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Louis Aliot/musées à Perpignan: « Nous devons apprendre à vivre avec ce virus »

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En rouvrant hier quatre musées de sa ville, Louis Aliot se défend de prendre le moindre risque. Il indique vouloir adresser à ses administrés un signe d’espoir. Il estime urgent de maintenir un semblant de vie sociale et culturelle dans le pays. La Ministre de la Culture Roselyne Bachelot ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’est réjouit de la décision de la préfecture des Pyrénées-Orientales de saisir la justice, pour casser les arrêtés pris par le maire RN. Causeur reproduit la lettre qu’il adresse ce jour au chef du gouvernement Jean Castex.


 

Perpignan, le 10 février 2021

Louis ALIOT, Maire de Perpignan

 

A M. Jean CASTEX
Premier Ministre
Hôtel Matignon
57 rue Varenne
75700 Paris SP 07

 

Monsieur le Premier Ministre,

Lundi dernier, la Ministre de la Culture annonçait étudier la prochaine ouverture des musées, précisant que « celle-ci pourrait avoir lieu rapidement » et ceci après une année de fermeture en raison de la crise sanitaire que notre pays traverse. 

Comme tous les Français mais aussi comme tous les élus locaux, j’ai accueilli ces propos comme un signe particulièrement positif alors que voici une dizaine de jours à peine votre gouvernement préparait nos compatriotes à un troisième confinement ou, du moins, à un durcissement très net des mesures sanitaires.

En tant que Maire de Perpignan, comme tous mes collègues Maires des Pyrénées-Orientales mais aussi de toute la France, j’ai toujours agi avec l’esprit de responsabilité que nous devons à nos concitoyens. Dans cet état d’esprit, j’ai par exemple mis en place, en partenariat avec des laboratoires, un centre de dépistage massif, doté nos écoliers de masques adaptés, demandé à notre Police municipale de veiller au respect du port du masque et des règles sanitaires en vigueur dans l’espace public ou encore mis en place un certain nombre d’actions de solidarité comme le portage de repas à domicile pour les plus isolés d’entre nous. 

Mais parce que j’ai toujours considéré que nous devions apprendre à vivre avec ce virus et adapter nos modes de vie de façon responsable, j’ai aussi, en lien étroit avec Monsieur le Préfet des Pyrénées-Orientales dont je tiens à saluer la qualité du travail et de nos relations, mis en place un marché de Noël qui, encadré de façon rigoureuse, s’est parfaitement déroulé.

Cette semaine, dans un même esprit de responsabilité, et m’inscrivant dans les pas de Madame la Ministre de la Culture, j’ai décidé d’ouvrir à nouveau les musées de la ville de Perpignan et ceci pour plusieurs raisons. 

Tout d’abord, Perpignan est sanitairement prête à ouvrir en toute sécurité ses musées qui sont à taille humaine et dans lesquels il n’est donc pas difficile de mettre en place un protocole sanitaire tout à fait efficace. De plus, comme vous le savez, notre médiathèque et nos bibliothèques, sont déjà ouvertes comme vous l’avez d’ailleurs vous-même autorisé.

J’ai aussi pris cette décision car, en tant que Maire, j’observe chaque jour, Monsieur le Premier Ministre, que nos concitoyens souffrent de plus en plus des privations de liberté et autres restrictions qu’ils subissent depuis maintenant une année entière. Si nous devons évidemment poursuivre ce combat contre le virus au moyen d’une campagne de vaccination que nous espérons tous la plus efficace possible, par le maintien de gestes barrières nécessaires, nous devons également savoir nous adapter et apprendre à vivre avec cette menace sanitaire nouvelle qui risque de perdurer sous des formes diverses dans les années qui viennent. 

Enfin, Monsieur le Premier Ministre, j’ai pris cette décision car, oui, je considère notre vie culturelle comme étant essentielle à la vie de la cité dont j’ai la responsabilité comme à la vie de la France en général. Nous ne pouvons sans cesse nous prévaloir dans les mots de la richesse de notre tradition culturelle et l’empêcher de s’exprimer, comme c’est le cas depuis un an. Nous ne pouvons pas sans cesse en appeler à l’exception culturelle française et en même temps l’empêcher de vivre, de s’exprimer, comme c’est aujourd’hui le cas, comme dans aucun autre pays d’Europe. 

Ainsi, l’Italie, pays pourtant ô combien durement touché par la crise sanitaire, vient d’ouvrir ses musées. En Catalogne, juste de l’autre côté de nos Pyrénées, les théâtres et les musées accueillent également chaque jour le public, ceci ne posant pas de difficulté majeure. 

Comment expliquer, Monsieur le Premier Ministre, que ce qui est possible ailleurs soit impossible en France ? Comment l’État, si prompt à mettre en avant notre richesse culturelle, peut-il aujourd’hui continuer à empêcher toute vie artistique ?

À ma décision de réouverture des musées de Perpignan, le représentant de l’État dans notre département -il est dans son rôle- a immédiatement répondu par un référé suspension qui sera jugé ce lundi 15 février par le Tribunal administratif de Montpellier. La Ministre de la Culture s’est félicitée de cette décision. C’est la raison aussi pour laquelle je m’adresse à vous aujourd’hui.

Lors de votre prise de fonction, vous vous êtes présenté aux Français comme désirant être le « Premier Ministre des Territoires ». À cette occasion, vous avez d’ailleurs mis en avant votre expérience de Maire de Prades ainsi que votre attachement à notre territoire des Pyrénées-Orientales. Vous avez alors créé chez les élus locaux mais aussi chez nos concitoyens un certain espoir d’être enfin écoutés, d’être enfin entendus par le gouvernement.

C’est donc à vous, Monsieur le Premier Ministre issu des territoires, que je m’adresse aujourd’hui. Je vous demande de faire confiance à l’esprit de responsabilité du Maire que je suis. Je vous demande donc de bien vouloir accorder au Maire de Perpignan le droit à l’expérimentation et ainsi de voir qu’il est possible de vivre en s’adaptant à cette situation sanitaire qui nous contraint.

À l’ouverture de nos musées dont je viens de vous évoquer les raisons et envisagée par la Ministre de la Culture elle-même, le Premier Ministre des territoires que vous êtes ne peut répondre par la réponse sèche du recours en justice. 

À l’esprit de responsabilité d’un Maire en contact quotidien avec la réalité du terrain, vous ne pouvez pas répondre par un acte de défiance.

Comptant, Monsieur le Premier Ministre, sur votre esprit d’ouverture, je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations respectueuses.

Non à cette société qui confine pour protéger d’une mort hypothétique et promeut le suicide assisté par injection létale


Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, candidat à la présidentielle


Le 26 janvier, Jean-Louis Touraine, député de La République en Marche (LREM), a déposé une nouvelle proposition de loi visant à « garantir et renforcer les droits des personnes en fin de vie ». Le 3 février suivant, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie dépose une autre proposition de loi visant à « établir le droit à mourir dans la dignité ». Deux initiatives législatives soutenues par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) qui se fend d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron relayée par le quotidien Le Monde ce même 3 février. Qui peut croire que cette rafale de coups de boutoir contre la Vie est un hasard ?

Il s’agit ni plus ni moins que de revenir à la charge sur l’une des principales promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière de bioéthique: l’euthanasie. Paradoxalement, la proposition de loi est déposée au moment même où le coronavirus fait sa loi en France, à l’heure où nos gouvernants n’hésitent plus à confiner totalement ou partiellement toute une population pour pouvoir « sauvegarder des vies » comme ils disent, et à fermer les commerces dits « non essentiels » ou maintenir les étudiants claquemurés, allant jusqu’à pousser des désespérés au suicide… C’est pourtant sans ironie que Monsieur Touraine prétend vouloir « apprendre à mieux respecter nos libertés », alors même que nos libertés n’ont jamais été autant bafouées.

Il nous parle ainsi de « droit universel », de « responsabilité » ou de « respect des libertés ». Ces mots-clés font mouche comme autant d’éléments de novlangue imaginés par Aldous Huxley dans son Meilleur des Mondes. Nous ne sommes pas dupes ! Ainsi, Monsieur Touraine nous explique que l’euthanasie ne doit pouvoir être appliquée qu’à une personne « capable », éprouvant une « douleur physique » ou une « souffrance psychique insupportable », afin d’effectuer un choix « libre et éclairé ». C’est oublier que rien ne rend aussi incapable d’effectuer un choix libre et éclairé que la souffrance qui étouffe la flamme vitale et annihile la volonté des individus. Autant demander à un suicidaire s’il souhaite se suicider en lui tendant une corde au lieu de l’en dissuader. Il s’agit donc de se rendre complice de la mort de milliers de personnes. Mais cette proposition de loi ne s’adresse pas seulement aux personnes capables de choisir comme il le prétend, puisqu’en l’absence de directives anticipées ou de personnes de confiance ayant reçu des instructions, il préconise la mise en place d’une « hiérarchie des proches de l’intéressé » à commencer par les époux, les partenaires liés par un PACS, les concubins… Cette disposition ouvre la porte à tous les abus possibles et imaginables, des meurtres intéressés aux règlements de comptes. Remarquons, soit dit en passant, que les parents, les frères et les sœurs sont, dans l’ordre hiérarchique imaginé par Monsieur Touraine, les derniers autorisés à décider du sort de l’individu, comme pour s’assurer que les liens du sang constitueront le moins possible un obstacle à l’euthanasie.

Viviane Lambert (Mère de Vincent Lambert), au centre, dans une manifestation en 2015 © NICOLAS MESSYASZ / SIPA Numéro de reportage : 00702778_000004
Viviane Lambert, mère de Vincent, au centre, dans une manifestation en 2015 © NICOLAS MESSYASZ / SIPA Numéro de reportage : 00702778_000004

L’auteur de cette proposition pense tout de même à nous expliquer que le choix peut être révoqué à tout moment. Seulement, il ne précise pas comment une personne en incapacité de parler peut révoquer son « choix » de manière explicite. L’affaire de Vincent Lambert nous a en effet montré la réalité de nombreuses personnes vivant en état pauci-relationnel, et que la logique d’un consentement de la personne ne serait pas automatiquement respectée dans le processus d’euthanasie. Il oublie qu’un patient peut d’ailleurs changer d’avis, même après avoir signé le fameux papier de consentement. Quant à la clause de conscience proposée par les députés de LREM, le même tour de passe-passe utilisé pour l’avortement nous est présenté sous le masque de la conscience libre. En effet, elle impose au médecin qui refuse l’euthanasie, de trouver un autre médecin dans les deux jours pour le pratiquer à sa place, ce qui le rend moralement complice de la mort du patient. Enfin, comment pouvoir justifier qu’une personne euthanasiée soit ensuite considérée comme décédée de mort naturelle, comme le stipule cette proposition de loi, ce qui est factuellement faux ? Au même titre qu’il est injustifiable que des personnes décédées pendant cette épidémie se voient ajouté une mention « mort de la Covid-19 » pour augmenter la terreur et servir la dictature sanitaire.

Ainsi donc, nous voici dans une société qui refuse le risque, qui interdit, qui confine et enferme les populations pour les protéger d’une mort hypothétique. Et lorsque les individus parviennent à un âge défiant toute statistique, qu’ils en arrivent à ne plus être en possession de leurs moyens à cause du poids du temps ou de la maladie, cette même société souhaite leur donner le sinistre choix de la vie impotente ou de la mort par injection létale. Ce que la vie régulait naturellement autrefois, la société souhaite se l’arroger pour en être l’unique artisan, prétendant agir pour la Liberté, alors qu’elle n’agit que par nihilisme, quand ce n’est pas par pur intérêt économique. En 1840, Alexis de Tocqueville décrivait déjà ce despotisme doux dans lequel l’État règle chaque aspect de la vie des citoyens de sa naissance jusqu’à sa mort[tooltips content= »Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Édition 1848, Tome 4, Quatrième partie, Chapitre 6. »](1)[/tooltips] : « il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? ». Ce sera bientôt chose faite si nous laissons faire, sans indignation, sans dénonciation, sans résistance, des parlementaires comme Monsieur Touraine ou Madame de La Gontrie poursuivre leurs funestes propositions visant à promouvoir la culture de mort.

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Les crimes et délits sexuels sur mineurs sont loin de faire l’objet d’un déni massif


Un an après Le Consentement de Vanessa Springora, trois ans après le lancement de #Metoo, Camille Kouchner révèle l’inceste dont fut victime son frère jumeau de la part de leur beau-père. Avec #MetooInceste, on célèbre la libération de la parole. Mais vingt ans de débats parlementaires et de changements législatifs montrent que les crimes et délits sexuels sur mineurs sont loin d’avoir fait l’objet d’un déni massif.


C’est peu de dire que la sortie de l’ouvrage de Camille Kouchner a provoqué un séisme. Quelques jours avant, Olivier Duhamel annonçait via Twitter sa démission de ses fonctions de président de la FNSP (Fondation nationale des sciences politiques) et de président du Siècle, association « élitiste » regroupant des dirigeants de tous bords. Faisant l’économie des habituelles dénégations dans ce type de dossier, il s’enfermait au contraire dans un silence en forme d’aveu. Dans le même temps, Le Monde révélait, dans son édition du 11 janvier 2021, que le directeur de Sciences-Po, dont l’UNEF demande la démission, aurait été avisé du soupçon d’inceste dès 2018 par Aurélie Filippetti : ce qu’il réfutait initialement, avant de l’admettre quelques jours plus tard. Cependant qu’Élisabeth Guigou, proche d’Olivier Duhamel, renonçait, tout en affirmant n’avoir jamais rien su, à présider la commission sur l’inceste et les violences sexuelles sur les enfants, et que Marc Guillaume, préfet d’Île-de-France et ex-secrétaire général du gouvernement, annonçait sa démission de tous les conseils d’administration dans lesquels il avait siégé avec Olivier Duhamel… Ajoutons que le samedi 16 janvier, soit quelques jours après la sortie de l’ouvrage, émergeait sur Twitter un nouveau hashtag, #MeTooinceste, recueillant plus de 50.000 tweets en 24 heures.

Ce dévoilement par médias interposés et ces démissions en cascade posaient à nouveau la question de la durée de la prescription en matière de crimes sexuels, puisque les faits dénoncés, s’ils étaient avérés, seraient prescrits en 2021. Interviewé par Yann Barthès dans l’émission « Quotidien », François Hollande, après avoir courageusement rappelé que « la liberté, ce n’est pas de s’en prendre à des enfants », appelait de ses vœux l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs.

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Rappelons que le délai de prescription de l’action publique pour les crimes et délits sexuels sur mineurs a été allongé plusieurs fois ces dernières années, bien souvent sous la pression des associations de victimes. Dès 1998, le législateur prévoyait que dans le souci d’une meilleure protection des victimes, ce délai ne devait commencer à courir qu’à compter de leur majorité (et non de la commission des faits), du moins lorsque le crime ou le délit avait été commis par un ascendant ou par une personne ayant autorité (ce qui est le cas d’un beau-père). La durée de prescription était alors portée à dix ans pour les délits (agression sexuelle par exemple), puis, en 2004, à vingt ans pour les crimes (le viol est un crime). Vingt ans à compter de la majorité, soit 38 ans au maximum lorsque la présumée victime porte plainte. C’est en 2018 qu’une dernière évolution législative, après avoir écarté la demande d’imprescriptibilité[tooltips content= »L’inénarrable Muriel Salmona, psychiatre, avait remis à Marlène Schiappa, qui préparait la loi du 3 août 2018 sur les « violences sexistes et sexuelles », un rapport favorable à l’imprescriptibilité : « Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels », 20 octobre 2017, consultable sur le site Memoiretraumatique.org »](1)[/tooltips], portait le délai de prescription à trente ans à compter de la majorité[tooltips content= »Loi du 3 août 2018, modifiant l’article 7 du Code de procédure pénale. »](2)[/tooltips] (soit 48 ans lors du dépôt de plainte). Il faut comprendre concrètement ce que cela signifie : si un mineur, aujourd’hui en petite section de maternelle, donc âgé de 3 ans, était victime d’un instituteur pédophile, il serait majeur en 2036 et pourrait dénoncer les faits jusqu’en 2066 : né en 2018, il aurait alors 48 ans. Les faits dénoncés pourraient être jugés après clôture du dossier d’instruction (vers 2068 ? 2069 ?), à supposer que l’auteur, s’il est encore en vie, ne soit pas trop détérioré pour s’expliquer devant un magistrat instructeur. Cet allongement du délai de prescription, unanimement salué, pose néanmoins le problème cardinal de l’administration de la preuve, a fortiori dans des procédures où le temps écoulé appauvrit les témoignages, fait disparaître les preuves matérielles…L’allongement à l’infini du délai de prescription montre que, lorsque les faits dénoncés remontent à plusieurs décennies, le but premier du procès, avant la recherche de la vérité, est la réparation psychologique de la victime, dont le préalable indispensable serait la condamnation de l’auteur. L’avocat Claude Katz s’indignait en ces termes de la suppression du délit de harcèlement sexuel (réintroduit depuis sa nouvelle définition) : « Cela est frustrant pour la victime, pour qui la déclaration de culpabilité est très importante, cela lui permet en effet de se reconstruire[tooltips content= »Laurence Neuer, « Suppression du délit de harcèlement sexuel : quels recours pour les victimes ? », Lepoint.fr, 4 mai 2012. »](3)[/tooltips]. »

Camille Kouchner. © Mathieu BOURGOIS/Opale via Leemage
Camille Kouchner. © Mathieu BOURGOIS/Opale via Leemage

Cette « psychologisation du droit » propre à la délinquance sexuelle n’inquiète que quelques juristes. Marie-Pierre Porchy, ancien juge des enfants, reconnaissait ainsi sur le plateau de « La grande librairie », consacrée à cette affaire le 13 janvier, avoir évolué depuis la publication en 2003 de son essai Les Silences de la loi. Aujourd’hui juge d’instruction, elle se montre plus réservée sur l’imprescriptibilité, évoquant les difficultés, souvent proches de l’impossibilité, d’instruire un dossier lorsque les faits sont trop anciens, que les témoins sont morts ou que la mémoire fait défaut… le classement sans suite ou l’acquittement devenant inévitable. Que dire alors du désarroi des plaignants qu’on aura envoyés dans le mur, alors que certains thérapeutes, d’abord militants, leur avaient affirmé que sans reconnaissance du statut de victime (il faut entendre : sans condamnation de l’auteur), aucune réparation psychologique, aucune « reconstruction » ne serait possible ? Deux ans après promulgation de la loi du 3 août 2018, la même Muriel Salmona revenait à la charge dans cette émission, assurant que « tout est organisé pour faire taire, pour bâillonner les victimes » et même « pour les empêcher d’accéder à des soins[tooltips content= »Propos retranscrits littéralement, audibles à 1 h 24 d’émission. »](4)[/tooltips] ». Emportée par son élan, elle ajoutait que « la société empêche les victimes de pouvoir être secourues, protégées, soignées et de pouvoir porter plainte ». Sans que personne, sur le plateau, ne s’en émeuve : la noblesse de la cause fait office de bouclier et la démesure, sur ce terrain, demeure impunie. Comment les magistrats français peuvent-ils ainsi laisser dire et écrire, tous médias confondus, que la justice est aussi désarmée, quand on ne la dit pas complaisante ? Tout simplement parce que la cause ou plutôt les slogans qui la résument sont trop consensuels pour que l’on puisse s’y opposer, pas même par la nuance. Slogan : formule courte, destinée à propager une idée, soutenir une action. Critiquer un propos outrancier, pour ne pas dire délirant, affirmant l’impunité des criminels sexuels implique-t-il qu’on soit favorable à cette impunité, dont nous affirmons qu’elle n’est que fantasmée, la législation française étant l’une des plus répressives en matière d’infractions sexuelles ? Peut-on s’indigner des excès ou des sophismes militants sans être suspecté de faire partie des partisans de la « loi du silence » ?

Mais l’exception sexuelle du droit, pour reprendre la belle expression de Marcela Iacub, ne se limite pas à cela. Ici, l’accusation vaut preuve et le renversement de la charge de la preuve, dans ces affaires « parole contre parole », met en demeure le mis en cause de prouver son innocence. C’est ainsi que Darius Rochebin, présentateur suisse recruté par LCI, a dû se « mettre en retrait » après que le journal Le Temps eut dévoilé des accusations de harcèlement, portées par d’anciens collaborateurs, évoquant « comportements déplacés et propos salaces ». Avec cette particularité qu’au moment de son ostracisation, les accusateurs anonymes n’avaient pas déposé plainte et qu’aucune enquête n’avait donc été diligentée.

Dans ce même registre, il ne fait pas bon essayer de nuancer le propos. C’est encore cette exception sexuelle qui valut à Alain Finkielkraut, interviewé le 11 janvier 2021 sur LCI (décidément !) par David Pujadas, d’être immédiatement écarté par la direction de l’antenne. Le philosophe avait pourtant pris toutes les précautions oratoires, estimant que les faits dénoncés étaient « très graves » et que leur auteur était « inexcusable ». Faisant référence au film M le Maudit, Alain Finkielkraut évoquait dans les premières minutes de l’interview les lynchages médiatiques propres à notre époque, s’inquiétant que la justice « sorte des prétoires ». Il rappelait aussi la particularité de ce livre : ni l’accusé ni la victime n’avaient encore pris la parole. Mais avec une imprudence dont il a sans doute pris conscience trop tard, le philosophe s’est interrogé, à l’antenne, sur le « consentement » d’une victime adolescente, ou encore sur « une forme de réciprocité ». Bourde, pour le dire simplement, qui lui a été fatale, de même que d’avoir osé rappeler qu’un enfant et un adolescent de 14 ans, ce n’est « pas tout à fait la même chose ». A fortiori si l’inceste a duré des années. L’association féministe Les Effronté.es en profite pour rappeler qu’il avait, en 2009, commis la même erreur en rappelant que la victime de Roman Polanski, au moment des faits, avait 13 ans et n’était donc plus une enfant. Refusant de « hurler avec les loups » (expression qui, ici, aurait mérité l’écriture inclusive), Alain Finkielkraut semblait ici évoquer le possible consentement d’une victime, ce qui a paru aux yeux de beaucoup comme une deuxième profanation. Rappelons toutefois que le législateur a refusé d’introduire, dans la loi du 3 août 2018, la notion de « présomption irréfragable de non-consentement » en deçà de l’âge de 15 ans. En dépit des très fortes pressions d’associations, il a estimé préférable que le juge puisse, au cas par cas, qualifier les faits au plus près de la réalité, refusant ainsi « d’écraser la complexité du réel sous une fiction juridique[tooltips content= »Voir l’article de Régine Barthélémy, « N’instaurons pas un âge légal pour découvrir la sexualité », Libération, 26 février 2018. »](5)[/tooltips] ».

A lire aussi: Notre appel contre la tyrannie de l’émotion

Vivons-nous donc dans un monde où toute interrogation, toute nuance apportée à une vérité consensuelle serait vécue comme une banalisation des crimes et délits sexuels sur mineurs, voire, comme le disait Alain Finkielkraut, comme leur absolution ? Prenait-il la défense d’Olivier Duhamel, comme certains l’ont pensé, en rappelant la complexité des interactions entre auteur et victime en matière d’inceste ? Nous ne le croyons pas, et tous les psychiatres ont au contraire été confrontés à des dossiers dans lesquels les conséquences les plus dévastatrices d’un inceste n’étaient pas nécessairement sexuelles, mais psychologiques. Le lien affectif avec son abuseur vient en effet, dans certains cas, aggraver les conséquences de l’abus, alors vécu au pire sens de ce terme, c’est-à-dire comme une supercherie psychologique, un abus de confiance. Au contraire des agressions sexuelles extrafamiliales, la progressivité des actes incestueux est fréquente et les pères (plus souvent encore, les beaux-pères) abuseurs usent de stratagèmes affectifs dans les attouchements et les gestes prodigués, induisant dans l’esprit de l’enfant victime une véritable confusion. De sorte que la victime, confondant les gestes affectueux et abusifs, n’est parfois plus en mesure de dire quand la violence a commencé : ce que la littérature spécialisée qualifie de « relation d’emprise », par laquelle « l’abuseur fait douter jusqu’à la victime que la violence ait eu lieu[tooltips content= »Reynaldo Perrone et Martine Nannini, Violence et abus sexuels dans la famille, ESF, 1995. »](6)[/tooltips] ».

C’est essentiellement cette emprise, pouvant durer jusqu’à l’âge adulte, que dénonce dans son ouvrage Camille Kouchner lorsqu’elle décrit le charisme de son beau-père, qu’elle dit même avoir « beaucoup aimé ». Et c’est à l’évidence de cette « illusion de consentement » dont voulait parler Alain Finkielkraut : il appartient à l’adulte, qui dispose (en théorie !) de la maturité requise, de ne pas en être dupe. Et d’honorer ainsi les mots de Camus, cités par Finkielkraut : « Un homme, ça s’empêche… »

Mais un plateau de télévision se prête bien mal à une telle réflexion, ce d’autant que la sortie de cet ouvrage a provoqué une véritable onde de choc, l’auteur se disant aujourd’hui troublée par le battage médiatique qui l’entoure. Camille Kouchner pensait-elle réellement que l’éditeur organiserait une sortie en catimini d’un ouvrage « destiné à briser la loi du silence », visant des personnalités au plus haut niveau et dont le premier tirage, « dans le plus grand secret », était de 70 000 exemplaires (porté à 225 000 en quatre jours) ? S’attendait-elle à protéger longtemps l’anonymat de son frère jumeau en l’appelant « Victor », lui qui n’avait pas souhaité dévoiler ni porter plainte ?

Alors que nous écrivons ces lignes, la flambée du hashtag #MeTooinceste se confirme, environ 10% de la population française semblant avoir été abusée selon les militants les plus fervents. Lancés comme autant de bouteilles à la mer, les tweets au contenu poignant trouveront-ils quelque écho judiciaire ? Rien n’est moins sûr, ce qui n’empêche pas que soit unanimement saluée cette « libération de la parole », cette catharsis collective aux allures de thérapie de groupe. Comme si, jusqu’ici, l’inceste (désormais incriminé par le code pénal) ou les abus sexuels sur mineurs avaient réellement fait l’objet d’un déni massif. Affirmation jamais démentie et d’autant plus choquante qu’elle survient deux ans à peine après la promulgation de la loi du 03 août 2018 et les longs débats parlementaires qui l’ont précédée.

Ce sont bien ce terrorisme intellectuel et cette pression victimologique qu’avec Florence Rault nous dénoncions dans notre Dictature de l’émotion[tooltips content= »Belfond, 2002. »](7)[/tooltips]. Il faut croire que près de vingt ans plus tard, un peu de chemin reste encore à faire…

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Le Vendée Globe, une odyssée nationale

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En cette période de crise sanitaire et de crise mentale, les marins français sont allés chercher à l’autre bout du monde un grand bol d’air frais et de liberté 


À observer les regards du public venu attendre les marins du Vendée Globe, il ne fait aucun doute que les émotions suscitées par cette course vont bien au-delà de l’exploit sportif. Après parfois des heures d’attente, voici les skippers qui nous reviennent, le visage émacié mais illuminé d’un intense bonheur, la silhouette dressée à la proue de leur esquif et brandissant des feux de Bengale tels des gladiateurs victorieux des assauts de Neptune. En remontant le chenal des Sables d’Olonne, ils ramènent dans leur sillage davantage encore qu’un parfum d’aventure aux relents chauds d’alizés : c’est le monde entier qu’ils nous offrent.

De l’odyssée spatiale à l’odyssée vendéenne…

Pour s’en convaincre, rapprochons donc la ferveur qui, depuis une semaine, s’empare de la foule au passage de chaque flottille croisant la ligne d’arrivée, des scènes de liesse qui accompagnèrent le retour d’un autre héros et voyageur extraordinaire : le cosmonaute soviétique Youri Gagarine, premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace en avril 1961. Comme nos navigateurs, Gagarine était à bord d’une petite capsule lorsqu’il a effectué une orbite complète autour de la Terre. Symbole du vertige pascalien, cet habitacle lui permettant à peine de se mouvoir était en même temps l’instrument grâce auquel il s’emparait du monde, le dominait en en faisant le tour. Ainsi, chaque Soviétique s’identifiait à Gagarine, seul et vulnérable comme un enfant dans un petit vaisseau qui n’est pas sans rappeler le sein maternel, et à la fois tout-puissant, maître de l’espace, premier homme de l’histoire de l’humanité à contempler la terre d’en haut. Les vidéos de son arrivée triomphale à Moscou montrent des gens venant par dizaines de milliers l’acclamer, massés sur des kilomètres le long des boulevards empruntés par son cortège. De même qu’aujourd’hui aux Sables d’Olonne soixante ans plus tard, on lit sur leur visage une émotion de l’ordre de la béatitude, mêlée à la fois de fierté et de reconnaissance pour cet être mi-homme et mi-dieu, pour ce double souriant et mythique d’eux-mêmes qui leur a conquis le monde. C’est comme s’ils avaient croisé la route d’un saint venu souffrir et, quelque part dans la stratosphère ou la solitude du point Nemo, intercéder auprès du Très-Haut pour leur salut, pour la gloire de tout un peuple.

A lire aussi: BD: Claire Bretécher est partie il y a un an déjà…

Il faut dire que chez nous les flots de champagne sabré par les marins qui posent le pied à terre coulent sur un sol rendu aride par deux siècles de défaites : de Waterloo à la débâcle de mai 1940, en passant par Sedan et Verdun, les Français ont à tel point oublié le goût de la victoire qu’un dérisoire match de football prit en 1998 des allures de libération nationale. Oui, les Français ont soif de victoire car on les en a privés depuis bien plus loin que se souviennent les mémoires. Or le Vendée Globe, c’est la victoire par excellence : celle de l’homme sur l’océan et les éléments, sur leur puissance et leur immensité, c’est la victoire de l’homme sur lui-même, bref, c’est la victoire de l’abnégation qui peut tout et redonne l’espérance.

La vérité du roi Jean

Mais à la différence de la victoire spatiale des Soviétiques, la victoire nautique des Français est bien moins une victoire technique qu’une victoire humaine, incarnée lors de cette édition par la personnalité hors-norme et attachante de Jean Le Cam. Celui que l’on surnomme le roi Jean a dominé la course avec majesté, donnant au jour le jour non des leçons mais des exemples de ses quartiers de noblesse morale : solidarité lors du sauvetage miraculeux de Kevin Escoffier, transmission de sa passion aux jeunes générations, courage, simplicité.

Mais comme dans le carnaval qui aime à allier les contraires – et Jean Le Cam lui-même revendique ce mélange en parlant d’une course des extrêmes –, la sagesse du roi coexiste chez lui avec la malice du bouffon ; ainsi, lors de sa conférence de presse d’arrivée, le marin connu pour son franc-parler a employé une langue vraie, populaire mais aussi redoutable de justesse, qui a littéralement fait voler en éclats les maux qui nous accablent, ici sur Terre. Parmi ceux-ci, la « conjecturologie », science aléatoire des bataillons d’experts estampillés, qui consiste à vouloir tout prévoir et à bannir le risque de nos vies. Jean Le Cam a balayé cette lubie contemporaine en répondant abruptement à une journaliste qui lui demandait quels étaient ses projets pour les prochaines semaines : « Je ne sais pas. Qu’est-ce que c’est bien de ne pas savoir ! » Il a également dénoncé la surenchère technologique de bateaux aux coûts faramineux qui ont finalement été supplantés par des équipages plus modestes mais plus robustes sur la longue distance et guidés, eux, par des valeurs humaines. L’œil rieur, il a raillé ses collègues skippers aux allures martiales, donnant sa préférence à des personnages certes moins avenants, imparfaits, humains trop humains dirait-on, mais dont la ténacité primaire a eu raison de l’adversité en mer : « Au final, ceux qui ont gagné c’est le vieux con [parlant de lui], le handicapé et le branleur » (sic) N’est-ce pas là un formidable pied de nez à la tyrannie des chargés de RH, en quête de profils lisses aux CV de robots réactifs et serviles à souhait ? À l’heure de l’impératif sanitaire du sans-contact, des communiqués aseptisés et des distances sociales, il s’est dit ému par la présence et la profondeur d’âme des courageux venus l’accueillir en pleine nuit sur la jetée. Pratiquant zélé de l’irrévérence, c’est hilare qu’il évoque l’appel téléphonique de l’Élysée après le sauvetage de Kevin Escoffier, au cours duquel il ne se serait pas gêné pour tancer « Manu » en lui rappelant un adage populaire.

Au-delà des brocards salutaires du roi Jean, la force du Vendée Globe est de faire souffler un vent nouveau sur notre pays et sur les esprits. Il y a un avant et un après la course. Et en cette période de confinement et d’asphyxie politique et mentale, les vérités que les marins sont allés chercher à l’autre bout du monde sont un grand bol d’air frais et de liberté : ils nous rappellent, tout d’abord, qu’il n’y a point de salut sans courage et sans l’affirmation farouche de ce que nous sommes. Enfin, ils nous montrent que c’est à l’aune du globe que se mesurent la grandeur de la France et la saveur de ses victoires.

Bolsonaro, l’ennemi idéal

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« Arrêtez de dire des idioties, vous ne connaissez pas votre pays et vous n’arrêtez pas de donner votre opinion sur le Brésil » a récemment pesté le président brésilien contre Emmanuel Macron, lequel lui reprochait la déforestation de l’Amazonie. Comme il est facile de cracher sur Bolsonaro quand on est président de la République française, ministre ou grand patron!


Jair Bolsonaro n’est pas musulman donc on ne risque pas de voir les banlieues flamber.

Il n’est pas turc, donc il ne fera pas descendre les Loups Gris dans les rues de Strasbourg en guise de protestation.

Il n’est pas africain donc il ne nous accusera pas de néocolonialisme.

Il n’est pas de gauche donc il n’a personne pour le défendre dans les universités françaises et les rédactions parisiennes.

Mieux encore, c’est une cible idéale, une poupée enduite de miel dont la vocation est d’attirer inexorablement les abeilles. Tenez-vous bien – vous êtes assis j’espère ! – il est blanc et hétérosexuel. L’infâme gredin ! Il est aussi catholique, vous vous rendez compte ! Il y en a encore des catholiques qui se déclarent comme tels et font de la politique à haut niveau ! Bolsonaro en est un : péché inexpiable qui le disqualifie aux yeux du Pape argentin. L’épouse de Bolsonaro, Michelle, une belle blonde de 38 ans, est évangélique : quel crime impardonnable !  Elle aurait pu au moins avoir le bon goût de se déclarer animaliste ou végane, histoire d’envoyer les bons signaux (de soumission).

Il est pratique de vilipender Bolsonaro

Et cerise sur le gâteau, le Brésil c’est loin, très loin. On peut donc insulter Bolsonaro comme on veut, on est sûr qu’il n’enverra pas un croiseur harceler les navires français en Méditerranée. N’est pas Erdogan qui veut !

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Toutes ces raisons expliquent en quoi il est pratique de vilipender Bolsonaro, pas en quoi ça nous est utile voire indispensable.

Le crime de Bolsonaro est de ne pas faire partie de l’équipage du Titanic. Il refuse, comme Trump avant lui, de parier sur la fin de la civilisation occidentale et sa dissolution dans une espèce de kermesse woke.

En vérité, Bolsonaro a le malheur de dire des vérités que nous avons refoulées et déclarées illicites. Il est l’obstacle entre nous et notre désir le plus ardent : la décadence. C’est un empêcheur de « couler » en rond.

Plus on vilipende Bolsonaro, moins on se donne la chance d’écouter ce qu’il a à dire. Plus on l’accuse d’homophobie, de racisme et de destruction environnementale, moins on se pose la question de sa politique et de son bilan. On se fiche de qui il est et de ce qu’il pense, nous voulons être sûrs qu’il se taise. Le vrai ou le faux ne nous importent pas en ce qui concerne le Brésil, la seule chose qui compte est de cacher au peuple français qu’une autre politique est possible : qu’un président puisse dire non à certaines minorités et tendre une oreille attentive à d’autres (les autistes, les sourds-muets, les handicapés, les camionneurs) ; qu’il  puisse réclamer la réindustrialisation de son pays ; qu’il estime que l’école doit former des patriotes et non des repentants ; qu’il autorise les femmes à acheter une arme de poing pour se défendre contre les agressions ; qu’il s’arrête dans la rue pour bavarder avec des citoyens lambda sans craindre d’être lynché par les « gilets jaunes ».

Au Brésil, Marine Le Pen aurait ses chances

Alors, quand on a renoncé à cela, quand on conçoit l’action politique comme la promenade d’un eunuque dans un harem, on en veut à mort à Bolsonaro ! On veut l’effacer de la surface de la terre quitte à l’accuser de manger des enfants ou d’avoir crucifié Jésus il y a 2000 ans. Tout est bon pourvu qu’il se taise.

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Bolsonaro est, aux yeux de nos élites, une Marine Le Pen qui réussit. Notre nomenklatura voit en lui un démenti cinglant du discours habituel, celui du « vote utile » et du « après nous le déluge ». Depuis son accession au pouvoir, Bolsonaro ne s’est rendu coupable d’aucune attaque contre les homosexuels (les médias nous avaient promis des pogroms…), les femmes, les noirs ou les indiens. Mieux encore, la criminalité a fortement baissé (-25% des homicides en 2019), ce qui profite à tous les Brésiliens quelle que soit leur origine ou orientation sexuelle. Tout cela est une antithèse au mensonge qui sert de ciment à la nomenklatura française, ce mensonge consiste à diaboliser toute opposition réelle en la faisant passer pour fasciste. Nos élites sont assiégées, elles ont peur et se protègent derrière la digue nommée « front républicain ». Bolsonaro montre que cette digue n’est rien d’autre qu’un rideau de fumée. (Notez bien que je ne suis pas sûr que Marine Le Pen soit en mesure de dissiper ce rideau de fumée, mais cela est une autre histoire…)

Tel est le substrat mental de la relation franco-brésilienne actuelle. De la pure folie. Un mépris complet des intérêts économiques immenses de la France dans ce pays. Une gifle à la francophilie naturelle et spontanée des Brésiliens qui croient encore que la France ressemble à ce pays doux et paisible habité par Amélie Poulain (comme quoi, la désinformation fonctionne dans les deux sens…).

Balayons devant notre porte !

Un peu d’humilité nous ferait tous du bien. Au lieu de passer nos nerfs sur Bolsonaro, occupons-nous de ces lions en liberté que nous avons installés dans notre salon : l’islamisme, l’ensauvagement, la ruine de l’enseignement, la destruction de la gouvernance, pour ne citer que les cas les plus graves.

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Alors bien entendu, nous sommes en droit de critiquer la politique environnementale de Bolsonaro, son manque de libéralisme sur le plan économique et tant d’autres choses. Mais, pour être crédibles, il faudrait d’abord reprendre nos esprits et balayer devant notre porte.

Comment osons-nous critiquer les Brésiliens à propos de l’Amazonie alors que nous ne sommes même pas capables de faire marcher des caméras de surveillance dans les cités sensibles de la banlieue parisienne ? Ces caméras se font attaquer au fusil à pompe et leurs mats sont coupés à la scie électrique, en pleine journée, au vu et au su des autorités. Il faut donc un sacré culot pour fustiger un agent forestier brésilien, isolé dans la forêt équatoriale au milieu de gangs armés jusqu’aux dents et qui travaillent pour les mafias internationales. (A ce propos, il faut dire une fois pour toutes que le déboisement sert à blanchir l’argent de la cocaïne, celle qui se vend à Paris notamment, car une forêt défrichée donne place à un pâturage qui abrite des vaches qui finissent à l’abattoir et se transforment en viande donc en facture en bonne et due forme).

Avant de pointer le Brésil du doigt, enlevons le bandeau qui nous couvre les yeux. Ça devient urgent.

Le «grand remplacement»: fantasme et réalités démographiques


Dans un ouvrage paru à l’automne 2020, le journaliste et auteur Marc Endenweld rapportait les confidences de plusieurs collaborateurs de l’Elysée affirmant que le président Emmanuel Macron reprenait régulièrement l’expression de « grand remplacement » lors de conversations avec ses équipes au sujet de l’immigration et de l’Islam[tooltips content= »https://www.valeursactuelles.com/politique/video-immigration-grand-remplacement-macron-reprend-en-prive-des-formules-deric-zemmour-et-renaud-camus-125953?page=3″](1)[/tooltips].


Pareille anecdote venue du sommet de l’Etat confirme à quel point ce concept, né dans les marges politiques et littéraires auxquelles certains auraient voulu le circonscrire, occupe désormais une place centrale dans le débat public. Forgée et popularisée par l’écrivain Renaud Camus dans un essai éponyme paru en 2011, la notion de « grand remplacement » hante désormais les éditoriaux, les réseaux sociaux comme les plateaux des grands médias audiovisuels, mais aussi les lieux de pouvoir et les simples discussions familiales.

Qu’il s’agisse de la défendre ou de la dénoncer avec virulence, rares sont les expressions capables de déchaîner autant de passions à leur seul emploi

Avec deux écueils majeurs: la difficulté à s’entendre sur ce que le « grand remplacement » est censé signifier, ainsi que l’absence souvent criante de données chiffrées ou de faits objectivables à l’appui des échanges.

Face aux approximations, aux interprétations partiales et aux affirmations péremptoires, il convient d’abord de préciser ce que cette notion recouvre, puis d’examiner les arguments concrets permettant de la récuser ou de l’appuyer dans des mesures variables.

Si l’on en trouve des échos dans des contextes antérieurs, la paternité de la notion de « grand remplacement » revient néanmoins à l’écrivain et essayiste Renaud Camus

Renaud Camus en avril 2019 à Plieux © Oleg Cetinic/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22336046_000005
Renaud Camus en avril 2019 à Plieux © Oleg Cetinic/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22336046_000005

En novembre 2019, France Culture proposait une série de podcasts intitulée « Grand Remplacement : un virus français »[tooltips content= »France Culture, Le grand remplacement, un virus français (1/5) : à l’origine du mythe »](2)[/tooltips]. Dans le premier des cinq épisodes, dédié à la recherche des origines historiques du concept, le journaliste et politologue Jean-Yves Camus rappelait qu’un écrivain nommé Danrit (en réalité le colonel Emile Driant) avait signé au début du XXème siècle deux romans d’anticipation dont les thèmes étaient respectivement « l’invasion jaune » et « l’invasion noire ». Il s’agissait de suggérer que ce type de représentation était antérieure à notre époque et aux écrits de Renaud Camus.

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Plus récemment et dans une sphère plus politique, le terme de « remplacement » a été employé par l’Organisation des Nations Unies au début des années 2000 dans un rapport intitulé Migrations de remplacement : est-ce une solution à la diminution et au vieillissement de la population ?[tooltips content= »ONU, L’immigration de remplacement : est-ce une solution au vieillissement et au déclin démographique ?, 2001″](3)[/tooltips]. De ce document fort commenté depuis lors, certains ont conclu – de façon hâtive – que l’ONU préconisait la substitution d’une population jeune, originaire d’Afrique, aux populations vieillissantes d’Europe de l’Ouest. Le rapport ne dit pourtant pas exactement cela, puisqu’il précise que l’immigration ne peut être la seule solution aux changements démographiques en Europe occidentale, sauf à ce que celle-ci accepte d’accueillir 160 millions de migrants en cinquante ans.

Dans le contexte français contemporain, c’est en 2011 que l’essai Le Grand Remplacement de Renaud Camus lance ce terme sur la scène intellectuelle et politique – où il n’a cessé de gagner en attention depuis lors.

Contrairement aux idées reçues, la thèse de Renaud Camus n’est pas réductible à une théorie du complot mais comporte deux dimensions claires, l’une quantitative et l’autre qualitative

Dans ce livre comme dans le manifeste qu’il rédige par la suite en 2013[tooltips content= »Renaud Camus, Le changement de peuple, 2013″](4)[/tooltips], l’auteur défend l’idée selon laquelle la France et l’Europe connaissent un changement de population, qu’il résume de la façon suivante : « Pouvez-vous développer le concept de Grand Remplacement ? – Oh, c’est très simple : vous avez un peuple et presque d’un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. » [tooltips content= »Renaud Camus, Le Grand Remplacement, 2011″](5)[/tooltips]  Pour l’auteur, cela constitue « le choc le plus grave qu’ait connu notre patrie depuis le début de son histoire puisque, si le changement de peuple et de civilisation, déjà tellement avancé, est mené jusqu’à son terme, l’histoire qui continuera ne sera plus la sienne, ni la nôtre ».

Avec le « grand remplacement », Renaud Camus défend « une thèse à deux jambes » [tooltips content= »Interview de François Héran par Ivanne Trippenbach pour l’Opinion, 4 octobre 2019″](6)[/tooltips] selon François Héran, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire Migrations et sociétés :

  • La première jambe est quantitative, elle se réfère aux flux migratoires et aux différentiels de fécondité ;
  • La seconde est qualitative et se réfère aux changements culturels au sein de la société française.

Pour compléter sa thèse, Renaud Camus évoque « le pouvoir remplaciste, celui qui désire et promeut le grand remplacement » comme le rappelle une émission diffusée à son sujet sur France Culture[tooltips content= »France Culture, Émission Le grand remplacement, un virus français (3/5) : Renaud Camus, 2019″](7)[/tooltips]. Pour cette raison, certains journalistes considèrent que la thèse de Camus est complotiste ou conspirationniste, ce dont l’auteur se défend en disant que la promotion de l’immigration par certaines catégories d’acteurs sert des intérêts économiques et politiques.

A-t-il raison ou a-t-il tort ? Quoi que l’on pense de cette affirmation, il paraît abusif d’en déduire que son auteur est complotiste. Pour s’en référer à deux exemples fameux : au début des années 1980, Georges Marchais considérait publiquement que l’immigration faisait pression à la baisse sur les salaires et pouvait ainsi servir les intérêts du patronat ; plus récemment, le think tank Terra Nova publiait une note intitulée « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 » dans laquelle il soulignait l’opportunité que constituait le vote d’origine immigrée pour le PS. Bien que leurs thèses aient été contestées, aucune accusation sérieuse de « conspirationnisme » n’a été portée contre le dirigeant communiste ou le groupe de réflexion social-démocrate.

Nous considérons que le débat autour de l’intentionnalité constitue un élément subsidiaire, qui ne forme pas le cœur du concept de « grand remplacement » et nous éloigne du débat véritable sur les faits (réels ou supposés) qu’il recouvre.

Si la série de France Culture qui lui fut consacrée[tooltips content= » France Culture, Le grand remplacement, un virus français (1/5) : à l’origine du mythe »](8)[/tooltips] a eu pour intérêt de placer ce sujet dans une perspective historique, elle n’a cependant apporté aucun élément quant au fond du propos. En ce sens, elle est révélatrice de l’approche partiale de certains médias : la radio publique considère l’idée du grand remplacement comme un « virus », une maladie à guérir et non une thèse à discuter.

« L’objectivité ne consiste pas à opposer des opinions contraires au cours d’un débat. Si les deux opinions reposent sur des informations fausses, quel est l’intérêt du débat ? […] La confrontation des incompétences n’a jamais remplacé la connaissance des faits. Le devoir de la presse est d’acquérir cette connaissance et de la transmettre » disait Jean-François Revel dans La connaissance inutile ; nous tâchons ci-dessous de fournir au lecteur les éléments du débat.

« Sinistre farce »[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](9)[/tooltips] pour le démographe Hervé Le Bras, « fantasme » [tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](10)[/tooltips] pour le journaliste du Monde Frédéric Joignot ou encore « vaste fumisterie » pour le rédacteur d’une tribune dans Jeune Afrique[tooltips content= »Jeune Afrique, « Tribune La théorie du « grand remplacement », cette vaste fumisterie », 2019, consulté en juin 2020″](11)[/tooltips], que peut-on vraiment dire de la réalité du « grand remplacement » ?

La notion de grand remplacement englobe à la fois le processus de transformation rapide de la démographie française sous l’effet de l’immigration et la transformation de la société et des modes de vie qui en résulte

En 2017, Alain Finkielkraut recevait dans son émission Répliques [tooltips content= »France Culture, Répliques, “Le Grand déménagement du monde”, présenté par Alain Finkielkraut, avec Renaud Camus et Hervé Le Bras, 2017 : https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/le-grand-demenagement-du-monde-1 « ](12)[/tooltips] Hervé le Bras et Renaud Camus. Ce dernier déclarait alors : « Le grand remplacement n’a pas besoin de définition. Ce n’est pas un concept. C’est une réalité de tous les jours que les gens peuvent observer lorsqu’ils descendent dans la rue et prennent leur voiture ». Ce propos rapide nécessite néanmoins le rappel de quelques éléments factuels apportés par les défenseurs et contradicteurs de cette vision, afin que le lecteur puisse s’en forger une opinion informée.

Arguments et contre arguments

Les défenseurs de la thèse du grand remplacement considèrent que la population française se transforme rapidement et de façon croissante par une substitution de populations d’origine extra- européenne, essentiellement venues du Maghreb et d’Afrique, à la population française d’origine.

Deux principaux contre-arguments leur sont généralement opposés.

  1. D’abord, cela serait factuellement faux dans la mesure où moins de 10% de la population française serait immigrée : selon Le Monde, « les études de l’INSEE disent pourtant tout autre chose que les livres de Renaud Camus. Publiée en octobre 2012, “INSEE Référence – Immigrés et descendants d’immigrés en France” décompte ainsi 5,3 millions de personnes nées étrangères dans un pays étranger, soit 8% de la population».[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](13)[/tooltips]
  2. D’autre part, il y aurait un problème méthodologique fondamental puisque l’origine ne serait pas définissable. Interrogée par Le Monde, la démographe Pascale Breuil se demande ainsi : « jusqu’où faut-il remonter pour être considéré comme faisant partie du peuple français ». Elle conclut qu’il est « très difficile de définir qui est ou non d’origine française »[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](14)[/tooltips], invalidant ainsi le fait qu’une population se substitue à une autre.

Les arguments ne manquent pourtant pas pour étayer le constat d’une transformation rapide de la démographie française sous l’effet de l’immigration

L’importance des flux migratoires, couplée à la natalité des personnes immigrées ou d’origine immigrée, a eu pour conséquence que 11% de la population résidant en France soit immigrée en 2017 et que 25% soit d’origine immigrée – si l’on compte les enfants de la seconde génération issue de l’immigration -, selon les chiffres de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) publiés en octobre 2018.[tooltips content= »Cités par Jean-Paul Gourévitch dans Le grand remplacement : réalité ou intox ?, 2019, Pierre-Guillaume de Roux »](15)[/tooltips] Cela représente un quart de la population française. Nous sommes donc loin du « fantasme » évoqué par certains, d’autant plus qu’il s’agit là exclusivement de stocks – c’est-à-dire de ce qui est et non de ce qui sera à l’avenir, sous l’effet des flux migratoires et des naissances futures.

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Or il convient de tenir compte du différentiel de fécondité entre les femmes descendantes d’autochtones (moins de 1,8 enfants par femme en moyenne en 2017), les femmes descendantes d’immigrés (2,02 enfants par femme en moyenne) et les femmes immigrés (2,73 enfants par femme en moyenne). Cette fécondité varie fortement selon l’origine des femmes : 3,6 enfants par femme en moyenne pour les immigrées algériennes, 3,5 enfants par femme pour les immigrées tunisiennes, 3,4 enfants par femme pour les immigrées marocaines et 3,1 enfants par femme pour les immigrées turques, ce qui est plus élevé que la fécondité de leurs pays d’origine (respectivement 3 ; 2,4 ; 2,2 ; 2,1)[tooltips content= »Interview de François Héran « La formule du grand remplacement se propage à la vitesse de la lumière » »](16)[/tooltips].

Le démographe François Héran affirme cependant qu’il serait erroné de croire que ces différentiels de fécondité soient figés dans le temps, car ceux-ci auraient tendance à se lisser sur le long terme[tooltips content= »Interview de François Héran « La formule du grand remplacement se propage à la vitesse de la lumière » »](17)[/tooltips]. Mais les effets cumulés de l’immigration et des différentiels de fécondité ont d’ores et déjà modifié la population française et continuent de le faire, comme le montre l’évolution de la composition des naissances. En vingt ans, entre 1998 et 2018, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont français a ainsi baissé de 13,7%. Dans le même temps, le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est étranger a quant à lui augmenté de 63,6% et le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a progressé de 43%[tooltips content= »Statistiques de l’état civil de l’INSEE et du document « T37BIS : Nés vivants selon la nationalité des parents (Union européenne à 28 ou non). Calculs : OID. https://observatoire-immigration.fr/natalite-et-immigration/ « ](18)[/tooltips]. En 2018, près d’un tiers des enfants nés (31,4%) ont au moins un parent né à l’étranger.

Commentant le résultat des projections de population d’origine étrangère dans les pays de l’UE adossées au scénario Convergence 2008-2060 d’Eurostat[tooltips content= »Eurostat, Fewer, older and multicultural ? Projections of the EU populations by foreign/national background, 2011″](19)[/tooltips], la démographe Michèle Tribalat précisait que dans certains pays, « les natifs au carré pourraient devenir minoritaires avant l’âge de 40 ans, d’ici 2060 » – natifs au carré désignant les personnes nées dans un pays de deux parents qui y sont nés également. S’il s’agit de projections démographiques – donc d’hypothèses -, Michèle Tribalat expliquait notamment ces résultats par « la conjonction d’une démographie interne peu dynamique et des soldes migratoires projetés qui donne une contribution aussi importante à l’immigration ».[tooltips content= »Interview de la démographe Michèle Tribalat par Rudy Reichstadt réalisée en 2017 et publiée dans Causeur en 2019, consulté en juin 2020″](20)[/tooltips]

Herve Le Bras, démographe mathématicien et historien français. Photographie réalisée le 22/03/2013 a l occasion du tournage de l émission "Ce soir, ou jamais!" sur France 2. 00656862_000014. BALTEL/SIPA.
Herve Le Bras, démographe mathématicien et historien français. Photographie réalisée le 22/03/2013 a l occasion du tournage de l émission « Ce soir, ou jamais! » sur France 2. 00656862_000014. BALTEL/SIPA.

L’autre contre-argument largement utilisé par les opposants à la notion de grand remplacement consiste à affirmer qu’il est impossible de définir qui est ou non d’origine française (Pascal Breuil). Cette objection est également fragile, surtout lorsqu’elle repose sur des approximations telles que celles d’Hervé Le Bras dans son livre Malaise dans l’identité[tooltips content= »Hervé Le Bras, Malaise dans l’identité. Notre identité ne peut être que dynamique, 2017, Actes Sud »](21)[/tooltips], où l’auteur assimile directement la défense de cette notion au racisme.

Les raccourcis problématiques d’Hervé Le Bras

Dans le chapitre II de son livre, intitulé « Race et Grand remplacement », Le Bras commet le raccourci de considérer que l’utilisation du terme de « remplacement » revient nécessairement à adopter une approche racialiste / biologique. L’auteur évoque pêle-mêle les idéologues racistes Gobineau et Vacher de Lapouge, en passant par certains théoriciens nazis. « Opposer des Français soi-disant de “souche” à des immigrés menaçant de les submerger, c’est supposer que les deux groupes constituent des races distinctes » (page 36).

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Si certains individus qui s’en réclament sont évidemment susceptibles de s’inscrire dans une perspective raciste, considérer que la notion elle-même est une « théorie raciste » apparaît fallacieux. Le concept de grand remplacement renvoie avant tout à une dimension culturelle, aux mœurs et aux modes de vie. C’est notamment ce qu’explique le professeur François Héran lorsqu’il évoque l’aspect « qualitatif » de cette thèse. Michèle Tribalat n’affirme pas autre chose lorsqu’elle déclare : « Il me semble que son succès [de la notion de grand remplacement] vient de son pouvoir d’évocation de certaines situations vécues. Elle a un sens figuré qui évoque l’effondrement d’un univers familier que vit, ou craint de vivre, une partie de la population française : disparition de commerces, et donc de produits auxquels elle est habituée, habitudes vestimentaires, mais aussi pratiques de civilité, modes de vie… »[tooltips content= »Causeur, « L’idée de grand remplacement évoque l’effondrement d’un univers familier que vit une partie de la population », Entretien avec la démographe Michèle Tribalat, 2017 et 2019, consulté en juin 2020″](22)[/tooltips]

Quant à l’argument selon lequel il serait difficile de définir qui est ou non d’origine française, l’éditorialiste Olivier Maulin répond : « très difficile dans les laboratoires de l’INSEE, serions-nous tentés d’ajouter, car sur cette question l’homme ordinaire, guidé par son instinct, éprouve beaucoup moins de difficulté à définir les choses, et ne s’embarrasse ni de concepts, ni d’idéologie, ni même de documents administratifs dûment estampillés, et pas plus de biologie, de « race ou de « pureté » imaginaires : est français celui qui a la nationalité française, bien sûr, pourvu qu’il vive selon les mœurs françaises ».[tooltips content= »Valeurs actuelles, Le “grand remplacement” en question par Olivier Maulin, 2019, consulté en juin 2020″](23)[/tooltips] Si l’on souhaite s’en tenir à une approche scientifique de l’ascendance, les “natifs au carré” de Michèle Tribalat fournissent par ailleurs un premier angle de vue.

A rebours des analyses fondées sur les lectures approximatives et le recours aux anathèmes, cet article aura tenté de présenter ce que recouvre la notion de grand remplacement, les arguments de ses défenseurs comme de ses contradicteurs ainsi que certaines des données essentielles au débat. Au lecteur – et au citoyen – de se faire sa propre opinion.

>>> Retrouvez l’intégralité des articles de l’Observatoire sur leur site http://observatoire-immigration.fr <<<

Explosion des «homicidités» et mutation de la violence en France

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La France s’enlise dans une violence endémique. Alain Bauer a forgé un indicateur baptisé «homicidité», qui recompose en un puzzle cohérent ce que le ministère de l’Intérieur comptabilise de manière éparse (règlements de comptes entre malfaiteurs, homicides à l’occasion de vol, autres homicides, tentatives d’homicides à l’occasion de vols, autres tentatives d’homicides, coups et blessures volontaires suivis de mort etc.). Le criminologue observe que les «homicidités» ont bondi de 90% en France depuis vingt ans ! En augmentation, cette violence est également en train de muer… Analyse.


L’ensauvagement de notre société est un fait. Pour le comprendre, il faut à la fois éviter les généralités trop grossières, et les finasseries excessives qui masquent mal le refus de conclure et d’agir. Si les derniers travaux d’Alain Bauer tombent dans le premier travers, tout en mettant en évidence une tendance indéniable, nombre de critiques qui lui sont faites semblent, sous couvert de recherche de précision, avant tout rechigner à dire clairement des réalités gênantes.

D’abord, ce que tout le monde sait. La violence médiatisée l’été dernier – affrontements interethniques de Dijon, habitants de Palavas obligés de s’organiser en quasi-milice pour mettre fin aux exactions des « jeunes », débordements à la base de loisirs d’Étampes – aurait été quasiment inconcevable il y a trente ans. Ou au pire circonscrite à quelques agglomérations : Paris, Marseille, Lyon, Lille. Et même là, des agressions comparables à celle dont a été victime le jeune Yuriy étaient bien plus rares qu’aujourd’hui. Désormais, hélas, les « zones de non droit » sont généralisées, servant de point de départ aux activités de prédation d’une délinquance de plus en plus violente.

Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003
Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin 2020 © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003

De nouveaux profils

Pour autant, dans d’autres domaines la violence diminue: qui se souvient des affrontements entre forces de l’ordre et sidérurgistes ou marins-pêcheurs sait que les manifestations d’aujourd’hui sont nettement moins dures. En revanche, les embuscades tendues aux patrouilles de police ou de gendarmerie se multiplient et sont passées du caillassage aux cocktails Molotov. Mutation de la violence : ceux qui agressent quotidiennement les forces de l’ordre n’ont pas du tout le même profil que les anciens sidérurgistes ou marins-pêcheurs.

La vision trop globale passe à côté de l’essentiel. Car la situation au regard de la délinquance, de la violence et de la valeur accordée à la vie humaine, n’est pas la même à Mayotte et en Vendée, dans le 16ème arrondissement et sur la « colline du crack ».

Il faut se pencher en détail sur le profil des auteurs comme des victimes, et se décider notamment à briser le tabou des statistiques ethniques. Les remarquables travaux du Dr.Maurice Berger sont éclairants, il est irresponsable de refuser de les prendre en compte au nom d’une posture idéologique hypocrite. Nous avons importé par centaines de milliers des personnes dont la culture banalise totalement la violence, voire la valorise pour établir une hiérarchie interne, et plus encore lorsqu’elle permet la prédation au bénéfice du groupe : famille, clan, quartier, etc. Il faut étudier la brutalité endémique des parents contre les enfants dans certains milieux, tout comme dans ces mêmes milieux la prégnance d’une violence sexuelle à laquelle nos pseudo-féministes feraient bien de s’attaquer plutôt que de déblatérer sur le « mansplaining » et l’écriture inclusive.

Il faut aussi mentionner la chute du mur de Berlin : ce ne sont pas Christiane Taubira et Eric Dupont-Moretti qui vont effrayer des réseaux criminels ayant survécu aux dictatures communistes, et qui se sont désormais installés à l’Ouest.

Policiers: sortez des bureaux!

Car il faut évoquer l’action – ou l’inaction – de l’État. Dispose-t-on de données consolidées sur le nombre d’heures que consacre chaque jour, en moyenne, un policier ou un gendarme à patrouiller ? Combien de temps lui prennent les tâches administratives ? Combien d’heures pour le respect tatillon du formalisme de la procédure pénale, et combien pour la recherche de la vérité ?

Il faut oser dire l’incurie notoire de l’institution judiciaire, et son absence totale d’efficacité dissuasive envers ce que l’on appelle les « délinquants d’habitude », c’est-à-dire les personnes qui ont choisi la délinquance comme mode de vie. Sentiment d’impunité qui encourage la violence des prédateurs mais accroît aussi la peur de victimes n’osant pas se défendre car elles savent qu’elles ne bénéficieront ni du soutien de l’État ni de la mansuétude des juges. Voilà le résultat de l’idéologie du juge Baudot, voilà ce qui arrive lorsque l’on punit plus sévèrement l’honnête citoyen qui se défend que le délinquant qui agresse. Impunité qui pousse également à la surenchère dans la violence pour faire étalage de sa « puissance » : théâtralisation et diffusion d’images via les réseaux sociaux, comme des chasseurs exhibant fièrement leurs trophées.

A lire aussi: Beauvau de la sécurité: mais à quoi sert le commissaire?

En même temps que la violence est de plus en plus ouvertement tolérée de la part des uns (présentés comme des « victimes de la société » – des inégalités sociales, du « racisme systémique », que sais-je – ce qui ne peut que les encourager dans leur agressivité) elle est aussi de plus en plus radicalement condamnée chez les autres, non seulement juridiquement mais aussi culturellement, ce qui désarme les victimes à la fois physiquement et psychologiquement.

C’est là qu’interviennent des différences culturelles majeures. Ainsi de la Corse, cas emblématique d’une situation où la population dans son ensemble sait encore se défendre. La fréquence plus élevée de certains types d’homicides ne doit pas masquer le fait que l’île est, dans l’ensemble, très sûre : le nombre de viols et d’agressions sexuelles (rapporté au nombre d’habitants) y est l’un des plus faibles de France, si ce n’est le plus faible.

Politique de la Ville: un tribut versé aux barbares?

C’est là aussi qu’il faudrait se pencher sur l’impact de la mort progressive des générations ayant connu la guerre (Seconde Guerre Mondiale surtout, Algérie, Indochine), et la montée en puissance de celles n’ayant même pas connu le service militaire. Je ne dispose pas des données qui me permettraient de l’affirmer avec certitude, mais je fais l’hypothèse suivante : le fait majeur des dernières décennies n’est ni une augmentation ni une diminution de la violence, mais plutôt une fracture toujours plus grande entre la part violente de la population et sa part non violente. Les uns hésitent de moins en moins à agresser, sous n’importe quel prétexte, les autres sont devenus incapables de se défendre, quel que soit le danger.

C’est très exactement la situation contre laquelle Ibn Khaldoun mettait en garde au 14ème siècle (les termes entre guillemets sont les siens) : une politique « impériale » visant à désarmer les « producteurs » pour les rendre dociles vis-à-vis du pouvoir en place et des collecteurs d’impôts, les laissant ainsi totalement vulnérables face aux « bédouins » violents et prédateurs. Et ces « bédouins » sont d’autant plus violents que la violence est radicalement condamnée par la culture « impériale », ce qui donne aux « bédouins » le sentiment d’être une élite guerrière de « vrais hommes » légitimement supérieurs à ces « producteurs » lâches et sans virilité, des loups dominant les moutons. La justice de « l’empire » s’abat implacablement sur les « producteurs » solvables, mais se montre d’une passivité coupable envers les « bédouins », se contentant de les maintenir à distance des lieux de vie des « élites » en considérant que les soumettre véritablement coûterait trop cher, ou du moins plus cher que cela ne rapporterait ensuite en termes de recettes fiscales.

Toute ressemblance avec un gouvernement qui envoie les forces de l’ordre contre les Gilets jaunes contribuables mais garde soigneusement ces mêmes forces de l’ordre en dehors des zones de non-droit où vivent les bénéficiaires d’allocations massives et de « politique de la ville » – nouvelle forme du « tribut versé aux barbares » – n’est pas fortuite. De même que la ressemblance avec une législation et une justice qui soutiennent les squatteurs contre les propriétaires…. Demandez-vous ceci : où se fait-on verbaliser pour non-respect du couvre-feu ou non-port du masque ? Dans quels quartiers ? Quelles populations sont véritablement soumises à ces contraintes, et quelles sont celles qui y échappent ?

Remettre la honte à sa juste place, se réarmer moralement

La lucidité d’Ibn Khaldoun est frappante, y compris dans ses mises en garde. Au stade où nous sommes succède toujours, selon lui, la prise de pouvoir par ceux qui n’ont pas renoncé à la violence, éventuellement après une période de chaos et de pillages généralisés : coup d’état militaire si l’armée n’a pas encore été « castrée », ou morcellement du territoire partagé entre chefs tribaux et « seigneurs de la guerre ».

Depuis les cités grecques tenant tête au Roi des Rois jusqu’à la « Nation en armes », on ne connaît qu’un seul moyen d’échapper à la fatalité que décrit Ibn Khaldoun : le réarmement moral du peuple dans son ensemble. La réhabilitation de la force comme rempart contre la violence, Athéna terrassant Arès, les chevaliers repoussant les pillards – mais sans se limiter à une élite chevaleresque : en mobilisant le peuple entier. Et cela suppose de commencer par rendre à notre peuple le sens de sa propre dignité, de sa légitimité à vivre et se défendre sur la terre de ses ancêtres, lui restituer dès le plus jeune âge sa fierté – de son histoire, de sa culture, de ses valeurs – et la conviction de son honneur. Remettre la honte à sa juste place, pour citer encore une fois l’excellent Maurice Berger. Arrêter de dire que le peuple français serait un coupable ontologique ou une relique d’un passé révolu, tandis que ses ennemis seraient nécessairement innocents et conformes au « sens de l’histoire » (cette excuse facile de ceux qui se laissent porter par les vents de la mode), et lui rendre le droit de désigner clairement ses agresseurs. Ainsi, et ainsi seulement, pourra-t-il relever la tête, dire « ça suffit », et triompher des prédateurs et charognards qui voudraient se partager sa dépouille, qu’il s’agisse des racailles, des spéculateurs prêts à le réduire à la misère et à vendre à la découpe son pays et ses droits, ou des aspirants dictateurs qui rêvent de lui imposer un totalitarisme racial ou religieux.

Hollywar, l’idéologie en 24 images/seconde

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Cela fait un certain temps que je voulais rendre compte du livre de Pierre Conesa, Hollywar, paru en 2018 chez Robert Laffont. Sous-titré « Hollywood, arme de propagande massive », il décrit dans le détail, catégorie par catégorie, la façon dont, dès le départ, à l’aube du XXe siècle, la machine à filmer américaine a fabriqué le socle de l’Histoire et du pouvoir américains.

« Hollywood est la plus intelligente et la plus efficace machine à stéréotypes de l’histoire contemporaine », écrit l’auteur. Et d’analyser comment l’Amérique blanche s’est constituée cinématographiquement (et successivement) face aux Noirs, aux Peaux-Rouges, à « toutes les nuances de Jaune », puis globalement aux basanés (peu importe au cinéma hollywoodien que le méchant soit arabe ou iranien, pour le spectateur moyen, c’est pareil — ce qui doit faire hurler à Riyad ou à Téhéran), puis face aux Blancs nazis ou communistes (et, sous Bush Jr et Trump, le Français, nécessairement veule et lâche).

En vrai scientifique, l’auteur passe assez rapidement sur les chefs-d’œuvre, réservés au fond à une intelligentsia internationale qui compte peu, et s’intéresse aux films que voient effectivement les Américains : les « petits » films des années 1950, quand on avait deux bandes pour le prix d’une, ou les « blockbusters » des années 2000 font appel aux même réflexes : instiller la peur, désigner la menace (qui n’est pas toujours « fantôme », comme dans Star Wars), exalter l’homme de la rue et son bon sens américain — ce que Conesa appelle le héros « jacksonien » —, et « s’assurer que les films de guerre se terminent par la victoire ».

C’est ainsi que le Pont de la rivière Kwaï, inspiré d’un roman français qui se termine par l’échec de la mission, a été trituré de façon à ce que, providentiellement (ah, cette chute d’Alec Guinness sur le détonateur qui envoie le pont et le train dans la rivière, pile au bon moment !) l’histoire se termine bien : victoire du Bien, et grand massacre de Japonais.

L’objectif, dans cette nation qui a peu d’Histoire (cela fait quand même 500 ans qu’elle prétend sortir de l’œuf), est de faire de son cinéma une grande épopée collective. Le western a joué un rôle magistral dans cette réécriture du passé. Le film de guerre aussi : combien de guerres du Vietnam ont été gagnées sur l’écran ! En 1985 (cela ne fait jamais alors que dix ans que Saïgon est tombée), Sylvester Stallone (dans Rambo II, la Mission) entreprend de regagner la guerre à lui tout seul en allant délivrer des prisonniers de guerre. 300 millions de dollars de recettes (pour 25 de budget), cela donne une idée de la façon dont le film a été plébiscité.

Comme dit Conesa, quel film français aurait eu l’audace de montrer un commando retournant en Algérie après 1962 pour venger les soldats émasculés par le FLN ?

Et c’est là qu’une différence majeure apparaît entre la production française (la troisième au monde, rappelons-le, après les Américains et les Indiens de Bollywood) et la production américaine. Les Etats-Unis sont un pays « sûr de lui et dominateur », comme disait l’autre…  Un pays qui n’a pas rendu les armes à toutes les forces de dispersion et de désintégration auxquelles la France s’est livrée sans combattre. Le cinéma français, lui, s’occupe d’histoires sentimentales d’une mièvrerie insoutenable, de familles recomposées, d’Arabes et de Noirs maltraités par une police légèrement fascisante (à croire qu’Assa Traoré écrit des scénarios à la chaîne). Il ne s’intéresse plus à l’histoire millénaire de ce « cher et vieux pays » (cherchez donc le dernier film historique de poids), elle surfe sur l’actualité la plus vulgaire, ou maltraite de grands classiques : la presse spécialisée s’acharne ainsi à faire croire que Ladj Ly a pondu une version des Misérables supérieur à toutes celles qui l’ont précédée. Tapez « Les Misérables film » sur Google, et tout renvoie, sur les dix (!) premières pages, à l’œuvrette de Ly — avec une (et une seule) insertion pour celui de Robert Hossein avec Lino Ventira. « Un film qui bouscule la Macronie » titre l’Express — alors qu’en fait il la conforte, dans sa vision déshistoricisée et acculturée de l’Histoire de France. Du chef-d’œuvre de Raymond Bernard (1934) où jouait (entre autres) le pharamineux Harry Baur, aucune nouvelle.

Nous sommes honteux de notre histoire, honteux de notre rayonnement. Le français est la sixième langue la plus parlée dans le monde, mais nous répugnons désormais à l’enseigner, nous nous pâmons devant la façon dont on massacre la langue de Marivaux dans l’Esquive, qui se prétend une révision du Jeu de l’amour et du hasard — et il se trouve une foule de critiques pour nous assurer qu’Abdellatif Kechiche est un vrai metteur en scène. Pendons-les !

Non seulement nous ne savons plus faire de grands films, mais nous sommes incapables d’en faire d’efficaces. L’idéologie française est morte — et le pays avec elle. Nous avons exporté les Lumières aux quatre coins de la planète, mais nous devons nous en excuser. Nous avons inventé la galanterie, mais nous devons l’oublier. Nous avons aboli l’esclavage bien avant les Américains, mais nous devons nous flageller au souvenir des négriers nantais.

Pierre Conesa a certainement joué, en forgeant le néologisme « Hollywar », sur la proximité phonétique entre « holly », le houx, et « holy », saint / sainte. C’est bien une « Holywar » que mène l’Amérique contre tout ce qui voudrait la réduire. Les universités peuvent bien bruire d’invectives « woke », le grand public américain s’en fiche, il plébiscite les films qui glorifient le pays, il met des bannières étoilées dans toutes les classes, il entame le Super Bowl par un hymne national chanté par tous les joueurs la main sur le cœur — pendant que nous avons autorisé, nous, Christian  Karembeu à snober la Marseillaise, et que nous l’avons encore sélectionné après ce camouflet qui aurait dû le renvoyer à sa chère Nouvelle-Calédonie.

Nous avons renoncé — et si quelque chose le prouve, c’est l’écart entre la production  hollywoodienne, toujours dominante, et les raclures de bidet de la cinématographie française. Une décadence se repère aux démissions qu’elle tolère. Et les politiques de quotas qui se mettent en place — voir le très imbécile rapport de Pap Ndiaye sur l’introduction de la diversité à l’Opéra de Paris, le « cygne noir » de Tchaïkovski  aura désormais intérêt à l’être pour de bon — sont autant de courses à qui se fera le plus servile face à des idéologies qui n’ont pas peur de s’afficher comme telles. L’islam, par exemple.

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Démocratie, virus et procureurs

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L’exercice solitaire du pouvoir en période de crise sanitaire nous transforme en enfants manipulés.


C’est étrange, tout de même, ce que devient la démocratie à l’époque de la pandémie. D’un côté, Emmanuel Macron. C’est lui et lui seul qui prend les décisions concernant, de l’autre côté, 66 millions de Français ou, pour reprendre ses propres termes, « 66 millions de procureurs ». Pour Emmanuel Macron, être inquiet des ratés du vaccin, se demander quelle est, au juste, la politique mise en œuvre pour contrer le virus, c’est être un procureur. On aurait plutôt eu tendance à penser, au contraire, qu’il s’agissait là, précisément, d’être ce qu’on appelait naguère un citoyen. 

Entre deux portes

Cet exercice solitaire du pouvoir a été poussé jusqu’à la caricature quand Macron, le  29 janvier, a décidé qu’il n’y aurait pas de reconfinement alors que ses propres ministres et la plupart des scientifiques concernés annonçaient le contraire depuis plusieurs jours. Il a même poussé, ce jour-là, le sadisme jusqu’à la caricature puisque c’est le Premier ministre qui a été chargé d’annoncer, entre deux portes, le statu quo alors que venait  de se tenir le Conseil de défense. Un Castex ectoplasmique, réduit à un simple collaborateur de second ordre. 

A lire aussi, Jeremy Stubbs: AstraZeneca: l’impérialisme ridicule de la Commission européenne

On peut s’interroger, nous, les procureurs, sur ce qui a motivé un tel choix. On nous a dit que les chiffres n’étaient pas si alarmants que ça, qu’une moyenne quotidienne de 25 000 contaminations et de 300 morts, c’était tenable. On rappellera par comparaison que 25 000 habitants, c’est tout de même une petite ville et que 300 morts, c’est l’équivalent d’un Airbus qui s’écraserait chaque jour.

Circulez, y a rien à voir !

Mais le président de la République avait décidé que. Mais le président de la République avait ordonné que. Mais le président de la République savait que. Mieux que tout le monde.  Circulez, y a rien à voir ! Même Delfraissy, le patron du Conseil scientifique, qui avait sonné le tocsin les jours précédents, mangeait son chapeau et déclarait, je cite, qu’ « on n’était pas à une semaine près. » On imagine difficilement comment aller plus loin dans l’autoritarisme et dans la manière de jouer avec les nerfs d’une population déjà épuisée psychiquement.

A lire aussi, Benoit Rayski: Voulez-vous savoir pourquoi Macron hésite à reconfiner? Regardez du côté des Pays-Bas!

Mais Macron ne se contente pas de montrer qu’il est « le maitre des horloges » selon la métaphore journalistique qui ne veut rien dire puisque, président ou simple citoyen, c’est le temps qui est notre seul vrai maître : on ne peut ni revenir dans ce passé qui nous semble si lointain – il y a pourtant à peine un an que nous vivons avec le virus- ni nous projeter plus vite dans un futur où nous nous retrouverions libérés de la pandémie dans une vie où l’on pourrait à nouveau se serrer la main, s’étreindre, se faire la bise, où l’on reverrait des amoureux à bouche que veux-tu sur les bancs publics chers à Brassens.

Les comités fantômes

Comble de l’hypocrisie, Macron veut en plus nous donner l’illusion, alors qu’il gouverne par ordonnances et que le parlement est devenu une chambre d’enregistrement pour procédures accélérées, que nous sommes toujours dans une démocratie. D’où les initiatives ridicules pour noyer le poisson comme ce comité de 35 citoyens pour évaluer la politique vaccinale. Un comité fantôme, dérisoire, déjà aux oubliettes, dont les avis n’auront guère plus d’effets que la Convention des 150 pour le climat.

Jamais une crise n’aura révélé à ce point ce que nous sommes devenus : ni des citoyens, ni des « procureurs » mais des enfants égarés par les rodomontades d’un monarque qui n’écoute plus que lui-même.

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Assa Traoré nage en plein délire!

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Les ignominies proférées contre la police par la sœur d’Adama Traoré dans « Jeune Afrique », ce sont d’abord des ignominies contre notre nation dont les forces de l’ordre sont l’une des incarnations républicaines. Pourquoi seules des paroles singulières, courageuses, osent-elles s’exprimer? Pourquoi le pouvoir, lui, a-t-il peur? 


« Oui nous sommes en danger, oui les noirs sont en danger, oui les arabes sont en danger, oui les personnes issues de l’immigration sont aussi en danger (…), meurent sous les violences et les coups de cette police… » Pour faire bonne mesure, cette litanie intègre, avec le même registre, « les gens du voyage » et la « communauté asiatique ». La police les tue tous.

A lire aussi: Assa Traoré lance un appel contre la France dans le magazine «Jeune Afrique»

Je n’invente pas. C’est Assa Traoré qui parle, il s’agit de la police et de la gendarmerie françaises, il s’agit de la France. Sur le site de Jeune Afrique, le vendredi 5 février.

La réplique cocasse de Mila

Ce sont des délires mais personne ne bronche. Le syndicalisme policier est muet. On ne peut se satisfaire de la seule réplique acerbe de Mila : « les jeunes filles blanches non plus (et je sais de quoi je parle !) ».

On ne saurait non plus abandonner la partie face à la défense d’une cause douteuse, celle de son frère Adama, au passé très imparfait, mort après s’être soustrait à une interpellation dans des conditions faisant encore l’objet d’une information. Les magistrats en charge semblent d’ailleurs tétanisés à l’idée de clôturer le dossier en prenant une décision quelle qu’elle soit. Ce sont des délires mais personne ne bronche.

L’insécurité des Asiatiques ne provient pas de la police…

Comme si Assa Traoré était protégée par ses propres énormités, à l’égard desquelles les outrances d’une Camélia Jordana sont quasiment des gracieusetés. La violoniste Zhang Zhang, en tout cas, a répondu à Assa Traoré sur la communauté asiatique: « c’est gentil à elle de se soucier de la communauté asiatique en France… comme elle l’a dit elle ne se sent pas en sécurité à cause de la criminalité croissante qui la vise mais cette violence anti-asiatique ne vient pas de la police ».

A lire aussi: Génération identitaire victime de la dissolution de BarakaCity

Pourquoi seules des paroles singulières, courageuses, osent-elles s’exprimer ? Pourquoi le pouvoir, lui, a-t-il peur ? On a bien compris que Gérald Darmanin avait envie de changer de registre. Moins vigoureux, plus « centriste ». Depuis longtemps – il le ressasse – on sait qu’il est un adversaire farouche du RN et tout récemment il s’en est pris à Génération identitaire qui il est vrai, aujourd’hui, représente un danger capital pour la République !! On aboutit à cet amer paradoxe que la haine des forces de l’ordre et de la France est davantage acceptée que l’amour parfois transgressif de notre pays. En réalité, Assa Traoré intimide une autorité de l’État pourtant fermement mobilisée pour des contraventions vénielles. Parce que, derrière elle, se trouvent des minorités décolonialistes, indigénistes, éprises de repentance (pour les autres), exécrant l’homme blanc, porteuses d’un féminisme vindicatif, violent et absurde décourageant toute lutte intelligente.

On laisse des militants salir notre France

Une extrême faiblesse se cache derrière ces abstentions et il serait plus courageux de sanctionner et d’interdire ces haineuses dénonciations, cette globalité honteuse que d’évoquer sept péchés capitaux pour le Beauvau de la sécurité en oubliant le huitième : la lâcheté absolue de l’Etat.

A lire aussi, Erwan Seznec: La vérité sur l’affaire Adama Traoré

Je devine ce qu’il y a de résignation, voire de réalisme condescendant à l’égard des délires d’Assa Traoré: on la connaît, elle disjoncte régulièrement, elle est lamentablement prévisible et au fond personne ne la suit, elle cultive jusqu’au paroxysme la folie française d’agonir d’injures la police, ça lui passera ! Cette attitude masque la réalité qui est de laisser à certains le droit d’humilier, de salir la France, de cracher, avec quelle acrimonie et virulence, sur un pays où ils vivent, manifestent. Ces ignominies contre la police, ce sont d’abord des ignominies contre notre nation dont les forces de l’ordre sont l’une des incarnations républicaines. Se taire, ne rien faire de la part des ministres, ne pas s’émouvoir pour la Justice – le droit de la presse et de la communication est pourtant si inventif quand il s’agit d’Eric Zemmour ! – validera une offensive pas seulement verbale : elle a une traduction dans les mille affrontements d’une société de moins en moins civilisée, qu’on laisse décliner même pas avec mauvaise conscience.

Assa Traoré aurait bien tort de se gêner. Une démocratie authentique (que ses contempteurs aillent se livrer aux mêmes procès en Chine ou en Russie et ils verront !) qui ne sait plus se faire respecter n’est plus à la longue respectable.

Louis Aliot/musées à Perpignan: « Nous devons apprendre à vivre avec ce virus »

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Louis Aliot et Jean Castex © Montage Causeur

En rouvrant hier quatre musées de sa ville, Louis Aliot se défend de prendre le moindre risque. Il indique vouloir adresser à ses administrés un signe d’espoir. Il estime urgent de maintenir un semblant de vie sociale et culturelle dans le pays. La Ministre de la Culture Roselyne Bachelot ne l’entend pas de cette oreille. Elle s’est réjouit de la décision de la préfecture des Pyrénées-Orientales de saisir la justice, pour casser les arrêtés pris par le maire RN. Causeur reproduit la lettre qu’il adresse ce jour au chef du gouvernement Jean Castex.


 

Perpignan, le 10 février 2021

Louis ALIOT, Maire de Perpignan

 

A M. Jean CASTEX
Premier Ministre
Hôtel Matignon
57 rue Varenne
75700 Paris SP 07

 

Monsieur le Premier Ministre,

Lundi dernier, la Ministre de la Culture annonçait étudier la prochaine ouverture des musées, précisant que « celle-ci pourrait avoir lieu rapidement » et ceci après une année de fermeture en raison de la crise sanitaire que notre pays traverse. 

Comme tous les Français mais aussi comme tous les élus locaux, j’ai accueilli ces propos comme un signe particulièrement positif alors que voici une dizaine de jours à peine votre gouvernement préparait nos compatriotes à un troisième confinement ou, du moins, à un durcissement très net des mesures sanitaires.

En tant que Maire de Perpignan, comme tous mes collègues Maires des Pyrénées-Orientales mais aussi de toute la France, j’ai toujours agi avec l’esprit de responsabilité que nous devons à nos concitoyens. Dans cet état d’esprit, j’ai par exemple mis en place, en partenariat avec des laboratoires, un centre de dépistage massif, doté nos écoliers de masques adaptés, demandé à notre Police municipale de veiller au respect du port du masque et des règles sanitaires en vigueur dans l’espace public ou encore mis en place un certain nombre d’actions de solidarité comme le portage de repas à domicile pour les plus isolés d’entre nous. 

Mais parce que j’ai toujours considéré que nous devions apprendre à vivre avec ce virus et adapter nos modes de vie de façon responsable, j’ai aussi, en lien étroit avec Monsieur le Préfet des Pyrénées-Orientales dont je tiens à saluer la qualité du travail et de nos relations, mis en place un marché de Noël qui, encadré de façon rigoureuse, s’est parfaitement déroulé.

Cette semaine, dans un même esprit de responsabilité, et m’inscrivant dans les pas de Madame la Ministre de la Culture, j’ai décidé d’ouvrir à nouveau les musées de la ville de Perpignan et ceci pour plusieurs raisons. 

Tout d’abord, Perpignan est sanitairement prête à ouvrir en toute sécurité ses musées qui sont à taille humaine et dans lesquels il n’est donc pas difficile de mettre en place un protocole sanitaire tout à fait efficace. De plus, comme vous le savez, notre médiathèque et nos bibliothèques, sont déjà ouvertes comme vous l’avez d’ailleurs vous-même autorisé.

J’ai aussi pris cette décision car, en tant que Maire, j’observe chaque jour, Monsieur le Premier Ministre, que nos concitoyens souffrent de plus en plus des privations de liberté et autres restrictions qu’ils subissent depuis maintenant une année entière. Si nous devons évidemment poursuivre ce combat contre le virus au moyen d’une campagne de vaccination que nous espérons tous la plus efficace possible, par le maintien de gestes barrières nécessaires, nous devons également savoir nous adapter et apprendre à vivre avec cette menace sanitaire nouvelle qui risque de perdurer sous des formes diverses dans les années qui viennent. 

Enfin, Monsieur le Premier Ministre, j’ai pris cette décision car, oui, je considère notre vie culturelle comme étant essentielle à la vie de la cité dont j’ai la responsabilité comme à la vie de la France en général. Nous ne pouvons sans cesse nous prévaloir dans les mots de la richesse de notre tradition culturelle et l’empêcher de s’exprimer, comme c’est le cas depuis un an. Nous ne pouvons pas sans cesse en appeler à l’exception culturelle française et en même temps l’empêcher de vivre, de s’exprimer, comme c’est aujourd’hui le cas, comme dans aucun autre pays d’Europe. 

Ainsi, l’Italie, pays pourtant ô combien durement touché par la crise sanitaire, vient d’ouvrir ses musées. En Catalogne, juste de l’autre côté de nos Pyrénées, les théâtres et les musées accueillent également chaque jour le public, ceci ne posant pas de difficulté majeure. 

Comment expliquer, Monsieur le Premier Ministre, que ce qui est possible ailleurs soit impossible en France ? Comment l’État, si prompt à mettre en avant notre richesse culturelle, peut-il aujourd’hui continuer à empêcher toute vie artistique ?

À ma décision de réouverture des musées de Perpignan, le représentant de l’État dans notre département -il est dans son rôle- a immédiatement répondu par un référé suspension qui sera jugé ce lundi 15 février par le Tribunal administratif de Montpellier. La Ministre de la Culture s’est félicitée de cette décision. C’est la raison aussi pour laquelle je m’adresse à vous aujourd’hui.

Lors de votre prise de fonction, vous vous êtes présenté aux Français comme désirant être le « Premier Ministre des Territoires ». À cette occasion, vous avez d’ailleurs mis en avant votre expérience de Maire de Prades ainsi que votre attachement à notre territoire des Pyrénées-Orientales. Vous avez alors créé chez les élus locaux mais aussi chez nos concitoyens un certain espoir d’être enfin écoutés, d’être enfin entendus par le gouvernement.

C’est donc à vous, Monsieur le Premier Ministre issu des territoires, que je m’adresse aujourd’hui. Je vous demande de faire confiance à l’esprit de responsabilité du Maire que je suis. Je vous demande donc de bien vouloir accorder au Maire de Perpignan le droit à l’expérimentation et ainsi de voir qu’il est possible de vivre en s’adaptant à cette situation sanitaire qui nous contraint.

À l’ouverture de nos musées dont je viens de vous évoquer les raisons et envisagée par la Ministre de la Culture elle-même, le Premier Ministre des territoires que vous êtes ne peut répondre par la réponse sèche du recours en justice. 

À l’esprit de responsabilité d’un Maire en contact quotidien avec la réalité du terrain, vous ne pouvez pas répondre par un acte de défiance.

Comptant, Monsieur le Premier Ministre, sur votre esprit d’ouverture, je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations respectueuses.

Non à cette société qui confine pour protéger d’une mort hypothétique et promeut le suicide assisté par injection létale

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Image d'illustration / Unsplash

Une tribune libre de Jean-Frédéric Poisson, candidat à la présidentielle


Le 26 janvier, Jean-Louis Touraine, député de La République en Marche (LREM), a déposé une nouvelle proposition de loi visant à « garantir et renforcer les droits des personnes en fin de vie ». Le 3 février suivant, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie dépose une autre proposition de loi visant à « établir le droit à mourir dans la dignité ». Deux initiatives législatives soutenues par l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) qui se fend d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron relayée par le quotidien Le Monde ce même 3 février. Qui peut croire que cette rafale de coups de boutoir contre la Vie est un hasard ?

Il s’agit ni plus ni moins que de revenir à la charge sur l’une des principales promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière de bioéthique: l’euthanasie. Paradoxalement, la proposition de loi est déposée au moment même où le coronavirus fait sa loi en France, à l’heure où nos gouvernants n’hésitent plus à confiner totalement ou partiellement toute une population pour pouvoir « sauvegarder des vies » comme ils disent, et à fermer les commerces dits « non essentiels » ou maintenir les étudiants claquemurés, allant jusqu’à pousser des désespérés au suicide… C’est pourtant sans ironie que Monsieur Touraine prétend vouloir « apprendre à mieux respecter nos libertés », alors même que nos libertés n’ont jamais été autant bafouées.

Il nous parle ainsi de « droit universel », de « responsabilité » ou de « respect des libertés ». Ces mots-clés font mouche comme autant d’éléments de novlangue imaginés par Aldous Huxley dans son Meilleur des Mondes. Nous ne sommes pas dupes ! Ainsi, Monsieur Touraine nous explique que l’euthanasie ne doit pouvoir être appliquée qu’à une personne « capable », éprouvant une « douleur physique » ou une « souffrance psychique insupportable », afin d’effectuer un choix « libre et éclairé ». C’est oublier que rien ne rend aussi incapable d’effectuer un choix libre et éclairé que la souffrance qui étouffe la flamme vitale et annihile la volonté des individus. Autant demander à un suicidaire s’il souhaite se suicider en lui tendant une corde au lieu de l’en dissuader. Il s’agit donc de se rendre complice de la mort de milliers de personnes. Mais cette proposition de loi ne s’adresse pas seulement aux personnes capables de choisir comme il le prétend, puisqu’en l’absence de directives anticipées ou de personnes de confiance ayant reçu des instructions, il préconise la mise en place d’une « hiérarchie des proches de l’intéressé » à commencer par les époux, les partenaires liés par un PACS, les concubins… Cette disposition ouvre la porte à tous les abus possibles et imaginables, des meurtres intéressés aux règlements de comptes. Remarquons, soit dit en passant, que les parents, les frères et les sœurs sont, dans l’ordre hiérarchique imaginé par Monsieur Touraine, les derniers autorisés à décider du sort de l’individu, comme pour s’assurer que les liens du sang constitueront le moins possible un obstacle à l’euthanasie.

Viviane Lambert (Mère de Vincent Lambert), au centre, dans une manifestation en 2015 © NICOLAS MESSYASZ / SIPA Numéro de reportage : 00702778_000004
Viviane Lambert, mère de Vincent, au centre, dans une manifestation en 2015 © NICOLAS MESSYASZ / SIPA Numéro de reportage : 00702778_000004

L’auteur de cette proposition pense tout de même à nous expliquer que le choix peut être révoqué à tout moment. Seulement, il ne précise pas comment une personne en incapacité de parler peut révoquer son « choix » de manière explicite. L’affaire de Vincent Lambert nous a en effet montré la réalité de nombreuses personnes vivant en état pauci-relationnel, et que la logique d’un consentement de la personne ne serait pas automatiquement respectée dans le processus d’euthanasie. Il oublie qu’un patient peut d’ailleurs changer d’avis, même après avoir signé le fameux papier de consentement. Quant à la clause de conscience proposée par les députés de LREM, le même tour de passe-passe utilisé pour l’avortement nous est présenté sous le masque de la conscience libre. En effet, elle impose au médecin qui refuse l’euthanasie, de trouver un autre médecin dans les deux jours pour le pratiquer à sa place, ce qui le rend moralement complice de la mort du patient. Enfin, comment pouvoir justifier qu’une personne euthanasiée soit ensuite considérée comme décédée de mort naturelle, comme le stipule cette proposition de loi, ce qui est factuellement faux ? Au même titre qu’il est injustifiable que des personnes décédées pendant cette épidémie se voient ajouté une mention « mort de la Covid-19 » pour augmenter la terreur et servir la dictature sanitaire.

Ainsi donc, nous voici dans une société qui refuse le risque, qui interdit, qui confine et enferme les populations pour les protéger d’une mort hypothétique. Et lorsque les individus parviennent à un âge défiant toute statistique, qu’ils en arrivent à ne plus être en possession de leurs moyens à cause du poids du temps ou de la maladie, cette même société souhaite leur donner le sinistre choix de la vie impotente ou de la mort par injection létale. Ce que la vie régulait naturellement autrefois, la société souhaite se l’arroger pour en être l’unique artisan, prétendant agir pour la Liberté, alors qu’elle n’agit que par nihilisme, quand ce n’est pas par pur intérêt économique. En 1840, Alexis de Tocqueville décrivait déjà ce despotisme doux dans lequel l’État règle chaque aspect de la vie des citoyens de sa naissance jusqu’à sa mort[tooltips content= »Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Édition 1848, Tome 4, Quatrième partie, Chapitre 6. »](1)[/tooltips] : « il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? ». Ce sera bientôt chose faite si nous laissons faire, sans indignation, sans dénonciation, sans résistance, des parlementaires comme Monsieur Touraine ou Madame de La Gontrie poursuivre leurs funestes propositions visant à promouvoir la culture de mort.

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Les crimes et délits sexuels sur mineurs sont loin de faire l’objet d’un déni massif

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Olivier Duhamel © Astrid di CROLLALANZA/Opale via Leemage

Un an après Le Consentement de Vanessa Springora, trois ans après le lancement de #Metoo, Camille Kouchner révèle l’inceste dont fut victime son frère jumeau de la part de leur beau-père. Avec #MetooInceste, on célèbre la libération de la parole. Mais vingt ans de débats parlementaires et de changements législatifs montrent que les crimes et délits sexuels sur mineurs sont loin d’avoir fait l’objet d’un déni massif.


C’est peu de dire que la sortie de l’ouvrage de Camille Kouchner a provoqué un séisme. Quelques jours avant, Olivier Duhamel annonçait via Twitter sa démission de ses fonctions de président de la FNSP (Fondation nationale des sciences politiques) et de président du Siècle, association « élitiste » regroupant des dirigeants de tous bords. Faisant l’économie des habituelles dénégations dans ce type de dossier, il s’enfermait au contraire dans un silence en forme d’aveu. Dans le même temps, Le Monde révélait, dans son édition du 11 janvier 2021, que le directeur de Sciences-Po, dont l’UNEF demande la démission, aurait été avisé du soupçon d’inceste dès 2018 par Aurélie Filippetti : ce qu’il réfutait initialement, avant de l’admettre quelques jours plus tard. Cependant qu’Élisabeth Guigou, proche d’Olivier Duhamel, renonçait, tout en affirmant n’avoir jamais rien su, à présider la commission sur l’inceste et les violences sexuelles sur les enfants, et que Marc Guillaume, préfet d’Île-de-France et ex-secrétaire général du gouvernement, annonçait sa démission de tous les conseils d’administration dans lesquels il avait siégé avec Olivier Duhamel… Ajoutons que le samedi 16 janvier, soit quelques jours après la sortie de l’ouvrage, émergeait sur Twitter un nouveau hashtag, #MeTooinceste, recueillant plus de 50.000 tweets en 24 heures.

Ce dévoilement par médias interposés et ces démissions en cascade posaient à nouveau la question de la durée de la prescription en matière de crimes sexuels, puisque les faits dénoncés, s’ils étaient avérés, seraient prescrits en 2021. Interviewé par Yann Barthès dans l’émission « Quotidien », François Hollande, après avoir courageusement rappelé que « la liberté, ce n’est pas de s’en prendre à des enfants », appelait de ses vœux l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs.

A lire aussi: Finkielkraut coupable de substitution idéal

Rappelons que le délai de prescription de l’action publique pour les crimes et délits sexuels sur mineurs a été allongé plusieurs fois ces dernières années, bien souvent sous la pression des associations de victimes. Dès 1998, le législateur prévoyait que dans le souci d’une meilleure protection des victimes, ce délai ne devait commencer à courir qu’à compter de leur majorité (et non de la commission des faits), du moins lorsque le crime ou le délit avait été commis par un ascendant ou par une personne ayant autorité (ce qui est le cas d’un beau-père). La durée de prescription était alors portée à dix ans pour les délits (agression sexuelle par exemple), puis, en 2004, à vingt ans pour les crimes (le viol est un crime). Vingt ans à compter de la majorité, soit 38 ans au maximum lorsque la présumée victime porte plainte. C’est en 2018 qu’une dernière évolution législative, après avoir écarté la demande d’imprescriptibilité[tooltips content= »L’inénarrable Muriel Salmona, psychiatre, avait remis à Marlène Schiappa, qui préparait la loi du 3 août 2018 sur les « violences sexistes et sexuelles », un rapport favorable à l’imprescriptibilité : « Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels », 20 octobre 2017, consultable sur le site Memoiretraumatique.org »](1)[/tooltips], portait le délai de prescription à trente ans à compter de la majorité[tooltips content= »Loi du 3 août 2018, modifiant l’article 7 du Code de procédure pénale. »](2)[/tooltips] (soit 48 ans lors du dépôt de plainte). Il faut comprendre concrètement ce que cela signifie : si un mineur, aujourd’hui en petite section de maternelle, donc âgé de 3 ans, était victime d’un instituteur pédophile, il serait majeur en 2036 et pourrait dénoncer les faits jusqu’en 2066 : né en 2018, il aurait alors 48 ans. Les faits dénoncés pourraient être jugés après clôture du dossier d’instruction (vers 2068 ? 2069 ?), à supposer que l’auteur, s’il est encore en vie, ne soit pas trop détérioré pour s’expliquer devant un magistrat instructeur. Cet allongement du délai de prescription, unanimement salué, pose néanmoins le problème cardinal de l’administration de la preuve, a fortiori dans des procédures où le temps écoulé appauvrit les témoignages, fait disparaître les preuves matérielles…L’allongement à l’infini du délai de prescription montre que, lorsque les faits dénoncés remontent à plusieurs décennies, le but premier du procès, avant la recherche de la vérité, est la réparation psychologique de la victime, dont le préalable indispensable serait la condamnation de l’auteur. L’avocat Claude Katz s’indignait en ces termes de la suppression du délit de harcèlement sexuel (réintroduit depuis sa nouvelle définition) : « Cela est frustrant pour la victime, pour qui la déclaration de culpabilité est très importante, cela lui permet en effet de se reconstruire[tooltips content= »Laurence Neuer, « Suppression du délit de harcèlement sexuel : quels recours pour les victimes ? », Lepoint.fr, 4 mai 2012. »](3)[/tooltips]. »

Camille Kouchner. © Mathieu BOURGOIS/Opale via Leemage
Camille Kouchner. © Mathieu BOURGOIS/Opale via Leemage

Cette « psychologisation du droit » propre à la délinquance sexuelle n’inquiète que quelques juristes. Marie-Pierre Porchy, ancien juge des enfants, reconnaissait ainsi sur le plateau de « La grande librairie », consacrée à cette affaire le 13 janvier, avoir évolué depuis la publication en 2003 de son essai Les Silences de la loi. Aujourd’hui juge d’instruction, elle se montre plus réservée sur l’imprescriptibilité, évoquant les difficultés, souvent proches de l’impossibilité, d’instruire un dossier lorsque les faits sont trop anciens, que les témoins sont morts ou que la mémoire fait défaut… le classement sans suite ou l’acquittement devenant inévitable. Que dire alors du désarroi des plaignants qu’on aura envoyés dans le mur, alors que certains thérapeutes, d’abord militants, leur avaient affirmé que sans reconnaissance du statut de victime (il faut entendre : sans condamnation de l’auteur), aucune réparation psychologique, aucune « reconstruction » ne serait possible ? Deux ans après promulgation de la loi du 3 août 2018, la même Muriel Salmona revenait à la charge dans cette émission, assurant que « tout est organisé pour faire taire, pour bâillonner les victimes » et même « pour les empêcher d’accéder à des soins[tooltips content= »Propos retranscrits littéralement, audibles à 1 h 24 d’émission. »](4)[/tooltips] ». Emportée par son élan, elle ajoutait que « la société empêche les victimes de pouvoir être secourues, protégées, soignées et de pouvoir porter plainte ». Sans que personne, sur le plateau, ne s’en émeuve : la noblesse de la cause fait office de bouclier et la démesure, sur ce terrain, demeure impunie. Comment les magistrats français peuvent-ils ainsi laisser dire et écrire, tous médias confondus, que la justice est aussi désarmée, quand on ne la dit pas complaisante ? Tout simplement parce que la cause ou plutôt les slogans qui la résument sont trop consensuels pour que l’on puisse s’y opposer, pas même par la nuance. Slogan : formule courte, destinée à propager une idée, soutenir une action. Critiquer un propos outrancier, pour ne pas dire délirant, affirmant l’impunité des criminels sexuels implique-t-il qu’on soit favorable à cette impunité, dont nous affirmons qu’elle n’est que fantasmée, la législation française étant l’une des plus répressives en matière d’infractions sexuelles ? Peut-on s’indigner des excès ou des sophismes militants sans être suspecté de faire partie des partisans de la « loi du silence » ?

Mais l’exception sexuelle du droit, pour reprendre la belle expression de Marcela Iacub, ne se limite pas à cela. Ici, l’accusation vaut preuve et le renversement de la charge de la preuve, dans ces affaires « parole contre parole », met en demeure le mis en cause de prouver son innocence. C’est ainsi que Darius Rochebin, présentateur suisse recruté par LCI, a dû se « mettre en retrait » après que le journal Le Temps eut dévoilé des accusations de harcèlement, portées par d’anciens collaborateurs, évoquant « comportements déplacés et propos salaces ». Avec cette particularité qu’au moment de son ostracisation, les accusateurs anonymes n’avaient pas déposé plainte et qu’aucune enquête n’avait donc été diligentée.

Dans ce même registre, il ne fait pas bon essayer de nuancer le propos. C’est encore cette exception sexuelle qui valut à Alain Finkielkraut, interviewé le 11 janvier 2021 sur LCI (décidément !) par David Pujadas, d’être immédiatement écarté par la direction de l’antenne. Le philosophe avait pourtant pris toutes les précautions oratoires, estimant que les faits dénoncés étaient « très graves » et que leur auteur était « inexcusable ». Faisant référence au film M le Maudit, Alain Finkielkraut évoquait dans les premières minutes de l’interview les lynchages médiatiques propres à notre époque, s’inquiétant que la justice « sorte des prétoires ». Il rappelait aussi la particularité de ce livre : ni l’accusé ni la victime n’avaient encore pris la parole. Mais avec une imprudence dont il a sans doute pris conscience trop tard, le philosophe s’est interrogé, à l’antenne, sur le « consentement » d’une victime adolescente, ou encore sur « une forme de réciprocité ». Bourde, pour le dire simplement, qui lui a été fatale, de même que d’avoir osé rappeler qu’un enfant et un adolescent de 14 ans, ce n’est « pas tout à fait la même chose ». A fortiori si l’inceste a duré des années. L’association féministe Les Effronté.es en profite pour rappeler qu’il avait, en 2009, commis la même erreur en rappelant que la victime de Roman Polanski, au moment des faits, avait 13 ans et n’était donc plus une enfant. Refusant de « hurler avec les loups » (expression qui, ici, aurait mérité l’écriture inclusive), Alain Finkielkraut semblait ici évoquer le possible consentement d’une victime, ce qui a paru aux yeux de beaucoup comme une deuxième profanation. Rappelons toutefois que le législateur a refusé d’introduire, dans la loi du 3 août 2018, la notion de « présomption irréfragable de non-consentement » en deçà de l’âge de 15 ans. En dépit des très fortes pressions d’associations, il a estimé préférable que le juge puisse, au cas par cas, qualifier les faits au plus près de la réalité, refusant ainsi « d’écraser la complexité du réel sous une fiction juridique[tooltips content= »Voir l’article de Régine Barthélémy, « N’instaurons pas un âge légal pour découvrir la sexualité », Libération, 26 février 2018. »](5)[/tooltips] ».

A lire aussi: Notre appel contre la tyrannie de l’émotion

Vivons-nous donc dans un monde où toute interrogation, toute nuance apportée à une vérité consensuelle serait vécue comme une banalisation des crimes et délits sexuels sur mineurs, voire, comme le disait Alain Finkielkraut, comme leur absolution ? Prenait-il la défense d’Olivier Duhamel, comme certains l’ont pensé, en rappelant la complexité des interactions entre auteur et victime en matière d’inceste ? Nous ne le croyons pas, et tous les psychiatres ont au contraire été confrontés à des dossiers dans lesquels les conséquences les plus dévastatrices d’un inceste n’étaient pas nécessairement sexuelles, mais psychologiques. Le lien affectif avec son abuseur vient en effet, dans certains cas, aggraver les conséquences de l’abus, alors vécu au pire sens de ce terme, c’est-à-dire comme une supercherie psychologique, un abus de confiance. Au contraire des agressions sexuelles extrafamiliales, la progressivité des actes incestueux est fréquente et les pères (plus souvent encore, les beaux-pères) abuseurs usent de stratagèmes affectifs dans les attouchements et les gestes prodigués, induisant dans l’esprit de l’enfant victime une véritable confusion. De sorte que la victime, confondant les gestes affectueux et abusifs, n’est parfois plus en mesure de dire quand la violence a commencé : ce que la littérature spécialisée qualifie de « relation d’emprise », par laquelle « l’abuseur fait douter jusqu’à la victime que la violence ait eu lieu[tooltips content= »Reynaldo Perrone et Martine Nannini, Violence et abus sexuels dans la famille, ESF, 1995. »](6)[/tooltips] ».

C’est essentiellement cette emprise, pouvant durer jusqu’à l’âge adulte, que dénonce dans son ouvrage Camille Kouchner lorsqu’elle décrit le charisme de son beau-père, qu’elle dit même avoir « beaucoup aimé ». Et c’est à l’évidence de cette « illusion de consentement » dont voulait parler Alain Finkielkraut : il appartient à l’adulte, qui dispose (en théorie !) de la maturité requise, de ne pas en être dupe. Et d’honorer ainsi les mots de Camus, cités par Finkielkraut : « Un homme, ça s’empêche… »

Mais un plateau de télévision se prête bien mal à une telle réflexion, ce d’autant que la sortie de cet ouvrage a provoqué une véritable onde de choc, l’auteur se disant aujourd’hui troublée par le battage médiatique qui l’entoure. Camille Kouchner pensait-elle réellement que l’éditeur organiserait une sortie en catimini d’un ouvrage « destiné à briser la loi du silence », visant des personnalités au plus haut niveau et dont le premier tirage, « dans le plus grand secret », était de 70 000 exemplaires (porté à 225 000 en quatre jours) ? S’attendait-elle à protéger longtemps l’anonymat de son frère jumeau en l’appelant « Victor », lui qui n’avait pas souhaité dévoiler ni porter plainte ?

Alors que nous écrivons ces lignes, la flambée du hashtag #MeTooinceste se confirme, environ 10% de la population française semblant avoir été abusée selon les militants les plus fervents. Lancés comme autant de bouteilles à la mer, les tweets au contenu poignant trouveront-ils quelque écho judiciaire ? Rien n’est moins sûr, ce qui n’empêche pas que soit unanimement saluée cette « libération de la parole », cette catharsis collective aux allures de thérapie de groupe. Comme si, jusqu’ici, l’inceste (désormais incriminé par le code pénal) ou les abus sexuels sur mineurs avaient réellement fait l’objet d’un déni massif. Affirmation jamais démentie et d’autant plus choquante qu’elle survient deux ans à peine après la promulgation de la loi du 03 août 2018 et les longs débats parlementaires qui l’ont précédée.

Ce sont bien ce terrorisme intellectuel et cette pression victimologique qu’avec Florence Rault nous dénoncions dans notre Dictature de l’émotion[tooltips content= »Belfond, 2002. »](7)[/tooltips]. Il faut croire que près de vingt ans plus tard, un peu de chemin reste encore à faire…

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Le Vendée Globe, une odyssée nationale

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En cette période de crise sanitaire et de crise mentale, les marins français sont allés chercher à l’autre bout du monde un grand bol d’air frais et de liberté 


À observer les regards du public venu attendre les marins du Vendée Globe, il ne fait aucun doute que les émotions suscitées par cette course vont bien au-delà de l’exploit sportif. Après parfois des heures d’attente, voici les skippers qui nous reviennent, le visage émacié mais illuminé d’un intense bonheur, la silhouette dressée à la proue de leur esquif et brandissant des feux de Bengale tels des gladiateurs victorieux des assauts de Neptune. En remontant le chenal des Sables d’Olonne, ils ramènent dans leur sillage davantage encore qu’un parfum d’aventure aux relents chauds d’alizés : c’est le monde entier qu’ils nous offrent.

De l’odyssée spatiale à l’odyssée vendéenne…

Pour s’en convaincre, rapprochons donc la ferveur qui, depuis une semaine, s’empare de la foule au passage de chaque flottille croisant la ligne d’arrivée, des scènes de liesse qui accompagnèrent le retour d’un autre héros et voyageur extraordinaire : le cosmonaute soviétique Youri Gagarine, premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace en avril 1961. Comme nos navigateurs, Gagarine était à bord d’une petite capsule lorsqu’il a effectué une orbite complète autour de la Terre. Symbole du vertige pascalien, cet habitacle lui permettant à peine de se mouvoir était en même temps l’instrument grâce auquel il s’emparait du monde, le dominait en en faisant le tour. Ainsi, chaque Soviétique s’identifiait à Gagarine, seul et vulnérable comme un enfant dans un petit vaisseau qui n’est pas sans rappeler le sein maternel, et à la fois tout-puissant, maître de l’espace, premier homme de l’histoire de l’humanité à contempler la terre d’en haut. Les vidéos de son arrivée triomphale à Moscou montrent des gens venant par dizaines de milliers l’acclamer, massés sur des kilomètres le long des boulevards empruntés par son cortège. De même qu’aujourd’hui aux Sables d’Olonne soixante ans plus tard, on lit sur leur visage une émotion de l’ordre de la béatitude, mêlée à la fois de fierté et de reconnaissance pour cet être mi-homme et mi-dieu, pour ce double souriant et mythique d’eux-mêmes qui leur a conquis le monde. C’est comme s’ils avaient croisé la route d’un saint venu souffrir et, quelque part dans la stratosphère ou la solitude du point Nemo, intercéder auprès du Très-Haut pour leur salut, pour la gloire de tout un peuple.

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Il faut dire que chez nous les flots de champagne sabré par les marins qui posent le pied à terre coulent sur un sol rendu aride par deux siècles de défaites : de Waterloo à la débâcle de mai 1940, en passant par Sedan et Verdun, les Français ont à tel point oublié le goût de la victoire qu’un dérisoire match de football prit en 1998 des allures de libération nationale. Oui, les Français ont soif de victoire car on les en a privés depuis bien plus loin que se souviennent les mémoires. Or le Vendée Globe, c’est la victoire par excellence : celle de l’homme sur l’océan et les éléments, sur leur puissance et leur immensité, c’est la victoire de l’homme sur lui-même, bref, c’est la victoire de l’abnégation qui peut tout et redonne l’espérance.

La vérité du roi Jean

Mais à la différence de la victoire spatiale des Soviétiques, la victoire nautique des Français est bien moins une victoire technique qu’une victoire humaine, incarnée lors de cette édition par la personnalité hors-norme et attachante de Jean Le Cam. Celui que l’on surnomme le roi Jean a dominé la course avec majesté, donnant au jour le jour non des leçons mais des exemples de ses quartiers de noblesse morale : solidarité lors du sauvetage miraculeux de Kevin Escoffier, transmission de sa passion aux jeunes générations, courage, simplicité.

Mais comme dans le carnaval qui aime à allier les contraires – et Jean Le Cam lui-même revendique ce mélange en parlant d’une course des extrêmes –, la sagesse du roi coexiste chez lui avec la malice du bouffon ; ainsi, lors de sa conférence de presse d’arrivée, le marin connu pour son franc-parler a employé une langue vraie, populaire mais aussi redoutable de justesse, qui a littéralement fait voler en éclats les maux qui nous accablent, ici sur Terre. Parmi ceux-ci, la « conjecturologie », science aléatoire des bataillons d’experts estampillés, qui consiste à vouloir tout prévoir et à bannir le risque de nos vies. Jean Le Cam a balayé cette lubie contemporaine en répondant abruptement à une journaliste qui lui demandait quels étaient ses projets pour les prochaines semaines : « Je ne sais pas. Qu’est-ce que c’est bien de ne pas savoir ! » Il a également dénoncé la surenchère technologique de bateaux aux coûts faramineux qui ont finalement été supplantés par des équipages plus modestes mais plus robustes sur la longue distance et guidés, eux, par des valeurs humaines. L’œil rieur, il a raillé ses collègues skippers aux allures martiales, donnant sa préférence à des personnages certes moins avenants, imparfaits, humains trop humains dirait-on, mais dont la ténacité primaire a eu raison de l’adversité en mer : « Au final, ceux qui ont gagné c’est le vieux con [parlant de lui], le handicapé et le branleur » (sic) N’est-ce pas là un formidable pied de nez à la tyrannie des chargés de RH, en quête de profils lisses aux CV de robots réactifs et serviles à souhait ? À l’heure de l’impératif sanitaire du sans-contact, des communiqués aseptisés et des distances sociales, il s’est dit ému par la présence et la profondeur d’âme des courageux venus l’accueillir en pleine nuit sur la jetée. Pratiquant zélé de l’irrévérence, c’est hilare qu’il évoque l’appel téléphonique de l’Élysée après le sauvetage de Kevin Escoffier, au cours duquel il ne se serait pas gêné pour tancer « Manu » en lui rappelant un adage populaire.

Au-delà des brocards salutaires du roi Jean, la force du Vendée Globe est de faire souffler un vent nouveau sur notre pays et sur les esprits. Il y a un avant et un après la course. Et en cette période de confinement et d’asphyxie politique et mentale, les vérités que les marins sont allés chercher à l’autre bout du monde sont un grand bol d’air frais et de liberté : ils nous rappellent, tout d’abord, qu’il n’y a point de salut sans courage et sans l’affirmation farouche de ce que nous sommes. Enfin, ils nous montrent que c’est à l’aune du globe que se mesurent la grandeur de la France et la saveur de ses victoires.

Bolsonaro, l’ennemi idéal

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Jair Bolsonaro et sa femme Michelle, Brasilia, janvier 2019 © MARCELO SAYAO/EFE/SIPA Numéro de reportage : 00889520_000014

« Arrêtez de dire des idioties, vous ne connaissez pas votre pays et vous n’arrêtez pas de donner votre opinion sur le Brésil » a récemment pesté le président brésilien contre Emmanuel Macron, lequel lui reprochait la déforestation de l’Amazonie. Comme il est facile de cracher sur Bolsonaro quand on est président de la République française, ministre ou grand patron!


Jair Bolsonaro n’est pas musulman donc on ne risque pas de voir les banlieues flamber.

Il n’est pas turc, donc il ne fera pas descendre les Loups Gris dans les rues de Strasbourg en guise de protestation.

Il n’est pas africain donc il ne nous accusera pas de néocolonialisme.

Il n’est pas de gauche donc il n’a personne pour le défendre dans les universités françaises et les rédactions parisiennes.

Mieux encore, c’est une cible idéale, une poupée enduite de miel dont la vocation est d’attirer inexorablement les abeilles. Tenez-vous bien – vous êtes assis j’espère ! – il est blanc et hétérosexuel. L’infâme gredin ! Il est aussi catholique, vous vous rendez compte ! Il y en a encore des catholiques qui se déclarent comme tels et font de la politique à haut niveau ! Bolsonaro en est un : péché inexpiable qui le disqualifie aux yeux du Pape argentin. L’épouse de Bolsonaro, Michelle, une belle blonde de 38 ans, est évangélique : quel crime impardonnable !  Elle aurait pu au moins avoir le bon goût de se déclarer animaliste ou végane, histoire d’envoyer les bons signaux (de soumission).

Il est pratique de vilipender Bolsonaro

Et cerise sur le gâteau, le Brésil c’est loin, très loin. On peut donc insulter Bolsonaro comme on veut, on est sûr qu’il n’enverra pas un croiseur harceler les navires français en Méditerranée. N’est pas Erdogan qui veut !

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Toutes ces raisons expliquent en quoi il est pratique de vilipender Bolsonaro, pas en quoi ça nous est utile voire indispensable.

Le crime de Bolsonaro est de ne pas faire partie de l’équipage du Titanic. Il refuse, comme Trump avant lui, de parier sur la fin de la civilisation occidentale et sa dissolution dans une espèce de kermesse woke.

En vérité, Bolsonaro a le malheur de dire des vérités que nous avons refoulées et déclarées illicites. Il est l’obstacle entre nous et notre désir le plus ardent : la décadence. C’est un empêcheur de « couler » en rond.

Plus on vilipende Bolsonaro, moins on se donne la chance d’écouter ce qu’il a à dire. Plus on l’accuse d’homophobie, de racisme et de destruction environnementale, moins on se pose la question de sa politique et de son bilan. On se fiche de qui il est et de ce qu’il pense, nous voulons être sûrs qu’il se taise. Le vrai ou le faux ne nous importent pas en ce qui concerne le Brésil, la seule chose qui compte est de cacher au peuple français qu’une autre politique est possible : qu’un président puisse dire non à certaines minorités et tendre une oreille attentive à d’autres (les autistes, les sourds-muets, les handicapés, les camionneurs) ; qu’il  puisse réclamer la réindustrialisation de son pays ; qu’il estime que l’école doit former des patriotes et non des repentants ; qu’il autorise les femmes à acheter une arme de poing pour se défendre contre les agressions ; qu’il s’arrête dans la rue pour bavarder avec des citoyens lambda sans craindre d’être lynché par les « gilets jaunes ».

Au Brésil, Marine Le Pen aurait ses chances

Alors, quand on a renoncé à cela, quand on conçoit l’action politique comme la promenade d’un eunuque dans un harem, on en veut à mort à Bolsonaro ! On veut l’effacer de la surface de la terre quitte à l’accuser de manger des enfants ou d’avoir crucifié Jésus il y a 2000 ans. Tout est bon pourvu qu’il se taise.

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Bolsonaro est, aux yeux de nos élites, une Marine Le Pen qui réussit. Notre nomenklatura voit en lui un démenti cinglant du discours habituel, celui du « vote utile » et du « après nous le déluge ». Depuis son accession au pouvoir, Bolsonaro ne s’est rendu coupable d’aucune attaque contre les homosexuels (les médias nous avaient promis des pogroms…), les femmes, les noirs ou les indiens. Mieux encore, la criminalité a fortement baissé (-25% des homicides en 2019), ce qui profite à tous les Brésiliens quelle que soit leur origine ou orientation sexuelle. Tout cela est une antithèse au mensonge qui sert de ciment à la nomenklatura française, ce mensonge consiste à diaboliser toute opposition réelle en la faisant passer pour fasciste. Nos élites sont assiégées, elles ont peur et se protègent derrière la digue nommée « front républicain ». Bolsonaro montre que cette digue n’est rien d’autre qu’un rideau de fumée. (Notez bien que je ne suis pas sûr que Marine Le Pen soit en mesure de dissiper ce rideau de fumée, mais cela est une autre histoire…)

Tel est le substrat mental de la relation franco-brésilienne actuelle. De la pure folie. Un mépris complet des intérêts économiques immenses de la France dans ce pays. Une gifle à la francophilie naturelle et spontanée des Brésiliens qui croient encore que la France ressemble à ce pays doux et paisible habité par Amélie Poulain (comme quoi, la désinformation fonctionne dans les deux sens…).

Balayons devant notre porte !

Un peu d’humilité nous ferait tous du bien. Au lieu de passer nos nerfs sur Bolsonaro, occupons-nous de ces lions en liberté que nous avons installés dans notre salon : l’islamisme, l’ensauvagement, la ruine de l’enseignement, la destruction de la gouvernance, pour ne citer que les cas les plus graves.

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Alors bien entendu, nous sommes en droit de critiquer la politique environnementale de Bolsonaro, son manque de libéralisme sur le plan économique et tant d’autres choses. Mais, pour être crédibles, il faudrait d’abord reprendre nos esprits et balayer devant notre porte.

Comment osons-nous critiquer les Brésiliens à propos de l’Amazonie alors que nous ne sommes même pas capables de faire marcher des caméras de surveillance dans les cités sensibles de la banlieue parisienne ? Ces caméras se font attaquer au fusil à pompe et leurs mats sont coupés à la scie électrique, en pleine journée, au vu et au su des autorités. Il faut donc un sacré culot pour fustiger un agent forestier brésilien, isolé dans la forêt équatoriale au milieu de gangs armés jusqu’aux dents et qui travaillent pour les mafias internationales. (A ce propos, il faut dire une fois pour toutes que le déboisement sert à blanchir l’argent de la cocaïne, celle qui se vend à Paris notamment, car une forêt défrichée donne place à un pâturage qui abrite des vaches qui finissent à l’abattoir et se transforment en viande donc en facture en bonne et due forme).

Avant de pointer le Brésil du doigt, enlevons le bandeau qui nous couvre les yeux. Ça devient urgent.

Le «grand remplacement»: fantasme et réalités démographiques


Dans un ouvrage paru à l’automne 2020, le journaliste et auteur Marc Endenweld rapportait les confidences de plusieurs collaborateurs de l’Elysée affirmant que le président Emmanuel Macron reprenait régulièrement l’expression de « grand remplacement » lors de conversations avec ses équipes au sujet de l’immigration et de l’Islam[tooltips content= »https://www.valeursactuelles.com/politique/video-immigration-grand-remplacement-macron-reprend-en-prive-des-formules-deric-zemmour-et-renaud-camus-125953?page=3″](1)[/tooltips].


Pareille anecdote venue du sommet de l’Etat confirme à quel point ce concept, né dans les marges politiques et littéraires auxquelles certains auraient voulu le circonscrire, occupe désormais une place centrale dans le débat public. Forgée et popularisée par l’écrivain Renaud Camus dans un essai éponyme paru en 2011, la notion de « grand remplacement » hante désormais les éditoriaux, les réseaux sociaux comme les plateaux des grands médias audiovisuels, mais aussi les lieux de pouvoir et les simples discussions familiales.

Qu’il s’agisse de la défendre ou de la dénoncer avec virulence, rares sont les expressions capables de déchaîner autant de passions à leur seul emploi

Avec deux écueils majeurs: la difficulté à s’entendre sur ce que le « grand remplacement » est censé signifier, ainsi que l’absence souvent criante de données chiffrées ou de faits objectivables à l’appui des échanges.

Face aux approximations, aux interprétations partiales et aux affirmations péremptoires, il convient d’abord de préciser ce que cette notion recouvre, puis d’examiner les arguments concrets permettant de la récuser ou de l’appuyer dans des mesures variables.

Si l’on en trouve des échos dans des contextes antérieurs, la paternité de la notion de « grand remplacement » revient néanmoins à l’écrivain et essayiste Renaud Camus

Renaud Camus en avril 2019 à Plieux © Oleg Cetinic/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22336046_000005
Renaud Camus en avril 2019 à Plieux © Oleg Cetinic/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22336046_000005

En novembre 2019, France Culture proposait une série de podcasts intitulée « Grand Remplacement : un virus français »[tooltips content= »France Culture, Le grand remplacement, un virus français (1/5) : à l’origine du mythe »](2)[/tooltips]. Dans le premier des cinq épisodes, dédié à la recherche des origines historiques du concept, le journaliste et politologue Jean-Yves Camus rappelait qu’un écrivain nommé Danrit (en réalité le colonel Emile Driant) avait signé au début du XXème siècle deux romans d’anticipation dont les thèmes étaient respectivement « l’invasion jaune » et « l’invasion noire ». Il s’agissait de suggérer que ce type de représentation était antérieure à notre époque et aux écrits de Renaud Camus.

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Plus récemment et dans une sphère plus politique, le terme de « remplacement » a été employé par l’Organisation des Nations Unies au début des années 2000 dans un rapport intitulé Migrations de remplacement : est-ce une solution à la diminution et au vieillissement de la population ?[tooltips content= »ONU, L’immigration de remplacement : est-ce une solution au vieillissement et au déclin démographique ?, 2001″](3)[/tooltips]. De ce document fort commenté depuis lors, certains ont conclu – de façon hâtive – que l’ONU préconisait la substitution d’une population jeune, originaire d’Afrique, aux populations vieillissantes d’Europe de l’Ouest. Le rapport ne dit pourtant pas exactement cela, puisqu’il précise que l’immigration ne peut être la seule solution aux changements démographiques en Europe occidentale, sauf à ce que celle-ci accepte d’accueillir 160 millions de migrants en cinquante ans.

Dans le contexte français contemporain, c’est en 2011 que l’essai Le Grand Remplacement de Renaud Camus lance ce terme sur la scène intellectuelle et politique – où il n’a cessé de gagner en attention depuis lors.

Contrairement aux idées reçues, la thèse de Renaud Camus n’est pas réductible à une théorie du complot mais comporte deux dimensions claires, l’une quantitative et l’autre qualitative

Dans ce livre comme dans le manifeste qu’il rédige par la suite en 2013[tooltips content= »Renaud Camus, Le changement de peuple, 2013″](4)[/tooltips], l’auteur défend l’idée selon laquelle la France et l’Europe connaissent un changement de population, qu’il résume de la façon suivante : « Pouvez-vous développer le concept de Grand Remplacement ? – Oh, c’est très simple : vous avez un peuple et presque d’un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. » [tooltips content= »Renaud Camus, Le Grand Remplacement, 2011″](5)[/tooltips]  Pour l’auteur, cela constitue « le choc le plus grave qu’ait connu notre patrie depuis le début de son histoire puisque, si le changement de peuple et de civilisation, déjà tellement avancé, est mené jusqu’à son terme, l’histoire qui continuera ne sera plus la sienne, ni la nôtre ».

Avec le « grand remplacement », Renaud Camus défend « une thèse à deux jambes » [tooltips content= »Interview de François Héran par Ivanne Trippenbach pour l’Opinion, 4 octobre 2019″](6)[/tooltips] selon François Héran, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire Migrations et sociétés :

  • La première jambe est quantitative, elle se réfère aux flux migratoires et aux différentiels de fécondité ;
  • La seconde est qualitative et se réfère aux changements culturels au sein de la société française.

Pour compléter sa thèse, Renaud Camus évoque « le pouvoir remplaciste, celui qui désire et promeut le grand remplacement » comme le rappelle une émission diffusée à son sujet sur France Culture[tooltips content= »France Culture, Émission Le grand remplacement, un virus français (3/5) : Renaud Camus, 2019″](7)[/tooltips]. Pour cette raison, certains journalistes considèrent que la thèse de Camus est complotiste ou conspirationniste, ce dont l’auteur se défend en disant que la promotion de l’immigration par certaines catégories d’acteurs sert des intérêts économiques et politiques.

A-t-il raison ou a-t-il tort ? Quoi que l’on pense de cette affirmation, il paraît abusif d’en déduire que son auteur est complotiste. Pour s’en référer à deux exemples fameux : au début des années 1980, Georges Marchais considérait publiquement que l’immigration faisait pression à la baisse sur les salaires et pouvait ainsi servir les intérêts du patronat ; plus récemment, le think tank Terra Nova publiait une note intitulée « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 » dans laquelle il soulignait l’opportunité que constituait le vote d’origine immigrée pour le PS. Bien que leurs thèses aient été contestées, aucune accusation sérieuse de « conspirationnisme » n’a été portée contre le dirigeant communiste ou le groupe de réflexion social-démocrate.

Nous considérons que le débat autour de l’intentionnalité constitue un élément subsidiaire, qui ne forme pas le cœur du concept de « grand remplacement » et nous éloigne du débat véritable sur les faits (réels ou supposés) qu’il recouvre.

Si la série de France Culture qui lui fut consacrée[tooltips content= » France Culture, Le grand remplacement, un virus français (1/5) : à l’origine du mythe »](8)[/tooltips] a eu pour intérêt de placer ce sujet dans une perspective historique, elle n’a cependant apporté aucun élément quant au fond du propos. En ce sens, elle est révélatrice de l’approche partiale de certains médias : la radio publique considère l’idée du grand remplacement comme un « virus », une maladie à guérir et non une thèse à discuter.

« L’objectivité ne consiste pas à opposer des opinions contraires au cours d’un débat. Si les deux opinions reposent sur des informations fausses, quel est l’intérêt du débat ? […] La confrontation des incompétences n’a jamais remplacé la connaissance des faits. Le devoir de la presse est d’acquérir cette connaissance et de la transmettre » disait Jean-François Revel dans La connaissance inutile ; nous tâchons ci-dessous de fournir au lecteur les éléments du débat.

« Sinistre farce »[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](9)[/tooltips] pour le démographe Hervé Le Bras, « fantasme » [tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](10)[/tooltips] pour le journaliste du Monde Frédéric Joignot ou encore « vaste fumisterie » pour le rédacteur d’une tribune dans Jeune Afrique[tooltips content= »Jeune Afrique, « Tribune La théorie du « grand remplacement », cette vaste fumisterie », 2019, consulté en juin 2020″](11)[/tooltips], que peut-on vraiment dire de la réalité du « grand remplacement » ?

La notion de grand remplacement englobe à la fois le processus de transformation rapide de la démographie française sous l’effet de l’immigration et la transformation de la société et des modes de vie qui en résulte

En 2017, Alain Finkielkraut recevait dans son émission Répliques [tooltips content= »France Culture, Répliques, “Le Grand déménagement du monde”, présenté par Alain Finkielkraut, avec Renaud Camus et Hervé Le Bras, 2017 : https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/le-grand-demenagement-du-monde-1 « ](12)[/tooltips] Hervé le Bras et Renaud Camus. Ce dernier déclarait alors : « Le grand remplacement n’a pas besoin de définition. Ce n’est pas un concept. C’est une réalité de tous les jours que les gens peuvent observer lorsqu’ils descendent dans la rue et prennent leur voiture ». Ce propos rapide nécessite néanmoins le rappel de quelques éléments factuels apportés par les défenseurs et contradicteurs de cette vision, afin que le lecteur puisse s’en forger une opinion informée.

Arguments et contre arguments

Les défenseurs de la thèse du grand remplacement considèrent que la population française se transforme rapidement et de façon croissante par une substitution de populations d’origine extra- européenne, essentiellement venues du Maghreb et d’Afrique, à la population française d’origine.

Deux principaux contre-arguments leur sont généralement opposés.

  1. D’abord, cela serait factuellement faux dans la mesure où moins de 10% de la population française serait immigrée : selon Le Monde, « les études de l’INSEE disent pourtant tout autre chose que les livres de Renaud Camus. Publiée en octobre 2012, “INSEE Référence – Immigrés et descendants d’immigrés en France” décompte ainsi 5,3 millions de personnes nées étrangères dans un pays étranger, soit 8% de la population».[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](13)[/tooltips]
  2. D’autre part, il y aurait un problème méthodologique fondamental puisque l’origine ne serait pas définissable. Interrogée par Le Monde, la démographe Pascale Breuil se demande ainsi : « jusqu’où faut-il remonter pour être considéré comme faisant partie du peuple français ». Elle conclut qu’il est « très difficile de définir qui est ou non d’origine française »[tooltips content= »Le Monde, « Le fantasme du « grand remplacement » démographique », 2014, consulté en juin 2020″](14)[/tooltips], invalidant ainsi le fait qu’une population se substitue à une autre.

Les arguments ne manquent pourtant pas pour étayer le constat d’une transformation rapide de la démographie française sous l’effet de l’immigration

L’importance des flux migratoires, couplée à la natalité des personnes immigrées ou d’origine immigrée, a eu pour conséquence que 11% de la population résidant en France soit immigrée en 2017 et que 25% soit d’origine immigrée – si l’on compte les enfants de la seconde génération issue de l’immigration -, selon les chiffres de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) publiés en octobre 2018.[tooltips content= »Cités par Jean-Paul Gourévitch dans Le grand remplacement : réalité ou intox ?, 2019, Pierre-Guillaume de Roux »](15)[/tooltips] Cela représente un quart de la population française. Nous sommes donc loin du « fantasme » évoqué par certains, d’autant plus qu’il s’agit là exclusivement de stocks – c’est-à-dire de ce qui est et non de ce qui sera à l’avenir, sous l’effet des flux migratoires et des naissances futures.

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Or il convient de tenir compte du différentiel de fécondité entre les femmes descendantes d’autochtones (moins de 1,8 enfants par femme en moyenne en 2017), les femmes descendantes d’immigrés (2,02 enfants par femme en moyenne) et les femmes immigrés (2,73 enfants par femme en moyenne). Cette fécondité varie fortement selon l’origine des femmes : 3,6 enfants par femme en moyenne pour les immigrées algériennes, 3,5 enfants par femme pour les immigrées tunisiennes, 3,4 enfants par femme pour les immigrées marocaines et 3,1 enfants par femme pour les immigrées turques, ce qui est plus élevé que la fécondité de leurs pays d’origine (respectivement 3 ; 2,4 ; 2,2 ; 2,1)[tooltips content= »Interview de François Héran « La formule du grand remplacement se propage à la vitesse de la lumière » »](16)[/tooltips].

Le démographe François Héran affirme cependant qu’il serait erroné de croire que ces différentiels de fécondité soient figés dans le temps, car ceux-ci auraient tendance à se lisser sur le long terme[tooltips content= »Interview de François Héran « La formule du grand remplacement se propage à la vitesse de la lumière » »](17)[/tooltips]. Mais les effets cumulés de l’immigration et des différentiels de fécondité ont d’ores et déjà modifié la population française et continuent de le faire, comme le montre l’évolution de la composition des naissances. En vingt ans, entre 1998 et 2018, le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont français a ainsi baissé de 13,7%. Dans le même temps, le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est étranger a quant à lui augmenté de 63,6% et le nombre de naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a progressé de 43%[tooltips content= »Statistiques de l’état civil de l’INSEE et du document « T37BIS : Nés vivants selon la nationalité des parents (Union européenne à 28 ou non). Calculs : OID. https://observatoire-immigration.fr/natalite-et-immigration/ « ](18)[/tooltips]. En 2018, près d’un tiers des enfants nés (31,4%) ont au moins un parent né à l’étranger.

Commentant le résultat des projections de population d’origine étrangère dans les pays de l’UE adossées au scénario Convergence 2008-2060 d’Eurostat[tooltips content= »Eurostat, Fewer, older and multicultural ? Projections of the EU populations by foreign/national background, 2011″](19)[/tooltips], la démographe Michèle Tribalat précisait que dans certains pays, « les natifs au carré pourraient devenir minoritaires avant l’âge de 40 ans, d’ici 2060 » – natifs au carré désignant les personnes nées dans un pays de deux parents qui y sont nés également. S’il s’agit de projections démographiques – donc d’hypothèses -, Michèle Tribalat expliquait notamment ces résultats par « la conjonction d’une démographie interne peu dynamique et des soldes migratoires projetés qui donne une contribution aussi importante à l’immigration ».[tooltips content= »Interview de la démographe Michèle Tribalat par Rudy Reichstadt réalisée en 2017 et publiée dans Causeur en 2019, consulté en juin 2020″](20)[/tooltips]

Herve Le Bras, démographe mathématicien et historien français. Photographie réalisée le 22/03/2013 a l occasion du tournage de l émission "Ce soir, ou jamais!" sur France 2. 00656862_000014. BALTEL/SIPA.
Herve Le Bras, démographe mathématicien et historien français. Photographie réalisée le 22/03/2013 a l occasion du tournage de l émission « Ce soir, ou jamais! » sur France 2. 00656862_000014. BALTEL/SIPA.

L’autre contre-argument largement utilisé par les opposants à la notion de grand remplacement consiste à affirmer qu’il est impossible de définir qui est ou non d’origine française (Pascal Breuil). Cette objection est également fragile, surtout lorsqu’elle repose sur des approximations telles que celles d’Hervé Le Bras dans son livre Malaise dans l’identité[tooltips content= »Hervé Le Bras, Malaise dans l’identité. Notre identité ne peut être que dynamique, 2017, Actes Sud »](21)[/tooltips], où l’auteur assimile directement la défense de cette notion au racisme.

Les raccourcis problématiques d’Hervé Le Bras

Dans le chapitre II de son livre, intitulé « Race et Grand remplacement », Le Bras commet le raccourci de considérer que l’utilisation du terme de « remplacement » revient nécessairement à adopter une approche racialiste / biologique. L’auteur évoque pêle-mêle les idéologues racistes Gobineau et Vacher de Lapouge, en passant par certains théoriciens nazis. « Opposer des Français soi-disant de “souche” à des immigrés menaçant de les submerger, c’est supposer que les deux groupes constituent des races distinctes » (page 36).

A lire ensuite: Renaud Camus: «La liberté d’expression dans la France de 2020 n’est pas menacée: elle n’existe pas»

Si certains individus qui s’en réclament sont évidemment susceptibles de s’inscrire dans une perspective raciste, considérer que la notion elle-même est une « théorie raciste » apparaît fallacieux. Le concept de grand remplacement renvoie avant tout à une dimension culturelle, aux mœurs et aux modes de vie. C’est notamment ce qu’explique le professeur François Héran lorsqu’il évoque l’aspect « qualitatif » de cette thèse. Michèle Tribalat n’affirme pas autre chose lorsqu’elle déclare : « Il me semble que son succès [de la notion de grand remplacement] vient de son pouvoir d’évocation de certaines situations vécues. Elle a un sens figuré qui évoque l’effondrement d’un univers familier que vit, ou craint de vivre, une partie de la population française : disparition de commerces, et donc de produits auxquels elle est habituée, habitudes vestimentaires, mais aussi pratiques de civilité, modes de vie… »[tooltips content= »Causeur, « L’idée de grand remplacement évoque l’effondrement d’un univers familier que vit une partie de la population », Entretien avec la démographe Michèle Tribalat, 2017 et 2019, consulté en juin 2020″](22)[/tooltips]

Quant à l’argument selon lequel il serait difficile de définir qui est ou non d’origine française, l’éditorialiste Olivier Maulin répond : « très difficile dans les laboratoires de l’INSEE, serions-nous tentés d’ajouter, car sur cette question l’homme ordinaire, guidé par son instinct, éprouve beaucoup moins de difficulté à définir les choses, et ne s’embarrasse ni de concepts, ni d’idéologie, ni même de documents administratifs dûment estampillés, et pas plus de biologie, de « race ou de « pureté » imaginaires : est français celui qui a la nationalité française, bien sûr, pourvu qu’il vive selon les mœurs françaises ».[tooltips content= »Valeurs actuelles, Le “grand remplacement” en question par Olivier Maulin, 2019, consulté en juin 2020″](23)[/tooltips] Si l’on souhaite s’en tenir à une approche scientifique de l’ascendance, les “natifs au carré” de Michèle Tribalat fournissent par ailleurs un premier angle de vue.

A rebours des analyses fondées sur les lectures approximatives et le recours aux anathèmes, cet article aura tenté de présenter ce que recouvre la notion de grand remplacement, les arguments de ses défenseurs comme de ses contradicteurs ainsi que certaines des données essentielles au débat. Au lecteur – et au citoyen – de se faire sa propre opinion.

>>> Retrouvez l’intégralité des articles de l’Observatoire sur leur site http://observatoire-immigration.fr <<<

Explosion des «homicidités» et mutation de la violence en France

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Dans "Le Figaro", le criminologue Alain Bauer annonce qu' "un profond mouvement de retour de la violence physique est en train de se produire, ignoré ou sous-estimé..." Photo: Hannah Assouline.

La France s’enlise dans une violence endémique. Alain Bauer a forgé un indicateur baptisé «homicidité», qui recompose en un puzzle cohérent ce que le ministère de l’Intérieur comptabilise de manière éparse (règlements de comptes entre malfaiteurs, homicides à l’occasion de vol, autres homicides, tentatives d’homicides à l’occasion de vols, autres tentatives d’homicides, coups et blessures volontaires suivis de mort etc.). Le criminologue observe que les «homicidités» ont bondi de 90% en France depuis vingt ans ! En augmentation, cette violence est également en train de muer… Analyse.


L’ensauvagement de notre société est un fait. Pour le comprendre, il faut à la fois éviter les généralités trop grossières, et les finasseries excessives qui masquent mal le refus de conclure et d’agir. Si les derniers travaux d’Alain Bauer tombent dans le premier travers, tout en mettant en évidence une tendance indéniable, nombre de critiques qui lui sont faites semblent, sous couvert de recherche de précision, avant tout rechigner à dire clairement des réalités gênantes.

D’abord, ce que tout le monde sait. La violence médiatisée l’été dernier – affrontements interethniques de Dijon, habitants de Palavas obligés de s’organiser en quasi-milice pour mettre fin aux exactions des « jeunes », débordements à la base de loisirs d’Étampes – aurait été quasiment inconcevable il y a trente ans. Ou au pire circonscrite à quelques agglomérations : Paris, Marseille, Lyon, Lille. Et même là, des agressions comparables à celle dont a été victime le jeune Yuriy étaient bien plus rares qu’aujourd’hui. Désormais, hélas, les « zones de non droit » sont généralisées, servant de point de départ aux activités de prédation d’une délinquance de plus en plus violente.

Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003
Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin 2020 © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003

De nouveaux profils

Pour autant, dans d’autres domaines la violence diminue: qui se souvient des affrontements entre forces de l’ordre et sidérurgistes ou marins-pêcheurs sait que les manifestations d’aujourd’hui sont nettement moins dures. En revanche, les embuscades tendues aux patrouilles de police ou de gendarmerie se multiplient et sont passées du caillassage aux cocktails Molotov. Mutation de la violence : ceux qui agressent quotidiennement les forces de l’ordre n’ont pas du tout le même profil que les anciens sidérurgistes ou marins-pêcheurs.

La vision trop globale passe à côté de l’essentiel. Car la situation au regard de la délinquance, de la violence et de la valeur accordée à la vie humaine, n’est pas la même à Mayotte et en Vendée, dans le 16ème arrondissement et sur la « colline du crack ».

Il faut se pencher en détail sur le profil des auteurs comme des victimes, et se décider notamment à briser le tabou des statistiques ethniques. Les remarquables travaux du Dr.Maurice Berger sont éclairants, il est irresponsable de refuser de les prendre en compte au nom d’une posture idéologique hypocrite. Nous avons importé par centaines de milliers des personnes dont la culture banalise totalement la violence, voire la valorise pour établir une hiérarchie interne, et plus encore lorsqu’elle permet la prédation au bénéfice du groupe : famille, clan, quartier, etc. Il faut étudier la brutalité endémique des parents contre les enfants dans certains milieux, tout comme dans ces mêmes milieux la prégnance d’une violence sexuelle à laquelle nos pseudo-féministes feraient bien de s’attaquer plutôt que de déblatérer sur le « mansplaining » et l’écriture inclusive.

Il faut aussi mentionner la chute du mur de Berlin : ce ne sont pas Christiane Taubira et Eric Dupont-Moretti qui vont effrayer des réseaux criminels ayant survécu aux dictatures communistes, et qui se sont désormais installés à l’Ouest.

Policiers: sortez des bureaux!

Car il faut évoquer l’action – ou l’inaction – de l’État. Dispose-t-on de données consolidées sur le nombre d’heures que consacre chaque jour, en moyenne, un policier ou un gendarme à patrouiller ? Combien de temps lui prennent les tâches administratives ? Combien d’heures pour le respect tatillon du formalisme de la procédure pénale, et combien pour la recherche de la vérité ?

Il faut oser dire l’incurie notoire de l’institution judiciaire, et son absence totale d’efficacité dissuasive envers ce que l’on appelle les « délinquants d’habitude », c’est-à-dire les personnes qui ont choisi la délinquance comme mode de vie. Sentiment d’impunité qui encourage la violence des prédateurs mais accroît aussi la peur de victimes n’osant pas se défendre car elles savent qu’elles ne bénéficieront ni du soutien de l’État ni de la mansuétude des juges. Voilà le résultat de l’idéologie du juge Baudot, voilà ce qui arrive lorsque l’on punit plus sévèrement l’honnête citoyen qui se défend que le délinquant qui agresse. Impunité qui pousse également à la surenchère dans la violence pour faire étalage de sa « puissance » : théâtralisation et diffusion d’images via les réseaux sociaux, comme des chasseurs exhibant fièrement leurs trophées.

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En même temps que la violence est de plus en plus ouvertement tolérée de la part des uns (présentés comme des « victimes de la société » – des inégalités sociales, du « racisme systémique », que sais-je – ce qui ne peut que les encourager dans leur agressivité) elle est aussi de plus en plus radicalement condamnée chez les autres, non seulement juridiquement mais aussi culturellement, ce qui désarme les victimes à la fois physiquement et psychologiquement.

C’est là qu’interviennent des différences culturelles majeures. Ainsi de la Corse, cas emblématique d’une situation où la population dans son ensemble sait encore se défendre. La fréquence plus élevée de certains types d’homicides ne doit pas masquer le fait que l’île est, dans l’ensemble, très sûre : le nombre de viols et d’agressions sexuelles (rapporté au nombre d’habitants) y est l’un des plus faibles de France, si ce n’est le plus faible.

Politique de la Ville: un tribut versé aux barbares?

C’est là aussi qu’il faudrait se pencher sur l’impact de la mort progressive des générations ayant connu la guerre (Seconde Guerre Mondiale surtout, Algérie, Indochine), et la montée en puissance de celles n’ayant même pas connu le service militaire. Je ne dispose pas des données qui me permettraient de l’affirmer avec certitude, mais je fais l’hypothèse suivante : le fait majeur des dernières décennies n’est ni une augmentation ni une diminution de la violence, mais plutôt une fracture toujours plus grande entre la part violente de la population et sa part non violente. Les uns hésitent de moins en moins à agresser, sous n’importe quel prétexte, les autres sont devenus incapables de se défendre, quel que soit le danger.

C’est très exactement la situation contre laquelle Ibn Khaldoun mettait en garde au 14ème siècle (les termes entre guillemets sont les siens) : une politique « impériale » visant à désarmer les « producteurs » pour les rendre dociles vis-à-vis du pouvoir en place et des collecteurs d’impôts, les laissant ainsi totalement vulnérables face aux « bédouins » violents et prédateurs. Et ces « bédouins » sont d’autant plus violents que la violence est radicalement condamnée par la culture « impériale », ce qui donne aux « bédouins » le sentiment d’être une élite guerrière de « vrais hommes » légitimement supérieurs à ces « producteurs » lâches et sans virilité, des loups dominant les moutons. La justice de « l’empire » s’abat implacablement sur les « producteurs » solvables, mais se montre d’une passivité coupable envers les « bédouins », se contentant de les maintenir à distance des lieux de vie des « élites » en considérant que les soumettre véritablement coûterait trop cher, ou du moins plus cher que cela ne rapporterait ensuite en termes de recettes fiscales.

Toute ressemblance avec un gouvernement qui envoie les forces de l’ordre contre les Gilets jaunes contribuables mais garde soigneusement ces mêmes forces de l’ordre en dehors des zones de non-droit où vivent les bénéficiaires d’allocations massives et de « politique de la ville » – nouvelle forme du « tribut versé aux barbares » – n’est pas fortuite. De même que la ressemblance avec une législation et une justice qui soutiennent les squatteurs contre les propriétaires…. Demandez-vous ceci : où se fait-on verbaliser pour non-respect du couvre-feu ou non-port du masque ? Dans quels quartiers ? Quelles populations sont véritablement soumises à ces contraintes, et quelles sont celles qui y échappent ?

Remettre la honte à sa juste place, se réarmer moralement

La lucidité d’Ibn Khaldoun est frappante, y compris dans ses mises en garde. Au stade où nous sommes succède toujours, selon lui, la prise de pouvoir par ceux qui n’ont pas renoncé à la violence, éventuellement après une période de chaos et de pillages généralisés : coup d’état militaire si l’armée n’a pas encore été « castrée », ou morcellement du territoire partagé entre chefs tribaux et « seigneurs de la guerre ».

Depuis les cités grecques tenant tête au Roi des Rois jusqu’à la « Nation en armes », on ne connaît qu’un seul moyen d’échapper à la fatalité que décrit Ibn Khaldoun : le réarmement moral du peuple dans son ensemble. La réhabilitation de la force comme rempart contre la violence, Athéna terrassant Arès, les chevaliers repoussant les pillards – mais sans se limiter à une élite chevaleresque : en mobilisant le peuple entier. Et cela suppose de commencer par rendre à notre peuple le sens de sa propre dignité, de sa légitimité à vivre et se défendre sur la terre de ses ancêtres, lui restituer dès le plus jeune âge sa fierté – de son histoire, de sa culture, de ses valeurs – et la conviction de son honneur. Remettre la honte à sa juste place, pour citer encore une fois l’excellent Maurice Berger. Arrêter de dire que le peuple français serait un coupable ontologique ou une relique d’un passé révolu, tandis que ses ennemis seraient nécessairement innocents et conformes au « sens de l’histoire » (cette excuse facile de ceux qui se laissent porter par les vents de la mode), et lui rendre le droit de désigner clairement ses agresseurs. Ainsi, et ainsi seulement, pourra-t-il relever la tête, dire « ça suffit », et triompher des prédateurs et charognards qui voudraient se partager sa dépouille, qu’il s’agisse des racailles, des spéculateurs prêts à le réduire à la misère et à vendre à la découpe son pays et ses droits, ou des aspirants dictateurs qui rêvent de lui imposer un totalitarisme racial ou religieux.

Hollywar, l’idéologie en 24 images/seconde

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"Rambo 2 : La Mission" de George Cosmatos (1985) © Rex Features/REX/SIPA Numéro de reportage : REX40118132_000001

Cela fait un certain temps que je voulais rendre compte du livre de Pierre Conesa, Hollywar, paru en 2018 chez Robert Laffont. Sous-titré « Hollywood, arme de propagande massive », il décrit dans le détail, catégorie par catégorie, la façon dont, dès le départ, à l’aube du XXe siècle, la machine à filmer américaine a fabriqué le socle de l’Histoire et du pouvoir américains.

« Hollywood est la plus intelligente et la plus efficace machine à stéréotypes de l’histoire contemporaine », écrit l’auteur. Et d’analyser comment l’Amérique blanche s’est constituée cinématographiquement (et successivement) face aux Noirs, aux Peaux-Rouges, à « toutes les nuances de Jaune », puis globalement aux basanés (peu importe au cinéma hollywoodien que le méchant soit arabe ou iranien, pour le spectateur moyen, c’est pareil — ce qui doit faire hurler à Riyad ou à Téhéran), puis face aux Blancs nazis ou communistes (et, sous Bush Jr et Trump, le Français, nécessairement veule et lâche).

En vrai scientifique, l’auteur passe assez rapidement sur les chefs-d’œuvre, réservés au fond à une intelligentsia internationale qui compte peu, et s’intéresse aux films que voient effectivement les Américains : les « petits » films des années 1950, quand on avait deux bandes pour le prix d’une, ou les « blockbusters » des années 2000 font appel aux même réflexes : instiller la peur, désigner la menace (qui n’est pas toujours « fantôme », comme dans Star Wars), exalter l’homme de la rue et son bon sens américain — ce que Conesa appelle le héros « jacksonien » —, et « s’assurer que les films de guerre se terminent par la victoire ».

C’est ainsi que le Pont de la rivière Kwaï, inspiré d’un roman français qui se termine par l’échec de la mission, a été trituré de façon à ce que, providentiellement (ah, cette chute d’Alec Guinness sur le détonateur qui envoie le pont et le train dans la rivière, pile au bon moment !) l’histoire se termine bien : victoire du Bien, et grand massacre de Japonais.

L’objectif, dans cette nation qui a peu d’Histoire (cela fait quand même 500 ans qu’elle prétend sortir de l’œuf), est de faire de son cinéma une grande épopée collective. Le western a joué un rôle magistral dans cette réécriture du passé. Le film de guerre aussi : combien de guerres du Vietnam ont été gagnées sur l’écran ! En 1985 (cela ne fait jamais alors que dix ans que Saïgon est tombée), Sylvester Stallone (dans Rambo II, la Mission) entreprend de regagner la guerre à lui tout seul en allant délivrer des prisonniers de guerre. 300 millions de dollars de recettes (pour 25 de budget), cela donne une idée de la façon dont le film a été plébiscité.

Comme dit Conesa, quel film français aurait eu l’audace de montrer un commando retournant en Algérie après 1962 pour venger les soldats émasculés par le FLN ?

Et c’est là qu’une différence majeure apparaît entre la production française (la troisième au monde, rappelons-le, après les Américains et les Indiens de Bollywood) et la production américaine. Les Etats-Unis sont un pays « sûr de lui et dominateur », comme disait l’autre…  Un pays qui n’a pas rendu les armes à toutes les forces de dispersion et de désintégration auxquelles la France s’est livrée sans combattre. Le cinéma français, lui, s’occupe d’histoires sentimentales d’une mièvrerie insoutenable, de familles recomposées, d’Arabes et de Noirs maltraités par une police légèrement fascisante (à croire qu’Assa Traoré écrit des scénarios à la chaîne). Il ne s’intéresse plus à l’histoire millénaire de ce « cher et vieux pays » (cherchez donc le dernier film historique de poids), elle surfe sur l’actualité la plus vulgaire, ou maltraite de grands classiques : la presse spécialisée s’acharne ainsi à faire croire que Ladj Ly a pondu une version des Misérables supérieur à toutes celles qui l’ont précédée. Tapez « Les Misérables film » sur Google, et tout renvoie, sur les dix (!) premières pages, à l’œuvrette de Ly — avec une (et une seule) insertion pour celui de Robert Hossein avec Lino Ventira. « Un film qui bouscule la Macronie » titre l’Express — alors qu’en fait il la conforte, dans sa vision déshistoricisée et acculturée de l’Histoire de France. Du chef-d’œuvre de Raymond Bernard (1934) où jouait (entre autres) le pharamineux Harry Baur, aucune nouvelle.

Nous sommes honteux de notre histoire, honteux de notre rayonnement. Le français est la sixième langue la plus parlée dans le monde, mais nous répugnons désormais à l’enseigner, nous nous pâmons devant la façon dont on massacre la langue de Marivaux dans l’Esquive, qui se prétend une révision du Jeu de l’amour et du hasard — et il se trouve une foule de critiques pour nous assurer qu’Abdellatif Kechiche est un vrai metteur en scène. Pendons-les !

Non seulement nous ne savons plus faire de grands films, mais nous sommes incapables d’en faire d’efficaces. L’idéologie française est morte — et le pays avec elle. Nous avons exporté les Lumières aux quatre coins de la planète, mais nous devons nous en excuser. Nous avons inventé la galanterie, mais nous devons l’oublier. Nous avons aboli l’esclavage bien avant les Américains, mais nous devons nous flageller au souvenir des négriers nantais.

Pierre Conesa a certainement joué, en forgeant le néologisme « Hollywar », sur la proximité phonétique entre « holly », le houx, et « holy », saint / sainte. C’est bien une « Holywar » que mène l’Amérique contre tout ce qui voudrait la réduire. Les universités peuvent bien bruire d’invectives « woke », le grand public américain s’en fiche, il plébiscite les films qui glorifient le pays, il met des bannières étoilées dans toutes les classes, il entame le Super Bowl par un hymne national chanté par tous les joueurs la main sur le cœur — pendant que nous avons autorisé, nous, Christian  Karembeu à snober la Marseillaise, et que nous l’avons encore sélectionné après ce camouflet qui aurait dû le renvoyer à sa chère Nouvelle-Calédonie.

Nous avons renoncé — et si quelque chose le prouve, c’est l’écart entre la production  hollywoodienne, toujours dominante, et les raclures de bidet de la cinématographie française. Une décadence se repère aux démissions qu’elle tolère. Et les politiques de quotas qui se mettent en place — voir le très imbécile rapport de Pap Ndiaye sur l’introduction de la diversité à l’Opéra de Paris, le « cygne noir » de Tchaïkovski  aura désormais intérêt à l’être pour de bon — sont autant de courses à qui se fera le plus servile face à des idéologies qui n’ont pas peur de s’afficher comme telles. L’islam, par exemple.

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Démocratie, virus et procureurs

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Paris, 4 février 2021 © Stephane Lemouton -POOL/SIPA Numéro de reportage : 01003055_000014

L’exercice solitaire du pouvoir en période de crise sanitaire nous transforme en enfants manipulés.


C’est étrange, tout de même, ce que devient la démocratie à l’époque de la pandémie. D’un côté, Emmanuel Macron. C’est lui et lui seul qui prend les décisions concernant, de l’autre côté, 66 millions de Français ou, pour reprendre ses propres termes, « 66 millions de procureurs ». Pour Emmanuel Macron, être inquiet des ratés du vaccin, se demander quelle est, au juste, la politique mise en œuvre pour contrer le virus, c’est être un procureur. On aurait plutôt eu tendance à penser, au contraire, qu’il s’agissait là, précisément, d’être ce qu’on appelait naguère un citoyen. 

Entre deux portes

Cet exercice solitaire du pouvoir a été poussé jusqu’à la caricature quand Macron, le  29 janvier, a décidé qu’il n’y aurait pas de reconfinement alors que ses propres ministres et la plupart des scientifiques concernés annonçaient le contraire depuis plusieurs jours. Il a même poussé, ce jour-là, le sadisme jusqu’à la caricature puisque c’est le Premier ministre qui a été chargé d’annoncer, entre deux portes, le statu quo alors que venait  de se tenir le Conseil de défense. Un Castex ectoplasmique, réduit à un simple collaborateur de second ordre. 

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On peut s’interroger, nous, les procureurs, sur ce qui a motivé un tel choix. On nous a dit que les chiffres n’étaient pas si alarmants que ça, qu’une moyenne quotidienne de 25 000 contaminations et de 300 morts, c’était tenable. On rappellera par comparaison que 25 000 habitants, c’est tout de même une petite ville et que 300 morts, c’est l’équivalent d’un Airbus qui s’écraserait chaque jour.

Circulez, y a rien à voir !

Mais le président de la République avait décidé que. Mais le président de la République avait ordonné que. Mais le président de la République savait que. Mieux que tout le monde.  Circulez, y a rien à voir ! Même Delfraissy, le patron du Conseil scientifique, qui avait sonné le tocsin les jours précédents, mangeait son chapeau et déclarait, je cite, qu’ « on n’était pas à une semaine près. » On imagine difficilement comment aller plus loin dans l’autoritarisme et dans la manière de jouer avec les nerfs d’une population déjà épuisée psychiquement.

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Mais Macron ne se contente pas de montrer qu’il est « le maitre des horloges » selon la métaphore journalistique qui ne veut rien dire puisque, président ou simple citoyen, c’est le temps qui est notre seul vrai maître : on ne peut ni revenir dans ce passé qui nous semble si lointain – il y a pourtant à peine un an que nous vivons avec le virus- ni nous projeter plus vite dans un futur où nous nous retrouverions libérés de la pandémie dans une vie où l’on pourrait à nouveau se serrer la main, s’étreindre, se faire la bise, où l’on reverrait des amoureux à bouche que veux-tu sur les bancs publics chers à Brassens.

Les comités fantômes

Comble de l’hypocrisie, Macron veut en plus nous donner l’illusion, alors qu’il gouverne par ordonnances et que le parlement est devenu une chambre d’enregistrement pour procédures accélérées, que nous sommes toujours dans une démocratie. D’où les initiatives ridicules pour noyer le poisson comme ce comité de 35 citoyens pour évaluer la politique vaccinale. Un comité fantôme, dérisoire, déjà aux oubliettes, dont les avis n’auront guère plus d’effets que la Convention des 150 pour le climat.

Jamais une crise n’aura révélé à ce point ce que nous sommes devenus : ni des citoyens, ni des « procureurs » mais des enfants égarés par les rodomontades d’un monarque qui n’écoute plus que lui-même.

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Assa Traoré nage en plein délire!

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Ladj Ly et Assa Traoré à une conférence de presse, juin 2020 JOLY LEWIS/SIPA Numéro de reportage : 00966446_000008

Les ignominies proférées contre la police par la sœur d’Adama Traoré dans « Jeune Afrique », ce sont d’abord des ignominies contre notre nation dont les forces de l’ordre sont l’une des incarnations républicaines. Pourquoi seules des paroles singulières, courageuses, osent-elles s’exprimer? Pourquoi le pouvoir, lui, a-t-il peur? 


« Oui nous sommes en danger, oui les noirs sont en danger, oui les arabes sont en danger, oui les personnes issues de l’immigration sont aussi en danger (…), meurent sous les violences et les coups de cette police… » Pour faire bonne mesure, cette litanie intègre, avec le même registre, « les gens du voyage » et la « communauté asiatique ». La police les tue tous.

A lire aussi: Assa Traoré lance un appel contre la France dans le magazine «Jeune Afrique»

Je n’invente pas. C’est Assa Traoré qui parle, il s’agit de la police et de la gendarmerie françaises, il s’agit de la France. Sur le site de Jeune Afrique, le vendredi 5 février.

La réplique cocasse de Mila

Ce sont des délires mais personne ne bronche. Le syndicalisme policier est muet. On ne peut se satisfaire de la seule réplique acerbe de Mila : « les jeunes filles blanches non plus (et je sais de quoi je parle !) ».

On ne saurait non plus abandonner la partie face à la défense d’une cause douteuse, celle de son frère Adama, au passé très imparfait, mort après s’être soustrait à une interpellation dans des conditions faisant encore l’objet d’une information. Les magistrats en charge semblent d’ailleurs tétanisés à l’idée de clôturer le dossier en prenant une décision quelle qu’elle soit. Ce sont des délires mais personne ne bronche.

L’insécurité des Asiatiques ne provient pas de la police…

Comme si Assa Traoré était protégée par ses propres énormités, à l’égard desquelles les outrances d’une Camélia Jordana sont quasiment des gracieusetés. La violoniste Zhang Zhang, en tout cas, a répondu à Assa Traoré sur la communauté asiatique: « c’est gentil à elle de se soucier de la communauté asiatique en France… comme elle l’a dit elle ne se sent pas en sécurité à cause de la criminalité croissante qui la vise mais cette violence anti-asiatique ne vient pas de la police ».

A lire aussi: Génération identitaire victime de la dissolution de BarakaCity

Pourquoi seules des paroles singulières, courageuses, osent-elles s’exprimer ? Pourquoi le pouvoir, lui, a-t-il peur ? On a bien compris que Gérald Darmanin avait envie de changer de registre. Moins vigoureux, plus « centriste ». Depuis longtemps – il le ressasse – on sait qu’il est un adversaire farouche du RN et tout récemment il s’en est pris à Génération identitaire qui il est vrai, aujourd’hui, représente un danger capital pour la République !! On aboutit à cet amer paradoxe que la haine des forces de l’ordre et de la France est davantage acceptée que l’amour parfois transgressif de notre pays. En réalité, Assa Traoré intimide une autorité de l’État pourtant fermement mobilisée pour des contraventions vénielles. Parce que, derrière elle, se trouvent des minorités décolonialistes, indigénistes, éprises de repentance (pour les autres), exécrant l’homme blanc, porteuses d’un féminisme vindicatif, violent et absurde décourageant toute lutte intelligente.

On laisse des militants salir notre France

Une extrême faiblesse se cache derrière ces abstentions et il serait plus courageux de sanctionner et d’interdire ces haineuses dénonciations, cette globalité honteuse que d’évoquer sept péchés capitaux pour le Beauvau de la sécurité en oubliant le huitième : la lâcheté absolue de l’Etat.

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Je devine ce qu’il y a de résignation, voire de réalisme condescendant à l’égard des délires d’Assa Traoré: on la connaît, elle disjoncte régulièrement, elle est lamentablement prévisible et au fond personne ne la suit, elle cultive jusqu’au paroxysme la folie française d’agonir d’injures la police, ça lui passera ! Cette attitude masque la réalité qui est de laisser à certains le droit d’humilier, de salir la France, de cracher, avec quelle acrimonie et virulence, sur un pays où ils vivent, manifestent. Ces ignominies contre la police, ce sont d’abord des ignominies contre notre nation dont les forces de l’ordre sont l’une des incarnations républicaines. Se taire, ne rien faire de la part des ministres, ne pas s’émouvoir pour la Justice – le droit de la presse et de la communication est pourtant si inventif quand il s’agit d’Eric Zemmour ! – validera une offensive pas seulement verbale : elle a une traduction dans les mille affrontements d’une société de moins en moins civilisée, qu’on laisse décliner même pas avec mauvaise conscience.

Assa Traoré aurait bien tort de se gêner. Une démocratie authentique (que ses contempteurs aillent se livrer aux mêmes procès en Chine ou en Russie et ils verront !) qui ne sait plus se faire respecter n’est plus à la longue respectable.