Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…
« L’accro-art 2025 de la librairie du Labyrinthe, dimanche 29 juin dans les hortillonnages. Venez rencontrer des artistes et leurs œuvres. Venez, vous aussi, y accrocher vos peintures, gravures, photos, sculptures, installations, dessins. Venez passer un bel après-midi au jardin. Venez aussi pique-niquer (auberge espagnole) ou ne rien faire. » L’affiche donnait envie. Artiste dans l’âme (peintre, illustratrice, comédienne), ma Sauvageonne ne résista point à cet appel. « Et si j’allais y exposer quelques toiles, tu viendrais avec moi, vieux Yak ? » me demanda-t-elle équipée de son sourire irrésistible. Je lui répondis un oui plus franc, plus massif qu’un infarctus du myocarde.
Ainsi, nous partîmes de bon matin en calèche tirée par Yvonne, notre douce et fidèle jument noire. Il faisait déjà chaud, très chaud. Yvonne, qui n’est plus toute jeune, peinait dans les montées ; elle hennit de bonheur lorsque nous empruntâmes le plat chemin de hallages qui caresse le fleuve Somme. Arrivés à bon port, ma Sauvageonne déballa ses jolies toiles et les accrocha à des manières de longues baguettes de bambou tandis que je discutais avec quelques artistes et copains de ma connaissance, dont Philippe Leleux, le libraire-organisateur, l’illustrateur Gauthier Desbureaux et le photographe Jean-Charles Delépine. (Sur une photographie de ce dernier, je reconnus mon ami Clément Foucard, photographe lui aussi, capté au cours d’une manifestation.) Rapidement d’autres créateurs arrivèrent et se mirent, eux aussi, à accrocher leurs œuvres. Puis ce fut le public, nombreux, souvent familial. Je me joignis aux visiteurs et pris beaucoup de plaisir à contempler toiles, photographies, illustrations, collages, etc. Citer tous les artistes et leurs œuvres serait impossible.
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Je me souviens en tout cas avoir pris beaucoup de plaisir devant celles de ma Sauvageonne (comment eût-il eu pu en être autrement ? Ce sont les yeux de l’amour qui les contemplaient), de Gauthier Desbureaux, de JuLeng, Guy Louis-Thérèse (des dessins proches de l’art afro-carabéen), de Marie-Noëlle Mathis, d’Olivier Damiens (et ses créations singulières et d’une indéniable originalité), et devant bien d’autres. La journée s’étirait comme un chartreux sous les rayons de Turquie. Il faisait de plus en plus chaud. Yvonne, elle, trottinait entre les toiles, profitant de la verdure, des frondaisons et de l’eau des rieux, nombreux dans nos magnifiques hortillonnages. Je la laissais faire, confiant, trop confiant. Mal m’en prit ! Son précédent maître, le baron Heloy de Lacoche, mon oncle qui m’en avait fait don, m’avait pourtant prévenu : « Fais tout de même attention, mon neveu ! Yvonne est un peu dipsomane ; elle adore la bière… » Je m’en rendis compte à la fin de l’accro-art ; je la retrouvais, au bord d’un étang, saoule comme une grive, quasi inconsciente. La honte ! Elle avait échappé à ma vigilance, dégotté une source de Pelforth blonde et s’était abreuvée jusqu’à plus soif.
Résultat : la Sauvageonne et moi dûmes l’installer à l’arrière de la calèche et ce fut moi, pauvre bougre mais doté d’une force herculéenne, qui dut tirer notre fiacre jusqu’à notre manoir amiénois. Courageux comme un Poilu de la Somme, la Sauvageonne n’eût même pas besoin de me fouetter pour que j’avançasse. La vie, parfois, nous réserve de bien étranges surprises.





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