L’Alliance Sahra Wagenknecht transgresse les lignes rouges de la politique allemande en assumant des convergences ponctuelles avec l’extrême droite de l’AfD, au nom du pragmatisme démocratique mais aussi au nom d’une gauche antilibérale en rupture avec le progressisme « woke ».
En 1997, Patrick Besson signait un roman, Didier dénonce, dans lequel il moquait ceux qui voyaient des complots rouge-brun partout. Presque trente ans plus tard, c’est peut-être d’Allemagne que ce fantasme verra le jour. A la question d’une alliance possible avec l’AfD, Sahra Wagenknecht, leader du parti éponyme (Alliance Sahra Wagenknecht) issu d’une scission avec le parti d’extrême gauche Die Linke, a récemment répondu : « Si vous me demandez si je m’adresserais également à M. Tino Chrupalla [leader de l’AfD] s’il y avait une raison concrète à cela, comme ce fut le cas en Thuringe lors de la réunion des présidents des groupes parlementaires : oui, bien sûr ». Ajoutant : « Cela devrait être normal dans une démocratie ». Un appel du pied suffisant pour que les médias allemands détectent « la même pensée autoritaire » au sein des deux formations.
Quand craque le BraudenMauer…
L’alliance avec l’AFD ? Y penser souvent, n’en parler (presque) jamais. Dans ce pays, l’extrémisme de droite, quoiqu’en recul depuis Koursk et Stalingrad, n’amuse personne. Le cordon sanitaire, ici « BrandMauer », a longtemps défié toute résurgence des vaincus de 1945. La NPD (parti « national-démocrate »), aux fortes accointances néo-nazies, ou les Republikaners de l’ancien Waffen SS Franz Schönhuber n’ont jamais trouvé d’allié et n’étaient qu’exceptionnellement invités dans les médias. Aussi, ils n’ont connu de succès électoraux que temporaires, locaux et limités. Facile à maintenir quand l’extrême droite ne dépasse pas les 5%, le BraudMauer commence à céder lorsque l’AfD commence à rafler un quart ou un tiers dans certains Landers de l’ancienne Allemagne de l’Est. Problème : dans la BundesRepublik, comme à Weimar, on ne gouverne qu’en coalitions : le scrutin est strictement proportionnel, même à l’échelon local. Les partis de droite ont donc été tentés de croquer dans la pomme des alliances interdites pour gouverner à nouveau certains exécutifs.
Les premiers à craquer (ou croquer) furent les alliés libéraux d’Emmanuel Macron au Parlement européen. En février 2020, lors de l’élection du ministre-président (équivalent d’un président de région) de Thuringe, Thomas Kemmerich, membre du FDP, a été élu grâce aux voix de l’AfD, dirigé localement par Björn Höcke, face au candidat de gauche « Die Linke ». Levée de boucliers ! Sacrilège ! Tabou brisé ! « Acte impardonnable » s’étrangla la chancelière Angela Merkel. Devant la pression, le président libéral dût démissionner 48 h plus tard. Et les partis de bricoler un pacte de coalition pour maintenir un gouvernement du Land allant des démocrates-chrétiens… aux post-communistes. Depuis cet épisode, une partie de l’électorat FDP (parti désormais au fond du trou) a glissé vers l’AfD. La base libérale est souvent plus fiscale qu’humaniste, eurosceptique non par nostalgie de la grandeur nationale mais par refus des transferts budgétaires entre États. Le scandale de 2020 y a été vu comme une abdication morale de la droite modérée envers la gauche.
Friedrich Merz, alors chef de la CDU, sentant le vent de l’union des droites tourner, tenta un nouveau coup de sonde. Il déclare en juillet 2023 dans un média suisse que les élus de son parti pourraient, au niveau local, « travailler avec des maires ou des présidents de canton élus sous l’étiquette AfD », dès lors qu’ils sont démocratiquement désignés. Plusieurs résolutions communes avaient déjà été votées par l’apport des élus nationalistes aux démocrates chrétiens. Là encore : Horreur ! BrandenMauer fissuré ! « L’AfD est antidémocratique, d’extrême droite », avait sursauté Markus Soder, le chef de la CSU bavaroise – région qui pourrait avoir un passif historique à absoudre. Comme le président démissionnaire de Thuringe, M. Merz revint sur ses propos dès le lendemain. Les consciences de la CDU veillent. En janvier 2025, Angela, toujours elle, critiqua publiquement une motion anti-immigration votée par la CDU au Bundestag avec le soutien de l’AfD, dénonçant un alignement dangereux. Cinq ans après le scandale de Thuringe, ce sont donc les électeurs de la CDU qui entament leur migration vers l’AfD. Ce sont des retraités conservateurs, des classes moyennes rurales, des ex-électeurs CSU qui se tournent vers le parti de M. Höcke non par nostalgie hitlérienne, mais parce qu’ils ne se sentent plus représentés par une droite plus obsédée de digues morales que de digues fiscales, migratoires ou identitaires.
La gauche Rosa plutôt que la gauche Greta
Dans un pays qui a troqué Rosa Luxemburg pour Greta Thunberg, Sahra Wagenknecht est une relique hérétique. Trop brillante pour les chaines d’info (elle est docteure en philosophie et économie ; un titre qui compte en Allemagne), trop rouge pour la droite, trop nationale pour la gauche… Elle fut d’abord marxiste : née en Allemagne de l’Est, elle a même appartenu au SED, l’ancien parti communiste. Ça tombe bien, l’AfD et le BSW font leurs meilleurs scores sur le même fief électoral, celui de l’ancienne RDA. Son discours antilibéral est intégral et ne cède rien au progressisme. Elle a dénoncé l’obsession migratoire de la gauche comme un abandon des classes populaires qui commencent en Allemagne à être broyées par le libre-échange et les faillites d’usines. Elle a tenu la barre de Die Linke avant de faire scission avec ses ex-camarades intersectionnelles pour fonder le BSW – Bundins Sahra Wagenknecht : un parti refuge pour ceux qui ont voté SPD, puis Die Linke, puis plus rien… en attendant peut-être de voter AfD. Au Parlement européen, Michael von der Schulenburg, député BSW non-inscrit, vote déjà en faveur des amendements de l’AfD, notamment quand les deux formations sur retrouvent sur les mêmes thèmes eurosceptiques et le même tropisme russophile.
Le BSW serait donc une gauche conservatrice anti woke, en rupture avec le progressisme de Die Linke, qui a frôlé l’entrée au Bundestag aux dernières élections. Une Marine Le Pen de gauche ? Non : trop de Kant, trop de Marx, trop d’Adorno. Trop d’impératif catégorique, trop de lutte des classes, trop de traumatisme historique. Et pourtant…elle transgresse l’ultime tabou moral de l’après-guerre et pactiser avec le nationalisme. Sans doute un impératif politique : son parti ne voulait-il pas réconcilier la gauche avec le réel ?
Les enfants violents des cités qui se déchainent dans les rues le soir de la Fête de la musique : le symptôme d’un effondrement civilisationnel.
La Fête de la musique, censée être un moment de partage culturel et de liesse populaire, s’est muée cette année encore en une démonstration brutale d’un désordre profond. Dans plusieurs villes de France, les festivités ont été le théâtre de scènes inquiétantes : pillages de commerces, voitures incendiées, agressions au couteau, et même parfois agressions sexuelles. Plus grave encore, des femmes ont dénoncé sur les réseaux sociaux avoir été droguées à leur insu à l’aide de piqûres, phénomène aussi choquant qu’inquiétant.
La police ne sait plus où donner de la tête
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la Fête de la musique 2025 a été marquée par plus de 730 interpellations, près de 60 policiers blessés, et une centaine d’agressions recensées sur l’ensemble du territoire, dont plusieurs à l’arme blanche. À Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille ou encore Nanterre, les forces de l’ordre ont été débordées face à des groupes organisés, parfois très jeunes, multipliant les attaques coordonnées contre les commerces, les véhicules ou les passants. À Paris, la préfecture a confirmé l’ouverture de plusieurs enquêtes pour violences sexuelles en réunion, tandis que la multiplication des cas de piqûres suspectes, souvent en pleine foule, alimente la sidération.
Du côté du gouvernement, le ministre Gérald Darmanin a dénoncé « des actes barbares et lâches, qui n’ont rien à voir avec la fête », tout en appelant à « une réponse judiciaire ferme et rapide ». Mais dans l’opposition, les critiques fusent. Jordan Bardella (RN) y voit « l’expression d’une insécurité systémique que le pouvoir refuse d’admettre », tandis que Manuel Bompard (LFI) évoque « une stratégie de la tension exploitée politiquement, sans jamais s’attaquer aux causes sociales profondes ». Le président Emmanuel Macron, en déplacement en Bretagne, s’est dit « préoccupé par la multiplication des violences urbaines », affirmant que « la République ne reculera pas ».
Tissu social et jeunesse déchirés
Ces violences ne sont ni des faits divers isolés ni de simples dérapages liés à l’alcool ou à la foule. Elles traduisent une dégradation accélérée de notre tissu social. Elles révèlent une jeunesse hors de tout cadre, une culture de la violence banalisée, et une société qui perd ses repères. Plus qu’un problème de sécurité, nous faisons face à une crise de civilisation. Et les responsables sont multiples : familles déstructurées, État démissionnaire, école en faillite, communautarismes identitaires, et une République paralysée par sa propre lâcheté. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’ordre public, c’est l’avenir même de la nation.
Il est temps de cesser les circonvolutions. La violence des jeunes dans les cités n’est pas un accident. Ce n’est pas non plus un simple effet collatéral de la pauvreté. C’est le fruit amer d’un projet échoué de modernité démocratique, incapable de maintenir ses propres structures de transmission, de régulation, d’autorégénération. Cette violence est un cri, mais un cri dirigé contre le silence coupable d’une société qui ne sait plus ce qu’elle est, ni ce qu’elle veut.
Pendant trop longtemps, on a refusé de voir. On a même interdit de penser. Nommer les causes profondes de cette désintégration était suspect. Pointer la responsabilité de certains modèles familiaux ou culturels était un délit moral. Le politiquement correct a imposé sa chape de plomb : toute analyse un tant soit peu honnête était aussitôt assimilée à un discours de haine. Il est temps de briser ce mur d’autocensure.
Les jeunes violents des cités sont les enfants d’un vide. Vide de l’autorité paternelle, disparue sous les coups de boutoir de la délinquance, du consumérisme, de l’abandon social. Le père, lorsqu’il n’est pas physiquement absent, est souvent disqualifié dans son rôle : soit il est marginalisé, soit il incarne lui-même l’arbitraire ou la violence. L’adolescent sans repères se construit alors dans la rue, dans le gang, dans la loi du plus fort.
Vide d’une mère laissée seule, dépositaire d’une mission impossible, sans soutien, sans relais, parfois elle-même sous emprise culturelle ou religieuse. Elle tente de régner sur un foyer miné par l’anomie, souvent sous la domination d’un fils devenu chef de clan à la maison. Ce renversement des générations est une bombe à retardement sociale et psychologique.
Fausse tolérance
Vide d’un État devenu spectateur de sa propre impuissance, piétinant ses principes au nom d’une tolérance dévoyée. L’administration ferme les yeux, les politiques reculent, la justice tergiverse. L’ordre est devenu un mot tabou, la fermeté un acte de provocation.
Et l’École ? Elle aussi s’est effondrée. Jadis instrument d’émancipation, elle est devenue le théâtre de l’inversion des rôles : ce ne sont plus les élèves qui doivent s’adapter à l’institution, mais l’institution qui courbe l’échine devant les revendications identitaires, les communautarismes agressifs, les refus d’apprendre. L’autorité du professeur est constamment remise en question, la discipline remplacée par la peur du scandale. Les savoirs fondamentaux cèdent la place à une pédagogie de l’évitement.
N’ayons plus peur de nommer ce que tout le monde sait : une partie de cette jeunesse violente est irriguée par un islam de rupture. Pas la foi tranquille du croyant, mais l’islam de combat, politique, identitaire, conquérant. Celui qui enseigne la supériorité de la loi divine sur les lois humaines. Celui qui réduit la femme à l’ombre, l’étranger à l’ennemi, la France à une terre à réislamiser. Cet islam-là n’est pas une spiritualité : c’est une stratégie.
Il prospère sur le terrain que la République a abandonné : l’imaginaire, la règle, le récit collectif. Il offre un contre-modèle cohérent, totalisant, à une jeunesse en rupture. Face à une société qui n’ose plus transmettre, qui doute d’elle-même, qui s’excuse en permanence, l’islam radical offre de la fierté, de la discipline, un sens. Il parle à ceux que la République a désertés. Et il le fait mieux qu’elle, parce qu’il croit à ce qu’il dit, quand nous ne croyons plus à rien.
Campagne islamiste contre la Fête de la musique – "C’est haram" dénoncent des influenceurs musulmans pic.twitter.com/NneiChFpWH
— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) June 21, 2025
La France est piégée par sa propre lâcheté. Elle a laissé s’installer des enclaves où sa loi ne s’applique plus, où son école est décriée, où son autorité est contestée, où ses valeurs sont rejetées. Ces territoires sont devenus des zones grises, des foyers de désordre culturel et politique, des contre-sociétés où la logique du droit a cédé la place à celle de l’appartenance.
Et quand elle tente timidement de rappeler ses principes, elle se fait traiter de raciste, de colonialiste, de réactionnaire. Ce chantage moral, orchestré par certaines élites universitaires et médiatiques, a figé l’action publique dans un immobilisme suicidaire.
Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais d’affirmer. Non, toutes les cultures ne se valent pas. Non, toutes les pratiques religieuses ne sont pas compatibles avec la démocratie. Oui, il faut poser des limites. Oui, il faut exiger l’adhésion aux principes républicains. Et s’il le faut, exclure ceux qui les rejettent frontalement. Il n’y a pas de liberté sans frontières, pas d’intégration sans exigence.
Restaurer ou sombrer
Ce n’est pas une simple affaire de volontarisme ou de slogans incantatoires. Il ne suffit pas de dire « il faut ». Ce qu’il faut, précisément, c’est sortir du registre moral pour revenir au politique, c’est-à-dire au conflit assumé entre des visions du monde. Il faut accepter que toute société repose sur une hiérarchie de valeurs, sur des choix de civilisation. La nôtre, si elle veut survivre, doit cesser de composer avec ce qui la nie.
Il ne s’agit pas d’en appeler à un réveil général, mais à une réforme structurelle de l’action publique. Réaffirmer l’autorité, cela suppose de réarmer les institutions, de garantir à l’école, à la police, à la justice, les moyens et la légitimité d’agir sans peur d’être désavouées. Cela suppose aussi de sortir de l’ambiguïté législative : interdire les discours de haine, certes, mais reconnaître que certains discours religieux, lorsqu’ils minent l’ordre public et la cohésion nationale, ne relèvent pas de la liberté de conscience, mais de la subversion.
Il faut également poser la question du rapport de force culturel. Ce que nous affrontons n’est pas seulement une crise sociale, mais une contestation de fond du projet démocratique par des logiques communautaires, parfois théocratiques, souvent violentes. La réponse ne peut être ni molle, ni purement morale. Elle doit être politique, stratégique, résolue.
Sans cela, la suite est connue : des quartiers toujours plus nombreux en rupture, des services publics en repli, une République réduite à la périphérie de son propre territoire. Une société qui ne se défend pas finit par se dissoudre. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement la sécurité, c’est la possibilité même de faire encore peuple.
La destruction d’Israël et l’hostilité à ses alliés est l’unique projet politique du régime iranien. Cette animosité a nourri un expansionnisme régional fondé sur des milices, des proxys et la quête du nucléaire. Mais depuis des années, cet empire politico-religieux révèle ses nombreuses failles.
La scène pourrait figurer dans un film de James Bond. Elle se déroule en 2007, en bordure du désert iranien du Dasht-e Kavir, dans l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz. Ce jour-là, tout semble normal à l’intérieur de ce haut lieu du programme nucléaire de la République islamique. Dans les salles de contrôle aseptisées, les indicateurs sont au vert. Les centrifugeuses, ces immenses cylindres métalliques allongés qui permettent d’augmenter la proportion d’isotopes fissile dans l’uranium, paraissent parfaitement fonctionner. Température, pression, vitesse de rotation : rien à signaler.
Et pourtant. Alignées comme des soldats d’acier, plusieurs machines se mettent à vibrer, à se déformer, à se briser en cascade. Une panne majeure et brutale est en train de se produire. Mais curieusement, les écrans ne signalent aucune anomalie… Lot défectueux ? Erreur d’assemblage ? Sabotage mécanique ? Le personnel ne comprend pas ce qui se passe.
C’est seulement trois ans plus tard qu’on connaîtra enfin l’origine du problème. En 2010, une enquête du New York Times révèle que les services secrets israéliens et américains ont clandestinement inoculé un virus informatique dans le système Siemens qui supervise le fonctionnement des centrifugeuses de Natanz, introduisant des dérèglements microscopiques, des accélérations soudaines suivies de ralentissements brusques, trop brefs pour déclencher une alarme, mais suffisamment fréquents pour fragiliser l’acier. Grâce à ce piratage de haut vol, le projet nucléaire de la République islamique a subi un retard considérable. Sans un coup de feu.
12 jours de frappes humiliantes
Cette opération, appelée « Olympic Games », est le premier épisode connu de la guerre souterraine menée depuis vingt ans par les Israéliens et les Américains pour empêcher la République islamique d’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Le dernier, c’est la « guerre des douze jours ».
Dans la nuit 12 au 13 juin, le conflit vire à la confrontation intense et ouverte. Vers trois heures du matin, des membres éminents du haut commandement et du programme nucléaire militaire iraniens sont ciblés et éliminés avec une précision et un effet de surprise remarquables. Les systèmes de défense aérienne subissent le même sort. En quelques dizaines de minutes, les forces israéliennes remportent la bataille de la suprématie aérienne. Désormais, le ciel iranien est ouvert à l’aviation et le sol, aux forces spéciales israéliennes.
S’ensuivent douze jours de frappes ciblant le programme nucléaire, les capacités balistiques (missiles, lanceurs, dépôts, personnel, sites de fabrication), l’aviation, ainsi que certaines structures symboliques du régime, comme le siège de la télévision publique et la prison d’Evin. Des infrastructures stratégiques des Gardiens de la révolution, telles que des raffineries et dépôts de carburant, sont également visées. Les États-Unis apportent un soutien offensif ponctuel, notamment à travers les frappes spectaculaires contre les sites de Fordo et Natanz, jusqu’à ce que, le douzième jour, le président impose un cessez-le-feu aux deux camps.
La partie est loin d’être terminée. L’Iran est trop vaste, trop éloigné, pour être renversé en une seule opération. Et si le changement de régime hante les esprits, il ne figurait pas dans les ordres de mission des forces israéliennes. Comme au Liban, la stratégie d’Israël est de poser un revolver chargé sur la table des négociations, pas de la renverser.
À Téhéran, on sait désormais qu’Israël a les moyens et la volonté de transformer la route du nucléaire en un chemin de croix sans fin. Ces douze jours ont significativement endommagé des éléments stratégiques des programmes nucléaire et balistique : la capacité de transformer l’uranium solide en gaz et de fabriquer des centrifugeuses pour l’un, la production de carburants pour l’autre. Mais elles ont également infligé au régime la pire blessure imaginable pour ces fiers-à-bras enturbannés à la rhétorique soviétique : une humiliation urbi et orbi.
La doctrine d’Etat iranienne
On se demande pourquoi les Israéliens et les Américains font preuve d’une telle constance. Pour le comprendre, il faut revenir à 1979. L’année de la prise du pouvoir de l’ayatollah Khomeini. Dès le début, le nouveau régime se positionne comme une puissance islamique radicale. Contrairement aux empires perses qui l’ont précédé dans l’histoire, il affiche d’emblée une ambition inédite, un plan géostratégique structuré : exporter son modèle. Conséquence immédiate, il désigne Washington et Jérusalem comme deux capitales sataniques.
Les Américains et les Israéliens, alliés majeurs du shah au cours des décennies précédentes, deviennent ainsi le symbole et le moteur de la nouvelle radicalité iranienne, érigée en doctrine d’État, et dont la formule est aussi simple qu’efficace : « Mort à Israël [entendre : mort aux juifs], mort à l’Amérique [c’est-à-dire : mort à l’Occident, à la France, à la Grande-Bretagne…], l’islam est la solution ». Soit la synthèse entre la théorie des Frères musulmans et le chiisme khomeyniste. De Caracas à Johannesburg en passant par Kuala Lumpur, du campus de Columbia aux rues d’Amman et du Caire, beaucoup se reconnaissent dans cette haine et cette frustration claironnées par Téhéran.
De ce point de vue, les mollahs prennent aux yeux du monde le statut occupé par Gamal Abdel Nasser, président de l’Égypte entre 1954 et 1970, figure centrale du Mouvement des non-alignés et héros du nationalisme arabe « de l’Atlantique au Golfe ». L’islamisme des mollahs chiites peut ainsi être interprété comme une sorte de nassérisme religieux, où les références au progrès technique, au socialisme et à la laïcité sont remplacées par une vision théocratique et conservatrice du monde.
Chez Nasser comme chez les mollahs, l’antisionisme, cet antisémitisme à peine voilé, joue le rôle de ciment politique. Il sert à la fois d’explication universelle et d’alibi commode : tout est la faute des juifs et l’Occident n’est qu’une marionnette entre leurs mains. Dans les années 1980, ce discours puissant permet aux mollahs, pourtant ultra-conservateurs sur le plan des mœurs et de l’économie, de tisser des alliances apparemment paradoxales avec des segments des gauches occidentales et latino-américaines. On se souvient de l’attraction exercée par Khomeini sur des intellectuels français, comme Michel Foucault, rendus ivres par le mot « révolution » et enthousiasmés par la perspective de voir les États-Unis humiliés.
Cependant, même les slogans les plus mobilisateurs ne suffisent pas sur le champ de bataille. Or, les adversaires de la République islamique, qui sont des puissances technologiques avancées, organisées au sein de solides alliances politiques, économiques et militaires, disposent d’un avantage matériel écrasant.
Les dirigeants iraniens ont donc élaboré un système ingénieux qui leur permet d’obtenir de la puissance à moindre coût. Le premier et le plus emblématique outil de cet attirail du pauvre est le recours à des combattants de type kamikaze, utilisé dès les années 1980, généralement par les milices chiites libanaises liées à Téhéran. Ce sont des hommes jeunes, endoctrinés, préparés par des agents locaux et entièrement dévoués au chiisme révolutionnaire. Le jour venu, on leur ordonne de conduire un véhicule piégé jusqu’à une cible stratégique – un quartier général israélien, une caserne américaine, un immeuble de soldats français – et de se faire exploser. Ainsi, sans armes sophistiquées, ces militants fanatiques obtiennent un effet disproportionné, faisant vaciller à peu de frais les puissances occidentales.
Dans le laboratoire libanais les Iraniens affinent la doctrine : chiisme militant, haine de l’Occident et des juifs, et enracinement local profond. Des cellules s’y constituent, qui s’appuient sur des réseaux villageois, communautaires et familiaux, difficilement pénétrables. Dans ces nébuleuses, qui mêlent civil et militaire, religieux et paramilitaire, militantisme et gestion sociale, on est en même temps activiste et « fonctionnaire », tandis que des dépôts d’armes sont aussi des habitations privées. Ce tissu insaisissable est donc extrêmement résilient. Si Téhéran avait créé des institutions au sens occidental (claires, visibles, centralisées), elles auraient été bien plus vulnérables à l’action des services occidentaux.
Axe de la « Résistance »
Après la guerre Iran-Irak (1980–1988), le régime iranien élargit cette stratégie à l’échelle régionale, au-delà du Liban. Il s’allie avec la Syrie, dont le despote, jusqu’alors aligné sur Moscou, a perdu son parrain soviétique avec l’effondrement de l’URSS, et cherche un nouveau protecteur géopolitique. Téhéran soutient aussi le Hamas à partir de 1992, en utilisant le Liban comme base avancée et le Hezbollah comme mentor opérationnel. Puis viennent les milices chiites irakiennes à partir de 2004–2005, quand l’occupation américaine transforme la menace de 2003 en opportunité stratégique de saigner le « Grand Satan ».
Rassemblement anti-israélien au carrefour Felestin (place de la Palestine), à Téhéran, 8 octobre 2024. AP Photo/Vahid Salemi/SIPA
C’est ainsi qu’émerge un arc chiite, réseau d’influences et fauteur de crises, qui part de Téhéran, traverse l’Irak et la Syrie, et s’étend jusqu’au Liban et à la Méditerranée. Dans les années 2015-2020, les Iraniens se rapprochent des houthistes au Yémen, et contribuent à transformer cette milice locale en une force proto-étatique, structurée, dotée de missiles balistiques, de missiles de croisière et de drones capables de menacer le territoire saoudien et, au-delà, de perturber fortement le transport maritime à travers les détroits de Bab el-Mandeb, autrement dit de faire chanter le monde entier.
En parallèle, la République islamique lance son programme nucléaire militaire. Celui-ci a deux fonctions : à l’intérieur, il agit comme un facteur d’unité nationale, séduisant même certains patriotes laïques ; à l’extérieur, il représente un outil d’expansion et de domination régionales. L’arme atomique représente à la fois un surcroît de puissance et une assurance-survie pour le régime.
Seulement, ce programme militaire, « cœur du réacteur » politique et militaire iranien, ne peut se concrétiser que si les partenaires stratégiques, les « proxys », en assurent efficacement la protection, aux ordres du guide suprême, qui est formellement leur suzerain. Or ledit système de protection est moins efficace que prévu. Travailler avec des réseaux mafieux, en misant sur les liens personnels, mène inéluctablement à la corruption. On ne dirige pas Carrefour comme une épicerie de quartier. Des sommes d’argent circulent sans contrôle, des contrats sont passés sans procédures rigoureuses (et fastidieuses). Tout cela permet aux services adversaires de s’infiltrer, de faire chanter les corrompus, voire de devenir ni vu ni connu des sous-traitants, comme on l’a vu avec les fameux bippers…
Au niveau supérieur, c’est la même chose. Le suzerain de Téhéran ne peut pas plus compter sur ses vassaux que le roi de France, au début de la guerre de Cent Ans, sur le duc de Normandie, par ailleurs roi d’Angleterre… D’une façon générale dans l’histoire, la fidélité des vassaux (qui ne sont pas des laquais) est fluctuante et rare, et la trahison, la règle (quitte à se faire ensuite pardonner). L’Iran n’échappe pas à ce principe. Ainsi, en 2006, son fondé de pouvoir au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et premier de la classe crypto-iranienne, décide, sans consulter, de provoquer Israël. C’est le début de la deuxième guerre du Liban. À la maison mère, on feint de suivre, mais on grince des dents.
Yahya Sinwar : décision fatale
Bref, dès 2006, il devient évident que les alliances iraniennes ne forment pas une sorte d’OTAN islamiste, mais plutôt une confédération de tribus gauloises où, même face à la menace romaine, chaque chef n’en fait qu’à sa tête. C’est ainsi que l’un de ces vassaux-chefs de tribu, Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas, prend en 2023 la décision fatale pour Téhéran (et pour tout l’arc chiite) : attaquer Israël sans l’autorisation du parrain iranien, ni se coordonner avec les autres vassaux libanais, yéménites ou irakiens.
Il faut en outre mentionner l’énorme travail d’infiltration des régimes et de leurs milices vassales mené par les services israéliens et occidentaux au Liban, en Syrie et en Iran, où l’écart croissant entre un discours creux et une réalité désastreuse (pauvreté, chômage, corruption) ouvre un boulevard aux services de renseignement occidentaux. Par haine, misère, frustration, appât du gain ou soif de liberté, nombre d’Iraniens semblent prêts à risquer leur vie pour saboter, voire faire tomber le régime.
En apparence, Israël avait accepté l’équilibre de la dissuasion imposé par les mollahs. En réalité, tout, depuis les communications des bippers jusqu’aux installations de Fordo, était patiemment surveillé, ciblé, préparé. Le 7 octobre, Yahya Sinwar espère entraîner l’ensemble de l’« Axe de la résistance ». Son « succès » initial renforce la confiance à Beyrouth, Sanaa et Téhéran. Les mollahs et leurs vassaux tombent droit dans le piège. Aujourd’hui, leur bouclier est brisé, leur armure percée. Mais ils sont encore debout, aux commandes d’un État et d’une économie qui continuent de fonctionner. Leurs moyens sont diminués, pas leur volonté.
Nul ne peut dire aujourd’hui quand et comment finira cette guerre qui a déjà vingt ans. Mais les mollahs ont déjà réussi à propager partout dans le monde, en particulier sur les campus occidentaux, la haine des juifs et de l’Occident, qui est à la fois leur carburant et leur moteur. Et contre ce poison-là, les bombes ne peuvent rien.
Le bras de fer diplomatique se poursuit ! Condamné à cinq ans de prison, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal n’a pas bénéficié d’une grâce présidentielle à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Le régime préfère le maintenir dans l’ombre, loin des micros et des tribunes, et voici pourquoi.
Boualem Sansal n’a jamais versé une goutte de sang. Il n’a jamais levé la main sur personne. Pourtant, il est censuré, banni, effacé de l’espace public algérien. Pendant ce temps, les islamistes qui ont semé la terreur dans les années 1990 ont été amnistiés, réintégrés, parfois même promus. Ce paradoxe glaçant révèle la vérité d’un régime qui pardonne les armes mais redoute les idées. Car la plume libre, lorsqu’elle nomme les mensonges, devient un acte de rébellion. Et Sansal, lui, ne tremble pas.
Le paradoxe d’un régime : amnistier les tueurs, embastiller l’écrivain
Entre 1991 et 2002, l’Algérie a connu l’un des conflits civils les plus sanglants de son histoire moderne. Une guerre fratricide opposant un pouvoir militaire autoritaire à des groupes islamistes radicalisés, dont les plus violents, comme le GIA, ont massacré sans distinction : enfants, femmes, intellectuels, journalistes. Le tout sur fond de terreur religieuse et de haine anti-occidentale.
L’État algérien, incapable de se réformer ou de convaincre, a répondu par une répression aveugle, multipliant les disparitions forcées, les exécutions sommaires, les tortures. Le bilan humain se chiffre entre 150 000 et 250 000 morts. Plus de morts en 10 ans que le conflit israélo palestinien en 77 ans !
Et pourtant, à partir de 1999, le régime choisit d’offrir une amnistie quasi générale aux islamistes. En échange du silence et de l’allégeance, on leur pardonne. La concorde passe avant la justice. On efface les crimes pour préserver la paix sociale.
Mais dans ce même pays, Boualem Sansal, écrivain, laïc, francophone, ancien haut fonctionnaire, est effacé. Non pas pour avoir combattu le régime les armes à la main. Mais pour avoir combattu les mythes. Pour avoir pensé autrement. Pour avoir écrit.
Ce que Sansal dit — et que le régime ne supporte pas
Boualem Sansal ne brandit pas le Coran, ne crie pas « Allahou akbar », ne réclame pas la charia. Il brandit des livres, cite Nietzsche, relit Camus, et appelle à une Algérie rationnelle, post-religieuse, débarrassée de ses fantasmes héroïques.
Son crime ? Avoir osé écrire que l’Algérie ne s’est jamais guérie de ses démons.
Qu’elle vit sous le joug d’un régime double : un pouvoir autoritaire militaire maquillé en république populaire, et une religion d’État infiltrée dans chaque sphère sociale.
Sansal n’attaque pas l’Algérie. Il refuse simplement de l’aimer les yeux fermés.
Et cela, pour le FLN, c’est inacceptable.
FLN et islamistes : ennemis apparents, frères idéologiques
Ce que Sansal dévoile, c’est la collusion tacite entre le pouvoir en place et les islamistes.
Car malgré leurs oppositions sanglantes, ils partagent un socle profond :
• une haine structurelle de la France, transformée en pilier identitaire ;
• un rejet viscéral de la modernité occidentale, perçue comme corruptrice ;
• et une vision collective, sacralisée, de l’histoire, où l’individu n’a pas sa place.
Le FLN a bâti l’identité algérienne sur l’antagonisme fondamental avec la France, devenue l’ennemi ontologique. Les islamistes, eux, poursuivent ce rejet en l’élargissant à tout l’Occident, vu comme dépravé et impie.
Ils ne sont pas des ennemis naturels. Ils sont des concurrents sur un même terrain : celui du monopole de la vérité sacrée. L’un au nom de la révolution islamique, l’autre au nom de Dieu. Mais tous deux hostiles à l’esprit critique.
Ce que le régime redoute vraiment : un homme seul qui pense librement
En vérité, le régime n’a pas peur des armes. Il sait les gérer, les acheter, les retourner. Ce qu’il redoute, c’est une voix libre. Une voix qui ne pactise pas. Une voix comme celle de Boualem Sansal. Car il est seul, et il parle quand tous se taisent.
Il ne déchaîne pas la violence : il déchaîne la pensée. Il n’incarne pas l’opposition : il incarne la possibilité d’une autre Algérie. Une Algérie qui ne serait plus définie par son ressentiment, mais par sa lucidité. Une Algérie qui regarderait son passé sans filtre, ses élites sans complaisance, et ses dogmes sans peur.
Le vrai blasphème : dire la vérité
Sansal est un homme dangereux, oui. Mais dangereux pour l’oubli, pour les tabous, pour les équilibres mensongers.
Il n’a jamais versé de sang — et c’est précisément pour cela qu’il est irrécupérable. Car il ne demande pas à se faire pardonner. Il demande à comprendre. À dire. À nommer. Et dans un pays qui a accordé l’amnistie aux tueurs, c’est encore plus impardonnable.
Jean-Luc Mélenchon contre « les oligarques de la logistique » : une déconnexion totale avec les réalités économiques
L’économie mondialisée dépend de chaînes logistiques. Cela, l’Institut La Boétie semble au moins l’avoir compris. Dans une émission, le «think tank » de La France Insoumise a ainsi traité de cet enjeu durant deux heures1. Mais las, plutôt que de faire intervenir des professionnels du secteur ou des économistes, l’Institut La Boétie a exclusivement invité des sociologues ! Ainsi de David Gaborieau, sociologue spécialiste de la logistique, de Carlotta Benvegnu, elle aussi sociologue spécialiste de la logistique, ou encore de Lucas Tranchant, sociologue du travail spécialiste des entrepôts. Comme si ce secteur clé de l’économie, qu’elle soit libérale ou dirigée, ne devait être analysé qu’en surplomb ; vu de l’extérieur.
L’économie de la mer, oui, mais pas comme ça…
La thèse de l’institut La Boétie est d’ailleurs simple, schématisée dans la conclusion donnée par Jean-Luc Mélenchon : la logistique est tenue par des oligarques qui profitent de la « globalisation » et de « l’externalisation » et même l’alimentent sciemment afin de rentabiliser leurs investissements. En somme, La France Insoumise pense qu’abattre le secteur logistique peut permettre de « démondialiser » l’économie, de la sortir de la logique du marché et du libre-échange. De quoi faire pâlir d’envie Donald Trump et ses « tarifs douaniers », mais sans l’assumer totalement et avec un fond de marxisme primitif. Si le système économique est loin d’être parfait, encore faut-il savoir par quoi et comment le remplacer. À cette question, déjà posée par Hayek avec sa métaphore du crayon à papier, Jean-Luc Mélenchon ne répond pas.
Il déroule à la place une diatribe dont il a le secret : « La logique de réseaux, ça commence par le fait que l’on fabrique des marchandises à un endroit, et ensuite il faut les amener à un autre. Pas plus vite mais à temps. La régularité devient un enjeu des grands transporteurs. Nous les Français, nous en avons un. C’est monsieur Saadé. On a bien montré l’évolution de cette partie du capitalisme oligarchique sur les autres secteurs de la société. Les voilà maintenant qui achètent des médias. Comme on n’y fait pas d’argent, ils les achètent pour acquérir un pouvoir d’influence. Donc de la logistique à l’influence politique, le lien est direct par le secteur du capital. Tout dépend de la logistique. 90 % du commerce mondial se fait en passant par la mer. Puis passant dans les ports, les patrons et les oligarques de la logistique acquièrent les dépôts ».
Le lien logique entre transport et stockage est évident, mais il est « diabolique » pour Jean-Luc Mélenchon. Il semble que le leader insoumis découvre donc comment fonctionne les chaînes de valeur et sur quoi reposent tous les échanges transactionnels dans le monde : sur des mécaniques infrastructurelles. Le même Mélenchon vantait il y a quelques années « l’économie de la mer », regrettant même que la France néglige le secteur. Pour un pays comme le nôtre, qui a été largement désindustrialisé et qui ne peut malheureusement plus tout produire chez lui du fait des distorsions de concurrence induites par la mondialisation, mieux contrôler le transport et le stock des marchandises est un impératif de souveraineté.
La France ne sortira pas de la mondialisation
Nous n’avons pas édicté les règles du commerce mondial. Elles se sont mises en place naturellement. Tenter de les corriger de manière artificielle ne peut pas nous avantager. Tout au contraire devrions-nous parier sur notre ZEE, la deuxième au monde, et renforcer nos ports nationaux trop longtemps pris en otage par certains amis de Jean-Luc Mélenchon qui y ont vu un terrain de jeu. En cherchant à supprimer la taxe au tonnage, la gauche pourrait faire perdre en compétitivité nos ports. Ce régime dérogatoire spécifique au secteur est nécessaire et utile aux armateurs français pour qu’ils soient compétitifs vis-à-vis de leurs concurrents européens. Ce qui ne s’oppose en revanche pas à une contribution exceptionnelle de solidarité des très grandes entreprises pour faire face au poids de la dette qui plombe nos finances publiques. La marine marchande génère pour la France 23 000 emplois directs, 400 000 emplois indirects et près de 40 milliards d’euros de volumes d’échange. Le secteur de la logistique représente 10 % du PIB mondial.
Relancer la croissance française ne passe pas par se sortir du jeu mondialisé, mais suppose de s’y adapter au mieux en protégeant nos secteurs clés qui nous permettent d’y être compétitifs. Aujourd’hui, les principaux ports commerciaux se situent en Asie (Singapour, Shenzhen, Shangai, Ningbo), la France est loin derrière avec Marseille et Le Havre qui sont modestes comparativement. Pourtant, l’avenir de la logistique se joue dans le transport maritime n’en déplaise à l’institut La Boétie. Comme l’affirme Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique : « Les « Compagnies des Indes » de notre siècle revêtent des formes multiples, à l’image du kaléidoscope des activités et de la mobilité internationale des capitaux. Les grands armateurs mondiaux (MSC, Maersk, CMA CGM, COSCO) dominent le transport maritime, avec des navires, conteneurs, grues et autres équipements construits en Asie (20 % des marins de commerce sont de nationalité philippine). (…) Les géants du transport maritime tendent à devenir des « intégrateurs » en se diversifiant dans la manutention et la gestion d’entrepôts portuaires à travers le monde, mais aussi dans le terrestre — jusqu’à, pour certains, la distribution de « dernier kilomètre » —, voire l’aérien. »
Les Compagnies des Indes ont donné au XIXème siècle un avantage stratégique décisif à l’Empire britannique. Plutôt que de rêver à des Chimères, soyons réalistes et construisons nos compagnies de demain.
Wokisme, cancel culture, “du passé faisons table rase” : les intuitions de Maurice Druon
Il y a cinquante ans, un homme avait parfaitement saisi, avec une clairvoyance remarquable, la nature de ce qui deviendrait le « front républicain contre l’extrême-droite. » Cet homme, c’est Maurice Druon.
Nous sommes en 1972. Surtout célèbre pour le « Chant des Partisans » et les « Rois maudits », l’académicien a rédigé l’année précédente une tribune fameuse : « Une Église qui se trompe de siècle » (tribune à laquelle le pontificat de François a depuis donné raison, nous verrons si celui de Léon XIV redresse la barre). Polémique, débats, et Maurice Druon publie finalement un florilège des réponses, venues de quelques-uns de ceux qui l’approuvent mais surtout de ses contradicteurs, agrémenté d’une préface qui élargit la réflexion. En voici un passage :
« À constater l’ampleur de la crise – elle n’est pas seulement française et bien d’autres pays la subissent – qui sévit à la fois dans l’Université et dans l’Église, qui atteint et la langue maternelle et la religion maternelle, on ne peut pas ne pas se demander si l’on ne se trouve pas devant une vaste entreprise, concertée par certains, inconsciemment servie par l’aveuglement de certains autres, favorisée par l’insatisfaction de beaucoup, et qui aurait pour fin de couper les nouvelles générations des acquis ancestraux.
Les conditions d’une révolution n’étant pas réunies, et les chances semblant maigres, à ceux qui souhaitent une subversion radicale des sociétés, de se saisir du pouvoir soit par l’effet d’un conflit international, soit par le jeu des institutions en place, le seul moyen de transformer le monde consisterait alors à ne pas transmettre l’héritage culturel, en tout cas pas dans sa totalité. Ainsi, travaillant à échéance, formerait-on des générations qui ne pourraient plus penser l’homme, ni le monde, ni Dieu, selon les schémas ancestraux, et dès lors n’offriraient plus aucune résistance à basculer dans un nouveau type de société.
Pour inconscients qu’en soient la plupart de ceux qui y participent, cette conspiration du rejet n’en est pas moins perceptible et inquiétante. Elle pèse sur l’Université où les réformateurs préconisent de donner priorité à la langue parlée sur la langue écrite, donc au tâtonnant et au malléable sur le réfléchi et le durable ; où l’accent est mis sur la libération des facultés de l’enfant – de quoi faut-il donc le libérer avant qu’il ait été opprimé, sinon du patrimoine et des moyens d’en prendre possession ? où l’étude des langues anciennes est décrétée d’inutilité, et la part faite aux œuvres datant de plus d’un siècle constamment réduite, comme si tout cela ne devait plus constituer qu’une sorte de paléontologie de la pensée humaine.
Or l’Église, elle aussi, est enseignante par nature. Elle est héritière, dépositrice, d’un patrimoine culturel qui est antérieur même au message évangélique. Elle transmet une certaine conception du monde d’où découle une certaine morale. Et c’est à partir de cette morale que se fait le droit et que se font les lois. L’Église est donc l’autre pilier qu’il faut faire céder, l’autre racine maîtresse, et la plus ancienne et la plus profonde, qu’il faut, rite par rite, tradition par tradition, dogme par dogme, saper ou scier. Ainsi l’arbre pourra s’abattre à la première tornade, ou simplement se coucher, d’épuisement. Ainsi l’on pourra fabriquer un homme nouveau pour un monde nouveau. »
Toute la « cancel culture » est là, l’incapacité de certains à éprouver la moindre admiration, la moindre gratitude pour la civilisation qui les précède et les dépasse. Tout le nivellement par le bas de l’Éducation Nationale, toute la « fabrique du crétin » encore confirmée ces jours-ci par les consignes de correction du Baccalauréat – qui étant des consignes sont par définition réfléchies, délibérées. Mais aussi toute la déconstruction, tout le wokisme. Et encore toute l’idéologie qui a remplacé la République française par la République, tout court, et qui n’est pas loin de penser qu’avant 1789 n’existait au mieux qu’une chrysalide dont il convient de se défaire, au pire un âge des ténèbres et de l’ignorance, version laïque de la jâhilîya islamique. Il y a là, enfin, tout le « front républicain contre l’extrême-droite », cette union électorale qui va de Raphaël Arnault à Xavier Bertrand en passant par Rima Hassan, Assa Traoré, Marine Tondelier, la « gauche laïque et républicaine » et Gabriel Attal.
Ce « front républicain » est l’alliance de ceux qui veulent une tornade pour abattre l’arbre (LFI, EELV) et de ceux qui préfèrent l’épuiser jusqu’à ce qu’il se couche (le PS, la macronie). Tous ne veulent pas le même homme nouveau ni le même monde nouveau, « Nouvelle France créolisée » ou « Start up nation ». Mais tous veulent le « basculement dans un nouveau type de société » et par conséquent tous veulent, d’abord, des « générations qui ne peuvent plus penser l’homme, ni le monde, ni Dieu, selon les schémas ancestraux, et dès lors n’offrent plus aucune résistance. » Certains ne donnent même plus à leur appétit l’apparence factice de l’utopie, et ne rêvent que de « jouir sans entrave » en pillant les ruines de l’ancien monde, qui doit donc s’effondrer. D’autres se veulent nomenklatura au détriment de masses asservies : leur monde nouveau est un troupeau, leur homme nouveau un mouton à tondre. On sait les rentes générées par les innombrables « comités Théodule », les structures publiques délirantes, les subventions aux associations militantes, l’argent de nos impôts gaspillé, mais qui bien sûr n’est pas perdu pour tout le monde – et que « Nicolas qui paye » ne s’avise pas de relever la tête et de se rebiffer !
La priorité de tous les membres de cette alliance du « front républicain », ce qui les rassemble, c’est que d’une manière ou d’une autre l’arbre – cette colonne vertébrale collective, « acquis ancestral » qui a donné aux peuples occidentaux la capacité de se dresser contre les fanatiques (rappelons que Maurice Druon lui-même fut résistant, membre des Forces Françaises Libres, co-auteur du Chant des Partisans), contre les tyrans et contre les pillards – cet arbre doit tomber. D’où le désarmement juridique, politique, intellectuel et surtout moral des « gueux », d’où la « justice » trop souvent complaisante envers les racailles et implacable envers les gens ordinaires, d’où la censure, l’archipellisation, l’exaltation permanente des minorités vagissantes, et ainsi de suite.
D’où l’écologie, ou plus exactement l’éco-anxiété soigneusement inculquée dès l’enfance par l’école « républicaine », obsession en laquelle certains voient un ferment de tornade, et même les « conditions d’une révolution », tandis que d’autres se limitent (si l’on peut dire) à en faire le prétexte d’une politique toujours plus liberticide d’humiliation, de spoliation et de contrôle des classes moyennes (la séquence sur les ZFE et le DPE est révélatrice).
D’où aussi, exactement de la même manière, l’immigration massive : ferment de tornade espèrent les uns, et pour les autres prétexte au dumping social et surtout au multiculturalisme, qui dissout la décence commune dans un relativisme faussement qualifié de « tolérance » afin d’abolir notre art de vivre, de déconstruire la vergogne, le sens du devoir, l’honneur, toutes ces règles non-écrites qui fondent une société, et pour les remplacer par le seul droit positif et l’ingénierie sociale (Naturellement, l’islamisation porte son propre basculement, et si les « progressistes » pensent encore pouvoir l’instrumentaliser la réalité les rattrapera sans doute bientôt, Rima Hassan a clairement annoncé que « l’époque du porte-parolat est terminée », et même Jean-Luc Mélenchon en a récemment fait l’expérience sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, le retournement de veste assez spectaculaire d’Alain Minc est significatif – et montre surtout qu’à ses yeux le multiculturalisme a atteint son objectif : fracturer suffisamment la société et attiser suffisamment les tensions pour justifier maintenant la mise en place d’un système autoritaire de rééducation des masses. Un homme nouveau pour un monde nouveau.)
Pierre Valentin, lui aussi, évoque cette dynamique dans Comprendre la révolution woke : « On comprend donc, à force d’observer ces différentes situations concrètes, que la destruction de la norme se révèle plus importante pour le wokime que la défense de l’exception, voire que la seconde ne serait qu’un prétexte au service de la première. » L’analyse peut être étendue à tout le « progressisme » (le terme est désormais admis, je conserve cependant les guillemets puisque cette idéologie n’a rien d’un progrès), qui d’ailleurs le revendique dans ses slogans.
À gauche, « du passé faisons table-rase », il faut renverser l’ordre ancien, qualifié de « bourgeois », « patriarcal », « cis-hétéro-normé », « ethnocentré », « blanc », « capitaliste », « éco-irresponsable » – le terme importe peu, ce qu’il faut abattre c’est toujours la civilisation occidentale, et elle seule. On a parfois le sentiment que l’imposition du point médian en France serait plus fondamentale que l’interdiction des mariages forcés à l’étranger.
Au centre, on invoquera surtout « la raison contre tous les populismes », hypocrisie manifeste puisque sous couvert de renvoyer dos-à-dos « tous les extrêmes » l’alliance avec l’extrême-gauche est systématique au second tour. En clair, rejet de la démocratie (par la sacralisation du Conseil constitutionnel, du Conseil d’état, et du « gouvernement des juges » que l’on fait passer pour l’État de droit) et volonté de concentrer le pouvoir entre les mains d’une « élite raisonnable », autre nom de « l’avant-garde éclairée » d’hier, qui ne cherche pas à argumenter ni à convaincre, mais à « faire preuve de pédagogie » – car il lui faut mettre dans la tête de tous que si le peuple n’adhère pas, c’est qu’il ne comprend pas la « pensée complexe » du « cercle de la Raison » ou qu’il se laisse aller à ses « bas instincts », flatté par des « complotistes » : en aucun cas le « front républicain » ne peut tolérer l’idée qu’il y a des raisons légitimes de refuser le progressisme.
Cinquante ans après, est-il trop tard ? L’arbre est-il tombé ? Sans doute certaines de ses branches sont-elles définitivement mortes, et son tronc bien abimé, mais je crois ses racines encore vivaces, et sa sève n’a pas fini de le nourrir. Ibn Khaldoun annonçait, après l’effondrement des empires décadents, le règne des seigneurs de la guerre. Mais la barbarie n’est pas une fatalité, Auguste et Taizong étaient au sens khaldounien des seigneurs de la guerre, et aussi des hommes parmi les plus admirables de l’Histoire. « Il y a du Moyen-Âge dans l’air » écrivait Maurice Druon. Soit ! Nos enfants ne donc sont pas condamnés à choisir entre devenir pillards, tyrans ou esclaves. Ils peuvent être chevaliers.
Malgré leurs efforts, dans la capitale allemande, la mairie et la police sont de plus en plus régulièrement débordées par des manifestations communautaristes radicales mobilisant les foules grâce à la guerre à Gaza.
Le 5 juillet 2025, Berlin a été le théâtre d’un spectacle aussi sidérant qu’inquiétant. Près de 1 500 militants islamistes, réunis sous la bannière de l’organisation « Génération Islam », ont défilé dans les rues de la capitale allemande pour réclamer l’instauration d’un califat islamique !
Initialement interdit par la police, ce rassemblement, orchestré par le prédicateur et youtubeur Ahmad Tamin, a finalement été autorisé par une décision de dernière minute du Tribunal administratif supérieur de Berlin. Sous couvert d’une « campagne de protection pour Gaza », les manifestants ont brandi des drapeaux évoquant ceux des talibans et de l’État islamique, dans une mise en scène où l’antisémitisme et les appels à la violence se mêlaient à une rhétorique enflammée.
Cet épisode, loin d’être marginal, expose crûment les failles d’une démocratie allemande qui peine à répondre avec clarté à la poussée de l’islamisme radical.
Ahmad Tamin, apôtre du califat
Berlin a donc été samedi dernier le théâtre d’un spectacle aussi troublant que révélateur. Devant l’ambassade d’Égypte, Ahmad Tamin, figure de proue de « Génération Islam » et prédicateur charismatique, a déversé un discours incandescent. Sous prétexte de défendre les Palestiniens de Gaza, ce tribun de l’islamisme militant a franchi un cap, prônant une vision où la charia régnerait en maître et où un califat viendrait unifier les musulmans du monde entier.
Devant une foule galvanisée, Tamin a d’abord interpellé les autorités égyptiennes avec une injonction brutale : « Levez-vous pour vos frères à Gaza, ou Allah vous jugera ! » Puis, dans une escalade rhétorique, il a accusé de trahison ceux qui restent passifs face à la crise : « Où est votre honneur ? Où sont les hommes ? » Des propos sans ambiguïté : l’inaction est assimilée à une trahison, et seule une réponse active, guidée par la foi et la lutte, est jugée légitime.
Ce n’est pas la première fois que Tamin fait trembler Berlin. En 2024, sur Alexanderplatz, il avait déjà marqué les esprits en lançant, lors d’une prière publique en arabe : « Ô Allah, détruis les injustes, ceux qui soutiennent Israël et son génocide. Humilie-les devant le monde entier. » Des paroles qui, déjà, sentaient la poudre. Mais cette fois, le discours prend une ampleur nouvelle. Au-delà des imprécations, Tamin esquisse un projet politique : une « armée musulmane » pour fédérer la Oumma, non pas comme une simple communauté spirituelle, mais comme un bloc politique uni sous l’étendard d’un califat. Les pancartes brandies et les drapeaux frappés de la Chahada témoignaient sans équivoque d’un projet d’État islamique régi par la charia, dans lequel Israël n’aurait aucune légitimité.
Le plus sidérant ? Ce prêche enflammé, où les femmes voilées étaient reléguées à l’écart des hommes, a bien eu lieu malgré une tentative d’interdiction par la police berlinoise. Contre toute attente, la justice allemande a annulé la décision, provoquant une onde de stupeur. Barbara Slowik, cheffe de la police, n’a pas mâché ses mots : « En sept ans et demi à ce poste, je n’ai jamais été aussi déçue par une décision de justice. » Même indignation du côté du maire de Berlin, Kai Wegner (CDU), qui a dénoncé un verdict « aberrant », rappelant une évidence que certains semblent oublier : un califat et son idéologie « n’ont pas leur place en Allemagne ».
Malgré la présence d’environ 600 policiers, la manifestation a été le théâtre de slogans d’une violence glaçante. D’après Die Welt, des cris tels que « mort aux Juifs » et « mort à Tsahal » ont été entendus dans la foule, dans une atmosphère où l’antisémitisme le plus brut côtoyait les appels à cette fameuse unité islamique. Selon l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), le mouvement « Génération Islam » est proche de Hizb ut-Tahrir (HUT), une organisation islamiste interdite en Allemagne depuis 2003.
Berlin-Gaza : quand la rue allemande bat le pavé pour le Hamas
Depuis l’attaque barbare du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, l’Allemagne, et en particulier Berlin, est devenue le théâtre régulier de manifestations pro-palestiniennes où le militantisme dérape de plus en plus ouvertement vers la radicalisation. Chaque semaine ou presque, des cortèges défilent dans la capitale sous une iconographie bien rodée : drapeaux palestiniens en nombre, keffiehs soigneusement noués, banderoles en arabe, slogans rageurs – le tout dans une atmosphère où l’antisionisme vire très volontiers à l’antisémitisme pur et simple.
Le 21 juin 2025, ce climat a atteint un nouveau sommet. Sous l’étendard « United4Gaza », 15 000 manifestants ont envahi les rues de Berlin. La journée s’est soldée par des affrontements violents avec la police, une cinquantaine d’interpellations, et un fait particulièrement révélateur : la petite contre-manifestation pro-israélienne – une vingtaine de personnes seulement – a dû être évacuée pour des raisons de sécurité. Les forces de l’ordre, débordées, n’ont pas su garantir leur protection. Un aveu d’impuissance aussi saisissant qu’inquiétant, révélateur de la fragilité croissante du vivre-ensemble dans la capitale allemande.
Ce n’était pas une exception. Le 12 octobre 2024, à Hambourg, 2 300 militants islamistes s’étaient déjà rassemblés sous la bannière du groupe « Muslim Interaktiv », autre bras militant du mouvement radical Hizb ut-Tahrir (HUT). Ce jour-là, dans une mise en scène rigoureusement masculine, les manifestants ont lancé un appel explicite à l’instauration d’un califat islamique. Face à cette démonstration de force de l’islam politique, la réaction de la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, s’est voulue ferme sur le fond mais molle dans les faits : « Quiconque préfère vivre dans un califat, et donc à l’âge de pierre, s’oppose à tout ce que représente l’Allemagne. Nous défendons notre constitution – avec les moyens de notre constitution. » Une déclaration joliment tournée, mais dont l’effet reste, pour l’instant, strictement symbolique.
Liberté d’expression ou permis de haine ?
Quand la haine antisémite défile en toute impunité dans les rues allemandes, certains continuent de brandir la liberté d’expression comme un paravent commode. Günther Jikeli, expert reconnu de l’antisémitisme, ne s’y trompe pas : il décrit ces rassemblements pro-palestiniens comme une « mobilisation contre les Juifs », dissimulée derrière un alibi bien pratique.
Car lorsque, comme ce fut le cas le 2 février 2025, des manifestants appellent ouvertement au meurtre de Juifs ou à les livrer au Hamas, on ne parle plus d’opinion, mais d’incitation à la haine – une infraction pénale en bonne et due forme.
Ahmad Mansour, chercheur spécialisé dans l’extrémisme, met en garde contre l’inaction des autorités. Selon lui, laisser passer de tels rassemblements revient à normaliser des discours qui menacent gravement les valeurs fondamentales de la démocratie allemande. L’anthropologue Susanne Schröter va plus loin encore en pointant du doigt une gauche « woke » qui, au lieu de condamner fermement ces dérives, les soutient ou les instrumentalise. Cette mouvance, dit-elle, y voit un « potentiel révolutionnaire » pour renverser le système en place, tout en discréditant les critiques du totalitarisme islamique sous les accusations d’islamophobie ou de racisme anti-musulman.
Face à ces dérives, le maire de Berlin, Kai Wegner (CDU), a enfin haussé le ton. Il a évoqué la possibilité d’interdire certains de ces rassemblements et a réaffirmé son soutien à Israël et à la communauté juive. Se présentant comme un ami des deux, il a exprimé sa volonté de renforcer les liens entre Berlin et Tel-Aviv par un partenariat officiel. Un geste fort, qui fait écho à ses déclarations de l’an dernier, lorsqu’il dénonçait déjà les manifestations pro-palestiniennes comme des événements qui « souillent » la ville.
Mais au-delà des discours, une question demeure : jusqu’à quand la liberté d’expression servira-t-elle d’abri à ceux qui prêchent la haine ?
Elon Musk, Jeff Bezos et d’autres acteurs se livrent une bataille acharnée dans l’espace : les satellites sont devenus des armes stratégiques au cœur des conflits contemporains. Une enquête approfondie récemment publiée dresse un état des lieux des puissances en présence et des enjeux géopolitiques liés à cette nouvelle forme de guerre. La guerre des satellites, par Frediano Finucci, un ouvrage essentiel pour comprendre l’un des défis majeurs de notre époque.
Comprendre l’un des enjeux majeurs – l’espace comme futur terrain d’affrontements internationaux – du XXIe siècle : tel est l’objet, crucial pour l’avenir du monde, de l’excellent livre, intitulé La guerre des satellites, que vient de publier, aux Editions de l’Artilleur, le journaliste Frediano Finucci, rédacteur en chef de la chaîne de télévision italienne « La 7 ». Son sous-titre, non moins évocateur, ne laisse par ailleurs planer aucun doute à cet explicite sujet : « Au cœur de tous les conflits d’aujourd’hui », indique en effet cet ouvrage particulièrement bien documenté, et dont l’érudition, en la matière, n’a d’égale, par sa précision, que la clarté de son écriture (due aussi, en l’occurrence, à la très bonne traduction française de Marie d’Armagnac). Ainsi, centré tout d’abord, dans la première partie de ce livre, sur le récit, assez complet malgré sa concision, des principales étapes évolutives de ces incroyables inventions technologiques à l’œuvre au sein de ces satellites, Frediano Finucci montre ensuite, de main de maître là aussi, à quel point ces derniers sont incontestablement devenus, aujourd’hui, le centre névralgique, précisément, des grands enjeux, à divers niveaux, aussi bien militaires que commerciaux, géostratégiques ou écologiques, de notre temps.
A titre d’exemple : la guerre russo-ukrainienne
À titre d’exemple, pour conforter cette thèse, l’actuelle guerre, d’une tragique mais brûlante actualité, mettant aux prises, bien sûr, l’Ukraine et la Russie. Car, comme le démontre encore effectivement Frediano Finucci en s’appuyant là sur des informations extrêmement détaillées, parfois issues des services secrets les plus compétents, si l’armée russe n’a pas pu remporter de victoire éclair sur les troupes ukrainiennes, contrairement à ce qui était prévu au début de cette offensive, c’est parce que les Ukrainiens ont pu disposer, très efficacement, des renseignements, aussi fiables que précieux, que les Occidentaux, et les États-Unis en particulier, leur ont fourni grâce, précisément, à leurs systèmes satellitaires les plus récents, performants et avancés.
Une enquête érudite et passionnante, donc, que celle parcourant, de bout en bout, cet essai ! D’autant que son auteur, toujours à la pointe de l’information sur ce point capital, tant pour l’équilibre que pour la sécurité de notre planète même, y révèle également, last but not least, combien cette véritable entreprise industrielle que représente désormais la construction des satellites est en train, elle-même, de vivre une importante révolution, aussi originale qu’inédite dans l’histoire des inventions technologiques : la miniaturisation ; la géolocalisation ; la hausse fulgurante, grâce à la prodigieuse évolution des ordinateurs notamment, de la puissance de calculs logiques, mathématiques, physiques et astronomiques ; et puis, peut-être surtout, l’arrivée, soudaine quoique prévisible à l’aune de ces mêmes progrès informatiques, d’opérateurs privés, encore plus performants que la NASA elle-même, tels qu’Elon Musk ou Jeff Bezos, lesquels sont en train de faire basculer très concrètement, y compris par leur énorme manne financière, tout le secteur en une tout autre dimension.
Elon Musk : « Starlink » face à l’OTAN, le Pentagone et la NASA
Ainsi, par exemple, le système « Starlink », conçu par Elon Musk, est-il vital et à double usage, tant sur le plan civil que militaire, pour la défense de l’Ukraine face à l’agression de la Russie. Si le seul Musk arrêtait, par une décision toute personnelle, guidée par des intérêts purement financiers ou même politiques, voire idéologiques, son soutien à ce pays, Kiev, et le président Volodymyr Zelensky en personne, se retrouverait, tout comme l’OTAN elle-même par ailleurs, en grande difficulté, sinon en réel danger. C’est dire, comme le suggère encore Frediano Finucci dans ce livre aussi captivant que remarquable, si un Elon Musk ou un Jeff Bezos sont devenus aujourd’hui par leur très compétitif pouvoir techno-satellitaire, et non seulement par leurs onéreux voyages à l’intérieur de leurs fusées spatiales, une véritable force, annonciatrice, probablement même, de bien de futures rivalités politico-économico-militaires, au sein de l’appareil d’Etat américain, dont le Pentagone, lui-même !
Le combat des satellites dans la nouvelle guerre de l’espace
Bref : à lire de toute urgence, cette formidable et très innovante Guerre des satellites de Frediano Finuccci – ouvrage pouvant se prévaloir également, et ce n’est pas là le moindre de ses autres mérites éditoriaux, d’une très instructive préface du général Philippe Adam, commandant de l’espace – pour comprendre, à partir d’informations inédites concernant les nouvelles capacités de combat de ces satellites, l’actuelle et future marche, pour le meilleur et pour le pire, de notre monde moderne et contemporain. Car, oui, c’est bien là l’une des formes à venir, et non pas seulement sur le plan technique, de l’humanité ! Mieux vaut donc, afin de mieux l’envisager, négocier, préparer et vivre, être doctement prévenus à cet insigne sujet…
Depuis qu’Israël et les États-Unis ont bombardé les installations militaires et nucléaires de l’Iran, le chœur des belles âmes joue le grand air de la «désescalade», avec en arrière-fond une petite musique trouillarde et capitularde – surtout n’énervons pas les mollahs. En présentant notre dossier «actualité», Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques rappellent que c’est grâce à Trump et Netanyahou que la République islamique est désormais plus faible et le monde, plus sûr. Pour Gil Mihaely, la stratégie du régime iranien, fondée sur la haine d’Israël et de ses alliés et qui s’exprime à travers la quête du nucléaire et le soutien à des milices et proxys, révèle aujourd’hui ses nombreuses failles. Stéphane Simon et Pierre Rehov, qui ont signé il y a trois mois un essai sur la guerre secrète que mène Israël depuis le 7-Octobre contre la « pieuvre » islamiste, racontent le dernier chapitre de cette histoire : l’opération « Rising Lion ». John Gizzi, correspondant de la chaîne d’info Newsmax à la Maison-Blanche, nous explique comment Donald Trump, en épaulant son allié et ami Bibi dans son opération pour paralyser les capacités nucléaires iraniennes, a renié son engagement de ne plus lancer l’Amérique dans des guerres. Pourtant, face au succès affiché, sa base MAGA le soutient avec enthousiasme. Julien Dray, ancien député socialiste de l’Essonne, se confie à Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques. Il compare Jean-Luc Mélenchon à ces trotskystes pacifistes qui, fin 1943, ont renvoyé dos à dos les impérialismes fasciste et américain, jusqu’à devenir collabos. Aujourd’hui, la haine des Insoumis pour les « sionistes » est telle qu’ils choisissent le camp de la République islamique.
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Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente les préconisations prodiguées par le gouvernement pendant la canicule, comme par exemple, « Restez au frais ». Si les bureaucrates pondent toutes ces lapalissades et directives idiotes, c’est surtout parce que, « s’ils ne le faisaient pas, il se trouverait des petits malins pour les traîner en justice pour les sanctionner ». Les Français se plaignent constamment des contraintes imposées par l’État, mais se tournent vers ce dernier pour la solution au moindre de leurs problèmes.
Nos chroniqueurs réguliers passent en revue les dernières actualités politiques et sociales. Pour Ivan Rioufol, l’insurrection est dans l’air et le chef de l’État ne fait rien pour protéger les enracinés d’une immigration démente. Olivier Dartigolles maintient que, bien que l’antisionisme soit devenu un antisémitisme, on doit pouvoir continuer à critiquer, si nécessaire, la politique du gouvernement israélien. Pour notre plus grand bonheur, Emmanuelle Ménard continue à nous raconter sa vie après l’Assemblée. Cette auguste institution s’écharpe sur la possibilité́ de marier ou non les clandestins sous OQTF… Bienvenue en absurdie ! Jean-Jacques Netter commente l’endettement public, le coût exorbitant de MaPrimeRénov, le système de subvention destiné à améliorer l’isolation des habitations, le nombre de sociétés de technologie françaises qui déposent le bilan, et le vrai coût de l’immigration… Enfin, Gilles-William Goldnadel accuse Le Monde, l’AFP et France Inter de plaider en faveur du Hamas.
L’été ne serait pas l’été sans le test de Céline Pina. Cette fois, c’est « Quel antisioniste êtes-vous ? » Yachting girl comme Rima, théoricien comme Jean-Luc, compromis comme Dominique, sadique comme Ali… ? Après avoir passé le test, vous saurez quel est votre profil d’antisioniste !
A la recherche de l’esprit français
Nous consacrons notre dossier d’été à une notion apparemment évanescente et fort éloignée, semble-t-il, des préoccupations immédiates de nos contemporains. Cette idée a été inspirée par notre ami Jean-Michel Delacomptée qui, en février, a publié une somme magistrale intitulée Grandeur de l’esprit français (Cherche Midi), en dix portraits, de Montaigne à Saint-Simon en passant par Racine, La Fontaine et Bossuet. Selon lui, « pour évaluer une société, il faut examiner le sort qu’elle réserve à l’esprit ». Nous avons donc voulu évaluer la nôtre, en interrogeant des auteurs et des artistes. Si ces derniers ont chacun leur propre conception de l’esprit, tous sont d’accord pour déplorer son lent effacement. Alors que, à notre époque, nous n’aimons plus guère les choses de l’esprit et tendons à exécrer tout ce qui est national, l’esprit français s’apparente à un chef-d’œuvre en péril, un de ces biens immatériels dont on découvre le besoin qu’on en avait au moment où ils disparaissent.
Élisabeth Lévy, Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou ont recueilli les points de vue de deux témoins de choix : Frédéric Beigbeder et Franck Ferrand. Pour le premier, chroniqueur littéraire au Figaro Magazine, président-fondateur du Prix de Flore, animateur des « Conversations chez Lapérouse » sur Radio Classique, écrivain à succès chez Grasset, l’esprit français existe pour de vrai.Pourtant, dépendant d’une culture à la fois littéraire et livresque, il est aujourd’hui menacé par la technologie. Ses meilleurs défenseurs sont ceux qui pourraient passer pour des attardés, à savoir les membres de l’Institut : « Les académiciens sont des résistants dans un monde de robots ». Pour l’historien Franck Ferrand, l’esprit français se niche autant dans les jardins de Le Nôtre que dans le Tour de France, dans le savoir-vivre des salons comme dans le savoir- faire des bâtisseurs de cathédrales. Sa palette est aussi variée que les paysages et les terroirs qui composent notre beau pays.
Selon Jean-Michel Delacomptée, l’esprit français se conjugue surtout au passé. La chute de la monarchie, le déclin du christianisme et la passion de l’égalité ont asséné des coups mortels à cette tradition. Mais il demeure des traces de ce vieil héritage dont les rayons se répandaient autrefois des palais aux chaumières. Son dernier livre constitue une somme remarquable, selon Frédéric Rouvillois qui nous livre les fruits de sa lecture de cette galerie de portraits qui célèbre la grandeur de l’esprit français dans une langue qui ne dépareille pas celle de ses modèles. Élisabeth Lévy salue la dernière publication de Rudy Ricciotti, Insoumission. Pour la survie de l’architecture. Défenseur du travail manuel, le génial architecte livre un coup de gueule contre la bureaucratie et les normes qui encadrent le BTP, au détriment de la création, des ouvriers et des artisans. Ce n’est donc pas un hasard si Ricciotti est l’architecte du musée du Grand Siècle. Jonathan Siksou a interviewé le professeur des universités Alexandre Gady, qui dirige la mission de préfiguration de ce musée. L’établissement actuellement en chantier exposera de remarquables œuvres d’art ainsi que divers objets du quotidien pour cerner une civilisation aujourd’hui méconnue : celle de la France du XVIIe siècle.
Michel Audiard a accordé en exclusivité une interview posthume à Causeur. Ses propos ont été presque recueillis par Stéphane Germain. Baisse du niveau général, politique économique et migratoire, diversité, cinéma… ce fleuron de l’esprit français n’élude aucune question. Et il balance ! Cyril Bennasar voit dans le pèlerinage de Chartres la preuve en marche que des Français peuvent traverser Paris respectueusement et sans razzias. Comme les vieux films, ces cathos très « France d’avant » peuvent rendre nostalgique, mais avec modération.
Parmi les autres contributeurs dont Causeur a sollicité le point de vue : Robert Ménard, Jérôme Prigent, Pierre-Henri Tavoillot, Georgia Ray, Pierre Berville, Michel Fau, Thomas Morales, Patrice Jean, Bruno Lafourcade, Emmanuel de Waresquiel, Peggy Sastre et Vincent Limouzin.
Besoin de résister à la bureaucratisation galopante de la nature et à l’anxiogène détresse environnementale ? Georgia Ray nous parle de la poésie des paysages, mise en valeur par quatre expositions qui, de Paris à Granville en passant par Vevey, portent notre regard vers des horizons de toute beauté. Et Emmanuel Domont nous emmène vers les plages à travers l’Anthologie de la littérature de plage de Jean-Christophe Napias, un florilège de haut-vol pimenté par des curiosités piochées dans la presse ancienne et des arrêtés municipaux d’un autre temps. C’est aussi le moment de redécouvrir l’œuvre du peintre Georges Mathieu que la Monnaie de Paris sort du purgatoire. Pour Arthur Pauly, cette rétrospective révèle un grand seigneur baroque cheminant en pionnier sur les terres de l’art contemporain. Les SS avaient-ils leur propre 007 ? À la tête des forces spéciales allemandes, Otto Skorzeny s’illustre par des opérations spectaculaires dans les airs comme dans les mers. Passé entre les gouttes de la dénazification, il aurait vendu après-guerre son expertise au Mossad. Julien San Frax a lu la biographie haletante que Benoît Rondeau lui a consacrée.Emmanuel Tresmontant met le cap sur l’île de Ré où Arthur Da Costa Adao et Louis Grizeau ont installé L’Écailler, leur restaurant du port de La Flotte. Ils y mettent un point d’honneur à ne servir que les meilleurs produits du terroir comme le thon rouge, le lieu jaune et le homard, avec de jolis vins accessibles à tous. Cet été, deux immenses cinéastes français disparus, Chabrol et Pagnol, vont illuminer les salles obscures. Mais Jean Chauvet nous assure qu’on ne peut pas en dire autant des nouveaux films… L’esprit français souffle où il veut et quand il veut. Rassurez-vous ! Il soufflera toujours pour les lecteurs de Causeur.
Depuis 2007, hommes et femmes gagnent autant en Grand Chelem, mais certains grincent des dents en se demandant si l’égalité des chèques rime vraiment avec équité sur le court.
Depuis 2007, les quatre tournois du grand chelem garantissent une même rémunération entre joueurs hommes et femmes. À travail égal, salaire égal, qui pourrait s’opposer à une telle mesure ? Toutefois, si on creuse un peu, on est en droit de s’interroger sur le caractère juste d’un tel égalitarisme. En effet, que ce soit en 2025 ou 2024, le vainqueur du tournoi – Carlos Alacaraz – a passé environ vingt heures sur le court, alors que les championnes de 2024 (Iga Swiatek) ou 2025 (Coco Gauff) n’ont tapé la balle que pendant dix et onze heures. Ce n’est pas que les joueuses soient plus expéditives, mais elles jouent leurs matchs en trois sets alors que les hommes disputent les leurs en cinq manches. Alcaraz et Coco Gauff ont d’ailleurs joué chacun une finale très disputée, mais quand l’une a bataillé deux heures et trente-huit minutes, l’autre a amorti, lifté, coupé, lobé pendant cinq heures trente. La quantité de « travail » fournie ne semble donc pas exactement la même. Résultat, à l’heure passée sur le court, les hommes sont payés presque deux fois moins, un détail qui n’en est pas un à 120 000 ou 240 000 euros de l’heure (Alcaraz et Gauff ont empoché chacun un pactole de 2 550 000 euros cette année).
L’égale rémunération entre hommes et femmes, au tennis, demeure une décision politique et comme toute discrimination positive, elle crée des injustices en prétendant les éradiquer.
Et ne parlons pas du spectacle offert par les hommes et les femmes du fait de leur niveau de jeu. On peut apprécier le tennis féminin sans se leurrer sur les niveaux respectifs des unes et des autres. Avant de hurler à l’ignominie, écoutons ensemble la révélation française du tournoi, Loïs Boisson. Interrogée sur France 2 à propos des joueuses qui l’avaient inspirée, la demi-finaliste a répondu avec beaucoup de sincérité : « Aucune. Je ne regardais que les hommes. » Consternation sur le plateau du service public. Rires gras chez les auteurs mal pensants de Causeur.
L’Alliance Sahra Wagenknecht transgresse les lignes rouges de la politique allemande en assumant des convergences ponctuelles avec l’extrême droite de l’AfD, au nom du pragmatisme démocratique mais aussi au nom d’une gauche antilibérale en rupture avec le progressisme « woke ».
En 1997, Patrick Besson signait un roman, Didier dénonce, dans lequel il moquait ceux qui voyaient des complots rouge-brun partout. Presque trente ans plus tard, c’est peut-être d’Allemagne que ce fantasme verra le jour. A la question d’une alliance possible avec l’AfD, Sahra Wagenknecht, leader du parti éponyme (Alliance Sahra Wagenknecht) issu d’une scission avec le parti d’extrême gauche Die Linke, a récemment répondu : « Si vous me demandez si je m’adresserais également à M. Tino Chrupalla [leader de l’AfD] s’il y avait une raison concrète à cela, comme ce fut le cas en Thuringe lors de la réunion des présidents des groupes parlementaires : oui, bien sûr ». Ajoutant : « Cela devrait être normal dans une démocratie ». Un appel du pied suffisant pour que les médias allemands détectent « la même pensée autoritaire » au sein des deux formations.
Quand craque le BraudenMauer…
L’alliance avec l’AFD ? Y penser souvent, n’en parler (presque) jamais. Dans ce pays, l’extrémisme de droite, quoiqu’en recul depuis Koursk et Stalingrad, n’amuse personne. Le cordon sanitaire, ici « BrandMauer », a longtemps défié toute résurgence des vaincus de 1945. La NPD (parti « national-démocrate »), aux fortes accointances néo-nazies, ou les Republikaners de l’ancien Waffen SS Franz Schönhuber n’ont jamais trouvé d’allié et n’étaient qu’exceptionnellement invités dans les médias. Aussi, ils n’ont connu de succès électoraux que temporaires, locaux et limités. Facile à maintenir quand l’extrême droite ne dépasse pas les 5%, le BraudMauer commence à céder lorsque l’AfD commence à rafler un quart ou un tiers dans certains Landers de l’ancienne Allemagne de l’Est. Problème : dans la BundesRepublik, comme à Weimar, on ne gouverne qu’en coalitions : le scrutin est strictement proportionnel, même à l’échelon local. Les partis de droite ont donc été tentés de croquer dans la pomme des alliances interdites pour gouverner à nouveau certains exécutifs.
Les premiers à craquer (ou croquer) furent les alliés libéraux d’Emmanuel Macron au Parlement européen. En février 2020, lors de l’élection du ministre-président (équivalent d’un président de région) de Thuringe, Thomas Kemmerich, membre du FDP, a été élu grâce aux voix de l’AfD, dirigé localement par Björn Höcke, face au candidat de gauche « Die Linke ». Levée de boucliers ! Sacrilège ! Tabou brisé ! « Acte impardonnable » s’étrangla la chancelière Angela Merkel. Devant la pression, le président libéral dût démissionner 48 h plus tard. Et les partis de bricoler un pacte de coalition pour maintenir un gouvernement du Land allant des démocrates-chrétiens… aux post-communistes. Depuis cet épisode, une partie de l’électorat FDP (parti désormais au fond du trou) a glissé vers l’AfD. La base libérale est souvent plus fiscale qu’humaniste, eurosceptique non par nostalgie de la grandeur nationale mais par refus des transferts budgétaires entre États. Le scandale de 2020 y a été vu comme une abdication morale de la droite modérée envers la gauche.
Friedrich Merz, alors chef de la CDU, sentant le vent de l’union des droites tourner, tenta un nouveau coup de sonde. Il déclare en juillet 2023 dans un média suisse que les élus de son parti pourraient, au niveau local, « travailler avec des maires ou des présidents de canton élus sous l’étiquette AfD », dès lors qu’ils sont démocratiquement désignés. Plusieurs résolutions communes avaient déjà été votées par l’apport des élus nationalistes aux démocrates chrétiens. Là encore : Horreur ! BrandenMauer fissuré ! « L’AfD est antidémocratique, d’extrême droite », avait sursauté Markus Soder, le chef de la CSU bavaroise – région qui pourrait avoir un passif historique à absoudre. Comme le président démissionnaire de Thuringe, M. Merz revint sur ses propos dès le lendemain. Les consciences de la CDU veillent. En janvier 2025, Angela, toujours elle, critiqua publiquement une motion anti-immigration votée par la CDU au Bundestag avec le soutien de l’AfD, dénonçant un alignement dangereux. Cinq ans après le scandale de Thuringe, ce sont donc les électeurs de la CDU qui entament leur migration vers l’AfD. Ce sont des retraités conservateurs, des classes moyennes rurales, des ex-électeurs CSU qui se tournent vers le parti de M. Höcke non par nostalgie hitlérienne, mais parce qu’ils ne se sentent plus représentés par une droite plus obsédée de digues morales que de digues fiscales, migratoires ou identitaires.
La gauche Rosa plutôt que la gauche Greta
Dans un pays qui a troqué Rosa Luxemburg pour Greta Thunberg, Sahra Wagenknecht est une relique hérétique. Trop brillante pour les chaines d’info (elle est docteure en philosophie et économie ; un titre qui compte en Allemagne), trop rouge pour la droite, trop nationale pour la gauche… Elle fut d’abord marxiste : née en Allemagne de l’Est, elle a même appartenu au SED, l’ancien parti communiste. Ça tombe bien, l’AfD et le BSW font leurs meilleurs scores sur le même fief électoral, celui de l’ancienne RDA. Son discours antilibéral est intégral et ne cède rien au progressisme. Elle a dénoncé l’obsession migratoire de la gauche comme un abandon des classes populaires qui commencent en Allemagne à être broyées par le libre-échange et les faillites d’usines. Elle a tenu la barre de Die Linke avant de faire scission avec ses ex-camarades intersectionnelles pour fonder le BSW – Bundins Sahra Wagenknecht : un parti refuge pour ceux qui ont voté SPD, puis Die Linke, puis plus rien… en attendant peut-être de voter AfD. Au Parlement européen, Michael von der Schulenburg, député BSW non-inscrit, vote déjà en faveur des amendements de l’AfD, notamment quand les deux formations sur retrouvent sur les mêmes thèmes eurosceptiques et le même tropisme russophile.
Le BSW serait donc une gauche conservatrice anti woke, en rupture avec le progressisme de Die Linke, qui a frôlé l’entrée au Bundestag aux dernières élections. Une Marine Le Pen de gauche ? Non : trop de Kant, trop de Marx, trop d’Adorno. Trop d’impératif catégorique, trop de lutte des classes, trop de traumatisme historique. Et pourtant…elle transgresse l’ultime tabou moral de l’après-guerre et pactiser avec le nationalisme. Sans doute un impératif politique : son parti ne voulait-il pas réconcilier la gauche avec le réel ?
Les enfants violents des cités qui se déchainent dans les rues le soir de la Fête de la musique : le symptôme d’un effondrement civilisationnel.
La Fête de la musique, censée être un moment de partage culturel et de liesse populaire, s’est muée cette année encore en une démonstration brutale d’un désordre profond. Dans plusieurs villes de France, les festivités ont été le théâtre de scènes inquiétantes : pillages de commerces, voitures incendiées, agressions au couteau, et même parfois agressions sexuelles. Plus grave encore, des femmes ont dénoncé sur les réseaux sociaux avoir été droguées à leur insu à l’aide de piqûres, phénomène aussi choquant qu’inquiétant.
La police ne sait plus où donner de la tête
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, la Fête de la musique 2025 a été marquée par plus de 730 interpellations, près de 60 policiers blessés, et une centaine d’agressions recensées sur l’ensemble du territoire, dont plusieurs à l’arme blanche. À Lille, Lyon, Bordeaux, Marseille ou encore Nanterre, les forces de l’ordre ont été débordées face à des groupes organisés, parfois très jeunes, multipliant les attaques coordonnées contre les commerces, les véhicules ou les passants. À Paris, la préfecture a confirmé l’ouverture de plusieurs enquêtes pour violences sexuelles en réunion, tandis que la multiplication des cas de piqûres suspectes, souvent en pleine foule, alimente la sidération.
Du côté du gouvernement, le ministre Gérald Darmanin a dénoncé « des actes barbares et lâches, qui n’ont rien à voir avec la fête », tout en appelant à « une réponse judiciaire ferme et rapide ». Mais dans l’opposition, les critiques fusent. Jordan Bardella (RN) y voit « l’expression d’une insécurité systémique que le pouvoir refuse d’admettre », tandis que Manuel Bompard (LFI) évoque « une stratégie de la tension exploitée politiquement, sans jamais s’attaquer aux causes sociales profondes ». Le président Emmanuel Macron, en déplacement en Bretagne, s’est dit « préoccupé par la multiplication des violences urbaines », affirmant que « la République ne reculera pas ».
Tissu social et jeunesse déchirés
Ces violences ne sont ni des faits divers isolés ni de simples dérapages liés à l’alcool ou à la foule. Elles traduisent une dégradation accélérée de notre tissu social. Elles révèlent une jeunesse hors de tout cadre, une culture de la violence banalisée, et une société qui perd ses repères. Plus qu’un problème de sécurité, nous faisons face à une crise de civilisation. Et les responsables sont multiples : familles déstructurées, État démissionnaire, école en faillite, communautarismes identitaires, et une République paralysée par sa propre lâcheté. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement l’ordre public, c’est l’avenir même de la nation.
Il est temps de cesser les circonvolutions. La violence des jeunes dans les cités n’est pas un accident. Ce n’est pas non plus un simple effet collatéral de la pauvreté. C’est le fruit amer d’un projet échoué de modernité démocratique, incapable de maintenir ses propres structures de transmission, de régulation, d’autorégénération. Cette violence est un cri, mais un cri dirigé contre le silence coupable d’une société qui ne sait plus ce qu’elle est, ni ce qu’elle veut.
Pendant trop longtemps, on a refusé de voir. On a même interdit de penser. Nommer les causes profondes de cette désintégration était suspect. Pointer la responsabilité de certains modèles familiaux ou culturels était un délit moral. Le politiquement correct a imposé sa chape de plomb : toute analyse un tant soit peu honnête était aussitôt assimilée à un discours de haine. Il est temps de briser ce mur d’autocensure.
Les jeunes violents des cités sont les enfants d’un vide. Vide de l’autorité paternelle, disparue sous les coups de boutoir de la délinquance, du consumérisme, de l’abandon social. Le père, lorsqu’il n’est pas physiquement absent, est souvent disqualifié dans son rôle : soit il est marginalisé, soit il incarne lui-même l’arbitraire ou la violence. L’adolescent sans repères se construit alors dans la rue, dans le gang, dans la loi du plus fort.
Vide d’une mère laissée seule, dépositaire d’une mission impossible, sans soutien, sans relais, parfois elle-même sous emprise culturelle ou religieuse. Elle tente de régner sur un foyer miné par l’anomie, souvent sous la domination d’un fils devenu chef de clan à la maison. Ce renversement des générations est une bombe à retardement sociale et psychologique.
Fausse tolérance
Vide d’un État devenu spectateur de sa propre impuissance, piétinant ses principes au nom d’une tolérance dévoyée. L’administration ferme les yeux, les politiques reculent, la justice tergiverse. L’ordre est devenu un mot tabou, la fermeté un acte de provocation.
Et l’École ? Elle aussi s’est effondrée. Jadis instrument d’émancipation, elle est devenue le théâtre de l’inversion des rôles : ce ne sont plus les élèves qui doivent s’adapter à l’institution, mais l’institution qui courbe l’échine devant les revendications identitaires, les communautarismes agressifs, les refus d’apprendre. L’autorité du professeur est constamment remise en question, la discipline remplacée par la peur du scandale. Les savoirs fondamentaux cèdent la place à une pédagogie de l’évitement.
N’ayons plus peur de nommer ce que tout le monde sait : une partie de cette jeunesse violente est irriguée par un islam de rupture. Pas la foi tranquille du croyant, mais l’islam de combat, politique, identitaire, conquérant. Celui qui enseigne la supériorité de la loi divine sur les lois humaines. Celui qui réduit la femme à l’ombre, l’étranger à l’ennemi, la France à une terre à réislamiser. Cet islam-là n’est pas une spiritualité : c’est une stratégie.
Il prospère sur le terrain que la République a abandonné : l’imaginaire, la règle, le récit collectif. Il offre un contre-modèle cohérent, totalisant, à une jeunesse en rupture. Face à une société qui n’ose plus transmettre, qui doute d’elle-même, qui s’excuse en permanence, l’islam radical offre de la fierté, de la discipline, un sens. Il parle à ceux que la République a désertés. Et il le fait mieux qu’elle, parce qu’il croit à ce qu’il dit, quand nous ne croyons plus à rien.
Campagne islamiste contre la Fête de la musique – "C’est haram" dénoncent des influenceurs musulmans pic.twitter.com/NneiChFpWH
— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) June 21, 2025
La France est piégée par sa propre lâcheté. Elle a laissé s’installer des enclaves où sa loi ne s’applique plus, où son école est décriée, où son autorité est contestée, où ses valeurs sont rejetées. Ces territoires sont devenus des zones grises, des foyers de désordre culturel et politique, des contre-sociétés où la logique du droit a cédé la place à celle de l’appartenance.
Et quand elle tente timidement de rappeler ses principes, elle se fait traiter de raciste, de colonialiste, de réactionnaire. Ce chantage moral, orchestré par certaines élites universitaires et médiatiques, a figé l’action publique dans un immobilisme suicidaire.
Il ne s’agit pas de stigmatiser, mais d’affirmer. Non, toutes les cultures ne se valent pas. Non, toutes les pratiques religieuses ne sont pas compatibles avec la démocratie. Oui, il faut poser des limites. Oui, il faut exiger l’adhésion aux principes républicains. Et s’il le faut, exclure ceux qui les rejettent frontalement. Il n’y a pas de liberté sans frontières, pas d’intégration sans exigence.
Restaurer ou sombrer
Ce n’est pas une simple affaire de volontarisme ou de slogans incantatoires. Il ne suffit pas de dire « il faut ». Ce qu’il faut, précisément, c’est sortir du registre moral pour revenir au politique, c’est-à-dire au conflit assumé entre des visions du monde. Il faut accepter que toute société repose sur une hiérarchie de valeurs, sur des choix de civilisation. La nôtre, si elle veut survivre, doit cesser de composer avec ce qui la nie.
Il ne s’agit pas d’en appeler à un réveil général, mais à une réforme structurelle de l’action publique. Réaffirmer l’autorité, cela suppose de réarmer les institutions, de garantir à l’école, à la police, à la justice, les moyens et la légitimité d’agir sans peur d’être désavouées. Cela suppose aussi de sortir de l’ambiguïté législative : interdire les discours de haine, certes, mais reconnaître que certains discours religieux, lorsqu’ils minent l’ordre public et la cohésion nationale, ne relèvent pas de la liberté de conscience, mais de la subversion.
Il faut également poser la question du rapport de force culturel. Ce que nous affrontons n’est pas seulement une crise sociale, mais une contestation de fond du projet démocratique par des logiques communautaires, parfois théocratiques, souvent violentes. La réponse ne peut être ni molle, ni purement morale. Elle doit être politique, stratégique, résolue.
Sans cela, la suite est connue : des quartiers toujours plus nombreux en rupture, des services publics en repli, une République réduite à la périphérie de son propre territoire. Une société qui ne se défend pas finit par se dissoudre. Ce qui se joue ici, ce n’est pas seulement la sécurité, c’est la possibilité même de faire encore peuple.
La destruction d’Israël et l’hostilité à ses alliés est l’unique projet politique du régime iranien. Cette animosité a nourri un expansionnisme régional fondé sur des milices, des proxys et la quête du nucléaire. Mais depuis des années, cet empire politico-religieux révèle ses nombreuses failles.
La scène pourrait figurer dans un film de James Bond. Elle se déroule en 2007, en bordure du désert iranien du Dasht-e Kavir, dans l’usine d’enrichissement d’uranium de Natanz. Ce jour-là, tout semble normal à l’intérieur de ce haut lieu du programme nucléaire de la République islamique. Dans les salles de contrôle aseptisées, les indicateurs sont au vert. Les centrifugeuses, ces immenses cylindres métalliques allongés qui permettent d’augmenter la proportion d’isotopes fissile dans l’uranium, paraissent parfaitement fonctionner. Température, pression, vitesse de rotation : rien à signaler.
Et pourtant. Alignées comme des soldats d’acier, plusieurs machines se mettent à vibrer, à se déformer, à se briser en cascade. Une panne majeure et brutale est en train de se produire. Mais curieusement, les écrans ne signalent aucune anomalie… Lot défectueux ? Erreur d’assemblage ? Sabotage mécanique ? Le personnel ne comprend pas ce qui se passe.
C’est seulement trois ans plus tard qu’on connaîtra enfin l’origine du problème. En 2010, une enquête du New York Times révèle que les services secrets israéliens et américains ont clandestinement inoculé un virus informatique dans le système Siemens qui supervise le fonctionnement des centrifugeuses de Natanz, introduisant des dérèglements microscopiques, des accélérations soudaines suivies de ralentissements brusques, trop brefs pour déclencher une alarme, mais suffisamment fréquents pour fragiliser l’acier. Grâce à ce piratage de haut vol, le projet nucléaire de la République islamique a subi un retard considérable. Sans un coup de feu.
12 jours de frappes humiliantes
Cette opération, appelée « Olympic Games », est le premier épisode connu de la guerre souterraine menée depuis vingt ans par les Israéliens et les Américains pour empêcher la République islamique d’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Le dernier, c’est la « guerre des douze jours ».
Dans la nuit 12 au 13 juin, le conflit vire à la confrontation intense et ouverte. Vers trois heures du matin, des membres éminents du haut commandement et du programme nucléaire militaire iraniens sont ciblés et éliminés avec une précision et un effet de surprise remarquables. Les systèmes de défense aérienne subissent le même sort. En quelques dizaines de minutes, les forces israéliennes remportent la bataille de la suprématie aérienne. Désormais, le ciel iranien est ouvert à l’aviation et le sol, aux forces spéciales israéliennes.
S’ensuivent douze jours de frappes ciblant le programme nucléaire, les capacités balistiques (missiles, lanceurs, dépôts, personnel, sites de fabrication), l’aviation, ainsi que certaines structures symboliques du régime, comme le siège de la télévision publique et la prison d’Evin. Des infrastructures stratégiques des Gardiens de la révolution, telles que des raffineries et dépôts de carburant, sont également visées. Les États-Unis apportent un soutien offensif ponctuel, notamment à travers les frappes spectaculaires contre les sites de Fordo et Natanz, jusqu’à ce que, le douzième jour, le président impose un cessez-le-feu aux deux camps.
La partie est loin d’être terminée. L’Iran est trop vaste, trop éloigné, pour être renversé en une seule opération. Et si le changement de régime hante les esprits, il ne figurait pas dans les ordres de mission des forces israéliennes. Comme au Liban, la stratégie d’Israël est de poser un revolver chargé sur la table des négociations, pas de la renverser.
À Téhéran, on sait désormais qu’Israël a les moyens et la volonté de transformer la route du nucléaire en un chemin de croix sans fin. Ces douze jours ont significativement endommagé des éléments stratégiques des programmes nucléaire et balistique : la capacité de transformer l’uranium solide en gaz et de fabriquer des centrifugeuses pour l’un, la production de carburants pour l’autre. Mais elles ont également infligé au régime la pire blessure imaginable pour ces fiers-à-bras enturbannés à la rhétorique soviétique : une humiliation urbi et orbi.
La doctrine d’Etat iranienne
On se demande pourquoi les Israéliens et les Américains font preuve d’une telle constance. Pour le comprendre, il faut revenir à 1979. L’année de la prise du pouvoir de l’ayatollah Khomeini. Dès le début, le nouveau régime se positionne comme une puissance islamique radicale. Contrairement aux empires perses qui l’ont précédé dans l’histoire, il affiche d’emblée une ambition inédite, un plan géostratégique structuré : exporter son modèle. Conséquence immédiate, il désigne Washington et Jérusalem comme deux capitales sataniques.
Les Américains et les Israéliens, alliés majeurs du shah au cours des décennies précédentes, deviennent ainsi le symbole et le moteur de la nouvelle radicalité iranienne, érigée en doctrine d’État, et dont la formule est aussi simple qu’efficace : « Mort à Israël [entendre : mort aux juifs], mort à l’Amérique [c’est-à-dire : mort à l’Occident, à la France, à la Grande-Bretagne…], l’islam est la solution ». Soit la synthèse entre la théorie des Frères musulmans et le chiisme khomeyniste. De Caracas à Johannesburg en passant par Kuala Lumpur, du campus de Columbia aux rues d’Amman et du Caire, beaucoup se reconnaissent dans cette haine et cette frustration claironnées par Téhéran.
De ce point de vue, les mollahs prennent aux yeux du monde le statut occupé par Gamal Abdel Nasser, président de l’Égypte entre 1954 et 1970, figure centrale du Mouvement des non-alignés et héros du nationalisme arabe « de l’Atlantique au Golfe ». L’islamisme des mollahs chiites peut ainsi être interprété comme une sorte de nassérisme religieux, où les références au progrès technique, au socialisme et à la laïcité sont remplacées par une vision théocratique et conservatrice du monde.
Chez Nasser comme chez les mollahs, l’antisionisme, cet antisémitisme à peine voilé, joue le rôle de ciment politique. Il sert à la fois d’explication universelle et d’alibi commode : tout est la faute des juifs et l’Occident n’est qu’une marionnette entre leurs mains. Dans les années 1980, ce discours puissant permet aux mollahs, pourtant ultra-conservateurs sur le plan des mœurs et de l’économie, de tisser des alliances apparemment paradoxales avec des segments des gauches occidentales et latino-américaines. On se souvient de l’attraction exercée par Khomeini sur des intellectuels français, comme Michel Foucault, rendus ivres par le mot « révolution » et enthousiasmés par la perspective de voir les États-Unis humiliés.
Cependant, même les slogans les plus mobilisateurs ne suffisent pas sur le champ de bataille. Or, les adversaires de la République islamique, qui sont des puissances technologiques avancées, organisées au sein de solides alliances politiques, économiques et militaires, disposent d’un avantage matériel écrasant.
Les dirigeants iraniens ont donc élaboré un système ingénieux qui leur permet d’obtenir de la puissance à moindre coût. Le premier et le plus emblématique outil de cet attirail du pauvre est le recours à des combattants de type kamikaze, utilisé dès les années 1980, généralement par les milices chiites libanaises liées à Téhéran. Ce sont des hommes jeunes, endoctrinés, préparés par des agents locaux et entièrement dévoués au chiisme révolutionnaire. Le jour venu, on leur ordonne de conduire un véhicule piégé jusqu’à une cible stratégique – un quartier général israélien, une caserne américaine, un immeuble de soldats français – et de se faire exploser. Ainsi, sans armes sophistiquées, ces militants fanatiques obtiennent un effet disproportionné, faisant vaciller à peu de frais les puissances occidentales.
Dans le laboratoire libanais les Iraniens affinent la doctrine : chiisme militant, haine de l’Occident et des juifs, et enracinement local profond. Des cellules s’y constituent, qui s’appuient sur des réseaux villageois, communautaires et familiaux, difficilement pénétrables. Dans ces nébuleuses, qui mêlent civil et militaire, religieux et paramilitaire, militantisme et gestion sociale, on est en même temps activiste et « fonctionnaire », tandis que des dépôts d’armes sont aussi des habitations privées. Ce tissu insaisissable est donc extrêmement résilient. Si Téhéran avait créé des institutions au sens occidental (claires, visibles, centralisées), elles auraient été bien plus vulnérables à l’action des services occidentaux.
Axe de la « Résistance »
Après la guerre Iran-Irak (1980–1988), le régime iranien élargit cette stratégie à l’échelle régionale, au-delà du Liban. Il s’allie avec la Syrie, dont le despote, jusqu’alors aligné sur Moscou, a perdu son parrain soviétique avec l’effondrement de l’URSS, et cherche un nouveau protecteur géopolitique. Téhéran soutient aussi le Hamas à partir de 1992, en utilisant le Liban comme base avancée et le Hezbollah comme mentor opérationnel. Puis viennent les milices chiites irakiennes à partir de 2004–2005, quand l’occupation américaine transforme la menace de 2003 en opportunité stratégique de saigner le « Grand Satan ».
Rassemblement anti-israélien au carrefour Felestin (place de la Palestine), à Téhéran, 8 octobre 2024. AP Photo/Vahid Salemi/SIPA
C’est ainsi qu’émerge un arc chiite, réseau d’influences et fauteur de crises, qui part de Téhéran, traverse l’Irak et la Syrie, et s’étend jusqu’au Liban et à la Méditerranée. Dans les années 2015-2020, les Iraniens se rapprochent des houthistes au Yémen, et contribuent à transformer cette milice locale en une force proto-étatique, structurée, dotée de missiles balistiques, de missiles de croisière et de drones capables de menacer le territoire saoudien et, au-delà, de perturber fortement le transport maritime à travers les détroits de Bab el-Mandeb, autrement dit de faire chanter le monde entier.
En parallèle, la République islamique lance son programme nucléaire militaire. Celui-ci a deux fonctions : à l’intérieur, il agit comme un facteur d’unité nationale, séduisant même certains patriotes laïques ; à l’extérieur, il représente un outil d’expansion et de domination régionales. L’arme atomique représente à la fois un surcroît de puissance et une assurance-survie pour le régime.
Seulement, ce programme militaire, « cœur du réacteur » politique et militaire iranien, ne peut se concrétiser que si les partenaires stratégiques, les « proxys », en assurent efficacement la protection, aux ordres du guide suprême, qui est formellement leur suzerain. Or ledit système de protection est moins efficace que prévu. Travailler avec des réseaux mafieux, en misant sur les liens personnels, mène inéluctablement à la corruption. On ne dirige pas Carrefour comme une épicerie de quartier. Des sommes d’argent circulent sans contrôle, des contrats sont passés sans procédures rigoureuses (et fastidieuses). Tout cela permet aux services adversaires de s’infiltrer, de faire chanter les corrompus, voire de devenir ni vu ni connu des sous-traitants, comme on l’a vu avec les fameux bippers…
Au niveau supérieur, c’est la même chose. Le suzerain de Téhéran ne peut pas plus compter sur ses vassaux que le roi de France, au début de la guerre de Cent Ans, sur le duc de Normandie, par ailleurs roi d’Angleterre… D’une façon générale dans l’histoire, la fidélité des vassaux (qui ne sont pas des laquais) est fluctuante et rare, et la trahison, la règle (quitte à se faire ensuite pardonner). L’Iran n’échappe pas à ce principe. Ainsi, en 2006, son fondé de pouvoir au Liban, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah et premier de la classe crypto-iranienne, décide, sans consulter, de provoquer Israël. C’est le début de la deuxième guerre du Liban. À la maison mère, on feint de suivre, mais on grince des dents.
Yahya Sinwar : décision fatale
Bref, dès 2006, il devient évident que les alliances iraniennes ne forment pas une sorte d’OTAN islamiste, mais plutôt une confédération de tribus gauloises où, même face à la menace romaine, chaque chef n’en fait qu’à sa tête. C’est ainsi que l’un de ces vassaux-chefs de tribu, Yahya Sinwar, dirigeant du Hamas, prend en 2023 la décision fatale pour Téhéran (et pour tout l’arc chiite) : attaquer Israël sans l’autorisation du parrain iranien, ni se coordonner avec les autres vassaux libanais, yéménites ou irakiens.
Il faut en outre mentionner l’énorme travail d’infiltration des régimes et de leurs milices vassales mené par les services israéliens et occidentaux au Liban, en Syrie et en Iran, où l’écart croissant entre un discours creux et une réalité désastreuse (pauvreté, chômage, corruption) ouvre un boulevard aux services de renseignement occidentaux. Par haine, misère, frustration, appât du gain ou soif de liberté, nombre d’Iraniens semblent prêts à risquer leur vie pour saboter, voire faire tomber le régime.
En apparence, Israël avait accepté l’équilibre de la dissuasion imposé par les mollahs. En réalité, tout, depuis les communications des bippers jusqu’aux installations de Fordo, était patiemment surveillé, ciblé, préparé. Le 7 octobre, Yahya Sinwar espère entraîner l’ensemble de l’« Axe de la résistance ». Son « succès » initial renforce la confiance à Beyrouth, Sanaa et Téhéran. Les mollahs et leurs vassaux tombent droit dans le piège. Aujourd’hui, leur bouclier est brisé, leur armure percée. Mais ils sont encore debout, aux commandes d’un État et d’une économie qui continuent de fonctionner. Leurs moyens sont diminués, pas leur volonté.
Nul ne peut dire aujourd’hui quand et comment finira cette guerre qui a déjà vingt ans. Mais les mollahs ont déjà réussi à propager partout dans le monde, en particulier sur les campus occidentaux, la haine des juifs et de l’Occident, qui est à la fois leur carburant et leur moteur. Et contre ce poison-là, les bombes ne peuvent rien.
Le bras de fer diplomatique se poursuit ! Condamné à cinq ans de prison, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal n’a pas bénéficié d’une grâce présidentielle à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Le régime préfère le maintenir dans l’ombre, loin des micros et des tribunes, et voici pourquoi.
Boualem Sansal n’a jamais versé une goutte de sang. Il n’a jamais levé la main sur personne. Pourtant, il est censuré, banni, effacé de l’espace public algérien. Pendant ce temps, les islamistes qui ont semé la terreur dans les années 1990 ont été amnistiés, réintégrés, parfois même promus. Ce paradoxe glaçant révèle la vérité d’un régime qui pardonne les armes mais redoute les idées. Car la plume libre, lorsqu’elle nomme les mensonges, devient un acte de rébellion. Et Sansal, lui, ne tremble pas.
Le paradoxe d’un régime : amnistier les tueurs, embastiller l’écrivain
Entre 1991 et 2002, l’Algérie a connu l’un des conflits civils les plus sanglants de son histoire moderne. Une guerre fratricide opposant un pouvoir militaire autoritaire à des groupes islamistes radicalisés, dont les plus violents, comme le GIA, ont massacré sans distinction : enfants, femmes, intellectuels, journalistes. Le tout sur fond de terreur religieuse et de haine anti-occidentale.
L’État algérien, incapable de se réformer ou de convaincre, a répondu par une répression aveugle, multipliant les disparitions forcées, les exécutions sommaires, les tortures. Le bilan humain se chiffre entre 150 000 et 250 000 morts. Plus de morts en 10 ans que le conflit israélo palestinien en 77 ans !
Et pourtant, à partir de 1999, le régime choisit d’offrir une amnistie quasi générale aux islamistes. En échange du silence et de l’allégeance, on leur pardonne. La concorde passe avant la justice. On efface les crimes pour préserver la paix sociale.
Mais dans ce même pays, Boualem Sansal, écrivain, laïc, francophone, ancien haut fonctionnaire, est effacé. Non pas pour avoir combattu le régime les armes à la main. Mais pour avoir combattu les mythes. Pour avoir pensé autrement. Pour avoir écrit.
Ce que Sansal dit — et que le régime ne supporte pas
Boualem Sansal ne brandit pas le Coran, ne crie pas « Allahou akbar », ne réclame pas la charia. Il brandit des livres, cite Nietzsche, relit Camus, et appelle à une Algérie rationnelle, post-religieuse, débarrassée de ses fantasmes héroïques.
Son crime ? Avoir osé écrire que l’Algérie ne s’est jamais guérie de ses démons.
Qu’elle vit sous le joug d’un régime double : un pouvoir autoritaire militaire maquillé en république populaire, et une religion d’État infiltrée dans chaque sphère sociale.
Sansal n’attaque pas l’Algérie. Il refuse simplement de l’aimer les yeux fermés.
Et cela, pour le FLN, c’est inacceptable.
FLN et islamistes : ennemis apparents, frères idéologiques
Ce que Sansal dévoile, c’est la collusion tacite entre le pouvoir en place et les islamistes.
Car malgré leurs oppositions sanglantes, ils partagent un socle profond :
• une haine structurelle de la France, transformée en pilier identitaire ;
• un rejet viscéral de la modernité occidentale, perçue comme corruptrice ;
• et une vision collective, sacralisée, de l’histoire, où l’individu n’a pas sa place.
Le FLN a bâti l’identité algérienne sur l’antagonisme fondamental avec la France, devenue l’ennemi ontologique. Les islamistes, eux, poursuivent ce rejet en l’élargissant à tout l’Occident, vu comme dépravé et impie.
Ils ne sont pas des ennemis naturels. Ils sont des concurrents sur un même terrain : celui du monopole de la vérité sacrée. L’un au nom de la révolution islamique, l’autre au nom de Dieu. Mais tous deux hostiles à l’esprit critique.
Ce que le régime redoute vraiment : un homme seul qui pense librement
En vérité, le régime n’a pas peur des armes. Il sait les gérer, les acheter, les retourner. Ce qu’il redoute, c’est une voix libre. Une voix qui ne pactise pas. Une voix comme celle de Boualem Sansal. Car il est seul, et il parle quand tous se taisent.
Il ne déchaîne pas la violence : il déchaîne la pensée. Il n’incarne pas l’opposition : il incarne la possibilité d’une autre Algérie. Une Algérie qui ne serait plus définie par son ressentiment, mais par sa lucidité. Une Algérie qui regarderait son passé sans filtre, ses élites sans complaisance, et ses dogmes sans peur.
Le vrai blasphème : dire la vérité
Sansal est un homme dangereux, oui. Mais dangereux pour l’oubli, pour les tabous, pour les équilibres mensongers.
Il n’a jamais versé de sang — et c’est précisément pour cela qu’il est irrécupérable. Car il ne demande pas à se faire pardonner. Il demande à comprendre. À dire. À nommer. Et dans un pays qui a accordé l’amnistie aux tueurs, c’est encore plus impardonnable.
Jean-Luc Mélenchon contre « les oligarques de la logistique » : une déconnexion totale avec les réalités économiques
L’économie mondialisée dépend de chaînes logistiques. Cela, l’Institut La Boétie semble au moins l’avoir compris. Dans une émission, le «think tank » de La France Insoumise a ainsi traité de cet enjeu durant deux heures1. Mais las, plutôt que de faire intervenir des professionnels du secteur ou des économistes, l’Institut La Boétie a exclusivement invité des sociologues ! Ainsi de David Gaborieau, sociologue spécialiste de la logistique, de Carlotta Benvegnu, elle aussi sociologue spécialiste de la logistique, ou encore de Lucas Tranchant, sociologue du travail spécialiste des entrepôts. Comme si ce secteur clé de l’économie, qu’elle soit libérale ou dirigée, ne devait être analysé qu’en surplomb ; vu de l’extérieur.
L’économie de la mer, oui, mais pas comme ça…
La thèse de l’institut La Boétie est d’ailleurs simple, schématisée dans la conclusion donnée par Jean-Luc Mélenchon : la logistique est tenue par des oligarques qui profitent de la « globalisation » et de « l’externalisation » et même l’alimentent sciemment afin de rentabiliser leurs investissements. En somme, La France Insoumise pense qu’abattre le secteur logistique peut permettre de « démondialiser » l’économie, de la sortir de la logique du marché et du libre-échange. De quoi faire pâlir d’envie Donald Trump et ses « tarifs douaniers », mais sans l’assumer totalement et avec un fond de marxisme primitif. Si le système économique est loin d’être parfait, encore faut-il savoir par quoi et comment le remplacer. À cette question, déjà posée par Hayek avec sa métaphore du crayon à papier, Jean-Luc Mélenchon ne répond pas.
Il déroule à la place une diatribe dont il a le secret : « La logique de réseaux, ça commence par le fait que l’on fabrique des marchandises à un endroit, et ensuite il faut les amener à un autre. Pas plus vite mais à temps. La régularité devient un enjeu des grands transporteurs. Nous les Français, nous en avons un. C’est monsieur Saadé. On a bien montré l’évolution de cette partie du capitalisme oligarchique sur les autres secteurs de la société. Les voilà maintenant qui achètent des médias. Comme on n’y fait pas d’argent, ils les achètent pour acquérir un pouvoir d’influence. Donc de la logistique à l’influence politique, le lien est direct par le secteur du capital. Tout dépend de la logistique. 90 % du commerce mondial se fait en passant par la mer. Puis passant dans les ports, les patrons et les oligarques de la logistique acquièrent les dépôts ».
Le lien logique entre transport et stockage est évident, mais il est « diabolique » pour Jean-Luc Mélenchon. Il semble que le leader insoumis découvre donc comment fonctionne les chaînes de valeur et sur quoi reposent tous les échanges transactionnels dans le monde : sur des mécaniques infrastructurelles. Le même Mélenchon vantait il y a quelques années « l’économie de la mer », regrettant même que la France néglige le secteur. Pour un pays comme le nôtre, qui a été largement désindustrialisé et qui ne peut malheureusement plus tout produire chez lui du fait des distorsions de concurrence induites par la mondialisation, mieux contrôler le transport et le stock des marchandises est un impératif de souveraineté.
La France ne sortira pas de la mondialisation
Nous n’avons pas édicté les règles du commerce mondial. Elles se sont mises en place naturellement. Tenter de les corriger de manière artificielle ne peut pas nous avantager. Tout au contraire devrions-nous parier sur notre ZEE, la deuxième au monde, et renforcer nos ports nationaux trop longtemps pris en otage par certains amis de Jean-Luc Mélenchon qui y ont vu un terrain de jeu. En cherchant à supprimer la taxe au tonnage, la gauche pourrait faire perdre en compétitivité nos ports. Ce régime dérogatoire spécifique au secteur est nécessaire et utile aux armateurs français pour qu’ils soient compétitifs vis-à-vis de leurs concurrents européens. Ce qui ne s’oppose en revanche pas à une contribution exceptionnelle de solidarité des très grandes entreprises pour faire face au poids de la dette qui plombe nos finances publiques. La marine marchande génère pour la France 23 000 emplois directs, 400 000 emplois indirects et près de 40 milliards d’euros de volumes d’échange. Le secteur de la logistique représente 10 % du PIB mondial.
Relancer la croissance française ne passe pas par se sortir du jeu mondialisé, mais suppose de s’y adapter au mieux en protégeant nos secteurs clés qui nous permettent d’y être compétitifs. Aujourd’hui, les principaux ports commerciaux se situent en Asie (Singapour, Shenzhen, Shangai, Ningbo), la France est loin derrière avec Marseille et Le Havre qui sont modestes comparativement. Pourtant, l’avenir de la logistique se joue dans le transport maritime n’en déplaise à l’institut La Boétie. Comme l’affirme Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique : « Les « Compagnies des Indes » de notre siècle revêtent des formes multiples, à l’image du kaléidoscope des activités et de la mobilité internationale des capitaux. Les grands armateurs mondiaux (MSC, Maersk, CMA CGM, COSCO) dominent le transport maritime, avec des navires, conteneurs, grues et autres équipements construits en Asie (20 % des marins de commerce sont de nationalité philippine). (…) Les géants du transport maritime tendent à devenir des « intégrateurs » en se diversifiant dans la manutention et la gestion d’entrepôts portuaires à travers le monde, mais aussi dans le terrestre — jusqu’à, pour certains, la distribution de « dernier kilomètre » —, voire l’aérien. »
Les Compagnies des Indes ont donné au XIXème siècle un avantage stratégique décisif à l’Empire britannique. Plutôt que de rêver à des Chimères, soyons réalistes et construisons nos compagnies de demain.
Wokisme, cancel culture, “du passé faisons table rase” : les intuitions de Maurice Druon
Il y a cinquante ans, un homme avait parfaitement saisi, avec une clairvoyance remarquable, la nature de ce qui deviendrait le « front républicain contre l’extrême-droite. » Cet homme, c’est Maurice Druon.
Nous sommes en 1972. Surtout célèbre pour le « Chant des Partisans » et les « Rois maudits », l’académicien a rédigé l’année précédente une tribune fameuse : « Une Église qui se trompe de siècle » (tribune à laquelle le pontificat de François a depuis donné raison, nous verrons si celui de Léon XIV redresse la barre). Polémique, débats, et Maurice Druon publie finalement un florilège des réponses, venues de quelques-uns de ceux qui l’approuvent mais surtout de ses contradicteurs, agrémenté d’une préface qui élargit la réflexion. En voici un passage :
« À constater l’ampleur de la crise – elle n’est pas seulement française et bien d’autres pays la subissent – qui sévit à la fois dans l’Université et dans l’Église, qui atteint et la langue maternelle et la religion maternelle, on ne peut pas ne pas se demander si l’on ne se trouve pas devant une vaste entreprise, concertée par certains, inconsciemment servie par l’aveuglement de certains autres, favorisée par l’insatisfaction de beaucoup, et qui aurait pour fin de couper les nouvelles générations des acquis ancestraux.
Les conditions d’une révolution n’étant pas réunies, et les chances semblant maigres, à ceux qui souhaitent une subversion radicale des sociétés, de se saisir du pouvoir soit par l’effet d’un conflit international, soit par le jeu des institutions en place, le seul moyen de transformer le monde consisterait alors à ne pas transmettre l’héritage culturel, en tout cas pas dans sa totalité. Ainsi, travaillant à échéance, formerait-on des générations qui ne pourraient plus penser l’homme, ni le monde, ni Dieu, selon les schémas ancestraux, et dès lors n’offriraient plus aucune résistance à basculer dans un nouveau type de société.
Pour inconscients qu’en soient la plupart de ceux qui y participent, cette conspiration du rejet n’en est pas moins perceptible et inquiétante. Elle pèse sur l’Université où les réformateurs préconisent de donner priorité à la langue parlée sur la langue écrite, donc au tâtonnant et au malléable sur le réfléchi et le durable ; où l’accent est mis sur la libération des facultés de l’enfant – de quoi faut-il donc le libérer avant qu’il ait été opprimé, sinon du patrimoine et des moyens d’en prendre possession ? où l’étude des langues anciennes est décrétée d’inutilité, et la part faite aux œuvres datant de plus d’un siècle constamment réduite, comme si tout cela ne devait plus constituer qu’une sorte de paléontologie de la pensée humaine.
Or l’Église, elle aussi, est enseignante par nature. Elle est héritière, dépositrice, d’un patrimoine culturel qui est antérieur même au message évangélique. Elle transmet une certaine conception du monde d’où découle une certaine morale. Et c’est à partir de cette morale que se fait le droit et que se font les lois. L’Église est donc l’autre pilier qu’il faut faire céder, l’autre racine maîtresse, et la plus ancienne et la plus profonde, qu’il faut, rite par rite, tradition par tradition, dogme par dogme, saper ou scier. Ainsi l’arbre pourra s’abattre à la première tornade, ou simplement se coucher, d’épuisement. Ainsi l’on pourra fabriquer un homme nouveau pour un monde nouveau. »
Toute la « cancel culture » est là, l’incapacité de certains à éprouver la moindre admiration, la moindre gratitude pour la civilisation qui les précède et les dépasse. Tout le nivellement par le bas de l’Éducation Nationale, toute la « fabrique du crétin » encore confirmée ces jours-ci par les consignes de correction du Baccalauréat – qui étant des consignes sont par définition réfléchies, délibérées. Mais aussi toute la déconstruction, tout le wokisme. Et encore toute l’idéologie qui a remplacé la République française par la République, tout court, et qui n’est pas loin de penser qu’avant 1789 n’existait au mieux qu’une chrysalide dont il convient de se défaire, au pire un âge des ténèbres et de l’ignorance, version laïque de la jâhilîya islamique. Il y a là, enfin, tout le « front républicain contre l’extrême-droite », cette union électorale qui va de Raphaël Arnault à Xavier Bertrand en passant par Rima Hassan, Assa Traoré, Marine Tondelier, la « gauche laïque et républicaine » et Gabriel Attal.
Ce « front républicain » est l’alliance de ceux qui veulent une tornade pour abattre l’arbre (LFI, EELV) et de ceux qui préfèrent l’épuiser jusqu’à ce qu’il se couche (le PS, la macronie). Tous ne veulent pas le même homme nouveau ni le même monde nouveau, « Nouvelle France créolisée » ou « Start up nation ». Mais tous veulent le « basculement dans un nouveau type de société » et par conséquent tous veulent, d’abord, des « générations qui ne peuvent plus penser l’homme, ni le monde, ni Dieu, selon les schémas ancestraux, et dès lors n’offrent plus aucune résistance. » Certains ne donnent même plus à leur appétit l’apparence factice de l’utopie, et ne rêvent que de « jouir sans entrave » en pillant les ruines de l’ancien monde, qui doit donc s’effondrer. D’autres se veulent nomenklatura au détriment de masses asservies : leur monde nouveau est un troupeau, leur homme nouveau un mouton à tondre. On sait les rentes générées par les innombrables « comités Théodule », les structures publiques délirantes, les subventions aux associations militantes, l’argent de nos impôts gaspillé, mais qui bien sûr n’est pas perdu pour tout le monde – et que « Nicolas qui paye » ne s’avise pas de relever la tête et de se rebiffer !
La priorité de tous les membres de cette alliance du « front républicain », ce qui les rassemble, c’est que d’une manière ou d’une autre l’arbre – cette colonne vertébrale collective, « acquis ancestral » qui a donné aux peuples occidentaux la capacité de se dresser contre les fanatiques (rappelons que Maurice Druon lui-même fut résistant, membre des Forces Françaises Libres, co-auteur du Chant des Partisans), contre les tyrans et contre les pillards – cet arbre doit tomber. D’où le désarmement juridique, politique, intellectuel et surtout moral des « gueux », d’où la « justice » trop souvent complaisante envers les racailles et implacable envers les gens ordinaires, d’où la censure, l’archipellisation, l’exaltation permanente des minorités vagissantes, et ainsi de suite.
D’où l’écologie, ou plus exactement l’éco-anxiété soigneusement inculquée dès l’enfance par l’école « républicaine », obsession en laquelle certains voient un ferment de tornade, et même les « conditions d’une révolution », tandis que d’autres se limitent (si l’on peut dire) à en faire le prétexte d’une politique toujours plus liberticide d’humiliation, de spoliation et de contrôle des classes moyennes (la séquence sur les ZFE et le DPE est révélatrice).
D’où aussi, exactement de la même manière, l’immigration massive : ferment de tornade espèrent les uns, et pour les autres prétexte au dumping social et surtout au multiculturalisme, qui dissout la décence commune dans un relativisme faussement qualifié de « tolérance » afin d’abolir notre art de vivre, de déconstruire la vergogne, le sens du devoir, l’honneur, toutes ces règles non-écrites qui fondent une société, et pour les remplacer par le seul droit positif et l’ingénierie sociale (Naturellement, l’islamisation porte son propre basculement, et si les « progressistes » pensent encore pouvoir l’instrumentaliser la réalité les rattrapera sans doute bientôt, Rima Hassan a clairement annoncé que « l’époque du porte-parolat est terminée », et même Jean-Luc Mélenchon en a récemment fait l’expérience sur les réseaux sociaux. Dans ce cadre, le retournement de veste assez spectaculaire d’Alain Minc est significatif – et montre surtout qu’à ses yeux le multiculturalisme a atteint son objectif : fracturer suffisamment la société et attiser suffisamment les tensions pour justifier maintenant la mise en place d’un système autoritaire de rééducation des masses. Un homme nouveau pour un monde nouveau.)
Pierre Valentin, lui aussi, évoque cette dynamique dans Comprendre la révolution woke : « On comprend donc, à force d’observer ces différentes situations concrètes, que la destruction de la norme se révèle plus importante pour le wokime que la défense de l’exception, voire que la seconde ne serait qu’un prétexte au service de la première. » L’analyse peut être étendue à tout le « progressisme » (le terme est désormais admis, je conserve cependant les guillemets puisque cette idéologie n’a rien d’un progrès), qui d’ailleurs le revendique dans ses slogans.
À gauche, « du passé faisons table-rase », il faut renverser l’ordre ancien, qualifié de « bourgeois », « patriarcal », « cis-hétéro-normé », « ethnocentré », « blanc », « capitaliste », « éco-irresponsable » – le terme importe peu, ce qu’il faut abattre c’est toujours la civilisation occidentale, et elle seule. On a parfois le sentiment que l’imposition du point médian en France serait plus fondamentale que l’interdiction des mariages forcés à l’étranger.
Au centre, on invoquera surtout « la raison contre tous les populismes », hypocrisie manifeste puisque sous couvert de renvoyer dos-à-dos « tous les extrêmes » l’alliance avec l’extrême-gauche est systématique au second tour. En clair, rejet de la démocratie (par la sacralisation du Conseil constitutionnel, du Conseil d’état, et du « gouvernement des juges » que l’on fait passer pour l’État de droit) et volonté de concentrer le pouvoir entre les mains d’une « élite raisonnable », autre nom de « l’avant-garde éclairée » d’hier, qui ne cherche pas à argumenter ni à convaincre, mais à « faire preuve de pédagogie » – car il lui faut mettre dans la tête de tous que si le peuple n’adhère pas, c’est qu’il ne comprend pas la « pensée complexe » du « cercle de la Raison » ou qu’il se laisse aller à ses « bas instincts », flatté par des « complotistes » : en aucun cas le « front républicain » ne peut tolérer l’idée qu’il y a des raisons légitimes de refuser le progressisme.
Cinquante ans après, est-il trop tard ? L’arbre est-il tombé ? Sans doute certaines de ses branches sont-elles définitivement mortes, et son tronc bien abimé, mais je crois ses racines encore vivaces, et sa sève n’a pas fini de le nourrir. Ibn Khaldoun annonçait, après l’effondrement des empires décadents, le règne des seigneurs de la guerre. Mais la barbarie n’est pas une fatalité, Auguste et Taizong étaient au sens khaldounien des seigneurs de la guerre, et aussi des hommes parmi les plus admirables de l’Histoire. « Il y a du Moyen-Âge dans l’air » écrivait Maurice Druon. Soit ! Nos enfants ne donc sont pas condamnés à choisir entre devenir pillards, tyrans ou esclaves. Ils peuvent être chevaliers.
Malgré leurs efforts, dans la capitale allemande, la mairie et la police sont de plus en plus régulièrement débordées par des manifestations communautaristes radicales mobilisant les foules grâce à la guerre à Gaza.
Le 5 juillet 2025, Berlin a été le théâtre d’un spectacle aussi sidérant qu’inquiétant. Près de 1 500 militants islamistes, réunis sous la bannière de l’organisation « Génération Islam », ont défilé dans les rues de la capitale allemande pour réclamer l’instauration d’un califat islamique !
Initialement interdit par la police, ce rassemblement, orchestré par le prédicateur et youtubeur Ahmad Tamin, a finalement été autorisé par une décision de dernière minute du Tribunal administratif supérieur de Berlin. Sous couvert d’une « campagne de protection pour Gaza », les manifestants ont brandi des drapeaux évoquant ceux des talibans et de l’État islamique, dans une mise en scène où l’antisémitisme et les appels à la violence se mêlaient à une rhétorique enflammée.
Cet épisode, loin d’être marginal, expose crûment les failles d’une démocratie allemande qui peine à répondre avec clarté à la poussée de l’islamisme radical.
Ahmad Tamin, apôtre du califat
Berlin a donc été samedi dernier le théâtre d’un spectacle aussi troublant que révélateur. Devant l’ambassade d’Égypte, Ahmad Tamin, figure de proue de « Génération Islam » et prédicateur charismatique, a déversé un discours incandescent. Sous prétexte de défendre les Palestiniens de Gaza, ce tribun de l’islamisme militant a franchi un cap, prônant une vision où la charia régnerait en maître et où un califat viendrait unifier les musulmans du monde entier.
Devant une foule galvanisée, Tamin a d’abord interpellé les autorités égyptiennes avec une injonction brutale : « Levez-vous pour vos frères à Gaza, ou Allah vous jugera ! » Puis, dans une escalade rhétorique, il a accusé de trahison ceux qui restent passifs face à la crise : « Où est votre honneur ? Où sont les hommes ? » Des propos sans ambiguïté : l’inaction est assimilée à une trahison, et seule une réponse active, guidée par la foi et la lutte, est jugée légitime.
Ce n’est pas la première fois que Tamin fait trembler Berlin. En 2024, sur Alexanderplatz, il avait déjà marqué les esprits en lançant, lors d’une prière publique en arabe : « Ô Allah, détruis les injustes, ceux qui soutiennent Israël et son génocide. Humilie-les devant le monde entier. » Des paroles qui, déjà, sentaient la poudre. Mais cette fois, le discours prend une ampleur nouvelle. Au-delà des imprécations, Tamin esquisse un projet politique : une « armée musulmane » pour fédérer la Oumma, non pas comme une simple communauté spirituelle, mais comme un bloc politique uni sous l’étendard d’un califat. Les pancartes brandies et les drapeaux frappés de la Chahada témoignaient sans équivoque d’un projet d’État islamique régi par la charia, dans lequel Israël n’aurait aucune légitimité.
Le plus sidérant ? Ce prêche enflammé, où les femmes voilées étaient reléguées à l’écart des hommes, a bien eu lieu malgré une tentative d’interdiction par la police berlinoise. Contre toute attente, la justice allemande a annulé la décision, provoquant une onde de stupeur. Barbara Slowik, cheffe de la police, n’a pas mâché ses mots : « En sept ans et demi à ce poste, je n’ai jamais été aussi déçue par une décision de justice. » Même indignation du côté du maire de Berlin, Kai Wegner (CDU), qui a dénoncé un verdict « aberrant », rappelant une évidence que certains semblent oublier : un califat et son idéologie « n’ont pas leur place en Allemagne ».
Malgré la présence d’environ 600 policiers, la manifestation a été le théâtre de slogans d’une violence glaçante. D’après Die Welt, des cris tels que « mort aux Juifs » et « mort à Tsahal » ont été entendus dans la foule, dans une atmosphère où l’antisémitisme le plus brut côtoyait les appels à cette fameuse unité islamique. Selon l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV), le mouvement « Génération Islam » est proche de Hizb ut-Tahrir (HUT), une organisation islamiste interdite en Allemagne depuis 2003.
Berlin-Gaza : quand la rue allemande bat le pavé pour le Hamas
Depuis l’attaque barbare du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, l’Allemagne, et en particulier Berlin, est devenue le théâtre régulier de manifestations pro-palestiniennes où le militantisme dérape de plus en plus ouvertement vers la radicalisation. Chaque semaine ou presque, des cortèges défilent dans la capitale sous une iconographie bien rodée : drapeaux palestiniens en nombre, keffiehs soigneusement noués, banderoles en arabe, slogans rageurs – le tout dans une atmosphère où l’antisionisme vire très volontiers à l’antisémitisme pur et simple.
Le 21 juin 2025, ce climat a atteint un nouveau sommet. Sous l’étendard « United4Gaza », 15 000 manifestants ont envahi les rues de Berlin. La journée s’est soldée par des affrontements violents avec la police, une cinquantaine d’interpellations, et un fait particulièrement révélateur : la petite contre-manifestation pro-israélienne – une vingtaine de personnes seulement – a dû être évacuée pour des raisons de sécurité. Les forces de l’ordre, débordées, n’ont pas su garantir leur protection. Un aveu d’impuissance aussi saisissant qu’inquiétant, révélateur de la fragilité croissante du vivre-ensemble dans la capitale allemande.
Ce n’était pas une exception. Le 12 octobre 2024, à Hambourg, 2 300 militants islamistes s’étaient déjà rassemblés sous la bannière du groupe « Muslim Interaktiv », autre bras militant du mouvement radical Hizb ut-Tahrir (HUT). Ce jour-là, dans une mise en scène rigoureusement masculine, les manifestants ont lancé un appel explicite à l’instauration d’un califat islamique. Face à cette démonstration de force de l’islam politique, la réaction de la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, s’est voulue ferme sur le fond mais molle dans les faits : « Quiconque préfère vivre dans un califat, et donc à l’âge de pierre, s’oppose à tout ce que représente l’Allemagne. Nous défendons notre constitution – avec les moyens de notre constitution. » Une déclaration joliment tournée, mais dont l’effet reste, pour l’instant, strictement symbolique.
Liberté d’expression ou permis de haine ?
Quand la haine antisémite défile en toute impunité dans les rues allemandes, certains continuent de brandir la liberté d’expression comme un paravent commode. Günther Jikeli, expert reconnu de l’antisémitisme, ne s’y trompe pas : il décrit ces rassemblements pro-palestiniens comme une « mobilisation contre les Juifs », dissimulée derrière un alibi bien pratique.
Car lorsque, comme ce fut le cas le 2 février 2025, des manifestants appellent ouvertement au meurtre de Juifs ou à les livrer au Hamas, on ne parle plus d’opinion, mais d’incitation à la haine – une infraction pénale en bonne et due forme.
Ahmad Mansour, chercheur spécialisé dans l’extrémisme, met en garde contre l’inaction des autorités. Selon lui, laisser passer de tels rassemblements revient à normaliser des discours qui menacent gravement les valeurs fondamentales de la démocratie allemande. L’anthropologue Susanne Schröter va plus loin encore en pointant du doigt une gauche « woke » qui, au lieu de condamner fermement ces dérives, les soutient ou les instrumentalise. Cette mouvance, dit-elle, y voit un « potentiel révolutionnaire » pour renverser le système en place, tout en discréditant les critiques du totalitarisme islamique sous les accusations d’islamophobie ou de racisme anti-musulman.
Face à ces dérives, le maire de Berlin, Kai Wegner (CDU), a enfin haussé le ton. Il a évoqué la possibilité d’interdire certains de ces rassemblements et a réaffirmé son soutien à Israël et à la communauté juive. Se présentant comme un ami des deux, il a exprimé sa volonté de renforcer les liens entre Berlin et Tel-Aviv par un partenariat officiel. Un geste fort, qui fait écho à ses déclarations de l’an dernier, lorsqu’il dénonçait déjà les manifestations pro-palestiniennes comme des événements qui « souillent » la ville.
Mais au-delà des discours, une question demeure : jusqu’à quand la liberté d’expression servira-t-elle d’abri à ceux qui prêchent la haine ?
Elon Musk, Jeff Bezos et d’autres acteurs se livrent une bataille acharnée dans l’espace : les satellites sont devenus des armes stratégiques au cœur des conflits contemporains. Une enquête approfondie récemment publiée dresse un état des lieux des puissances en présence et des enjeux géopolitiques liés à cette nouvelle forme de guerre. La guerre des satellites, par Frediano Finucci, un ouvrage essentiel pour comprendre l’un des défis majeurs de notre époque.
Comprendre l’un des enjeux majeurs – l’espace comme futur terrain d’affrontements internationaux – du XXIe siècle : tel est l’objet, crucial pour l’avenir du monde, de l’excellent livre, intitulé La guerre des satellites, que vient de publier, aux Editions de l’Artilleur, le journaliste Frediano Finucci, rédacteur en chef de la chaîne de télévision italienne « La 7 ». Son sous-titre, non moins évocateur, ne laisse par ailleurs planer aucun doute à cet explicite sujet : « Au cœur de tous les conflits d’aujourd’hui », indique en effet cet ouvrage particulièrement bien documenté, et dont l’érudition, en la matière, n’a d’égale, par sa précision, que la clarté de son écriture (due aussi, en l’occurrence, à la très bonne traduction française de Marie d’Armagnac). Ainsi, centré tout d’abord, dans la première partie de ce livre, sur le récit, assez complet malgré sa concision, des principales étapes évolutives de ces incroyables inventions technologiques à l’œuvre au sein de ces satellites, Frediano Finucci montre ensuite, de main de maître là aussi, à quel point ces derniers sont incontestablement devenus, aujourd’hui, le centre névralgique, précisément, des grands enjeux, à divers niveaux, aussi bien militaires que commerciaux, géostratégiques ou écologiques, de notre temps.
A titre d’exemple : la guerre russo-ukrainienne
À titre d’exemple, pour conforter cette thèse, l’actuelle guerre, d’une tragique mais brûlante actualité, mettant aux prises, bien sûr, l’Ukraine et la Russie. Car, comme le démontre encore effectivement Frediano Finucci en s’appuyant là sur des informations extrêmement détaillées, parfois issues des services secrets les plus compétents, si l’armée russe n’a pas pu remporter de victoire éclair sur les troupes ukrainiennes, contrairement à ce qui était prévu au début de cette offensive, c’est parce que les Ukrainiens ont pu disposer, très efficacement, des renseignements, aussi fiables que précieux, que les Occidentaux, et les États-Unis en particulier, leur ont fourni grâce, précisément, à leurs systèmes satellitaires les plus récents, performants et avancés.
Une enquête érudite et passionnante, donc, que celle parcourant, de bout en bout, cet essai ! D’autant que son auteur, toujours à la pointe de l’information sur ce point capital, tant pour l’équilibre que pour la sécurité de notre planète même, y révèle également, last but not least, combien cette véritable entreprise industrielle que représente désormais la construction des satellites est en train, elle-même, de vivre une importante révolution, aussi originale qu’inédite dans l’histoire des inventions technologiques : la miniaturisation ; la géolocalisation ; la hausse fulgurante, grâce à la prodigieuse évolution des ordinateurs notamment, de la puissance de calculs logiques, mathématiques, physiques et astronomiques ; et puis, peut-être surtout, l’arrivée, soudaine quoique prévisible à l’aune de ces mêmes progrès informatiques, d’opérateurs privés, encore plus performants que la NASA elle-même, tels qu’Elon Musk ou Jeff Bezos, lesquels sont en train de faire basculer très concrètement, y compris par leur énorme manne financière, tout le secteur en une tout autre dimension.
Elon Musk : « Starlink » face à l’OTAN, le Pentagone et la NASA
Ainsi, par exemple, le système « Starlink », conçu par Elon Musk, est-il vital et à double usage, tant sur le plan civil que militaire, pour la défense de l’Ukraine face à l’agression de la Russie. Si le seul Musk arrêtait, par une décision toute personnelle, guidée par des intérêts purement financiers ou même politiques, voire idéologiques, son soutien à ce pays, Kiev, et le président Volodymyr Zelensky en personne, se retrouverait, tout comme l’OTAN elle-même par ailleurs, en grande difficulté, sinon en réel danger. C’est dire, comme le suggère encore Frediano Finucci dans ce livre aussi captivant que remarquable, si un Elon Musk ou un Jeff Bezos sont devenus aujourd’hui par leur très compétitif pouvoir techno-satellitaire, et non seulement par leurs onéreux voyages à l’intérieur de leurs fusées spatiales, une véritable force, annonciatrice, probablement même, de bien de futures rivalités politico-économico-militaires, au sein de l’appareil d’Etat américain, dont le Pentagone, lui-même !
Le combat des satellites dans la nouvelle guerre de l’espace
Bref : à lire de toute urgence, cette formidable et très innovante Guerre des satellites de Frediano Finuccci – ouvrage pouvant se prévaloir également, et ce n’est pas là le moindre de ses autres mérites éditoriaux, d’une très instructive préface du général Philippe Adam, commandant de l’espace – pour comprendre, à partir d’informations inédites concernant les nouvelles capacités de combat de ces satellites, l’actuelle et future marche, pour le meilleur et pour le pire, de notre monde moderne et contemporain. Car, oui, c’est bien là l’une des formes à venir, et non pas seulement sur le plan technique, de l’humanité ! Mieux vaut donc, afin de mieux l’envisager, négocier, préparer et vivre, être doctement prévenus à cet insigne sujet…
Depuis qu’Israël et les États-Unis ont bombardé les installations militaires et nucléaires de l’Iran, le chœur des belles âmes joue le grand air de la «désescalade», avec en arrière-fond une petite musique trouillarde et capitularde – surtout n’énervons pas les mollahs. En présentant notre dossier «actualité», Elisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques rappellent que c’est grâce à Trump et Netanyahou que la République islamique est désormais plus faible et le monde, plus sûr. Pour Gil Mihaely, la stratégie du régime iranien, fondée sur la haine d’Israël et de ses alliés et qui s’exprime à travers la quête du nucléaire et le soutien à des milices et proxys, révèle aujourd’hui ses nombreuses failles. Stéphane Simon et Pierre Rehov, qui ont signé il y a trois mois un essai sur la guerre secrète que mène Israël depuis le 7-Octobre contre la « pieuvre » islamiste, racontent le dernier chapitre de cette histoire : l’opération « Rising Lion ». John Gizzi, correspondant de la chaîne d’info Newsmax à la Maison-Blanche, nous explique comment Donald Trump, en épaulant son allié et ami Bibi dans son opération pour paralyser les capacités nucléaires iraniennes, a renié son engagement de ne plus lancer l’Amérique dans des guerres. Pourtant, face au succès affiché, sa base MAGA le soutient avec enthousiasme. Julien Dray, ancien député socialiste de l’Essonne, se confie à Élisabeth Lévy et Jean-Baptiste Roques. Il compare Jean-Luc Mélenchon à ces trotskystes pacifistes qui, fin 1943, ont renvoyé dos à dos les impérialismes fasciste et américain, jusqu’à devenir collabos. Aujourd’hui, la haine des Insoumis pour les « sionistes » est telle qu’ils choisissent le camp de la République islamique.
Notre numéro 136 est disponible aujourd’hui sur la boutique en ligne, et à partir de demain mercredi chez votre marchand de journaux.
Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente les préconisations prodiguées par le gouvernement pendant la canicule, comme par exemple, « Restez au frais ». Si les bureaucrates pondent toutes ces lapalissades et directives idiotes, c’est surtout parce que, « s’ils ne le faisaient pas, il se trouverait des petits malins pour les traîner en justice pour les sanctionner ». Les Français se plaignent constamment des contraintes imposées par l’État, mais se tournent vers ce dernier pour la solution au moindre de leurs problèmes.
Nos chroniqueurs réguliers passent en revue les dernières actualités politiques et sociales. Pour Ivan Rioufol, l’insurrection est dans l’air et le chef de l’État ne fait rien pour protéger les enracinés d’une immigration démente. Olivier Dartigolles maintient que, bien que l’antisionisme soit devenu un antisémitisme, on doit pouvoir continuer à critiquer, si nécessaire, la politique du gouvernement israélien. Pour notre plus grand bonheur, Emmanuelle Ménard continue à nous raconter sa vie après l’Assemblée. Cette auguste institution s’écharpe sur la possibilité́ de marier ou non les clandestins sous OQTF… Bienvenue en absurdie ! Jean-Jacques Netter commente l’endettement public, le coût exorbitant de MaPrimeRénov, le système de subvention destiné à améliorer l’isolation des habitations, le nombre de sociétés de technologie françaises qui déposent le bilan, et le vrai coût de l’immigration… Enfin, Gilles-William Goldnadel accuse Le Monde, l’AFP et France Inter de plaider en faveur du Hamas.
L’été ne serait pas l’été sans le test de Céline Pina. Cette fois, c’est « Quel antisioniste êtes-vous ? » Yachting girl comme Rima, théoricien comme Jean-Luc, compromis comme Dominique, sadique comme Ali… ? Après avoir passé le test, vous saurez quel est votre profil d’antisioniste !
A la recherche de l’esprit français
Nous consacrons notre dossier d’été à une notion apparemment évanescente et fort éloignée, semble-t-il, des préoccupations immédiates de nos contemporains. Cette idée a été inspirée par notre ami Jean-Michel Delacomptée qui, en février, a publié une somme magistrale intitulée Grandeur de l’esprit français (Cherche Midi), en dix portraits, de Montaigne à Saint-Simon en passant par Racine, La Fontaine et Bossuet. Selon lui, « pour évaluer une société, il faut examiner le sort qu’elle réserve à l’esprit ». Nous avons donc voulu évaluer la nôtre, en interrogeant des auteurs et des artistes. Si ces derniers ont chacun leur propre conception de l’esprit, tous sont d’accord pour déplorer son lent effacement. Alors que, à notre époque, nous n’aimons plus guère les choses de l’esprit et tendons à exécrer tout ce qui est national, l’esprit français s’apparente à un chef-d’œuvre en péril, un de ces biens immatériels dont on découvre le besoin qu’on en avait au moment où ils disparaissent.
Élisabeth Lévy, Jean-Baptiste Roques et Jonathan Siksou ont recueilli les points de vue de deux témoins de choix : Frédéric Beigbeder et Franck Ferrand. Pour le premier, chroniqueur littéraire au Figaro Magazine, président-fondateur du Prix de Flore, animateur des « Conversations chez Lapérouse » sur Radio Classique, écrivain à succès chez Grasset, l’esprit français existe pour de vrai.Pourtant, dépendant d’une culture à la fois littéraire et livresque, il est aujourd’hui menacé par la technologie. Ses meilleurs défenseurs sont ceux qui pourraient passer pour des attardés, à savoir les membres de l’Institut : « Les académiciens sont des résistants dans un monde de robots ». Pour l’historien Franck Ferrand, l’esprit français se niche autant dans les jardins de Le Nôtre que dans le Tour de France, dans le savoir-vivre des salons comme dans le savoir- faire des bâtisseurs de cathédrales. Sa palette est aussi variée que les paysages et les terroirs qui composent notre beau pays.
Selon Jean-Michel Delacomptée, l’esprit français se conjugue surtout au passé. La chute de la monarchie, le déclin du christianisme et la passion de l’égalité ont asséné des coups mortels à cette tradition. Mais il demeure des traces de ce vieil héritage dont les rayons se répandaient autrefois des palais aux chaumières. Son dernier livre constitue une somme remarquable, selon Frédéric Rouvillois qui nous livre les fruits de sa lecture de cette galerie de portraits qui célèbre la grandeur de l’esprit français dans une langue qui ne dépareille pas celle de ses modèles. Élisabeth Lévy salue la dernière publication de Rudy Ricciotti, Insoumission. Pour la survie de l’architecture. Défenseur du travail manuel, le génial architecte livre un coup de gueule contre la bureaucratie et les normes qui encadrent le BTP, au détriment de la création, des ouvriers et des artisans. Ce n’est donc pas un hasard si Ricciotti est l’architecte du musée du Grand Siècle. Jonathan Siksou a interviewé le professeur des universités Alexandre Gady, qui dirige la mission de préfiguration de ce musée. L’établissement actuellement en chantier exposera de remarquables œuvres d’art ainsi que divers objets du quotidien pour cerner une civilisation aujourd’hui méconnue : celle de la France du XVIIe siècle.
Michel Audiard a accordé en exclusivité une interview posthume à Causeur. Ses propos ont été presque recueillis par Stéphane Germain. Baisse du niveau général, politique économique et migratoire, diversité, cinéma… ce fleuron de l’esprit français n’élude aucune question. Et il balance ! Cyril Bennasar voit dans le pèlerinage de Chartres la preuve en marche que des Français peuvent traverser Paris respectueusement et sans razzias. Comme les vieux films, ces cathos très « France d’avant » peuvent rendre nostalgique, mais avec modération.
Parmi les autres contributeurs dont Causeur a sollicité le point de vue : Robert Ménard, Jérôme Prigent, Pierre-Henri Tavoillot, Georgia Ray, Pierre Berville, Michel Fau, Thomas Morales, Patrice Jean, Bruno Lafourcade, Emmanuel de Waresquiel, Peggy Sastre et Vincent Limouzin.
Besoin de résister à la bureaucratisation galopante de la nature et à l’anxiogène détresse environnementale ? Georgia Ray nous parle de la poésie des paysages, mise en valeur par quatre expositions qui, de Paris à Granville en passant par Vevey, portent notre regard vers des horizons de toute beauté. Et Emmanuel Domont nous emmène vers les plages à travers l’Anthologie de la littérature de plage de Jean-Christophe Napias, un florilège de haut-vol pimenté par des curiosités piochées dans la presse ancienne et des arrêtés municipaux d’un autre temps. C’est aussi le moment de redécouvrir l’œuvre du peintre Georges Mathieu que la Monnaie de Paris sort du purgatoire. Pour Arthur Pauly, cette rétrospective révèle un grand seigneur baroque cheminant en pionnier sur les terres de l’art contemporain. Les SS avaient-ils leur propre 007 ? À la tête des forces spéciales allemandes, Otto Skorzeny s’illustre par des opérations spectaculaires dans les airs comme dans les mers. Passé entre les gouttes de la dénazification, il aurait vendu après-guerre son expertise au Mossad. Julien San Frax a lu la biographie haletante que Benoît Rondeau lui a consacrée.Emmanuel Tresmontant met le cap sur l’île de Ré où Arthur Da Costa Adao et Louis Grizeau ont installé L’Écailler, leur restaurant du port de La Flotte. Ils y mettent un point d’honneur à ne servir que les meilleurs produits du terroir comme le thon rouge, le lieu jaune et le homard, avec de jolis vins accessibles à tous. Cet été, deux immenses cinéastes français disparus, Chabrol et Pagnol, vont illuminer les salles obscures. Mais Jean Chauvet nous assure qu’on ne peut pas en dire autant des nouveaux films… L’esprit français souffle où il veut et quand il veut. Rassurez-vous ! Il soufflera toujours pour les lecteurs de Causeur.
Depuis 2007, hommes et femmes gagnent autant en Grand Chelem, mais certains grincent des dents en se demandant si l’égalité des chèques rime vraiment avec équité sur le court.
Depuis 2007, les quatre tournois du grand chelem garantissent une même rémunération entre joueurs hommes et femmes. À travail égal, salaire égal, qui pourrait s’opposer à une telle mesure ? Toutefois, si on creuse un peu, on est en droit de s’interroger sur le caractère juste d’un tel égalitarisme. En effet, que ce soit en 2025 ou 2024, le vainqueur du tournoi – Carlos Alacaraz – a passé environ vingt heures sur le court, alors que les championnes de 2024 (Iga Swiatek) ou 2025 (Coco Gauff) n’ont tapé la balle que pendant dix et onze heures. Ce n’est pas que les joueuses soient plus expéditives, mais elles jouent leurs matchs en trois sets alors que les hommes disputent les leurs en cinq manches. Alcaraz et Coco Gauff ont d’ailleurs joué chacun une finale très disputée, mais quand l’une a bataillé deux heures et trente-huit minutes, l’autre a amorti, lifté, coupé, lobé pendant cinq heures trente. La quantité de « travail » fournie ne semble donc pas exactement la même. Résultat, à l’heure passée sur le court, les hommes sont payés presque deux fois moins, un détail qui n’en est pas un à 120 000 ou 240 000 euros de l’heure (Alcaraz et Gauff ont empoché chacun un pactole de 2 550 000 euros cette année).
L’égale rémunération entre hommes et femmes, au tennis, demeure une décision politique et comme toute discrimination positive, elle crée des injustices en prétendant les éradiquer.
Et ne parlons pas du spectacle offert par les hommes et les femmes du fait de leur niveau de jeu. On peut apprécier le tennis féminin sans se leurrer sur les niveaux respectifs des unes et des autres. Avant de hurler à l’ignominie, écoutons ensemble la révélation française du tournoi, Loïs Boisson. Interrogée sur France 2 à propos des joueuses qui l’avaient inspirée, la demi-finaliste a répondu avec beaucoup de sincérité : « Aucune. Je ne regardais que les hommes. » Consternation sur le plateau du service public. Rires gras chez les auteurs mal pensants de Causeur.