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Six Français sur 10 favorables au nucléaire


Les quatre Français restants défavorables à l’énergie nucléaire sont-ils encore victimes de l’écologisme? Une tribune libre de Bernard Durand, Jean-Paul Oury et Jean-Philippe Vuillez


D’après une enquête Odoxa, 59% des Français sont favorables au nucléaire, alors qu’une majorité y était hostile il y a encore trois ans. L’opinion serait-elle en train de changer ? Comment expliquer ce revirement ? Voici quelques pistes de réflexion.

Un leitmotiv profondément ancré

Il est si commode pour les anti-nucléaires, d’agiter devant le béotien l’épouvantail de cette chose insidieuse – car invisible, imperceptible et sournoise car ses effets sont différés – qu’est la radioactivité… Le débat récemment relancé sur les effets délétères des essais nucléaires français en Polynésie, ou encore le livre Toxique (Sebastien Philippe et Tomas Statius, PUF, 2021) contribuent à infuser cette peur, même si le nucléaire militaire est bien distinct du nucléaire civil.

Les sujets d’inquiétudes ne manquent d’ailleurs pas pour ce dernier, qu’il s’agisse des peurs de fuites de centrales qui pourraient rejeter sans qu’on le sache, de la radioactivité dans l’environnement, des déchets radioactifs que l’on doit enfouir ou encore des déchets à très faible activité… Il existe une phobie de la radioactivité or celle-ci est le plus souvent caricaturée, voire, totalement infondée: notre corps contient tout à fait normalement (« naturellement » !) des radionucléides, responsables d’environ 10% de l’irradiation naturelle de l’organisme[tooltips content= »Un individu de 70 kg contient tout à fait normalement (« naturellement » !) environ 8 400 Bq en moyenne dont 4 400 Bq de potassium 40,  3 700 Bq de carbone 14, 40 Bq de tritium, et même quelques dizaines de Bq de rubidium 87 de polonium 210 (davantage chez les fumeurs). Ces radionucléides, dont l’organisme est forcément le réceptacle (cela correspond à l’abondance isotopique d’éléments aussi fondamentaux et abondants chez les êtres vivants que le potassium et le carbone) sont responsables d’environ 10% de l’irradiation naturelle de l’organisme. »](1)[/tooltips].

La vérité sur les accidents nucléaires

Ceci-dit, les esprits ont été marqués par des accidents spectaculaires et dont on redécouvre aujourd’hui que les conséquences ne sont pas aussi graves que ce que l’on en a dit pendant des années. À l’occasion de l’anniversaire de Fukushima, plusieurs articles viennent de paraitre pour relater une vérité beaucoup moins catastrophiste que celle qui s’est imprimée dans l’opinion jusqu’à présent: cet accident n’a pas provoqué de morts dues à la radioactivité.

A lire aussi: Rémy Prud’Homme : «Fermer la centrale de Fessenheim au nom du CO2 est intellectuellement insupportable»

Dans le même genre, aujourd’hui, quand les experts échangent sur le dossier Tchernobyl ils osent maintenant regarder la vérité en face et s’appuyer sur les vraies données de l’OMS pour reconnaitre qu’il n’y a pas eu une centaine de milliers de morts comme a voulu le faire croire Greenpeace. On sait que ce sont surtout les évacuations mal encadrées et la peur de la radioactivité qui ont entrainé le plus de décès. Une peur que l’on peut et doit maitriser et non encourager. Hélas le travail de sape accompli par les anti-nucléaires a fait son effet.

Latome: un des quatre totems de l’écologisme

Cela fait maintenant des années que l’écologisme (à ne pas confondre avec l’écologie scientifique), dénigre la science prométhéenne[tooltips content= »Jean-Paul Oury, Greta a tué Einstein (VA édition, 2020) »](2)[/tooltips] de manière systématique. Cette idéologie politique voudrait que l’homme cesse de fissionner l’atome, de manipuler le vivant, de propager des ondes et d’utiliser des molécules. Elle s’appuie sur deux méthodes pour y parvenir.

Mettre en scène un risque potentiel pour le faire passer pour un danger réel:  Dans les années 60, les premiers opposants au nucléaire civil ont organisé des actions d’agit-prop pour faire croire qu’il recouvrait les mêmes dangers que le nucléaire militaire et le diaboliser.

– Poser une question non scientifique aux scientifiques par le biais du principe de précaution: On demande, par exemple, aux experts du nucléaire de prouver que les stratégies d’enfouissement des déchets sont absolument sans aucun risque sur les 200 000 années qui viennent, sujet sur lequel un scientifique sérieux ne peut se prononcer… le risque zéro n’existe pas.

Le résultat de ces campagnes étant que l’idéologie prend le pas sur une analyse froide et scientifique, laquelle évaluerait une technologie en fonction d’une balance risque bénéfice et la comparerait aux autres. Mais l’écologisme, on va le voir, ne s’arrête pas à la diabolisation de la science ; il saisit également l’opportunité pour pousser son propre agenda « technologique ».

La transition énergétique en question

Depuis des années on vend à l’opinion que la transition énergétique – qui a pour impératif affiché de diminuer nos émissions de CO2 – passe systématiquement par l’installation de parc d’éoliennes et la désactivation du parc nucléaire. Or il est aisé de démontrer avec des arguments scientifiques et techniques précis qu’en France, les éoliennes ne peuvent pas avoir une action significative sur cette diminution, mais au contraire, que leur généralisation et la destruction de notre parc nucléaire ne peuvent qu’augmenter ces émissions pour les amener au niveau très élevé de l’Allemagne. L’écologisme, qui prétend le contraire, commet donc un abus de confiance caractérisé vis-à-vis des écologistes et plus généralement des Français.

Autrement dit, l’opinion se rend progressivement compte que les éoliennes font courir des risques à l’humanité (du simple renchérissement de l’énergie qui affecte prioritairement les plus pauvres aux terribles black-out) et présentent une quantité d’externalités négatives pour l’environnement (oiseaux, pollution visuelle, déchets, métaux rares, utilisation de centrales à charbon et à gaz…)[tooltips content= »Bernard Durand et Jean-Pierre Riou, 2020: La trahison des clercs, l’éolien et le solaire photovoltaïque en Europe https://aspofrance.org/2020/10/29/leolien-et-le-solaire-photovoltaique-en-europe-la-trahison-des-clercs-par-bernard-durand-et-jean-pierre-riou-01-janvier-2020/« ](3)[/tooltips].

L’écologisme réclamait des éoliennes, le scientifique prenant en compte des considérations écologiques, lui démontrera par A + B que c’est le nucléaire qui apporte de vraies réponses… une vérité qu’il faut encore marteler davantage.

La révolte des scientifiques français 

Les attaques répétées contre le progrès technologique ont eu pour résultat de créer le doute dans l’opinion qui n’est plus persuadée des bienfondés de la science prométhéenne à résoudre les problèmes environnementaux.

Or récemment on a observé une vague de révolte chez les scientifiques qui ont fait des efforts considérables pour vulgariser et expliquer leur action dans les médias. Ils se sont battus à coup de tribunes, de passages médias et de vidéos Youtube pour faire savoir que le nucléaire était la source d’électricité non seulement la plus sûre – en nombre de morts tant immédiates que différées dans le temps par TWh d’électricité produite – mais également la plus apte à fournir une énergie décarbonée.

Quand on analyse le sondage BVA, on peut se dire que ces messages commencent à passer: six Français sur dix ont compris. Il ne reste plus qu’à convaincre les quatre restants.

Bernard Durand, ingénieur, chercheur et naturaliste, auteur de Un vent de folie L’éolien en France, mensonge et arnaque ? (2020, Editions Saint-Léger)
Jean-Paul Oury, Docteur en histoire des sciences et technologies, Auteur de Greta a tué Einstein, VA Presse (2020)
Jean-Philippe Vuillez, Professeur d’université de Biophysique et Médecin nucléaire, ancien Prési-dent de la Société Française de Médecine Nucléaire, membre du HCTISN jusqu’en 2020.

Napoléon les dérange-t-il tous?

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Des esprits contemporains étriqués, appliquant une lecture féministe ou indigéniste à l’histoire, voient d’un mauvais œil les commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon…


Tel un bulldozer anéantissant tout sur son passage, la culture de l’annulation, appelée « cancel culture » outre Atlantique, ne cesse de prendre de l’ampleur jusqu’à atteindre la figure historique de Napoléon Bonaparte. Selon David Saforcada, président du France Bonapartiste, ce phénomène s’inscrit dans un mouvement de « détricotage du récit national » et relève d’un « anachronisme éculé.»

Quand la « cancel culture » part à l’assaut de Napoléon Bonaparte

De Colbert à Napoléon Bonaparte, en passant par Christophe Colomb ou encore les Belges Léopold II et Annie Cordy, une vaste entreprise de « déconstruction » épargne peu de figures historiques occidentales.

En France, l’Année Napoléon, et les commémorations entourant le bicentenaire de sa disparition, suscitent de nombreuses critiques par une partie de la gauche et de la classe politique. Aurélien Taché, député du Val-d’Oise, va jusqu’à déclarer que « Napoléon, c’est comme si l’OAS était au pouvoir en Algérie. » Une semaine auparavant, Danièle Obono, députée LFI, déplorait le choix du gouvernement de célébrer une « figure autoritaire et réactionnaire. » C’est « l’un des plus grands misogynes » de l’histoire, déclarait Elisabeth Moreno, ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes.

Assurément, l’Empereur est loin d’être dans les bonnes grâces d’une partie de la classe politique. David Saforcada, président du mouvement politique France Bonapartiste a eu l’amabilité de nous éclairer sur cette nouvelle tendance. Pour lui, le bonapartisme a toujours un sens aujourd’hui et n’est ni une attitude passéiste, ni la nostalgie d’un monde révolu.

David Saforcada D.R.
David Saforcada D.R.

Causeur. Êtes-vous surpris par cette polémique créée par une frange de la gauche, autour de l’Année Napoléon ?

David Saforcada. Je ne vous étonnerai pas en vous répondant non. Cela fait partie de son détricotage du récit national. Je vous avouerai que je ne suis pas non plus surpris de l’attitude d’une partie de la droite molle ou de celle qu’on nomme nationale. Napoléon les dérange tous.

A lire aussi: Selon le «New York Times», Napoléon était un… suprémaciste blanc!

Qu’avez-vous pensé des récentes déclarations d’Aurélien Taché, faites sur Cnews ?

Je pense que monsieur Taché devrait ouvrir de véritables livres d’histoire et ne pas venir déverser des tombereaux d’âneries sur l’histoire napoléonienne, il devrait aussi éviter les anachronismes éculés qui n’amènent rien au débat. C’est affligeant d’entendre autant de malhonnêtetés et de niaiseries.

Ce dernier prend soin de distinguer « commémoration » et « célébration », puis établit un parallèle entre l’Empereur et l’OAS en Algérie, que pensez-vous de cette analogie, et de ses éventuelles conséquences sur la population issue des pays du Maghreb ?

Concernant la « polémique » commémorer ou célébrer Napoléon, à chacun de prendre la définition qui l’intéresse mais vu ses connaissances historiques je lui conseille de ne rien faire … Pour ce qui est de l’OAS, j’ai beau tourner dans tous les sens l’histoire de Napoléon Ier je n’arrive pas à voir où il veut en venir. S’il veut parler d’Algérie et de Napoléon, alors qu’il nous parle de Napoléon III qui fut le seul à avoir une véritable vision politique, avec son ami l’émir Abdelkader, au sujet de l’Algérie. Ce serait donner beaucoup d’importance à monsieur Taché que de croire qu’il peut avoir une influence sur la population issue du Maghreb.

A lire aussi, enquête: L’étrange projet de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Selon Elisabeth Moreno, ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, l’empereur Bonaparte serait un « grand misogyne », qu’avez-vous à répondre à ce genre de déclarations ?

Je voudrais juste demander à madame Moreno ce qu’ont fait Gambetta, Ferry, Clémenceau, Jaurès ou Blum pour la condition de la femme ? Il faudra attendre le général de Gaulle pour voir la femme être libérée. Et aujourd’hui que fait-on concrètement pour le droit des femmes dans certains quartiers, dans le monde du travail ? Napoléon misogyne, pas plus pas moins que son époque et sûrement moins que certains depuis 1815…

Quelles seraient selon vous les conséquences de ce mouvement de « déconstruction de l’histoire », notamment pour l’unité de la France ?

Détruire son histoire c’est prendre deux risques :

Le premier, faire de la France une nation sans âme et donc une nation sans force ce qui à l’heure actuelle amènerait à son effacement complet sur la scène mondiale alors que de nombreux pays voient encore celle-ci comme un phare. Le second serait d’empêcher toute intégration et assimilation, car comment vouloir devenir Français ou simplement respecter la France si celle-ci n’est pas capable d’assumer son Histoire, de mettre en avant ses grandeurs, ses gloires, civiles, scientifiques, militaires, sociales, de célébrer ses grandes figures ?

La France au Sahel: quels objectifs pour quelle guerre?


Faute d’objectifs stratégiques clairs, notre engagement au Sahel suscite des doutes croissants. Dans cette région instable, on ne parviendra ni à éliminer le terrorisme, ni à consolider la démocratie. Si nous sommes conviés à un effort au très long cours, c’est pour empêcher des djihadistes de semer la mort en France et des migrants de partir vers l’Europe. 


C’est le lot commun de toutes les opérations extérieures : l’euphorie du commencement, la stagnation de la mission, puis les doutes et les désirs de départ alors que passent les années et que les morts s’égrènent. La France est présente au Mali depuis janvier 2013 (opération Serval, devenue Barkhane en 2014), d’abord pour éviter que Bamako soit prise par une colonne de djihadistes, puis pour maintenir un minimum de stabilité au Sahel et « lutter contre le terrorisme ». C’est oublier que la cause directe de la déstabilisation du Mali fut l’intervention française en Libye (2011) quand Kadhafi, avant d’être renversé, donna argent et armes aux Touaregs sécessionnistes. En clair, Barkhane consiste à recoller les morceaux du vase que nous avons fait choir.

En raison du coût humain et financier de l’opération et faute d’une stratégie de sortie, de nombreux commentateurs plaident pour un désengagement de nos forces. En réalité, le maintien ou le départ de l’armée française est secondaire. La seule et vraie question porte sur nos objectifs stratégiques : « Pourquoi sommes-nous là-bas ? » Or, à la différence de Serval, Barkhane pèche depuis son origine par son absence d’objectifs stratégiques définis. La lutte contre le terrorisme n’en est pas un. Le terrorisme est une arme, ce n’est nullement un adversaire, encore moins une idée. C’est comme si Napoléon s’était maintenu en Espagne pour lutter contre la guérilla. Nous ne savons pas s’il faut partir ou rester parce que notre intervention répond à des objectifs tactiques, non à une ambition stratégique.

Une présence militaire continue, pour peu de choses

Voilà presque cent cinquante ans que la France est présente en Afrique, depuis ces années 1880 où les premiers soldats et explorateurs se sont risqués dans les méandres d’un continent jusqu’alors inconnu. Depuis, nous n’en sommes pas partis et la vague des décolonisations en 1960 n’a guère changé la donne. Après la colonisation assumée, pour apporter la civilisation aux « races inférieures », puis la colonisation distendue, est intervenue, dans le tournant des années 2000, une « colonisation humanitaire ». Certes, les pays d’Afrique n’ont plus d’administrateurs français et les États sont juridiquement indépendants, mais entre le soutien appuyé à tel président, comme Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, les transferts financiers massifs, sous forme d’annulation de dette, d’aide au développement et de subventions, et la présence militaire ponctuelle ou régulière pour maintenir la stabilité politique, les cartes n’ont pas été complètement rebattues. Depuis 1960, la France est intervenue sept fois en Centrafrique. En Côte d’Ivoire, une présence militaire française stable est installée depuis 2002. Nos forces sont stationnées au Tchad depuis 1983 (l’opération Épervier ayant été fondue dans Barkhane en 2014). Et il faut en outre compter avec les interventions ponctuelles, comme au Biafra. Depuis 1960, l’armée française n’a cessé de parcourir le continent et de conduire des campagnes africaines. Pas pour des raisons économiques : en 2017, l’Afrique représentait à peine 1,7 % du commerce mondial et 5 % du commerce extérieur français. Avec 6,9 %, la Belgique absorbe davantage d’exportations françaises que l’ensemble du continent africain. Si ces interventions ont pour finalité d’établir la démocratie, force est de constater que c’est aussi raté : les coups d’État demeurent et le vote continue de suivre les frontières ethniques.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Légion étrangère: le chant d’honneur

Définir les raisons d’une présence, ou d’un départ

Si la réalité de la guerre reste insupportable à beaucoup, il faut néanmoins s’accorder sur un constat simple : on fait la guerre pour soi, pas pour les autres. Telle devrait être la logique de notre présence en Afrique en général et au Sahel en particulier. On ne fait pas la guerre pour maintenir le régime malien ou ivoirien – c’est un moyen –, mais parce que notre intérêt commande que nous évitions la trop forte déstabilisation de la zone. Si le Sahel s’effondre, des migrants partiront vers l’Europe, des bases djihadistes se formeront, qui deviendront autant de lieux pour recruter, s’entraîner, séquestrer des otages, faire des trafics et préparer des attaques contre la France. La Méditerranée est notre muraille, le Sahara et le golfe de Guinée nos avant-postes. La France doit disposer de camps fortifiés et de postes avancés au Sahel, pour protéger son territoire et subséquemment pour favoriser la stabilité des pays de la région. Et c’est là le nœud de l’affaire : maintenir des avant-postes et stabiliser une région ne sont pas les objectifs d’une opération militaire (comme Serval, par exemple, dont l’objectif était de sauver Bamako), mais les buts d’une stratégie globale de sécurité nationale. Autrement dit, appeler Barkhane une opération est un abus de langage.

C’est une politique de sécurité nationale qu’il faut définir, assumer et faire accepter par les citoyens et leurs représentants. Certes ces opérations militaires ont un coût important, mais c’est un moindre mal eu égard aux conséquences d’une dislocation de la bande sahélienne. Cette présence nécessaire est faite pour durer, au moins plusieurs décennies ; elle sera mouvante : nous quitterons peut-être le Mali pour aller vers d’autres territoires ; les effectifs seront fluctuants, au gré des nécessités et des urgences. Cela suppose de connaître et de prendre en compte les réalités locales, notamment ethniques et culturelles, de s’immiscer le moins possible dans la politique partisane locale (cela doit être un intérêt malien national et non pas la politique d’une partie ou d’un clan), et de disposer de capacités militaires, technologiques et logistiques adéquates. Une « guerre CDI » assumée donc, parce que nécessaire. Et c’est parce que les buts auront été définis de façon claire que la nation pourra supporter les coûts humains et financiers de ces efforts à très long cours.

«La guerre contre l’islamisme est un combat idéologique et culturel»

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Le Maire de Cannes, en vue à droite, estime que la France a longtemps été d’une mollesse incroyable avec les islamistes. Il indique comment couper le robinet de l’immigration massive. Entretien.


Qu’avez-vous pensé du débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen sur le séparatisme ?

Je me disais devant ma télé, quelle étroite et sinistre vision du pays. À un moment Marine Le Pen cite le livre de Gérald Darmanin sur le séparatisme, qui est intéressant, et elle le compare avec ce qu’il propose dans la loi. Et il est vrai qu’il y a gap énorme entre le constat, terrible et juste, contenu dans le livre, et l’action, timorée, contenue dans le texte législatif. L’emphase dans le discours de ce pouvoir est très destructrice de confiance car on constate de façon symétrique l’impuissance de l’État dans les faits. Comme disait Raymond Aron, « je déteste autant le conformisme et le révolutionnarisme ». Rien n’a changé depuis. Nous avons un conformisme techno habillé de discours enflammés qui ne sont pas suivis par des actes politiques forts. Et en face un révolutionnarisme démagogique des extrêmes, fait d’incantatoire et de racolage. Entre les deux, il y a la France !

Une immense majorité de citoyens, de droite, du centre, de gauche, sont atterrés de l’incapacité du pouvoir à agir, à exécuter. Marine Le Pen n’a pas été bonne pendant ce débat, elle ne connaissait pas les chiffres de l’immigration, qui est pourtant son thème quasi exclusif. Mais elle disait une chose juste et terrible, sur l’incapacité à agir des gouvernements depuis quarante ans : nous ne sommes même pas capables d’expulser les personnes en situation illégale sur notre territoire, quand les autres démocraties y parviennent.

A lire aussi, Philippe Bilger: Darmanin et Le Pen sortent-ils vraiment tous deux gagnants du débat de France 2?

La France doit enfin comme toute démocratie souveraine maîtriser ses flux migratoires, aujourd’hui couper le robinet de l’immigration massive, et pour cela, puisqu’il le faut juridiquement, adapter la Constitution et remettre en cause la jurisprudence sclérosante de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous avons des lois, et nous sommes impuissants pour les faire respecter. Cela ne peut plus durer. La Justice dépend de l’application effective des règles résultant de la volonté populaire et encadrées par l’Etat de droit. Or, l’Etat est souvent fort avec les faibles et les classes moyennes, et faible avec les forts et ceux qui ne respectent rien. Il suffit d’être automobiliste, ou un peu solvable, pour s’en rendre compte. C’est la raison de la légitime colère des premiers Gilets jaunes, avant que ce mouvement soit faisandé par les extrémistes et les casseurs. Nous avons un État mou, défaillant pour sanctionner l’abus de quelques-uns, et qui alors a la tentation d’interdire l’usage pour tous. Le manque d’autorité régalienne génère un problème non seulement d’ordre mais aussi de liberté.

Quel regard portez-vous sur la progression de l’islamisme, niée par toute une partie de la gauche ?

Un de mes meilleurs amis est algérien. Au moment des attentats de Charlie, on s’est dit immédiatement qu’on partait pour une décennie noire comme en Algérie. Ces amis algériens, musulmans pratiquants par ailleurs, m’ont toujours dit que la France était d’une mollesse incroyable avec les islamistes. Vous ne pouvez pas leur dire, à eux qui ont perdu des proches massacrés par les islamistes, qu’il n’y a qu’une différence de degré entre un musulman et un islamiste. C’est faux. Il y a une différence de nature. L’islamiste est musulman mais le musulman n’est pas forcément islamiste.

Dans le monde, beaucoup de musulmans sont victimes des islamistes. Ils les haïssent pour de bonnes raisons. Ce qui est inquiétant, c’est la progression du nombre d’islamistes, qui font pression sur les autres, les réduisent au silence ou les manipulent. La masse dévore l’individu. Les salafistes, les frèristes des quartiers l’ont bien compris. C’est pour cette raison quantitative qu’il faut enfin une politique ferme dans les faits.

A lire aussi, Charles Rojzman: Les mots de l’islamo-gauchisme

Le renoncement d’une partie des élites — politiques, universitaires, médiatiques— à voir dans l’islam politique un danger pour la République évoque tout autant une forme de déni du réel que d’acceptation de l’inéluctable. N’est-il pas trop tard pour combattre la progression de l’islamisme?

Nous pouvons agir d’une part en maitrisant l’immigration, d’autre part en sanctionnant, et en assimilant. Ainsi, au-delà du nécessaire combat militaire, policier et judiciaire, la guerre contre l’islamisme est un combat idéologique et culturel. Pour les jeunes cela passe beaucoup par la culture, d’où l’importance de l’éducation artistique et culturelle (évoquée en détail ici NDLR). J’y crois beaucoup. Ceux qui flinguent les fans de rock au Bataclan sont les mêmes que l’imam de Brest qui dit tranquillement à des enfants « écouter de la musique va vous transformer en porcs ». Ces gens détestent la culture précisément parce qu’elle éloigne leur clientèle de leurs délires obscurantistes. Quand on pense que la France n’a même pas été capable d’expulser ce prêcheur de haine !

La grande erreur de la bien-pensance d’une partie de la gauche, du «camp du bien » autoproclamé, en politique comme dans les médias, est d’être les idiots utiles de cette idéologie mortifère. Ils font semblant de confondre lutte contre l’islamisme et islamophobie. Cette manie d’essentialiser les gens, de renvoyer chacun à sa couleur de peau, à son origine, de dire à chacun « tu es une victime », est une forme de mépris extraordinaire des individus et d’alimentation de violentes forces centrifuges.

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Les réponses de Gilles Cosson à la “crise de sens”

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Entretien avec Gilles Cosson, qui publie Vers une espérance commune[tooltips content= »Pierre-Guillaume de Roux, 2021″](1)[/tooltips]


Observant que le relativisme et le matérialisme se sont emparés de nos sociétés occidentales largement déchristianisées, l’essayiste Gilles Cosson pose quelques jalons pour une nouvelle espérance commune… Constatant le changement radical du monde, décrivant les nouveaux périls qui s’annoncent pour les hommes (conflits armés, radicalisation de l’islam, changement climatique etc.), ce voyageur estime que les grands textes fondateurs devraient être réexaminés dans une optique impitoyablement critique. Curieuse et ambitieuse entreprise, même si Cosson n’entend pas rejeter les religions!

Son essai rappelle en tout cas que la soif de l’humanité pour une explication globale du monde est telle qu’elle ne sera jamais prête à y renoncer. Entretien.

Gilles Cosson. D.R.
Gilles Cosson. D.R.

Causeur. Votre ouvrage entend proposer un cadre permettant de faire advenir une espérance adaptée à notre temps… Comment ne pas tomber dans l’écueil de l’ésotérisme dans ce genre d’entreprise?

Gilles Cosson. Oui, cet écueil est évident. Mais, comme je le souligne chemin faisant, je ne demande à personne de renier sa foi. Je présente une philosophie d’espérance commune aux hommes d’aujourd’hui et de demain. Car notre environnement change si vite que le désespoir guette ceux qui se replient sur des doctrines souvent dépassées. Il faut ouvrir les pages et non les fermer.

Quelle éducation religieuse avez-vous reçue?

Ma mère était catholique, mon père agnostique, ma sœur ainée est protestante. Mes origines religieuses sont donc variées. J’ai beaucoup d’estime pour les religions judéo-chrétiennes qui ont tant apporté au monde, mais aussi pour les philosophies religieuses orientales, tel le taoïsme ou le bouddhisme. Bref l’admiration et la sympathie pour ces diverses croyances sont pour moi fondamentales avec une préférence marquée pour les convictions laissant à chacun sa liberté de choix. Les mérites correspondants n’en sont que plus grands. Au contraire, les certitudes, trop souvent abusives, constituent pour moi le piège à éviter.

Même s’il ne revêt aucun caractère prescriptif, votre essai ne risque-t-il pas d’être mal compris avec ces conseils sur la pratique spirituelle ou la méditation en fin d’ouvrage? 

J’ai simplement souhaité fournir un guide de comportement parmi bien d’autres à ceux qui n’en ont plus aucun. Et ils sont nombreux. Mon expérience de la vie pratique comme de la vie intellectuelle m’a montré l’oubli progressif de la plupart des rites ou des recherches spirituelles par l’homme contemporain, balloté entre le relativisme et le matérialisme. Cela est d’autant plus regrettable que la science moderne nous offre l’image d’une puissance mystérieuse qui gouverne le monde depuis l’origine, idée admirable, stupéfiante et pourtant possible. Il nous appartient de contribuer à la beauté de cette force qui est de nous et par nous en témoignant au travers de nos pensées et de nos actes de la grande idée que nous nous en faisons.

L’homme athée contemporain ne peut-il pas sereinement mener sa vie?

Je crois que le besoin de croire, de donner un sens à son existence est si fort qu’il est très difficile de rejeter toute idée de transcendance. Cette revendication-là, formulée ou non, est éternelle et je ne crois guère au mythe de « l’homme fort », menant sa vie sans lien aucun avec l’univers. La vision dionysiaque du monde et le Gai Savoir n’ont pas empêché Nietzsche de sombrer finalement dans la folie. À trop tendre la corde, elle se rompt. L’exigence d’éternité qui git en chacun de nous peut être combattue, elle ne peut être ni niée ni oubliée.

Vous vous opposez à toute doctrine ou tout clergé. Sans rejeter les religions établies, vous dites que la religion de demain devra rester éternellement ouverte. Mais une spiritualité n’est-elle pas indissociable de toute mystique (d’une histoire, d’un héritage)? 

Vous avez raison, ma pensée est de proposer, comme déjà exprimé, un horizon spirituel qui ne rejette pas pour autant les religions actuelles, ce qui serait prétentieux et abusif. La richesse des « fois » du passé ne doit pas être ignorée, tout au plus relativisée. La grandeur et la beauté des doctrines issues de notre héritage constituent une source d’inspiration et de richesse inestimables. Que serions-nous sans Yahvé, Jésus-Christ, Lao-Tseu, Bouddha ou Mahomet?

Les principales difficultés que notre époque pose aux religions et que j’ai identifiées dans votre livre sont le défi de la conquête spatiale, la violence de l’islam et l’intelligence artificielle. Alors que vous appelez à franchir le Rubicon sur ces questions, les religions sont plus frileuses, plus prudentes. Pourquoi?

Parce que toute affirmation qui dérange les habitudes a toujours fait peur aux gens installés. Cela dit, je rejette fermement l’absolutisme de l’islam parce qu’il interdit toute évolution doctrinale et qu’il aboutit à un monde figé. S’agissant des évolutions tant matérielles que spirituelles à venir, cela se traduit dans la pratique par un complexe d’infériorité parfois meurtrier. Or la conquête spatiale et l’intelligence artificielle vont demander une souplesse d’adaptation difficile, mais nécessaire à la survie de l’humanité. 

Oui, il faut franchir le Rubicon le plus vite possible sur les questions essentielles que vous évoquez, sinon notre espèce même peut être menacée. La surpopulation, l’exploitation dangereuse des ressources de la planète, les risques écologiques, épidémiologiques et idéologiques peuvent mener à des conflits sans rémission. Et, ce jour-là, il sera trop tard.

Quels rapports entreteniez-vous avec l’éditeur Pierre-Guillaume de Roux disparu récemment?

Des rapports d’estime et d’affection, je l’espère, mutuels. Son intelligence, son exigence personnelle, sa droiture étaient pour moi des exemples rares. Il a cherché à créer un espace littéraire neuf au sein duquel la pensée unique n’avait pas sa place. Toujours d’une rectitude parfaite, il laisse à ceux qui l’ont connu un souvenir ému, souvenir que sa fragilité physique rendait encore plus poignante.

Elisabeth Lévy à la Légion étrangère: le roman photo


Ce mois-ci dans Causeur est paru un reportage d’Elisabeth Lévy au premier régiment étranger de cavalerie de Carpiagne. Découvrez ici le roman-photo de sa visite, capturé par le photographe Stéphane Edelson.


Lire le reportage – partie 1 : Légion étrangère: le chant d’honneur

Lire le reportage – partie 2 : Légion étrangère: 147 nationalités, un seul drapeau

L'adjudant Kevin donne un cours de combat rapproché. Désarmer un ennemi avec couteau ou pistolet est toujours utile dans les rues de nos villes. Ces hommes ont participé aux patrouilles Sentinelle cet hiver en région parisienne. 

L’adjudant Kevin donne un cours de combat rapproché. Désarmer un ennemi avec couteau ou pistolet est toujours utile dans les rues de nos villes. Ces hommes ont participé aux patrouilles Sentinelle cet hiver en région parisienne.

Désarmement d'un ennemi au pistolet.

Désarmement d’un ennemi avec pistolet.

Entraînement de boxe.

Entraînement de boxe.

Pendant que leurs chefs sont en plein rituel "boudin-vin blanc" (voir photos suivantes), de jeunes légionnaires en tenue de parade s'en vont former un piquet d'honneur pour saluer le départ d'un officier du régiment.

Pendant que leurs chefs sont en plein rituel « boudin-vin blanc » (voir photos suivantes), de jeunes légionnaires en tenue de parade s’en vont former un piquet d’honneur pour saluer le départ d’un officier du régiment.

Formation de jeunes recrues aux différentes façons de progresser à plusieurs véhicules en territoire ennemi.

Formation de jeunes recrues aux différentes façons de progresser à plusieurs véhicules en territoire ennemi.

Privés de défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées à cause du Covid, ces hommes, de retour du Mali, partent en perm après inspection des chambrées.

Privés de défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées à cause du Covid, ces hommes, de retour du Mali, partent en perm après inspection des chambrées.

Retour de mission: sous le regard vigilant du chef Fabien, des hommes du 1er escadron (les "Romains à crête") procèdent à l'inventaire et à la restitution à l'armurerie des Famas qu'ils ont préalablement démontés et nettoyés. Pas une cartouche ne doit manquer.

Retour de mission: sous le regard vigilant du chef Fabien, des hommes du 1er escadron (les « Romains à crête ») procèdent à l’inventaire et à la restitution à l’armurerie des Famas qu’ils ont préalablement démontés et nettoyés.

Pas une cartouche ne doit manquer !

Pas une cartouche ne doit manquer !

Détente au mess avant le déjeuner. Le repas commence invariablement par le rituel de la poussière, "Tiens, voilà du boudin !".

Détente au mess avant le déjeuner. Le repas commence invariablement par le rituel de la poussière, « Tiens, voilà du boudin ! ».

Et on boit le vin de la Légion, produit au domaine de Puyloubier où la Maison du légionnaire accueille les blessés au combat et parfois les blessés de la vie.

Et on boit le vin de la Légion, produit au domaine de Puyloubier où la Maison du légionnaire accueille les blessés au combat et parfois les blessés de la vie.

Le "Boudin-vin blanc" fait partie des traditions et rituels incontournables de la Légion. Ici, il est organisé pour le départ d'un officier, qui recevra à cette occasion le képi blanc normalement porté par les seuls légionnaires.

Le « Boudin-vin blanc » fait partie des traditions et rituels incontournables de la Légion. Ici, il est organisé pour le départ d’un officier, qui recevra à cette occasion le képi blanc normalement porté par les seuls légionnaires.

Le lieutenant-colonel Bertrand Dias, chef des opérations du régiment.

Le lieutenant-colonel Bertrand Dias, chef des opérations du régiment.

On boit, on déconne, mais les discours sont solennels et à la fin, c'est avec recueillement qu'on entonne "La Colonne", le chant du 1er REC : "Une colonne de la Légion étrangère / s'avance dans le bled en Syrie / La tête de la colonne est formée / Par l'premier étranger de cavalerie"...

On boit, on déconne, mais les discours sont solennels et à la fin, c’est avec recueillement qu’on entonne « La Colonne », le chant du 1er REC : « Une colonne de la Légion étrangère / s’avance dans le bled en Syrie / La tête de la colonne est formée / Par l’premier étranger de cavalerie »…

Langue française: la France n’est pas une région de l’Union européenne!


L’anglais s’impose comme langue de travail et de communication au sein de l’Union européenne, malgré le Brexit. La nouvelle carte d’identité sera bilingue. Tout cela en violation de l’Ordonnance de Villers-Côtterêts ! L’Elysée vient enfin de communiquer sur la langue de l’Europe, en faisant des « promesses » pour la fin du quinquennat. Le temps qu’une common law s’impose?


«  En français, et non autrement. » Ainsi doit-on écrire. Ces mots lapidaires de l’Ordonnance de Villers Côtterets, promulguée en 1535, sous le règne de François Ier, affirme sans ambiguïté la suprématie du français comme langue d’État et comme instrument essentiel du pouvoir. Dans la droite ligne de cette Ordonnance, l’article 2 de la Constitution française de 1958 déclarera: « La langue de la République est le français. » Socle de la République, une et indivisible, le français est aussi le ciment de la francophonie internationale. En 1921, est créée une carte d’identité— la CNI— rédigée en français, et pas autrement. Ce document, enrichi, par la loi du 27 octobre 1940, d’une empreinte digitale, justifie de l’identité de la personne et de notre identité commune. Et c’est en 2021 que le gouvernement français annonce la création d’une nouvelle carte d’identité, plus « sécurisée », moderne, entendez, européenne, en franco-anglais ! Double forfaiture : civique et linguistique.

Il ne suffisait pas que nous consommions en anglais, en violation de la loi Toubon de 1994. Que les grandes firmes « françaises » ne communiquent qu’en anglais. Que Ouigo soit le passeport de la SNCF. Que les news et les newsletters soient notre pain quotidien. Que les clusters configurent la France. Que nous vivions au rythme du stop and go, du talk et du débrief, bref de l’empowering de la langue de l’empire. Qu’avec la loi Fioraso, certaines universités enseignent Proust en anglais pour faire vivre dans le texte « la langue de Molière. » Que les collectivités publiques rendent attractifs leurs territoires en utilisant le globish: Only Lyon, Invest in Lyon, in Annecy Moutains. Il fallait que le président de la République française, insatiable d’atlantisme, choisisse la semaine de la francophonie pour annoncer la nouvelle carte d’identité française. Mesure-t-on la forfaiture ? Le drapeau bleu aux étoiles jaunes sans légalité ni légitimité n’a aucune raison de figurer sur une carte d’identité française. Le F de la France au milieu du drapeau européen est l’aveu éclatant que la langue française est devenue une langue régionale, vassale de l’anglais qui nous est imposé comme langue commune. La France est devenue une région de l’Union européenne.

A lire aussi, Corinne Berger sur l’abandon des chiffres romains: Générosité de pacotille

Francophonie: Macron envoie des signaux contraires

En 2017, le président Macron s’était engagé pour le français et la francophonie. En 2018, il reprenait un projet de campagne, lancé en 2001, de « l’Institut de la Francophonie, à Villers-Côtterets ». Tout avait été fait pour une inauguration en 2022. Hélas, des signaux contraires firent déchanter. Un collectif d’associations de défense de la langue française regroupées au sein du « Haut Comité de la Défense de la langue française et de la Francophonie, » (HCDLFF),  envoya au Président de la République, le 14 septembre 2020, une lettre ouverte, relayée par les médias, pour lui rappeler ses promesses. Des protestations s’élevèrent partout. Le 19 mars 2021, un communiqué de l’Élysée fait savoir qu’Emmanuel Macron pourrait —quand la France présiderait le Conseil de l’Union, au printemps 2022— mettre à l’ordre prioritaire du jour, la question du statut des langues officielles et du travail des institutions. Il pourrait. Que ne le fait-il tout de suite ? Pour une raison simple: ce délai permet d’imposer l’anglais comme langue de travail, sans réaction française, afin que cette jurisprudence pérennise le fait accompli. L’inauguration de Villers-Côtterets, elle, serait prévue à la fin du mandat présidentiel, en 2022.

Le Conseil de l’Union n’est pas sans savoir la fragilité du statut de l’anglais au sein de l’Union européenne, depuis le Brexit. Or, un puissant mouvement se développe pour le confirmer voire le promouvoir comme « langue commune » de fait, en arguant une domination de 46 ans, allant  même jusqu’à plaider que l’anglo américain serait une langue neutre, une sorte de volapük consensuel. Madame Ursula von der Leyden elle-même, donne l’exemple en ne parlant presque qu’anglais. Quelques associations envisagent de porter plainte devant la Cour européenne de Justice (CJUE) contre cet usage illégal de l’anglais comme langue commune puisque, selon le règlement n°1 de 1958 modifié, l’UE doit fonctionner avec au moins trois langues de travail.

L’appel du Haut Comité de la Défense de la langue française et de la Francophonie

C’est donc de la France qu’est attendue partout l’opposition à la langue commune unique de communication, acceptée et imposée par la Commission de Bruxelles, sans aucun débat parlementaire ni débat de la part de la France. Le Président de la République doit demander que le Conseil des chefs d’État se réunisse pour statuer sur le statut post Brexit des langues officielles de travail dans l’esprit du règlement n°1. « Cette décision », dit Monsieur Salon, secrétaire vigilant du Haut Conseil, « aurait des effets et un retentissement considérables. Elle serait à la hauteur de tous les « non » historiques lancés au nom de la France : le non à la capitulation en 1940; le non à l’AMGOT, en 1944; le non à l’OTAN militaire, en 1966 et, au président Bush, en 2003, à la guerre en Irak ; le non à la Constitution européenne, cette fois dans la bouche du peuple lui-même, lancé en 2005. En revanche cette capitulation à la langue de l’empire serait un abandon des intérêts fondamentaux, une forfaiture, au regard des devoirs de tous les états membres d’affirmer leur langue nationale surtout quand celle-ci a une dimension mondiale. Elle serait un « écocrime » contre la diversité des langues et des cultures, et contre la civilisation. » Il faut revenir à l’esprit des textes. Il faut dire non aux menées impériales soutenues par certains milieux français — sauf à en être complices.

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«  Nous sommes en guerre. » L’ennemi est autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, protéiforme et omniprésent. L’empire a subverti notre pensée et notre langue en nous imposant son logiciel de marché et un globish qui défigure notre langue. En même temps, la langue française subit les attaques des idéologies régnant partout, dans les services publics et les facultés, elle se délite, s’appauvrit, se déconstruit et devient une arme dont l’inclusive est le signe le plus caricatural mais non le moins dangereux. En France — c’est dans nos gènes— se perçoit une poussée révolutionnaire d’envergure venue des indigénistes, des racialistes, des décolonialistes mais aussi des héritiers. De même qu’en 1793, les révolutionnaires s’en prennent au temps du calendrier, de même les révolutionnaires s’en prennent à « la langue mère » ou langue maternelle, comme le disait déjà l’Ordonnance de Villers-Côtterets. Soumis et insoumis se donnent la main pour mieux s’enchaîner, communiant dans l’oubli ou le rejet d’un passé commun, et reniant une identité. La France, pendant ce temps, perd de plus en plus sa souveraineté et son identité linguistique. Si le président n’intervient pas — et il a, comme de Gaulle, tout loisir de le faire à temps et à contretemps— nous serons soumis à des forces extérieures que nous ne voudrions pas. En attendant, à la faveur du brouillage des signes, les tenants des langues régionales rejouent leur air connu. Ils ne se trompent pas sur le caractère politique de la langue ni sur celui de leurs revendications sans savoir qu’ils montent éternellement le même rocher sur la même pente. La lutte entre universalisme et particularismes fait rage de nouveau en France. Ainsi le Courrier picard déclare passer à l’écriture inclusive, le jour de la déclaration du droit des femmes. Les écoles immersives catalanes sont débordées par leur succès. Le samedi 20 mars, les défenseurs du breton et du gallo sont montés au créneau et, dans le Haut—Rhin, Saint-Louis agglomération, seule intercommunalité alsacienne à disposer d’un service ad hoc, fait la promotion de sa langue régionale. Comme attendu, une proposition de loi sur les langues régionales est déposée, à l’Assemblée, par le député Molac. Demande récurrente, dira-t-on, dans un état jacobin qui montre parfaitement que la langue est, en France, une affaire politique c’est-à-dire liée au pouvoir d’État. Ces revendications linguistiques, vouées à l’échec, n’en sont pas moins perturbantes et inutiles.

La guerre au français remonte à loin

Ne nous y trompons pas. L’hégémon de l’empire anglo-américain est une guerre à l’héritage avec la convergence et la divergence, tout ensemble, des luttes, à l’intérieur de la France. On déboulonne les statues, on fait repentance, on supprime les chiffres romains, on s’attaque, après le lexique, au disque dur de la grammaire, on féminise la langue en la violentant, on a une langue déstructurée, sans vocabulaire, perméable à toutes les idéologies. La guerre au français, il est vrai, remonte à loin. En 1999, ne parlait-on pas, en haut lieu « du droit démocratique de chacun d’user de la langue comme il l’entend ? » Dans son Dictionnaire Critique de la Révolution française, Mona Ozouf consacre donc un chapitre à la tentative, en 1793, de remplacer le calendrier grégorien par le calendrier républicain. Il fallait instaurer, par violence, un temps révolutionnaire : débaptiser les jours, supprimer les fêtes religieuses, créer « un annuaire de la liberté ». Au lieu de cela, qu’ont trouvé les révolutionnaires ? Une éternité qui monte de la nuit des temps et qui n’a besoin d’aucune institution pour exister. Pour l’écrivain Alain Borer, auteur du beau livre De quel amour blessée — il parle de la France, blessée dans la chair de sa langue—, c’est Waterloo que d’accrocher « identity card » aux mots « carte d’identité nationale », deux mots latins transmis à la bataille d’Hastings. Réfléchit-on que notre soumission à l’empire porte atteinte aussi à la francophonie riche de trois-cents millions de personnes ? Qu’elle fragilise d’autant la nôtre ? Si « la langue instituée » est faible, qu’en sera-t-il de la francophonie ?

Retour à l’histoire de France. Quatre ans après l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, François Ier, dans les articles 110 et 111 concernant les actes de justice, proscrit tout retour à l’état ancien, ne laissant aucun choix entre le latin et le français ni entre le français et les dialectes locaux. Cette Ordonnance, toujours en vigueur, n’empêche personne de parler breton ou basque ni les radios d’émettre en langue régionale. Elle assure seulement l’unité de notre pays mise à mal en ce moment. Il faudrait le rappeler.

La guerre au français

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Le Danemark va limiter drastiquement le nombre de “non-Occidentaux” dans les quartiers

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Impossible n’est pas danois! Sous dix ans, le pays scandinave va limiter à 30% la proportion d’immigrés dans ses quartiers difficiles. Une telle mesure de bon sens pourrait-elle être appliquée chez nous?


Dans les zones sensibles, dans les quartiers difficiles, le gouvernement social-démocrate danois a décidé de réduire à 30% le nombre de non-occidentaux et de massivement reloger les familles concernées dans d’autres logements sociaux. Il se promet d’atteindre cet objectif en dix ans. Durant cette parenthèse, les infractions commises dans ces quartiers défavorisés seront réprimées plus sévèrement. On n’appellera plus ces lieux des « ghettos » mais des sociétés religieuses et culturelles parallèles.

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Je n’ose même pas penser à ce que la simple annonce de telles mesures susciterait comme manifestations en France, invocation des droits de l’homme, humanisme compassionnel, procès en xénophobie et cruauté républicaine. La différence est énorme entre le pragmatisme danois et la pudeur française. Entre la volonté d’affronter les problèmes et celle, paradoxale, de les observer. Le constat, pourtant, doit être relativement le même, qu’il soit fait au Danemark ou en France. Mais le premier pays en tire des conclusions et le second s’en effraie. Le réel, pour l’un, est un enseignement, pour l’autre, un repoussoir.

Petit pays, grands moyens

Une fois que la réalité est connue, décrite et analysée, que ses conséquences désastreuses pour la vie collective sont clairement identifiées, il s’agit seulement d’élaborer et de mettre en œuvre une politique dont la finalité sera de s’attaquer au mal en prenant, s’il le faut, les grands moyens pour combattre le déplorable vivre-ensemble des quartiers difficiles.

Comme la social-démocratie danoise ne se réfugie pas derrière des considérations absurdement morales mais se confronte au cœur du sujet, l’incompatibilité de certains modes de vie et de pensée entre eux, elle n’hésite pas, parce qu’elle veut être efficace, à recomposer des zones pour éviter que les non-occidentaux y dominent.

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Rien à voir avec un quelconque cynisme mais tout avec du réalisme. Même si quelques opposants danois ont protesté contre les modalités de ces relogements.

Quel gouffre entre la France et le Danemark! Dans celle-là le RN est en permanence vilipendé à cause de projets que le climat démocratique, notre tiédeur républicaine, notre angoisse de nommer les choses ne poussent jamais vers des extrémités tandis que dans celui-ci on ne s’embarrasse pas de mots mais on privilégie l’action. Celle-ci est reine quand chez nous les ministres promettent et se déplacent. On sait ce qui va mal, et où, mais on use de mille prétextes pour emprunter le chemin de la faiblesse, ne jamais toucher la cible et continuer à déplorer ce qu’on est incapable de combattre ou d’éradiquer. Au Danemark, on sait ce qui va mal et on ne se détourne pas des solutions parce qu’elles seraient dures et bonnes: au contraire on s’y tient. On préfère le remède à la maladie. C’est sous l’égide d’une Première ministre femme, Mette Frederiksen, que cette offensive va se poursuivre. Pour que les sociétés parallèles ne se multiplient pas. N’est-il pas déjà trop tard en France ?

« A l’opéra, c’est la couleur de la voix qui compte, pas celle de la peau »


Un rapport commandité par le directeur de l’Opéra de Paris pointe la sous-représentation des artistes non blancs dans le répertoire de l’établissement. Emmanuel Dupuy, rédacteur en chef du magazine Diapason nous rappelle que cette population est également absente dans le public et que tous les grands génies de l’Opéra étaient des hommes blancs…


L’Opéra de Paris traverse la plus grande crise de son histoire : outre sa fermeture par temps de Covid, l’institution, minée par des syndicats tout puissants, est un gouffre dans lequel disparaissent argent public et productions artistiques. Et que fait son directeur ? Il commande un rapport sur la « diversité ». Et Alexander Neef a eu ce qu’il voulait. Pap Ndiaye (historien, spécialiste des minorités et directeur du palais de la Porte-Dorée qui abrite le musée de l’immigration) et Constance Rivière (écrivain et militante socialiste) lui ont rédigé un rapport sur mesure pointant, on s’en doute, une scandaleuse sous-représentation des minorités visibles. Le patient était déjà malade, il ne restait plus qu’à lui tirer dessus.

Tentons de comprendre ce traitement absurde avec Emmanuel Dupuy, rédacteur en chef du magazine Diapason.

Causeur. L’un des chapitres du rapport s’intitule « La diversité, grande absente de l’Opéra ». Est-ce une réalité ?

Emmanuel Dupuy. C’est une réalité indéniable, parmi les artistes comme parmi le public. Le problème concerne d’ailleurs toutes les institutions de musique classique européennes, pas seulement l’Opéra de Paris. Mais est-ce un problème ? Certains en doutent, ramenant ces débats à un énième symptôme de la mauvaise conscience de l’homme blanc. Pour ma part, je vois plutôt dans ce décalage un poison qui, à terme, risque d’aggraver la marginalisation déjà cruelle dont souffre la culture classique dans notre société.

S’il en était besoin, une Jessye Norman a démontré avec éclat que l’on peut être noire, descendante d’esclaves et incarner les blondes héroïnes imaginées par Wagner – un compositeur pas franchement sensible au discours antiraciste!

La création artistique pâtit-elle de cette « grande absente » ? Remarquez-vous un manque que pourrait pallier une meilleure représentativité ?

Le problème ne se pose pas en termes artistiques. Il se trouve que tous les grands génies de l’opéra, de Monteverdi à Richard Strauss, étaient des hommes blancs. C’est ainsi, l’Histoire ne saurait se réécrire. Mais les génies, en réalité, n’ont pas de couleur, ils appartiennent au patrimoine de l’humanité. Aussi, qu’un air d’opéra soit chanté par un artiste blanc ou noir, cela ne fait strictement aucune différence. S’il en était besoin, une Jessye Norman a démontré avec éclat que l’on peut être noire, descendante d’esclaves et incarner les blondes héroïnes imaginées par Wagner – un compositeur pas franchement sensible au discours antiraciste ! À l’inverse, chez Verdi, un ténor blanc peut incarner le Maure Othello, à condition que son timbre soit suffisamment sombre. C’est la couleur de la voix qui compte à l’opéra, pas celle de la peau.

On lit notamment dans ce rapport : « Notre mission arrive à un moment où “la parole s’est libérée” et où l’écriture d’une nouvelle page de l’Opéra national de Paris est possible. Nécessaire même pour que l’ensemble de la société s’y retrouve. » L’Opéra a-t-il été, est-il ou doit-il être un lieu qui rassemble l’ensemble de la société ?

Que l’Opéra doive mieux fédérer l’ensemble de la société, cela me paraît une évidence. Ne serait-ce que parce qu’il est financé – grassement – par tous les contribuables. L’institution était d’ailleurs beaucoup plus inclusive par le passé. Les danseuses peintes par Degas n’étaient pas issues de la bourgeoisie, bien au contraire. Jusqu’au milieu du siècle dernier, le public était nettement mélangé, plus jeune, et de plus en plus populaire à mesure que l’on montait dans les étages. Ce brassage a disparu, d’où cette interrogation : le problème de la diversité n’est-il pas d’abord de nature sociale ? Si davantage d’étudiants, d’ouvriers et d’employés fréquentaient l’Opéra, il est probable que la question des origines ethniques serait en grande partie réglée. Mais encore faudrait-il, pour cela, que la politique tarifaire ne soit pas dissuasive. Or c’est tout l’inverse : le prix des places n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Bizarrement, je n’ai pas remarqué que le rapport s’attardait sur ce sujet…

Si davantage d’étudiants, d’ouvriers et d’employés fréquentaient l’Opéra, il est probable que la question des origines ethniques serait en grande partie réglée. Mais encore faudrait-il, pour cela, que la politique tarifaire ne soit pas dissuasive

On nous parle d’un déficit de représentation de la diversité de la société. Or l’Opéra ne la représente-t-il pas, d’une certaine façon et depuis des années, à travers des mises en scène (plus ou moins heureuses) qui transposent le grand répertoire dans la rue, le métro ou des bureaux ?

En matière de mise en scène, on est arrivé à la fin d’un cycle. Cela fait maintenant plus de quatre décennies que les ouvrages du passé sont actualisés, transposés au forceps dans la société d’aujourd’hui. Cette pseudo-modernité est devenue si conformiste qu’elle frise l’académisme. Le vrai problème de l’Opéra, c’est celui de la création. Aucun chef-d’œuvre nouveau ne s’est imposé au répertoire depuis les années 1950. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où des ouvrages lyriques récents, qui interrogent les problèmes du monde contemporain, ont trouvé leur public : ceux de John Adams, de Philip Glass, de Jake Heggie… Mais ils n’ont jamais été donnés à l’Opéra de Paris, ce qui constitue une anomalie absolument incompréhensible.

L’un des leitmotive des auteurs est qu’il faut en finir avec « l’héritage colonial », argument sans appel pour remiser « blackface » et « yellowface ». Au-delà, n’est-ce pas le costume, le déguisement, la notion même de rôle qui sont menacés – donc certaines œuvres du répertoire ?

Alexander Neef, le patron de l’Opéra, a été clair : il n’est pas question de supprimer des titres du répertoire, ce qui constituerait en effet une grave atteinte à la mission patrimoniale de l’institution. Et attention au soi-disant colonialisme de certains ouvrages du passé. La Madame Butterfly de Puccini, par exemple, n’est absolument pas un ouvrage colonial, comme on l’entend parfois. C’est au contraire un opéra clairement anticolonial, qui dénonce l’impérialisme sans scrupule du Yankee Pinkerton, dont est victime une pauvre geisha. Quant au blackface et au yellowface, je comprends mal pourquoi on se focalise sur cette problématique typiquement américaine, transposée chez nous sans beaucoup de recul. L’opéra est par excellence le monde de l’artifice, auquel participe le maquillage, au même titre que les costumes, les perruques, les cothurnes… C’était le sens d’une tribune signée par quelques pointures du théâtre en 2019, dont Ariane Mnouchkine et Wajdi Mouawad, pour défendre un spectacle mis en scène par Philippe Brunet, accusé de recourir au blackface par des militants antiracistes. « Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités », écrivaient-ils. On ne saurait mieux dire…

Si les recommandations du rapport étaient intégralement suivies, qu’est-ce qui changerait, que ce soit à l’école de l’Opéra, dans les jurys, sur scène, etc. ?

Sur ce point, c’est à l’Opéra d’apporter les réponses ! Mais quelques pistes ont déjà été évoquées, notamment pour l’école de danse qui, étant intégrée à l’institution, pourrait repérer les talents dès le plus jeune âge, y compris dans des milieux où cela ne va pas de soi. Pour les choristes et les musiciens d’orchestre, cela sera beaucoup plus difficile, car les concours de recrutement sont l’étape finale d’un processus de sélection très peu inclusif, dont la base est constituée par les conservatoires et les écoles de musique, voire par l’Éducation nationale qui devrait jouer un rôle. Or, on se heurte une nouvelle fois à la sempiternelle faillite de notre système éducatif, incapable d’encourager la promotion sociale et d’ouvrir des horizons culturels à des populations qui en sont éloignées. Sur scène, on donnera peut-être davantage de « visibilité » à des artistes représentant la diversité. D’où la crainte d’une forme de discrimination positive, qui aiderait à promouvoir des chanteurs ou des danseurs qui n’ont pas forcément le niveau requis. Je ne crois pas à ce danger, car les artistes issus de la diversité savent, sans doute mieux que les autres, que leur légitimité ne peut découler que de leur excellence.

On peut tout de même relever des points positifs ?

Si le rapport de Constance Rivière et Pap Ndiaye n’évite pas certains clichés, en particulier sur les questions relatives au répertoire, leur travail apporte des réponses multiples à des questions qui se posent vraiment, sans dogmatisme excessif me semble-t-il. Cependant, il y a comme un problème de timing. Ce rapport est présenté alors que l’Opéra de Paris, miné par un déficit financier abyssal et un climat social délétère, traverse une des plus graves crises de son histoire. Pendant qu’on débat sur la diversité, sujet de plus en plus consensuel, on évite les questions qui fâchent.

Et quelles sont-elles ?

La renégociation de la convention collective des salariés, le poids des coûts fixes qui engloutissent une subvention colossale, la nuisance de syndicats qui décident de la vie ou de la mort des spectacles, le gaspillage d’argent public dans certaines productions jamais reprises : voilà quelques pistes de travail prioritaires afin que la maison puisse assurer sereinement ses missions. Notamment sur le front de la démocratisation de l’art lyrique, point d’appui de toute politique d’ouverture à de nouveaux publics.

Jean-Luc Mélenchon connaît l’avenir du monde…


La créolisation vantée par le chef de file de la France insoumise ne fait pas un programme politique


L’obsession égalitariste trouve en Jean-Luc Mélenchon un héraut qui la pare (à nouveau) du nom de créolisation dans une intervention récente sur France Info. Un terme qui fut forgé par un poète martiniquais, Edouard Glissant. On en comprend facilement le sens : il s’agit du mélange (évidemment supposé harmonieux) de cultures différentes dont le résultat serait une sorte de « superculture » qui ne serait pas la somme de ses composantes, mais quelque chose d’autre (que l’on suppose forcément bien préférable à chacune des cultures initiales).

L’internationale sera le genre humain V2

Le pauvre Marx doit se retourner dans sa tombe. Ses plus fidèles héritiers, ses plus loquaces évangélistes, semblent avoir oublié la bonne parole du matérialisme historique. La cathédrale conceptuelle du bon vieux communisme s’est transformée en petite chapelle du bon sentiment, dont toute la pensée se résume à : « nous sommes une seule espèce ». Certes cette petite chapelle à une visée universaliste (un reste de trotskysme ?) puisque la créolisation est « l’avenir du monde ». Cela sonne un peu comme « l’internationale sera le genre humain », en plus moderne peut-être.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Mélenchon le créole

La question est : qu’arrive-t-il à Monsieur Mélenchon ? Qu’est-ce que cette bouillie de bon sentiments, d’enfants qui vont s’aimer, de conquête de l’espace et des mers par une humanité unifiée ? Cela me rappelle un film que j’aime beaucoup, avec une chanson qui s’y rattache : « Si tous les gars du monde devenaient de bons copains, et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain » (je souris en pensant aux hurlements féministes à l’écoute d’une telle chanson). Un programme auquel on ne peut qu’adhérer. Mais ça ne fait pas un programme politique.

Une politique d’un nouveau genre

Il est bien vrai que la gauche est en bout de course, comme il le constate lui-même. Il ne peut s’en prendre qu’à cette pensée au rabais dont il se fait un des chantres. Sans doute pense-t-il aussi qu’aujourd’hui, à l’heure où l’on supprime les chiffres romains, il est important d’être compris par sa cible électorale et de ne pas compliquer les discours. D’où une sorte d’esperanto politique, basé sur des idées simples : la gauche c’est la solidarité, l’avenir c’est la créolisation, le monde bientôt sera un genre humain, sans diversité ni identités, mais composés de personnes non genrées, une espèce nouvelle et universelle dont Jean-Luc Mélenchon nous promet l’avènement et qu’il a déjà baptisée: LES GENS.

Six Français sur 10 favorables au nucléaire

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Salle de commandes du réacteur numéro 1 de Fessenheim / Image d'archive © M.ASTAR/SIPA Numéro de reportage: 00741701_000005

Les quatre Français restants défavorables à l’énergie nucléaire sont-ils encore victimes de l’écologisme? Une tribune libre de Bernard Durand, Jean-Paul Oury et Jean-Philippe Vuillez


D’après une enquête Odoxa, 59% des Français sont favorables au nucléaire, alors qu’une majorité y était hostile il y a encore trois ans. L’opinion serait-elle en train de changer ? Comment expliquer ce revirement ? Voici quelques pistes de réflexion.

Un leitmotiv profondément ancré

Il est si commode pour les anti-nucléaires, d’agiter devant le béotien l’épouvantail de cette chose insidieuse – car invisible, imperceptible et sournoise car ses effets sont différés – qu’est la radioactivité… Le débat récemment relancé sur les effets délétères des essais nucléaires français en Polynésie, ou encore le livre Toxique (Sebastien Philippe et Tomas Statius, PUF, 2021) contribuent à infuser cette peur, même si le nucléaire militaire est bien distinct du nucléaire civil.

Les sujets d’inquiétudes ne manquent d’ailleurs pas pour ce dernier, qu’il s’agisse des peurs de fuites de centrales qui pourraient rejeter sans qu’on le sache, de la radioactivité dans l’environnement, des déchets radioactifs que l’on doit enfouir ou encore des déchets à très faible activité… Il existe une phobie de la radioactivité or celle-ci est le plus souvent caricaturée, voire, totalement infondée: notre corps contient tout à fait normalement (« naturellement » !) des radionucléides, responsables d’environ 10% de l’irradiation naturelle de l’organisme[tooltips content= »Un individu de 70 kg contient tout à fait normalement (« naturellement » !) environ 8 400 Bq en moyenne dont 4 400 Bq de potassium 40,  3 700 Bq de carbone 14, 40 Bq de tritium, et même quelques dizaines de Bq de rubidium 87 de polonium 210 (davantage chez les fumeurs). Ces radionucléides, dont l’organisme est forcément le réceptacle (cela correspond à l’abondance isotopique d’éléments aussi fondamentaux et abondants chez les êtres vivants que le potassium et le carbone) sont responsables d’environ 10% de l’irradiation naturelle de l’organisme. »](1)[/tooltips].

La vérité sur les accidents nucléaires

Ceci-dit, les esprits ont été marqués par des accidents spectaculaires et dont on redécouvre aujourd’hui que les conséquences ne sont pas aussi graves que ce que l’on en a dit pendant des années. À l’occasion de l’anniversaire de Fukushima, plusieurs articles viennent de paraitre pour relater une vérité beaucoup moins catastrophiste que celle qui s’est imprimée dans l’opinion jusqu’à présent: cet accident n’a pas provoqué de morts dues à la radioactivité.

A lire aussi: Rémy Prud’Homme : «Fermer la centrale de Fessenheim au nom du CO2 est intellectuellement insupportable»

Dans le même genre, aujourd’hui, quand les experts échangent sur le dossier Tchernobyl ils osent maintenant regarder la vérité en face et s’appuyer sur les vraies données de l’OMS pour reconnaitre qu’il n’y a pas eu une centaine de milliers de morts comme a voulu le faire croire Greenpeace. On sait que ce sont surtout les évacuations mal encadrées et la peur de la radioactivité qui ont entrainé le plus de décès. Une peur que l’on peut et doit maitriser et non encourager. Hélas le travail de sape accompli par les anti-nucléaires a fait son effet.

Latome: un des quatre totems de l’écologisme

Cela fait maintenant des années que l’écologisme (à ne pas confondre avec l’écologie scientifique), dénigre la science prométhéenne[tooltips content= »Jean-Paul Oury, Greta a tué Einstein (VA édition, 2020) »](2)[/tooltips] de manière systématique. Cette idéologie politique voudrait que l’homme cesse de fissionner l’atome, de manipuler le vivant, de propager des ondes et d’utiliser des molécules. Elle s’appuie sur deux méthodes pour y parvenir.

Mettre en scène un risque potentiel pour le faire passer pour un danger réel:  Dans les années 60, les premiers opposants au nucléaire civil ont organisé des actions d’agit-prop pour faire croire qu’il recouvrait les mêmes dangers que le nucléaire militaire et le diaboliser.

– Poser une question non scientifique aux scientifiques par le biais du principe de précaution: On demande, par exemple, aux experts du nucléaire de prouver que les stratégies d’enfouissement des déchets sont absolument sans aucun risque sur les 200 000 années qui viennent, sujet sur lequel un scientifique sérieux ne peut se prononcer… le risque zéro n’existe pas.

Le résultat de ces campagnes étant que l’idéologie prend le pas sur une analyse froide et scientifique, laquelle évaluerait une technologie en fonction d’une balance risque bénéfice et la comparerait aux autres. Mais l’écologisme, on va le voir, ne s’arrête pas à la diabolisation de la science ; il saisit également l’opportunité pour pousser son propre agenda « technologique ».

La transition énergétique en question

Depuis des années on vend à l’opinion que la transition énergétique – qui a pour impératif affiché de diminuer nos émissions de CO2 – passe systématiquement par l’installation de parc d’éoliennes et la désactivation du parc nucléaire. Or il est aisé de démontrer avec des arguments scientifiques et techniques précis qu’en France, les éoliennes ne peuvent pas avoir une action significative sur cette diminution, mais au contraire, que leur généralisation et la destruction de notre parc nucléaire ne peuvent qu’augmenter ces émissions pour les amener au niveau très élevé de l’Allemagne. L’écologisme, qui prétend le contraire, commet donc un abus de confiance caractérisé vis-à-vis des écologistes et plus généralement des Français.

Autrement dit, l’opinion se rend progressivement compte que les éoliennes font courir des risques à l’humanité (du simple renchérissement de l’énergie qui affecte prioritairement les plus pauvres aux terribles black-out) et présentent une quantité d’externalités négatives pour l’environnement (oiseaux, pollution visuelle, déchets, métaux rares, utilisation de centrales à charbon et à gaz…)[tooltips content= »Bernard Durand et Jean-Pierre Riou, 2020: La trahison des clercs, l’éolien et le solaire photovoltaïque en Europe https://aspofrance.org/2020/10/29/leolien-et-le-solaire-photovoltaique-en-europe-la-trahison-des-clercs-par-bernard-durand-et-jean-pierre-riou-01-janvier-2020/« ](3)[/tooltips].

L’écologisme réclamait des éoliennes, le scientifique prenant en compte des considérations écologiques, lui démontrera par A + B que c’est le nucléaire qui apporte de vraies réponses… une vérité qu’il faut encore marteler davantage.

La révolte des scientifiques français 

Les attaques répétées contre le progrès technologique ont eu pour résultat de créer le doute dans l’opinion qui n’est plus persuadée des bienfondés de la science prométhéenne à résoudre les problèmes environnementaux.

Or récemment on a observé une vague de révolte chez les scientifiques qui ont fait des efforts considérables pour vulgariser et expliquer leur action dans les médias. Ils se sont battus à coup de tribunes, de passages médias et de vidéos Youtube pour faire savoir que le nucléaire était la source d’électricité non seulement la plus sûre – en nombre de morts tant immédiates que différées dans le temps par TWh d’électricité produite – mais également la plus apte à fournir une énergie décarbonée.

Quand on analyse le sondage BVA, on peut se dire que ces messages commencent à passer: six Français sur dix ont compris. Il ne reste plus qu’à convaincre les quatre restants.

Bernard Durand, ingénieur, chercheur et naturaliste, auteur de Un vent de folie L’éolien en France, mensonge et arnaque ? (2020, Editions Saint-Léger)
Jean-Paul Oury, Docteur en histoire des sciences et technologies, Auteur de Greta a tué Einstein, VA Presse (2020)
Jean-Philippe Vuillez, Professeur d’université de Biophysique et Médecin nucléaire, ancien Prési-dent de la Société Française de Médecine Nucléaire, membre du HCTISN jusqu’en 2020.

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Napoléon les dérange-t-il tous?

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Image d'illustration Nicolas HIPPERT / Unsplash

Des esprits contemporains étriqués, appliquant une lecture féministe ou indigéniste à l’histoire, voient d’un mauvais œil les commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon…


Tel un bulldozer anéantissant tout sur son passage, la culture de l’annulation, appelée « cancel culture » outre Atlantique, ne cesse de prendre de l’ampleur jusqu’à atteindre la figure historique de Napoléon Bonaparte. Selon David Saforcada, président du France Bonapartiste, ce phénomène s’inscrit dans un mouvement de « détricotage du récit national » et relève d’un « anachronisme éculé.»

Quand la « cancel culture » part à l’assaut de Napoléon Bonaparte

De Colbert à Napoléon Bonaparte, en passant par Christophe Colomb ou encore les Belges Léopold II et Annie Cordy, une vaste entreprise de « déconstruction » épargne peu de figures historiques occidentales.

En France, l’Année Napoléon, et les commémorations entourant le bicentenaire de sa disparition, suscitent de nombreuses critiques par une partie de la gauche et de la classe politique. Aurélien Taché, député du Val-d’Oise, va jusqu’à déclarer que « Napoléon, c’est comme si l’OAS était au pouvoir en Algérie. » Une semaine auparavant, Danièle Obono, députée LFI, déplorait le choix du gouvernement de célébrer une « figure autoritaire et réactionnaire. » C’est « l’un des plus grands misogynes » de l’histoire, déclarait Elisabeth Moreno, ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes.

Assurément, l’Empereur est loin d’être dans les bonnes grâces d’une partie de la classe politique. David Saforcada, président du mouvement politique France Bonapartiste a eu l’amabilité de nous éclairer sur cette nouvelle tendance. Pour lui, le bonapartisme a toujours un sens aujourd’hui et n’est ni une attitude passéiste, ni la nostalgie d’un monde révolu.

David Saforcada D.R.
David Saforcada D.R.

Causeur. Êtes-vous surpris par cette polémique créée par une frange de la gauche, autour de l’Année Napoléon ?

David Saforcada. Je ne vous étonnerai pas en vous répondant non. Cela fait partie de son détricotage du récit national. Je vous avouerai que je ne suis pas non plus surpris de l’attitude d’une partie de la droite molle ou de celle qu’on nomme nationale. Napoléon les dérange tous.

A lire aussi: Selon le «New York Times», Napoléon était un… suprémaciste blanc!

Qu’avez-vous pensé des récentes déclarations d’Aurélien Taché, faites sur Cnews ?

Je pense que monsieur Taché devrait ouvrir de véritables livres d’histoire et ne pas venir déverser des tombereaux d’âneries sur l’histoire napoléonienne, il devrait aussi éviter les anachronismes éculés qui n’amènent rien au débat. C’est affligeant d’entendre autant de malhonnêtetés et de niaiseries.

Ce dernier prend soin de distinguer « commémoration » et « célébration », puis établit un parallèle entre l’Empereur et l’OAS en Algérie, que pensez-vous de cette analogie, et de ses éventuelles conséquences sur la population issue des pays du Maghreb ?

Concernant la « polémique » commémorer ou célébrer Napoléon, à chacun de prendre la définition qui l’intéresse mais vu ses connaissances historiques je lui conseille de ne rien faire … Pour ce qui est de l’OAS, j’ai beau tourner dans tous les sens l’histoire de Napoléon Ier je n’arrive pas à voir où il veut en venir. S’il veut parler d’Algérie et de Napoléon, alors qu’il nous parle de Napoléon III qui fut le seul à avoir une véritable vision politique, avec son ami l’émir Abdelkader, au sujet de l’Algérie. Ce serait donner beaucoup d’importance à monsieur Taché que de croire qu’il peut avoir une influence sur la population issue du Maghreb.

A lire aussi, enquête: L’étrange projet de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage

Selon Elisabeth Moreno, ministre déléguée en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, l’empereur Bonaparte serait un « grand misogyne », qu’avez-vous à répondre à ce genre de déclarations ?

Je voudrais juste demander à madame Moreno ce qu’ont fait Gambetta, Ferry, Clémenceau, Jaurès ou Blum pour la condition de la femme ? Il faudra attendre le général de Gaulle pour voir la femme être libérée. Et aujourd’hui que fait-on concrètement pour le droit des femmes dans certains quartiers, dans le monde du travail ? Napoléon misogyne, pas plus pas moins que son époque et sûrement moins que certains depuis 1815…

Quelles seraient selon vous les conséquences de ce mouvement de « déconstruction de l’histoire », notamment pour l’unité de la France ?

Détruire son histoire c’est prendre deux risques :

Le premier, faire de la France une nation sans âme et donc une nation sans force ce qui à l’heure actuelle amènerait à son effacement complet sur la scène mondiale alors que de nombreux pays voient encore celle-ci comme un phare. Le second serait d’empêcher toute intégration et assimilation, car comment vouloir devenir Français ou simplement respecter la France si celle-ci n’est pas capable d’assumer son Histoire, de mettre en avant ses grandeurs, ses gloires, civiles, scientifiques, militaires, sociales, de célébrer ses grandes figures ?

La France au Sahel: quels objectifs pour quelle guerre?

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La ministre des Armées Florence Parly participe à un hommage national au brigadier-chef Dmytro Martynyouk et au brigadier Kévin Clément, tués au combat au Mali, 8 mai 2020.

Faute d’objectifs stratégiques clairs, notre engagement au Sahel suscite des doutes croissants. Dans cette région instable, on ne parviendra ni à éliminer le terrorisme, ni à consolider la démocratie. Si nous sommes conviés à un effort au très long cours, c’est pour empêcher des djihadistes de semer la mort en France et des migrants de partir vers l’Europe. 


C’est le lot commun de toutes les opérations extérieures : l’euphorie du commencement, la stagnation de la mission, puis les doutes et les désirs de départ alors que passent les années et que les morts s’égrènent. La France est présente au Mali depuis janvier 2013 (opération Serval, devenue Barkhane en 2014), d’abord pour éviter que Bamako soit prise par une colonne de djihadistes, puis pour maintenir un minimum de stabilité au Sahel et « lutter contre le terrorisme ». C’est oublier que la cause directe de la déstabilisation du Mali fut l’intervention française en Libye (2011) quand Kadhafi, avant d’être renversé, donna argent et armes aux Touaregs sécessionnistes. En clair, Barkhane consiste à recoller les morceaux du vase que nous avons fait choir.

En raison du coût humain et financier de l’opération et faute d’une stratégie de sortie, de nombreux commentateurs plaident pour un désengagement de nos forces. En réalité, le maintien ou le départ de l’armée française est secondaire. La seule et vraie question porte sur nos objectifs stratégiques : « Pourquoi sommes-nous là-bas ? » Or, à la différence de Serval, Barkhane pèche depuis son origine par son absence d’objectifs stratégiques définis. La lutte contre le terrorisme n’en est pas un. Le terrorisme est une arme, ce n’est nullement un adversaire, encore moins une idée. C’est comme si Napoléon s’était maintenu en Espagne pour lutter contre la guérilla. Nous ne savons pas s’il faut partir ou rester parce que notre intervention répond à des objectifs tactiques, non à une ambition stratégique.

Une présence militaire continue, pour peu de choses

Voilà presque cent cinquante ans que la France est présente en Afrique, depuis ces années 1880 où les premiers soldats et explorateurs se sont risqués dans les méandres d’un continent jusqu’alors inconnu. Depuis, nous n’en sommes pas partis et la vague des décolonisations en 1960 n’a guère changé la donne. Après la colonisation assumée, pour apporter la civilisation aux « races inférieures », puis la colonisation distendue, est intervenue, dans le tournant des années 2000, une « colonisation humanitaire ». Certes, les pays d’Afrique n’ont plus d’administrateurs français et les États sont juridiquement indépendants, mais entre le soutien appuyé à tel président, comme Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, les transferts financiers massifs, sous forme d’annulation de dette, d’aide au développement et de subventions, et la présence militaire ponctuelle ou régulière pour maintenir la stabilité politique, les cartes n’ont pas été complètement rebattues. Depuis 1960, la France est intervenue sept fois en Centrafrique. En Côte d’Ivoire, une présence militaire française stable est installée depuis 2002. Nos forces sont stationnées au Tchad depuis 1983 (l’opération Épervier ayant été fondue dans Barkhane en 2014). Et il faut en outre compter avec les interventions ponctuelles, comme au Biafra. Depuis 1960, l’armée française n’a cessé de parcourir le continent et de conduire des campagnes africaines. Pas pour des raisons économiques : en 2017, l’Afrique représentait à peine 1,7 % du commerce mondial et 5 % du commerce extérieur français. Avec 6,9 %, la Belgique absorbe davantage d’exportations françaises que l’ensemble du continent africain. Si ces interventions ont pour finalité d’établir la démocratie, force est de constater que c’est aussi raté : les coups d’État demeurent et le vote continue de suivre les frontières ethniques.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Légion étrangère: le chant d’honneur

Définir les raisons d’une présence, ou d’un départ

Si la réalité de la guerre reste insupportable à beaucoup, il faut néanmoins s’accorder sur un constat simple : on fait la guerre pour soi, pas pour les autres. Telle devrait être la logique de notre présence en Afrique en général et au Sahel en particulier. On ne fait pas la guerre pour maintenir le régime malien ou ivoirien – c’est un moyen –, mais parce que notre intérêt commande que nous évitions la trop forte déstabilisation de la zone. Si le Sahel s’effondre, des migrants partiront vers l’Europe, des bases djihadistes se formeront, qui deviendront autant de lieux pour recruter, s’entraîner, séquestrer des otages, faire des trafics et préparer des attaques contre la France. La Méditerranée est notre muraille, le Sahara et le golfe de Guinée nos avant-postes. La France doit disposer de camps fortifiés et de postes avancés au Sahel, pour protéger son territoire et subséquemment pour favoriser la stabilité des pays de la région. Et c’est là le nœud de l’affaire : maintenir des avant-postes et stabiliser une région ne sont pas les objectifs d’une opération militaire (comme Serval, par exemple, dont l’objectif était de sauver Bamako), mais les buts d’une stratégie globale de sécurité nationale. Autrement dit, appeler Barkhane une opération est un abus de langage.

C’est une politique de sécurité nationale qu’il faut définir, assumer et faire accepter par les citoyens et leurs représentants. Certes ces opérations militaires ont un coût important, mais c’est un moindre mal eu égard aux conséquences d’une dislocation de la bande sahélienne. Cette présence nécessaire est faite pour durer, au moins plusieurs décennies ; elle sera mouvante : nous quitterons peut-être le Mali pour aller vers d’autres territoires ; les effectifs seront fluctuants, au gré des nécessités et des urgences. Cela suppose de connaître et de prendre en compte les réalités locales, notamment ethniques et culturelles, de s’immiscer le moins possible dans la politique partisane locale (cela doit être un intérêt malien national et non pas la politique d’une partie ou d’un clan), et de disposer de capacités militaires, technologiques et logistiques adéquates. Une « guerre CDI » assumée donc, parce que nécessaire. Et c’est parce que les buts auront été définis de façon claire que la nation pourra supporter les coûts humains et financiers de ces efforts à très long cours.

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«La guerre contre l’islamisme est un combat idéologique et culturel»

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David Lisnard, 2020 © Laurent VU/SIPA Numéro de reportage : 00985223_000090

Le Maire de Cannes, en vue à droite, estime que la France a longtemps été d’une mollesse incroyable avec les islamistes. Il indique comment couper le robinet de l’immigration massive. Entretien.


Qu’avez-vous pensé du débat entre Gérald Darmanin et Marine Le Pen sur le séparatisme ?

Je me disais devant ma télé, quelle étroite et sinistre vision du pays. À un moment Marine Le Pen cite le livre de Gérald Darmanin sur le séparatisme, qui est intéressant, et elle le compare avec ce qu’il propose dans la loi. Et il est vrai qu’il y a gap énorme entre le constat, terrible et juste, contenu dans le livre, et l’action, timorée, contenue dans le texte législatif. L’emphase dans le discours de ce pouvoir est très destructrice de confiance car on constate de façon symétrique l’impuissance de l’État dans les faits. Comme disait Raymond Aron, « je déteste autant le conformisme et le révolutionnarisme ». Rien n’a changé depuis. Nous avons un conformisme techno habillé de discours enflammés qui ne sont pas suivis par des actes politiques forts. Et en face un révolutionnarisme démagogique des extrêmes, fait d’incantatoire et de racolage. Entre les deux, il y a la France !

Une immense majorité de citoyens, de droite, du centre, de gauche, sont atterrés de l’incapacité du pouvoir à agir, à exécuter. Marine Le Pen n’a pas été bonne pendant ce débat, elle ne connaissait pas les chiffres de l’immigration, qui est pourtant son thème quasi exclusif. Mais elle disait une chose juste et terrible, sur l’incapacité à agir des gouvernements depuis quarante ans : nous ne sommes même pas capables d’expulser les personnes en situation illégale sur notre territoire, quand les autres démocraties y parviennent.

A lire aussi, Philippe Bilger: Darmanin et Le Pen sortent-ils vraiment tous deux gagnants du débat de France 2?

La France doit enfin comme toute démocratie souveraine maîtriser ses flux migratoires, aujourd’hui couper le robinet de l’immigration massive, et pour cela, puisqu’il le faut juridiquement, adapter la Constitution et remettre en cause la jurisprudence sclérosante de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous avons des lois, et nous sommes impuissants pour les faire respecter. Cela ne peut plus durer. La Justice dépend de l’application effective des règles résultant de la volonté populaire et encadrées par l’Etat de droit. Or, l’Etat est souvent fort avec les faibles et les classes moyennes, et faible avec les forts et ceux qui ne respectent rien. Il suffit d’être automobiliste, ou un peu solvable, pour s’en rendre compte. C’est la raison de la légitime colère des premiers Gilets jaunes, avant que ce mouvement soit faisandé par les extrémistes et les casseurs. Nous avons un État mou, défaillant pour sanctionner l’abus de quelques-uns, et qui alors a la tentation d’interdire l’usage pour tous. Le manque d’autorité régalienne génère un problème non seulement d’ordre mais aussi de liberté.

Quel regard portez-vous sur la progression de l’islamisme, niée par toute une partie de la gauche ?

Un de mes meilleurs amis est algérien. Au moment des attentats de Charlie, on s’est dit immédiatement qu’on partait pour une décennie noire comme en Algérie. Ces amis algériens, musulmans pratiquants par ailleurs, m’ont toujours dit que la France était d’une mollesse incroyable avec les islamistes. Vous ne pouvez pas leur dire, à eux qui ont perdu des proches massacrés par les islamistes, qu’il n’y a qu’une différence de degré entre un musulman et un islamiste. C’est faux. Il y a une différence de nature. L’islamiste est musulman mais le musulman n’est pas forcément islamiste.

Dans le monde, beaucoup de musulmans sont victimes des islamistes. Ils les haïssent pour de bonnes raisons. Ce qui est inquiétant, c’est la progression du nombre d’islamistes, qui font pression sur les autres, les réduisent au silence ou les manipulent. La masse dévore l’individu. Les salafistes, les frèristes des quartiers l’ont bien compris. C’est pour cette raison quantitative qu’il faut enfin une politique ferme dans les faits.

A lire aussi, Charles Rojzman: Les mots de l’islamo-gauchisme

Le renoncement d’une partie des élites — politiques, universitaires, médiatiques— à voir dans l’islam politique un danger pour la République évoque tout autant une forme de déni du réel que d’acceptation de l’inéluctable. N’est-il pas trop tard pour combattre la progression de l’islamisme?

Nous pouvons agir d’une part en maitrisant l’immigration, d’autre part en sanctionnant, et en assimilant. Ainsi, au-delà du nécessaire combat militaire, policier et judiciaire, la guerre contre l’islamisme est un combat idéologique et culturel. Pour les jeunes cela passe beaucoup par la culture, d’où l’importance de l’éducation artistique et culturelle (évoquée en détail ici NDLR). J’y crois beaucoup. Ceux qui flinguent les fans de rock au Bataclan sont les mêmes que l’imam de Brest qui dit tranquillement à des enfants « écouter de la musique va vous transformer en porcs ». Ces gens détestent la culture précisément parce qu’elle éloigne leur clientèle de leurs délires obscurantistes. Quand on pense que la France n’a même pas été capable d’expulser ce prêcheur de haine !

La grande erreur de la bien-pensance d’une partie de la gauche, du «camp du bien » autoproclamé, en politique comme dans les médias, est d’être les idiots utiles de cette idéologie mortifère. Ils font semblant de confondre lutte contre l’islamisme et islamophobie. Cette manie d’essentialiser les gens, de renvoyer chacun à sa couleur de peau, à son origine, de dire à chacun « tu es une victime », est une forme de mépris extraordinaire des individus et d’alimentation de violentes forces centrifuges.

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Les réponses de Gilles Cosson à la “crise de sens”

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Autriche. Image d'illustration Unsplash

Entretien avec Gilles Cosson, qui publie Vers une espérance commune[tooltips content= »Pierre-Guillaume de Roux, 2021″](1)[/tooltips]


Observant que le relativisme et le matérialisme se sont emparés de nos sociétés occidentales largement déchristianisées, l’essayiste Gilles Cosson pose quelques jalons pour une nouvelle espérance commune… Constatant le changement radical du monde, décrivant les nouveaux périls qui s’annoncent pour les hommes (conflits armés, radicalisation de l’islam, changement climatique etc.), ce voyageur estime que les grands textes fondateurs devraient être réexaminés dans une optique impitoyablement critique. Curieuse et ambitieuse entreprise, même si Cosson n’entend pas rejeter les religions!

Son essai rappelle en tout cas que la soif de l’humanité pour une explication globale du monde est telle qu’elle ne sera jamais prête à y renoncer. Entretien.

Gilles Cosson. D.R.
Gilles Cosson. D.R.

Causeur. Votre ouvrage entend proposer un cadre permettant de faire advenir une espérance adaptée à notre temps… Comment ne pas tomber dans l’écueil de l’ésotérisme dans ce genre d’entreprise?

Gilles Cosson. Oui, cet écueil est évident. Mais, comme je le souligne chemin faisant, je ne demande à personne de renier sa foi. Je présente une philosophie d’espérance commune aux hommes d’aujourd’hui et de demain. Car notre environnement change si vite que le désespoir guette ceux qui se replient sur des doctrines souvent dépassées. Il faut ouvrir les pages et non les fermer.

Quelle éducation religieuse avez-vous reçue?

Ma mère était catholique, mon père agnostique, ma sœur ainée est protestante. Mes origines religieuses sont donc variées. J’ai beaucoup d’estime pour les religions judéo-chrétiennes qui ont tant apporté au monde, mais aussi pour les philosophies religieuses orientales, tel le taoïsme ou le bouddhisme. Bref l’admiration et la sympathie pour ces diverses croyances sont pour moi fondamentales avec une préférence marquée pour les convictions laissant à chacun sa liberté de choix. Les mérites correspondants n’en sont que plus grands. Au contraire, les certitudes, trop souvent abusives, constituent pour moi le piège à éviter.

Même s’il ne revêt aucun caractère prescriptif, votre essai ne risque-t-il pas d’être mal compris avec ces conseils sur la pratique spirituelle ou la méditation en fin d’ouvrage? 

J’ai simplement souhaité fournir un guide de comportement parmi bien d’autres à ceux qui n’en ont plus aucun. Et ils sont nombreux. Mon expérience de la vie pratique comme de la vie intellectuelle m’a montré l’oubli progressif de la plupart des rites ou des recherches spirituelles par l’homme contemporain, balloté entre le relativisme et le matérialisme. Cela est d’autant plus regrettable que la science moderne nous offre l’image d’une puissance mystérieuse qui gouverne le monde depuis l’origine, idée admirable, stupéfiante et pourtant possible. Il nous appartient de contribuer à la beauté de cette force qui est de nous et par nous en témoignant au travers de nos pensées et de nos actes de la grande idée que nous nous en faisons.

L’homme athée contemporain ne peut-il pas sereinement mener sa vie?

Je crois que le besoin de croire, de donner un sens à son existence est si fort qu’il est très difficile de rejeter toute idée de transcendance. Cette revendication-là, formulée ou non, est éternelle et je ne crois guère au mythe de « l’homme fort », menant sa vie sans lien aucun avec l’univers. La vision dionysiaque du monde et le Gai Savoir n’ont pas empêché Nietzsche de sombrer finalement dans la folie. À trop tendre la corde, elle se rompt. L’exigence d’éternité qui git en chacun de nous peut être combattue, elle ne peut être ni niée ni oubliée.

Vous vous opposez à toute doctrine ou tout clergé. Sans rejeter les religions établies, vous dites que la religion de demain devra rester éternellement ouverte. Mais une spiritualité n’est-elle pas indissociable de toute mystique (d’une histoire, d’un héritage)? 

Vous avez raison, ma pensée est de proposer, comme déjà exprimé, un horizon spirituel qui ne rejette pas pour autant les religions actuelles, ce qui serait prétentieux et abusif. La richesse des « fois » du passé ne doit pas être ignorée, tout au plus relativisée. La grandeur et la beauté des doctrines issues de notre héritage constituent une source d’inspiration et de richesse inestimables. Que serions-nous sans Yahvé, Jésus-Christ, Lao-Tseu, Bouddha ou Mahomet?

Les principales difficultés que notre époque pose aux religions et que j’ai identifiées dans votre livre sont le défi de la conquête spatiale, la violence de l’islam et l’intelligence artificielle. Alors que vous appelez à franchir le Rubicon sur ces questions, les religions sont plus frileuses, plus prudentes. Pourquoi?

Parce que toute affirmation qui dérange les habitudes a toujours fait peur aux gens installés. Cela dit, je rejette fermement l’absolutisme de l’islam parce qu’il interdit toute évolution doctrinale et qu’il aboutit à un monde figé. S’agissant des évolutions tant matérielles que spirituelles à venir, cela se traduit dans la pratique par un complexe d’infériorité parfois meurtrier. Or la conquête spatiale et l’intelligence artificielle vont demander une souplesse d’adaptation difficile, mais nécessaire à la survie de l’humanité. 

Oui, il faut franchir le Rubicon le plus vite possible sur les questions essentielles que vous évoquez, sinon notre espèce même peut être menacée. La surpopulation, l’exploitation dangereuse des ressources de la planète, les risques écologiques, épidémiologiques et idéologiques peuvent mener à des conflits sans rémission. Et, ce jour-là, il sera trop tard.

Quels rapports entreteniez-vous avec l’éditeur Pierre-Guillaume de Roux disparu récemment?

Des rapports d’estime et d’affection, je l’espère, mutuels. Son intelligence, son exigence personnelle, sa droiture étaient pour moi des exemples rares. Il a cherché à créer un espace littéraire neuf au sein duquel la pensée unique n’avait pas sa place. Toujours d’une rectitude parfaite, il laisse à ceux qui l’ont connu un souvenir ému, souvenir que sa fragilité physique rendait encore plus poignante.

Elisabeth Lévy à la Légion étrangère: le roman photo

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Au 1er REC de Carpiagne. Reportage réalisé avec le soutien de Nikon et le prêt d'un boîtier Z7.

Ce mois-ci dans Causeur est paru un reportage d’Elisabeth Lévy au premier régiment étranger de cavalerie de Carpiagne. Découvrez ici le roman-photo de sa visite, capturé par le photographe Stéphane Edelson.


Lire le reportage – partie 1 : Légion étrangère: le chant d’honneur

Lire le reportage – partie 2 : Légion étrangère: 147 nationalités, un seul drapeau

L'adjudant Kevin donne un cours de combat rapproché. Désarmer un ennemi avec couteau ou pistolet est toujours utile dans les rues de nos villes. Ces hommes ont participé aux patrouilles Sentinelle cet hiver en région parisienne. 

L’adjudant Kevin donne un cours de combat rapproché. Désarmer un ennemi avec couteau ou pistolet est toujours utile dans les rues de nos villes. Ces hommes ont participé aux patrouilles Sentinelle cet hiver en région parisienne.

Désarmement d'un ennemi au pistolet.

Désarmement d’un ennemi avec pistolet.

Entraînement de boxe.

Entraînement de boxe.

Pendant que leurs chefs sont en plein rituel "boudin-vin blanc" (voir photos suivantes), de jeunes légionnaires en tenue de parade s'en vont former un piquet d'honneur pour saluer le départ d'un officier du régiment.

Pendant que leurs chefs sont en plein rituel « boudin-vin blanc » (voir photos suivantes), de jeunes légionnaires en tenue de parade s’en vont former un piquet d’honneur pour saluer le départ d’un officier du régiment.

Formation de jeunes recrues aux différentes façons de progresser à plusieurs véhicules en territoire ennemi.

Formation de jeunes recrues aux différentes façons de progresser à plusieurs véhicules en territoire ennemi.

Privés de défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées à cause du Covid, ces hommes, de retour du Mali, partent en perm après inspection des chambrées.

Privés de défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées à cause du Covid, ces hommes, de retour du Mali, partent en perm après inspection des chambrées.

Retour de mission: sous le regard vigilant du chef Fabien, des hommes du 1er escadron (les "Romains à crête") procèdent à l'inventaire et à la restitution à l'armurerie des Famas qu'ils ont préalablement démontés et nettoyés. Pas une cartouche ne doit manquer.

Retour de mission: sous le regard vigilant du chef Fabien, des hommes du 1er escadron (les « Romains à crête ») procèdent à l’inventaire et à la restitution à l’armurerie des Famas qu’ils ont préalablement démontés et nettoyés.

Pas une cartouche ne doit manquer !

Pas une cartouche ne doit manquer !

Détente au mess avant le déjeuner. Le repas commence invariablement par le rituel de la poussière, "Tiens, voilà du boudin !".

Détente au mess avant le déjeuner. Le repas commence invariablement par le rituel de la poussière, « Tiens, voilà du boudin ! ».

Et on boit le vin de la Légion, produit au domaine de Puyloubier où la Maison du légionnaire accueille les blessés au combat et parfois les blessés de la vie.

Et on boit le vin de la Légion, produit au domaine de Puyloubier où la Maison du légionnaire accueille les blessés au combat et parfois les blessés de la vie.

Le "Boudin-vin blanc" fait partie des traditions et rituels incontournables de la Légion. Ici, il est organisé pour le départ d'un officier, qui recevra à cette occasion le képi blanc normalement porté par les seuls légionnaires.

Le « Boudin-vin blanc » fait partie des traditions et rituels incontournables de la Légion. Ici, il est organisé pour le départ d’un officier, qui recevra à cette occasion le képi blanc normalement porté par les seuls légionnaires.

Le lieutenant-colonel Bertrand Dias, chef des opérations du régiment.

Le lieutenant-colonel Bertrand Dias, chef des opérations du régiment.

On boit, on déconne, mais les discours sont solennels et à la fin, c'est avec recueillement qu'on entonne "La Colonne", le chant du 1er REC : "Une colonne de la Légion étrangère / s'avance dans le bled en Syrie / La tête de la colonne est formée / Par l'premier étranger de cavalerie"...

On boit, on déconne, mais les discours sont solennels et à la fin, c’est avec recueillement qu’on entonne « La Colonne », le chant du 1er REC : « Une colonne de la Légion étrangère / s’avance dans le bled en Syrie / La tête de la colonne est formée / Par l’premier étranger de cavalerie »…

Langue française: la France n’est pas une région de l’Union européenne!

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À l'imprimerie nationale de Douai, Marlène Schiappa présente la nouvelle carte d'identité, 16 mars 2021 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA Numéro de reportage : 01009527_000001

L’anglais s’impose comme langue de travail et de communication au sein de l’Union européenne, malgré le Brexit. La nouvelle carte d’identité sera bilingue. Tout cela en violation de l’Ordonnance de Villers-Côtterêts ! L’Elysée vient enfin de communiquer sur la langue de l’Europe, en faisant des « promesses » pour la fin du quinquennat. Le temps qu’une common law s’impose?


«  En français, et non autrement. » Ainsi doit-on écrire. Ces mots lapidaires de l’Ordonnance de Villers Côtterets, promulguée en 1535, sous le règne de François Ier, affirme sans ambiguïté la suprématie du français comme langue d’État et comme instrument essentiel du pouvoir. Dans la droite ligne de cette Ordonnance, l’article 2 de la Constitution française de 1958 déclarera: « La langue de la République est le français. » Socle de la République, une et indivisible, le français est aussi le ciment de la francophonie internationale. En 1921, est créée une carte d’identité— la CNI— rédigée en français, et pas autrement. Ce document, enrichi, par la loi du 27 octobre 1940, d’une empreinte digitale, justifie de l’identité de la personne et de notre identité commune. Et c’est en 2021 que le gouvernement français annonce la création d’une nouvelle carte d’identité, plus « sécurisée », moderne, entendez, européenne, en franco-anglais ! Double forfaiture : civique et linguistique.

Il ne suffisait pas que nous consommions en anglais, en violation de la loi Toubon de 1994. Que les grandes firmes « françaises » ne communiquent qu’en anglais. Que Ouigo soit le passeport de la SNCF. Que les news et les newsletters soient notre pain quotidien. Que les clusters configurent la France. Que nous vivions au rythme du stop and go, du talk et du débrief, bref de l’empowering de la langue de l’empire. Qu’avec la loi Fioraso, certaines universités enseignent Proust en anglais pour faire vivre dans le texte « la langue de Molière. » Que les collectivités publiques rendent attractifs leurs territoires en utilisant le globish: Only Lyon, Invest in Lyon, in Annecy Moutains. Il fallait que le président de la République française, insatiable d’atlantisme, choisisse la semaine de la francophonie pour annoncer la nouvelle carte d’identité française. Mesure-t-on la forfaiture ? Le drapeau bleu aux étoiles jaunes sans légalité ni légitimité n’a aucune raison de figurer sur une carte d’identité française. Le F de la France au milieu du drapeau européen est l’aveu éclatant que la langue française est devenue une langue régionale, vassale de l’anglais qui nous est imposé comme langue commune. La France est devenue une région de l’Union européenne.

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Francophonie: Macron envoie des signaux contraires

En 2017, le président Macron s’était engagé pour le français et la francophonie. En 2018, il reprenait un projet de campagne, lancé en 2001, de « l’Institut de la Francophonie, à Villers-Côtterets ». Tout avait été fait pour une inauguration en 2022. Hélas, des signaux contraires firent déchanter. Un collectif d’associations de défense de la langue française regroupées au sein du « Haut Comité de la Défense de la langue française et de la Francophonie, » (HCDLFF),  envoya au Président de la République, le 14 septembre 2020, une lettre ouverte, relayée par les médias, pour lui rappeler ses promesses. Des protestations s’élevèrent partout. Le 19 mars 2021, un communiqué de l’Élysée fait savoir qu’Emmanuel Macron pourrait —quand la France présiderait le Conseil de l’Union, au printemps 2022— mettre à l’ordre prioritaire du jour, la question du statut des langues officielles et du travail des institutions. Il pourrait. Que ne le fait-il tout de suite ? Pour une raison simple: ce délai permet d’imposer l’anglais comme langue de travail, sans réaction française, afin que cette jurisprudence pérennise le fait accompli. L’inauguration de Villers-Côtterets, elle, serait prévue à la fin du mandat présidentiel, en 2022.

Le Conseil de l’Union n’est pas sans savoir la fragilité du statut de l’anglais au sein de l’Union européenne, depuis le Brexit. Or, un puissant mouvement se développe pour le confirmer voire le promouvoir comme « langue commune » de fait, en arguant une domination de 46 ans, allant  même jusqu’à plaider que l’anglo américain serait une langue neutre, une sorte de volapük consensuel. Madame Ursula von der Leyden elle-même, donne l’exemple en ne parlant presque qu’anglais. Quelques associations envisagent de porter plainte devant la Cour européenne de Justice (CJUE) contre cet usage illégal de l’anglais comme langue commune puisque, selon le règlement n°1 de 1958 modifié, l’UE doit fonctionner avec au moins trois langues de travail.

L’appel du Haut Comité de la Défense de la langue française et de la Francophonie

C’est donc de la France qu’est attendue partout l’opposition à la langue commune unique de communication, acceptée et imposée par la Commission de Bruxelles, sans aucun débat parlementaire ni débat de la part de la France. Le Président de la République doit demander que le Conseil des chefs d’État se réunisse pour statuer sur le statut post Brexit des langues officielles de travail dans l’esprit du règlement n°1. « Cette décision », dit Monsieur Salon, secrétaire vigilant du Haut Conseil, « aurait des effets et un retentissement considérables. Elle serait à la hauteur de tous les « non » historiques lancés au nom de la France : le non à la capitulation en 1940; le non à l’AMGOT, en 1944; le non à l’OTAN militaire, en 1966 et, au président Bush, en 2003, à la guerre en Irak ; le non à la Constitution européenne, cette fois dans la bouche du peuple lui-même, lancé en 2005. En revanche cette capitulation à la langue de l’empire serait un abandon des intérêts fondamentaux, une forfaiture, au regard des devoirs de tous les états membres d’affirmer leur langue nationale surtout quand celle-ci a une dimension mondiale. Elle serait un « écocrime » contre la diversité des langues et des cultures, et contre la civilisation. » Il faut revenir à l’esprit des textes. Il faut dire non aux menées impériales soutenues par certains milieux français — sauf à en être complices.

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«  Nous sommes en guerre. » L’ennemi est autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, protéiforme et omniprésent. L’empire a subverti notre pensée et notre langue en nous imposant son logiciel de marché et un globish qui défigure notre langue. En même temps, la langue française subit les attaques des idéologies régnant partout, dans les services publics et les facultés, elle se délite, s’appauvrit, se déconstruit et devient une arme dont l’inclusive est le signe le plus caricatural mais non le moins dangereux. En France — c’est dans nos gènes— se perçoit une poussée révolutionnaire d’envergure venue des indigénistes, des racialistes, des décolonialistes mais aussi des héritiers. De même qu’en 1793, les révolutionnaires s’en prennent au temps du calendrier, de même les révolutionnaires s’en prennent à « la langue mère » ou langue maternelle, comme le disait déjà l’Ordonnance de Villers-Côtterets. Soumis et insoumis se donnent la main pour mieux s’enchaîner, communiant dans l’oubli ou le rejet d’un passé commun, et reniant une identité. La France, pendant ce temps, perd de plus en plus sa souveraineté et son identité linguistique. Si le président n’intervient pas — et il a, comme de Gaulle, tout loisir de le faire à temps et à contretemps— nous serons soumis à des forces extérieures que nous ne voudrions pas. En attendant, à la faveur du brouillage des signes, les tenants des langues régionales rejouent leur air connu. Ils ne se trompent pas sur le caractère politique de la langue ni sur celui de leurs revendications sans savoir qu’ils montent éternellement le même rocher sur la même pente. La lutte entre universalisme et particularismes fait rage de nouveau en France. Ainsi le Courrier picard déclare passer à l’écriture inclusive, le jour de la déclaration du droit des femmes. Les écoles immersives catalanes sont débordées par leur succès. Le samedi 20 mars, les défenseurs du breton et du gallo sont montés au créneau et, dans le Haut—Rhin, Saint-Louis agglomération, seule intercommunalité alsacienne à disposer d’un service ad hoc, fait la promotion de sa langue régionale. Comme attendu, une proposition de loi sur les langues régionales est déposée, à l’Assemblée, par le député Molac. Demande récurrente, dira-t-on, dans un état jacobin qui montre parfaitement que la langue est, en France, une affaire politique c’est-à-dire liée au pouvoir d’État. Ces revendications linguistiques, vouées à l’échec, n’en sont pas moins perturbantes et inutiles.

La guerre au français remonte à loin

Ne nous y trompons pas. L’hégémon de l’empire anglo-américain est une guerre à l’héritage avec la convergence et la divergence, tout ensemble, des luttes, à l’intérieur de la France. On déboulonne les statues, on fait repentance, on supprime les chiffres romains, on s’attaque, après le lexique, au disque dur de la grammaire, on féminise la langue en la violentant, on a une langue déstructurée, sans vocabulaire, perméable à toutes les idéologies. La guerre au français, il est vrai, remonte à loin. En 1999, ne parlait-on pas, en haut lieu « du droit démocratique de chacun d’user de la langue comme il l’entend ? » Dans son Dictionnaire Critique de la Révolution française, Mona Ozouf consacre donc un chapitre à la tentative, en 1793, de remplacer le calendrier grégorien par le calendrier républicain. Il fallait instaurer, par violence, un temps révolutionnaire : débaptiser les jours, supprimer les fêtes religieuses, créer « un annuaire de la liberté ». Au lieu de cela, qu’ont trouvé les révolutionnaires ? Une éternité qui monte de la nuit des temps et qui n’a besoin d’aucune institution pour exister. Pour l’écrivain Alain Borer, auteur du beau livre De quel amour blessée — il parle de la France, blessée dans la chair de sa langue—, c’est Waterloo que d’accrocher « identity card » aux mots « carte d’identité nationale », deux mots latins transmis à la bataille d’Hastings. Réfléchit-on que notre soumission à l’empire porte atteinte aussi à la francophonie riche de trois-cents millions de personnes ? Qu’elle fragilise d’autant la nôtre ? Si « la langue instituée » est faible, qu’en sera-t-il de la francophonie ?

Retour à l’histoire de France. Quatre ans après l’Ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, François Ier, dans les articles 110 et 111 concernant les actes de justice, proscrit tout retour à l’état ancien, ne laissant aucun choix entre le latin et le français ni entre le français et les dialectes locaux. Cette Ordonnance, toujours en vigueur, n’empêche personne de parler breton ou basque ni les radios d’émettre en langue régionale. Elle assure seulement l’unité de notre pays mise à mal en ce moment. Il faudrait le rappeler.

La guerre au français

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Le Danemark va limiter drastiquement le nombre de “non-Occidentaux” dans les quartiers

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Le Premier ministre danois Mette Frederiksen, Copenhague, février 2021 © Jens Dresling/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22542777_000001

Impossible n’est pas danois! Sous dix ans, le pays scandinave va limiter à 30% la proportion d’immigrés dans ses quartiers difficiles. Une telle mesure de bon sens pourrait-elle être appliquée chez nous?


Dans les zones sensibles, dans les quartiers difficiles, le gouvernement social-démocrate danois a décidé de réduire à 30% le nombre de non-occidentaux et de massivement reloger les familles concernées dans d’autres logements sociaux. Il se promet d’atteindre cet objectif en dix ans. Durant cette parenthèse, les infractions commises dans ces quartiers défavorisés seront réprimées plus sévèrement. On n’appellera plus ces lieux des « ghettos » mais des sociétés religieuses et culturelles parallèles.

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Je n’ose même pas penser à ce que la simple annonce de telles mesures susciterait comme manifestations en France, invocation des droits de l’homme, humanisme compassionnel, procès en xénophobie et cruauté républicaine. La différence est énorme entre le pragmatisme danois et la pudeur française. Entre la volonté d’affronter les problèmes et celle, paradoxale, de les observer. Le constat, pourtant, doit être relativement le même, qu’il soit fait au Danemark ou en France. Mais le premier pays en tire des conclusions et le second s’en effraie. Le réel, pour l’un, est un enseignement, pour l’autre, un repoussoir.

Petit pays, grands moyens

Une fois que la réalité est connue, décrite et analysée, que ses conséquences désastreuses pour la vie collective sont clairement identifiées, il s’agit seulement d’élaborer et de mettre en œuvre une politique dont la finalité sera de s’attaquer au mal en prenant, s’il le faut, les grands moyens pour combattre le déplorable vivre-ensemble des quartiers difficiles.

Comme la social-démocratie danoise ne se réfugie pas derrière des considérations absurdement morales mais se confronte au cœur du sujet, l’incompatibilité de certains modes de vie et de pensée entre eux, elle n’hésite pas, parce qu’elle veut être efficace, à recomposer des zones pour éviter que les non-occidentaux y dominent.

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Rien à voir avec un quelconque cynisme mais tout avec du réalisme. Même si quelques opposants danois ont protesté contre les modalités de ces relogements.

Quel gouffre entre la France et le Danemark! Dans celle-là le RN est en permanence vilipendé à cause de projets que le climat démocratique, notre tiédeur républicaine, notre angoisse de nommer les choses ne poussent jamais vers des extrémités tandis que dans celui-ci on ne s’embarrasse pas de mots mais on privilégie l’action. Celle-ci est reine quand chez nous les ministres promettent et se déplacent. On sait ce qui va mal, et où, mais on use de mille prétextes pour emprunter le chemin de la faiblesse, ne jamais toucher la cible et continuer à déplorer ce qu’on est incapable de combattre ou d’éradiquer. Au Danemark, on sait ce qui va mal et on ne se détourne pas des solutions parce qu’elles seraient dures et bonnes: au contraire on s’y tient. On préfère le remède à la maladie. C’est sous l’égide d’une Première ministre femme, Mette Frederiksen, que cette offensive va se poursuivre. Pour que les sociétés parallèles ne se multiplient pas. N’est-il pas déjà trop tard en France ?

« A l’opéra, c’est la couleur de la voix qui compte, pas celle de la peau »

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Emmanuel Dupuy. © Hannah Assouline

Un rapport commandité par le directeur de l’Opéra de Paris pointe la sous-représentation des artistes non blancs dans le répertoire de l’établissement. Emmanuel Dupuy, rédacteur en chef du magazine Diapason nous rappelle que cette population est également absente dans le public et que tous les grands génies de l’Opéra étaient des hommes blancs…


L’Opéra de Paris traverse la plus grande crise de son histoire : outre sa fermeture par temps de Covid, l’institution, minée par des syndicats tout puissants, est un gouffre dans lequel disparaissent argent public et productions artistiques. Et que fait son directeur ? Il commande un rapport sur la « diversité ». Et Alexander Neef a eu ce qu’il voulait. Pap Ndiaye (historien, spécialiste des minorités et directeur du palais de la Porte-Dorée qui abrite le musée de l’immigration) et Constance Rivière (écrivain et militante socialiste) lui ont rédigé un rapport sur mesure pointant, on s’en doute, une scandaleuse sous-représentation des minorités visibles. Le patient était déjà malade, il ne restait plus qu’à lui tirer dessus.

Tentons de comprendre ce traitement absurde avec Emmanuel Dupuy, rédacteur en chef du magazine Diapason.

Causeur. L’un des chapitres du rapport s’intitule « La diversité, grande absente de l’Opéra ». Est-ce une réalité ?

Emmanuel Dupuy. C’est une réalité indéniable, parmi les artistes comme parmi le public. Le problème concerne d’ailleurs toutes les institutions de musique classique européennes, pas seulement l’Opéra de Paris. Mais est-ce un problème ? Certains en doutent, ramenant ces débats à un énième symptôme de la mauvaise conscience de l’homme blanc. Pour ma part, je vois plutôt dans ce décalage un poison qui, à terme, risque d’aggraver la marginalisation déjà cruelle dont souffre la culture classique dans notre société.

S’il en était besoin, une Jessye Norman a démontré avec éclat que l’on peut être noire, descendante d’esclaves et incarner les blondes héroïnes imaginées par Wagner – un compositeur pas franchement sensible au discours antiraciste!

La création artistique pâtit-elle de cette « grande absente » ? Remarquez-vous un manque que pourrait pallier une meilleure représentativité ?

Le problème ne se pose pas en termes artistiques. Il se trouve que tous les grands génies de l’opéra, de Monteverdi à Richard Strauss, étaient des hommes blancs. C’est ainsi, l’Histoire ne saurait se réécrire. Mais les génies, en réalité, n’ont pas de couleur, ils appartiennent au patrimoine de l’humanité. Aussi, qu’un air d’opéra soit chanté par un artiste blanc ou noir, cela ne fait strictement aucune différence. S’il en était besoin, une Jessye Norman a démontré avec éclat que l’on peut être noire, descendante d’esclaves et incarner les blondes héroïnes imaginées par Wagner – un compositeur pas franchement sensible au discours antiraciste ! À l’inverse, chez Verdi, un ténor blanc peut incarner le Maure Othello, à condition que son timbre soit suffisamment sombre. C’est la couleur de la voix qui compte à l’opéra, pas celle de la peau.

On lit notamment dans ce rapport : « Notre mission arrive à un moment où “la parole s’est libérée” et où l’écriture d’une nouvelle page de l’Opéra national de Paris est possible. Nécessaire même pour que l’ensemble de la société s’y retrouve. » L’Opéra a-t-il été, est-il ou doit-il être un lieu qui rassemble l’ensemble de la société ?

Que l’Opéra doive mieux fédérer l’ensemble de la société, cela me paraît une évidence. Ne serait-ce que parce qu’il est financé – grassement – par tous les contribuables. L’institution était d’ailleurs beaucoup plus inclusive par le passé. Les danseuses peintes par Degas n’étaient pas issues de la bourgeoisie, bien au contraire. Jusqu’au milieu du siècle dernier, le public était nettement mélangé, plus jeune, et de plus en plus populaire à mesure que l’on montait dans les étages. Ce brassage a disparu, d’où cette interrogation : le problème de la diversité n’est-il pas d’abord de nature sociale ? Si davantage d’étudiants, d’ouvriers et d’employés fréquentaient l’Opéra, il est probable que la question des origines ethniques serait en grande partie réglée. Mais encore faudrait-il, pour cela, que la politique tarifaire ne soit pas dissuasive. Or c’est tout l’inverse : le prix des places n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Bizarrement, je n’ai pas remarqué que le rapport s’attardait sur ce sujet…

Si davantage d’étudiants, d’ouvriers et d’employés fréquentaient l’Opéra, il est probable que la question des origines ethniques serait en grande partie réglée. Mais encore faudrait-il, pour cela, que la politique tarifaire ne soit pas dissuasive

On nous parle d’un déficit de représentation de la diversité de la société. Or l’Opéra ne la représente-t-il pas, d’une certaine façon et depuis des années, à travers des mises en scène (plus ou moins heureuses) qui transposent le grand répertoire dans la rue, le métro ou des bureaux ?

En matière de mise en scène, on est arrivé à la fin d’un cycle. Cela fait maintenant plus de quatre décennies que les ouvrages du passé sont actualisés, transposés au forceps dans la société d’aujourd’hui. Cette pseudo-modernité est devenue si conformiste qu’elle frise l’académisme. Le vrai problème de l’Opéra, c’est celui de la création. Aucun chef-d’œuvre nouveau ne s’est imposé au répertoire depuis les années 1950. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où des ouvrages lyriques récents, qui interrogent les problèmes du monde contemporain, ont trouvé leur public : ceux de John Adams, de Philip Glass, de Jake Heggie… Mais ils n’ont jamais été donnés à l’Opéra de Paris, ce qui constitue une anomalie absolument incompréhensible.

L’un des leitmotive des auteurs est qu’il faut en finir avec « l’héritage colonial », argument sans appel pour remiser « blackface » et « yellowface ». Au-delà, n’est-ce pas le costume, le déguisement, la notion même de rôle qui sont menacés – donc certaines œuvres du répertoire ?

Alexander Neef, le patron de l’Opéra, a été clair : il n’est pas question de supprimer des titres du répertoire, ce qui constituerait en effet une grave atteinte à la mission patrimoniale de l’institution. Et attention au soi-disant colonialisme de certains ouvrages du passé. La Madame Butterfly de Puccini, par exemple, n’est absolument pas un ouvrage colonial, comme on l’entend parfois. C’est au contraire un opéra clairement anticolonial, qui dénonce l’impérialisme sans scrupule du Yankee Pinkerton, dont est victime une pauvre geisha. Quant au blackface et au yellowface, je comprends mal pourquoi on se focalise sur cette problématique typiquement américaine, transposée chez nous sans beaucoup de recul. L’opéra est par excellence le monde de l’artifice, auquel participe le maquillage, au même titre que les costumes, les perruques, les cothurnes… C’était le sens d’une tribune signée par quelques pointures du théâtre en 2019, dont Ariane Mnouchkine et Wajdi Mouawad, pour défendre un spectacle mis en scène par Philippe Brunet, accusé de recourir au blackface par des militants antiracistes. « Le théâtre est le lieu de la métamorphose, pas le refuge des identités », écrivaient-ils. On ne saurait mieux dire…

Si les recommandations du rapport étaient intégralement suivies, qu’est-ce qui changerait, que ce soit à l’école de l’Opéra, dans les jurys, sur scène, etc. ?

Sur ce point, c’est à l’Opéra d’apporter les réponses ! Mais quelques pistes ont déjà été évoquées, notamment pour l’école de danse qui, étant intégrée à l’institution, pourrait repérer les talents dès le plus jeune âge, y compris dans des milieux où cela ne va pas de soi. Pour les choristes et les musiciens d’orchestre, cela sera beaucoup plus difficile, car les concours de recrutement sont l’étape finale d’un processus de sélection très peu inclusif, dont la base est constituée par les conservatoires et les écoles de musique, voire par l’Éducation nationale qui devrait jouer un rôle. Or, on se heurte une nouvelle fois à la sempiternelle faillite de notre système éducatif, incapable d’encourager la promotion sociale et d’ouvrir des horizons culturels à des populations qui en sont éloignées. Sur scène, on donnera peut-être davantage de « visibilité » à des artistes représentant la diversité. D’où la crainte d’une forme de discrimination positive, qui aiderait à promouvoir des chanteurs ou des danseurs qui n’ont pas forcément le niveau requis. Je ne crois pas à ce danger, car les artistes issus de la diversité savent, sans doute mieux que les autres, que leur légitimité ne peut découler que de leur excellence.

On peut tout de même relever des points positifs ?

Si le rapport de Constance Rivière et Pap Ndiaye n’évite pas certains clichés, en particulier sur les questions relatives au répertoire, leur travail apporte des réponses multiples à des questions qui se posent vraiment, sans dogmatisme excessif me semble-t-il. Cependant, il y a comme un problème de timing. Ce rapport est présenté alors que l’Opéra de Paris, miné par un déficit financier abyssal et un climat social délétère, traverse une des plus graves crises de son histoire. Pendant qu’on débat sur la diversité, sujet de plus en plus consensuel, on évite les questions qui fâchent.

Et quelles sont-elles ?

La renégociation de la convention collective des salariés, le poids des coûts fixes qui engloutissent une subvention colossale, la nuisance de syndicats qui décident de la vie ou de la mort des spectacles, le gaspillage d’argent public dans certaines productions jamais reprises : voilà quelques pistes de travail prioritaires afin que la maison puisse assurer sereinement ses missions. Notamment sur le front de la démocratisation de l’art lyrique, point d’appui de toute politique d’ouverture à de nouveaux publics.

Jean-Luc Mélenchon connaît l’avenir du monde…

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Jean-Luc Mélenchon, janvier 2021 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 00999890_000011

La créolisation vantée par le chef de file de la France insoumise ne fait pas un programme politique


L’obsession égalitariste trouve en Jean-Luc Mélenchon un héraut qui la pare (à nouveau) du nom de créolisation dans une intervention récente sur France Info. Un terme qui fut forgé par un poète martiniquais, Edouard Glissant. On en comprend facilement le sens : il s’agit du mélange (évidemment supposé harmonieux) de cultures différentes dont le résultat serait une sorte de « superculture » qui ne serait pas la somme de ses composantes, mais quelque chose d’autre (que l’on suppose forcément bien préférable à chacune des cultures initiales).

L’internationale sera le genre humain V2

Le pauvre Marx doit se retourner dans sa tombe. Ses plus fidèles héritiers, ses plus loquaces évangélistes, semblent avoir oublié la bonne parole du matérialisme historique. La cathédrale conceptuelle du bon vieux communisme s’est transformée en petite chapelle du bon sentiment, dont toute la pensée se résume à : « nous sommes une seule espèce ». Certes cette petite chapelle à une visée universaliste (un reste de trotskysme ?) puisque la créolisation est « l’avenir du monde ». Cela sonne un peu comme « l’internationale sera le genre humain », en plus moderne peut-être.

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Mélenchon le créole

La question est : qu’arrive-t-il à Monsieur Mélenchon ? Qu’est-ce que cette bouillie de bon sentiments, d’enfants qui vont s’aimer, de conquête de l’espace et des mers par une humanité unifiée ? Cela me rappelle un film que j’aime beaucoup, avec une chanson qui s’y rattache : « Si tous les gars du monde devenaient de bons copains, et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain » (je souris en pensant aux hurlements féministes à l’écoute d’une telle chanson). Un programme auquel on ne peut qu’adhérer. Mais ça ne fait pas un programme politique.

Une politique d’un nouveau genre

Il est bien vrai que la gauche est en bout de course, comme il le constate lui-même. Il ne peut s’en prendre qu’à cette pensée au rabais dont il se fait un des chantres. Sans doute pense-t-il aussi qu’aujourd’hui, à l’heure où l’on supprime les chiffres romains, il est important d’être compris par sa cible électorale et de ne pas compliquer les discours. D’où une sorte d’esperanto politique, basé sur des idées simples : la gauche c’est la solidarité, l’avenir c’est la créolisation, le monde bientôt sera un genre humain, sans diversité ni identités, mais composés de personnes non genrées, une espèce nouvelle et universelle dont Jean-Luc Mélenchon nous promet l’avènement et qu’il a déjà baptisée: LES GENS.