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Pourquoi Emmanuel Macron doit partir

L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée : la mobilisation des gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Et les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente.


Une chamaillerie, a expliqué Emmanuel Macron pour dédramatiser l’affront de son épouse repoussant brutalement, des deux mains, le visage interloqué du président. Mais cette intimité volée, filmée le 25 mai au Vietnam à la descente d’avion du couple, a été vue pour ce qu’elle montrait : un mari giflé. Or ce geste d’exaspération est venu rejoindre, chez les Français excédés, un semblable sentiment de rejet à l’encontre d’un chef de l’État à l’âme sèche. La colère a gagné les oubliés du système, confisqué par une caste hautaine et inopérante. Les dirigeants ont raison de s’inquiéter des irritations populaires. « Je suis en colère, comme beaucoup de Français », a déclaré Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, en réaction aux violences urbaines ayant salué, en mimant des intifadas, la victoire du PSG en Ligue des champions le 31 mai. Mais qu’attend-il pour fuir ce centrisme bavard et impuissant ? Macron immobilise la France.

Même Amélie de Montchalin, chargée des comptes publics, l’a admis (RTL,10 juin) en regard des finances publiques : « Oui, il y a un risque pour la France de mise sous tutelle du FMI. » Cette perte de contrôle de l’État se décline dans tous les domaines. À peine le président venait-il de déclarer, après les émeutes d’après-match : « Nous poursuivrons, nous punirons, nous serons implacables », les juges rendaient majoritairement des jugements modérés. Son procès contre ceux qui « préfèrent brainwasher [« laver le cerveau »] sur l’invasion du pays et les derniers faits divers » a envenimé la révolte des victimes des barbares, ces loups introduits par la société ouverte. Les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme, le climat ou les océans dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente.

L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée. La mobilisation des #Gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Grâce à son mouvement, l’écrivain a déjà incité les députés à abroger, le 28 mai, puis le 17 juin, les ZFE (zones à faibles émissions). Son combat contre la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui veut faire payer aux usagers les 300 milliards d’investissements dans des énergies renouvelables jugées inutiles, fédère les marins-pêcheurs et les agriculteurs. Le mot d’ordre « C’est Nicolas qui paie »est repris par les trentenaires assommés par le fisc. Les succès d’audience d’une personnalité rebelle comme Philippe de Villiers, qui crève l’écran sur CNews chaque vendredi dans son incarnation de l’esprit français, témoignent de l’épuisement du mondialiste déraciné. « Macron doit partir », a dit Villiers le 13 juin. D’autres le martèlent sur les réseaux sociaux. Le temps presse.

Le théâtre politique tourne à vide. « L’Assemblée s’agite comme une mouche dans un bocal » (député Harold Huwart). La machine législative produit des lois inutiles ou inapplicables. Le chef de l’État multiplie des amas de mots sans lendemain. Selon un sondage Cevipof (L’Opinion, 6 juin), 73 % des Français voudraient « un vrai chef ». Quand Israël a choisi, le 13 juin, d’attaquer les sites nucléaires des mollahs iraniens, Benyamin Netanyahou n’a pas prévenu Macron. Le président français, ombre tremblante, ne comprend pas qu’un peuple qui ne veut pas mourir puisse se défendre de ses ennemis. Donald Trump a dit vrai, le 17 juin, avant de lancer en appui d’Israël ses bombardiers B-2 sur Fordo, Natanz et Ispahan : « Emmanuel se trompe toujours. »

Dans les caves du Vatican…


La « Grande muette » a une concurrente : la cité léonine. Le Vatican, ce vase clos de quelque 44 hectares enclavé dans la Ville éternelle, est un peu ce que « la grande muette » est à l’Hexagone : une « petite muette » de 300 soldats du Christ, en somme – mâles pour l’essentiel. Ce contingent en soutane forme ce qu’il est convenu d’appeler la Curie romaine. « Cette administration, organisée par ministères, que l’on nomme ici des ‘’dicastères’’, est le nœud de la centralisation romaine de l’Eglise catholique, structure pyramidale s’il en est ». A cœur de ce microcosme affublé du sobriquet de « La Machine », Louis Besmond de Senneville a passé quatre ans de sa vie, comme envoyé spécial permanant pour le journal La Croix, dont il est devenu, à son retour en France, rédacteur en chef adjoint.

Vatican secret témoigne de ce long séjour ; le livre se lit avec gourmandise. Il n’a rien d’un dithyrambe sur l’institution, c’est le moins qu’on puisse dire, ni d’un panégyrique sur la papauté. De ce « village mondial » qui ignore superbement l’anglais comme langue diplomatique, mais où l’italien a remplacé le latin dans les échanges au quotidien, le journaliste décrit sans complaisance les us et coutumes.

Communication verrouillée

« Colosse aux pieds d’argile », la cité léonine administre 400 000 prêtres répartis sur cinq continents, près d’un milliard et demi de catholiques à la louche sur la planète, ce avec des effectifs sans commune mesure avec le Quai d’Orsay ou le Département d’Etat américain (sous la férule de la maire Hidalgo, La Mairie de Paris, par exemple, ne compte pas moins de 52 000 salariés !) : « La ‘’Terzia loggia’’, telle que l’on surnomme cette partie du Palais apostolique, abrite l’une des diplomaties les plus fascinantes et les mieux informées du monde : la diplomatie pontificale. Le plus petit Etat du monde entretient des relations diplomatiques avec 188 Etats ».  Au Vatican, le souverain pontife est roi absolu dans sa demeure, le conclave ne l’ayant élu, comme chacun sait, que sous l’inspiration de l’Esprit Saint : dès lors sa parole est infaillible. « Dans la Curie romaine, chaque responsable est le maillon d’une chaîne qui […] mène au pape. Ainsi, s’exposer, c’est directement menacer le souverain. Le monarque est donc protégé par plusieurs cercles concentriques ». 

De là que le palais est le lieu du secret, de la rumeur, du non-dit…  Jamais l’on ne reçoit dans un bureau une personnalité extérieure, mais toujours dehors, « dans un restaurant ou un café, à une distance calculée du Vatican », autant que possible à l’abri des regards indiscrets, et bien sûr… :  « l’entretien n’a jamais eu lieu  […] Nous nierons vous avoir reçu » en est la conclusion habituelle.  Car « l’évitement de rendez-vous avec les journalistes est un sport national ». Et si par miracle l’intrus parvient à pénétrer dans le saint des saints c’est en abandonnant d’abord son portable à un panier d’osier semblable à ceux qui, à la messe, servent pour la quête. « Ordre du pape », vous intime l’huissier. Reste que « ce verrouillage de la communication produit en réalité un effet inverse à celui recherché ». Ainsi « le Vatican est sans doute la grande muette la plus bavarde qu’on puisse imaginer », observe Besmond de Senneville.

Au Vatican, « le recrutement relève d’un savant mélange de cooptation et de compétences », nous apprend-il également. Ce qui explique en partie que dans cette minuscule organisation, rivalités feutrées, haines sourdes, froides vengeances longuement ourdies se disputent le terrain : « entre la Curie et le pape, la défiance est quotidienne ». D’autant que « le pape argentin, lui, a complètement changé de modèle », par rapport à son prédécesseur Benoît XVI, « pape émérite » reclus depuis des années au monastère Mater Ecclesiae, dans l’enceinte vaticane, et qui ne s’éteindra que le 31 décembre 2022, âgé de 95 ans. Et l’auteur de décrire « le grand rêve chinois du pape François », lequel, obsédé par ce qu’il appelle « les périphéries du monde », boude ostensiblement la Vieille Europe (à part la Corse), aime à voyager loin de l’Occident, et se met à dos les franches les plus conservatrices du Saint-Siège par ses positions radicalement opposées à celles de Benoît XVI sur bien des registres (entre autres la place des femmes dans l’institution).

L’ouvrage détaille avec malice les conditions de voyage de la suite du pape dans un de ces appareils commerciaux privatisés (car il n’y a pas de Falcone papal) pour ces échappées dans les pays à priori improbables, à première vue, « comme le Soudan du Sud, le Kazakhstan ou la Mongolie, mais aussi dans des lieux hautement symboliques, comme le camp de migrants de Lesbos, en Grèce »… Derrière le siège 1C occupé par sa Sainteté, la Première de l’avion porte la garde rapprochée – quelques cardinaux, des conseillers ; puis le jésuite Antonio Spadaro, avec qui François élabore ses périples, des ministres ; et, tout au fond, les journalistes – qui payent « la classe éco au prix du business » pour le privilège d’être passager sur le jet pontifical.

Scandales et rumeurs

Les dernières pages du livre dressent un portait édifiant des coulisses de « la Machine », la misogynie ordinaire qui y règne, les ragots sur l’homosexualité supposée de tel ou tel prélat (sans compter celle, assez banalement répandue, du bas- clergé)… Mais surtout, les scandales financiers qui émaillent le fonctionnement de cette bureaucratie opaque gérant ce palais où  « il y a de l’or partout mais de l’argent nulle part », comme il se dit du Quai d’Orsay. L’Etat pontifical croulant sous l’immobilier, la Banque du Vatican est le terreau de tous les fantasmes, mais aussi de banqueroutes bien réelles comme celle qui fit perdre 250 millions de dollars à la Cité léonine dans une affaire noyautée par la mafia et provoqua le meurtre, déguisé en suicide, de Roberto Calvi, celui qu’on surnommait « le banquier de Dieu ». Quarante ans plus tard, une escroquerie sur une opération immobilière, à Londres, remet le Vatican dans le prétoire. C’est aussi à l’IOR (La banque du Vatican) que « les évêques les plus menacés au monde abritent le compte en banque de leurs Eglises, évitant ainsi la confiscation de leur argent par les pouvoirs autoritaires ». Opacité rime avec sécurité.

François décide de nettoyer les écuries d’Augias ; mal lui en prend. En 2014, il appelle au Vatican le cardinal australien Georges Pell, 71 ans. Accusé d’agressions sexuelles sur deux de ses enfants de chœur, Pell est incarcéré deux ans durant, mais relaxé en appel. Persona non grata en Australie, le prélat demande asile au Saint-Siège. Mais François va bientôt trouver en lui son pire ennemi. « Signées par un mystérieux et anonyme ‘’Demos’’, « un texte impitoyable » […] très sévère critique du pontificat en cours, a commencé à circuler dans la petite bulle vaticane ». Pell trépasse à peu de temps de là, le 13 janvier 2023. Le camp conservateur est-il en train de se structurer ? Quelques mois plus tard, un rassemblement de hauts responsables catholiques est organisé en toute discrétion… à Prague ! Ce « synode », descendu à l’hôtel Le Mozart, serait s’il faut en croire Besmond de Senneville, financé «  par un important think thank conservateur américain », l’Action Institute, « association texane particulièrement attachée aux thèmes familiaux »…  Séminaire sans publicité cela va sans dire, mais si « la guerre se mène dans les alcôves », l’élection de Léon XIV, premier pape américain de l’Histoire, le 8 mai dernier (supposé le pontife de la réconciliation dixit les médias spécialisés), n’aurait-il pas quelque chose à voir avec ce week-end sur les rives de la Vltava ?…

À cette supputation le livre n’apporte aucun élément de réponse, – et pour cause : ni Loup Besmond de Senneville, ni son éditeur ne pouvaient évidemment anticiper le décès soudain de François, le 8 mai dernier : Vatican secret sortait la veille même en librairie, le 7 – pas de chance ! Les voies du Seigneur étant impénétrables, cette plongée dans les entrailles du Saint-Siège nous cèle donc tout de l’après-François, et a fortiori du pontife yankee Léon XIV. Toutefois, la divine Providence ne nous privera pas de lire cette bible savoureusement iconoclaste.       

A lire : Vatican secret, quatre années au cœur du plus petit Etat du monde, de Loup Besmond de Senneville. 234p., Stock, 2025

Bernard Morlino, mémorialiste de sa vie

Monsieur Nostalgie poursuit ses portraits d’écrivains vivants et précieux durant tout l’été. Aujourd’hui, il nous parle du niçois-montmartrois Bernard Morlino, chantre du beau style sur les pelouses et entre les lignes…


Chez les écrivains qui ont la carte, que l’on respecte dans les cénacles, dont la voix porte, il est proscrit de s’épancher et de s’adonner aux passions populaires. La critique ne vous le pardonnera pas. L’université vous poursuivra de sa hargne. Les éditeurs vous trouveront suspect, voire séditieux. Et les libraires préfèreront toujours les âmes torturées et les auteurs brumeux à la ligne claire et aux jeux de ballon.

Provençal monté à Paris

L’éthéré et le cafardeux sont les nouveaux fléaux d’une littérature sous emprise. Pour exister littérairement, il faut faire sérieux, besogneux, être un révolté de façade et une victime en rémission. S’encanailler, en somme. Être adoubé par des faussaires est la voie royale d’accès aux plateaux de télévision et aux listes d’automne. Les bons sentiments et la culture sportive ne font donc pas bon ménage dans les salons du livre. On vous snobe, on se moque et on vous disqualifie intellectuellement. L’ami Bernard Morlino, Niçois, né l’année de la sortie du coupé Peugeot 203 et esthète de cœur est un vrai dissident qui n’écoute que ses goûts. Il fait confiance à son œil de lecteur. Il ne se laisse pas amadouer par les sirènes des modes et ne s’agenouille pas devant les auteurs autoproclamés stars de leur quartier. Le texte prime toujours sur l’environnement médiatique. Il n’est pas suiviste dans ses choix.

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Il n’a que faire des cellules officielles et des ronds de serviette attribués dans les jurys, il écrit sous le double patronage de l’amour filial et des élans de l’enfance. Il ne médit pas sur sa jeunesse et conserve l’innocence salutaire du provençal monté à Paris. Ce fin observateur des mœurs littéraires fait le grand écart permanent ; il aime les moralistes racés, les footballeurs vénéneux, les pilotes possédés, les chanteuses de variété et les érudits intransigeants. Il ne joue pas « perso ». Nous sommes tellement habitués aux cases que ce pluralisme de plume détonne dans les journaux asphyxiés de conventions. Bernard Morlino est expert dans des domaines tellement variés que l’intelligentsia ne comprendrait rien à cet esprit large qui accueille tous les talents dans son vestiaire. Pour faire partie de son équipe et pénétrer dans son auberge espagnole, seul le toucher compte, seul la vista prime. L’adresse à déborder les défenses passives, la mitraille sémantique pour enivrer une chronique paresseuse, le coup de volant pour enchaîner les virages à Monaco, le cannibalisme jouissif de Merckx dans l’Aubisque, toutes ces choses qui paraissent dérisoires aux « sachants » et qui sont pourtant le sel de la vie. Morlino est l’un des derniers journalistes-écrivains de Paris à ne pas cloisonner son monde intérieur, il peut vous parler avec la même fougue d’Emmanuel Berl et du Racing Club de France, de Dalida et de Morand, d’Ayrton Senna et de Louis Nucera, des concierges et de Philippe Soupault, des facteurs et de Manchester.

Pas sectaire

Ses passions ne sont pas confinées à l’entre-soi. Selon moi, il répond à la définition de l’élitisme qui est de reconnaître le charme, la sauvagerie, l’élégance et le rythme aussi bien dans une Coupe Gambardella que dans les cahiers de la nrf. Bernard Morlino est aujourd’hui connu chez des gens qui ne l’ont jamais lu, ses interventions d’avant ou d’après match en ont fait une personnalité appréciée des téléspectateurs et des auditeurs. Il est capable de s’enflammer sur une action d’un attaquant et d’apprécier la prose nerveuse d’un jeune écrivain. Il n’est pas sectaire. Il est surtout l’auteur d’un livre mémorable, gloire à son père Marcel, l’épicier-vedette de Nice. Dans Champion de sa rue paru au Castor Astral, il y a une vingtaine d’années, il racontait avec la justesse des enfants tristes et une introspection éclairante, l’éclat de ce père disparu. « Je préfère être un bon fils et un mauvais écrivain » écrivait-il, dès la première page.

Une manière pudique et mensongère d’évoquer ce père, car Bernard Morlino est la preuve que l’on peut être en même temps, un bon écrivain et un bon fils. Ce texte bat en brèche les idées reçues. Champion de sa rue n’est pas un livre de souvenirs, c’est une stèle à un père, à tous les pères.

Champion de sa rue

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Humour noir

En tentant d’expliquer que le racisme antiblanc n’existe pas, Jean-Pascal Zadi s’embrouille


Jean-Pascal Zadi est un cinéaste au talent indéniable. Dans sa comédie Tout simplement noir, sortie en 2020, il jette un regard très juste et très caustique sur les antiracistes professionnels qui prospèrent dans la grande famille du show-business. Et mérite amplement le César du meilleur espoir masculin que son rôle de disciple français du mouvement Black Lives Matter lui a valu (car il joue aussi dans ses films), doublé d’un statut de chouchou des médias bobo, particulièrement apprécié pour son aptitude peu conventionnelle à dénoncer tous les travers de la société, même ceux que la gauche ne veut pas voir. Autant dire que l’on ne s’attendait pas à ce qu’il dise de si grosses bêtises sur France Info, le 27 juin, lors d’une interview promotionnelle pour son nouveau long métrage, Le Grand Déplacement. Questionné sur le racisme anti-Blancs, Zadi s’exclame : « C’est une hérésie ! » Comprenez : le racisme anti-Blancs n’existe pas. À l’en croire, quand des Blancs se font insulter ou agresser à raison de leur couleur de peau, il s’agit seulement d’« hostilités inhérentes à l’être humain », pas de racisme, phénomène qui, selon lui, n’est avéré qu’à condition de procéder d’un « système ». Aussi convaincant que Claudine Gay, l’ex-présidente de l’université Harvard, dissertant sur le « contexte » de l’antisémitisme devant le Congrès américain, Zadi se lance alors dans une démonstration fumeuse, selon laquelle il est impossible qu’un Blanc soit victime de racisme, puisque « les Noirs, les Arabes et les Asiatiques » rencontrent « dans la société occidentale » davantage de « freins » pour « avoir un boulot, rentrer dans une boîte de nuit, avoir un appartement ». A-t-il conscience du comique de son argument ? Qu’à ce compte-là il nous donne l’autorisation, sans risquer l’accusation de racisme, de nous moquer publiquement de la carnation d’un Noir privilégié, par exemple un président africain, qui dans son pays ne rencontre systémiquement aucune difficulté à se loger, à exercer une éminente profession ou à aller danser en discothèque ? Quand un raisonnement… tout simplement foire.

Yvonne se distingue

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Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


« L’accro-art 2025 de la librairie du Labyrinthe, dimanche 29 juin dans les hortillonnages. Venez rencontrer des artistes et leurs œuvres. Venez, vous aussi, y accrocher vos peintures, gravures, photos, sculptures, installations, dessins. Venez passer un bel après-midi au jardin. Venez aussi pique-niquer (auberge espagnole) ou ne rien faire. » L’affiche donnait envie. Artiste dans l’âme (peintre, illustratrice, comédienne), ma Sauvageonne ne résista point à cet appel. « Et si j’allais y exposer quelques toiles, tu viendrais avec moi, vieux Yak ? » me demanda-t-elle équipée de son sourire irrésistible. Je lui répondis un oui plus franc, plus massif qu’un infarctus du myocarde.

Ainsi, nous partîmes de bon matin en calèche tirée par Yvonne, notre douce et fidèle jument noire. Il faisait déjà chaud, très chaud. Yvonne, qui n’est plus toute jeune, peinait dans les montées ; elle hennit de bonheur lorsque nous empruntâmes le plat chemin de hallages qui caresse le fleuve Somme. Arrivés à bon port, ma Sauvageonne déballa ses jolies toiles et les accrocha à des manières de longues baguettes de bambou tandis que je discutais avec quelques artistes et copains de ma connaissance, dont Philippe Leleux, le libraire-organisateur, l’illustrateur Gauthier Desbureaux et le photographe Jean-Charles Delépine. (Sur une photographie de ce dernier, je reconnus mon ami Clément Foucard, photographe lui aussi, capté au cours d’une manifestation.) Rapidement d’autres créateurs arrivèrent et se mirent, eux aussi, à accrocher leurs œuvres. Puis ce fut le public, nombreux, souvent familial. Je me joignis aux visiteurs et pris beaucoup de plaisir à contempler toiles, photographies, illustrations, collages, etc. Citer tous les artistes et leurs œuvres serait impossible.

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Je me souviens en tout cas avoir pris beaucoup de plaisir devant celles de ma Sauvageonne (comment eût-il eu pu en être autrement ? Ce sont les yeux de l’amour qui les contemplaient), de Gauthier Desbureaux, de JuLeng, Guy Louis-Thérèse (des dessins proches de l’art afro-carabéen), de Marie-Noëlle Mathis, d’Olivier Damiens (et ses créations singulières et d’une indéniable originalité), et devant bien d’autres. La journée s’étirait comme un chartreux sous les rayons de Turquie. Il faisait de plus en plus chaud. Yvonne, elle, trottinait entre les toiles, profitant de la verdure, des frondaisons et de l’eau des rieux, nombreux dans nos magnifiques hortillonnages. Je la laissais faire, confiant, trop confiant. Mal m’en prit ! Son précédent maître, le baron Heloy de Lacoche, mon oncle qui m’en avait fait don, m’avait pourtant prévenu : « Fais tout de même attention, mon neveu ! Yvonne est un peu dipsomane ; elle adore la bière… » Je m’en rendis compte à la fin de l’accro-art ; je la retrouvais, au bord d’un étang, saoule comme une grive, quasi inconsciente. La honte ! Elle avait échappé à ma vigilance, dégotté une source de Pelforth blonde et s’était abreuvée jusqu’à plus soif.

Résultat : la Sauvageonne et moi dûmes l’installer à l’arrière de la calèche et ce fut moi, pauvre bougre mais doté d’une force herculéenne, qui dut tirer notre fiacre jusqu’à notre manoir amiénois. Courageux comme un Poilu de la Somme, la Sauvageonne n’eût même pas besoin de me fouetter pour que j’avançasse. La vie, parfois, nous réserve de bien étranges surprises.

À la recherche de l’esprit français


Peut-être vous demandez-vous quelle mouche nous a piqués pour consacrer notre dossier d’été à une notion aussi évanescente et fort éloignée, semble-t-il, des préoccupations immédiates de nos contemporains – même si beaucoup ressentent douloureusement une absence qu’ils ne savent plus nommer.

Cette mouche, c’est notre ami Jean-Michel Delacomptée. En février, il a publié une somme magistrale justement intitulée Grandeur de l’esprit français (Cherche midi), en dix portraits, d’Ambroise Paré à Saint-Simon en passant par François II, Racine, La Fontaine et Bossuet. « Pour évaluer une société, écrit-il, il faut examiner le sort qu’elle réserve à l’esprit. Cette touche d’aérien, de soyeux, d’ample, de délié. D’aristocratique, finalement, si l’on admet que l’aristocratie représente moins une classe sociale que le goût des discours élevés, des profondeurs subtiles et des formes tenues, à rebours du nivellement faussement démocratique qui les écrase. » Autant dire que notre époque, qui déteste les hiérarchies et pratique l’avachissement de masse, coche toutes les cases du saccage.

Si les artistes et les auteurs interrogés dans nos pages ont chacun leur propre conception de l’esprit français, tous sont d’accord pour déplorer son lent effacement, ne serait-ce que parce qu’il ne peut naître que dans cet incubateur qu’est la langue française, dont Jean-Luc Mélenchon demande qu’elle soit désormais appelée « notre langue créole commune ». Alors que nous n’aimons plus guère les choses de l’esprit et tendons à exécrer tout ce qui est national, l’esprit français s’apparente à un chef-d’œuvre en péril, un de ces biens immatériels dont on découvre le besoin qu’on en avait au moment où ils disparaissent.

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Toutefois, il y a deux façons de s’emparer de cet objet insaisissable, selon qu’on le regarde avec les yeux de la lucidité ou ceux de l’amour.

La première, c’est de considérer l’ensemble des traits de caractère et des comportements qui, au fil des siècles, sont devenus une manière d’être, autrement dit de tout prendre, le pire et le meilleur. On mentionnera alors, à côté d’un esprit frondeur qui a engendré Molière et Astérix, une tendance à la délation, courant de la Terreur au wokisme en passant par la Collaboration, ou encore, les oscillations entre l’amour de la liberté et l’accommodement avec la servitude. Sans parler des passions tristes que sont l’envie, la jalousie et la haine impuissante, qui ont fleuri sur notre obsession de l’égalité. En somme, on admettra que, comme chez n’importe quel peuple, et du reste chez tout être humain, l’esprit français fait cohabiter grandeur et petitesse. Dans ce registre légèrement grinçant, Peggy Sastre l’identifie comme la cohabitation « entre l’élan et la lâcheté, la révolte et la soumission, entre l’admirable et le mesquin ».

Mais on peut aussi définir l’esprit français à partir du roman national, ce grand récit que nous nous faisons de notre histoire. On ne conserve alors que les mille facettes de ce diamant singulier qui attirait autrefois les artistes et qui fait aujourd’hui courir les touristes. Peut-être est-ce parce qu’ils sont doués pour le bonheur que Frédéric Beigbeder, Franck Ferrand et bien d’autres se consolent de la médiocrité des temps présents par les merveilles léguées par le passé, qui ne sont pas seulement des cathédrales et des châteaux mais aussi le goût de la conversation civilisée et l’art de parler aux femmes – et des femmes.

C’est cela que nous avons voulu retenir, cette fête des sens et de l’intelligence que célébrera prochainement le musée du Grand Siècle à Saint-Cloud. Un anti-musée de l’immigration pour ainsi dire, imaginé pour tous ceux qui, dans le monde, vibrent encore au mot « France », évocateur de douceur de vivre et de majesté, de belle ouvrage et, peut-être plus encore, de légèreté. N’oublions jamais ce qu’écrivait Montesquieu, qui s’y connaissait en esprit, il y a très exactement trois siècles : « La gravité est le bouclier des sots. »

Pour avoir ton brevet, révise en écoutant France inter!

Propagande et endoctrinement à l’École : la preuve par le Brevet des collèges 2025 ! Le corrigé de l’épreuve de géographie reprend les arguments écologistes diffusés en boucle sur France Inter. En histoire, les élèves ont été priés de ne retenir que les torts imputables à la France dans les exactions de la guerre d’Algérie — mieux que Sébastien Delogu sur la télévision d’État algérienne ! Quant à l’épreuve d’enseignement moral et civique, elle exigeait bien entendu de réciter le catéchisme habituel sur « l’égalité femmes-hommes » et proposait aux plus brillants de composer un discours pour la journée du 8 mars.


L’effondrement de l’Éducation nationale n’est pas le fait du hasard. Il est le fruit de décisions prises de longue date par une oligarchie politico-économico-médiatique dont l’objectif est de transformer en profondeur la société afin qu’elle corresponde à celle que la télévision publique de Mme Ernotte promeut par tous les moyens possibles. Pour ce faire, il est impératif d’empêcher l’émergence de tout esprit critique pouvant remettre en cause ce nouveau monde façonné par et pour cette oligarchie, au détriment de la majorité de la population. Cette caste contrôle la politique, la culture et l’information. Elle méprise les Gueux et concocte depuis cinquante ans des rapports nationaux et européens ne dissimulant rien de son projet mais difficilement accessibles depuis qu’un journalisme paresseux, inculte et aux ordres, se contente d’être la courroie de transmission d’un système qui l’avantage. Le journalisme de l’audiovisuel public et de la presse mainstream est devenu, à l’image de l’Éducation nationale, un outil de propagande au service des puissants de Davos, de l’administration technocratique de l’UE, des organisations supra-nationales, des « élites » qui décident du sort de la population en s’asseyant dessus.

À ceux qui douteraient encore que l’École n’est plus le lieu de la transmission du savoir mais celui de la propagande et de l’endoctrinement, je propose de prendre connaissance des sujets de géographie, d’histoire et d’enseignement moral et civique du Brevet des collèges, série générale, de cette année. C’est édifiant.  

1) Géographie

Il a été demandé aux collégiens « d’analyser et comprendre des documents en géographie ». Les documents en question – un article de journal et une « carte de la vallée de la batterie » – concernent l’implantation d’une « gigafactory », une « usine de fabrication de batteries et de leurs composants » dans la région Hauts de France. Le corrigé de l’épreuve proposé aux enseignants relève tout bonnement de la propagande écologiste : l’élève qui aura su expliquer que la « vallée de la batterie » bénéficie d’une position géographique stratégique, que l’implantation de cette « gigafactory » profitera à toute la région en générant de nombreux emplois, que la voiture électrique est l’avenir et les Hauts de France le nouvel Eldorado d’une industrie « qui va dynamiser la région », a de fortes chances de récolter une excellente note ! On ne voit d’ailleurs pas comment il pourrait en être autrement : depuis plusieurs années, en effet, « l’éducation au développement durable (EDD) fait partie des missions de l’École inscrites dans le Code de l’éducation », est-il écrit sur le site du ministère de l’Éducation nationale. Chaque classe a pour obligation de désigner des éco-délégués qui, « mieux formés, mèneront des projets locaux valorisés par un prix annuel ». Le ministère précise que « cet enseignement vise à développer une conscience écologique et citoyenne chez les élèves, en leur donnant des clés pour comprendre et agir face aux défis environnementaux ». En réalité, cet « enseignement » vise à catéchiser nos jeunes élèves, à leur bourrer le crâne, à les transformer en Gardes verts d’une société dans laquelle toute contradiction apportée à l’écologisme doit être éliminée.

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Si, malgré le travail d’endoctrinement de l’École, le jeune futur citoyen n’a toujours pas compris qu’il est hors de question de remettre en cause le rapport du GIEC, l’idéologie de l’écologie politique et les oukases de l’UE sur la « transition écologique », la radio publique sera là pour le lui rappeler. Le 3 juillet, sur France Inter, Patrick Cohen a profité de son édito politique pour réaffirmer le bien fondé, selon lui, des ZFE, du plan ZAN (Zéro artificialisation nette), de la fin des moteurs thermiques en 2035 et du développement de l’éolien et du photovoltaïque, et pour reprocher à Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Julien Aubert d’avoir écrit, dans Le Figaro, une tribune intitulée Rebâtir un parc nucléaire et stopper le financement des renouvelables. D’après M. Cohen, les auteurs de cette tribune auraient subi « la pression politique et médiatique du RN et de ses soutiens », parmi lesquels il compte « les chaînes Bolloré ». M. Cohen fait partie de cette « bourgeoisie urbaine qui se sert de l’écologie pour protéger ses interêts » décrite par Christophe Guilluy. Éminents représentants de la caste médiatique écolo-woke, chantres de la liberté d’expression dès lors qu’elle correspond à leur ligne de pensée et est sévèrement encadrée par l’Arcom, les journalistes de la radio publique apprécient que l’École, loin de former des esprits capables de critiquer un système qui leur convient parfaitement, façonne les futurs auditeurs d’un média qui ne cache plus son mépris pour les Gueux. Le lendemain 4 juillet, sur la même radio, à 6h45, la journaliste Célia Guilleret fustigera, lors de sa chronique “Planète verte”, la tribune de Bruno Retailleau en reprenant à son compte les déclarations du… syndicat des énergies renouvelables disant son « ras le bol de voir sa filière diabolisée presque tous les jours par le RN et maintenant par les Républicains ». Le même jour, sur la même radio, Pascal Canfin, eurodéputé Renew, ex-EELV, ancien directeur de WWF France, fossoyeur en chef de notre industrie et de notre agriculture, sera l’invité de Marion Lhour et dénoncera « la contre-offensive anti-écologique » qui, selon lui, forme une « base idéologique qui est le trumpisme européen – et qui est celle des médias Bolloré, celle de CNews, etc. » Cette matinale a été l’exemple parfait de ce que la directrice et les journalistes de Radio France entendent par « pluralisme »…      

Rien n’est laissé au hasard. L’Éducation aux médias et à l’information inculquée maintenant à nos enfants dès… la maternelle, n’a pas pour but « d’accompagner les élèves pour les aider à se repérer dans les méandres de l’information », comme le soutient le dossier pédagogique 2025 de cette nouvelle discipline, mais plutôt de les préparer à accueillir comme une parole divine les informations issues de l’AFP, de l’audiovisuel public, des médias prêts à tout pour continuer de percevoir les subventions publiques octroyées par le pouvoir en place, des fact-checkers officiels du pouvoir – ceux du Monde, de Libération et de Conspiracy Watch et de les détourner des médias alternatifs, bollorisés ou indépendants qui, au grand dam de l’oligarchie politico-médiatique, sont de plus en plus suivis par les Gueux. Confrontés à la triste et dure réalité de leur pays fracassé, ces derniers ne supportent plus l’arrogance d’une caste qui les méprise. Le système en place espère pouvoir assujettir leurs enfants à une nouvelle religion préconisant le partage inéquitable et une charité bien ordonnée qui commence par lui-même. L’Éducation nationale et les médias sont les lieux d’apprentissage de ce nouveau culte.

2) Histoire

« Le monde depuis 1945. Dans un développement construit d’une vingtaine de lignes, expliquez l’accès à l’indépendance d’une colonie de votre choix. Vous préciserez les principaux acteurs, les étapes et les conséquences. » Le choix du sujet, on l’aura compris, n’est pas neutre. Le corrigé de l’épreuve ne l’est pas plus ; il ne laisse planer aucun doute sur les sous-entendus, le présupposé étant que les collégiens auront choisi « la guerre d’Algérie, cas le plus souvent étudié en classe ». M. Tebboune est aux anges et l’élève Delogu, cancre parmi les cancres, opine du chef à sa lecture : « Dès 1954, le Front de libération nationale (FLN) lance une insurrection armée lors de la “Toussaint rouge” le 1er novembre. […] Entre 1956 et 1959, la guerre s’intensifie : l’armée obtient les “pouvoirs spéciaux” et mène une lutte brutale, notamment lors de la bataille d’Alger où elle utilise la torture. […] Le Général de Gaulle évolue progressivement vers l’idée d’une autodétermination du peuple algérien. Cette décision déclenche l’opposition des partisans de “l’Algérie française” dont certains, regroupés dans l’OAS, ont recours au terrorisme. L’OAS mène des attentats en Algérie et en France. La répression touche aussi les Algériens de métropole, comme lors de la manifestation du 17 octobre 1961, au cours de laquelle près de 200 personnes sont tuées à Paris. » Sont ensuite rapidement évoqués les accords d’Évian de 1962, le départ des pieds-noirs, le fait que « contrairement à l’Inde, l’Algérie dut arracher son émancipation par la force ».

Une correction du corrigé s’impose. Le jour de la « Toussaint rouge », 70 attentats du FLN ont lieu en Algérie – des mouvements nationalistes, comme le Mouvement national algérien (MNA) et le Parti communiste algérien, dénonceront ces exactions. Au contraire de ce que laisse entendre le corrigé officiel, les actes de terrorisme n’ont pas été l’apanage de l’OAS. Le FLN s’est particulièrement distingué dans cet exercice de terreur. On se souviendra, entre autres, des massacres d’août 1955, dans le Constantinois, qui virent la mort de 171 civils européens et de 10 000 musulmans trop « modérés », ou du massacre d’Oran, le 5 juillet 1962 – trois mois après la signature des accords d’Évian – où plus de trois cents civils européens furent tués par l’Armée de libération nationale, le bras armé du FLN. Sur le territoire français, le FLN fit tuer environ 6000 Algériens opposés à sa ligne et commit près de 10 000 attentats entre 1956 et 1961. En ce qui concerne la torture, les sbires du FLN l’ont pratiquée avec encore plus d’entrain que l’armée française, aussi bien sur les pieds-noirs que sur les harkis et les musulmans « modérés », pendant la guerre et après l’indépendance[1]. Quant à la manifestation du 17 octobre 1961, un peu de contexte n’aurait pas nui : en 1961, la tension est à son comble et le FLN veut contrôler la communauté algérienne vivant en France. Depuis le début du conflit, des opposants algériens refusant de payer « l’impôt révolutionnaire », des gendarmes et des policiers français sont régulièrement assassinés par le FLN sur le sol français – 22 policiers ont ainsi été tués de janvier à octobre 1961. Le 5 octobre 1961, un couvre-feu est imposé aux Algériens par les autorités. Le but : empêcher les réunions clandestines et l’acheminement des armes vers les nombreuses planques du FLN. La police parvient à démanteler les réseaux du FLN qui décide alors d’organiser une manifestation devant converger vers la place de la Concorde et l’Élysée : entre 20 000 et 30 000 Algériens – certains venus sous la contrainte, de peur des représailles en cas de refus – sont encadrés par le FLN. Le chiffre de 200 morts repris dans le corrigé de l’épreuve est celui d’un mythe entretenu par le gouvernement algérien et les partis de gauche et d’extrême gauche français, en particulier le Parti communiste. L’historien Jean-Paul Brunet, auteur d’un livre de référence sur cet événement[2], déclare au journaliste Guillaume Perrault, dans Le Figaro du 17 octobre 2016 : « J’évalue les victimes à 14 certaines, 4 probables, 8 vraisemblables et 6 possibles, soit un total de 32 si l’on retient l’estimation haute. » À la question : « Le chiffre de plusieurs centaines de victimes, souvent avancé, serait donc sans fondement ? », il répond : « On n’arrive à ce chiffre fantaisiste qu’en attribuant à la police des meurtres d’Algériens perpétrés par le FLN qui cherchait à raffermir son contrôle sur les Algériens en métropole. Le FLN tuait des Algériens qui refusaient de rejoindre ses rangs, de payer leurs “cotisations” ou d’observer les préceptes coraniques. » Nous voilà fort éloigné du « massacre des Algériens » par la police française propagé par la presse, ou des affirmations d’Omar Boudaoud, un des responsables de la manifestation, sur « les pendaisons dans le bois de Vincennes et une Seine remplie de cadavres », affirmations qui seront reprises sans aucun recul par Benjamin Stora dans un entretien donné au Nouvel Observateur en janvier 2003. La France, qui compte sur son sol plusieurs millions d’individus algériens ou d’origine algérienne, se soumet à l’histoire officielle du pouvoir algérien et de la gauche française dans l’espoir de canaliser et d’amadouer sa « rue arabe ». La compromission, jusqu’au plus haut sommet de l’État, est totale. Des représentants communautaristes en profitent pour importer en France une lecture historique échafaudée par le pouvoir algérien et pour glorifier des militants du FLN qui, s’ils méritent possiblement la reconnaissance de l’Algérie, ont été des ennemis de notre pays. Quelques jours après les examens du Brevet, le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et le maire de Bobigny, Abdel Sadi, ont rebaptisé la maison du Parc de la Bergère de cette commune du nom de la Franco-algérienne Danièle Djamila Amrane-Minne, une poseuse de bombes du FLN qui participa à plusieurs attentats dans des lieux publics d’Alger. Ils ont choisi la date du 5 juillet afin de « célébrer l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ». Ils n’ont bien sûr pas dit un mot sur le journaliste sportif Christophe Gleizes et l’écrivain Boualem Sansal, injustement emprisonnées dans les geôles algériennes. Le lendemain, l’actrice Camélia Jordana a rendu hommage, sur le média Liik, à son grand-père, un des hauts responsables du FLN pendant la guerre d’Algérie. « C’est la classe quand tu es d’origine algérienne », déclare-t-elle. En revanche, être Française ne semble pas devoir déclencher chez cette artiste choyée par le monde dit de la culture et par les médias un enthousiasme particulier, bien au contraire…

3) Enseignement moral et civique.

Là encore, le sujet n’a pas été choisi au hasard : « Situation pratique : Égalité femmes – hommes. »  Document 1 : une affiche de « la campagne en faveur de l’égalité filles – garçons » mettant en avant la mathématicienne Ada Lovelace et affirmant que « seulement 11 % des étudiants en école d’informatique sont des femmes ». Document 2 : l’article 1er de la Constitution de le Ve République. Questions (l’administration scolaire appelle questions des exercices d’endoctrinement) : « Identifiez l’inégalité mise en avant par cette affiche. » – « Expliquez l’intérêt de recourir à cette figure (celle d’Ada Lovelace) pour corriger une inégalité. » – « Vous devez rédiger un discours à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Vous montrez (sic) que les inégalités femmes-hommes, contraires aux valeurs de la République, existent encore et vous présentez (sic) deux idées concrètes pour sensibiliser les élèves de votre collège à ce problème. » Cette épreuve tombe à point nommé : elle coïncide avec le lancement du plan Filles et Maths décidé par Mme Borne, ministre de l’Éducation nationale, et censé améliorer le pourcentage de femmes dans « les métiers d’ingénieurs et du numérique ». En revanche, comme l’a souligné récemment Jean-Paul Brighelli dans ces colonnes, il n’est pas prévu de plan Garçons et Lettres – ni, me permets-je d’ajouter, de « plan de formation des enseignants à la prévention des biais de genre et des stéréotypes » ayant conduit à une sur-représentation des femmes dans un grand nombre de « professions valorisantes ».

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Quelques chiffres étaieront cet état de fait inégalitaire : 57 % des jeunes femmes sont aujourd’hui diplômées de l’enseignement supérieur contre à peine 47 % des jeunes hommes. Les femmes de moins de 30 ans n’occupent plus que 38 % des emplois d’ouvriers non qualifiés (vs 60 % pour les femmes de plus de 50 ans), 16 % des métiers d’agriculteurs, d’éleveurs ou de bûcherons (vs 36 % pour les femmes de plus de 50 ans), 18 % des métiers de bouchers, de charcutiers ou de boulangers (vs 32 % pour les femmes de plus de 50 ans)[3]. Les professions médicales sont aujourd’hui majoritairement féminines – 67 % des étudiants en médecine, odontologie et pharmacie sont des… étudiantes. Idem pour les professions juridiques  – 74 % des étudiants inscrits en première année de droit sont des… étudiantes ; 69 % des magistrats sont des… magistrates. Les cadres des services administratifs, comptables et financiers et les cadres de la fonction publique sont majoritairement des femmes – respectivement 53 % et 59 %. Le monde ouvrier, en particulier dans le bâtiment, la manutention industrielle, l’automobile, la conduite d’engins de chantier ou de poids lourds, etc., reste, lui, très majoritairement masculin. Ces chiffres, qui montrent une nette tendance à la disparition de la gent masculine dans de plus en plus d’emplois supérieurs qualifiés, et donc une inégalité flagrante en faveur des femmes, ne contredisent-ils pas certaines « valeurs de la République », dont une, lafameuse parité, semble devoir surpasser toutes les autres mais est régulièrement mise en défaut ? « Les jeunes hommes, interroge l’historien Pierre Vermeren, sont-ils de trop dans la société française ?[4] »  La question mérite d’être posée : « la réussite scolaire et universitaire des filles, qui, à situation comparable, surclassent partout les garçons, sauf en sciences (seul ce second sujet n’est pas tabou), la déliquescence de leurs domaines professionnels traditionnels, l’artisanat, l’industrie, l’agriculture et la chose militaire, et, plus généralement, l’abandon des activités productives, transférées à l’étranger, au profit des services qui sont plus propices aux femmes », écrit Pierre Vermeren, contribuent à un véritable phénomène de masse : la perte de confiance, d’estime, de motivation de millions de jeunes hommes qui se réfugient de plus en plus dans la drogue, l’alcool, les jeux en réseau, la pornographie. Cette dernière se substitue à la fréquentation des jeunes femmes ; le célibat progresse, encouragé par une écologie radicale qui dénonce la « masculinité toxique et le patriarcat » et admoneste les couples qui font des enfants.

Cerise sur le gâteau

Savez-vous quel est l’auteur sur lequel ont dû bûcher nos collégiens durant l’épreuve de français du même Brevet ? Je vous le donne en mille : Simone de Beauvoir ! Le texte choisi, extrait de La Force de l’âge, est censé mettre en valeur la ville dans laquelle cette intellectuelle stalinienne, maoïste, castriste, réputée cependant pour ses écrits « féministes » mais également pour ses propos acerbes sur ses compatriotes durant et après la guerre d’Algérie – « Ces gens dans les rues, consentants ou étourdis, c’étaient des bourreaux d’Arabes : tous coupables. »[5]  – débarque pour occuper son premier poste de professeur : Marseille – « la plus grande ville algérienne de France », dixit son maire actuel, l’inénarrable Benoît Payan. Quand je vous dis que rien n’est laissé au hasard…  


[1] L’historien Jean-Jacques Jordi a pu consulter, pendant quatre ans, des archives inédites de la guerre d’Algérie. Il en a tiré un livre, Un silence d’État : Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie (2011), une étude sur les exactions commises durant et après la guerre d’Algérie et, plus particulièrement, sur le rôle du FLN dans la disparition de milliers de civils européens. Certains passages font froid dans le dos : « Un rapport parle de la découverte des corps de “40 Européens séquestrés, jouant le rôle de donneurs de sang pour les combattants du FLN”. Le 21 avril 1962, des gendarmes d’Oran découvrent “quatre Européens entièrement dévêtus, la peau collée aux os et complètement vidés de leur sang. Ces personnes n’ont pas été égorgées, mais vidées de leur sang de manière chirurgicale”. Cette collecte de sang se déroule parfois avec la complicité de “médecins français” acquis à l’indépendance. Aucun ne sera inquiété après leur retour en France. »

[2] Jean-Paul Brunet, Police contre FLN, le drame d’octobre 1961, 1999, Éditions Flammarion.

[3] Source Insee. Rapport de 2016 montrant que « les plus fortes augmentations du taux de féminisation concernent des métiers qualifiés ».

[4] Pierre Vermeren, “Les jeunes hommes sont-ils en trop dans la société française”, Le Figaro, 17 décembre 2021.

[5] Simone de Beauvoir, La Force des choses, Folio Gallimard.

Bleu comme la nuit

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Les cartes postales de l’été de Pascal Louvrier (2)


En fouillant dans la boite aux livres sur la place du village, face au cinéma, j’ai trouvé un livre de Frédéric H. Fajardie, Bleu de méthylène. Des jeunes gens, vingt-ans guère plus, anciens élèves chahuteurs, souvent sadiques avec leur prof d’histoire-géo, ont un point commun : on retrouve leur tête dans une décharge publique, soigneusement découpée par une tronçonneuse électrique. On dirait un roman noir écrit par Bret Easton Ellis. Mais non, c’est un écrivain bien français, « le dernier des bolchéviques » comme il se définissait lui-même, né à Paris le 28 août 1947, dans le quartier de Tolbiac, propice aux sombres intrigues policières, et mort dans la même ville le jeudi 1 mai à l’âge de soixante ans – âge indiqué dans ce roman noir écrit en 1982. Mourir le jour de la fête du Travail pour un homme de gauche, c’est vraiment aller au bout de ses idées.

Héritier de la gauche prolétarienne

C’était un type de gauche, oui, mais pas la gauche Mitterrand, version Vichy. Pas la gauche « caviar », comme Serge July, BHL, André Glucksmann, ou encore Kouchner. À propos du bon docteur, l’écrivain déclara : « C’est le mec qui va amarrer sa jonque à Deauville ». Non, c’est un héritier de la gauche prolétarienne. On peut même dire que c’est un révolutionnaire, fils de libraire, qui n’a rien à perdre puisqu’il ne possède rien. Bon, après, ça se complique, car il achète un appartement, une maison de campagne, une grosse bagnole. C’est le basculement, les choses vous possèdent alors qu’on croyait les posséder. Classique. Frédéric H. Fajardie, nom de plume de Ronald Moreau, révère Céline et ne déteste pas Drieu la Rochelle. Il semble attirer par les corps démembrés, les aubes sales sur la Butte-aux-Cailles, il vacille pour un parfum de femme, fume et picole trop pour oublier l’inoubliable, l’enfance. Il a obtenu son bac à 25 ans, a passé plusieurs licences, la rage au ventre, pour en remontrer aux fils de bourgeois. C’est un revanchard, mais uniquement pour alimenter sa prose noire et rester fidèle à son idéal rouge. C’est un Julien Sorel qui donne dans le social, parce qu’il sait que la classe dominante vend son âme à celui qui protège son compte en banque. Fajardie a des valeurs : celles qui font que l’homme peut se regarder dans la glace : honneur, fidélité, courage. Il lutte, même si cette lutte est perdue d’avance, contre le triomphe de la marchandise. Il est hanté par la guerre d’Espagne qu’il revisite dans ses romans sans espoir. Il sait que ça s’est joué sur cette terre qui n’aime pas les tièdes. Tiens voilà que je parle de lui au présent. Je le trouve sympa en plus avec sa tête au nez trop long et ses lunettes cerclées de fonctionnaire de mairie qu’on croit collabo et qui file de faux papiers aux Juifs. Il loue le fracas des armes quand il s’agit de défendre une esthétique de la révolte. Il est émouvant quand il se damne pour une phrase qui exprime l’indicible. Exemple, première page de Bleu de méthylène : « Il songea qu’il lui avait fallu presque une année pour définir l’odeur de l’herbe coupée : un parfum sucré de pain d’épice et de miel. »

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Paris perdu

C’est en juin que débute l’enquête, en pleine canicule qui « s’était abattue sur la ville comme une main sur un moustique ». La tête découverte et c’est le commissaire principal Inckel, trente-quatre ans, qui est chargé de l’affaire. Un drôle de type, avec une sale histoire de cœur dont il ne parvient pas à s’affranchir. Il cite Homère et porte un calibre 38. Il est entouré de plusieurs inspecteurs, le plus curieux étant Gourmond qui arrose une plante en plastique. Parfois, le Gourmond, il se laisse aller à une confidence : « Je suis de Lisieux. C’est très triste Lisieux. Quand on était gamins, le dimanche, on regardait passer les voitures. On habitait route de Paris, alors on se mettait à la fenêtre. Tout le dimanche à la fenêtre… » Démoralisant.

Fajardie nous entraîne dans un Paris qui n’existe plus. La gentrification a tout rasé, les bistrots avec les œufs durs au zinc, la solidarité, les petites gens. La Suze cassis a vécu, comme le filet de sole pomme vapeur, ou la platine sur laquelle on pose un vinyle, ou encore les vieux pupitres à encriers et tableaux noirs. L’école, voilà le lieu stratégique de l’affaire. On sait très vite que c’est le prof d’histoire-géo malmené qui se venge des humiliations de ses anciens élèves. C’est un malade, sûr de lui, en survêtement bleu roi à bandes blanches. Mais il va falloir le coincer car il est malin. Les rebondissements sordides ne manquent pas. Et puis, il y a la figure féminine incarnée par Olivia Licarie, l’élève préférée du prof timbré, avec de beaux yeux gris illuminant un visage qui ressemble à celui de Monica Vitti. Des personnages paumés, écrasés de soleil « mettant en relief toute la crasse qui recouvre cette grande ville pourrie comme un manteau composé de poussière, de détritus et de crachats », rachetés peut-être par la littérature.

Frédéric H. Fajardie, Bleu de méthylène, Folio. 176 pages

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Podcast: Bertrand Deckers et la princesse Kate; Aurore Bergé et la haine en ligne; Macron et Starmer dansent le tango

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Notre dernier podcast avant l’été. Avec Bertrand Deckers, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Bertrand Deckers nous parle de son nouveau livre consacré à la princesse de Galles, Kate. Qu’est-ce qui se cache derrière cette façade parfaite? Il y a d’abord une mère arriviste qui a travaillé comme quatre au service de l’ascension sociale de sa famille et en particulier de sa fille aînée. On peut dire qu’elle a bien réussi ! Ensuite, Kate elle-même a fait de nombreux sacrifices – peut-être même celui de sa propre santé – afin d’incarner la princesse parfaite. À beaucoup d’égards, elle est la fille spirituelle d’Elizabeth II, partageant avec la reine adulée le sens du devoir et de la retenue. C’est ainsi que, si la famille royale est l’arme secrète de la diplomatie britannique, Kate, par son charme, son assurance et son élégance, est devenue l’arme secrète de la famille royale. On a pu le constater lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Royaume Uni.

De retour en France, Martin Pimentel nous parle de la dernière fausse bonne idée de notre sous-ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Mercredi, Aurore Bergé a annoncé la mise en place d’une coalition pour lutter contre les contenus haineux sur Internet. Une dizaine d’associations seront chargées de faciliter les remontées des contenus qu’elles jugent problématiques auprès de l’Arcom. Cela a tout l’air d’un magnifique bureau des dénonciations !

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Après trois jours de visite d’État au Royaume Uni, où il a bu du champagne avec le roi Charles, échangé des amabilités avec le prince William, et négocié dur avec le Premier ministre, sir Keir Starmer, quel est le bilan d’Emmanuel Macron? D’abord, il a pu annoncer le renforcement de la coopération militaire entre la France et l’Albion autrefois perfide, notamment dans le domaine des armes nucléaires. Il s’agit de construire un parapluie nucléaire pour l’Europe afin que cette dernière puisse affirmer une certaine autonomie et se montrer moins dépendante de l’oncle Sam. Du côté de la Manche, le président français a convaincu les Britanniques qu’ils doivent faire beaucoup plus pour réguler le marché du travail outre-Manche et empêcher les migrants clandestins d’accéder à des petits boulots de livreur de repas. La possibilité de trouver un travail est un élément qui attire les migrants et contribue au modèle économique des gangs de trafiquants. Enfin, la France est d’accord pour accepter que certains clandestins soient expulsés vers l’Hexagone si le Royaume Uni accepte en échange le même nombre de migrants actuellement en France mais ayant une bonne raison de demander asile chez les Britanniques. Le nombre de migrants échangés risque d’être négligeable comparé au nombre de ceux qui traversent la Manche tous les jours. Et le programme doit être approuvé par l’UE, ce qui est peu probable.

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Heureux comme Dieu en France

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Causeur consacre un grand dossier à l’esprit français dans son nouveau numéro. Voici une contribution de Jean-Pierre Winter.


Mon père, issu d’une nombreuse famille de Juifs hongrois, dont la totalité avait été exterminée par les nazis, en réchappa, puis fut fait prisonnier par les soviétiques venus « libérer » la Hongrie. Détenu dans un camp quelque part en Union Soviétique, il s’échappa, revint dans sa Transylvanie natale, récupéra dans l’appartement ou la maison de ses parents un objet et traversa l’Europe à pied, entièrement démuni, sauf de cet objet, pour arriver enfin, en passant par l’Allemagne, en France. Pourquoi en France ? D’où procédait cette fixation sur la France, sinon de cette idée que bien des Juifs d’Europe centrale, à partir du XIXe siècle tenaient pour une certitude : Heureux comme Dieu en France.

Y croyait-il ? En tout cas suffisamment pour traverser toute l’Europe avec cet objet lourd, venir s’y installer sans en parler la langue, lui-même parlant une langue sans racines connues, le hongrois, à ses risques et périls, mais convaincu qu’il n’y avait pour lui, comme pour d’autres Juifs de son époque, nul autre lieu où se rendre.

Ma mère, Juive hongroise ayant échappé aussi aux persécutions mais venue s’installer toute petite en France pendant l’entre-deux guerres, y était-elle venue pour les mêmes raisons, Heureux comme Dieu en France ?

Cet adage provient probablement du fait que seule la France avait émancipé collectivement les Juifs, aux XVIIIe et XIXe siècles. Mais était-ce si vrai ? En ce qui me concerne, issu de la deuxième génération, né en France, mais porteur d’un passeport de réfugié sur lequel il était écrit « tous pays, sauf la Hongrie », je me suis coulé dans la langue française comme si elle avait été ma langue maternelle de toute éternité. L’esprit français pour moi, et pour beaucoup d’autres, c’était, et c’est encore, la langue française. J’en connu les premiers éblouissements quand au collège on me fit apprendre par cœur des passages entiers de Racine, cet auteur classique dont le théâtre incarnait pour moi la beauté de la poésie française, et qui était aussi l’un des rares auteurs classiques à ne jamais proférer d’antisémitisme et à avoir même puisé dans la Bible hébraïque la source de deux de ses pièces, Esther et Athalie. Racine, quel nom prédestiné !

La langue française, je l’ai habitée, et elle m’a habité, comme elle a possédé Proust, Albert Cohen, Joseph Kassel… L’esprit français, c’est la finesse, les nuances, les contradictions, les aberrations, quand elle est tour à tour simple, évocatrice, équivoque, et en même temps pleine de pièges qu’il faut sans cesse contourner, avec une orthographe qui inclut ce que le hongrois sans racines connues, n’inclue pas, c’est-à-dire une grande partie de son étymologie et donc de son Histoire.

L’esprit français, ce ne sont pas seulement des valeurs, ce ne sont pas des idéaux auxquels s’identifier de force, des « rentrez-vous ça dans la tête », ce sont des successions de convictions qui découlent du fait qu’on pratique sa langue, et qu’il n’est pas possible, la pratiquant, de s’égarer, dans des excès collectifs, bien que, et c’est là sa contradiction majeure, la France incarne l’Universalité, qui s’exprime dans les Droits de l’Homme et du Citoyen, par exemple, et dans les révolutions les plus extrêmes. Heureux comme Dieu en France, c’était aussi cette contradiction qui voulait que, avec l’affaire Dreyfus, on pouvait entendre que ce peuple de France était capable de se déchirer, soit pour condamner à tort, soit pour réhabiliter un simple Juif dont l’histoire allait marquer pour toujours celle non seulement du judaïsme, mais de la France, celle du sionisme, en même temps que l’histoire des plus grands antisémites que la Terre ait connus.

Donc heureux, plus ou moins. Mais revenons à mon père. Quel était cet objet qu’il était venu récupérer au fin fond de la Transylvanie, et qu’il portait avec lui direction Paris ? Ou plus exactement direction le Sentier où, apprenant le yiddish que les Hongrois ne parlaient pas, il croyait qu’il apprenait le français. C’était Les Misérables de Victor Hugo, traduit en hongrois. Pourquoi cet ouvrage était-il dans cette famille, pourquoi cet ouvrage avait-il survécu à la Shoah et aux persécutions soviétiques, au fin fond de la Transylvanie, dans une famille de Juifs probablement orthodoxes ? C’est toute l’énigme qui résume à la fois la particularité et l’universalité de la langue française, si bien incarnée dans cet ouvrage de l’immortel Victor Hugo, héritier des Lumières.

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Pourquoi Emmanuel Macron doit partir

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Emmanuel Macron arrive à Hanoi au Vietnam, 25 mai 2025 © JEANNE ACCORSINI/SIPA

L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée : la mobilisation des gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Et les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente.


Une chamaillerie, a expliqué Emmanuel Macron pour dédramatiser l’affront de son épouse repoussant brutalement, des deux mains, le visage interloqué du président. Mais cette intimité volée, filmée le 25 mai au Vietnam à la descente d’avion du couple, a été vue pour ce qu’elle montrait : un mari giflé. Or ce geste d’exaspération est venu rejoindre, chez les Français excédés, un semblable sentiment de rejet à l’encontre d’un chef de l’État à l’âme sèche. La colère a gagné les oubliés du système, confisqué par une caste hautaine et inopérante. Les dirigeants ont raison de s’inquiéter des irritations populaires. « Je suis en colère, comme beaucoup de Français », a déclaré Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, en réaction aux violences urbaines ayant salué, en mimant des intifadas, la victoire du PSG en Ligue des champions le 31 mai. Mais qu’attend-il pour fuir ce centrisme bavard et impuissant ? Macron immobilise la France.

Même Amélie de Montchalin, chargée des comptes publics, l’a admis (RTL,10 juin) en regard des finances publiques : « Oui, il y a un risque pour la France de mise sous tutelle du FMI. » Cette perte de contrôle de l’État se décline dans tous les domaines. À peine le président venait-il de déclarer, après les émeutes d’après-match : « Nous poursuivrons, nous punirons, nous serons implacables », les juges rendaient majoritairement des jugements modérés. Son procès contre ceux qui « préfèrent brainwasher [« laver le cerveau »] sur l’invasion du pays et les derniers faits divers » a envenimé la révolte des victimes des barbares, ces loups introduits par la société ouverte. Les diversions du chef de l’État pour alarmer sur le populisme, le climat ou les océans dévoilent son indifférence à protéger les enracinés d’une immigration démente.

L’insurrection est dans l’air. L’échec des gilets jaunes n’a pas éteint le feu dans la classe moyenne abandonnée. La mobilisation des #Gueux par Alexandre Jardin confirme la rébellion de la société civile. Grâce à son mouvement, l’écrivain a déjà incité les députés à abroger, le 28 mai, puis le 17 juin, les ZFE (zones à faibles émissions). Son combat contre la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui veut faire payer aux usagers les 300 milliards d’investissements dans des énergies renouvelables jugées inutiles, fédère les marins-pêcheurs et les agriculteurs. Le mot d’ordre « C’est Nicolas qui paie »est repris par les trentenaires assommés par le fisc. Les succès d’audience d’une personnalité rebelle comme Philippe de Villiers, qui crève l’écran sur CNews chaque vendredi dans son incarnation de l’esprit français, témoignent de l’épuisement du mondialiste déraciné. « Macron doit partir », a dit Villiers le 13 juin. D’autres le martèlent sur les réseaux sociaux. Le temps presse.

Le théâtre politique tourne à vide. « L’Assemblée s’agite comme une mouche dans un bocal » (député Harold Huwart). La machine législative produit des lois inutiles ou inapplicables. Le chef de l’État multiplie des amas de mots sans lendemain. Selon un sondage Cevipof (L’Opinion, 6 juin), 73 % des Français voudraient « un vrai chef ». Quand Israël a choisi, le 13 juin, d’attaquer les sites nucléaires des mollahs iraniens, Benyamin Netanyahou n’a pas prévenu Macron. Le président français, ombre tremblante, ne comprend pas qu’un peuple qui ne veut pas mourir puisse se défendre de ses ennemis. Donald Trump a dit vrai, le 17 juin, avant de lancer en appui d’Israël ses bombardiers B-2 sur Fordo, Natanz et Ispahan : « Emmanuel se trompe toujours. »

Dans les caves du Vatican…

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Le nouveau pape élu, Léon XIV, chapelle Sixtine au Vatican, le vendredi 9 mai 2025. © AP/SIPA

La « Grande muette » a une concurrente : la cité léonine. Le Vatican, ce vase clos de quelque 44 hectares enclavé dans la Ville éternelle, est un peu ce que « la grande muette » est à l’Hexagone : une « petite muette » de 300 soldats du Christ, en somme – mâles pour l’essentiel. Ce contingent en soutane forme ce qu’il est convenu d’appeler la Curie romaine. « Cette administration, organisée par ministères, que l’on nomme ici des ‘’dicastères’’, est le nœud de la centralisation romaine de l’Eglise catholique, structure pyramidale s’il en est ». A cœur de ce microcosme affublé du sobriquet de « La Machine », Louis Besmond de Senneville a passé quatre ans de sa vie, comme envoyé spécial permanant pour le journal La Croix, dont il est devenu, à son retour en France, rédacteur en chef adjoint.

Vatican secret témoigne de ce long séjour ; le livre se lit avec gourmandise. Il n’a rien d’un dithyrambe sur l’institution, c’est le moins qu’on puisse dire, ni d’un panégyrique sur la papauté. De ce « village mondial » qui ignore superbement l’anglais comme langue diplomatique, mais où l’italien a remplacé le latin dans les échanges au quotidien, le journaliste décrit sans complaisance les us et coutumes.

Communication verrouillée

« Colosse aux pieds d’argile », la cité léonine administre 400 000 prêtres répartis sur cinq continents, près d’un milliard et demi de catholiques à la louche sur la planète, ce avec des effectifs sans commune mesure avec le Quai d’Orsay ou le Département d’Etat américain (sous la férule de la maire Hidalgo, La Mairie de Paris, par exemple, ne compte pas moins de 52 000 salariés !) : « La ‘’Terzia loggia’’, telle que l’on surnomme cette partie du Palais apostolique, abrite l’une des diplomaties les plus fascinantes et les mieux informées du monde : la diplomatie pontificale. Le plus petit Etat du monde entretient des relations diplomatiques avec 188 Etats ».  Au Vatican, le souverain pontife est roi absolu dans sa demeure, le conclave ne l’ayant élu, comme chacun sait, que sous l’inspiration de l’Esprit Saint : dès lors sa parole est infaillible. « Dans la Curie romaine, chaque responsable est le maillon d’une chaîne qui […] mène au pape. Ainsi, s’exposer, c’est directement menacer le souverain. Le monarque est donc protégé par plusieurs cercles concentriques ». 

De là que le palais est le lieu du secret, de la rumeur, du non-dit…  Jamais l’on ne reçoit dans un bureau une personnalité extérieure, mais toujours dehors, « dans un restaurant ou un café, à une distance calculée du Vatican », autant que possible à l’abri des regards indiscrets, et bien sûr… :  « l’entretien n’a jamais eu lieu  […] Nous nierons vous avoir reçu » en est la conclusion habituelle.  Car « l’évitement de rendez-vous avec les journalistes est un sport national ». Et si par miracle l’intrus parvient à pénétrer dans le saint des saints c’est en abandonnant d’abord son portable à un panier d’osier semblable à ceux qui, à la messe, servent pour la quête. « Ordre du pape », vous intime l’huissier. Reste que « ce verrouillage de la communication produit en réalité un effet inverse à celui recherché ». Ainsi « le Vatican est sans doute la grande muette la plus bavarde qu’on puisse imaginer », observe Besmond de Senneville.

Au Vatican, « le recrutement relève d’un savant mélange de cooptation et de compétences », nous apprend-il également. Ce qui explique en partie que dans cette minuscule organisation, rivalités feutrées, haines sourdes, froides vengeances longuement ourdies se disputent le terrain : « entre la Curie et le pape, la défiance est quotidienne ». D’autant que « le pape argentin, lui, a complètement changé de modèle », par rapport à son prédécesseur Benoît XVI, « pape émérite » reclus depuis des années au monastère Mater Ecclesiae, dans l’enceinte vaticane, et qui ne s’éteindra que le 31 décembre 2022, âgé de 95 ans. Et l’auteur de décrire « le grand rêve chinois du pape François », lequel, obsédé par ce qu’il appelle « les périphéries du monde », boude ostensiblement la Vieille Europe (à part la Corse), aime à voyager loin de l’Occident, et se met à dos les franches les plus conservatrices du Saint-Siège par ses positions radicalement opposées à celles de Benoît XVI sur bien des registres (entre autres la place des femmes dans l’institution).

L’ouvrage détaille avec malice les conditions de voyage de la suite du pape dans un de ces appareils commerciaux privatisés (car il n’y a pas de Falcone papal) pour ces échappées dans les pays à priori improbables, à première vue, « comme le Soudan du Sud, le Kazakhstan ou la Mongolie, mais aussi dans des lieux hautement symboliques, comme le camp de migrants de Lesbos, en Grèce »… Derrière le siège 1C occupé par sa Sainteté, la Première de l’avion porte la garde rapprochée – quelques cardinaux, des conseillers ; puis le jésuite Antonio Spadaro, avec qui François élabore ses périples, des ministres ; et, tout au fond, les journalistes – qui payent « la classe éco au prix du business » pour le privilège d’être passager sur le jet pontifical.

Scandales et rumeurs

Les dernières pages du livre dressent un portait édifiant des coulisses de « la Machine », la misogynie ordinaire qui y règne, les ragots sur l’homosexualité supposée de tel ou tel prélat (sans compter celle, assez banalement répandue, du bas- clergé)… Mais surtout, les scandales financiers qui émaillent le fonctionnement de cette bureaucratie opaque gérant ce palais où  « il y a de l’or partout mais de l’argent nulle part », comme il se dit du Quai d’Orsay. L’Etat pontifical croulant sous l’immobilier, la Banque du Vatican est le terreau de tous les fantasmes, mais aussi de banqueroutes bien réelles comme celle qui fit perdre 250 millions de dollars à la Cité léonine dans une affaire noyautée par la mafia et provoqua le meurtre, déguisé en suicide, de Roberto Calvi, celui qu’on surnommait « le banquier de Dieu ». Quarante ans plus tard, une escroquerie sur une opération immobilière, à Londres, remet le Vatican dans le prétoire. C’est aussi à l’IOR (La banque du Vatican) que « les évêques les plus menacés au monde abritent le compte en banque de leurs Eglises, évitant ainsi la confiscation de leur argent par les pouvoirs autoritaires ». Opacité rime avec sécurité.

François décide de nettoyer les écuries d’Augias ; mal lui en prend. En 2014, il appelle au Vatican le cardinal australien Georges Pell, 71 ans. Accusé d’agressions sexuelles sur deux de ses enfants de chœur, Pell est incarcéré deux ans durant, mais relaxé en appel. Persona non grata en Australie, le prélat demande asile au Saint-Siège. Mais François va bientôt trouver en lui son pire ennemi. « Signées par un mystérieux et anonyme ‘’Demos’’, « un texte impitoyable » […] très sévère critique du pontificat en cours, a commencé à circuler dans la petite bulle vaticane ». Pell trépasse à peu de temps de là, le 13 janvier 2023. Le camp conservateur est-il en train de se structurer ? Quelques mois plus tard, un rassemblement de hauts responsables catholiques est organisé en toute discrétion… à Prague ! Ce « synode », descendu à l’hôtel Le Mozart, serait s’il faut en croire Besmond de Senneville, financé «  par un important think thank conservateur américain », l’Action Institute, « association texane particulièrement attachée aux thèmes familiaux »…  Séminaire sans publicité cela va sans dire, mais si « la guerre se mène dans les alcôves », l’élection de Léon XIV, premier pape américain de l’Histoire, le 8 mai dernier (supposé le pontife de la réconciliation dixit les médias spécialisés), n’aurait-il pas quelque chose à voir avec ce week-end sur les rives de la Vltava ?…

À cette supputation le livre n’apporte aucun élément de réponse, – et pour cause : ni Loup Besmond de Senneville, ni son éditeur ne pouvaient évidemment anticiper le décès soudain de François, le 8 mai dernier : Vatican secret sortait la veille même en librairie, le 7 – pas de chance ! Les voies du Seigneur étant impénétrables, cette plongée dans les entrailles du Saint-Siège nous cèle donc tout de l’après-François, et a fortiori du pontife yankee Léon XIV. Toutefois, la divine Providence ne nous privera pas de lire cette bible savoureusement iconoclaste.       

A lire : Vatican secret, quatre années au cœur du plus petit Etat du monde, de Loup Besmond de Senneville. 234p., Stock, 2025

Bernard Morlino, mémorialiste de sa vie

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L'écrivain et journaliste Bernard Morlino. DR.

Monsieur Nostalgie poursuit ses portraits d’écrivains vivants et précieux durant tout l’été. Aujourd’hui, il nous parle du niçois-montmartrois Bernard Morlino, chantre du beau style sur les pelouses et entre les lignes…


Chez les écrivains qui ont la carte, que l’on respecte dans les cénacles, dont la voix porte, il est proscrit de s’épancher et de s’adonner aux passions populaires. La critique ne vous le pardonnera pas. L’université vous poursuivra de sa hargne. Les éditeurs vous trouveront suspect, voire séditieux. Et les libraires préfèreront toujours les âmes torturées et les auteurs brumeux à la ligne claire et aux jeux de ballon.

Provençal monté à Paris

L’éthéré et le cafardeux sont les nouveaux fléaux d’une littérature sous emprise. Pour exister littérairement, il faut faire sérieux, besogneux, être un révolté de façade et une victime en rémission. S’encanailler, en somme. Être adoubé par des faussaires est la voie royale d’accès aux plateaux de télévision et aux listes d’automne. Les bons sentiments et la culture sportive ne font donc pas bon ménage dans les salons du livre. On vous snobe, on se moque et on vous disqualifie intellectuellement. L’ami Bernard Morlino, Niçois, né l’année de la sortie du coupé Peugeot 203 et esthète de cœur est un vrai dissident qui n’écoute que ses goûts. Il fait confiance à son œil de lecteur. Il ne se laisse pas amadouer par les sirènes des modes et ne s’agenouille pas devant les auteurs autoproclamés stars de leur quartier. Le texte prime toujours sur l’environnement médiatique. Il n’est pas suiviste dans ses choix.

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Il n’a que faire des cellules officielles et des ronds de serviette attribués dans les jurys, il écrit sous le double patronage de l’amour filial et des élans de l’enfance. Il ne médit pas sur sa jeunesse et conserve l’innocence salutaire du provençal monté à Paris. Ce fin observateur des mœurs littéraires fait le grand écart permanent ; il aime les moralistes racés, les footballeurs vénéneux, les pilotes possédés, les chanteuses de variété et les érudits intransigeants. Il ne joue pas « perso ». Nous sommes tellement habitués aux cases que ce pluralisme de plume détonne dans les journaux asphyxiés de conventions. Bernard Morlino est expert dans des domaines tellement variés que l’intelligentsia ne comprendrait rien à cet esprit large qui accueille tous les talents dans son vestiaire. Pour faire partie de son équipe et pénétrer dans son auberge espagnole, seul le toucher compte, seul la vista prime. L’adresse à déborder les défenses passives, la mitraille sémantique pour enivrer une chronique paresseuse, le coup de volant pour enchaîner les virages à Monaco, le cannibalisme jouissif de Merckx dans l’Aubisque, toutes ces choses qui paraissent dérisoires aux « sachants » et qui sont pourtant le sel de la vie. Morlino est l’un des derniers journalistes-écrivains de Paris à ne pas cloisonner son monde intérieur, il peut vous parler avec la même fougue d’Emmanuel Berl et du Racing Club de France, de Dalida et de Morand, d’Ayrton Senna et de Louis Nucera, des concierges et de Philippe Soupault, des facteurs et de Manchester.

Pas sectaire

Ses passions ne sont pas confinées à l’entre-soi. Selon moi, il répond à la définition de l’élitisme qui est de reconnaître le charme, la sauvagerie, l’élégance et le rythme aussi bien dans une Coupe Gambardella que dans les cahiers de la nrf. Bernard Morlino est aujourd’hui connu chez des gens qui ne l’ont jamais lu, ses interventions d’avant ou d’après match en ont fait une personnalité appréciée des téléspectateurs et des auditeurs. Il est capable de s’enflammer sur une action d’un attaquant et d’apprécier la prose nerveuse d’un jeune écrivain. Il n’est pas sectaire. Il est surtout l’auteur d’un livre mémorable, gloire à son père Marcel, l’épicier-vedette de Nice. Dans Champion de sa rue paru au Castor Astral, il y a une vingtaine d’années, il racontait avec la justesse des enfants tristes et une introspection éclairante, l’éclat de ce père disparu. « Je préfère être un bon fils et un mauvais écrivain » écrivait-il, dès la première page.

Une manière pudique et mensongère d’évoquer ce père, car Bernard Morlino est la preuve que l’on peut être en même temps, un bon écrivain et un bon fils. Ce texte bat en brèche les idées reçues. Champion de sa rue n’est pas un livre de souvenirs, c’est une stèle à un père, à tous les pères.

Champion de sa rue

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Humour noir

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© Mika Cotellon/Gaumont

En tentant d’expliquer que le racisme antiblanc n’existe pas, Jean-Pascal Zadi s’embrouille


Jean-Pascal Zadi est un cinéaste au talent indéniable. Dans sa comédie Tout simplement noir, sortie en 2020, il jette un regard très juste et très caustique sur les antiracistes professionnels qui prospèrent dans la grande famille du show-business. Et mérite amplement le César du meilleur espoir masculin que son rôle de disciple français du mouvement Black Lives Matter lui a valu (car il joue aussi dans ses films), doublé d’un statut de chouchou des médias bobo, particulièrement apprécié pour son aptitude peu conventionnelle à dénoncer tous les travers de la société, même ceux que la gauche ne veut pas voir. Autant dire que l’on ne s’attendait pas à ce qu’il dise de si grosses bêtises sur France Info, le 27 juin, lors d’une interview promotionnelle pour son nouveau long métrage, Le Grand Déplacement. Questionné sur le racisme anti-Blancs, Zadi s’exclame : « C’est une hérésie ! » Comprenez : le racisme anti-Blancs n’existe pas. À l’en croire, quand des Blancs se font insulter ou agresser à raison de leur couleur de peau, il s’agit seulement d’« hostilités inhérentes à l’être humain », pas de racisme, phénomène qui, selon lui, n’est avéré qu’à condition de procéder d’un « système ». Aussi convaincant que Claudine Gay, l’ex-présidente de l’université Harvard, dissertant sur le « contexte » de l’antisémitisme devant le Congrès américain, Zadi se lance alors dans une démonstration fumeuse, selon laquelle il est impossible qu’un Blanc soit victime de racisme, puisque « les Noirs, les Arabes et les Asiatiques » rencontrent « dans la société occidentale » davantage de « freins » pour « avoir un boulot, rentrer dans une boîte de nuit, avoir un appartement ». A-t-il conscience du comique de son argument ? Qu’à ce compte-là il nous donne l’autorisation, sans risquer l’accusation de racisme, de nous moquer publiquement de la carnation d’un Noir privilégié, par exemple un président africain, qui dans son pays ne rencontre systémiquement aucune difficulté à se loger, à exercer une éminente profession ou à aller danser en discothèque ? Quand un raisonnement… tout simplement foire.

Yvonne se distingue

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Légende : Olivier Damiens devant ses œuvres- Photo Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


« L’accro-art 2025 de la librairie du Labyrinthe, dimanche 29 juin dans les hortillonnages. Venez rencontrer des artistes et leurs œuvres. Venez, vous aussi, y accrocher vos peintures, gravures, photos, sculptures, installations, dessins. Venez passer un bel après-midi au jardin. Venez aussi pique-niquer (auberge espagnole) ou ne rien faire. » L’affiche donnait envie. Artiste dans l’âme (peintre, illustratrice, comédienne), ma Sauvageonne ne résista point à cet appel. « Et si j’allais y exposer quelques toiles, tu viendrais avec moi, vieux Yak ? » me demanda-t-elle équipée de son sourire irrésistible. Je lui répondis un oui plus franc, plus massif qu’un infarctus du myocarde.

Ainsi, nous partîmes de bon matin en calèche tirée par Yvonne, notre douce et fidèle jument noire. Il faisait déjà chaud, très chaud. Yvonne, qui n’est plus toute jeune, peinait dans les montées ; elle hennit de bonheur lorsque nous empruntâmes le plat chemin de hallages qui caresse le fleuve Somme. Arrivés à bon port, ma Sauvageonne déballa ses jolies toiles et les accrocha à des manières de longues baguettes de bambou tandis que je discutais avec quelques artistes et copains de ma connaissance, dont Philippe Leleux, le libraire-organisateur, l’illustrateur Gauthier Desbureaux et le photographe Jean-Charles Delépine. (Sur une photographie de ce dernier, je reconnus mon ami Clément Foucard, photographe lui aussi, capté au cours d’une manifestation.) Rapidement d’autres créateurs arrivèrent et se mirent, eux aussi, à accrocher leurs œuvres. Puis ce fut le public, nombreux, souvent familial. Je me joignis aux visiteurs et pris beaucoup de plaisir à contempler toiles, photographies, illustrations, collages, etc. Citer tous les artistes et leurs œuvres serait impossible.

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Je me souviens en tout cas avoir pris beaucoup de plaisir devant celles de ma Sauvageonne (comment eût-il eu pu en être autrement ? Ce sont les yeux de l’amour qui les contemplaient), de Gauthier Desbureaux, de JuLeng, Guy Louis-Thérèse (des dessins proches de l’art afro-carabéen), de Marie-Noëlle Mathis, d’Olivier Damiens (et ses créations singulières et d’une indéniable originalité), et devant bien d’autres. La journée s’étirait comme un chartreux sous les rayons de Turquie. Il faisait de plus en plus chaud. Yvonne, elle, trottinait entre les toiles, profitant de la verdure, des frondaisons et de l’eau des rieux, nombreux dans nos magnifiques hortillonnages. Je la laissais faire, confiant, trop confiant. Mal m’en prit ! Son précédent maître, le baron Heloy de Lacoche, mon oncle qui m’en avait fait don, m’avait pourtant prévenu : « Fais tout de même attention, mon neveu ! Yvonne est un peu dipsomane ; elle adore la bière… » Je m’en rendis compte à la fin de l’accro-art ; je la retrouvais, au bord d’un étang, saoule comme une grive, quasi inconsciente. La honte ! Elle avait échappé à ma vigilance, dégotté une source de Pelforth blonde et s’était abreuvée jusqu’à plus soif.

Résultat : la Sauvageonne et moi dûmes l’installer à l’arrière de la calèche et ce fut moi, pauvre bougre mais doté d’une force herculéenne, qui dut tirer notre fiacre jusqu’à notre manoir amiénois. Courageux comme un Poilu de la Somme, la Sauvageonne n’eût même pas besoin de me fouetter pour que j’avançasse. La vie, parfois, nous réserve de bien étranges surprises.

À la recherche de l’esprit français

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© Causeur

Peut-être vous demandez-vous quelle mouche nous a piqués pour consacrer notre dossier d’été à une notion aussi évanescente et fort éloignée, semble-t-il, des préoccupations immédiates de nos contemporains – même si beaucoup ressentent douloureusement une absence qu’ils ne savent plus nommer.

Cette mouche, c’est notre ami Jean-Michel Delacomptée. En février, il a publié une somme magistrale justement intitulée Grandeur de l’esprit français (Cherche midi), en dix portraits, d’Ambroise Paré à Saint-Simon en passant par François II, Racine, La Fontaine et Bossuet. « Pour évaluer une société, écrit-il, il faut examiner le sort qu’elle réserve à l’esprit. Cette touche d’aérien, de soyeux, d’ample, de délié. D’aristocratique, finalement, si l’on admet que l’aristocratie représente moins une classe sociale que le goût des discours élevés, des profondeurs subtiles et des formes tenues, à rebours du nivellement faussement démocratique qui les écrase. » Autant dire que notre époque, qui déteste les hiérarchies et pratique l’avachissement de masse, coche toutes les cases du saccage.

Si les artistes et les auteurs interrogés dans nos pages ont chacun leur propre conception de l’esprit français, tous sont d’accord pour déplorer son lent effacement, ne serait-ce que parce qu’il ne peut naître que dans cet incubateur qu’est la langue française, dont Jean-Luc Mélenchon demande qu’elle soit désormais appelée « notre langue créole commune ». Alors que nous n’aimons plus guère les choses de l’esprit et tendons à exécrer tout ce qui est national, l’esprit français s’apparente à un chef-d’œuvre en péril, un de ces biens immatériels dont on découvre le besoin qu’on en avait au moment où ils disparaissent.

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Toutefois, il y a deux façons de s’emparer de cet objet insaisissable, selon qu’on le regarde avec les yeux de la lucidité ou ceux de l’amour.

La première, c’est de considérer l’ensemble des traits de caractère et des comportements qui, au fil des siècles, sont devenus une manière d’être, autrement dit de tout prendre, le pire et le meilleur. On mentionnera alors, à côté d’un esprit frondeur qui a engendré Molière et Astérix, une tendance à la délation, courant de la Terreur au wokisme en passant par la Collaboration, ou encore, les oscillations entre l’amour de la liberté et l’accommodement avec la servitude. Sans parler des passions tristes que sont l’envie, la jalousie et la haine impuissante, qui ont fleuri sur notre obsession de l’égalité. En somme, on admettra que, comme chez n’importe quel peuple, et du reste chez tout être humain, l’esprit français fait cohabiter grandeur et petitesse. Dans ce registre légèrement grinçant, Peggy Sastre l’identifie comme la cohabitation « entre l’élan et la lâcheté, la révolte et la soumission, entre l’admirable et le mesquin ».

Mais on peut aussi définir l’esprit français à partir du roman national, ce grand récit que nous nous faisons de notre histoire. On ne conserve alors que les mille facettes de ce diamant singulier qui attirait autrefois les artistes et qui fait aujourd’hui courir les touristes. Peut-être est-ce parce qu’ils sont doués pour le bonheur que Frédéric Beigbeder, Franck Ferrand et bien d’autres se consolent de la médiocrité des temps présents par les merveilles léguées par le passé, qui ne sont pas seulement des cathédrales et des châteaux mais aussi le goût de la conversation civilisée et l’art de parler aux femmes – et des femmes.

C’est cela que nous avons voulu retenir, cette fête des sens et de l’intelligence que célébrera prochainement le musée du Grand Siècle à Saint-Cloud. Un anti-musée de l’immigration pour ainsi dire, imaginé pour tous ceux qui, dans le monde, vibrent encore au mot « France », évocateur de douceur de vivre et de majesté, de belle ouvrage et, peut-être plus encore, de légèreté. N’oublions jamais ce qu’écrivait Montesquieu, qui s’y connaissait en esprit, il y a très exactement trois siècles : « La gravité est le bouclier des sots. »

Pour avoir ton brevet, révise en écoutant France inter!

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© LODI Franck/SIPA

Propagande et endoctrinement à l’École : la preuve par le Brevet des collèges 2025 ! Le corrigé de l’épreuve de géographie reprend les arguments écologistes diffusés en boucle sur France Inter. En histoire, les élèves ont été priés de ne retenir que les torts imputables à la France dans les exactions de la guerre d’Algérie — mieux que Sébastien Delogu sur la télévision d’État algérienne ! Quant à l’épreuve d’enseignement moral et civique, elle exigeait bien entendu de réciter le catéchisme habituel sur « l’égalité femmes-hommes » et proposait aux plus brillants de composer un discours pour la journée du 8 mars.


L’effondrement de l’Éducation nationale n’est pas le fait du hasard. Il est le fruit de décisions prises de longue date par une oligarchie politico-économico-médiatique dont l’objectif est de transformer en profondeur la société afin qu’elle corresponde à celle que la télévision publique de Mme Ernotte promeut par tous les moyens possibles. Pour ce faire, il est impératif d’empêcher l’émergence de tout esprit critique pouvant remettre en cause ce nouveau monde façonné par et pour cette oligarchie, au détriment de la majorité de la population. Cette caste contrôle la politique, la culture et l’information. Elle méprise les Gueux et concocte depuis cinquante ans des rapports nationaux et européens ne dissimulant rien de son projet mais difficilement accessibles depuis qu’un journalisme paresseux, inculte et aux ordres, se contente d’être la courroie de transmission d’un système qui l’avantage. Le journalisme de l’audiovisuel public et de la presse mainstream est devenu, à l’image de l’Éducation nationale, un outil de propagande au service des puissants de Davos, de l’administration technocratique de l’UE, des organisations supra-nationales, des « élites » qui décident du sort de la population en s’asseyant dessus.

À ceux qui douteraient encore que l’École n’est plus le lieu de la transmission du savoir mais celui de la propagande et de l’endoctrinement, je propose de prendre connaissance des sujets de géographie, d’histoire et d’enseignement moral et civique du Brevet des collèges, série générale, de cette année. C’est édifiant.  

1) Géographie

Il a été demandé aux collégiens « d’analyser et comprendre des documents en géographie ». Les documents en question – un article de journal et une « carte de la vallée de la batterie » – concernent l’implantation d’une « gigafactory », une « usine de fabrication de batteries et de leurs composants » dans la région Hauts de France. Le corrigé de l’épreuve proposé aux enseignants relève tout bonnement de la propagande écologiste : l’élève qui aura su expliquer que la « vallée de la batterie » bénéficie d’une position géographique stratégique, que l’implantation de cette « gigafactory » profitera à toute la région en générant de nombreux emplois, que la voiture électrique est l’avenir et les Hauts de France le nouvel Eldorado d’une industrie « qui va dynamiser la région », a de fortes chances de récolter une excellente note ! On ne voit d’ailleurs pas comment il pourrait en être autrement : depuis plusieurs années, en effet, « l’éducation au développement durable (EDD) fait partie des missions de l’École inscrites dans le Code de l’éducation », est-il écrit sur le site du ministère de l’Éducation nationale. Chaque classe a pour obligation de désigner des éco-délégués qui, « mieux formés, mèneront des projets locaux valorisés par un prix annuel ». Le ministère précise que « cet enseignement vise à développer une conscience écologique et citoyenne chez les élèves, en leur donnant des clés pour comprendre et agir face aux défis environnementaux ». En réalité, cet « enseignement » vise à catéchiser nos jeunes élèves, à leur bourrer le crâne, à les transformer en Gardes verts d’une société dans laquelle toute contradiction apportée à l’écologisme doit être éliminée.

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Si, malgré le travail d’endoctrinement de l’École, le jeune futur citoyen n’a toujours pas compris qu’il est hors de question de remettre en cause le rapport du GIEC, l’idéologie de l’écologie politique et les oukases de l’UE sur la « transition écologique », la radio publique sera là pour le lui rappeler. Le 3 juillet, sur France Inter, Patrick Cohen a profité de son édito politique pour réaffirmer le bien fondé, selon lui, des ZFE, du plan ZAN (Zéro artificialisation nette), de la fin des moteurs thermiques en 2035 et du développement de l’éolien et du photovoltaïque, et pour reprocher à Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Julien Aubert d’avoir écrit, dans Le Figaro, une tribune intitulée Rebâtir un parc nucléaire et stopper le financement des renouvelables. D’après M. Cohen, les auteurs de cette tribune auraient subi « la pression politique et médiatique du RN et de ses soutiens », parmi lesquels il compte « les chaînes Bolloré ». M. Cohen fait partie de cette « bourgeoisie urbaine qui se sert de l’écologie pour protéger ses interêts » décrite par Christophe Guilluy. Éminents représentants de la caste médiatique écolo-woke, chantres de la liberté d’expression dès lors qu’elle correspond à leur ligne de pensée et est sévèrement encadrée par l’Arcom, les journalistes de la radio publique apprécient que l’École, loin de former des esprits capables de critiquer un système qui leur convient parfaitement, façonne les futurs auditeurs d’un média qui ne cache plus son mépris pour les Gueux. Le lendemain 4 juillet, sur la même radio, à 6h45, la journaliste Célia Guilleret fustigera, lors de sa chronique “Planète verte”, la tribune de Bruno Retailleau en reprenant à son compte les déclarations du… syndicat des énergies renouvelables disant son « ras le bol de voir sa filière diabolisée presque tous les jours par le RN et maintenant par les Républicains ». Le même jour, sur la même radio, Pascal Canfin, eurodéputé Renew, ex-EELV, ancien directeur de WWF France, fossoyeur en chef de notre industrie et de notre agriculture, sera l’invité de Marion Lhour et dénoncera « la contre-offensive anti-écologique » qui, selon lui, forme une « base idéologique qui est le trumpisme européen – et qui est celle des médias Bolloré, celle de CNews, etc. » Cette matinale a été l’exemple parfait de ce que la directrice et les journalistes de Radio France entendent par « pluralisme »…      

Rien n’est laissé au hasard. L’Éducation aux médias et à l’information inculquée maintenant à nos enfants dès… la maternelle, n’a pas pour but « d’accompagner les élèves pour les aider à se repérer dans les méandres de l’information », comme le soutient le dossier pédagogique 2025 de cette nouvelle discipline, mais plutôt de les préparer à accueillir comme une parole divine les informations issues de l’AFP, de l’audiovisuel public, des médias prêts à tout pour continuer de percevoir les subventions publiques octroyées par le pouvoir en place, des fact-checkers officiels du pouvoir – ceux du Monde, de Libération et de Conspiracy Watch et de les détourner des médias alternatifs, bollorisés ou indépendants qui, au grand dam de l’oligarchie politico-médiatique, sont de plus en plus suivis par les Gueux. Confrontés à la triste et dure réalité de leur pays fracassé, ces derniers ne supportent plus l’arrogance d’une caste qui les méprise. Le système en place espère pouvoir assujettir leurs enfants à une nouvelle religion préconisant le partage inéquitable et une charité bien ordonnée qui commence par lui-même. L’Éducation nationale et les médias sont les lieux d’apprentissage de ce nouveau culte.

2) Histoire

« Le monde depuis 1945. Dans un développement construit d’une vingtaine de lignes, expliquez l’accès à l’indépendance d’une colonie de votre choix. Vous préciserez les principaux acteurs, les étapes et les conséquences. » Le choix du sujet, on l’aura compris, n’est pas neutre. Le corrigé de l’épreuve ne l’est pas plus ; il ne laisse planer aucun doute sur les sous-entendus, le présupposé étant que les collégiens auront choisi « la guerre d’Algérie, cas le plus souvent étudié en classe ». M. Tebboune est aux anges et l’élève Delogu, cancre parmi les cancres, opine du chef à sa lecture : « Dès 1954, le Front de libération nationale (FLN) lance une insurrection armée lors de la “Toussaint rouge” le 1er novembre. […] Entre 1956 et 1959, la guerre s’intensifie : l’armée obtient les “pouvoirs spéciaux” et mène une lutte brutale, notamment lors de la bataille d’Alger où elle utilise la torture. […] Le Général de Gaulle évolue progressivement vers l’idée d’une autodétermination du peuple algérien. Cette décision déclenche l’opposition des partisans de “l’Algérie française” dont certains, regroupés dans l’OAS, ont recours au terrorisme. L’OAS mène des attentats en Algérie et en France. La répression touche aussi les Algériens de métropole, comme lors de la manifestation du 17 octobre 1961, au cours de laquelle près de 200 personnes sont tuées à Paris. » Sont ensuite rapidement évoqués les accords d’Évian de 1962, le départ des pieds-noirs, le fait que « contrairement à l’Inde, l’Algérie dut arracher son émancipation par la force ».

Une correction du corrigé s’impose. Le jour de la « Toussaint rouge », 70 attentats du FLN ont lieu en Algérie – des mouvements nationalistes, comme le Mouvement national algérien (MNA) et le Parti communiste algérien, dénonceront ces exactions. Au contraire de ce que laisse entendre le corrigé officiel, les actes de terrorisme n’ont pas été l’apanage de l’OAS. Le FLN s’est particulièrement distingué dans cet exercice de terreur. On se souviendra, entre autres, des massacres d’août 1955, dans le Constantinois, qui virent la mort de 171 civils européens et de 10 000 musulmans trop « modérés », ou du massacre d’Oran, le 5 juillet 1962 – trois mois après la signature des accords d’Évian – où plus de trois cents civils européens furent tués par l’Armée de libération nationale, le bras armé du FLN. Sur le territoire français, le FLN fit tuer environ 6000 Algériens opposés à sa ligne et commit près de 10 000 attentats entre 1956 et 1961. En ce qui concerne la torture, les sbires du FLN l’ont pratiquée avec encore plus d’entrain que l’armée française, aussi bien sur les pieds-noirs que sur les harkis et les musulmans « modérés », pendant la guerre et après l’indépendance[1]. Quant à la manifestation du 17 octobre 1961, un peu de contexte n’aurait pas nui : en 1961, la tension est à son comble et le FLN veut contrôler la communauté algérienne vivant en France. Depuis le début du conflit, des opposants algériens refusant de payer « l’impôt révolutionnaire », des gendarmes et des policiers français sont régulièrement assassinés par le FLN sur le sol français – 22 policiers ont ainsi été tués de janvier à octobre 1961. Le 5 octobre 1961, un couvre-feu est imposé aux Algériens par les autorités. Le but : empêcher les réunions clandestines et l’acheminement des armes vers les nombreuses planques du FLN. La police parvient à démanteler les réseaux du FLN qui décide alors d’organiser une manifestation devant converger vers la place de la Concorde et l’Élysée : entre 20 000 et 30 000 Algériens – certains venus sous la contrainte, de peur des représailles en cas de refus – sont encadrés par le FLN. Le chiffre de 200 morts repris dans le corrigé de l’épreuve est celui d’un mythe entretenu par le gouvernement algérien et les partis de gauche et d’extrême gauche français, en particulier le Parti communiste. L’historien Jean-Paul Brunet, auteur d’un livre de référence sur cet événement[2], déclare au journaliste Guillaume Perrault, dans Le Figaro du 17 octobre 2016 : « J’évalue les victimes à 14 certaines, 4 probables, 8 vraisemblables et 6 possibles, soit un total de 32 si l’on retient l’estimation haute. » À la question : « Le chiffre de plusieurs centaines de victimes, souvent avancé, serait donc sans fondement ? », il répond : « On n’arrive à ce chiffre fantaisiste qu’en attribuant à la police des meurtres d’Algériens perpétrés par le FLN qui cherchait à raffermir son contrôle sur les Algériens en métropole. Le FLN tuait des Algériens qui refusaient de rejoindre ses rangs, de payer leurs “cotisations” ou d’observer les préceptes coraniques. » Nous voilà fort éloigné du « massacre des Algériens » par la police française propagé par la presse, ou des affirmations d’Omar Boudaoud, un des responsables de la manifestation, sur « les pendaisons dans le bois de Vincennes et une Seine remplie de cadavres », affirmations qui seront reprises sans aucun recul par Benjamin Stora dans un entretien donné au Nouvel Observateur en janvier 2003. La France, qui compte sur son sol plusieurs millions d’individus algériens ou d’origine algérienne, se soumet à l’histoire officielle du pouvoir algérien et de la gauche française dans l’espoir de canaliser et d’amadouer sa « rue arabe ». La compromission, jusqu’au plus haut sommet de l’État, est totale. Des représentants communautaristes en profitent pour importer en France une lecture historique échafaudée par le pouvoir algérien et pour glorifier des militants du FLN qui, s’ils méritent possiblement la reconnaissance de l’Algérie, ont été des ennemis de notre pays. Quelques jours après les examens du Brevet, le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, et le maire de Bobigny, Abdel Sadi, ont rebaptisé la maison du Parc de la Bergère de cette commune du nom de la Franco-algérienne Danièle Djamila Amrane-Minne, une poseuse de bombes du FLN qui participa à plusieurs attentats dans des lieux publics d’Alger. Ils ont choisi la date du 5 juillet afin de « célébrer l’anniversaire de l’indépendance de l’Algérie ». Ils n’ont bien sûr pas dit un mot sur le journaliste sportif Christophe Gleizes et l’écrivain Boualem Sansal, injustement emprisonnées dans les geôles algériennes. Le lendemain, l’actrice Camélia Jordana a rendu hommage, sur le média Liik, à son grand-père, un des hauts responsables du FLN pendant la guerre d’Algérie. « C’est la classe quand tu es d’origine algérienne », déclare-t-elle. En revanche, être Française ne semble pas devoir déclencher chez cette artiste choyée par le monde dit de la culture et par les médias un enthousiasme particulier, bien au contraire…

3) Enseignement moral et civique.

Là encore, le sujet n’a pas été choisi au hasard : « Situation pratique : Égalité femmes – hommes. »  Document 1 : une affiche de « la campagne en faveur de l’égalité filles – garçons » mettant en avant la mathématicienne Ada Lovelace et affirmant que « seulement 11 % des étudiants en école d’informatique sont des femmes ». Document 2 : l’article 1er de la Constitution de le Ve République. Questions (l’administration scolaire appelle questions des exercices d’endoctrinement) : « Identifiez l’inégalité mise en avant par cette affiche. » – « Expliquez l’intérêt de recourir à cette figure (celle d’Ada Lovelace) pour corriger une inégalité. » – « Vous devez rédiger un discours à l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Vous montrez (sic) que les inégalités femmes-hommes, contraires aux valeurs de la République, existent encore et vous présentez (sic) deux idées concrètes pour sensibiliser les élèves de votre collège à ce problème. » Cette épreuve tombe à point nommé : elle coïncide avec le lancement du plan Filles et Maths décidé par Mme Borne, ministre de l’Éducation nationale, et censé améliorer le pourcentage de femmes dans « les métiers d’ingénieurs et du numérique ». En revanche, comme l’a souligné récemment Jean-Paul Brighelli dans ces colonnes, il n’est pas prévu de plan Garçons et Lettres – ni, me permets-je d’ajouter, de « plan de formation des enseignants à la prévention des biais de genre et des stéréotypes » ayant conduit à une sur-représentation des femmes dans un grand nombre de « professions valorisantes ».

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Quelques chiffres étaieront cet état de fait inégalitaire : 57 % des jeunes femmes sont aujourd’hui diplômées de l’enseignement supérieur contre à peine 47 % des jeunes hommes. Les femmes de moins de 30 ans n’occupent plus que 38 % des emplois d’ouvriers non qualifiés (vs 60 % pour les femmes de plus de 50 ans), 16 % des métiers d’agriculteurs, d’éleveurs ou de bûcherons (vs 36 % pour les femmes de plus de 50 ans), 18 % des métiers de bouchers, de charcutiers ou de boulangers (vs 32 % pour les femmes de plus de 50 ans)[3]. Les professions médicales sont aujourd’hui majoritairement féminines – 67 % des étudiants en médecine, odontologie et pharmacie sont des… étudiantes. Idem pour les professions juridiques  – 74 % des étudiants inscrits en première année de droit sont des… étudiantes ; 69 % des magistrats sont des… magistrates. Les cadres des services administratifs, comptables et financiers et les cadres de la fonction publique sont majoritairement des femmes – respectivement 53 % et 59 %. Le monde ouvrier, en particulier dans le bâtiment, la manutention industrielle, l’automobile, la conduite d’engins de chantier ou de poids lourds, etc., reste, lui, très majoritairement masculin. Ces chiffres, qui montrent une nette tendance à la disparition de la gent masculine dans de plus en plus d’emplois supérieurs qualifiés, et donc une inégalité flagrante en faveur des femmes, ne contredisent-ils pas certaines « valeurs de la République », dont une, lafameuse parité, semble devoir surpasser toutes les autres mais est régulièrement mise en défaut ? « Les jeunes hommes, interroge l’historien Pierre Vermeren, sont-ils de trop dans la société française ?[4] »  La question mérite d’être posée : « la réussite scolaire et universitaire des filles, qui, à situation comparable, surclassent partout les garçons, sauf en sciences (seul ce second sujet n’est pas tabou), la déliquescence de leurs domaines professionnels traditionnels, l’artisanat, l’industrie, l’agriculture et la chose militaire, et, plus généralement, l’abandon des activités productives, transférées à l’étranger, au profit des services qui sont plus propices aux femmes », écrit Pierre Vermeren, contribuent à un véritable phénomène de masse : la perte de confiance, d’estime, de motivation de millions de jeunes hommes qui se réfugient de plus en plus dans la drogue, l’alcool, les jeux en réseau, la pornographie. Cette dernière se substitue à la fréquentation des jeunes femmes ; le célibat progresse, encouragé par une écologie radicale qui dénonce la « masculinité toxique et le patriarcat » et admoneste les couples qui font des enfants.

Cerise sur le gâteau

Savez-vous quel est l’auteur sur lequel ont dû bûcher nos collégiens durant l’épreuve de français du même Brevet ? Je vous le donne en mille : Simone de Beauvoir ! Le texte choisi, extrait de La Force de l’âge, est censé mettre en valeur la ville dans laquelle cette intellectuelle stalinienne, maoïste, castriste, réputée cependant pour ses écrits « féministes » mais également pour ses propos acerbes sur ses compatriotes durant et après la guerre d’Algérie – « Ces gens dans les rues, consentants ou étourdis, c’étaient des bourreaux d’Arabes : tous coupables. »[5]  – débarque pour occuper son premier poste de professeur : Marseille – « la plus grande ville algérienne de France », dixit son maire actuel, l’inénarrable Benoît Payan. Quand je vous dis que rien n’est laissé au hasard…  


[1] L’historien Jean-Jacques Jordi a pu consulter, pendant quatre ans, des archives inédites de la guerre d’Algérie. Il en a tiré un livre, Un silence d’État : Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie (2011), une étude sur les exactions commises durant et après la guerre d’Algérie et, plus particulièrement, sur le rôle du FLN dans la disparition de milliers de civils européens. Certains passages font froid dans le dos : « Un rapport parle de la découverte des corps de “40 Européens séquestrés, jouant le rôle de donneurs de sang pour les combattants du FLN”. Le 21 avril 1962, des gendarmes d’Oran découvrent “quatre Européens entièrement dévêtus, la peau collée aux os et complètement vidés de leur sang. Ces personnes n’ont pas été égorgées, mais vidées de leur sang de manière chirurgicale”. Cette collecte de sang se déroule parfois avec la complicité de “médecins français” acquis à l’indépendance. Aucun ne sera inquiété après leur retour en France. »

[2] Jean-Paul Brunet, Police contre FLN, le drame d’octobre 1961, 1999, Éditions Flammarion.

[3] Source Insee. Rapport de 2016 montrant que « les plus fortes augmentations du taux de féminisation concernent des métiers qualifiés ».

[4] Pierre Vermeren, “Les jeunes hommes sont-ils en trop dans la société française”, Le Figaro, 17 décembre 2021.

[5] Simone de Beauvoir, La Force des choses, Folio Gallimard.

Bleu comme la nuit

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L'écrivain français Frédéric H. Fajardie, 1998 © ANDERSEN ULF/SIPA

Les cartes postales de l’été de Pascal Louvrier (2)


En fouillant dans la boite aux livres sur la place du village, face au cinéma, j’ai trouvé un livre de Frédéric H. Fajardie, Bleu de méthylène. Des jeunes gens, vingt-ans guère plus, anciens élèves chahuteurs, souvent sadiques avec leur prof d’histoire-géo, ont un point commun : on retrouve leur tête dans une décharge publique, soigneusement découpée par une tronçonneuse électrique. On dirait un roman noir écrit par Bret Easton Ellis. Mais non, c’est un écrivain bien français, « le dernier des bolchéviques » comme il se définissait lui-même, né à Paris le 28 août 1947, dans le quartier de Tolbiac, propice aux sombres intrigues policières, et mort dans la même ville le jeudi 1 mai à l’âge de soixante ans – âge indiqué dans ce roman noir écrit en 1982. Mourir le jour de la fête du Travail pour un homme de gauche, c’est vraiment aller au bout de ses idées.

Héritier de la gauche prolétarienne

C’était un type de gauche, oui, mais pas la gauche Mitterrand, version Vichy. Pas la gauche « caviar », comme Serge July, BHL, André Glucksmann, ou encore Kouchner. À propos du bon docteur, l’écrivain déclara : « C’est le mec qui va amarrer sa jonque à Deauville ». Non, c’est un héritier de la gauche prolétarienne. On peut même dire que c’est un révolutionnaire, fils de libraire, qui n’a rien à perdre puisqu’il ne possède rien. Bon, après, ça se complique, car il achète un appartement, une maison de campagne, une grosse bagnole. C’est le basculement, les choses vous possèdent alors qu’on croyait les posséder. Classique. Frédéric H. Fajardie, nom de plume de Ronald Moreau, révère Céline et ne déteste pas Drieu la Rochelle. Il semble attirer par les corps démembrés, les aubes sales sur la Butte-aux-Cailles, il vacille pour un parfum de femme, fume et picole trop pour oublier l’inoubliable, l’enfance. Il a obtenu son bac à 25 ans, a passé plusieurs licences, la rage au ventre, pour en remontrer aux fils de bourgeois. C’est un revanchard, mais uniquement pour alimenter sa prose noire et rester fidèle à son idéal rouge. C’est un Julien Sorel qui donne dans le social, parce qu’il sait que la classe dominante vend son âme à celui qui protège son compte en banque. Fajardie a des valeurs : celles qui font que l’homme peut se regarder dans la glace : honneur, fidélité, courage. Il lutte, même si cette lutte est perdue d’avance, contre le triomphe de la marchandise. Il est hanté par la guerre d’Espagne qu’il revisite dans ses romans sans espoir. Il sait que ça s’est joué sur cette terre qui n’aime pas les tièdes. Tiens voilà que je parle de lui au présent. Je le trouve sympa en plus avec sa tête au nez trop long et ses lunettes cerclées de fonctionnaire de mairie qu’on croit collabo et qui file de faux papiers aux Juifs. Il loue le fracas des armes quand il s’agit de défendre une esthétique de la révolte. Il est émouvant quand il se damne pour une phrase qui exprime l’indicible. Exemple, première page de Bleu de méthylène : « Il songea qu’il lui avait fallu presque une année pour définir l’odeur de l’herbe coupée : un parfum sucré de pain d’épice et de miel. »

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Paris perdu

C’est en juin que débute l’enquête, en pleine canicule qui « s’était abattue sur la ville comme une main sur un moustique ». La tête découverte et c’est le commissaire principal Inckel, trente-quatre ans, qui est chargé de l’affaire. Un drôle de type, avec une sale histoire de cœur dont il ne parvient pas à s’affranchir. Il cite Homère et porte un calibre 38. Il est entouré de plusieurs inspecteurs, le plus curieux étant Gourmond qui arrose une plante en plastique. Parfois, le Gourmond, il se laisse aller à une confidence : « Je suis de Lisieux. C’est très triste Lisieux. Quand on était gamins, le dimanche, on regardait passer les voitures. On habitait route de Paris, alors on se mettait à la fenêtre. Tout le dimanche à la fenêtre… » Démoralisant.

Fajardie nous entraîne dans un Paris qui n’existe plus. La gentrification a tout rasé, les bistrots avec les œufs durs au zinc, la solidarité, les petites gens. La Suze cassis a vécu, comme le filet de sole pomme vapeur, ou la platine sur laquelle on pose un vinyle, ou encore les vieux pupitres à encriers et tableaux noirs. L’école, voilà le lieu stratégique de l’affaire. On sait très vite que c’est le prof d’histoire-géo malmené qui se venge des humiliations de ses anciens élèves. C’est un malade, sûr de lui, en survêtement bleu roi à bandes blanches. Mais il va falloir le coincer car il est malin. Les rebondissements sordides ne manquent pas. Et puis, il y a la figure féminine incarnée par Olivia Licarie, l’élève préférée du prof timbré, avec de beaux yeux gris illuminant un visage qui ressemble à celui de Monica Vitti. Des personnages paumés, écrasés de soleil « mettant en relief toute la crasse qui recouvre cette grande ville pourrie comme un manteau composé de poussière, de détritus et de crachats », rachetés peut-être par la littérature.

Frédéric H. Fajardie, Bleu de méthylène, Folio. 176 pages

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Podcast: Bertrand Deckers et la princesse Kate; Aurore Bergé et la haine en ligne; Macron et Starmer dansent le tango

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La princesse Kate et le président Macron, lors du banquet au château de Windsor, le 8 juillet 2025. Yui Mok/WPA Pool/Shutterstock/SIPA

Notre dernier podcast avant l’été. Avec Bertrand Deckers, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Bertrand Deckers nous parle de son nouveau livre consacré à la princesse de Galles, Kate. Qu’est-ce qui se cache derrière cette façade parfaite? Il y a d’abord une mère arriviste qui a travaillé comme quatre au service de l’ascension sociale de sa famille et en particulier de sa fille aînée. On peut dire qu’elle a bien réussi ! Ensuite, Kate elle-même a fait de nombreux sacrifices – peut-être même celui de sa propre santé – afin d’incarner la princesse parfaite. À beaucoup d’égards, elle est la fille spirituelle d’Elizabeth II, partageant avec la reine adulée le sens du devoir et de la retenue. C’est ainsi que, si la famille royale est l’arme secrète de la diplomatie britannique, Kate, par son charme, son assurance et son élégance, est devenue l’arme secrète de la famille royale. On a pu le constater lors de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Royaume Uni.

De retour en France, Martin Pimentel nous parle de la dernière fausse bonne idée de notre sous-ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Mercredi, Aurore Bergé a annoncé la mise en place d’une coalition pour lutter contre les contenus haineux sur Internet. Une dizaine d’associations seront chargées de faciliter les remontées des contenus qu’elles jugent problématiques auprès de l’Arcom. Cela a tout l’air d’un magnifique bureau des dénonciations !

A lire aussi: Naissances: rien ne va plus…

Après trois jours de visite d’État au Royaume Uni, où il a bu du champagne avec le roi Charles, échangé des amabilités avec le prince William, et négocié dur avec le Premier ministre, sir Keir Starmer, quel est le bilan d’Emmanuel Macron? D’abord, il a pu annoncer le renforcement de la coopération militaire entre la France et l’Albion autrefois perfide, notamment dans le domaine des armes nucléaires. Il s’agit de construire un parapluie nucléaire pour l’Europe afin que cette dernière puisse affirmer une certaine autonomie et se montrer moins dépendante de l’oncle Sam. Du côté de la Manche, le président français a convaincu les Britanniques qu’ils doivent faire beaucoup plus pour réguler le marché du travail outre-Manche et empêcher les migrants clandestins d’accéder à des petits boulots de livreur de repas. La possibilité de trouver un travail est un élément qui attire les migrants et contribue au modèle économique des gangs de trafiquants. Enfin, la France est d’accord pour accepter que certains clandestins soient expulsés vers l’Hexagone si le Royaume Uni accepte en échange le même nombre de migrants actuellement en France mais ayant une bonne raison de demander asile chez les Britanniques. Le nombre de migrants échangés risque d’être négligeable comparé au nombre de ceux qui traversent la Manche tous les jours. Et le programme doit être approuvé par l’UE, ce qui est peu probable.

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Heureux comme Dieu en France

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Le psychanalyste Jean-Pierre Winter © Hannah Assouline

Causeur consacre un grand dossier à l’esprit français dans son nouveau numéro. Voici une contribution de Jean-Pierre Winter.


Mon père, issu d’une nombreuse famille de Juifs hongrois, dont la totalité avait été exterminée par les nazis, en réchappa, puis fut fait prisonnier par les soviétiques venus « libérer » la Hongrie. Détenu dans un camp quelque part en Union Soviétique, il s’échappa, revint dans sa Transylvanie natale, récupéra dans l’appartement ou la maison de ses parents un objet et traversa l’Europe à pied, entièrement démuni, sauf de cet objet, pour arriver enfin, en passant par l’Allemagne, en France. Pourquoi en France ? D’où procédait cette fixation sur la France, sinon de cette idée que bien des Juifs d’Europe centrale, à partir du XIXe siècle tenaient pour une certitude : Heureux comme Dieu en France.

Y croyait-il ? En tout cas suffisamment pour traverser toute l’Europe avec cet objet lourd, venir s’y installer sans en parler la langue, lui-même parlant une langue sans racines connues, le hongrois, à ses risques et périls, mais convaincu qu’il n’y avait pour lui, comme pour d’autres Juifs de son époque, nul autre lieu où se rendre.

Ma mère, Juive hongroise ayant échappé aussi aux persécutions mais venue s’installer toute petite en France pendant l’entre-deux guerres, y était-elle venue pour les mêmes raisons, Heureux comme Dieu en France ?

Cet adage provient probablement du fait que seule la France avait émancipé collectivement les Juifs, aux XVIIIe et XIXe siècles. Mais était-ce si vrai ? En ce qui me concerne, issu de la deuxième génération, né en France, mais porteur d’un passeport de réfugié sur lequel il était écrit « tous pays, sauf la Hongrie », je me suis coulé dans la langue française comme si elle avait été ma langue maternelle de toute éternité. L’esprit français pour moi, et pour beaucoup d’autres, c’était, et c’est encore, la langue française. J’en connu les premiers éblouissements quand au collège on me fit apprendre par cœur des passages entiers de Racine, cet auteur classique dont le théâtre incarnait pour moi la beauté de la poésie française, et qui était aussi l’un des rares auteurs classiques à ne jamais proférer d’antisémitisme et à avoir même puisé dans la Bible hébraïque la source de deux de ses pièces, Esther et Athalie. Racine, quel nom prédestiné !

La langue française, je l’ai habitée, et elle m’a habité, comme elle a possédé Proust, Albert Cohen, Joseph Kassel… L’esprit français, c’est la finesse, les nuances, les contradictions, les aberrations, quand elle est tour à tour simple, évocatrice, équivoque, et en même temps pleine de pièges qu’il faut sans cesse contourner, avec une orthographe qui inclut ce que le hongrois sans racines connues, n’inclue pas, c’est-à-dire une grande partie de son étymologie et donc de son Histoire.

L’esprit français, ce ne sont pas seulement des valeurs, ce ne sont pas des idéaux auxquels s’identifier de force, des « rentrez-vous ça dans la tête », ce sont des successions de convictions qui découlent du fait qu’on pratique sa langue, et qu’il n’est pas possible, la pratiquant, de s’égarer, dans des excès collectifs, bien que, et c’est là sa contradiction majeure, la France incarne l’Universalité, qui s’exprime dans les Droits de l’Homme et du Citoyen, par exemple, et dans les révolutions les plus extrêmes. Heureux comme Dieu en France, c’était aussi cette contradiction qui voulait que, avec l’affaire Dreyfus, on pouvait entendre que ce peuple de France était capable de se déchirer, soit pour condamner à tort, soit pour réhabiliter un simple Juif dont l’histoire allait marquer pour toujours celle non seulement du judaïsme, mais de la France, celle du sionisme, en même temps que l’histoire des plus grands antisémites que la Terre ait connus.

Donc heureux, plus ou moins. Mais revenons à mon père. Quel était cet objet qu’il était venu récupérer au fin fond de la Transylvanie, et qu’il portait avec lui direction Paris ? Ou plus exactement direction le Sentier où, apprenant le yiddish que les Hongrois ne parlaient pas, il croyait qu’il apprenait le français. C’était Les Misérables de Victor Hugo, traduit en hongrois. Pourquoi cet ouvrage était-il dans cette famille, pourquoi cet ouvrage avait-il survécu à la Shoah et aux persécutions soviétiques, au fin fond de la Transylvanie, dans une famille de Juifs probablement orthodoxes ? C’est toute l’énigme qui résume à la fois la particularité et l’universalité de la langue française, si bien incarnée dans cet ouvrage de l’immortel Victor Hugo, héritier des Lumières.

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