Accueil Site Page 1104

Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines

0

Dans l’affaire du professeur Didier Lemaire, le maire et le préfet se sont déconsidérés.


Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines. Et les élus locaux comme le maire de Trappes, Ali Rabeh, le président du Conseil départemental, Pierre Bédier ou le représentant de l’État local, le Préfet Jean-Jacques Brot, en portent la lourde responsabilité.

C’est dans les Yvelines que Samuel Paty a été décapité par un islamiste, en sortant du collège où il enseignait et c’est à nouveau dans les Yvelines qu’un autre professeur se retrouve menacé de mort pour avoir dénoncé l’emprise islamiste sur Trappes. 

Une emprise connue de tous, deux journalistes du Monde en ont même fait un livre racontant la montée du communautarisme dans la ville[tooltips content= »La communauté, Raphael Bacqué et Ariane Chemin »](1)[/tooltips]. Trappes a fourni un des plus gros contingent de jihadistes à l’État Islamique, plus même que Molenbeek. Entre 60 et 80 jeunes sont partis, au point que Trappes a reçu le surnom de « capitale d’Europe des départs en Syrie ». En 2013, le contrôle d’une femme en voile intégral ayant déclenché des violences de la part du mari contre le policier, Trappes s’était enflammé pour soutenir les époux radicalisés et eut ainsi l’honneur d’inaugurer les premières émeutes au nom de la volonté d’imposer l’islam radical sur notre territoire. Plus près de nous Marlène Schiappa avait voulu délocaliser son cabinet ministériel quelques jours à Trappes, en 2018, lors d’une déambulation, elle voulut entrer dans un café. Celui-ci étant apparemment réservé aux hommes, le préfet l’a dissuadé d’y aller pour éviter l’incident. Préférant inviter la ministre à se soumettre au sexisme plutôt que de faire respecter la loi française. Quant à l’Union des Musulmans de Trappes ils sont notoirement proches des frères musulmans.

A lire aussi, Martin Pimentel: Courbevoie, l’attentat inconnu

Aujourd’hui la boucle est bouclée et c’est encore un professeur, cible de choix pour les islamistes qui est menacé. Ce qu’il dénonce est exact et s’appuie sur la réalité : Trappes est un des hauts lieux de l’influence de l’idéologie islamiste. Une telle emprise s’explique par des années de clientélisme, d’aveuglement d’intimidation et d’omerta. Il faut dire que de nombreuses stars issues de ce biotope, dont Jamel Debbouze par exemple, se mobilisent immédiatement pour jeter l’opprobre sur ceux qui osent parler de la réalité de ce qu’ils vivent et ils font tellement de bruit que cela éclipse les départs en Syrie, les émeutes, les voiles intégraux et le clientélisme. Pourtant ils ont tous choisi avec leurs pieds de quitter ce lieu soi-disant si épanouissant et injustement déconsidéré. Tellement épanouissant que dès que c’est possible, ses laudateurs s’installent ailleurs. Loin.

L’attitude du préfet et du maire décriée, un curieux barbier…

Mais surtout, après le traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty, on se serait attendue à la mobilisation des élus et du Préfet aux côtés de cet autre professeur menacé. Par simple réflexe d’humanité avant même que cela ne soit une question de devoir et de responsabilité. Mais non, ils préfèrent symboliquement lui tirer dans le dos. Pour le coup la trahison des principes et valeurs de la République est avérée. 

Si les préfets deviennent les meilleurs alliés de ceux qui menacent les enseignants, c’est tout l’État qui se déconsidère. Si un maire peut investir une école pour faire sa propagande, alors où sont les limites à son délire de toute puissance?

Le pire est le Maire de Trappes. Lequel menace le professeur et l’attaque en justice, comme aux époques primitives où quand le message déplaisait, on mettait à mort le messager, comme si cela pouvait occulter la réalité. Accompagné d’autres élus, ce maire s’est même introduit dans le lycée, l’investissant pour distribuer sa propagande. Ce qui est parfaitement illégal et antirépublicain et montre à quel point, chez ces personnes qui croient que le pouvoir est la possibilité d’ignorer la loi, il n’y a ni limites ni règles quand leurs intérêts sont attaqués. Là où l’abjection est avérée, c’est que le tract du maire est une attaque basse contre le professeur, elle met Didier Lemaire en danger puisqu’il est accusé de dénigrer les élèves et les habitants de Trappes, et de gâcher ainsi la réputation de la ville et l’avenir de la jeunesse. On appelle cela désigner une cible. Comme si avoir fourni un plus gros contingent de jihadiste pour la Syrie n’était rien et que le seul problème de Trappes était le discours d’un lanceur d’alerte.

Le tract du maire Ali Rabeh.
Le tract du maire Ali Rabeh.

Mais le maire s’en moque. Le fait que son élection ait été invalidée et qu’il ait été condamné à un an d’inéligibilité pour des comptes de campagne faux, en dit beaucoup sur la personnalité d’un homme qui ne se maintient au pouvoir que grâce aux délais de son recours en appel. Dernière manipulation en date, le coup du « coiffeur mixte » ! Didier Lemaire ayant affirmé que trouver un salon de coiffure mixte était compliqué à Trappes, le maire Ali Rabeh a convoqué les caméras de CNews pour leur prouver l’existence d’un coiffeur mixte et déconsidérer la parole du professeur. Un barbier en l’occurrence. Pas de chance, la supercherie a été vite découverte et sur les réseaux sociaux les photos du changement de présentation du site, passant de « pour les hommes » à « mixte » en l’espace d’une journée font la joie des internautes. En espérant discréditer Didier Lemaire, de telles manœuvres jettent surtout le doute sur la démarche du maire. Non seulement celui-ci vient de montrer qu’il n’hésitait pas à attaquer un homme menacé par des fanatiques, lesquels qui sont déjà passé à l’acte, mais rien ne parait arrêter son entourage quand il s’agit de s’en prendre à un homme en danger. 

La “dentelle” trappiste

Que le comportement du Maire soit douteux n’est hélas pas si étonnant. En région parisienne le clientélisme est une martingale électorale. Et l’alliance avec les islamistes paye. Mais que penser de l’attitude du préfet ? Lui ne dépend pas du résultat des élections et pourtant son comportement est particulièrement choquant. Il reconnait certes que Trappes est un terrain difficile mais accuse surtout Didier Lemaire, le professeur menacé de saccager ses efforts. Sauf que l’on ne voit guère de quels efforts il parle. Au vu des derniers évènements, on ne peut pas dire que la veille sur l’islamisme dans les Yvelines soit un succès pourtant. Le préfet évoque un « travail de dentelle ». Sérieusement ? Face au fascisme islamiste et à la propagande séparatiste ? Le préfet compte vraiment faire reculer l’islamisme en sacrifiant des professeurs menacés au dialogue avec les salafistes et les frères musulmans ? C’est quoi faire de la dentelle, quand les signaux dans les Yvelines au lieu de passer au vert tournent au rouge vif ?

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

La question se pose d’autant plus qu’un très bon policier, qui justement avait pris la direction du renseignement territorial du 78, Jean-Luc Taltavull aurait été viré par le Préfet, pour satisfaire la demande de son grand ami, Pierre Bédier, le président du conseil départemental. Le clientélisme de celui-ci avec les officines de l’islam radical est régulièrement dénoncé. Il faut dire que les campagnes des salafistes pour appeler à voter pour les proches de Bédier ont été particulièrement peu discrètes et ont été dévoilé par une grande enquête de Marianne, parue le 19 octobre 2019, « Radicalisation : élus locaux et renseignement territorial, entre impuissance et lâcheté ». Dans un des articles de l’enquête qui évoque « l’étrange limogeage d’un commissaire » on en apprend de belles sur la grande retenue du Prefet Brot en matière de lutte contre l’islamisme. Attitude qui tranche avec le positionnement offensif de ses prédécesseurs. Ce que raconte l’enquête met très mal à l’aise tant on paraît loin de toute droiture républicaine. Il apparait à la lumière des investigations du journaliste de Marianne, que le commissaire, Jean-Luc Tastavull avait une excellente réputation, mais justement d’après ses collègues, il était efficace donc gênant. Pour avoir évoqué la brutale éviction du secrétaire général du conseil des institutions musulmanes des Yvelines au profit de représentants musulmans plus « rigoristes » soutenus par des élus locaux, et notamment par Pierre Bédier, Jean-Luc Tastavull aurait été écarté sans ménagement. Le commissaire avait osé être explicite sur la campagne d’intimidation orchestrée contre cet animateur musulman réputé modéré, avec en toile de fond des soutiens électoraux promis par ses rivaux. « Un an plus tard, le commissaire Tastavull a été viré par Jean-Jacques Brot, le préfet des Yvelines » (… et ce) préfet, « en 2020, a réclamé au RT la surveillance du milieu… évangéliste. « On a cru rêver », soupire cette source, dénonçant une forme « d’immobilisme général ».

L’élu local et le représentant de l’État fonctionnent en binôme et ils sont probablement considérés comme une aubaine pour les islamistes. Mais alors que l’État fait voter une loi contre le séparatisme, peut être devrait-il commencer par s’assurer que ses relais sur le terrain ne favorisent pas la politique inverse. Cela l’aiderait à gagner en cohérence donc en crédibilité.

Liaisons dangereuses et caïds

On peut donc remercier le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer de rappeler le maire à ses devoirs, tout en pensant que cela mériterait qu’une plainte soit déposée. Une telle attitude devrait être traduite en justice, ne serait-ce qu’histoire que tout le monde comprenne que devenir maire, ce n’est pas se faire élire « caïd » d’un territoire. On peut remercier aussi M. Gerald Darmanin d’avoir fait protéger le professeur menacé tout en l’invitant à se pencher sur les liaisons dangereuses entre le préfet, le président du conseil départemental et les représentants de l’islamisme radical. 

A lire aussi, du même auteur: Décapité pour avoir montré un dessin

Comment les Français peuvent-ils se sentir en sécurité quand après l’assassinat de Samuel Paty, le préfet du département et le maire de la ville n’hésitent pas à accrocher une cible dans le dos d’un autre professeur courageux ? Si les préfets deviennent les meilleurs alliés de ceux qui menacent les enseignants, c’est tout l’État qui se déconsidère. Si un maire peut investir une école pour faire sa propagande, alors où sont les limites à son délire de toute puissance ?

Voilà pourquoi la sanction du préfet, comme la traduction du maire en justice, seraient un service à rendre aux citoyens et à la République. Parce qu’en l’état actuel des choses, dans les Yvelines, cette histoire est en train de démontrer la puissance des islamistes et la trahison de l’État et de ses représentants. Alors qui êtes-vous M. Darmanin ? Celui qui fait voter la loi contre le séparatisme, applaudi par 80% des Français, ou celui qui ferme les yeux sur l’influence des islamistes et leurs relais au plus haut niveau ?

Heureusement, il reste des hommes et des femmes dont le courage est remarquable dans l’épreuve. Ce sont les collègues de Didier Lemaire. Ils sont à ses côtés, ont écrit un courrier pour dénoncer le comportement et les pressions des élus. Merci à eux d’être là car ils sauvent par leur dignité une séquence lamentable de la part des autorités.

La Communauté

Price: 20,00 €

58 used & new available from 2,22 €

Silence coupable

Price: 22,70 €

23 used & new available from 3,11 €

Yoram Hazony: le nationalisme est un humanisme


Avec Les Vertus du nationalisme, l’essayiste israélien réhabilite cette idée tenue pour la principale responsable des tragédies du xxe siècle. Pour lui, les nations devraient tout simplement être indépendantes et jouir de la liberté de se développer selon leurs propres histoire et traditions.


Causeur. Votre livre redéfinit positivement le « nationalisme » comme la croyance, non pas à la prééminence de sa propre nation, mais en l’idée que l’ordre mondial le plus stable et le plus juste est celui qui se fonde sur une pluralité d’États-nations indépendants.

Yoram Hazony. Plutôt que de redéfinir le terme, je reviens à son sens traditionnel qui est le plus utile. La définition que je donne est celle avec laquelle j’ai grandi, dans une famille sioniste, et c’est celle qui prévaut toujours dans bien des pays comme l’Inde. Le problème, c’est que, après 1945, beaucoup d’intellectuels libéraux et marxistes, Orwell en tête, ont assimilé le mot à l’usage qu’en faisait Hitler. Si vous lisez celui-ci – et je ne vous recommande pas de le faire ! –, vous découvrirez qu’il utilise le mot « nationalisme » pour désigner son impérialisme raciste. Il a ainsi détourné un terme parfaitement respectable qu’on utilisait depuis longtemps et pour lequel il n’y a pas de substitut dans les langues européennes. Le « patriotisme » évoque l’amour de son pays mais, à la différence du nationalisme, il ne peut pas désigner une théorie politique selon laquelle les nations devraient être indépendantes et libres de se développer selon leurs propres lois et traditions.

Qu’est-ce qui vous a poussé à clarifier le sens de ce terme dans le débat public ?

Il faut remonter aux années 1990 : après la chute du mur de Berlin, le monde est submergé par une vague d’utopisme qui s’exprime par exemple à travers le traité de Maastricht ou le nouvel ordre mondial, alors défini par les États-Unis. Dans cette vision, les nations doivent être neutres, sans identité culturelle ou religieuse particulière, ce qui tend à rendre caduques les frontières qui les séparent. La conséquence est qu’on représente l’histoire et les traditions politiques de chaque nation comme racistes, fascistes et généralement répréhensibles. C’est ce qui se passe quand cette vague de « post-nationalisme » arrive en Israël, où on l’appelle le « post-sionisme ». Israël a été fondé comme un État-nation classique, à l’instar de l’Inde au même moment. Mais à l’époque dont je vous parle, il y a une forte pression idéologique pour déprécier et rejeter les lois et les coutumes spécifiques à la nation, considérées désormais comme des facteurs d’oppression. Avec un groupe de collègues, j’ai donc créé un institut afin de réhabiliter l’État-nation israélien[tooltips content= »Le Shalem Center, aujourd’hui le Shalem College, fondé en 1994. »](1)[/tooltips]. Nous avons réussi à influencer le débat public en Israël. De plus, nos recherches nous ont amenés à étudier l’histoire d’autres pays afin de comprendre les différentes généalogies et expressions de l’idée de nation. En 2016, alors que je travaillais sur un livre consacré plutôt à la théologie, j’ai réalisé que, face à des événements comme le Brexit, il était impératif d’écrire un livre sur l’État-nation.

Votre ouvrage, qui est à la fois un livre d’érudition et un manifeste, est paru d’abord en anglais en 2018. Le débat sur le nationalisme a-t-il avancé depuis ?

La publication des Vertus du nationalisme a grandement stimulé le débat : outre quelque 400 comptes-rendus en anglais, presque autant d’articles ont été publiés sur les colloques que nous avons organisés à Washington et à Londres. Je dirais que la moitié des auteurs de ces textes, qu’ils fussent pour ou contre mes thèses, les ont bien comprises et en ont parlé de manière intelligente et honnête – ce qui est très rare. Un point majeur que j’ai essayé de clarifier concerne ce qu’on appelle le globalisme ou le transnationalisme : à mon sens, il ne s’agit pas d’une nouvelle idée, mais d’une très vieille qui est l’impérialisme. Les globalistes, comme les impérialistes d’antan, cherchent à soumettre toutes les nations de la terre à une seule loi et à une seule organisation, les leurs, parce qu’ils croient savoir ce qui est bon pour nous tous. Avec l’Union européenne et le nouvel ordre mondial des Américains, c’est la notion d’empire qui revient déguisée. Cette rectification a surpris les globalistes autant que leurs adversaires, mais beaucoup l’ont acceptée.

Vittorio Orlando (Italie), David Lloyd George (Angleterre), Georges Clemenceau (France) et Woodrow Wilson (États-Unis) à la conférence de la paix de Paris, en décembre 1918, qui aboutira à la signature du traité de Versailles. © Granger collection / Bridgeman images
Vittorio Orlando (Italie), David Lloyd George (Angleterre), Georges Clemenceau (France) et Woodrow Wilson (États-Unis) à la conférence de la paix de Paris, en décembre 1918, qui aboutira à la signature du traité de Versailles. © Granger collection / Bridgeman images.

Si les concepts et les termes sont plus clairs sur le plan intellectuel, qu’en est-il sur le plan politique ?

En politique, il y a plus de confusion parce que, dans l’esprit des gens, les idées sont inséparables des politiciens qui les portent. Le débat politique sur la nation se confond avec la question « Aimez-vous ou non Trump, Johnson, Orban ou Modi ? ». C’est normal parce que, dans un pays démocratique, on a besoin de discuter des avantages et des inconvénients qu’il y a à élire une personnalité spécifique. Cependant, les idées politiques transcendent les appréciations personnelles. Par exemple, beaucoup de gens ont voté pour Trump, en dépit du fait qu’ils n’appréciaient pas du tout son style, parce qu’il incarnait à leurs yeux l’indépendance, les traditions et la fierté nationales. Il faut dire aussi que beaucoup d’autres n’ont pas l’habitude d’entendre un discours nationaliste : ils en ont peur, et ils ont tort. À mesure que le nationalisme, au sens où je l’entends, se normalisera, on verra émerger une plus grande variété de leaders nationalistes, dont certains seront moins excentriques, plus raisonnables, et en conséquence plus attractifs. Mais ce sera un processus long, sur vingt ou trente ans.

Les politiciens nationalistes sont généralement traités de populistes, ce qui n’est pas un compliment. Quel est le lien entre nationalisme et populisme ?

Ceux qui utilisent le terme « populiste » ont tendance à penser en termes de lutte des classes. Pour eux, notre époque est marquée par le combat entre, d’un côté, les classes moyennes et ouvrières et, de l’autre, des élites fortunées, puissantes et éduquées. Je ne prétends pas que ce combat n’existe pas. Ce qui me gêne dans cette thèse est qu’elle implique que le public au sens large en sait nécessairement plus que les élites. Dans une perspective nationaliste traditionnelle, ce postulat n’a pas de sens. Parfois, le public a raison contre les élites, parfois c’est le contraire. L’approche nationaliste traditionnelle consiste à déterminer quelles relations entre les élites et les autres classes seront les plus propices au bien commun de la nation. En résumé, j’évite le terme « populiste », parce que je ne veux pas réduire les choses à une lutte des classes, même s’il est vrai que, depuis au moins trente ans, nos élites sont majoritairement globalistes et antinationalistes.

Quelles sont les implications de la culture « woke » et des protestations minoritaires qui ont marqué 2020 ? Ces mouvements identitaires ne risquent-ils pas de torpiller toute possibilité de renaissance nationaliste ?

Il y a eu des événements choquants, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, mais plus significative encore a été la capitulation d’institutions établies comme le New York Times ou l’université de Princeton – parmi des centaines d’autres – devant une forme de marxisme remis au goût du jour. Car pour les militants woke, tous ceux qui appartiennent à une catégorie ethnique ou « genrée » qu’ils approuvent – les dominés et les « racisés » –  forment un prolétariat au nom duquel ils cherchent à renverser les structures de pouvoir existantes. L’été dernier, nous avons découvert que les institutions libérales traditionnelles étaient sans défense devant cette subversion révolutionnaire. Et cela aura des conséquences sur le débat intellectuel et politique. Pendant longtemps, le débat a opposé l’internationalisme libéral et le nationalisme – et personnellement j’y ai participé volontiers. Désormais, l’internationalisme libéral se montre très hostile au libéralisme traditionnel. Résultat prévisible, la plupart de ceux qui soutiennent le vieux libéralisme se retrouveront dans le camp des nationalistes. En effet, on les somme de capituler devant cette nouvelle forme de marxisme. Les plus faibles courbent l’échine, mais les plus robustes dans leur libéralisme se rapprocheront du nationalisme.

Le principe de l’autodétermination des peuples, cher au président Wilson au lendemain de la guerre de 14-18, a conduit à la désagrégation des empires. Ce même principe ne risque-t-il pas aujourd’hui de désagréger les nations à leur tour, les fracturant en régions ou en communautés distinctes ?

Ici, il faut faire une distinction entre l’utopisme nationaliste que représente Wilson et le pragmatisme nationaliste que je prône. Toute structure politique peut être décomposée en ses éléments constituants. Nous voyons en Syrie ou en Irak que, quand les structures de gouvernement tombent, la société se décompose en clans indépendants, s’abîme dans une sorte d’anarchie tribale où chaque chef de famille doit s’armer et se défendre pour survivre. La thèse que je développe dans mon livre, et qui ressemble à celle de Pierre Manent, considère l’État-nation indépendant comme un point d’équilibre entre deux forces. D’un côté, la tendance vers l’empire universel qui apporte la paix en imposant un cadre unique à tout le monde. De l’autre côté, la tendance vers de plus en plus d’indépendance qui apporte la liberté, mais au prix du désordre. La première favorise l’harmonie sociale et la prospérité, mais pas la liberté ; la deuxième favorise l’autonomie, mais attise les conflits et la violence. Le nationalisme n’est pas une utopie où chaque groupe qui le désire devient un État indépendant, mais une façon pragmatique de réconcilier empire et anarchie.

Dans ce cas, quelle doit être l’attitude de l’État-nation indépendant sur l’immigration et l’assimilation des immigrés ?

Il faut d’abord accepter le fait qu’un certain degré de diversité dans la population d’une nation est inévitable. Essayer d’imposer la même religion et une langue unique à tous les citoyens revient à transformer un nationalisme pragmatique en un nationalisme utopique, violent et oppressif. Il faut éviter à la fois que la nation vole en éclats et qu’elle devienne un instrument d’oppression. L’homme d’État cherche toujours à renforcer la cohésion de la nation et la loyauté réciproque entre les citoyens. Qu’il soit de gauche ou de droite, il doit se demander si l’immigration à grande échelle renforce la cohésion nationale ou l’affaiblit. Les gens qui arrivent de l’extérieur ne sont pas nécessairement un facteur de désagrégation. Certains étrangers peuvent être très motivés pour devenir français, par exemple, tandis que d’autres viennent seulement pour des raisons de nécessité vitale. Les premiers sont prêts à renforcer la culture nationale, mais les autres veulent défendre leur propre culture. L’homme d’État doit savoir si tel ou tel groupe crée une nouvelle tribu à l’intérieur de la nation, qui n’est pas loyale à celle-ci. Il n’y a pas de règle concernant l’immigration : il faut se faire un jugement pragmatique selon les circonstances.

Les États-nations font aujourd’hui face à de nouvelles menaces : l’islamisme, les ambitions hégémoniques de la Chine… Ces menaces ne justifient-elles pas la création de blocs comme l’Union européenne qui a été fondée en partie pour faire contrepoids aux États-Unis et surtout à l’Union soviétique ?

Ces menaces ressemblent aux vieux projets impérialistes. Les islamistes – à la différence d’un très grand nombre d’autres musulmans – ont une vision de l’islam qui entraîne nécessairement la soumission de l’Europe et du reste de la terre. Ils sont convaincus qu’il faut imposer la paix au monde par la conquête islamique. Ils sont fermés à toute négociation. On ne peut pas conclure un accord avec eux, comme Israël, par exemple, a pu le faire avec les Émirats arabes unis. Il faut combattre les islamistes à l’intérieur de la nation par la cohésion interne et à l’extérieur par des ententes avec les États musulmans non islamistes, par la dissuasion et – si nécessaire – par la guerre. Il n’y a pas d’autre solution. Les démocraties européennes ont des intérêts communs très forts en termes de sécurité, étant menacées potentiellement par la Russie, la Chine et la Turquie. Il n’y a aucune raison pour laquelle elles ne renforceraient pas le libre-échange qui profite à toutes. Mais est-il vraiment nécessaire de fonder une union fédérale, avec une gouvernance centralisée, une seule et même Cour qui impose sa loi aux nations et une monnaie commune ? La vision de de Gaulle et le marché commun ont été remplacés par un ordre utopique qui opprime les États-nations. Face à la crise actuelle, l’UE, aussi faible soit-elle, profite des circonstances pour imposer plus de centralisation et étendre ainsi son empire sur les nations.

Yoram Hazony, Les Vertus du nationalisme (préface de Gilles-William Goldnadel), Jean-Cyrille Godefroy, 2020.

[1]. Le Shalem Center, aujourd’hui le Shalem College, fondé en 1994.

Relire Patricia Highsmith

0

Une des grandes dames du roman noir aurait eu cent ans. L’occasion de voir qu’elle a toujours dépassé les frontières du genre pour se révéler un écrivain majeur.


À l’occasion du centenaire de la naissance de Patricia Highsmith (1921-1995), les éditions Calmann-Lévy republient Ripley entre deux eaux. Ce roman, sorti en 1991, est le cinquième et dernier tome de la série des Ripley, du nom de son personnage central, incarné au cinéma notamment par Alain Delon dans le film Plein soleil de René Clément. Depuis quelques années, Ripley entre deux eaux était devenu introuvable, car il ne figurait pas dans le volume de chez « Bouquins », qui ne comprend que les quatre premiers titres. C’est donc une excellente chose de disposer désormais de tous les Ripley qui sont autant de grands classiques à relire.

Séduction flottante

Les romans de Patricia Highsmith étaient davantage que des polars, en réalité des œuvres littéraires complexes à part entière. Avec Tom Ripley, elle a créé un héros fascinant, dont l’ambiguïté se glisse sans complexe dans les anfractuosités de l’existence humaine. Ripley utilise sa séduction flottante dans un combat de tous les instants pour survivre.

A lire aussi, Ingrid Riocreux: Cold Case: le mépris des ploucs, un racisme autorisé

Le volume le plus extraordinaire est à ce titre le premier, Monsieur Ripley (1955), qui tire parti de l’identité incertaine du personnage. Le film de René Clément arrivait à le faire sentir de manière paroxystique, lors de la scène de la banque, lorsque Delon, jouant de sa ressemblance avec son ami, essaie de retirer de l’argent en son nom.

Entre Amérique et vieille Europe

Chez Patricia Highsmith, il y a toujours une morale, derrière le cynisme apparent. Ripley, par exemple, n’aime pas du tout la mafia. Il voudrait vivre en bon père de famille, à Fontainebleau, en compagnie de sa femme Héloïse. Est-ce cette tranquillité qu’il recherche vraiment ? Lorsqu’il a l’occasion de revenir aux Etats-Unis, il se dit avec nostalgie qu’il n’aurait jamais dû en partir. À cheval entre Amérique et vieille Europe, comme Patricia Highsmith elle-même, Tom Ripley ne s’affirme jamais d’un bloc parmi les apparences qui s’offrent à lui. Dans Ripley entre deux eaux, venant à bout d’une sombre histoire de tableaux et de maître chanteur, il tire à nouveau parti de son absence d’identité, de son invisibilité, pourrait-on dire, sans qu’un tel dénouement, pourtant positif, ne vienne ajouter quelque chose à ce mécanisme humain.

La vérité sur Tom Ripley

J’ai entendu dire que Patricia Highsmith avait, après ce cinquième tome, le projet d’en écrire un dernier, dans lequel elle aurait fait mourir Ripley. Elle n’en aura pas eu le temps, et c’est peut-être mieux ainsi. Le mystère propre au personnage de Ripley ne se serait sans doute pas accommodé d’une fin si radicale. Il nous reste le loisir de nous replonger dans cette petite saga, pour découvrir la « vérité » sur Tom Ripley – une tentative similaire, si l’on veut, à celle de Kafka poursuivant « la vérité sur Sancho Panza »…

Ripley entre deux eaux, Patricia Highsmith. Éd. Calmann-Lévy.

Ripley entre deux eaux - Nouvelle édition 2021

Price: 17,00 €

13 used & new available from 4,99 €

PLEIN SOLEIL - DVD COLLECTOR

Price: 6,99 €

27 used & new available from 3,99 €

Basile de Koch réfugié climatique


Pour les « Fêtes », qui s’annonçaient particulièrement sinistres, comment échapper d’un coup d’aile au couvre-feu et à la fermeture de tout, sans parler du froid et de la pluie ? Une seule adresse : les Antilles françaises. Je m’étonne même de ne pas t’y avoir croisé.


BAD MOON RISING

Mardi 15 décembre

18 heures : Arrivée à Fort-de-France. Ça commence mal. Au guichet de Thrifty, j’apprends que ma réservation de voiture du 13 juin a été annulée, sans préavis ni mobile apparent. Surtout, rester calme.

C’est le moment que choisit notre hôtesse pour « prévenir », tandis que le soleil se couche : pas d’électricité cette nuit dans notre location. EDF devait passer aujourd’hui, finalement ce sera demain. « Mais ne vous inquiétez pas, rassure-t-elle gaiement, il y a des bougies dans les tiroirs. » Allons tant mieux ! Les voisins d’en dessous, eux, ont dans leur jardin un superbe arbre de Noël clignotant, mais la jalousie est un vilain défaut.

Après enquête approfondie, à la lumière d’un smartphone, il s’avère qu’il n’y a pas plus de bougies que de beurre en broche. Respirer à fond, boire un coup…

Enfin vers 22 heures, voici les bougies tant attendues, et même deux torches en sus. C’est Byzance ! Enfin on va pouvoir dîner froid, se doucher glacé et faire son lit comme on se couche : mal et, en ce qui me concerne, moins fatigué qu’énervé. J’ai dû pour m’endormir écouter France Info. (Tiens, un alexandrin !)

Le lendemain, M. EDF me livre son diagnostic : « C’est tout le système électrique qu’il faut changer ! » Je promets de transmettre.

Pas trace non plus de la wifi prévue dans le contrat. C’est embêtant pour ma chronique, sans parler de Netflix et Snapchat.

NOËL ET LE MIRACLE DU SACRISTAIN

Jeudi 24 décembre

Après la série noire des premiers jours, beau fixe. Le seul incident notable relève de mon inconduite automobile.

Ma fille et moi étions allés en ville, dans une sainte intention : vérifier les horaires de la messe de Nwel à Notre-Dame de Sainte-Anne. Pendant qu’elle allait se renseigner, je tentai en vain de me garer sur la place, avant de monter la rue à droite de l’église, ornée d’un panneau « Parking » ; autant dire que je suis tombé dedans. Au total, 12 places en épi, toutes occupées bien sûr (la chorale répète), et au-delà un cul-de-sac.

Infichu de faire demi-tour, me voilà bloqué en travers de la rue, entre des maisons en dur et une pente fatale. Plus j’essaie d’avancer, plus la bagnole recule. Je sors de la voiture avant de faire l’ultime connerie – mais sans m’en éloigner quand même ; j’ai vu Christine.

C’est ma fille qui me trouvera de l’aide, en la personne du sacristain : le saint homme dégage ma caisse en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Après ça, je ne saurais faire moins que de remercier Notre Seigneur Jésus-Christ en assistant à son anniversaire, quel qu’en soit l’horaire.

FRANÇOIS DEGUELT AVAIT RAISON

Mercredi 30 décembre

Remis de mes émotions, conscient de mon privilège, je carpe enfin le diem en songeant aux mots du poète : « Il y a le ciel, le soleil et la mer. » Et surtout, pas trace ici d’« état d’urgence sanitaire », mais des bars et des restos ouverts, après les plages sublimes.

Car entre deux messes de Noël, je trouve quand même le temps de faire un peu d’exercice physique – qui peut aussi être spirituel, paraît-il, pour peu qu’on ait une âme.

Moi, c’est brasse de chien et aquagym personnalisée, au moins une heure trente par jour. On en croise du monde, surtout le week-end, sur la plage familiale de Pointe Marin. Outre les nains hurleurs, à vous rendre pédophobe, je rencontre ainsi régulièrement une bande de mémères en goguette, cheveux courts réglementaires, mais aux teintes les plus variées. Ces dames trempotent dans l’eau toute la sainte journée en faisant pia-pia ; mais qui suis-je pour juger ?

Jusqu’au jour où, soudain, l’une d’entre elles s’immerge (jusqu’à la permanente), avant de ressortir en lançant à la cantonade : « Putain, ça fait trop du bien ! » Je n’aurais pas été plus surpris d’entendre une racaille déclarer sa flamme à sa meuf en lui balançant :

« Ce n’est plus une ardeur de mes veines cachée

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »

Le Bao Bar, point de ralliement des touristes branchés, riches et/ou jeunes, sert aussi de refuge à tous en cas de drache sévère – à condition de consommer quand même, faut pas déconner.

Le restaurant La Péniche, de l’autre côté de la rue, a une autre conception des affaires ; fermé durant toutes les vacances, il n’ouvrira qu’après le départ du dernier touriste, à part nous. Et les recettes ? Pa ni pwoblem. Si ça se trouve, les tenanciers eux-mêmes étaient en vacances à Paris.

NIGHT-CLUBBING À SAINTE-ANNE

Jeudi 7 janvier

Après le coucher de soleil, pourquoi pas un petit tour en ville ? Sur la grand-place, un bar idéal pour l’apéro : « Opéi » (prononcer : Au pays). Au bar, ti punch, Lorraine (la bière locale, avec la croix du même métal) et planteur pour les touristes. Ils font même des pizzas. En face, une ou deux fois par semaine et sans supplément de prix, concert de gwoka avec chanteuse, tambour bèlè, djembé et percussions variées.

Les artistes, qui partagent visiblement la et les mêmes cultures, ne manquent pas de punch. Du coup, pris par le rythme, ils jouent volontiers deux heures de rang, jusqu’à épuisement. Mon ami Jojo, qui « aide les jeunes » le samedi, me livre son secret : « Quand je suis cuit, j’arrête. » Une sagesse à méditer.

Même les dealers sont cool. Ils t’abordent poliment, et c’est pas le genre à se vexer si tu refuses leur beuh. (Cela dit, j’ai pas essayé.)

Après l’apéro tipico, direction La Dunette, un resto à touristes, pour changer. Foin des gargotes « authentiques » en bord de route, avec patates douces et bananes plantain. Vive l’attrape-couillon sur pilotis, avec poisson grillé, Minuty et vue imprenable sur la baie de Sainte-Anne. Flûte, on a oublié le selfie !

En un mot comme en cent, c’est là qu’il fallait être pour la Nwel. Désormais, ça va être moins facile : par décret du préfet de Martinique, les touristes hexagons devront se confiner pendant huit jours à leur arrivée, entre deux tests PCR, avant de pouvoir profiter de leur séjour. Bref, si vous n’avez qu’une semaine, autant rester à l’hôtel Ibis d’Orly, qui accueille les animaux à défaut des fumeurs.

Christine [Blu-ray]

Price: 60,00 €

8 used & new available from 59,84 €

Comment Israël a planifié et réussi la vaccination de sa population

0

Avec plus de 200 000 doses administrées chaque jour, Israël vaccine à un rythme quinze fois plus élevé que la France ou l’Allemagne. Cette vaccination massive permet aujourd’hui à l’État hébreu de sortir du confinement et de revenir à une vie presque normale. Si une telle campagne de vaccination a été possible c’est grâce à une anticipation et à un système de santé particulièrement performant. Récit.


Vendredi 5 février au petit matin, au terme d’âpres négociations, le gouvernement israélien a annoncé la fin du troisième confinement et la réouverture progressive des écoles, des commerces et des lieux de loisirs. Israël pourrait être le premier pays du monde à sortir de l’épidémie de Covid-19, un an tout juste après la première vague de contaminations. Si la victoire sur le virus se confirmait, elle serait due essentiellement à une campagne de vaccination massive d’une intensité sans égale ailleurs dans le monde. Entre le 18 décembre et le 4 février, plus de deux millions de personnes ont reçu les deux doses du vaccin Pfizer, dont 80% des plus de 70 ans. Avec plus de 200 000 doses administrées chaque jour, Israël vaccine à un rythme quinze fois plus élevé que la France ou l’Allemagne.

À bien des égards, le succès de cette campagne foudroyante en dit long sur l’éthos israélien : une audace confinant au culot, des facultés d’organisation impressionnantes et un mode de gouvernance conjuguant le libéralisme le plus offensif avec les valeurs socialistes des pionniers.

Préparer la vaccination par une anticipation

Au cours de l’été 2020, alors que plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques annoncent des résultats encourageants, Israël prend langue avec Moderna, considéré alors comme le plus proche d’une autorisation de mise sur le marché. À l’instar d’autres pays occidentaux, Israël préempte l’achat de plusieurs millions de vaccins et consent à verser une avance conséquente : 120 millions de dollars (environ 100 millions d’euros). L’État hébreu mise parallèlement sur les travaux d’une équipe de scientifiques locaux à travers l’Institut Biologique, un organisme public basé à Nes Tsiona, près de Tel-Aviv. Mais à l’automne, il comprend qu’il n’a pas misé sur les bons chevaux :  c’est Pfizer qui terminera la course en tête. Le gouvernement entame alors des négociations avec la firme américaine sans attendre le feu vert de la FDA qui n’interviendra que début décembre. Quant à l’agrément des services de santé israéliens, le ministre de la Santé Yuli Edelstein indique d’emblée qu’il suivra forcément l’avis de la FDA. Rien de surprenant à cela. De la biotech au cannabis médical, les industries pharmaceutiques américaines et israéliennes entretiennent des rapports étroits depuis de longues années. Nombre de scientifiques israéliens travaillent aux États-Unis. À titre d’exemple, le directeur médical de Moderna, le docteur Tal Zaks, est un Israélien formé à l’université Ben Gourion de Beer-Sheva, dans le sud d’Israël. Ce détail en dit long sur la façon israélienne de faire, car la France en particulier et l’UE en général n’ont pas tiré avantage du fait que des Français (le patron de Moderna Therpeutics, Stéphane Bancal, est Français) et des Européens tiennent des postes clés dans les entreprises pharmaceutiques qui dominent aujourd’hui le marché de vaccins contre le Covid19.

A lire aussi, du même auteur: L’avenir de la Cisjordanie se joue à Sarcelles et à Brooklyn

Face à Pfizer, le Premier ministre Nétanyahou en personne prend la tête de l’équipe de négociateurs. Il sollicite un entretien téléphonique avec Albert Bourla, le PDG du géant pharmaceutique. Au cours de la conversation, Nétanyahou n’hésite pas à jouer sur la fibre identitaire : « J’ai demandé à lui parler et il a répondu immédiatement. Il semble qu’Albert Bourla soit très fier de son héritage grec et juif de Thessalonique. Et il m’a dit qu’il…

>>> Lire la fin de l’article sur le site géopolitique de la revue Conflits <<<

Les « Triplés » dans le collimateur de la cancel culture

0

On peut se demander si cette rage destructrice, qui se drape de la toge de l’indignation, ne s’abreuve pas surtout à une incapacité à entendre, comprendre et s’approprier le passé…


Après « Tintin au Congo », « Autant en emporte le vent », « Les Aristochats », l’Opéra de Paris, « Mahomet » de Voltaire, ou encore « Grease », c’est à présent aux « Triplés » du Figaro de se retrouver dans le collimateur des thuriféraires de la cancel culture [tooltips content= »On vous a reproché de dessiner une famille modèle, pas très représentative de la société française. Et alors ? Je n’ai aucune haine sociale. Moi j’avais envie de parler de l’art de vivre français. On m’a reproché d’avoir fait une mère aussi jolie. Évidemment toutes les mères ne sont pas aussi élégantes et aussi jolies, mais pour les enfants, leur mère c’est toujours la plus belle, donc je dessine la plus belle des mamans. Je ne comprends pas pourquoi les gens boudent leur plaisir. Nicole Lambert dans Ouest-France, janvier 2021″](1)[/tooltips].

Héééé, oui ! Trop blonds, trop proprets, trop bien élevés, les « Triplés » ne seraient pas représentatifs de la vraie famille française. On apprend donc que les BD et cartoons ont pour vocation d’être « représentatifs ». Ça va chauffer pour Flash Gordon…

Le bon sens voudrait que si telle ou telle œuvre vous insupporte, vous ne la lisiez, ne l’écoutiez ou ne la regardiez pas, point. Mais ce serait trop simple ! Ce n’est pas vous, vous qui êtes choqué, qui devez vous abstenir, c’est le reste de l’humanité.

A lire aussi: Autant en emporte le « Woke »

Car à l’instar des Vandales ou des islamistes, les nouvelles duègnes veulent la disparition des œuvres qu’elles jugent choquantes. 

Bien sûr, il convient, depuis la fin des années 60, de faire table rase de la culture judéo-chrétienne, mère de tous les vices et de tous les fléaux, comme chacun sait. Cette destruction du passé et des racines devrait permettre le surgissement d’une humanité nouvelle, débarrassée des scories occidentales (voire des Occidentaux, tant qu’à faire), festive, soumise, peu instruite, sans attaches durables et totalement interchangeable, sans distinction d’âge, de race ou de sexe. Finis la transmission et les patrimoines de toute sorte, génétiques, culturels ou financiers, et vive l’Open Society ! 

N’empêche que l’on peut se demander si cette rage destructrice, qui se drape de la toge de l’indignation, ne s’abreuve pas surtout à une incapacité à entendre, comprendre et s’approprier ce passé, ces traditions et cette culture, bref, si ce n’est pas tout simplement la bêtise et l’ignorance qui, une fois encore, traquent le génie, le talent, la beauté ou tout simplement la joie de vivre.

La question algérienne: un procès à charge qui ne dit pas son nom

0

 


L’analyse de l’historien Loris Chavanette, auteur du roman La Fantasia (Albin Michel, 2020).


En vue du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022, Emmanuel Macron a un plan: réconcilier les deux pays, pacifier les mémoires des deux côtés de la Méditerranée afin de tirer un trait sur le passé. Bref, il se hasarde dans des chemins où personne ne s’est jamais aventuré avant lui sinon dans la communication politique. Notre président peut certes s’appuyer sur la personnalité de l’historien Benjamin Stora. De près de trente ans son aîné, ce dernier sert de caution scientifique et morale au chef d’Etat dans son entreprise de reconquête de l’amitié algérienne.

La réalité est que le président français cède à une double pression: celle exercée par un pan de la jeunesse française habituée à siffler la Marseillaise; celle exercée ensuite par le nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, exigeant que l’Etat français présente des excuses sans réserve à son pays, non seulement pour les crimes commis pendant la guerre d’indépendance, mais aussi pour l’occupation coloniale dans son ensemble. Ce dernier s’estime en droit de poser des conditions strictes à la France car il trouve en Emmanuel Macron un interlocuteur à son goût, celui-là même qui, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, interviewé par un média algérien, avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».

Il ne faut pas faire de l’histoire une affaire politique

Dans ces conditions, Benjamin Stora a fort à faire. Il sait pertinemment qu’aucune des conditions n’est réunie pour mettre un terme au sempiternel conflit franco-algérien: d’abord parce que l’histoire ne devrait jamais être une affaire de tambouille politique; ensuite parce que l’histoire nécessite une contextualisation permanente des événements, n’en déplaise aux partisans de la moralisation anachronique de l’action des hommes du passé; enfin parce que l’histoire a toujours été impuissante, confrontée à la virulence de mémoires contraires. Pour ces raisons, l’initiative de Macron a toutes les chances de rester un vœu pieux.

Surtout, dans toute cette affaire, il y a une erreur d’appréciation commise dès le départ. En exigeant des excuses en bonne et due forme, dans lesquelles serait englobée la faute originelle de la colonisation, le gouvernement algérien a pris la position la plus radicale, victimaire, et morale sur le sujet; or c’est presque toujours la voix la plus indignée, excessive même, qui a le dernier mot à ce jeu-là. Indignation immédiatement soulevée par l’Etat algérien à l’invocation de possibles effets positifs de l’époque coloniale! Indignation semblable dès que l’on parle des crimes commis par le FLN à l’égard des civils lors de la guerre! On peut décliner sans fin.

Ainsi, il faut bien appeler par son nom l’enquête historique lancée: c’est un procès à charge intenté à la France et à son histoire qui risque de se transformer en justice des vainqueurs où seule la vision binaire, manichéenne, décontextualisée, s’impose au final.

La littérature, ma contribution dans cette «guerre des mémoires»

Toute la meilleure volonté du monde de Benjamin Stora demeure impuissante face à la guerre des mémoires que se livrent les parties en présence. C’est un fait attesté par un Etat algérien arc-bouté sur ses positions (les critiques venant d’Alger contre le rapport Stora le montrent d’ailleurs). Tout comme les discours des Français d’Algérie, ruminant leur malheur, le prouvent quotidiennement.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rapport Stora: la repentance à sens unique?

En tant que descendant de pieds-noirs, j’ai tenté cet impossible rapprochement entre les deux rives, dans un roman parce que la littérature est encore le seul endroit où l’on peut rêver de chasser la colère de l’histoire en faisant appel à la beauté du monde. La Fantasia (Albin Michel) peint l’Algérie d’après-guerre, une société gangrénée par le racisme et les inégalités sociales, un pays d’une richesse à couper le souffle, avec ses légendes, ses vastes espaces, son sensualisme tout oriental et ses trésors d’humanité. Entre les monts tlemcéniens et la côte oranaise, en passant par l’aridité des plaines de Sidi Bel Abbès, c’est l’époque coloniale que j’ai cherché à faire revivre avec tout ce qu’elle avait d’illusions, de préjugés, de douleurs et de couleurs. Critiqué d’un côté pour avoir fait un tableau enchanteur de l’Algérie coloniale et incriminé de l’autre pour avoir pointé les souffrances engendrées par un système de domination (raciale ou patriarcale), le roman a bien atteint son but.

Dans le livre, mon héroïne Mariane, originaire d’Espagne et catholique, raconte à son petit-fils sa jeunesse, avec tout ce que cette dernière a eu de merveilleux et aussi de douloureux. J’ai rapporté une anecdote que ma grand-mère avait pris soin de me raconter: dans son immeuble de Mostaganem, une voisine, chrétienne comme elle (du nom de Lambertine), vivait avec un médecin musulman. Fréquemment, les femmes du quartier l’humiliaient et lui crachaient dessus pour lui montrer toute la détestation qu’elles avaient pour les femmes libres de son genre. Le seul crime de Lambertine était d’aimer un homme qui n’était pas de sa culture. Mariane était profondément attristée par cette situation et témoignait de l’affection pour la malheureuse quand elle se trouvait seule en sa compagnie.

Amour impossible

En racontant cette scène, j’ai cherché à faire réfléchir sur le racisme dans cette société coloniale, car c’était aussi ça l’Algérie tant regrettée par certains. J’ai essayé la voie de l’autocritique envers ma propre histoire, mon propre peuple. Et je peux mesurer à quel point ce dialogue est presque impossible. Mais l’Algérie des années 50, c’était aussi les hôpitaux, les routes, les écoles, ce qui m’a poussé à évoquer la décision de Mariane, femme au foyer, de donner des cours de français et d’algèbre à de jeunes Algériens, ou encore sa rencontre avec un cavalier arabe qui se décide à lui faire découvrir et aussi aimer le pays de ses ancêtres.

Il y a de la complexité dans notre histoire commune, beaucoup d’indicible aussi, comme dans toutes les histoires d’amours impossibles.

Ainsi au lieu de centrer le débat sur la question de savoir si la France doit s’excuser et de quoi, il est crucial de tenter de comprendre notre histoire et non de placarder des jugements purement moraux. Car si l’amnésie serait une faute, la repentance à tout prix, elle, est à coup sûr une erreur.

La Fantasia

Price: 19,90 €

25 used & new available from 2,50 €

Darmanin et Le Pen sortent-ils vraiment tous deux gagnants du débat de France 2?

0

Le débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen a, d’une certaine manière, tenu ses promesses. Concernant le livre de Gérald Darmanin, la présidente du RN a affirmé qu’elle aurait pu « le signer ». Quand le détail de la loi confortant les principes républicains a été abordé, et qu’elle se voyait ironiquement reprocher sa mollesse, elle a lancé au ministre: « Moi, je m’attaque à l’idéologie islamiste ». L’analyse de Philippe Bilger.


Le débat de hier soir sur France 2 a, d’une certaine manière, tenu ses promesses. Parce que, dans la forme et la courtoisie apparente, il ne pouvait pas ne pas les tenir. La présidente du RN avait trop besoin de faire oublier sa conduite erratique de 2017 et, au moins sur ce plan, était condamnée à se maîtriser. Elle l’a fait. Quant au ministre, il est resté fidèle à son registre talentueux et de professionnel sûr de ses chiffres. L’un et l’autre, sans se laisser troubler par deux arbitres (c’était beaucoup !) pour leur dialogue, ont mis parfois de l’ironie pour elle, de la condescendance pour lui, dans leurs propos.

Sur le fond, ils sont d’accord sur beaucoup de points

Pour le fond, si les échanges n’ont pas été éblouissants mais souvent passionnants malgré les thèmes battus et rebattus, rien n’était gagné par avance pour les deux contradicteurs. Précisément, parce qu’une familiarité, sinon une complicité, existait entre eux, d’abord sur la prédominance des sujets régaliens au sens large – séparatisme, immigration, islamisme, idéologie ou religion dévoyée – et même sur leur appréhension. Il n’était donc pas facile, sans forcer artificiellement le trait, malgré cette similitude, de s’opposer authentiquement.

Marine Le Pen, focalisant sa critique sur l’interdiction de l’enseignement à domicile, a ainsi semblé valider l’essentiel du projet de loi « pour renforcer les principes républicains » et Gérald Darmanin, sentant sa gêne, lui a évidemment prêté une adhésion qu’elle ne voulait pas avouer ni assumer.

A lire aussi: Louis Aliot/musées à Perpignan: « Nous devons apprendre à vivre avec ce virus »

Elle a également mis en évidence une ambiguïté centrale du texte, qui consistait, faute pour le gouvernement d’oser dénoncer seulement l’islamisme, à mettre les religions en vrac dans le même sac de police administrative. Même si on comprend bien le souci du pouvoir, cette globalité purement tactique occultait la visée fondamentale de ces dispositions en paraissant refuser de nommer une suspicion, une culpabilité si des innocences ne se trouvaient pas impliquées avec elles.

Marine Le Pen a relevé le hiatus entre les écrits du ministre et sa politique

Marine Le Pen, peu friande des détails, des précisions, des chiffres, raisonnant en gros, tentait autant que possible de déserter le terrain qui ne lui convenait pas pour s’abandonner, souvent avec pertinence, à des dénonciations générales, à des indignations répétitives qui faisaient mal parfois quand elles touchaient leur cible. Leur faiblesse tenait à ce qu’elles permettaient à Gérald Darmanin de tancer son interlocutrice, de manière humiliante malgré le sourire qu’il affichait et celui qu’elle conservait, sur ses approximations, ses imprécisions, le flou, que son énergie n’effaçait pas, de certains de ses projets, la contradiction entre ce qu’elle proclamait et ce qui aurait été possible juridiquement et politiquement. Il s’engouffrait dans ce qui demeurait à la fois la force et la fragilité de Marine Le Pen: excellente dans la charge, médiocre dans les analyses, pauvre dans l’opératoire.

Il est vrai qu’elle n’a pas ménagé non plus Gérald Darmanin sur le hiatus entre les principes et l’extrémisme de son dernier livre[tooltips content= »Le séparatisme islamiste : Manifeste pour la laïcité, L’Observatoire, 2021″](1)[/tooltips] et la réalité de son action… Tentant de faire de l’esprit en accusant la présidente du RN d’être « plus molle » que lui et en l’incitant à « prendre des vitamines », il convainquait moins qu’il ne fuyait le plus élégamment possible. Ainsi, Marine Le Pen a marqué des points sur ce sujet, parce qu’elle révélait ainsi les sinuosités intellectuelles et politiques du ministre de l’Intérieur.

A lire aussi, Martin Pimentel: Débat Darmanin/Le Pen: un avant-goût de la présidentielle nous est promis!

Gérald Darmanin, dans cette joute, n’a pas gagné mais n’a rien perdu de son capital enrichi par une vive intelligence, la certitude du destin plus vaste qui l’attend, un langage épousant habilement les séquences des échanges. Un ministre sur qui le président pourra compter à condition qu’il ne varie pas sans cesse entre le modèle de Nicolas Sarkozy et celui du centriste équilibré, frileux, précautionneux qui ne lui va pas comme un gant.

Macron surveille Le Pen mais n’a pas à la craindre outre mesure

Marine Le Pen a remonté la pente. Si j’étais son futur adversaire en 2022, je ne la sous-estimerais pas, mais je n’aurais pas peur. Techniquement, pour le verbe, elle a progressé et sa psychologie, son comportement ne l’ont pas desservie. Mais l’exercice n’a pas été à ce point remarquable qu’elle puisse demain intimider, voire tétaniser son contradicteur. Emmanuel Macron sera moins confortablement installé dans son discours mais il y aura toujours des points faibles dans la dialectique et la personnalité de celle qu’il attend en nous faisant croire qu’il la combat.

La meilleure nouvelle, pour le RN, est survenue en dehors du débat. Pour 40% des Français, ce parti est de loin le plus crédible pour répondre au défi de la sécurité et au danger de l’islamisme en France. Certes Marine Le Pen peut faire fondre cette confiance mais ce peut être aussi, pour elle, un encouragement pour 2022. Surtout que le président a découvert seulement sur le tard le régalien. Il le fallait bien, pour que la droite et la droite extrême n’en aient pas le monopole! Tout est encore ouvert pour 2022.

Il n’y a pas que le vaccin. Que faire des malades?

0

On aurait pu craindre que les prouesses des thérapies vaccinales anti-Covid-19 fassent oublier les traitements visant à soigner les patients atteints de la Covid-19. Mais les traitements curatifs anti-Covid-19 conservent toute leur place dans la stratégie de lutte contre la pandémie et la recherche dans ce domaine se poursuit.


D’aucuns voudraient voir dans le succès des vaccins anti-Covid-19 comparé aux échecs relatifs des traitements antiviraux les manœuvres mercantiles d’entreprises pharmaceutiques qui auraient tout fait pour privilégier une stratégie leur assurant d’importants profits (la vaccination) et empêcher le repositionnement de traitements moins rentables. Mais en matière de maladies virales, découvrir un traitement curatif reste un challenge. 

Un virus mauvais candidat à l’éradication

Les virus sont des formes de vie à part, considérés à la frontière du vivant car ils ont besoin pour se reproduire des autres organismes, de les parasiter et de s’emparer de leur machinerie. Si bien que tenter de détruire les virus revient souvent à être toxique vis-à-vis de nos propres cellules qu’ils parasitent. Il faut reconnaitre en outre que les vaccins à ARN messagers contre la Covid-19 ont dépassé toutes les attentes. Mais il serait naïf de croire que la vaccination anti-Covid-19 sonnera le glas du SARS-CoV-2. Pour être éradiqué, un virus doit pouvoir induire une immunité suffisamment robuste. Or les cas de réinfections et l’émergence de variants facilitée par la prolifération mondiale du virus ne font pas du SARS-CoV-2 un bon candidat à l’éradication. De plus, l’immunité collective comme barrière à la propagation virale est difficile à atteindre pour un virus qui se transmet dans des populations connectées qui n’ont pas la même capacité à être immunisées. Car l’accès à la vaccination dans le monde est disparate, en particulier concernant les pays africains. Dès lors les traitements antiviraux gardent toute leur place dans la stratégie de lutte contre la Covid-19

A lire aussi, Anne-Laure Boch: Vaccinée, enfin!

Chez les personnes susceptibles de développer des formes graves, le challenge est grand : il s’agit d’être rapidement efficace car il faut éviter que la prolifération virale induise des lésions potentiellement irréversibles ou susceptibles de compliquer l’infection, et éviter l’emballement du système immunitaire (inflammation) contre lequel le traitement antiviral ne peut rien une fois le processus enclenché… 

Les médicaments contre la phase inflammatoire de la maladie

Dans la grippe, par exemple, on considère qu’au-delà de deux jours après le début des symptômes le traitement antiviral est inutile. Les médicaments anti-infectieux repositionnés tel que le remdésivir (anti-Ebola), le lopinavir-ritonavir (anti-VIH), l’hydroxychloroquine (antipaludéen), l’azithromycine (antibiotique) et le favipiravir (antigrippal) peinent à démontrer leur efficacité dans le traitement ou la prévention des formes graves de Covid-19. Il en est de même pour les thérapies basées sur des anticorps bloquant le SARS-CoV-2 comme ceux reçus par Donald Trump ou l’injection de plasma contenant des anticorps de patients guéris de la Covid-19. Il est possible que les résultats mitigés pour ces traitements soient liés au fait qu’ils soient utilisés trop tardivement dans la maladie. Par exemple, l’utilisation de la colchicine, un anti-inflammatoire indiqué dans la goutte, chez des patients Covid-19 à risque de forme grave dans les 24 heures suivant le diagnostic donne des résultats encourageants : la colchicine pourrait diminuer le risque de complications[tooltips content= »Résultats à confirmer : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.26.21250494v1 « ](1)[/tooltips]

A lire aussi, du même auteur: Stratégie vaccinale française: et si la lenteur avait eu du bon?

Si les médicaments agissant directement sur le virus doivent encore faire la preuve de leur efficacité dans les formes graves, les progrès dans le traitement des effets indirects inflammatoires du virus ont radicalement changé le pronostic des patients Covid-19 graves : l’oxygénothérapie en ventilation libre est plus largement prescrite et permet ainsi d’éviter la ventilation invasive en réanimation; les corticoïdes, qui luttent contre l’inflammation, sont désormais indiqués en France chez les patients Covid-19 nécessitant une oxygénothérapie et les anticoagulants prescrits aux patients à risque de thrombose. De nouvelles biothérapies visant spécifiquement la phase inflammatoire de la maladie pourraient changer la donne pour les patients hospitalisés : une entreprise israélienne qui utilise une stratégie thérapeutique innovante (injection de cellules « mourantes » qui « détournent » les cellules inflammatoires) rapportait récemment des résultats préliminaires prometteurs pour ces patients Covid-19 graves[tooltips content= »https://enlivex.com/pipeline/covid-19/ »](2)[/tooltips].

Des recherches qui se poursuivent loin de la couverture médiatique

Les personnes jeunes et en bonne santé, donc capables de se débarrasser du SARS-CoV-2 sans l’aide d’un traitement curatif a priori, pourraient aussi bénéficier de ces traitements. D’abord parce qu’aider le système immunitaire avec un antiviral ou une immunothérapie pourrait éviter à celui-ci de s’emballer et ainsi de produire les « formes symptomatiques longues » (anosmie, fatigue, douleurs, dépression sur plusieurs mois) observés chez certains patients Covid-19, notamment jeunes. Aussi parce que ces personnes pourraient être moins contagieuses, car en diminuant rapidement la quantité de virus (charge virale) d’un individu par un traitement médicamenteux on limite sa contagiosité. Si initialement la majorité des études s’est focalisée sur les patients les plus graves, la recherche s’intéresse aujourd’hui davantage à ces patients non graves dont le traitement est également important pour les raisons évoquées plus haut. Didier Raoult et ses équipes ont été les premiers en France à étudier ces patients non graves. Mais les études qu’ils ont produites, et notamment celles suggérant un effet de l’hydroxychloroquine sur la charge virale, restent contestées pour des raisons méthodologiques. Récemment, une étude canadienne dans laquelle l’injection en sous-cutané d’une forme modifiée d’un antiviral que l’on produit naturellement, l’interféron lambda-1, chez une trentaine de malades covid-19 a montré que cet interféron diminuait la charge virale[tooltips content= »https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(20)30566-X/fulltext »](3)[/tooltips]. Une étude récente combinant deux anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 a montré que cette bithérapie pourrait réduire la charge virale chez des patients Covid-19 non graves, et même peut-être éviter l’hospitalisation[tooltips content= »https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2775647?guestAccessKey=7571f5bb-4dd9-498a-a7d6-caea0ed23194&utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jama&utm_term=mostread&utm_content=olf-widget_01252021″](4)[/tooltips]. L’ivermectine, un antiparasitaire, pourrait réduire la durée de l’anosmie lorsqu’elle est utilisée chez des patients non graves et 72 heures après le diagnostic[tooltips content= »Résultats préliminaires chez seulement 12 patients : https://doi.org/10.1016/j.eclinm.2020.100720 « ](5)[/tooltips]. Ces traitements étudiés chez des patients non graves constituent un véritable espoir pour limiter la contamination et les effets délétères indirects de la Covid-19.

A lire aussi, du même auteur: A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

Contrairement à ce que pourrait faire croire leur faible couverture médiatique, les recherches visant à éradiquer le SARS-CoV-2 et à lutter contre ses effets inflammatoires délétères se poursuivent. La preuve en est ce nouvel antiviral, le Molnupiravir, qui devrait être prochainement testé chez l’homme et qui a été mis au point par l’entreprise allemande Merck qui a d’ailleurs abandonné son projet de développement de vaccin anti-Covid-19. S’il existe 236 vaccins candidats en cours d’études dont 63 testés chez l’homme[tooltips content= »https://www.who.int/publications/m/item/draft-landscape-of-covid-19-candidate-vaccines »](6)[/tooltips], les études relatives aux traitements curatifs de la Covid-19 se comptent en milliers à travers le monde[tooltips content= »https://clinicaltrials.gov/ct2/who_table »](7)[/tooltips]. Les essais se poursuivent en France (anticorps, plasma de patients guéris, interférons) et des études incluant de la doxycycline (antibiotique) et de l’ivermectine sont en cours d’instruction par les autorités sanitaires françaises pour autorisation[tooltips content= »https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/professionnels-de-sante/recherche-sur-la-covid-19/article/liste-des-projets-de-recherche-impliquant-la-personne-humaine-a-visee »](8)[/tooltips]. La Covid-19 a donné un coup d’accélérateur à un domaine de recherche confidentiel, celui du traitement des maladies virales respiratoires. Car en matière de lutte contre les virus respiratoires auxquels s’ajoute désormais le SARS-CoV-2, contrairement au VIH et aux virus hépatiques qui ont bénéficié d’investissements importants ayant conduit à la découverte de traitements performants, tout reste à faire.   

Canada: un Gouverneur-Général iroquois ?

0

Au Canada, qui est une monarchie constitutionnelle, le Gouverneur-Général est le représentant officiel de la Reine Elizabeth II. Le chef de la Confédération des Iroquois voudrait que ce poste, actuellement vacant, soit occupé par un membre d’une de ses propres tribus.


C’est une lettre surprenante que Buckingham Palace a reçu ces derniers jours. Okimaw Vernon Watchmake, chef de la Confédération du Traité des Six Nations iroquoises du Canada, a pris sa meilleure plume d’aigle afin d’écrire à la reine Elizabeth II et lui faire part de ses inquiétudes nées de la démission de la Gouverneur-Générale Julie Payette. Accusée d’avoir créé un « climat toxique » à Rideau Hall, la résidence des représentants de la souveraine au pays de l’érable, cette ancienne astronaute a décidé de quitter ses fonctions le 21 janvier et de laisser temporairement les rênes de cette charge honorifique à Richard Wagner, le juge en chef de la Cour suprême du Canada.

La Guerre de Sept ans

Pas de quoi rassurer ces Iroquois, croqués dans le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper, qui ont déjà eu affaire au fonctionnaire dans des litiges fonciers ayant opposé ces Amérindiens à l’État fédéral. « Nous sommes partenaires de la Couronne et il est important que notre voix soit entendue dans le processus de nomination du prochain Gouverneur-Général » a insisté Okimaw Vernon Watchmake. Le chef, qui souhaite également que le poste revienne à un des chefs de la Confédération, a été rejoint dans sa requête par celui de l’Assemblée des Premières Nations.

A lire aussi: Canada: de la méritocratie à la «racialocratie»

« Il est temps que le Canada ait son premier Gouverneur Général autochtone. J’ai toujours dit que nous devions amener les peuples des Premières Nations aux plus hauts niveaux du pouvoir décisionnel et le Gouverneur Général, pour moi, est l’un des plus élevés » a déclaré Perry Bellegarde. « Lorsque le représentant de la reine Victoria a approché nos peuples pour conclure un traité de paix et d’amitié, nos ancêtres ont accepté dans la paix et l’amitié. Nous continuons de considérer ces traités comme des engagements sacrés » précise d’ailleurs le communiqué officiel de la Confédération qui rappelle également que les Iroquois ont été longtemps les alliés des Britanniques contre les Français, notamment lors de la guerre de Sept ans qui a éclaté au cours du XVIIIe siècle entre ces deux nations.

Six Nations: la probable défaite

Une initiative qui ne plaît pourtant pas à tout le monde.

« Le simple fait de nommer une personne autochtone à ce poste ne réglerait pas vraiment les causes profondes du colonialisme et des inégalités dans le pays aujourd’hui. Cela ne signifierait aucunement la réconciliation entre nos nations, cela ne voudrait simplement rien dire » a déclaré l’écrivain et journaliste amérindienne, Tanya Talaga. « Le Gouverneur-Général est un représentant de la Couronne, qui est censé faire part des préoccupations des partenaires du traité à la Couronne. Cette personne doit-elle être autochtone, probablement pas. Les Gouverneurs-Généraux représentent la Couronne, pas les peuples autochtones » a tweeté Robe Houle, membre de la Première nation Wapsewsipi en Alberta.

Du côté du Conseil privé de la reine Elizabeth, on fait le même constat et on ne goûte guère aux reproches faits à Richard Wagner. « Les rôles du juge en chef et du Gouverneur Général restent distincts et il conserve une totale indépendance dans l’exercice de ses fonctions judiciaires. Même lorsque le poste de Gouverneur-Général n’est pas vacant » répond la porte-parole du Conseil privé. « Les juges de la Cour suprême sont appelés de temps à autre à exercer des fonctions de député du Gouverneur-Général, et ce sans compromettre leur indépendance judiciaire » ajoute Béatrice Fénelon qui oppose ici une fin de non–recevoir aux Six Nations. Pas question que la « Grande mère blanche », la Queen, ne se mêle d’une affaire qui est purement canadienne, bien qu’elle fasse les choux gras des tabloïds britanniques qui regrettent la mauvaise publicité que cette démission donne aux Windsor.

Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines

0
Dans l'émission de Jean-Marc Morandini, suivi par des jeunes désœuvrés, le maire contesté Ali Rabeh (Génération.s) a minimisé l'islamisme qui gangrène sa ville. Image: capture d'écran Cnews.

Dans l’affaire du professeur Didier Lemaire, le maire et le préfet se sont déconsidérés.


Il y a quelque chose de pourri dans le département des Yvelines. Et les élus locaux comme le maire de Trappes, Ali Rabeh, le président du Conseil départemental, Pierre Bédier ou le représentant de l’État local, le Préfet Jean-Jacques Brot, en portent la lourde responsabilité.

C’est dans les Yvelines que Samuel Paty a été décapité par un islamiste, en sortant du collège où il enseignait et c’est à nouveau dans les Yvelines qu’un autre professeur se retrouve menacé de mort pour avoir dénoncé l’emprise islamiste sur Trappes. 

Une emprise connue de tous, deux journalistes du Monde en ont même fait un livre racontant la montée du communautarisme dans la ville[tooltips content= »La communauté, Raphael Bacqué et Ariane Chemin »](1)[/tooltips]. Trappes a fourni un des plus gros contingent de jihadistes à l’État Islamique, plus même que Molenbeek. Entre 60 et 80 jeunes sont partis, au point que Trappes a reçu le surnom de « capitale d’Europe des départs en Syrie ». En 2013, le contrôle d’une femme en voile intégral ayant déclenché des violences de la part du mari contre le policier, Trappes s’était enflammé pour soutenir les époux radicalisés et eut ainsi l’honneur d’inaugurer les premières émeutes au nom de la volonté d’imposer l’islam radical sur notre territoire. Plus près de nous Marlène Schiappa avait voulu délocaliser son cabinet ministériel quelques jours à Trappes, en 2018, lors d’une déambulation, elle voulut entrer dans un café. Celui-ci étant apparemment réservé aux hommes, le préfet l’a dissuadé d’y aller pour éviter l’incident. Préférant inviter la ministre à se soumettre au sexisme plutôt que de faire respecter la loi française. Quant à l’Union des Musulmans de Trappes ils sont notoirement proches des frères musulmans.

A lire aussi, Martin Pimentel: Courbevoie, l’attentat inconnu

Aujourd’hui la boucle est bouclée et c’est encore un professeur, cible de choix pour les islamistes qui est menacé. Ce qu’il dénonce est exact et s’appuie sur la réalité : Trappes est un des hauts lieux de l’influence de l’idéologie islamiste. Une telle emprise s’explique par des années de clientélisme, d’aveuglement d’intimidation et d’omerta. Il faut dire que de nombreuses stars issues de ce biotope, dont Jamel Debbouze par exemple, se mobilisent immédiatement pour jeter l’opprobre sur ceux qui osent parler de la réalité de ce qu’ils vivent et ils font tellement de bruit que cela éclipse les départs en Syrie, les émeutes, les voiles intégraux et le clientélisme. Pourtant ils ont tous choisi avec leurs pieds de quitter ce lieu soi-disant si épanouissant et injustement déconsidéré. Tellement épanouissant que dès que c’est possible, ses laudateurs s’installent ailleurs. Loin.

L’attitude du préfet et du maire décriée, un curieux barbier…

Mais surtout, après le traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty, on se serait attendue à la mobilisation des élus et du Préfet aux côtés de cet autre professeur menacé. Par simple réflexe d’humanité avant même que cela ne soit une question de devoir et de responsabilité. Mais non, ils préfèrent symboliquement lui tirer dans le dos. Pour le coup la trahison des principes et valeurs de la République est avérée. 

Si les préfets deviennent les meilleurs alliés de ceux qui menacent les enseignants, c’est tout l’État qui se déconsidère. Si un maire peut investir une école pour faire sa propagande, alors où sont les limites à son délire de toute puissance?

Le pire est le Maire de Trappes. Lequel menace le professeur et l’attaque en justice, comme aux époques primitives où quand le message déplaisait, on mettait à mort le messager, comme si cela pouvait occulter la réalité. Accompagné d’autres élus, ce maire s’est même introduit dans le lycée, l’investissant pour distribuer sa propagande. Ce qui est parfaitement illégal et antirépublicain et montre à quel point, chez ces personnes qui croient que le pouvoir est la possibilité d’ignorer la loi, il n’y a ni limites ni règles quand leurs intérêts sont attaqués. Là où l’abjection est avérée, c’est que le tract du maire est une attaque basse contre le professeur, elle met Didier Lemaire en danger puisqu’il est accusé de dénigrer les élèves et les habitants de Trappes, et de gâcher ainsi la réputation de la ville et l’avenir de la jeunesse. On appelle cela désigner une cible. Comme si avoir fourni un plus gros contingent de jihadiste pour la Syrie n’était rien et que le seul problème de Trappes était le discours d’un lanceur d’alerte.

Le tract du maire Ali Rabeh.
Le tract du maire Ali Rabeh.

Mais le maire s’en moque. Le fait que son élection ait été invalidée et qu’il ait été condamné à un an d’inéligibilité pour des comptes de campagne faux, en dit beaucoup sur la personnalité d’un homme qui ne se maintient au pouvoir que grâce aux délais de son recours en appel. Dernière manipulation en date, le coup du « coiffeur mixte » ! Didier Lemaire ayant affirmé que trouver un salon de coiffure mixte était compliqué à Trappes, le maire Ali Rabeh a convoqué les caméras de CNews pour leur prouver l’existence d’un coiffeur mixte et déconsidérer la parole du professeur. Un barbier en l’occurrence. Pas de chance, la supercherie a été vite découverte et sur les réseaux sociaux les photos du changement de présentation du site, passant de « pour les hommes » à « mixte » en l’espace d’une journée font la joie des internautes. En espérant discréditer Didier Lemaire, de telles manœuvres jettent surtout le doute sur la démarche du maire. Non seulement celui-ci vient de montrer qu’il n’hésitait pas à attaquer un homme menacé par des fanatiques, lesquels qui sont déjà passé à l’acte, mais rien ne parait arrêter son entourage quand il s’agit de s’en prendre à un homme en danger. 

La “dentelle” trappiste

Que le comportement du Maire soit douteux n’est hélas pas si étonnant. En région parisienne le clientélisme est une martingale électorale. Et l’alliance avec les islamistes paye. Mais que penser de l’attitude du préfet ? Lui ne dépend pas du résultat des élections et pourtant son comportement est particulièrement choquant. Il reconnait certes que Trappes est un terrain difficile mais accuse surtout Didier Lemaire, le professeur menacé de saccager ses efforts. Sauf que l’on ne voit guère de quels efforts il parle. Au vu des derniers évènements, on ne peut pas dire que la veille sur l’islamisme dans les Yvelines soit un succès pourtant. Le préfet évoque un « travail de dentelle ». Sérieusement ? Face au fascisme islamiste et à la propagande séparatiste ? Le préfet compte vraiment faire reculer l’islamisme en sacrifiant des professeurs menacés au dialogue avec les salafistes et les frères musulmans ? C’est quoi faire de la dentelle, quand les signaux dans les Yvelines au lieu de passer au vert tournent au rouge vif ?

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rencontre avec Didier Lemaire: un hussard de la République aux prises avec l’islamisme

La question se pose d’autant plus qu’un très bon policier, qui justement avait pris la direction du renseignement territorial du 78, Jean-Luc Taltavull aurait été viré par le Préfet, pour satisfaire la demande de son grand ami, Pierre Bédier, le président du conseil départemental. Le clientélisme de celui-ci avec les officines de l’islam radical est régulièrement dénoncé. Il faut dire que les campagnes des salafistes pour appeler à voter pour les proches de Bédier ont été particulièrement peu discrètes et ont été dévoilé par une grande enquête de Marianne, parue le 19 octobre 2019, « Radicalisation : élus locaux et renseignement territorial, entre impuissance et lâcheté ». Dans un des articles de l’enquête qui évoque « l’étrange limogeage d’un commissaire » on en apprend de belles sur la grande retenue du Prefet Brot en matière de lutte contre l’islamisme. Attitude qui tranche avec le positionnement offensif de ses prédécesseurs. Ce que raconte l’enquête met très mal à l’aise tant on paraît loin de toute droiture républicaine. Il apparait à la lumière des investigations du journaliste de Marianne, que le commissaire, Jean-Luc Tastavull avait une excellente réputation, mais justement d’après ses collègues, il était efficace donc gênant. Pour avoir évoqué la brutale éviction du secrétaire général du conseil des institutions musulmanes des Yvelines au profit de représentants musulmans plus « rigoristes » soutenus par des élus locaux, et notamment par Pierre Bédier, Jean-Luc Tastavull aurait été écarté sans ménagement. Le commissaire avait osé être explicite sur la campagne d’intimidation orchestrée contre cet animateur musulman réputé modéré, avec en toile de fond des soutiens électoraux promis par ses rivaux. « Un an plus tard, le commissaire Tastavull a été viré par Jean-Jacques Brot, le préfet des Yvelines » (… et ce) préfet, « en 2020, a réclamé au RT la surveillance du milieu… évangéliste. « On a cru rêver », soupire cette source, dénonçant une forme « d’immobilisme général ».

L’élu local et le représentant de l’État fonctionnent en binôme et ils sont probablement considérés comme une aubaine pour les islamistes. Mais alors que l’État fait voter une loi contre le séparatisme, peut être devrait-il commencer par s’assurer que ses relais sur le terrain ne favorisent pas la politique inverse. Cela l’aiderait à gagner en cohérence donc en crédibilité.

Liaisons dangereuses et caïds

On peut donc remercier le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer de rappeler le maire à ses devoirs, tout en pensant que cela mériterait qu’une plainte soit déposée. Une telle attitude devrait être traduite en justice, ne serait-ce qu’histoire que tout le monde comprenne que devenir maire, ce n’est pas se faire élire « caïd » d’un territoire. On peut remercier aussi M. Gerald Darmanin d’avoir fait protéger le professeur menacé tout en l’invitant à se pencher sur les liaisons dangereuses entre le préfet, le président du conseil départemental et les représentants de l’islamisme radical. 

A lire aussi, du même auteur: Décapité pour avoir montré un dessin

Comment les Français peuvent-ils se sentir en sécurité quand après l’assassinat de Samuel Paty, le préfet du département et le maire de la ville n’hésitent pas à accrocher une cible dans le dos d’un autre professeur courageux ? Si les préfets deviennent les meilleurs alliés de ceux qui menacent les enseignants, c’est tout l’État qui se déconsidère. Si un maire peut investir une école pour faire sa propagande, alors où sont les limites à son délire de toute puissance ?

Voilà pourquoi la sanction du préfet, comme la traduction du maire en justice, seraient un service à rendre aux citoyens et à la République. Parce qu’en l’état actuel des choses, dans les Yvelines, cette histoire est en train de démontrer la puissance des islamistes et la trahison de l’État et de ses représentants. Alors qui êtes-vous M. Darmanin ? Celui qui fait voter la loi contre le séparatisme, applaudi par 80% des Français, ou celui qui ferme les yeux sur l’influence des islamistes et leurs relais au plus haut niveau ?

Heureusement, il reste des hommes et des femmes dont le courage est remarquable dans l’épreuve. Ce sont les collègues de Didier Lemaire. Ils sont à ses côtés, ont écrit un courrier pour dénoncer le comportement et les pressions des élus. Merci à eux d’être là car ils sauvent par leur dignité une séquence lamentable de la part des autorités.

La Communauté

Price: 20,00 €

58 used & new available from 2,22 €

Silence coupable

Price: 22,70 €

23 used & new available from 3,11 €

Yoram Hazony: le nationalisme est un humanisme

0
Philosophe politique et spécialiste d’études bibliques, Yoram Hazony est président de l’Institut Herzl à Jérusalem. Son dernier livre, "Les Vertus du nationalisme", vient de paraître en français. © Yochanan Katz

Avec Les Vertus du nationalisme, l’essayiste israélien réhabilite cette idée tenue pour la principale responsable des tragédies du xxe siècle. Pour lui, les nations devraient tout simplement être indépendantes et jouir de la liberté de se développer selon leurs propres histoire et traditions.


Causeur. Votre livre redéfinit positivement le « nationalisme » comme la croyance, non pas à la prééminence de sa propre nation, mais en l’idée que l’ordre mondial le plus stable et le plus juste est celui qui se fonde sur une pluralité d’États-nations indépendants.

Yoram Hazony. Plutôt que de redéfinir le terme, je reviens à son sens traditionnel qui est le plus utile. La définition que je donne est celle avec laquelle j’ai grandi, dans une famille sioniste, et c’est celle qui prévaut toujours dans bien des pays comme l’Inde. Le problème, c’est que, après 1945, beaucoup d’intellectuels libéraux et marxistes, Orwell en tête, ont assimilé le mot à l’usage qu’en faisait Hitler. Si vous lisez celui-ci – et je ne vous recommande pas de le faire ! –, vous découvrirez qu’il utilise le mot « nationalisme » pour désigner son impérialisme raciste. Il a ainsi détourné un terme parfaitement respectable qu’on utilisait depuis longtemps et pour lequel il n’y a pas de substitut dans les langues européennes. Le « patriotisme » évoque l’amour de son pays mais, à la différence du nationalisme, il ne peut pas désigner une théorie politique selon laquelle les nations devraient être indépendantes et libres de se développer selon leurs propres lois et traditions.

Qu’est-ce qui vous a poussé à clarifier le sens de ce terme dans le débat public ?

Il faut remonter aux années 1990 : après la chute du mur de Berlin, le monde est submergé par une vague d’utopisme qui s’exprime par exemple à travers le traité de Maastricht ou le nouvel ordre mondial, alors défini par les États-Unis. Dans cette vision, les nations doivent être neutres, sans identité culturelle ou religieuse particulière, ce qui tend à rendre caduques les frontières qui les séparent. La conséquence est qu’on représente l’histoire et les traditions politiques de chaque nation comme racistes, fascistes et généralement répréhensibles. C’est ce qui se passe quand cette vague de « post-nationalisme » arrive en Israël, où on l’appelle le « post-sionisme ». Israël a été fondé comme un État-nation classique, à l’instar de l’Inde au même moment. Mais à l’époque dont je vous parle, il y a une forte pression idéologique pour déprécier et rejeter les lois et les coutumes spécifiques à la nation, considérées désormais comme des facteurs d’oppression. Avec un groupe de collègues, j’ai donc créé un institut afin de réhabiliter l’État-nation israélien[tooltips content= »Le Shalem Center, aujourd’hui le Shalem College, fondé en 1994. »](1)[/tooltips]. Nous avons réussi à influencer le débat public en Israël. De plus, nos recherches nous ont amenés à étudier l’histoire d’autres pays afin de comprendre les différentes généalogies et expressions de l’idée de nation. En 2016, alors que je travaillais sur un livre consacré plutôt à la théologie, j’ai réalisé que, face à des événements comme le Brexit, il était impératif d’écrire un livre sur l’État-nation.

Votre ouvrage, qui est à la fois un livre d’érudition et un manifeste, est paru d’abord en anglais en 2018. Le débat sur le nationalisme a-t-il avancé depuis ?

La publication des Vertus du nationalisme a grandement stimulé le débat : outre quelque 400 comptes-rendus en anglais, presque autant d’articles ont été publiés sur les colloques que nous avons organisés à Washington et à Londres. Je dirais que la moitié des auteurs de ces textes, qu’ils fussent pour ou contre mes thèses, les ont bien comprises et en ont parlé de manière intelligente et honnête – ce qui est très rare. Un point majeur que j’ai essayé de clarifier concerne ce qu’on appelle le globalisme ou le transnationalisme : à mon sens, il ne s’agit pas d’une nouvelle idée, mais d’une très vieille qui est l’impérialisme. Les globalistes, comme les impérialistes d’antan, cherchent à soumettre toutes les nations de la terre à une seule loi et à une seule organisation, les leurs, parce qu’ils croient savoir ce qui est bon pour nous tous. Avec l’Union européenne et le nouvel ordre mondial des Américains, c’est la notion d’empire qui revient déguisée. Cette rectification a surpris les globalistes autant que leurs adversaires, mais beaucoup l’ont acceptée.

Vittorio Orlando (Italie), David Lloyd George (Angleterre), Georges Clemenceau (France) et Woodrow Wilson (États-Unis) à la conférence de la paix de Paris, en décembre 1918, qui aboutira à la signature du traité de Versailles. © Granger collection / Bridgeman images
Vittorio Orlando (Italie), David Lloyd George (Angleterre), Georges Clemenceau (France) et Woodrow Wilson (États-Unis) à la conférence de la paix de Paris, en décembre 1918, qui aboutira à la signature du traité de Versailles. © Granger collection / Bridgeman images.

Si les concepts et les termes sont plus clairs sur le plan intellectuel, qu’en est-il sur le plan politique ?

En politique, il y a plus de confusion parce que, dans l’esprit des gens, les idées sont inséparables des politiciens qui les portent. Le débat politique sur la nation se confond avec la question « Aimez-vous ou non Trump, Johnson, Orban ou Modi ? ». C’est normal parce que, dans un pays démocratique, on a besoin de discuter des avantages et des inconvénients qu’il y a à élire une personnalité spécifique. Cependant, les idées politiques transcendent les appréciations personnelles. Par exemple, beaucoup de gens ont voté pour Trump, en dépit du fait qu’ils n’appréciaient pas du tout son style, parce qu’il incarnait à leurs yeux l’indépendance, les traditions et la fierté nationales. Il faut dire aussi que beaucoup d’autres n’ont pas l’habitude d’entendre un discours nationaliste : ils en ont peur, et ils ont tort. À mesure que le nationalisme, au sens où je l’entends, se normalisera, on verra émerger une plus grande variété de leaders nationalistes, dont certains seront moins excentriques, plus raisonnables, et en conséquence plus attractifs. Mais ce sera un processus long, sur vingt ou trente ans.

Les politiciens nationalistes sont généralement traités de populistes, ce qui n’est pas un compliment. Quel est le lien entre nationalisme et populisme ?

Ceux qui utilisent le terme « populiste » ont tendance à penser en termes de lutte des classes. Pour eux, notre époque est marquée par le combat entre, d’un côté, les classes moyennes et ouvrières et, de l’autre, des élites fortunées, puissantes et éduquées. Je ne prétends pas que ce combat n’existe pas. Ce qui me gêne dans cette thèse est qu’elle implique que le public au sens large en sait nécessairement plus que les élites. Dans une perspective nationaliste traditionnelle, ce postulat n’a pas de sens. Parfois, le public a raison contre les élites, parfois c’est le contraire. L’approche nationaliste traditionnelle consiste à déterminer quelles relations entre les élites et les autres classes seront les plus propices au bien commun de la nation. En résumé, j’évite le terme « populiste », parce que je ne veux pas réduire les choses à une lutte des classes, même s’il est vrai que, depuis au moins trente ans, nos élites sont majoritairement globalistes et antinationalistes.

Quelles sont les implications de la culture « woke » et des protestations minoritaires qui ont marqué 2020 ? Ces mouvements identitaires ne risquent-ils pas de torpiller toute possibilité de renaissance nationaliste ?

Il y a eu des événements choquants, aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, mais plus significative encore a été la capitulation d’institutions établies comme le New York Times ou l’université de Princeton – parmi des centaines d’autres – devant une forme de marxisme remis au goût du jour. Car pour les militants woke, tous ceux qui appartiennent à une catégorie ethnique ou « genrée » qu’ils approuvent – les dominés et les « racisés » –  forment un prolétariat au nom duquel ils cherchent à renverser les structures de pouvoir existantes. L’été dernier, nous avons découvert que les institutions libérales traditionnelles étaient sans défense devant cette subversion révolutionnaire. Et cela aura des conséquences sur le débat intellectuel et politique. Pendant longtemps, le débat a opposé l’internationalisme libéral et le nationalisme – et personnellement j’y ai participé volontiers. Désormais, l’internationalisme libéral se montre très hostile au libéralisme traditionnel. Résultat prévisible, la plupart de ceux qui soutiennent le vieux libéralisme se retrouveront dans le camp des nationalistes. En effet, on les somme de capituler devant cette nouvelle forme de marxisme. Les plus faibles courbent l’échine, mais les plus robustes dans leur libéralisme se rapprocheront du nationalisme.

Le principe de l’autodétermination des peuples, cher au président Wilson au lendemain de la guerre de 14-18, a conduit à la désagrégation des empires. Ce même principe ne risque-t-il pas aujourd’hui de désagréger les nations à leur tour, les fracturant en régions ou en communautés distinctes ?

Ici, il faut faire une distinction entre l’utopisme nationaliste que représente Wilson et le pragmatisme nationaliste que je prône. Toute structure politique peut être décomposée en ses éléments constituants. Nous voyons en Syrie ou en Irak que, quand les structures de gouvernement tombent, la société se décompose en clans indépendants, s’abîme dans une sorte d’anarchie tribale où chaque chef de famille doit s’armer et se défendre pour survivre. La thèse que je développe dans mon livre, et qui ressemble à celle de Pierre Manent, considère l’État-nation indépendant comme un point d’équilibre entre deux forces. D’un côté, la tendance vers l’empire universel qui apporte la paix en imposant un cadre unique à tout le monde. De l’autre côté, la tendance vers de plus en plus d’indépendance qui apporte la liberté, mais au prix du désordre. La première favorise l’harmonie sociale et la prospérité, mais pas la liberté ; la deuxième favorise l’autonomie, mais attise les conflits et la violence. Le nationalisme n’est pas une utopie où chaque groupe qui le désire devient un État indépendant, mais une façon pragmatique de réconcilier empire et anarchie.

Dans ce cas, quelle doit être l’attitude de l’État-nation indépendant sur l’immigration et l’assimilation des immigrés ?

Il faut d’abord accepter le fait qu’un certain degré de diversité dans la population d’une nation est inévitable. Essayer d’imposer la même religion et une langue unique à tous les citoyens revient à transformer un nationalisme pragmatique en un nationalisme utopique, violent et oppressif. Il faut éviter à la fois que la nation vole en éclats et qu’elle devienne un instrument d’oppression. L’homme d’État cherche toujours à renforcer la cohésion de la nation et la loyauté réciproque entre les citoyens. Qu’il soit de gauche ou de droite, il doit se demander si l’immigration à grande échelle renforce la cohésion nationale ou l’affaiblit. Les gens qui arrivent de l’extérieur ne sont pas nécessairement un facteur de désagrégation. Certains étrangers peuvent être très motivés pour devenir français, par exemple, tandis que d’autres viennent seulement pour des raisons de nécessité vitale. Les premiers sont prêts à renforcer la culture nationale, mais les autres veulent défendre leur propre culture. L’homme d’État doit savoir si tel ou tel groupe crée une nouvelle tribu à l’intérieur de la nation, qui n’est pas loyale à celle-ci. Il n’y a pas de règle concernant l’immigration : il faut se faire un jugement pragmatique selon les circonstances.

Les États-nations font aujourd’hui face à de nouvelles menaces : l’islamisme, les ambitions hégémoniques de la Chine… Ces menaces ne justifient-elles pas la création de blocs comme l’Union européenne qui a été fondée en partie pour faire contrepoids aux États-Unis et surtout à l’Union soviétique ?

Ces menaces ressemblent aux vieux projets impérialistes. Les islamistes – à la différence d’un très grand nombre d’autres musulmans – ont une vision de l’islam qui entraîne nécessairement la soumission de l’Europe et du reste de la terre. Ils sont convaincus qu’il faut imposer la paix au monde par la conquête islamique. Ils sont fermés à toute négociation. On ne peut pas conclure un accord avec eux, comme Israël, par exemple, a pu le faire avec les Émirats arabes unis. Il faut combattre les islamistes à l’intérieur de la nation par la cohésion interne et à l’extérieur par des ententes avec les États musulmans non islamistes, par la dissuasion et – si nécessaire – par la guerre. Il n’y a pas d’autre solution. Les démocraties européennes ont des intérêts communs très forts en termes de sécurité, étant menacées potentiellement par la Russie, la Chine et la Turquie. Il n’y a aucune raison pour laquelle elles ne renforceraient pas le libre-échange qui profite à toutes. Mais est-il vraiment nécessaire de fonder une union fédérale, avec une gouvernance centralisée, une seule et même Cour qui impose sa loi aux nations et une monnaie commune ? La vision de de Gaulle et le marché commun ont été remplacés par un ordre utopique qui opprime les États-nations. Face à la crise actuelle, l’UE, aussi faible soit-elle, profite des circonstances pour imposer plus de centralisation et étendre ainsi son empire sur les nations.

Yoram Hazony, Les Vertus du nationalisme (préface de Gilles-William Goldnadel), Jean-Cyrille Godefroy, 2020.

Les Vertus du Nationalisme

Price: 22,80 €

4 used & new available from

[1]. Le Shalem Center, aujourd’hui le Shalem College, fondé en 1994.

Relire Patricia Highsmith

0
L'écrivain américain Patricia Highsmith dans sa maison en Suisse, 1984 © Tim Mercer/REX/SIPA Numéro de reportage : Shutterstock40737773_000004

Une des grandes dames du roman noir aurait eu cent ans. L’occasion de voir qu’elle a toujours dépassé les frontières du genre pour se révéler un écrivain majeur.


À l’occasion du centenaire de la naissance de Patricia Highsmith (1921-1995), les éditions Calmann-Lévy republient Ripley entre deux eaux. Ce roman, sorti en 1991, est le cinquième et dernier tome de la série des Ripley, du nom de son personnage central, incarné au cinéma notamment par Alain Delon dans le film Plein soleil de René Clément. Depuis quelques années, Ripley entre deux eaux était devenu introuvable, car il ne figurait pas dans le volume de chez « Bouquins », qui ne comprend que les quatre premiers titres. C’est donc une excellente chose de disposer désormais de tous les Ripley qui sont autant de grands classiques à relire.

Séduction flottante

Les romans de Patricia Highsmith étaient davantage que des polars, en réalité des œuvres littéraires complexes à part entière. Avec Tom Ripley, elle a créé un héros fascinant, dont l’ambiguïté se glisse sans complexe dans les anfractuosités de l’existence humaine. Ripley utilise sa séduction flottante dans un combat de tous les instants pour survivre.

A lire aussi, Ingrid Riocreux: Cold Case: le mépris des ploucs, un racisme autorisé

Le volume le plus extraordinaire est à ce titre le premier, Monsieur Ripley (1955), qui tire parti de l’identité incertaine du personnage. Le film de René Clément arrivait à le faire sentir de manière paroxystique, lors de la scène de la banque, lorsque Delon, jouant de sa ressemblance avec son ami, essaie de retirer de l’argent en son nom.

Entre Amérique et vieille Europe

Chez Patricia Highsmith, il y a toujours une morale, derrière le cynisme apparent. Ripley, par exemple, n’aime pas du tout la mafia. Il voudrait vivre en bon père de famille, à Fontainebleau, en compagnie de sa femme Héloïse. Est-ce cette tranquillité qu’il recherche vraiment ? Lorsqu’il a l’occasion de revenir aux Etats-Unis, il se dit avec nostalgie qu’il n’aurait jamais dû en partir. À cheval entre Amérique et vieille Europe, comme Patricia Highsmith elle-même, Tom Ripley ne s’affirme jamais d’un bloc parmi les apparences qui s’offrent à lui. Dans Ripley entre deux eaux, venant à bout d’une sombre histoire de tableaux et de maître chanteur, il tire à nouveau parti de son absence d’identité, de son invisibilité, pourrait-on dire, sans qu’un tel dénouement, pourtant positif, ne vienne ajouter quelque chose à ce mécanisme humain.

La vérité sur Tom Ripley

J’ai entendu dire que Patricia Highsmith avait, après ce cinquième tome, le projet d’en écrire un dernier, dans lequel elle aurait fait mourir Ripley. Elle n’en aura pas eu le temps, et c’est peut-être mieux ainsi. Le mystère propre au personnage de Ripley ne se serait sans doute pas accommodé d’une fin si radicale. Il nous reste le loisir de nous replonger dans cette petite saga, pour découvrir la « vérité » sur Tom Ripley – une tentative similaire, si l’on veut, à celle de Kafka poursuivant « la vérité sur Sancho Panza »…

Ripley entre deux eaux, Patricia Highsmith. Éd. Calmann-Lévy.

Ripley entre deux eaux - Nouvelle édition 2021

Price: 17,00 €

13 used & new available from 4,99 €

PLEIN SOLEIL - DVD COLLECTOR

Price: 6,99 €

27 used & new available from 3,99 €

Basile de Koch réfugié climatique

0
Coucher de soleil sur la plage de Sainte-Anne (Martinique). T’es con, t’aurais dû venir. © AFP.

Pour les « Fêtes », qui s’annonçaient particulièrement sinistres, comment échapper d’un coup d’aile au couvre-feu et à la fermeture de tout, sans parler du froid et de la pluie ? Une seule adresse : les Antilles françaises. Je m’étonne même de ne pas t’y avoir croisé.


BAD MOON RISING

Mardi 15 décembre

18 heures : Arrivée à Fort-de-France. Ça commence mal. Au guichet de Thrifty, j’apprends que ma réservation de voiture du 13 juin a été annulée, sans préavis ni mobile apparent. Surtout, rester calme.

C’est le moment que choisit notre hôtesse pour « prévenir », tandis que le soleil se couche : pas d’électricité cette nuit dans notre location. EDF devait passer aujourd’hui, finalement ce sera demain. « Mais ne vous inquiétez pas, rassure-t-elle gaiement, il y a des bougies dans les tiroirs. » Allons tant mieux ! Les voisins d’en dessous, eux, ont dans leur jardin un superbe arbre de Noël clignotant, mais la jalousie est un vilain défaut.

Après enquête approfondie, à la lumière d’un smartphone, il s’avère qu’il n’y a pas plus de bougies que de beurre en broche. Respirer à fond, boire un coup…

Enfin vers 22 heures, voici les bougies tant attendues, et même deux torches en sus. C’est Byzance ! Enfin on va pouvoir dîner froid, se doucher glacé et faire son lit comme on se couche : mal et, en ce qui me concerne, moins fatigué qu’énervé. J’ai dû pour m’endormir écouter France Info. (Tiens, un alexandrin !)

Le lendemain, M. EDF me livre son diagnostic : « C’est tout le système électrique qu’il faut changer ! » Je promets de transmettre.

Pas trace non plus de la wifi prévue dans le contrat. C’est embêtant pour ma chronique, sans parler de Netflix et Snapchat.

NOËL ET LE MIRACLE DU SACRISTAIN

Jeudi 24 décembre

Après la série noire des premiers jours, beau fixe. Le seul incident notable relève de mon inconduite automobile.

Ma fille et moi étions allés en ville, dans une sainte intention : vérifier les horaires de la messe de Nwel à Notre-Dame de Sainte-Anne. Pendant qu’elle allait se renseigner, je tentai en vain de me garer sur la place, avant de monter la rue à droite de l’église, ornée d’un panneau « Parking » ; autant dire que je suis tombé dedans. Au total, 12 places en épi, toutes occupées bien sûr (la chorale répète), et au-delà un cul-de-sac.

Infichu de faire demi-tour, me voilà bloqué en travers de la rue, entre des maisons en dur et une pente fatale. Plus j’essaie d’avancer, plus la bagnole recule. Je sors de la voiture avant de faire l’ultime connerie – mais sans m’en éloigner quand même ; j’ai vu Christine.

C’est ma fille qui me trouvera de l’aide, en la personne du sacristain : le saint homme dégage ma caisse en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Après ça, je ne saurais faire moins que de remercier Notre Seigneur Jésus-Christ en assistant à son anniversaire, quel qu’en soit l’horaire.

FRANÇOIS DEGUELT AVAIT RAISON

Mercredi 30 décembre

Remis de mes émotions, conscient de mon privilège, je carpe enfin le diem en songeant aux mots du poète : « Il y a le ciel, le soleil et la mer. » Et surtout, pas trace ici d’« état d’urgence sanitaire », mais des bars et des restos ouverts, après les plages sublimes.

Car entre deux messes de Noël, je trouve quand même le temps de faire un peu d’exercice physique – qui peut aussi être spirituel, paraît-il, pour peu qu’on ait une âme.

Moi, c’est brasse de chien et aquagym personnalisée, au moins une heure trente par jour. On en croise du monde, surtout le week-end, sur la plage familiale de Pointe Marin. Outre les nains hurleurs, à vous rendre pédophobe, je rencontre ainsi régulièrement une bande de mémères en goguette, cheveux courts réglementaires, mais aux teintes les plus variées. Ces dames trempotent dans l’eau toute la sainte journée en faisant pia-pia ; mais qui suis-je pour juger ?

Jusqu’au jour où, soudain, l’une d’entre elles s’immerge (jusqu’à la permanente), avant de ressortir en lançant à la cantonade : « Putain, ça fait trop du bien ! » Je n’aurais pas été plus surpris d’entendre une racaille déclarer sa flamme à sa meuf en lui balançant :

« Ce n’est plus une ardeur de mes veines cachée

C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »

Le Bao Bar, point de ralliement des touristes branchés, riches et/ou jeunes, sert aussi de refuge à tous en cas de drache sévère – à condition de consommer quand même, faut pas déconner.

Le restaurant La Péniche, de l’autre côté de la rue, a une autre conception des affaires ; fermé durant toutes les vacances, il n’ouvrira qu’après le départ du dernier touriste, à part nous. Et les recettes ? Pa ni pwoblem. Si ça se trouve, les tenanciers eux-mêmes étaient en vacances à Paris.

NIGHT-CLUBBING À SAINTE-ANNE

Jeudi 7 janvier

Après le coucher de soleil, pourquoi pas un petit tour en ville ? Sur la grand-place, un bar idéal pour l’apéro : « Opéi » (prononcer : Au pays). Au bar, ti punch, Lorraine (la bière locale, avec la croix du même métal) et planteur pour les touristes. Ils font même des pizzas. En face, une ou deux fois par semaine et sans supplément de prix, concert de gwoka avec chanteuse, tambour bèlè, djembé et percussions variées.

Les artistes, qui partagent visiblement la et les mêmes cultures, ne manquent pas de punch. Du coup, pris par le rythme, ils jouent volontiers deux heures de rang, jusqu’à épuisement. Mon ami Jojo, qui « aide les jeunes » le samedi, me livre son secret : « Quand je suis cuit, j’arrête. » Une sagesse à méditer.

Même les dealers sont cool. Ils t’abordent poliment, et c’est pas le genre à se vexer si tu refuses leur beuh. (Cela dit, j’ai pas essayé.)

Après l’apéro tipico, direction La Dunette, un resto à touristes, pour changer. Foin des gargotes « authentiques » en bord de route, avec patates douces et bananes plantain. Vive l’attrape-couillon sur pilotis, avec poisson grillé, Minuty et vue imprenable sur la baie de Sainte-Anne. Flûte, on a oublié le selfie !

En un mot comme en cent, c’est là qu’il fallait être pour la Nwel. Désormais, ça va être moins facile : par décret du préfet de Martinique, les touristes hexagons devront se confiner pendant huit jours à leur arrivée, entre deux tests PCR, avant de pouvoir profiter de leur séjour. Bref, si vous n’avez qu’une semaine, autant rester à l’hôtel Ibis d’Orly, qui accueille les animaux à défaut des fumeurs.

Christine [Blu-ray]

Price: 60,00 €

8 used & new available from 59,84 €

Comment Israël a planifié et réussi la vaccination de sa population

0
Benjamin Netanyahu, 9 janvier 2021 à Ramat Gan © Miriam Elster/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22528869_000001

Avec plus de 200 000 doses administrées chaque jour, Israël vaccine à un rythme quinze fois plus élevé que la France ou l’Allemagne. Cette vaccination massive permet aujourd’hui à l’État hébreu de sortir du confinement et de revenir à une vie presque normale. Si une telle campagne de vaccination a été possible c’est grâce à une anticipation et à un système de santé particulièrement performant. Récit.


Vendredi 5 février au petit matin, au terme d’âpres négociations, le gouvernement israélien a annoncé la fin du troisième confinement et la réouverture progressive des écoles, des commerces et des lieux de loisirs. Israël pourrait être le premier pays du monde à sortir de l’épidémie de Covid-19, un an tout juste après la première vague de contaminations. Si la victoire sur le virus se confirmait, elle serait due essentiellement à une campagne de vaccination massive d’une intensité sans égale ailleurs dans le monde. Entre le 18 décembre et le 4 février, plus de deux millions de personnes ont reçu les deux doses du vaccin Pfizer, dont 80% des plus de 70 ans. Avec plus de 200 000 doses administrées chaque jour, Israël vaccine à un rythme quinze fois plus élevé que la France ou l’Allemagne.

À bien des égards, le succès de cette campagne foudroyante en dit long sur l’éthos israélien : une audace confinant au culot, des facultés d’organisation impressionnantes et un mode de gouvernance conjuguant le libéralisme le plus offensif avec les valeurs socialistes des pionniers.

Préparer la vaccination par une anticipation

Au cours de l’été 2020, alors que plusieurs grands laboratoires pharmaceutiques annoncent des résultats encourageants, Israël prend langue avec Moderna, considéré alors comme le plus proche d’une autorisation de mise sur le marché. À l’instar d’autres pays occidentaux, Israël préempte l’achat de plusieurs millions de vaccins et consent à verser une avance conséquente : 120 millions de dollars (environ 100 millions d’euros). L’État hébreu mise parallèlement sur les travaux d’une équipe de scientifiques locaux à travers l’Institut Biologique, un organisme public basé à Nes Tsiona, près de Tel-Aviv. Mais à l’automne, il comprend qu’il n’a pas misé sur les bons chevaux :  c’est Pfizer qui terminera la course en tête. Le gouvernement entame alors des négociations avec la firme américaine sans attendre le feu vert de la FDA qui n’interviendra que début décembre. Quant à l’agrément des services de santé israéliens, le ministre de la Santé Yuli Edelstein indique d’emblée qu’il suivra forcément l’avis de la FDA. Rien de surprenant à cela. De la biotech au cannabis médical, les industries pharmaceutiques américaines et israéliennes entretiennent des rapports étroits depuis de longues années. Nombre de scientifiques israéliens travaillent aux États-Unis. À titre d’exemple, le directeur médical de Moderna, le docteur Tal Zaks, est un Israélien formé à l’université Ben Gourion de Beer-Sheva, dans le sud d’Israël. Ce détail en dit long sur la façon israélienne de faire, car la France en particulier et l’UE en général n’ont pas tiré avantage du fait que des Français (le patron de Moderna Therpeutics, Stéphane Bancal, est Français) et des Européens tiennent des postes clés dans les entreprises pharmaceutiques qui dominent aujourd’hui le marché de vaccins contre le Covid19.

A lire aussi, du même auteur: L’avenir de la Cisjordanie se joue à Sarcelles et à Brooklyn

Face à Pfizer, le Premier ministre Nétanyahou en personne prend la tête de l’équipe de négociateurs. Il sollicite un entretien téléphonique avec Albert Bourla, le PDG du géant pharmaceutique. Au cours de la conversation, Nétanyahou n’hésite pas à jouer sur la fibre identitaire : « J’ai demandé à lui parler et il a répondu immédiatement. Il semble qu’Albert Bourla soit très fier de son héritage grec et juif de Thessalonique. Et il m’a dit qu’il…

>>> Lire la fin de l’article sur le site géopolitique de la revue Conflits <<<

Les « Triplés » dans le collimateur de la cancel culture

0
Aperçu d'une page des Triplés dans "Madame Figaro". Image: capture d'écran.

On peut se demander si cette rage destructrice, qui se drape de la toge de l’indignation, ne s’abreuve pas surtout à une incapacité à entendre, comprendre et s’approprier le passé…


Après « Tintin au Congo », « Autant en emporte le vent », « Les Aristochats », l’Opéra de Paris, « Mahomet » de Voltaire, ou encore « Grease », c’est à présent aux « Triplés » du Figaro de se retrouver dans le collimateur des thuriféraires de la cancel culture [tooltips content= »On vous a reproché de dessiner une famille modèle, pas très représentative de la société française. Et alors ? Je n’ai aucune haine sociale. Moi j’avais envie de parler de l’art de vivre français. On m’a reproché d’avoir fait une mère aussi jolie. Évidemment toutes les mères ne sont pas aussi élégantes et aussi jolies, mais pour les enfants, leur mère c’est toujours la plus belle, donc je dessine la plus belle des mamans. Je ne comprends pas pourquoi les gens boudent leur plaisir. Nicole Lambert dans Ouest-France, janvier 2021″](1)[/tooltips].

Héééé, oui ! Trop blonds, trop proprets, trop bien élevés, les « Triplés » ne seraient pas représentatifs de la vraie famille française. On apprend donc que les BD et cartoons ont pour vocation d’être « représentatifs ». Ça va chauffer pour Flash Gordon…

Le bon sens voudrait que si telle ou telle œuvre vous insupporte, vous ne la lisiez, ne l’écoutiez ou ne la regardiez pas, point. Mais ce serait trop simple ! Ce n’est pas vous, vous qui êtes choqué, qui devez vous abstenir, c’est le reste de l’humanité.

A lire aussi: Autant en emporte le « Woke »

Car à l’instar des Vandales ou des islamistes, les nouvelles duègnes veulent la disparition des œuvres qu’elles jugent choquantes. 

Bien sûr, il convient, depuis la fin des années 60, de faire table rase de la culture judéo-chrétienne, mère de tous les vices et de tous les fléaux, comme chacun sait. Cette destruction du passé et des racines devrait permettre le surgissement d’une humanité nouvelle, débarrassée des scories occidentales (voire des Occidentaux, tant qu’à faire), festive, soumise, peu instruite, sans attaches durables et totalement interchangeable, sans distinction d’âge, de race ou de sexe. Finis la transmission et les patrimoines de toute sorte, génétiques, culturels ou financiers, et vive l’Open Society ! 

N’empêche que l’on peut se demander si cette rage destructrice, qui se drape de la toge de l’indignation, ne s’abreuve pas surtout à une incapacité à entendre, comprendre et s’approprier ce passé, ces traditions et cette culture, bref, si ce n’est pas tout simplement la bêtise et l’ignorance qui, une fois encore, traquent le génie, le talent, la beauté ou tout simplement la joie de vivre.

La question algérienne: un procès à charge qui ne dit pas son nom

0
Loris Chavanette. Photo: Erik Martens

 


L’analyse de l’historien Loris Chavanette, auteur du roman La Fantasia (Albin Michel, 2020).


En vue du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022, Emmanuel Macron a un plan: réconcilier les deux pays, pacifier les mémoires des deux côtés de la Méditerranée afin de tirer un trait sur le passé. Bref, il se hasarde dans des chemins où personne ne s’est jamais aventuré avant lui sinon dans la communication politique. Notre président peut certes s’appuyer sur la personnalité de l’historien Benjamin Stora. De près de trente ans son aîné, ce dernier sert de caution scientifique et morale au chef d’Etat dans son entreprise de reconquête de l’amitié algérienne.

La réalité est que le président français cède à une double pression: celle exercée par un pan de la jeunesse française habituée à siffler la Marseillaise; celle exercée ensuite par le nouveau président algérien, Abdelmadjid Tebboune, exigeant que l’Etat français présente des excuses sans réserve à son pays, non seulement pour les crimes commis pendant la guerre d’indépendance, mais aussi pour l’occupation coloniale dans son ensemble. Ce dernier s’estime en droit de poser des conditions strictes à la France car il trouve en Emmanuel Macron un interlocuteur à son goût, celui-là même qui, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, interviewé par un média algérien, avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ».

Il ne faut pas faire de l’histoire une affaire politique

Dans ces conditions, Benjamin Stora a fort à faire. Il sait pertinemment qu’aucune des conditions n’est réunie pour mettre un terme au sempiternel conflit franco-algérien: d’abord parce que l’histoire ne devrait jamais être une affaire de tambouille politique; ensuite parce que l’histoire nécessite une contextualisation permanente des événements, n’en déplaise aux partisans de la moralisation anachronique de l’action des hommes du passé; enfin parce que l’histoire a toujours été impuissante, confrontée à la virulence de mémoires contraires. Pour ces raisons, l’initiative de Macron a toutes les chances de rester un vœu pieux.

Surtout, dans toute cette affaire, il y a une erreur d’appréciation commise dès le départ. En exigeant des excuses en bonne et due forme, dans lesquelles serait englobée la faute originelle de la colonisation, le gouvernement algérien a pris la position la plus radicale, victimaire, et morale sur le sujet; or c’est presque toujours la voix la plus indignée, excessive même, qui a le dernier mot à ce jeu-là. Indignation immédiatement soulevée par l’Etat algérien à l’invocation de possibles effets positifs de l’époque coloniale! Indignation semblable dès que l’on parle des crimes commis par le FLN à l’égard des civils lors de la guerre! On peut décliner sans fin.

Ainsi, il faut bien appeler par son nom l’enquête historique lancée: c’est un procès à charge intenté à la France et à son histoire qui risque de se transformer en justice des vainqueurs où seule la vision binaire, manichéenne, décontextualisée, s’impose au final.

La littérature, ma contribution dans cette «guerre des mémoires»

Toute la meilleure volonté du monde de Benjamin Stora demeure impuissante face à la guerre des mémoires que se livrent les parties en présence. C’est un fait attesté par un Etat algérien arc-bouté sur ses positions (les critiques venant d’Alger contre le rapport Stora le montrent d’ailleurs). Tout comme les discours des Français d’Algérie, ruminant leur malheur, le prouvent quotidiennement.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Rapport Stora: la repentance à sens unique?

En tant que descendant de pieds-noirs, j’ai tenté cet impossible rapprochement entre les deux rives, dans un roman parce que la littérature est encore le seul endroit où l’on peut rêver de chasser la colère de l’histoire en faisant appel à la beauté du monde. La Fantasia (Albin Michel) peint l’Algérie d’après-guerre, une société gangrénée par le racisme et les inégalités sociales, un pays d’une richesse à couper le souffle, avec ses légendes, ses vastes espaces, son sensualisme tout oriental et ses trésors d’humanité. Entre les monts tlemcéniens et la côte oranaise, en passant par l’aridité des plaines de Sidi Bel Abbès, c’est l’époque coloniale que j’ai cherché à faire revivre avec tout ce qu’elle avait d’illusions, de préjugés, de douleurs et de couleurs. Critiqué d’un côté pour avoir fait un tableau enchanteur de l’Algérie coloniale et incriminé de l’autre pour avoir pointé les souffrances engendrées par un système de domination (raciale ou patriarcale), le roman a bien atteint son but.

Dans le livre, mon héroïne Mariane, originaire d’Espagne et catholique, raconte à son petit-fils sa jeunesse, avec tout ce que cette dernière a eu de merveilleux et aussi de douloureux. J’ai rapporté une anecdote que ma grand-mère avait pris soin de me raconter: dans son immeuble de Mostaganem, une voisine, chrétienne comme elle (du nom de Lambertine), vivait avec un médecin musulman. Fréquemment, les femmes du quartier l’humiliaient et lui crachaient dessus pour lui montrer toute la détestation qu’elles avaient pour les femmes libres de son genre. Le seul crime de Lambertine était d’aimer un homme qui n’était pas de sa culture. Mariane était profondément attristée par cette situation et témoignait de l’affection pour la malheureuse quand elle se trouvait seule en sa compagnie.

Amour impossible

En racontant cette scène, j’ai cherché à faire réfléchir sur le racisme dans cette société coloniale, car c’était aussi ça l’Algérie tant regrettée par certains. J’ai essayé la voie de l’autocritique envers ma propre histoire, mon propre peuple. Et je peux mesurer à quel point ce dialogue est presque impossible. Mais l’Algérie des années 50, c’était aussi les hôpitaux, les routes, les écoles, ce qui m’a poussé à évoquer la décision de Mariane, femme au foyer, de donner des cours de français et d’algèbre à de jeunes Algériens, ou encore sa rencontre avec un cavalier arabe qui se décide à lui faire découvrir et aussi aimer le pays de ses ancêtres.

Il y a de la complexité dans notre histoire commune, beaucoup d’indicible aussi, comme dans toutes les histoires d’amours impossibles.

Ainsi au lieu de centrer le débat sur la question de savoir si la France doit s’excuser et de quoi, il est crucial de tenter de comprendre notre histoire et non de placarder des jugements purement moraux. Car si l’amnésie serait une faute, la repentance à tout prix, elle, est à coup sûr une erreur.

La Fantasia

Price: 19,90 €

25 used & new available from 2,50 €

Darmanin et Le Pen sortent-ils vraiment tous deux gagnants du débat de France 2?

0
Marine Le Pen et Gérald Darmanin, le 11 février 2021. Image: Capture d'écran France 2.

Le débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen a, d’une certaine manière, tenu ses promesses. Concernant le livre de Gérald Darmanin, la présidente du RN a affirmé qu’elle aurait pu « le signer ». Quand le détail de la loi confortant les principes républicains a été abordé, et qu’elle se voyait ironiquement reprocher sa mollesse, elle a lancé au ministre: « Moi, je m’attaque à l’idéologie islamiste ». L’analyse de Philippe Bilger.


Le débat de hier soir sur France 2 a, d’une certaine manière, tenu ses promesses. Parce que, dans la forme et la courtoisie apparente, il ne pouvait pas ne pas les tenir. La présidente du RN avait trop besoin de faire oublier sa conduite erratique de 2017 et, au moins sur ce plan, était condamnée à se maîtriser. Elle l’a fait. Quant au ministre, il est resté fidèle à son registre talentueux et de professionnel sûr de ses chiffres. L’un et l’autre, sans se laisser troubler par deux arbitres (c’était beaucoup !) pour leur dialogue, ont mis parfois de l’ironie pour elle, de la condescendance pour lui, dans leurs propos.

Sur le fond, ils sont d’accord sur beaucoup de points

Pour le fond, si les échanges n’ont pas été éblouissants mais souvent passionnants malgré les thèmes battus et rebattus, rien n’était gagné par avance pour les deux contradicteurs. Précisément, parce qu’une familiarité, sinon une complicité, existait entre eux, d’abord sur la prédominance des sujets régaliens au sens large – séparatisme, immigration, islamisme, idéologie ou religion dévoyée – et même sur leur appréhension. Il n’était donc pas facile, sans forcer artificiellement le trait, malgré cette similitude, de s’opposer authentiquement.

Marine Le Pen, focalisant sa critique sur l’interdiction de l’enseignement à domicile, a ainsi semblé valider l’essentiel du projet de loi « pour renforcer les principes républicains » et Gérald Darmanin, sentant sa gêne, lui a évidemment prêté une adhésion qu’elle ne voulait pas avouer ni assumer.

A lire aussi: Louis Aliot/musées à Perpignan: « Nous devons apprendre à vivre avec ce virus »

Elle a également mis en évidence une ambiguïté centrale du texte, qui consistait, faute pour le gouvernement d’oser dénoncer seulement l’islamisme, à mettre les religions en vrac dans le même sac de police administrative. Même si on comprend bien le souci du pouvoir, cette globalité purement tactique occultait la visée fondamentale de ces dispositions en paraissant refuser de nommer une suspicion, une culpabilité si des innocences ne se trouvaient pas impliquées avec elles.

Marine Le Pen a relevé le hiatus entre les écrits du ministre et sa politique

Marine Le Pen, peu friande des détails, des précisions, des chiffres, raisonnant en gros, tentait autant que possible de déserter le terrain qui ne lui convenait pas pour s’abandonner, souvent avec pertinence, à des dénonciations générales, à des indignations répétitives qui faisaient mal parfois quand elles touchaient leur cible. Leur faiblesse tenait à ce qu’elles permettaient à Gérald Darmanin de tancer son interlocutrice, de manière humiliante malgré le sourire qu’il affichait et celui qu’elle conservait, sur ses approximations, ses imprécisions, le flou, que son énergie n’effaçait pas, de certains de ses projets, la contradiction entre ce qu’elle proclamait et ce qui aurait été possible juridiquement et politiquement. Il s’engouffrait dans ce qui demeurait à la fois la force et la fragilité de Marine Le Pen: excellente dans la charge, médiocre dans les analyses, pauvre dans l’opératoire.

Il est vrai qu’elle n’a pas ménagé non plus Gérald Darmanin sur le hiatus entre les principes et l’extrémisme de son dernier livre[tooltips content= »Le séparatisme islamiste : Manifeste pour la laïcité, L’Observatoire, 2021″](1)[/tooltips] et la réalité de son action… Tentant de faire de l’esprit en accusant la présidente du RN d’être « plus molle » que lui et en l’incitant à « prendre des vitamines », il convainquait moins qu’il ne fuyait le plus élégamment possible. Ainsi, Marine Le Pen a marqué des points sur ce sujet, parce qu’elle révélait ainsi les sinuosités intellectuelles et politiques du ministre de l’Intérieur.

A lire aussi, Martin Pimentel: Débat Darmanin/Le Pen: un avant-goût de la présidentielle nous est promis!

Gérald Darmanin, dans cette joute, n’a pas gagné mais n’a rien perdu de son capital enrichi par une vive intelligence, la certitude du destin plus vaste qui l’attend, un langage épousant habilement les séquences des échanges. Un ministre sur qui le président pourra compter à condition qu’il ne varie pas sans cesse entre le modèle de Nicolas Sarkozy et celui du centriste équilibré, frileux, précautionneux qui ne lui va pas comme un gant.

Macron surveille Le Pen mais n’a pas à la craindre outre mesure

Marine Le Pen a remonté la pente. Si j’étais son futur adversaire en 2022, je ne la sous-estimerais pas, mais je n’aurais pas peur. Techniquement, pour le verbe, elle a progressé et sa psychologie, son comportement ne l’ont pas desservie. Mais l’exercice n’a pas été à ce point remarquable qu’elle puisse demain intimider, voire tétaniser son contradicteur. Emmanuel Macron sera moins confortablement installé dans son discours mais il y aura toujours des points faibles dans la dialectique et la personnalité de celle qu’il attend en nous faisant croire qu’il la combat.

La meilleure nouvelle, pour le RN, est survenue en dehors du débat. Pour 40% des Français, ce parti est de loin le plus crédible pour répondre au défi de la sécurité et au danger de l’islamisme en France. Certes Marine Le Pen peut faire fondre cette confiance mais ce peut être aussi, pour elle, un encouragement pour 2022. Surtout que le président a découvert seulement sur le tard le régalien. Il le fallait bien, pour que la droite et la droite extrême n’en aient pas le monopole! Tout est encore ouvert pour 2022.

Il n’y a pas que le vaccin. Que faire des malades?

0
Le ministre de la Santé Olivier Véran se fait vacciner à Melun, le 8 février 2021 © Jeanne Accorsini/ DICOM/SIPA Numéro de reportage: 01003566_000005

On aurait pu craindre que les prouesses des thérapies vaccinales anti-Covid-19 fassent oublier les traitements visant à soigner les patients atteints de la Covid-19. Mais les traitements curatifs anti-Covid-19 conservent toute leur place dans la stratégie de lutte contre la pandémie et la recherche dans ce domaine se poursuit.


D’aucuns voudraient voir dans le succès des vaccins anti-Covid-19 comparé aux échecs relatifs des traitements antiviraux les manœuvres mercantiles d’entreprises pharmaceutiques qui auraient tout fait pour privilégier une stratégie leur assurant d’importants profits (la vaccination) et empêcher le repositionnement de traitements moins rentables. Mais en matière de maladies virales, découvrir un traitement curatif reste un challenge. 

Un virus mauvais candidat à l’éradication

Les virus sont des formes de vie à part, considérés à la frontière du vivant car ils ont besoin pour se reproduire des autres organismes, de les parasiter et de s’emparer de leur machinerie. Si bien que tenter de détruire les virus revient souvent à être toxique vis-à-vis de nos propres cellules qu’ils parasitent. Il faut reconnaitre en outre que les vaccins à ARN messagers contre la Covid-19 ont dépassé toutes les attentes. Mais il serait naïf de croire que la vaccination anti-Covid-19 sonnera le glas du SARS-CoV-2. Pour être éradiqué, un virus doit pouvoir induire une immunité suffisamment robuste. Or les cas de réinfections et l’émergence de variants facilitée par la prolifération mondiale du virus ne font pas du SARS-CoV-2 un bon candidat à l’éradication. De plus, l’immunité collective comme barrière à la propagation virale est difficile à atteindre pour un virus qui se transmet dans des populations connectées qui n’ont pas la même capacité à être immunisées. Car l’accès à la vaccination dans le monde est disparate, en particulier concernant les pays africains. Dès lors les traitements antiviraux gardent toute leur place dans la stratégie de lutte contre la Covid-19

A lire aussi, Anne-Laure Boch: Vaccinée, enfin!

Chez les personnes susceptibles de développer des formes graves, le challenge est grand : il s’agit d’être rapidement efficace car il faut éviter que la prolifération virale induise des lésions potentiellement irréversibles ou susceptibles de compliquer l’infection, et éviter l’emballement du système immunitaire (inflammation) contre lequel le traitement antiviral ne peut rien une fois le processus enclenché… 

Les médicaments contre la phase inflammatoire de la maladie

Dans la grippe, par exemple, on considère qu’au-delà de deux jours après le début des symptômes le traitement antiviral est inutile. Les médicaments anti-infectieux repositionnés tel que le remdésivir (anti-Ebola), le lopinavir-ritonavir (anti-VIH), l’hydroxychloroquine (antipaludéen), l’azithromycine (antibiotique) et le favipiravir (antigrippal) peinent à démontrer leur efficacité dans le traitement ou la prévention des formes graves de Covid-19. Il en est de même pour les thérapies basées sur des anticorps bloquant le SARS-CoV-2 comme ceux reçus par Donald Trump ou l’injection de plasma contenant des anticorps de patients guéris de la Covid-19. Il est possible que les résultats mitigés pour ces traitements soient liés au fait qu’ils soient utilisés trop tardivement dans la maladie. Par exemple, l’utilisation de la colchicine, un anti-inflammatoire indiqué dans la goutte, chez des patients Covid-19 à risque de forme grave dans les 24 heures suivant le diagnostic donne des résultats encourageants : la colchicine pourrait diminuer le risque de complications[tooltips content= »Résultats à confirmer : https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.26.21250494v1 « ](1)[/tooltips]

A lire aussi, du même auteur: Stratégie vaccinale française: et si la lenteur avait eu du bon?

Si les médicaments agissant directement sur le virus doivent encore faire la preuve de leur efficacité dans les formes graves, les progrès dans le traitement des effets indirects inflammatoires du virus ont radicalement changé le pronostic des patients Covid-19 graves : l’oxygénothérapie en ventilation libre est plus largement prescrite et permet ainsi d’éviter la ventilation invasive en réanimation; les corticoïdes, qui luttent contre l’inflammation, sont désormais indiqués en France chez les patients Covid-19 nécessitant une oxygénothérapie et les anticoagulants prescrits aux patients à risque de thrombose. De nouvelles biothérapies visant spécifiquement la phase inflammatoire de la maladie pourraient changer la donne pour les patients hospitalisés : une entreprise israélienne qui utilise une stratégie thérapeutique innovante (injection de cellules « mourantes » qui « détournent » les cellules inflammatoires) rapportait récemment des résultats préliminaires prometteurs pour ces patients Covid-19 graves[tooltips content= »https://enlivex.com/pipeline/covid-19/ »](2)[/tooltips].

Des recherches qui se poursuivent loin de la couverture médiatique

Les personnes jeunes et en bonne santé, donc capables de se débarrasser du SARS-CoV-2 sans l’aide d’un traitement curatif a priori, pourraient aussi bénéficier de ces traitements. D’abord parce qu’aider le système immunitaire avec un antiviral ou une immunothérapie pourrait éviter à celui-ci de s’emballer et ainsi de produire les « formes symptomatiques longues » (anosmie, fatigue, douleurs, dépression sur plusieurs mois) observés chez certains patients Covid-19, notamment jeunes. Aussi parce que ces personnes pourraient être moins contagieuses, car en diminuant rapidement la quantité de virus (charge virale) d’un individu par un traitement médicamenteux on limite sa contagiosité. Si initialement la majorité des études s’est focalisée sur les patients les plus graves, la recherche s’intéresse aujourd’hui davantage à ces patients non graves dont le traitement est également important pour les raisons évoquées plus haut. Didier Raoult et ses équipes ont été les premiers en France à étudier ces patients non graves. Mais les études qu’ils ont produites, et notamment celles suggérant un effet de l’hydroxychloroquine sur la charge virale, restent contestées pour des raisons méthodologiques. Récemment, une étude canadienne dans laquelle l’injection en sous-cutané d’une forme modifiée d’un antiviral que l’on produit naturellement, l’interféron lambda-1, chez une trentaine de malades covid-19 a montré que cet interféron diminuait la charge virale[tooltips content= »https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(20)30566-X/fulltext »](3)[/tooltips]. Une étude récente combinant deux anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 a montré que cette bithérapie pourrait réduire la charge virale chez des patients Covid-19 non graves, et même peut-être éviter l’hospitalisation[tooltips content= »https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2775647?guestAccessKey=7571f5bb-4dd9-498a-a7d6-caea0ed23194&utm_source=silverchair&utm_medium=email&utm_campaign=article_alert-jama&utm_term=mostread&utm_content=olf-widget_01252021″](4)[/tooltips]. L’ivermectine, un antiparasitaire, pourrait réduire la durée de l’anosmie lorsqu’elle est utilisée chez des patients non graves et 72 heures après le diagnostic[tooltips content= »Résultats préliminaires chez seulement 12 patients : https://doi.org/10.1016/j.eclinm.2020.100720 « ](5)[/tooltips]. Ces traitements étudiés chez des patients non graves constituent un véritable espoir pour limiter la contamination et les effets délétères indirects de la Covid-19.

A lire aussi, du même auteur: A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

Contrairement à ce que pourrait faire croire leur faible couverture médiatique, les recherches visant à éradiquer le SARS-CoV-2 et à lutter contre ses effets inflammatoires délétères se poursuivent. La preuve en est ce nouvel antiviral, le Molnupiravir, qui devrait être prochainement testé chez l’homme et qui a été mis au point par l’entreprise allemande Merck qui a d’ailleurs abandonné son projet de développement de vaccin anti-Covid-19. S’il existe 236 vaccins candidats en cours d’études dont 63 testés chez l’homme[tooltips content= »https://www.who.int/publications/m/item/draft-landscape-of-covid-19-candidate-vaccines »](6)[/tooltips], les études relatives aux traitements curatifs de la Covid-19 se comptent en milliers à travers le monde[tooltips content= »https://clinicaltrials.gov/ct2/who_table »](7)[/tooltips]. Les essais se poursuivent en France (anticorps, plasma de patients guéris, interférons) et des études incluant de la doxycycline (antibiotique) et de l’ivermectine sont en cours d’instruction par les autorités sanitaires françaises pour autorisation[tooltips content= »https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/professionnels-de-sante/recherche-sur-la-covid-19/article/liste-des-projets-de-recherche-impliquant-la-personne-humaine-a-visee »](8)[/tooltips]. La Covid-19 a donné un coup d’accélérateur à un domaine de recherche confidentiel, celui du traitement des maladies virales respiratoires. Car en matière de lutte contre les virus respiratoires auxquels s’ajoute désormais le SARS-CoV-2, contrairement au VIH et aux virus hépatiques qui ont bénéficié d’investissements importants ayant conduit à la découverte de traitements performants, tout reste à faire.   

Canada: un Gouverneur-Général iroquois ?

0
Partie de lacrosse entre colons et Iroquois, 1876 MARY EVANS/SIPA 51291477_000001

Au Canada, qui est une monarchie constitutionnelle, le Gouverneur-Général est le représentant officiel de la Reine Elizabeth II. Le chef de la Confédération des Iroquois voudrait que ce poste, actuellement vacant, soit occupé par un membre d’une de ses propres tribus.


C’est une lettre surprenante que Buckingham Palace a reçu ces derniers jours. Okimaw Vernon Watchmake, chef de la Confédération du Traité des Six Nations iroquoises du Canada, a pris sa meilleure plume d’aigle afin d’écrire à la reine Elizabeth II et lui faire part de ses inquiétudes nées de la démission de la Gouverneur-Générale Julie Payette. Accusée d’avoir créé un « climat toxique » à Rideau Hall, la résidence des représentants de la souveraine au pays de l’érable, cette ancienne astronaute a décidé de quitter ses fonctions le 21 janvier et de laisser temporairement les rênes de cette charge honorifique à Richard Wagner, le juge en chef de la Cour suprême du Canada.

La Guerre de Sept ans

Pas de quoi rassurer ces Iroquois, croqués dans le Dernier des Mohicans de James Fenimore Cooper, qui ont déjà eu affaire au fonctionnaire dans des litiges fonciers ayant opposé ces Amérindiens à l’État fédéral. « Nous sommes partenaires de la Couronne et il est important que notre voix soit entendue dans le processus de nomination du prochain Gouverneur-Général » a insisté Okimaw Vernon Watchmake. Le chef, qui souhaite également que le poste revienne à un des chefs de la Confédération, a été rejoint dans sa requête par celui de l’Assemblée des Premières Nations.

A lire aussi: Canada: de la méritocratie à la «racialocratie»

« Il est temps que le Canada ait son premier Gouverneur Général autochtone. J’ai toujours dit que nous devions amener les peuples des Premières Nations aux plus hauts niveaux du pouvoir décisionnel et le Gouverneur Général, pour moi, est l’un des plus élevés » a déclaré Perry Bellegarde. « Lorsque le représentant de la reine Victoria a approché nos peuples pour conclure un traité de paix et d’amitié, nos ancêtres ont accepté dans la paix et l’amitié. Nous continuons de considérer ces traités comme des engagements sacrés » précise d’ailleurs le communiqué officiel de la Confédération qui rappelle également que les Iroquois ont été longtemps les alliés des Britanniques contre les Français, notamment lors de la guerre de Sept ans qui a éclaté au cours du XVIIIe siècle entre ces deux nations.

Six Nations: la probable défaite

Une initiative qui ne plaît pourtant pas à tout le monde.

« Le simple fait de nommer une personne autochtone à ce poste ne réglerait pas vraiment les causes profondes du colonialisme et des inégalités dans le pays aujourd’hui. Cela ne signifierait aucunement la réconciliation entre nos nations, cela ne voudrait simplement rien dire » a déclaré l’écrivain et journaliste amérindienne, Tanya Talaga. « Le Gouverneur-Général est un représentant de la Couronne, qui est censé faire part des préoccupations des partenaires du traité à la Couronne. Cette personne doit-elle être autochtone, probablement pas. Les Gouverneurs-Généraux représentent la Couronne, pas les peuples autochtones » a tweeté Robe Houle, membre de la Première nation Wapsewsipi en Alberta.

Du côté du Conseil privé de la reine Elizabeth, on fait le même constat et on ne goûte guère aux reproches faits à Richard Wagner. « Les rôles du juge en chef et du Gouverneur Général restent distincts et il conserve une totale indépendance dans l’exercice de ses fonctions judiciaires. Même lorsque le poste de Gouverneur-Général n’est pas vacant » répond la porte-parole du Conseil privé. « Les juges de la Cour suprême sont appelés de temps à autre à exercer des fonctions de député du Gouverneur-Général, et ce sans compromettre leur indépendance judiciaire » ajoute Béatrice Fénelon qui oppose ici une fin de non–recevoir aux Six Nations. Pas question que la « Grande mère blanche », la Queen, ne se mêle d’une affaire qui est purement canadienne, bien qu’elle fasse les choux gras des tabloïds britanniques qui regrettent la mauvaise publicité que cette démission donne aux Windsor.