d’art sont en Chine ». Et si, à bien y regarder, les pauvres n’étaient pas les seuls à subir le contrecoup des assauts de nos dirigeants contre ce bouc émissaire tout désigné ?

Écologie: un Noël de rêve avec Nicolas Vanier

À Libourne, Nicolas Vanier est le secrétaire du Père Noël pour 2025


Cette année, un Père Fouettard vert remplacera-t-il le Père Noël ? Transformer la magie de Noël en séance d’endoctrinement écologiste: voilà l’idée lumineuse de La Poste, qui a confié à Nicolas Vanier la mission de répondre aux lettres adressées au Père Noël par plus d’un million d’enfants. Au lieu des cadeaux rêvés par les petits, place à la morale verte ?


« Cher petit Pierre,

J’ai bien reçu ta lettre, qui, hélas, a émis beaucoup de CO₂ en traversant la France. Tu as donc contribué, sans le vouloir, à aggraver l’état catastrophique de notre belle planète et à augmenter ton empreinte écologique. Mais comme c’est la fête de l’Hiver, je te pardonne.

Tu demandes un avion en Lego. J’en ai bien un, tout neuf, juste à côté de moi. C’est un très joli jouet. Mais sais-tu qu’un avion pollue énormément ? Ce rêve-là est trop écocidaire et beaucoup trop hétéronormé. Il ne faut plus le faire. Je préfère t’envoyer à la place un kit-tricot écoresponsable, avec de la laine de moutons homosexuels sauvés de l’abattoir et élevés dans une ferme gay-friendly en Allemagne. Grâce à ce kit 100 % écoresponsable et labellisé LGBTQIA+ compatible, tu pourras fabriquer toi-même de merveilleux pulls à col roulé inclusifs, avec un message brodé en laine épaisse rose fluo : “I WOOL SURVIVE”.

Cela t’apprendra à te passer de chauffage, si destructeur pour le climat, et à entrer, dès cinq ans, dans une démarche responsable de déconstruction du “genre”. Je te souhaite de très belles fêtes d’Hiver, avec la bénédiction de la sainte patronne de la Terre, Gaïa. »


Voilà donc à quoi pourrait ressembler la magie de Noël d’ici quelques années : une séance de culpabilisation climatique qui transformerait la lettre au Père Noël en série de commandements écologiques.

C’est en tout cas la mission confiée à l’explorateur-prêcheur écolo Nicolas Vanier, choisi cette année pour répondre aux lettres adressées au Père Noël à Libourne. Collapsologie oblige, le cinéaste veut désormais « sensibiliser » les plus jeunes au réchauffement climatique : « C’est l’enjeu capital pour la jeunesse, qui va à la fois hériter de cette terre très malade et qui, je l’espère, va conduire le changement », explique-t-il.

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Revenons aux fondamentaux. Une lettre au Père Noël, c’est un enfant qui confie ses rêves de cadeaux au vieux monsieur à la barbe blanche et aux yeux rieurs. Voitures téléguidées, Lego, poupées, circuits, vélos… tous ces cadeaux longtemps désirés avant Noël et qui apparaissent comme par magie au pied du sapin. La lettre au Père Noël est un espace littéraire où l’imagination se déploie, où tout devient possible. Mais voilà : en 2025, les écologistes ont cette fâcheuse tendance à voler les rêves. On se souvient de la maire écologiste de Poitiers, qui déclarait en 2021 que « l’avion ne doit plus faire partie des rêves des enfants ». Et parce que le merveilleux doit désormais se plier aux injonctions progressistes, même la scénographie de Noël est déconstruite et réécrite, comme à Nantes en 2023 où le Père Noël a été effacé et remplacé par une « Mère Noël » et les décorations traditionnelles remplacées par des lumières d’un inesthétique vert criard. L’essentiel n’est plus d’émerveiller, mais d’endoctriner.

Avec Nicolas Vanier, on peut craindre que le Père Noël ne mute en Père Fouettard vert. Avant, il fallait être sage, écouter ses parents, bien travailler à l’école. Aujourd’hui, les bons points se mesurent en émissions carbone non rejetées dans l’atmosphère. Et l’enfant le plus méritant n’est plus celui qui fait ses devoirs et obéit à ses parents, mais celui qui pratique le tri sélectif et surveille les membres de la famille qui se trompent de bac de recyclage. On peut craindre que cette moralisation climatique, appliquée aux plus petits, ne produise exactement l’inverse de ce qu’elle prétend prévenir : de l’angoisse, de l’éco-anxiété, de la culpabilité, voire de la haine de soi. Et dire qu’on s’inquiète de la santé mentale des jeunes…

Mais le plus savoureux est ailleurs : celui qui prétend aujourd’hui éduquer les enfants à la vertu climatique n’aurait pas lui-même toujours brillé par son comportement écologique. Certains écolos bien plus radicaux que lui l’accusent d’avoir provoqué la perte de 500 œufs de flamants roses en Camargue lors du tournage de Donne-moi des ailes en 2018. Quant à son camp de chiens de traîneaux ouvert dans la Drôme en 2011, il avait lui aussi suscité de nombreuses controverses : attaques, brebis tuées, sécurité inexistante… jusqu’à sa fermeture administrative en 20141. Pas un cadeau !


  1. https://reporterre.net/Le-realisateur-ecologiste-Nicolas-Vanier-devient-la-plume-du-Pere-Noel ↩︎

Une quête de la vérité dans un monde stérile

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Un roman d’une grande intensité spirituelle


Sous le pseudonyme d’Émie de Rolles, Jacques-Émile Miriel, critique littéraire et cinéphile brestois, féru de culture et présentateur inspiré de séances au cinéma Les Studios à Brest, signe avec Les Inféconds une œuvre d’une belle intensité spirituelle. Habité par la tradition des moralistes et des libertins, Miriel conjugue lucidité et sensualité, ironie et gravité, pour sonder les abîmes d’une époque où la transmission — spirituelle, charnelle, artistique — semble s’être éteinte. Le cinéma, présent dans l’univers du roman, irrigue sa pensée et ses images, mais n’imprime pas sa forme : il agit comme un contrepoint poétique, un miroir du monde.

Entre Paris et la Bretagne : les territoires de l’âme

L’action se déploie entre une grande ville et la Bretagne. Le protagoniste, Pierre, critique littéraire et catholique attaché aux messes tridentines, incarne la figure du dandy moderne, partagé entre foi et désir, entre lucidité critique et quête d’absolu. Pour lui, l’art — littérature, peinture, musique, cinéma — est la plus haute expression du monde, peut-être même son sanctuaire sacré.

Pierre, Jonas et l’Abbé de Frassout : figures de la foi et du doute

Jonas, son cousin, jeune aristocrate catholique désœuvré, est hanté par un passé douloureux — les attouchements subis dans son adolescence par le Révérend Père Soufflot. Accompagné de Pierre, il dialogue longuement avec l’Abbé de Frassout, son confesseur. Ce dernier, attentif et cultivé, apparaît comme une conscience lumineuse, un théologien profond et miséricordieux, dont la parole apaise. Saint Augustin, Pascal et les Évangiles, mais aussi Casanova ou Rousseau, sont des penseurs essentiels pour Pierre, le narrateur. Tandis que la fièvre mystique et la noirceur de Dostoïevski inspirent Jonas.

Cécile et Fanny : visages du désir et de l’amour

Cécile, jeune fille de la bonne société parisienne, incarne quant à elle cet obscur objet du désir partagé entre Pierre et Jonas : elle représente la beauté inaccessible, la pureté qui aimante et déchire. Mais c’est en Fanny, jeune femme moderne et libre rencontrée en Bretagne, que Pierre trouve un écho charnel et vivant à sa quête intérieure. Leurs amours, dans le manoir familial de Jonas, tout près des plages sauvages de l’ouest du Finistère, sont décrites avec une intensité sensuelle.

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Le mystère de la société secrète des Inféconds

Au cœur du roman se déploie le mystère de la société secrète des Inféconds, cercle initiatique où Pierre est introduit par le Maître Clovis Ranger. L’initiation de Pierre — scène à la fois libertine et rituelle menée par Maîtresse Babou, prêtresse du rite — évoque une liturgie de la chair, portée par la musique hypnotique d’Alan Vega et inspirée à la fois par l’esthétique littéraire du XVIIIᵉ siècle libertin et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Le romancier y retrouve une tension essentielle : la recherche de Dieu à travers le corps, la tentation d’un salut dans le vertige du plaisir. Pour être définitivement accueilli comme membre du Club des Inféconds, il devra faire une conférence à partir d’une phrase extraite de l’Épître aux Hébreux.

Le cinéma, miroir poétique du réel

Si le cinéma affleure souvent dans le texte — Kubrick (Eyes Wide Shut), Hitchcock (La Main au collet) —, c’est moins pour en reproduire les formes que pour en rappeler la puissance visionnaire : la scène où Jonas évoque la mort de la princesse de Monaco sur la corniche de la Riviera devient ainsi symbole de son propre désir d’engloutissement, comme si la beauté même appelait la chute.

Un dandy postmoderne en quête d’absolu

Les Inféconds est le roman initiatique d’un dandy postmoderne, sans attache, toujours en mouvement, cherchant ailleurs, dans le plaisir, la connaissance ou l’aventure, une forme d’absolu et de vérité illustrés par cette citation de Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir.  Cette novella de tension et d’espérance est une méditation sur la chair et l’âme, la faute et la beauté, la mort et la transmission. Jacques-Émile Miriel y déploie une écriture élégante et précise. Il réfléchit sur la nature humaine, la morale et la fécondité — non seulement au sens biologique, mais aussi intellectuel et spirituel. Dans la stérilité apparente de son époque, il cherche obstinément la germination du sens de la vie, la beauté de l’Art dans ce beau roman, un Autoportrait à la manière du peintre Johannes Gumpp.

Les Inféconds :  Novella postmoderne de Émie de Rolles – 2025 – Imprimé par Amazon. 207 pages

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Pas mieux que lui?

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Le président de la République participera cet après-midi, en visioconférence, à une nouvelle réunion de la coalition des volontaires pour l’Ukraine. Interrogé sur RTL à propos de la polémique autour des déclarations du chef d’état-major Fabien Mandon, Emmanuel Macron a dénoncé une présentation déformée et sortie de son contexte – il a expliqué qu’un militaire accepte par nature certains sacrifices, tout en jugeant absurde de laisser penser que l’ensemble de la population serait concerné. Le chef de l’État a par ailleurs appelé à ne pas faire preuve de faiblesse face à une Russie qu’il estime de plus en plus agressive. Jeudi, il se rendra sur un site de l’armée de terre à Varces (Isère), où il pourrait apporter des précisions sur un futur service militaire volontaire.


Plus on approche de la fin, plus on est inexcusable de ne pas tenter une approche équilibrée et honnête du dernier mandat d’Emmanuel Macron.

Il me semble que dans l’entretien qu’il a donné à RTL et l’a conduit notamment à exposer la position française et européenne sur la Russie, l’Ukraine et le refus d’accepter quoi que ce soit qui ferait fi de l’accord du pouvoir ukrainien lui-même, si on était de bonne foi on devrait le créditer, sur ce plan, d’une cohérence et d’une constance indéniables.

En responsabilité

J’ose dire que pour le conflit israélo-palestinien et son acceptation officialisée de la solution à deux Etats, il n’a pas non plus, quelles que soient les objections soulevées, été indigne de ce qu’on attendait d’une présidence française.

Si je suis plus réservé, ici ou là, pour d’autres aspects de la diplomatie de notre pays, je ne méconnais pas que je ne sais pas tout et j’ai conscience que le citoyen aspire à ce que la France tape souvent du poing sur la table parce qu’il a cette immense liberté de l’irresponsabilité.

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Dans ce même entretien, le président, pour solidifier le pacte entre l’armée et la nation, justifie l’instauration d’un service militaire volontaire en apportant cette précision capitale que des soldats français ne seraient envoyés en Ukraine qu’une fois la paix sûrement établie.

Dans le registre intérieur, Emmanuel Macron ne peut que se contenter de formuler un souhait optimiste sur la capacité des parlementaires de trouver des compromis au-delà de l’esprit partisan de chaque groupe. Vœu pieux ?

Est-ce à dire que le président de la République retrouve, contraint et forcé, une sorte de sagesse qui tirerait du désastre qu’il a engendré avec la dissolution – qu’il n’a reniée que du bout des lèvres – une politique pragmatique où il se soucierait moins d’affirmer et de proposer que de faciliter ?

10 ans de perdus sur le plan régalien ?

Reste que demeure dans le bilan plus très éloigné de son évaluation finale un certain nombre d’ombres dont la plus visible est sa relative inaptitude à avoir jamais compris l’autorité et le caractère délibérément sans nuance qu’aurait dû imposer une stratégie authentiquement régalienne.

Comment le nouveau ministre de l’Intérieur, dont j’espère que la flagornerie, avec la critique de son prédécesseur, n’est pas la marque distinctive, peut-il asséner que le régalien est la grande force du président depuis 2017 alors qu’il s’agit de sa faiblesse fondamentale inspirée par un « en même temps » qui n’a pas lieu d’être dans ce secteur où l’action n’a pas le droit de se permettre la moindre hésitation ni retard ?

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D’ailleurs, s’il fallait une preuve aux antipodes des engagements constants du président, ce serait l’incroyable succès du Rassemblement national dont un dernier sondage révèle que Jordan Bardella serait gagnant dans tous les cas de figure, quel que soit son adversaire, Jean-Luc Mélenchon étant le plus nettement défait…

On ne peut pas ne pas se souvenir que l’obsession répétée d’Emmanuel Macron a été d’éviter le cauchemar que serait pour lui l’arrivée du RN à l’Élysée, avant des avancées probables aux élections municipales de 2026 ? Rien n’est joué mais tout laisse penser que l’état de la France en voie d’ensauvagement, crimes, délits et multiplication des zones et des séquences où une France transgressive est en roue libre, est la donnée essentielle qui explique le désaveu présidentiel.

La radicalité à la mode

Il y a encore plus grave, à mon sens, en tentant d’approfondir l’analyse. Alors que le président a cherché à placer dans le débat public l’exigence de rassemblement avec la répudiation de tout extrémisme, c’est le contraire qui s’est produit. Du RN (même si sa volonté de banalisation a limé ses griffes) à Reconquête et jusqu’à LFI, à rebours, c’est la radicalité qui a la cote et non plus les demi mesures! Je ne crois pas que, pour Jean-Luc Mélenchon, ce soit elle qui le plombe pour son nouvel essai présidentiel mais le fait qu’il fulmine une radicalité « haineuse ». C’est plus sa forme que son fond qui fait peur à une part de l’électorat dont il aurait besoin en plus d’une certaine jeunesse et de quelques banlieues au second tour!

Cette envie de radicalité qui domine est sans doute le signe le plus éclatant du déclin non réversible du macronisme. Et de son absence de futur au-delà de 2027.

À tout bien considérer, convient-il, alors que les jeux sont presque faits, dire comme au poker, au sujet d’Emmanuel Macron contre tous ceux qui aspirent à sa suite : pas mieux ?

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Des lettres pour faire du chiffre

Comment expliquer l’intensité de l’activité épistolaire de nos députés?


« Monsieur le ministre, je vous écris une lettre… » Poser une question écrite à un ministre, activité présentée par l’Assemblée comme « essentielle » à la démocratie, est un exercice très prisé par nos parlementaires. Dans ma circonscription, un député (dont je tairai le nom et le parti, non pas par charité politique mais parce qu’il appartient à une espèce très répandue) en a fait son passe-temps favori. Depuis son élection en juillet 2024, il a déjà adressé une trentaine de questions écrites, en moyenne une tous les quinze jours ! Quand la presse évoque l’agression d’un commerçant, il demande au ministre de l’Intérieur de réagir… Quand un électeur se fait arnaquer sur son smartphone, il questionne sur la lutte contre les SMS frauduleux… En cas de grosse chaleur, il interroge le ministre de l’Agriculture sur l’avenir des moissons…

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Ce faisant, il s’inscrit dans la tradition. Sous Macron, lors de la XVe législature (du 27 juin 2017 au 21 juin 2022), on a enregistré en cinq ans 45 666 questions écrites ! Soit grosso modo 25 questions par jour, chacun des 577 députés rédigeant en moyenne une question toutes les trois semaines ! Lors de la XVIe (du 28 juin 2022 au 9 juin 2024), on est dans les mêmes eaux, avec 18 707 questions enregistrées en un an, onze mois et douze jours. Et l’actuelle législature tient le rythme   du 18 juillet 2024 au 30 septembre 2025, soit quatre cent quarante jours, environ 10 000 questions ont été déposées, 22 par jour !

Ces chiffres sont comme le bikini d’une jolie fille, ils font impression mais cachent l’essentiel. Cette intense activité épistolaire sert principalement des élus qui, placés sous les feux critiques d’un observatoire citoyen, veulent prouver à leurs électeurs qu’ils ne siègent pas au Palais-Bourbon uniquement pour se rincer le gosier. Et face à ce déluge de questions qui ne mouillent personne, le gouvernement, quand il répond (en moyenne une fois sur deux), se contente d’affirmer que, conscient des problèmes évoqués, il met tout en œuvre pour y remédier… Bref, un jeu démocratique qui tourne à la farce démagogique.

Europe et Israël: des destins divergents?

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Le philosophe et linguiste Georges-Elia Sarfati nous propose dans son dernier essai de réfléchir la crise de l’identité européenne à la lumière d’une désaffiliation progressive, crise qu’il éclaire également par le rapport que l’Europe entretient avec Israël depuis la guerre des Six Jours et la crise pétrolière, et dans une sorte d’abdication de sa mémoire au profit d’une table rase où d’autres cultures viennent occuper le vide désormais créé. Notre contributrice l’a lu.


Dévoiement de l’humanisme et renoncement à sa propre tradition

« La Krisis de Husserl[1] constitue sans doute l’une des premières critiques du scientisme comme lieu de dévoiement du projet civilisationnel d’un humanisme rationaliste ». Car, si « les sciences galiléennes ont permis des progrès considérables, elles ont aussi habitué l’humanité à développer un rapport au monde objectivant, chosifiant le monde mais aussi la vie et la manière de s’y rapporter » dit Georges-Elia Sarfati. Et ce n’est pas la construction de l’UE qui arrangera les choses puisqu’elle dépossède les États de leur souveraineté et identité, et leur substitue « une vision technocratique » ; comme si « l’édification d’une armature juridique et économique pouvait suffire à nourrir un projet collectif cohérent et homogène. »

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Mais, selon l’auteur, la dérive du continent Europe va connaître une accélération à partir de 1967 et la guerre des Six Jours, et encore plus à partir du choc pétrolier de 1973 qui verra émerger « l’Eurabia ». Car, le prix du baril de pétrole dépendra à la fois du soutien ou non à Israël, et de mesures pour que la culture arabo-musulmane apparaisse comme constitutive de l’esprit européen. Ainsi, à l’abandon des racines gréco-latines, et pour un Bernanos, chrétiennes, succédera un révisionnisme culturel dont Georges-Elia Sarfati nous dresse l’inventaire en monnaie sonnante et trébuchante. Et les sommes allouées à ce projet de remplacement culturel donnent le vertige ! Par ailleurs, cette substitution civilisationnelle aura pour conséquence logique de favoriser la culture d’origine et de mettre à bas le principe d’intégration. L’auteur se réfère alors à Giuseppe Gagliano[2] qui n’hésitera pas à parler « d’Europe en offrande » et « d’abdication spirituelle. »

L’abandon du « rocher hébraïque » et ses conséquences

Israël apparaît donc doublement abandonné ; en tant qu’État mais aussi dans ses fondements anthropologiques. « Le refus de ce qu’Eliane Amado Levy-Valensi nomme « le rocher hébraïque » conditionne tous les mouvements radicaux qui prétendent émanciper l’humanité de ses chaînes : identité spécifique, universalisme différentialiste, autorité de la transmission, fidélité aux legs des Pères… et des mères » affirme Georges-Elia Sarfati. Et si la modernité consiste à permettre la critique de ce dont nous héritons, cela doit être en toute connaissance de cause ; à partir de l’archive et certainement pas de la table rase. Car que se passe-t-il dans ce cas ? « On y renoue, une fois de plus, avec le fantasme parricide, lequel, si l’on en croit ses promoteurs – et il faut les croire – abolit toutes les oppositions structurantes de l’ordre symbolique : la distinction féminin /masculin… jusqu’au principe même de la symbolisation. » Et l’on voit fleurir « la promotion des identités plurielles, nourrie du narcissisme des petites différences » qui « réunit ainsi toutes les conditions de la haine et du passage à l’acte, dès lors que la rivalité sans frein des égo rend suspect tout recours à la médiation symbolique. » Le vide existentiel qui caractérise désormais le mal être européen a profondément partie liée avec cette désymbolisation et se décline de trois façons : « Atomisation du corps social en individus de plus en plus isolés, souvent déracinés. Propagation d’une culture de masse dont les effets sur la subjectivité conduisent à une standardisation des imaginaires, allant de pair avec un recul de la référence livresque, qui a longtemps garanti la culture de l’intériorité. Et, finalement, crise de la représentation caractéristique du vide existentiel en question. » Georges-Elia Sarfati viseparticulièrement le wokisme qui « prolonge le déni des généalogies caractéristique des sociétés sans père, mais chapeautées par un tyran que tous les fils jalousent de détenir une prérogative absolue, pour essayer de défaire, une fois pour toutes l’intrigue générationnelle jusque dans le domaine des filiations intellectuelles. »

De l’antisionisme au palestinisme

Dans un second temps, mais dans la logique du premier, l’analyse porte sur un certain nombre d’idées simplistes qu’il s’agit de débouter. Ce que l’auteur appelle le palestinisme est « principalement destiné à l’opinion occidentale qui se veut progressiste, en faisant tacitement appel à ce que la mémoire collective de l’Europe comporte de plus répulsif : le racisme et le suprémacisme du Troisième Reich, l’impérialisme nord-américain pendant la guerre du Vietnam, le colonialisme français en Algérie, et la politique d’apartheid appliquée pendant le régime ségrégationniste d’Afrique du Sud. » Tous les ingrédients sont réunis pour être appliqués indistinctement à Israël.

Georges-Elia Sarfati va donc s’employer à les reprendre point par point. Il analyse le deux poids deux mesures appliqué à la question des réfugiés qui compte pour rien les réfugiés juifs qui ont dû quitter les pays arabo-musulmans et qui dépassent en nombre ceux que l’on appelle les réfugiés palestiniens. Il nous dit ensuite que « le véritable État palestinien avait été créé en 1922 (la future Jordanie) et que, par conséquent, la question palestinienne avait trouvé sa résolution plus d’un quart de siècle avant la création de l’État d’Israël ». Puis, il souligne que selon les principes du droit de la guerre, « Israël aurait été fondé à annexer l’ensemble des territoires conquis au cours de chacune des guerres d’agression subies, dont il est sorti victorieux. » Enfin, il rappelle que pour qu’il y ait colonisation il faut une position d’hégémonie et de souveraineté ailleurs, ce qu’à aucun moment ce pays n’a eue. C’est pourquoi définir le sionisme comme visant à l’institution d’un « État des juifs » en Palestine dénie l’antériorité du peuple juif en cette région et le souhait légitime de renouer avec une histoire interrompue.

Europe et sionisme

Ce retour en Orient d’un peuple qui en fut chassé va de pair avec l’autodétermination du juif par lui-même ; ce que Georges-Elia Sarfati appelle sa « désaliénation ». En effet, le juif fut toujours qualifié de l’extérieur de lui-même (voir La question juive de Sartre) Et c’est Jean-Marie Lustiger qui osera dire un jour : « Il nous faut de plus accepter aujourd’hui qu’Israël soit lui-même, que les juifs se définissent eux-mêmes et qu’ils se définissent comme ils l’entendent. » Et le « nettoyage de la situation verbale » selon Paul Valéry commence par la rectification d’un titre ; celui du livre de Théodore Herzl[3] communément traduit par « l’État juif » alors qu’il s’agit de « l’État des juifs ». La première formulation réduit Israël à une définition religieuse ; la seconde, fidèle à la conception contractuelle de la nation issue de la philosophie politique des Lumières est celle d’un projet national moderne, où, faut-il le rappeler, plus de 20%de la population n’est pas juive… 

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« Le sionisme affirme une dynamique de continuité avec le judaïsme historique, et cette continuité consiste dans l’actualisation de la promesse du Retour. » Mais, « cette continuité s’affirme aussi au prix d’une rupture, qui porte sur la révolution qu’introduit le sionisme par rapport à ce qu’on pourrait appeler le messianisme passif. » Et l’auteur de résumer : « Israël, c’est la mémoire de l’Orient, instruit de la mémoire de l’Europe, et rétabli en Orient. » Autre désaliénation, et pas des moindres quel’auteur nomme « le désenclavement théologique d’Israël » : « Au regard des deux monothéismes qu’Israël a engendrés et fécondés, le sionisme bat en brèche la compréhension exclusive du peuple d’Israël perçu comme « peuple du livre ». En devenant un État, Israël sort de sa condition « d’archive des nations » pour en devenir une à son tour et advenir à l’histoire.

Au terme d’un certain nombre de changements que nous ne pouvons tous évoquer ici, il reste pour Israël à s’extraire aussi d’un schéma idéologique assez récent ; celui qui voudrait en faire le défenseur du judéo-christianisme et, selon la formule de M. Onfray « le bateau amiral de l’Occident. » Georges-Elia Sarfatis’inscrit en faux et affirme : « Aussi longtemps que l’Europe persiste dans ses dérives, Israël ne saurait lui tenir lieu de substitut au Moyen-Orient ; tel n’est du reste pas son dessein. A l’inverse, l’affirmation d’Israël signe davantage sa sortie de l’Occident qu’une forme d’implantation de ce dernier entre le Nil et l’Euphrate. » Et d’éclairer ce qui les sépare : « la construction européenne, qui s’est détachée de ses fondements philosophiques, semble suivre une direction contraire : tandis que ses populations ont été éduquées à prendre en aversion l’idée de nation, Israël affirme sa singularité nationale, chèrement acquise sur l’hostilité des nations. » C’est pourquoi l’auteur conclut son ouvrage en opposant la « désaffiliation de l’Europe » à la « désaliénation d’Israël » bien plus qu’il ne les réunit dans un combat commun.

La grande désaffiliation, essai sur la crise de l’identité européenne, Georges-Elia Sarfati, Éditions FYP 272 pages.

La grande désaffiliation: Essai sur la crise de l'identité européenne

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[1] La Krisis présente une série de textes écrits par Husserl en 1935, parus intégralement et de manière posthume en 1954

[2] Fondateur du Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis) à Côme (Italie). Le coran européen : l’Europe en offrande, chronique d’une abdication spirituelle

[3] Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et avocat juif austro-hongrois, est considéré comme le père du sionisme politique moderne.

Malaise dans la République

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Dans son livre, Sonya Zadig donne la parole à 15 femmes et 17 hommes ayant rompu avec un islam injuste et superstitieux.


Le tout récent livre de Sonya Zadig, clinicienne psychanalyste, Les enfants perdus de la république (Éditions Fayard, octobre 2025) est consacré aux apostats de l’islam. A travers un groupe web intitulé « les Apostats » Sonya Zadig a recueilli les témoignages poignants de 243 femmes et hommes (et la préséance n’est pas ici de pure forme car les femmes sont à la fois les premières cibles et les principales transmetteuses de la religion-culture qu’est l’islam).

Apostasie : un déchirement

Ce sont des « enfants de la République », des Français, nés en France pour la plupart, ou qui y sont arrivés très jeunes, venant du Maghreb pour la grande majorité d’entre eux. Ils ont été maltraités sous le joug d’une culture religieuse violente, rétive aux mœurs libérales respectant l’individu, puis déchirés par l’arrachement à cette socialisation de soumission à la fois terrifiante et rassurante. Leurs souffrances font écho à celles que Sonya Zadig a elle-même connues et qu’elle accueille dans son cabinet depuis plusieurs années. Des souffrances et des difficultés en grande part ignorées en France par les responsables politiques, par l’école, la justice, l’État garant de la sécurité des citoyens.

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L’ouvrage croise ainsi deux références précieuses : Malaise dans la culture de Sigmund Freud et Les territoires perdus de la République, publié en 2002 et remarquablement postfacé par Georges Bensoussan dans la réédition de 2015. Les récits emblématiques de 15 femmes puis de 17 hommes, retenus parmi ces nombreux cas étudiés par Sonya Zadig, dessinent pas à pas, l’un après l’autre, une réalité méconnue voire niée, de ces espaces où la violence peut se déchainer sur les enfants d’abord, sur les épouses, les filles, les sœurs, et sur les hommes entre eux. Or ces personnes issues d’un monde islamique archaïque dont elles se sont extirpées souvent au péril de leur vie, ne rendent pas seulement compte d’une contre-société qui se développe au cœur d’une France censée respecter les libertés individuelles de chacun. Les apostats de l’islam nous renvoient aux défis communs de l’époque, aux questions de l’identité, de la cohésion sociale, de la démocratie, et in fine de la nation.

Huis-clos familiaux

Tout commence dans la famille bien sûr. Le rôle des mères est primordial dans la transmission culturelle aux enfants, mais traditionnellement, sous la suprématie masculine. Réduites à la fonction reproductrice à tous les sens du terme, les femmes tendent à répercuter sur les enfants et particulièrement sur les filles, les violences qu’elles ont elles-mêmes subies en paroles et en actes. Les pères aussi sont violents, avec leur femme et avec leurs enfants, mais désormais en France, ils sont souvent absents et l’image paternelle est abîmée. Certains récits « décrivent un père inconsistant oscillant entre les beuveries et la fréquentation erratique des mosquées » tandis que les mères, investies d’une toute puissance inégalée sont souvent décrites comme « dépressives ou anxieuses, et psychiquement absentes ou, en colère contre leur sort -et contre leurs enfants. »

C’est dans le huis-clos familial en tous les cas, que se transmettent les contes terrifiants, la hantise des tourments de l’enfer, l’obsession de la virginité des filles, la haine des Juifs. Chacun vit sous l’œil omniprésent de dieu et sous le regard des autres. Le maintien de la réputation familiale est une préoccupation aussi constante que la crainte du châtiment divin. De même que les enfants sont liés à la famille par la mère, la Oum, la famille relie à la vaste « communauté des croyants », la Oumma. Le cheminement pour sortir de ce monde est alors difficile et douloureux. Péril mortel, l’apostasie est pourtant le gage d’une véritable naissance de l’individu libre.

Désorientés

« Les apostats avancent des raisons précises pour leur mouvement de sortie : le statut des femmes, les injustices et les violences dont ils ont été témoins oculaires ou victimes au sein de leur famille, les traumatismes nombreux dus aux djinns, au Sheitan, aux superstitions, et la certitude de savoir que, quoi qu’ils fassent hormis « se faire sauter avec une ceinture d’explosif », le Paradis d’Allah leur demeurera aussi inatteignable que la liberté qu’ils convoitent. » Et, parce que l’analyste n’est pas neutre ni désincarnée, Sonya Zadig nous dit qu’elle aussi a eu ce courage de rompre avec cet univers clos, le courage qui commence par « s’autoriser la liberté de pouvoir affirmer un « non », un non qui ne serait plus uniquement de refus mais de désir et d’assertion ».  

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Mais si leurs souffrances les mènent souvent au divan du psychanalyste, tant la rupture est culpabilisante et désorientante, les apostats de l’islam sont des enfants de notre époque : en quête d’identité, de repères, de sens. « Les apostats nous confrontent aux glissements symboliques de notre modernité et nous exhortent à faire preuve chacun à notre manière d’inventivité et de courage pour comprendre ce qui constitue notre identité (…) Leurs traumas et les violences qu’ils ont subies et continuent de subir nous concernent tous puisqu’il s’agit d’une question de santé publique. Pour moi, [conclut Sonya Zadig] la question qu’ils posent est éminemment éthique. » Et politique, pouvons-nous ajouter.

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Marions-les!

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La justice impose de reconnaître les mariages gays entre États membres de l’UE. Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli qui s’impose face à la souveraineté des nations, observe Elisabeth Lévy.


Tous les pays européens devront désormais reconnaître les mariages homosexuels conclus dans un autre pays. Jakub et Mateus, un Polonais et un Allemand-Polonais mariés en Allemagne ont obtenu, par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la reconnaissance de leur union en Pologne, où le mariage gay n’existe pas. Refuser cette reconnaissance serait selon la Cour « une atteinte à leur liberté de circulation » et au « respect de la vie privée et familiale », qui les obligerait « à vivre en tant que célibataires » dans leur pays.

Méthode progressiste du fait accompli

Comme d’habitude, c’est la méthode progressiste du fait accompli. Mariés en France = mariés en Pologne. Plus curieux est ce droit à une vie familiale normale (Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) au nom duquel on interdit l’expulsion de malfaisants parce qu’ils ont le droit de pouponner leurs enfants français. De même, un texte européen impose la reconnaissance des enfants nés par GPA dans toute l’UE. Vous me direz qu’il s’agit de véritables petits enfants, auxquels je ne souhaite que du bien ; mais ils ont toujours un parent biologique, et ils pourraient parfaitement bénéficier d’un statut légal sans que l’on soit contraint de valider une pratique interdite presque partout en Europe.

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Une question de souveraineté

Qu’est-ce que ça peut vous faire que des homosexuels se disent mariés en Pologne ? me dira-t-on. Donc, selon cette logique, tout citoyen doit payer les impôts votés par son Parlement mais chacun fixerait à sa convenance les règles du mariage et de la filiation. C’est mon choix, c’est mon droit ! En réalité, c’est la négation même de l’existence de communautés politiques réduites à une collection d’individus.

Je suis évidemment ravie pour les heureux époux, mais c’est une question de souveraineté. Même si la CJUE prétend le contraire, son arrêt oblige la Pologne à reconnaître de facto le mariage gay. Le statut personnel n’est pourtant pas une compétence européenne. C’est aux citoyens de chaque pays de décider.

C’est toujours le même procédé. L’extension du domaine du droit permet à un tribunal de supplanter la souveraineté nationale. Au nom des droits individuels toujours supérieurs aux droits des nations. Le tout assorti d’un chantage au sentiment : condamnerez-vous ce joli bébé à n’avoir qu’un parent officiel? Priverez-vous ces amoureux des joies de la respectabilité ? Ce serait tellement cruel !

En réalité, cet arrêt de la CJUE est une nouvelle attaque contre les frontières et contre les nations considérées par nos juges comme des obstacles à l’épanouissement des individus. Dans cette logique, on ne voit pas pourquoi on priverait une femme habituée à porter sa burqa en Espagne de ce délicieux accoutrement en France. À ce compte-là, donnons les clefs aux juges et à la Commission européenne et fermons les Parlements nationaux. On fera des économies.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Wokisme de bénitier

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DR.

Un grand vent de modernité souffle depuis quelques semaines sur la cathédrale de Cantorbéry, chef-d’œuvre de l’art gothique perpendiculaire situé à 80 kilomètres de Londres. Le 3 octobre, Sarah Mullally, 63 ans, y a été nommée archevêque, devenant ainsi la première femme à accéder au poste de primat de l’Église d’Angleterre. Plus décoiffant encore, le 17 octobre, une exposition d’un genre inédit a été inaugurée à l’intérieur de la nef. Intitulée « Écoutez-nous », elle a été conçue par des représentants de minorités (Indiens, Caribéens, handicapés mentaux et LGBTQIA+), qui ont tagué les murs et les piliers avec des messages adressés à Dieu, tels que : « Pourquoi as-tu créé la haine alors que l’amour est bien plus puissant ? » et « Es-tu là ? ».

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Sans surprise, l’opération a scandalisé de nombreux croyants au Royaume-Uni, mais aussi à l’étranger puisque le vice-président américain J. D. Vance, fervent catholique, a estimé sur X que ces graffitis – heureusement effaçables – ont « rendu un magnifique bâtiment vraiment laid ». Le doyen de la cathédrale, le révérend David Monteith, s’est justifié en indiquant qu’il s’agissait là du « langage de ceux qui ne sont pas entendus », ne voyant manifestement pas combien il est insultant pour les vrais pauvres, les vrais malades et les vrais exclus de les réduire à la sous-culture du vandalisme urbain, à une révolte métaphysique ultra-convenue et, peut-être pire encore, à une incapacité artistique, dans un sanctuaire chrétien, à glorifier ce qu’il y a d’humain dans le divin et de divin dans l’humain.

Ce n’est pas la première fois que des hauts lieux spirituels britanniques ont recours à des concepts publicitaires ringards pour attirer les visiteurs. En 2019, la cathédrale de Norwich a accueilli en son sein pendant dix jours un toboggan de fête foraine. La même année, un minigolf a été installé dans la cathédrale de Rochester. Et sont annoncées prochainement des soirées disco dans les cathédrales de Chelmsford et de Durham.

Islamisation: cachez donc ce réel que je ne saurais voir

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Pantin, Seine-St-Denis, 9 avril 2021 © Vincent GRAMAIN/SIPA

Suite à l’inquiétant sondage de la semaine passée consacré aux musulmans français et leur rapport à l’islamisme, l’affaire prend soudainement un tournant judiciaire. Sur BFMTV, le directeur Opinion de l’Ifop, Frédéric Dabi, a déclaré hier: «L’Ifop a décidé de porter plainte contre deux députés de La France insoumise qui nous ont mis une cible dans le dos», précisant que la procédure viserait les élus Bastien Lachaud et Paul Vannier.


Le sondage IFOP révélant la progression d’un islamisme d’atmosphère dans la jeunesse musulmane est violemment attaqué. On dirait que l’IFOP a mis les pieds dans le plat. Quatre associations musulmanes portent plainte. Le recteur de la Grande mosquée s’énerve. Le Monde a déniché des spécialistes qui trouvent très dangereux d’interroger les musulmans sur leurs pratiques religieuses parce que cela en ferait des sous-citoyens. Edwy Plenel dénonce des raccourcis et des approximations dans un tweet interminable. Interroger les Français sur leurs pratiques religieuses, c’est pourtant l’ADN de l’IFOP depuis les années 50.

Des questions « islamophobes » ?

Les attaques les plus violentes et déplaisantes sont évidemment venues des Insoumis. Mélenchon dépeint notre ami Frédéric Dabi en ami de Netanyahou. Le député du Val d’Oise Paul Vannier parle d’une « enquête bidon d’IFLOP, destinée à servir l’agenda islamophobe de l’extrême droite » – c’est gratiné. Il balance aussi la journaliste Nora Bussigny et le commanditaire du sondage, Ecrans de veille, en surlignant dans son tweet leur adresse ce qui en bon français veut dire allez leur casser la figure. Quant au député de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud, il pointe un « récit anxiogène destiné à flatter l’idéologie de l’extrême droite ». Tous ces gens n’ont pas beaucoup d’imagination.

Les arguments employés sont misérables. L’échantillon ne serait pas pertinent, nous disent-ils. Mais le même échantillon a pourtant été utilisé dans un sondage sur les discriminations pour la mosquée de Paris sans susciter de réaction il y a un mois. Étrange… Quant aux questions prétendument orientées, beaucoup ont été élaborées pour Le Monde à la grande époque où Edwy Plenel dirigeait le journal qui a financé et publié plusieurs des précédentes enquêtes sur le sujet.

Incitation au séparatisme

Alors comment expliquer cette levée de boucliers ? C’est très simple : le sondage montre une réalité que LFI et nombre d’institutionnels musulmans veulent cacher. Le problème, pour eux, n’est pas qu’un nombre considérable de jeunes musulmans refusent de serrer la main d’une personne de l’autre sexe ou trouvent que la religion a raison contre la science, c’est qu’on le dise. D’ailleurs, jusqu’à la polémique, les médias de gauche ont largement fait l’impasse sur le sondage.

Ces réactions confirment ce qu’on sait. Non seulement une partie des musulmans français est happée par l’islamisme, mais elle fait également preuve d’une intolérance épidermique à toute critique décrétée « raciste ».

Ceux qui prétendent les défendre et qui en fait les utilisent et les encouragent au séparatisme n’ont que l’invective et la menace à la bouche. L’IFOP annonce qu’elle porte plainte contre Vannier et Lachaud. Bravo. Ras-le-bol de ces petits gardes rouges-verts. Pour disqualifier un propos ou une personne ils n’ont qu’une insulte à la bouche : extrême droite. À force d’entendre leurs mensonges et dénis beaucoup de Français finiront par penser que c’est le réel qui est d’extrême droite.


Cette chronique a été diffusée ce matin sur Sud radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Suspension de Shein: un cadeau de Noël empoisonné pour des millions de Français

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Paris, 5 novembre 2025 © OLIVIER JUSZCZAK/SIPA

À l’approche des fêtes, la volonté du gouvernement de suspendre Shein pendant trois mois apparait comme un geste fort. Pourtant, si cette mesure peut sembler légitime face aux dérives de la marque, elle est vécue par beaucoup comme une forme d’injustice sociale. S’il est urgent de réguler, encore faut-il le faire intelligemment: punir les excès, oui, mais sans sacrifier l’accès à la mode pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.


Le 26 novembre se tiendra, au Tribunal judiciaire de Paris, une audience en référé appelée à statuer sur la suspension provisoire, pendant trois mois, de la plateforme Shein en France, à la demande du gouvernement. Un jugement qui intervient alors que la marque est mise en cause pour ses pratiques commerciales, et notamment pour la mise en vente de produits illégaux : on pense évidemment aux « poupées sexuelles » proposées par des vendeurs tiers et qui ont réussi à passer les filtres de modération. L’audience revêt un caractère symbolique et juridique : symbolique parce qu’elle marque la volonté de l’État de contrôler un acteur de la mode à très bas prix, quitte à « faire un exemple » ; juridique parce que la décision pourrait constituer une jurisprudence majeure pour l’encadrement des plateformes de e‑commerce.

Débranché pour Noël ?

Mais ce qui interpelle avant tout, c’est le timing de cette audience. Si le Tribunal de Paris actait la fermeture temporaire de la plateforme, cette suspension interviendrait juste avant les fêtes de fin d’année. Or les Français, qu’on le déplore ou non, ont massivement recours à la fast‑fashion, qui constitue pour eux une façon économique d’avoir accès à des vêtements branchés, ou de faire des emplettes et cadeaux sans avoir à briser leur tirelire. Ainsi, selon un récent sondage réalisé par le cabinet Norstat Express pour la revue L’Hémicycle, 100 % des Français déclarent avoir acheté l’une des marques considérées comme de la fast fashion dans les douze derniers mois (Shein, Temu, H&M, Zara, etc.), tandis que 70% d’entre eux déclarent avoir régulièrement recours à ces marques, une proportion qui grimpe à 88% parmi les 18-35 ans.

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Un plébiscite largement lié au prix. Selon une étude Ipsos, 62% des Français affirment que, loin devant la durabilité, le prix est leur critère principal d’achat. Et pour cause : plus de 46 % déclarent dépenser moins de 50 euros par mois pour s’habiller. Et les conditions de fabrication dans tout ça ? En dépit de l’indignation médiatique, elles n’intéressent, dans les faits, que peu les Français. Ainsi, seuls 7% des sondés interrogés par le cabinet Norstat Express ont placé l’impact environnemental en tête de leurs critères d’achat. A contrario, près de huit consommateurs sur 10 se désintéressent purement et simplement des questions éthiques.

Écume médiatique et mépris de classe

J’ai pu, dans mon propre entourage, prendre la mesure de ces chiffres, et du divorce consommé dont ils témoignent entre l’écume médiatique et la réalité du quotidien, fait de fin de mois difficiles et d’achats pragmatiques avant d’être idéologiques. Ainsi, beaucoup de mes proches m’expliquent qu’acheter chez Shein, à raison d’une fois par mois, c’est d’abord une façon d’avoir des pièces à la mode « sans exploser son budget ». Ils sont nombreux à évoquer un sentiment de « dignité ». Toujours dans mon entourage, de nombreuses personnes soulignent que la mode dite « éthique » coûte trop cher pour constituer une réelle alternative. Pour nombre d’entre elles, la mode est aussi un marqueur d’appartenance: se vêtir « stylé » compte, même quand les moyens sont limités. Certaines, enfin, évoquent leur difficulté à trouver des vêtements « cool et de grande taille à petit prix ».

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Une crainte revient souvent: que derrière la volonté de régulation de Shein ne se cache une forme de « chasse aux pauvres ». J’ai ainsi beaucoup entendu cet argument : « ne taxons pas seulement Shein pour punir et faire un exemple, mais refondons le système pour que chacun puisse accéder à une mode juste. » Une autre remarque m’a semblé édifiante : « Shein au BHV, c’est choquant. Mais si Shein avait ouvert dans une zone populaire, est-ce que le débat aurait été le même ? » Autrement dit, reproche-t-on à l’enseigne chinoise ses pratiques commerciales, ou de permettre à des personnes issues de milieux populaires d’avoir accès au beau, non seulement pour leur garde-robe, mais aussi sur leurs lieux d’achat ? Cette charge anti-Shein n’est-elle pas, à bien des égards, révélatrice d’un véritable mépris de classe ?

Moralité à peu de frais

Alors oui, il importe de réguler les marketplaces afin de ne pas les laisser faire n’importe quoi. Mais pour que cette régulation soit cohérente et crédible, elle ne peut pas se limiter à Shein. D’autant que plusieurs autres marketplaces, dont Temu, Amazon, AliExpress, Wish et Joom, ont été signalées pour des pratiques douteuses voire illégales : des ventes de produits non conformes, des contenus extrêmement préoccupants comme, là aussi, des poupées sexuelles d’apparence enfantine ou des armes de catégorie A. Ne fermer que Shein, c’est fournir des arguments à la plateforme, qui aura beau jeu de se plaindre ensuite d’être victime d’une forme de procès politique…

Dans une interview accordée ce 24 novembre à RTL, Michel-Edouard Leclerc a eu l’occasion de dénoncer les « postures » d’une partie de la classe politique, qui s’offre dans sa croisade contre le géant chinois une moralité à peu de frais. Laissons-lui le mot de la fin : « À titre personnel, je trouve ça con [d’attaquer Shein] au moment où Carrefour est en Chine, Galeries Lafayette est en Chine. Tous les commerçants des grandes marques de Bernard Arnault, de (François-Henri) Pinault sont en Chine. Les galeries d’art sont en Chine ». Et si, à bien y regarder, les pauvres n’étaient pas les seuls à subir le contrecoup des assauts de nos dirigeants contre ce bouc émissaire tout désigné ?

Écologie: un Noël de rêve avec Nicolas Vanier

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À Libourne, Nicolas Vanier est le secrétaire du Père Noël pour 2025


Cette année, un Père Fouettard vert remplacera-t-il le Père Noël ? Transformer la magie de Noël en séance d’endoctrinement écologiste: voilà l’idée lumineuse de La Poste, qui a confié à Nicolas Vanier la mission de répondre aux lettres adressées au Père Noël par plus d’un million d’enfants. Au lieu des cadeaux rêvés par les petits, place à la morale verte ?


« Cher petit Pierre,

J’ai bien reçu ta lettre, qui, hélas, a émis beaucoup de CO₂ en traversant la France. Tu as donc contribué, sans le vouloir, à aggraver l’état catastrophique de notre belle planète et à augmenter ton empreinte écologique. Mais comme c’est la fête de l’Hiver, je te pardonne.

Tu demandes un avion en Lego. J’en ai bien un, tout neuf, juste à côté de moi. C’est un très joli jouet. Mais sais-tu qu’un avion pollue énormément ? Ce rêve-là est trop écocidaire et beaucoup trop hétéronormé. Il ne faut plus le faire. Je préfère t’envoyer à la place un kit-tricot écoresponsable, avec de la laine de moutons homosexuels sauvés de l’abattoir et élevés dans une ferme gay-friendly en Allemagne. Grâce à ce kit 100 % écoresponsable et labellisé LGBTQIA+ compatible, tu pourras fabriquer toi-même de merveilleux pulls à col roulé inclusifs, avec un message brodé en laine épaisse rose fluo : “I WOOL SURVIVE”.

Cela t’apprendra à te passer de chauffage, si destructeur pour le climat, et à entrer, dès cinq ans, dans une démarche responsable de déconstruction du “genre”. Je te souhaite de très belles fêtes d’Hiver, avec la bénédiction de la sainte patronne de la Terre, Gaïa. »


Voilà donc à quoi pourrait ressembler la magie de Noël d’ici quelques années : une séance de culpabilisation climatique qui transformerait la lettre au Père Noël en série de commandements écologiques.

C’est en tout cas la mission confiée à l’explorateur-prêcheur écolo Nicolas Vanier, choisi cette année pour répondre aux lettres adressées au Père Noël à Libourne. Collapsologie oblige, le cinéaste veut désormais « sensibiliser » les plus jeunes au réchauffement climatique : « C’est l’enjeu capital pour la jeunesse, qui va à la fois hériter de cette terre très malade et qui, je l’espère, va conduire le changement », explique-t-il.

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Revenons aux fondamentaux. Une lettre au Père Noël, c’est un enfant qui confie ses rêves de cadeaux au vieux monsieur à la barbe blanche et aux yeux rieurs. Voitures téléguidées, Lego, poupées, circuits, vélos… tous ces cadeaux longtemps désirés avant Noël et qui apparaissent comme par magie au pied du sapin. La lettre au Père Noël est un espace littéraire où l’imagination se déploie, où tout devient possible. Mais voilà : en 2025, les écologistes ont cette fâcheuse tendance à voler les rêves. On se souvient de la maire écologiste de Poitiers, qui déclarait en 2021 que « l’avion ne doit plus faire partie des rêves des enfants ». Et parce que le merveilleux doit désormais se plier aux injonctions progressistes, même la scénographie de Noël est déconstruite et réécrite, comme à Nantes en 2023 où le Père Noël a été effacé et remplacé par une « Mère Noël » et les décorations traditionnelles remplacées par des lumières d’un inesthétique vert criard. L’essentiel n’est plus d’émerveiller, mais d’endoctriner.

Avec Nicolas Vanier, on peut craindre que le Père Noël ne mute en Père Fouettard vert. Avant, il fallait être sage, écouter ses parents, bien travailler à l’école. Aujourd’hui, les bons points se mesurent en émissions carbone non rejetées dans l’atmosphère. Et l’enfant le plus méritant n’est plus celui qui fait ses devoirs et obéit à ses parents, mais celui qui pratique le tri sélectif et surveille les membres de la famille qui se trompent de bac de recyclage. On peut craindre que cette moralisation climatique, appliquée aux plus petits, ne produise exactement l’inverse de ce qu’elle prétend prévenir : de l’angoisse, de l’éco-anxiété, de la culpabilité, voire de la haine de soi. Et dire qu’on s’inquiète de la santé mentale des jeunes…

Mais le plus savoureux est ailleurs : celui qui prétend aujourd’hui éduquer les enfants à la vertu climatique n’aurait pas lui-même toujours brillé par son comportement écologique. Certains écolos bien plus radicaux que lui l’accusent d’avoir provoqué la perte de 500 œufs de flamants roses en Camargue lors du tournage de Donne-moi des ailes en 2018. Quant à son camp de chiens de traîneaux ouvert dans la Drôme en 2011, il avait lui aussi suscité de nombreuses controverses : attaques, brebis tuées, sécurité inexistante… jusqu’à sa fermeture administrative en 20141. Pas un cadeau !


  1. https://reporterre.net/Le-realisateur-ecologiste-Nicolas-Vanier-devient-la-plume-du-Pere-Noel ↩︎

Une quête de la vérité dans un monde stérile

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Johannes Gumpp, Autoportrait, 1646. DR.

Un roman d’une grande intensité spirituelle


Sous le pseudonyme d’Émie de Rolles, Jacques-Émile Miriel, critique littéraire et cinéphile brestois, féru de culture et présentateur inspiré de séances au cinéma Les Studios à Brest, signe avec Les Inféconds une œuvre d’une belle intensité spirituelle. Habité par la tradition des moralistes et des libertins, Miriel conjugue lucidité et sensualité, ironie et gravité, pour sonder les abîmes d’une époque où la transmission — spirituelle, charnelle, artistique — semble s’être éteinte. Le cinéma, présent dans l’univers du roman, irrigue sa pensée et ses images, mais n’imprime pas sa forme : il agit comme un contrepoint poétique, un miroir du monde.

Entre Paris et la Bretagne : les territoires de l’âme

L’action se déploie entre une grande ville et la Bretagne. Le protagoniste, Pierre, critique littéraire et catholique attaché aux messes tridentines, incarne la figure du dandy moderne, partagé entre foi et désir, entre lucidité critique et quête d’absolu. Pour lui, l’art — littérature, peinture, musique, cinéma — est la plus haute expression du monde, peut-être même son sanctuaire sacré.

Pierre, Jonas et l’Abbé de Frassout : figures de la foi et du doute

Jonas, son cousin, jeune aristocrate catholique désœuvré, est hanté par un passé douloureux — les attouchements subis dans son adolescence par le Révérend Père Soufflot. Accompagné de Pierre, il dialogue longuement avec l’Abbé de Frassout, son confesseur. Ce dernier, attentif et cultivé, apparaît comme une conscience lumineuse, un théologien profond et miséricordieux, dont la parole apaise. Saint Augustin, Pascal et les Évangiles, mais aussi Casanova ou Rousseau, sont des penseurs essentiels pour Pierre, le narrateur. Tandis que la fièvre mystique et la noirceur de Dostoïevski inspirent Jonas.

Cécile et Fanny : visages du désir et de l’amour

Cécile, jeune fille de la bonne société parisienne, incarne quant à elle cet obscur objet du désir partagé entre Pierre et Jonas : elle représente la beauté inaccessible, la pureté qui aimante et déchire. Mais c’est en Fanny, jeune femme moderne et libre rencontrée en Bretagne, que Pierre trouve un écho charnel et vivant à sa quête intérieure. Leurs amours, dans le manoir familial de Jonas, tout près des plages sauvages de l’ouest du Finistère, sont décrites avec une intensité sensuelle.

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Le mystère de la société secrète des Inféconds

Au cœur du roman se déploie le mystère de la société secrète des Inféconds, cercle initiatique où Pierre est introduit par le Maître Clovis Ranger. L’initiation de Pierre — scène à la fois libertine et rituelle menée par Maîtresse Babou, prêtresse du rite — évoque une liturgie de la chair, portée par la musique hypnotique d’Alan Vega et inspirée à la fois par l’esthétique littéraire du XVIIIᵉ siècle libertin et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Le romancier y retrouve une tension essentielle : la recherche de Dieu à travers le corps, la tentation d’un salut dans le vertige du plaisir. Pour être définitivement accueilli comme membre du Club des Inféconds, il devra faire une conférence à partir d’une phrase extraite de l’Épître aux Hébreux.

Le cinéma, miroir poétique du réel

Si le cinéma affleure souvent dans le texte — Kubrick (Eyes Wide Shut), Hitchcock (La Main au collet) —, c’est moins pour en reproduire les formes que pour en rappeler la puissance visionnaire : la scène où Jonas évoque la mort de la princesse de Monaco sur la corniche de la Riviera devient ainsi symbole de son propre désir d’engloutissement, comme si la beauté même appelait la chute.

Un dandy postmoderne en quête d’absolu

Les Inféconds est le roman initiatique d’un dandy postmoderne, sans attache, toujours en mouvement, cherchant ailleurs, dans le plaisir, la connaissance ou l’aventure, une forme d’absolu et de vérité illustrés par cette citation de Saint Paul dans l’Épître aux Hébreux : Car nous n’avons point ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir.  Cette novella de tension et d’espérance est une méditation sur la chair et l’âme, la faute et la beauté, la mort et la transmission. Jacques-Émile Miriel y déploie une écriture élégante et précise. Il réfléchit sur la nature humaine, la morale et la fécondité — non seulement au sens biologique, mais aussi intellectuel et spirituel. Dans la stérilité apparente de son époque, il cherche obstinément la germination du sens de la vie, la beauté de l’Art dans ce beau roman, un Autoportrait à la manière du peintre Johannes Gumpp.

Les Inféconds :  Novella postmoderne de Émie de Rolles – 2025 – Imprimé par Amazon. 207 pages

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Pas mieux que lui?

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Emmanuel Macron et son homologue Brice Oligui Nguema, à Libreville, au Gabon, le 23 novembre 2025 © Thibault Camus/AP/SIPA

Le président de la République participera cet après-midi, en visioconférence, à une nouvelle réunion de la coalition des volontaires pour l’Ukraine. Interrogé sur RTL à propos de la polémique autour des déclarations du chef d’état-major Fabien Mandon, Emmanuel Macron a dénoncé une présentation déformée et sortie de son contexte – il a expliqué qu’un militaire accepte par nature certains sacrifices, tout en jugeant absurde de laisser penser que l’ensemble de la population serait concerné. Le chef de l’État a par ailleurs appelé à ne pas faire preuve de faiblesse face à une Russie qu’il estime de plus en plus agressive. Jeudi, il se rendra sur un site de l’armée de terre à Varces (Isère), où il pourrait apporter des précisions sur un futur service militaire volontaire.


Plus on approche de la fin, plus on est inexcusable de ne pas tenter une approche équilibrée et honnête du dernier mandat d’Emmanuel Macron.

Il me semble que dans l’entretien qu’il a donné à RTL et l’a conduit notamment à exposer la position française et européenne sur la Russie, l’Ukraine et le refus d’accepter quoi que ce soit qui ferait fi de l’accord du pouvoir ukrainien lui-même, si on était de bonne foi on devrait le créditer, sur ce plan, d’une cohérence et d’une constance indéniables.

En responsabilité

J’ose dire que pour le conflit israélo-palestinien et son acceptation officialisée de la solution à deux Etats, il n’a pas non plus, quelles que soient les objections soulevées, été indigne de ce qu’on attendait d’une présidence française.

Si je suis plus réservé, ici ou là, pour d’autres aspects de la diplomatie de notre pays, je ne méconnais pas que je ne sais pas tout et j’ai conscience que le citoyen aspire à ce que la France tape souvent du poing sur la table parce qu’il a cette immense liberté de l’irresponsabilité.

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Dans ce même entretien, le président, pour solidifier le pacte entre l’armée et la nation, justifie l’instauration d’un service militaire volontaire en apportant cette précision capitale que des soldats français ne seraient envoyés en Ukraine qu’une fois la paix sûrement établie.

Dans le registre intérieur, Emmanuel Macron ne peut que se contenter de formuler un souhait optimiste sur la capacité des parlementaires de trouver des compromis au-delà de l’esprit partisan de chaque groupe. Vœu pieux ?

Est-ce à dire que le président de la République retrouve, contraint et forcé, une sorte de sagesse qui tirerait du désastre qu’il a engendré avec la dissolution – qu’il n’a reniée que du bout des lèvres – une politique pragmatique où il se soucierait moins d’affirmer et de proposer que de faciliter ?

10 ans de perdus sur le plan régalien ?

Reste que demeure dans le bilan plus très éloigné de son évaluation finale un certain nombre d’ombres dont la plus visible est sa relative inaptitude à avoir jamais compris l’autorité et le caractère délibérément sans nuance qu’aurait dû imposer une stratégie authentiquement régalienne.

Comment le nouveau ministre de l’Intérieur, dont j’espère que la flagornerie, avec la critique de son prédécesseur, n’est pas la marque distinctive, peut-il asséner que le régalien est la grande force du président depuis 2017 alors qu’il s’agit de sa faiblesse fondamentale inspirée par un « en même temps » qui n’a pas lieu d’être dans ce secteur où l’action n’a pas le droit de se permettre la moindre hésitation ni retard ?

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D’ailleurs, s’il fallait une preuve aux antipodes des engagements constants du président, ce serait l’incroyable succès du Rassemblement national dont un dernier sondage révèle que Jordan Bardella serait gagnant dans tous les cas de figure, quel que soit son adversaire, Jean-Luc Mélenchon étant le plus nettement défait…

On ne peut pas ne pas se souvenir que l’obsession répétée d’Emmanuel Macron a été d’éviter le cauchemar que serait pour lui l’arrivée du RN à l’Élysée, avant des avancées probables aux élections municipales de 2026 ? Rien n’est joué mais tout laisse penser que l’état de la France en voie d’ensauvagement, crimes, délits et multiplication des zones et des séquences où une France transgressive est en roue libre, est la donnée essentielle qui explique le désaveu présidentiel.

La radicalité à la mode

Il y a encore plus grave, à mon sens, en tentant d’approfondir l’analyse. Alors que le président a cherché à placer dans le débat public l’exigence de rassemblement avec la répudiation de tout extrémisme, c’est le contraire qui s’est produit. Du RN (même si sa volonté de banalisation a limé ses griffes) à Reconquête et jusqu’à LFI, à rebours, c’est la radicalité qui a la cote et non plus les demi mesures! Je ne crois pas que, pour Jean-Luc Mélenchon, ce soit elle qui le plombe pour son nouvel essai présidentiel mais le fait qu’il fulmine une radicalité « haineuse ». C’est plus sa forme que son fond qui fait peur à une part de l’électorat dont il aurait besoin en plus d’une certaine jeunesse et de quelques banlieues au second tour!

Cette envie de radicalité qui domine est sans doute le signe le plus éclatant du déclin non réversible du macronisme. Et de son absence de futur au-delà de 2027.

À tout bien considérer, convient-il, alors que les jeux sont presque faits, dire comme au poker, au sujet d’Emmanuel Macron contre tous ceux qui aspirent à sa suite : pas mieux ?

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Des lettres pour faire du chiffre

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Comment expliquer l’intensité de l’activité épistolaire de nos députés?


« Monsieur le ministre, je vous écris une lettre… » Poser une question écrite à un ministre, activité présentée par l’Assemblée comme « essentielle » à la démocratie, est un exercice très prisé par nos parlementaires. Dans ma circonscription, un député (dont je tairai le nom et le parti, non pas par charité politique mais parce qu’il appartient à une espèce très répandue) en a fait son passe-temps favori. Depuis son élection en juillet 2024, il a déjà adressé une trentaine de questions écrites, en moyenne une tous les quinze jours ! Quand la presse évoque l’agression d’un commerçant, il demande au ministre de l’Intérieur de réagir… Quand un électeur se fait arnaquer sur son smartphone, il questionne sur la lutte contre les SMS frauduleux… En cas de grosse chaleur, il interroge le ministre de l’Agriculture sur l’avenir des moissons…

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Ce faisant, il s’inscrit dans la tradition. Sous Macron, lors de la XVe législature (du 27 juin 2017 au 21 juin 2022), on a enregistré en cinq ans 45 666 questions écrites ! Soit grosso modo 25 questions par jour, chacun des 577 députés rédigeant en moyenne une question toutes les trois semaines ! Lors de la XVIe (du 28 juin 2022 au 9 juin 2024), on est dans les mêmes eaux, avec 18 707 questions enregistrées en un an, onze mois et douze jours. Et l’actuelle législature tient le rythme   du 18 juillet 2024 au 30 septembre 2025, soit quatre cent quarante jours, environ 10 000 questions ont été déposées, 22 par jour !

Ces chiffres sont comme le bikini d’une jolie fille, ils font impression mais cachent l’essentiel. Cette intense activité épistolaire sert principalement des élus qui, placés sous les feux critiques d’un observatoire citoyen, veulent prouver à leurs électeurs qu’ils ne siègent pas au Palais-Bourbon uniquement pour se rincer le gosier. Et face à ce déluge de questions qui ne mouillent personne, le gouvernement, quand il répond (en moyenne une fois sur deux), se contente d’affirmer que, conscient des problèmes évoqués, il met tout en œuvre pour y remédier… Bref, un jeu démocratique qui tourne à la farce démagogique.

Europe et Israël: des destins divergents?

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Crédit photo : Mosaïque / Colloque Shibboleth – Centre Begin.

Le philosophe et linguiste Georges-Elia Sarfati nous propose dans son dernier essai de réfléchir la crise de l’identité européenne à la lumière d’une désaffiliation progressive, crise qu’il éclaire également par le rapport que l’Europe entretient avec Israël depuis la guerre des Six Jours et la crise pétrolière, et dans une sorte d’abdication de sa mémoire au profit d’une table rase où d’autres cultures viennent occuper le vide désormais créé. Notre contributrice l’a lu.


Dévoiement de l’humanisme et renoncement à sa propre tradition

« La Krisis de Husserl[1] constitue sans doute l’une des premières critiques du scientisme comme lieu de dévoiement du projet civilisationnel d’un humanisme rationaliste ». Car, si « les sciences galiléennes ont permis des progrès considérables, elles ont aussi habitué l’humanité à développer un rapport au monde objectivant, chosifiant le monde mais aussi la vie et la manière de s’y rapporter » dit Georges-Elia Sarfati. Et ce n’est pas la construction de l’UE qui arrangera les choses puisqu’elle dépossède les États de leur souveraineté et identité, et leur substitue « une vision technocratique » ; comme si « l’édification d’une armature juridique et économique pouvait suffire à nourrir un projet collectif cohérent et homogène. »

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Mais, selon l’auteur, la dérive du continent Europe va connaître une accélération à partir de 1967 et la guerre des Six Jours, et encore plus à partir du choc pétrolier de 1973 qui verra émerger « l’Eurabia ». Car, le prix du baril de pétrole dépendra à la fois du soutien ou non à Israël, et de mesures pour que la culture arabo-musulmane apparaisse comme constitutive de l’esprit européen. Ainsi, à l’abandon des racines gréco-latines, et pour un Bernanos, chrétiennes, succédera un révisionnisme culturel dont Georges-Elia Sarfati nous dresse l’inventaire en monnaie sonnante et trébuchante. Et les sommes allouées à ce projet de remplacement culturel donnent le vertige ! Par ailleurs, cette substitution civilisationnelle aura pour conséquence logique de favoriser la culture d’origine et de mettre à bas le principe d’intégration. L’auteur se réfère alors à Giuseppe Gagliano[2] qui n’hésitera pas à parler « d’Europe en offrande » et « d’abdication spirituelle. »

L’abandon du « rocher hébraïque » et ses conséquences

Israël apparaît donc doublement abandonné ; en tant qu’État mais aussi dans ses fondements anthropologiques. « Le refus de ce qu’Eliane Amado Levy-Valensi nomme « le rocher hébraïque » conditionne tous les mouvements radicaux qui prétendent émanciper l’humanité de ses chaînes : identité spécifique, universalisme différentialiste, autorité de la transmission, fidélité aux legs des Pères… et des mères » affirme Georges-Elia Sarfati. Et si la modernité consiste à permettre la critique de ce dont nous héritons, cela doit être en toute connaissance de cause ; à partir de l’archive et certainement pas de la table rase. Car que se passe-t-il dans ce cas ? « On y renoue, une fois de plus, avec le fantasme parricide, lequel, si l’on en croit ses promoteurs – et il faut les croire – abolit toutes les oppositions structurantes de l’ordre symbolique : la distinction féminin /masculin… jusqu’au principe même de la symbolisation. » Et l’on voit fleurir « la promotion des identités plurielles, nourrie du narcissisme des petites différences » qui « réunit ainsi toutes les conditions de la haine et du passage à l’acte, dès lors que la rivalité sans frein des égo rend suspect tout recours à la médiation symbolique. » Le vide existentiel qui caractérise désormais le mal être européen a profondément partie liée avec cette désymbolisation et se décline de trois façons : « Atomisation du corps social en individus de plus en plus isolés, souvent déracinés. Propagation d’une culture de masse dont les effets sur la subjectivité conduisent à une standardisation des imaginaires, allant de pair avec un recul de la référence livresque, qui a longtemps garanti la culture de l’intériorité. Et, finalement, crise de la représentation caractéristique du vide existentiel en question. » Georges-Elia Sarfati viseparticulièrement le wokisme qui « prolonge le déni des généalogies caractéristique des sociétés sans père, mais chapeautées par un tyran que tous les fils jalousent de détenir une prérogative absolue, pour essayer de défaire, une fois pour toutes l’intrigue générationnelle jusque dans le domaine des filiations intellectuelles. »

De l’antisionisme au palestinisme

Dans un second temps, mais dans la logique du premier, l’analyse porte sur un certain nombre d’idées simplistes qu’il s’agit de débouter. Ce que l’auteur appelle le palestinisme est « principalement destiné à l’opinion occidentale qui se veut progressiste, en faisant tacitement appel à ce que la mémoire collective de l’Europe comporte de plus répulsif : le racisme et le suprémacisme du Troisième Reich, l’impérialisme nord-américain pendant la guerre du Vietnam, le colonialisme français en Algérie, et la politique d’apartheid appliquée pendant le régime ségrégationniste d’Afrique du Sud. » Tous les ingrédients sont réunis pour être appliqués indistinctement à Israël.

Georges-Elia Sarfati va donc s’employer à les reprendre point par point. Il analyse le deux poids deux mesures appliqué à la question des réfugiés qui compte pour rien les réfugiés juifs qui ont dû quitter les pays arabo-musulmans et qui dépassent en nombre ceux que l’on appelle les réfugiés palestiniens. Il nous dit ensuite que « le véritable État palestinien avait été créé en 1922 (la future Jordanie) et que, par conséquent, la question palestinienne avait trouvé sa résolution plus d’un quart de siècle avant la création de l’État d’Israël ». Puis, il souligne que selon les principes du droit de la guerre, « Israël aurait été fondé à annexer l’ensemble des territoires conquis au cours de chacune des guerres d’agression subies, dont il est sorti victorieux. » Enfin, il rappelle que pour qu’il y ait colonisation il faut une position d’hégémonie et de souveraineté ailleurs, ce qu’à aucun moment ce pays n’a eue. C’est pourquoi définir le sionisme comme visant à l’institution d’un « État des juifs » en Palestine dénie l’antériorité du peuple juif en cette région et le souhait légitime de renouer avec une histoire interrompue.

Europe et sionisme

Ce retour en Orient d’un peuple qui en fut chassé va de pair avec l’autodétermination du juif par lui-même ; ce que Georges-Elia Sarfati appelle sa « désaliénation ». En effet, le juif fut toujours qualifié de l’extérieur de lui-même (voir La question juive de Sartre) Et c’est Jean-Marie Lustiger qui osera dire un jour : « Il nous faut de plus accepter aujourd’hui qu’Israël soit lui-même, que les juifs se définissent eux-mêmes et qu’ils se définissent comme ils l’entendent. » Et le « nettoyage de la situation verbale » selon Paul Valéry commence par la rectification d’un titre ; celui du livre de Théodore Herzl[3] communément traduit par « l’État juif » alors qu’il s’agit de « l’État des juifs ». La première formulation réduit Israël à une définition religieuse ; la seconde, fidèle à la conception contractuelle de la nation issue de la philosophie politique des Lumières est celle d’un projet national moderne, où, faut-il le rappeler, plus de 20%de la population n’est pas juive… 

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« Le sionisme affirme une dynamique de continuité avec le judaïsme historique, et cette continuité consiste dans l’actualisation de la promesse du Retour. » Mais, « cette continuité s’affirme aussi au prix d’une rupture, qui porte sur la révolution qu’introduit le sionisme par rapport à ce qu’on pourrait appeler le messianisme passif. » Et l’auteur de résumer : « Israël, c’est la mémoire de l’Orient, instruit de la mémoire de l’Europe, et rétabli en Orient. » Autre désaliénation, et pas des moindres quel’auteur nomme « le désenclavement théologique d’Israël » : « Au regard des deux monothéismes qu’Israël a engendrés et fécondés, le sionisme bat en brèche la compréhension exclusive du peuple d’Israël perçu comme « peuple du livre ». En devenant un État, Israël sort de sa condition « d’archive des nations » pour en devenir une à son tour et advenir à l’histoire.

Au terme d’un certain nombre de changements que nous ne pouvons tous évoquer ici, il reste pour Israël à s’extraire aussi d’un schéma idéologique assez récent ; celui qui voudrait en faire le défenseur du judéo-christianisme et, selon la formule de M. Onfray « le bateau amiral de l’Occident. » Georges-Elia Sarfatis’inscrit en faux et affirme : « Aussi longtemps que l’Europe persiste dans ses dérives, Israël ne saurait lui tenir lieu de substitut au Moyen-Orient ; tel n’est du reste pas son dessein. A l’inverse, l’affirmation d’Israël signe davantage sa sortie de l’Occident qu’une forme d’implantation de ce dernier entre le Nil et l’Euphrate. » Et d’éclairer ce qui les sépare : « la construction européenne, qui s’est détachée de ses fondements philosophiques, semble suivre une direction contraire : tandis que ses populations ont été éduquées à prendre en aversion l’idée de nation, Israël affirme sa singularité nationale, chèrement acquise sur l’hostilité des nations. » C’est pourquoi l’auteur conclut son ouvrage en opposant la « désaffiliation de l’Europe » à la « désaliénation d’Israël » bien plus qu’il ne les réunit dans un combat commun.

La grande désaffiliation, essai sur la crise de l’identité européenne, Georges-Elia Sarfati, Éditions FYP 272 pages.

La grande désaffiliation: Essai sur la crise de l'identité européenne

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[1] La Krisis présente une série de textes écrits par Husserl en 1935, parus intégralement et de manière posthume en 1954

[2] Fondateur du Cestudec (Centre d’études stratégiques Carlo de Cristoforis) à Côme (Italie). Le coran européen : l’Europe en offrande, chronique d’une abdication spirituelle

[3] Théodore Herzl (1860-1904), journaliste et avocat juif austro-hongrois, est considéré comme le père du sionisme politique moderne.

Malaise dans la République

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La psychologue et essayiste Sonia Zadig. DR.

Dans son livre, Sonya Zadig donne la parole à 15 femmes et 17 hommes ayant rompu avec un islam injuste et superstitieux.


Le tout récent livre de Sonya Zadig, clinicienne psychanalyste, Les enfants perdus de la république (Éditions Fayard, octobre 2025) est consacré aux apostats de l’islam. A travers un groupe web intitulé « les Apostats » Sonya Zadig a recueilli les témoignages poignants de 243 femmes et hommes (et la préséance n’est pas ici de pure forme car les femmes sont à la fois les premières cibles et les principales transmetteuses de la religion-culture qu’est l’islam).

Apostasie : un déchirement

Ce sont des « enfants de la République », des Français, nés en France pour la plupart, ou qui y sont arrivés très jeunes, venant du Maghreb pour la grande majorité d’entre eux. Ils ont été maltraités sous le joug d’une culture religieuse violente, rétive aux mœurs libérales respectant l’individu, puis déchirés par l’arrachement à cette socialisation de soumission à la fois terrifiante et rassurante. Leurs souffrances font écho à celles que Sonya Zadig a elle-même connues et qu’elle accueille dans son cabinet depuis plusieurs années. Des souffrances et des difficultés en grande part ignorées en France par les responsables politiques, par l’école, la justice, l’État garant de la sécurité des citoyens.

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L’ouvrage croise ainsi deux références précieuses : Malaise dans la culture de Sigmund Freud et Les territoires perdus de la République, publié en 2002 et remarquablement postfacé par Georges Bensoussan dans la réédition de 2015. Les récits emblématiques de 15 femmes puis de 17 hommes, retenus parmi ces nombreux cas étudiés par Sonya Zadig, dessinent pas à pas, l’un après l’autre, une réalité méconnue voire niée, de ces espaces où la violence peut se déchainer sur les enfants d’abord, sur les épouses, les filles, les sœurs, et sur les hommes entre eux. Or ces personnes issues d’un monde islamique archaïque dont elles se sont extirpées souvent au péril de leur vie, ne rendent pas seulement compte d’une contre-société qui se développe au cœur d’une France censée respecter les libertés individuelles de chacun. Les apostats de l’islam nous renvoient aux défis communs de l’époque, aux questions de l’identité, de la cohésion sociale, de la démocratie, et in fine de la nation.

Huis-clos familiaux

Tout commence dans la famille bien sûr. Le rôle des mères est primordial dans la transmission culturelle aux enfants, mais traditionnellement, sous la suprématie masculine. Réduites à la fonction reproductrice à tous les sens du terme, les femmes tendent à répercuter sur les enfants et particulièrement sur les filles, les violences qu’elles ont elles-mêmes subies en paroles et en actes. Les pères aussi sont violents, avec leur femme et avec leurs enfants, mais désormais en France, ils sont souvent absents et l’image paternelle est abîmée. Certains récits « décrivent un père inconsistant oscillant entre les beuveries et la fréquentation erratique des mosquées » tandis que les mères, investies d’une toute puissance inégalée sont souvent décrites comme « dépressives ou anxieuses, et psychiquement absentes ou, en colère contre leur sort -et contre leurs enfants. »

C’est dans le huis-clos familial en tous les cas, que se transmettent les contes terrifiants, la hantise des tourments de l’enfer, l’obsession de la virginité des filles, la haine des Juifs. Chacun vit sous l’œil omniprésent de dieu et sous le regard des autres. Le maintien de la réputation familiale est une préoccupation aussi constante que la crainte du châtiment divin. De même que les enfants sont liés à la famille par la mère, la Oum, la famille relie à la vaste « communauté des croyants », la Oumma. Le cheminement pour sortir de ce monde est alors difficile et douloureux. Péril mortel, l’apostasie est pourtant le gage d’une véritable naissance de l’individu libre.

Désorientés

« Les apostats avancent des raisons précises pour leur mouvement de sortie : le statut des femmes, les injustices et les violences dont ils ont été témoins oculaires ou victimes au sein de leur famille, les traumatismes nombreux dus aux djinns, au Sheitan, aux superstitions, et la certitude de savoir que, quoi qu’ils fassent hormis « se faire sauter avec une ceinture d’explosif », le Paradis d’Allah leur demeurera aussi inatteignable que la liberté qu’ils convoitent. » Et, parce que l’analyste n’est pas neutre ni désincarnée, Sonya Zadig nous dit qu’elle aussi a eu ce courage de rompre avec cet univers clos, le courage qui commence par « s’autoriser la liberté de pouvoir affirmer un « non », un non qui ne serait plus uniquement de refus mais de désir et d’assertion ».  

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Mais si leurs souffrances les mènent souvent au divan du psychanalyste, tant la rupture est culpabilisante et désorientante, les apostats de l’islam sont des enfants de notre époque : en quête d’identité, de repères, de sens. « Les apostats nous confrontent aux glissements symboliques de notre modernité et nous exhortent à faire preuve chacun à notre manière d’inventivité et de courage pour comprendre ce qui constitue notre identité (…) Leurs traumas et les violences qu’ils ont subies et continuent de subir nous concernent tous puisqu’il s’agit d’une question de santé publique. Pour moi, [conclut Sonya Zadig] la question qu’ils posent est éminemment éthique. » Et politique, pouvons-nous ajouter.

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