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La présidentielle: autrefois épopée, aujourd’hui épisode…

La saga des élections présidentielles finit par lasser les Français, observe-t-on a la lecture du livre de Gérard Courtois


La présidentielle: autrefois épopée, aujourd’hui épisode…
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Gérard Courtois raconte la Ve République comme un roman « national », dans son dernier livre, La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron (Perrin, 2025)


Avec La Saga des élections présidentielles : De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, Gérard Courtois retrace soixante ans de vie politique française. Au fil des campagnes, l’ancien éditorialiste du Monde raconte l’ascension puis l’essoufflement d’une institution longtemps considérée comme le cœur battant de notre nation. Une fresque électorale qui dit, parfois malgré elle, le glissement d’une France verticale vers une démocratie d’opinion fragmentée.

De Gaulle–Mitterrand : l’âge mythologique de la Ve République

Les premiers chapitres évoquent une époque que l’on croirait presque légendaire. 1965 : de Gaulle accepte de se soumettre au suffrage universel, comme un chef convoqué par son peuple. 1981 : Mitterrand, après vingt-trois ans de combats politiques, conquiert l’Élysée comme on atteint un sommet promis depuis longtemps.

Pour Courtois, ces campagnes fondatrices ont une dimension épique. Elles ne se résument pas à des alliances, des petites phrases ou des sondages : elles mettent en jeu des visions du pays. Les candidats s’affrontent sur des conceptions du destin français. Le général incarne la souveraineté, Mitterrand la culture et la durée historique. Et les adversaires eux-mêmes partagent l’idée que la France a une vocation singulière.

Cette période n’est pas qu’un souvenir politique : elle illustre un cadre mental. La présidentielle n’est pas encore une compétition médiatique ; elle reste une bataille de légitimité, presque une cérémonie d’intronisation républicaine.

De Chirac à Hollande : la politique avalée par la démocratie d’opinion

Le centre du livre marque un tournant. À partir des années 1990, Courtois décrit une vie politique désormais rythmée par les courbes de popularité et les commentaires en plateau. Chirac est élu en 1995 sur le thème de la fracture sociale, puis triomphe en 2002 plus par accident de l’histoire qu’au nom d’une volonté populaire structurée. Le « front républicain » qui en naît, présenté comme un réflexe unanime, se révèle être une construction fragile dont il ne reste aujourd’hui plus qu’une ombre.

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Avec Nicolas Sarkozy, l’Élysée devient un théâtre. Hyperactivité, communication constante, accélération permanente : la fonction présidentielle s’épuise au rythme même où elle cherche à se réinventer. François Hollande, lui, accède au pouvoir presque malgré lui. Son élection de 2012 apparaît comme la victoire d’un style plus que d’une vision — ou plutôt comme le rejet d’une personnalité. Dans cette séquence, la Ve République perd ce qui faisait sa force : l’enracinement d’une autorité reconnue. Le président n’incarne plus ; il gère. Il ne trace plus une voie ; il ajuste un rapport de forces mouvant.

Macron : rupture réelle ou simple reconfiguration du vide ?

En 2017, Emmanuel Macron joue de l’effondrement des partis traditionnels pour s’emparer du pouvoir à la manière d’un entrepreneur politique. Il recueille les espoirs de ceux qui ne croient plus ni à la gauche ni à la droite — mais sans forcément leur proposer un cadre idéologique durable. En 2022, sa réélection s’explique moins par un élan populaire que par un paysage fracturé. Et Courtois montre comment le chef de l’État occupe l’espace en l’absence d’adversaire capable de structurer un récit national alternatif. Derrière l’analyse, un constat : si le président Macron règne, c’est aussi parce que la fonction elle-même s’est distendue. L’autorité présidentielle n’est plus transcendante ; elle se fond dans la gestion pragmatique d’un pays divisé.

Une fresque qui dit le malaise d’un pays en quête de centre de gravité

Le livre de Gérard Courtois n’est pas un pamphlet. L’auteur raconte, détaille, contextualise. Mais son travail fait apparaître, presque en creux, la fin d’un cycle. La présidentielle, pensée comme le pivot de la vie nationale, s’est transformée en rituel médiatique où l’émotion prime sur le projet, et où le vote exprime davantage des humeurs que des convictions.

La Ve République, conçue pour un peuple rassemblé autour d’une figure d’incarnation, se retrouve confrontée à une société fragmentée. Ce que révèle cette « saga », c’est la persistance d’un vide symbolique que les campagnes électorales ne parviennent plus à combler. La France élit toujours un président, mais elle ne se reconnaît plus tout entière dans la figure qu’elle porte à l’Élysée.

464 pages.

La saga des élections présidentielles: De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron

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