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Explosion des «homicidités» et mutation de la violence en France

Vers une France Orange mécanique?


Explosion des «homicidités» et mutation de la violence en France
Dans "Le Figaro", le criminologue Alain Bauer annonce qu' "un profond mouvement de retour de la violence physique est en train de se produire, ignoré ou sous-estimé..." Photo: Hannah Assouline.

La France s’enlise dans une violence endémique. Alain Bauer a forgé un indicateur baptisé «homicidité», qui recompose en un puzzle cohérent ce que le ministère de l’Intérieur comptabilise de manière éparse (règlements de comptes entre malfaiteurs, homicides à l’occasion de vol, autres homicides, tentatives d’homicides à l’occasion de vols, autres tentatives d’homicides, coups et blessures volontaires suivis de mort etc.). Le criminologue observe que les «homicidités» ont bondi de 90% en France depuis vingt ans ! En augmentation, cette violence est également en train de muer… Analyse.


L’ensauvagement de notre société est un fait. Pour le comprendre, il faut à la fois éviter les généralités trop grossières, et les finasseries excessives qui masquent mal le refus de conclure et d’agir. Si les derniers travaux d’Alain Bauer tombent dans le premier travers, tout en mettant en évidence une tendance indéniable, nombre de critiques qui lui sont faites semblent, sous couvert de recherche de précision, avant tout rechigner à dire clairement des réalités gênantes.

D’abord, ce que tout le monde sait. La violence médiatisée l’été dernier – affrontements interethniques de Dijon, habitants de Palavas obligés de s’organiser en quasi-milice pour mettre fin aux exactions des « jeunes », débordements à la base de loisirs d’Étampes – aurait été quasiment inconcevable il y a trente ans. Ou au pire circonscrite à quelques agglomérations : Paris, Marseille, Lyon, Lille. Et même là, des agressions comparables à celle dont a été victime le jeune Yuriy étaient bien plus rares qu’aujourd’hui. Désormais, hélas, les « zones de non droit » sont généralisées, servant de point de départ aux activités de prédation d’une délinquance de plus en plus violente.

Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003
Des tensions ont eu lieu à Dijon au quartier des Grésilles, plusieurs voitures ont été incendiées après plusieurs jours de violences entre tchetchenes et des habitants du quartier. Un renfort de policiers est attendu sur place ainsi que la présence du RAID. Photo le 15 juin 2020 © DOLIDZE SABRINA/SIPA Numéro de reportage: 00967356_000003

De nouveaux profils

Pour autant, dans d’autres domaines la violence diminue: qui se souvient des affrontements entre forces de l’ordre et sidérurgistes ou marins-pêcheurs sait que les manifestations d’aujourd’hui sont nettement moins dures. En revanche, les embuscades tendues aux patrouilles de police ou de gendarmerie se multiplient et sont passées du caillassage aux cocktails Molotov. Mutation de la violence : ceux qui agressent quotidiennement les forces de l’ordre n’ont pas du tout le même profil que les anciens sidérurgistes ou marins-pêcheurs.

La vision trop globale passe à côté de l’essentiel. Car la situation au regard de la délinquance, de la violence et de la valeur accordée à la vie humaine, n’est pas la même à Mayotte et en Vendée, dans le 16ème arrondissement et sur la « colline du crack ».

Il faut se pencher en détail sur le profil des auteurs comme des victimes, et se décider notamment à briser le tabou des statistiques ethniques. Les remarquables travaux du Dr.Maurice Berger sont éclairants, il est irresponsable de refuser de les prendre en compte au nom d’une posture idéologique hypocrite. Nous avons importé par centaines de milliers des personnes dont la culture banalise totalement la violence, voire la valorise pour établir une hiérarchie interne, et plus encore lorsqu’elle permet la prédation au bénéfice du groupe : famille, clan, quartier, etc. Il faut étudier la brutalité endémique des parents contre les enfants dans certains milieux, tout comme dans ces mêmes milieux la prégnance d’une violence sexuelle à laquelle nos pseudo-féministes feraient bien de s’attaquer plutôt que de déblatérer sur le « mansplaining » et l’écriture inclusive.

Il faut aussi mentionner la chute du mur de Berlin : ce ne sont pas Christiane Taubira et Eric Dupont-Moretti qui vont effrayer des réseaux criminels ayant survécu aux dictatures communistes, et qui se sont désormais installés à l’Ouest.

Policiers: sortez des bureaux!

Car il faut évoquer l’action – ou l’inaction – de l’État. Dispose-t-on de données consolidées sur le nombre d’heures que consacre chaque jour, en moyenne, un policier ou un gendarme à patrouiller ? Combien de temps lui prennent les tâches administratives ? Combien d’heures pour le respect tatillon du formalisme de la procédure pénale, et combien pour la recherche de la vérité ?

Il faut oser dire l’incurie notoire de l’institution judiciaire, et son absence totale d’efficacité dissuasive envers ce que l’on appelle les « délinquants d’habitude », c’est-à-dire les personnes qui ont choisi la délinquance comme mode de vie. Sentiment d’impunité qui encourage la violence des prédateurs mais accroît aussi la peur de victimes n’osant pas se défendre car elles savent qu’elles ne bénéficieront ni du soutien de l’État ni de la mansuétude des juges. Voilà le résultat de l’idéologie du juge Baudot, voilà ce qui arrive lorsque l’on punit plus sévèrement l’honnête citoyen qui se défend que le délinquant qui agresse. Impunité qui pousse également à la surenchère dans la violence pour faire étalage de sa « puissance » : théâtralisation et diffusion d’images via les réseaux sociaux, comme des chasseurs exhibant fièrement leurs trophées.

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En même temps que la violence est de plus en plus ouvertement tolérée de la part des uns (présentés comme des « victimes de la société » – des inégalités sociales, du « racisme systémique », que sais-je – ce qui ne peut que les encourager dans leur agressivité) elle est aussi de plus en plus radicalement condamnée chez les autres, non seulement juridiquement mais aussi culturellement, ce qui désarme les victimes à la fois physiquement et psychologiquement.

C’est là qu’interviennent des différences culturelles majeures. Ainsi de la Corse, cas emblématique d’une situation où la population dans son ensemble sait encore se défendre. La fréquence plus élevée de certains types d’homicides ne doit pas masquer le fait que l’île est, dans l’ensemble, très sûre : le nombre de viols et d’agressions sexuelles (rapporté au nombre d’habitants) y est l’un des plus faibles de France, si ce n’est le plus faible.

Politique de la Ville: un tribut versé aux barbares?

C’est là aussi qu’il faudrait se pencher sur l’impact de la mort progressive des générations ayant connu la guerre (Seconde Guerre Mondiale surtout, Algérie, Indochine), et la montée en puissance de celles n’ayant même pas connu le service militaire. Je ne dispose pas des données qui me permettraient de l’affirmer avec certitude, mais je fais l’hypothèse suivante : le fait majeur des dernières décennies n’est ni une augmentation ni une diminution de la violence, mais plutôt une fracture toujours plus grande entre la part violente de la population et sa part non violente. Les uns hésitent de moins en moins à agresser, sous n’importe quel prétexte, les autres sont devenus incapables de se défendre, quel que soit le danger.

C’est très exactement la situation contre laquelle Ibn Khaldoun mettait en garde au 14ème siècle (les termes entre guillemets sont les siens) : une politique « impériale » visant à désarmer les « producteurs » pour les rendre dociles vis-à-vis du pouvoir en place et des collecteurs d’impôts, les laissant ainsi totalement vulnérables face aux « bédouins » violents et prédateurs. Et ces « bédouins » sont d’autant plus violents que la violence est radicalement condamnée par la culture « impériale », ce qui donne aux « bédouins » le sentiment d’être une élite guerrière de « vrais hommes » légitimement supérieurs à ces « producteurs » lâches et sans virilité, des loups dominant les moutons. La justice de « l’empire » s’abat implacablement sur les « producteurs » solvables, mais se montre d’une passivité coupable envers les « bédouins », se contentant de les maintenir à distance des lieux de vie des « élites » en considérant que les soumettre véritablement coûterait trop cher, ou du moins plus cher que cela ne rapporterait ensuite en termes de recettes fiscales.

Toute ressemblance avec un gouvernement qui envoie les forces de l’ordre contre les Gilets jaunes contribuables mais garde soigneusement ces mêmes forces de l’ordre en dehors des zones de non-droit où vivent les bénéficiaires d’allocations massives et de « politique de la ville » – nouvelle forme du « tribut versé aux barbares » – n’est pas fortuite. De même que la ressemblance avec une législation et une justice qui soutiennent les squatteurs contre les propriétaires…. Demandez-vous ceci : où se fait-on verbaliser pour non-respect du couvre-feu ou non-port du masque ? Dans quels quartiers ? Quelles populations sont véritablement soumises à ces contraintes, et quelles sont celles qui y échappent ?

Remettre la honte à sa juste place, se réarmer moralement

La lucidité d’Ibn Khaldoun est frappante, y compris dans ses mises en garde. Au stade où nous sommes succède toujours, selon lui, la prise de pouvoir par ceux qui n’ont pas renoncé à la violence, éventuellement après une période de chaos et de pillages généralisés : coup d’état militaire si l’armée n’a pas encore été « castrée », ou morcellement du territoire partagé entre chefs tribaux et « seigneurs de la guerre ».

Depuis les cités grecques tenant tête au Roi des Rois jusqu’à la « Nation en armes », on ne connaît qu’un seul moyen d’échapper à la fatalité que décrit Ibn Khaldoun : le réarmement moral du peuple dans son ensemble. La réhabilitation de la force comme rempart contre la violence, Athéna terrassant Arès, les chevaliers repoussant les pillards – mais sans se limiter à une élite chevaleresque : en mobilisant le peuple entier. Et cela suppose de commencer par rendre à notre peuple le sens de sa propre dignité, de sa légitimité à vivre et se défendre sur la terre de ses ancêtres, lui restituer dès le plus jeune âge sa fierté – de son histoire, de sa culture, de ses valeurs – et la conviction de son honneur. Remettre la honte à sa juste place, pour citer encore une fois l’excellent Maurice Berger. Arrêter de dire que le peuple français serait un coupable ontologique ou une relique d’un passé révolu, tandis que ses ennemis seraient nécessairement innocents et conformes au « sens de l’histoire » (cette excuse facile de ceux qui se laissent porter par les vents de la mode), et lui rendre le droit de désigner clairement ses agresseurs. Ainsi, et ainsi seulement, pourra-t-il relever la tête, dire « ça suffit », et triompher des prédateurs et charognards qui voudraient se partager sa dépouille, qu’il s’agisse des racailles, des spéculateurs prêts à le réduire à la misère et à vendre à la découpe son pays et ses droits, ou des aspirants dictateurs qui rêvent de lui imposer un totalitarisme racial ou religieux.



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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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