Accueil Édition Abonné Naissances: rien ne va plus…

Naissances: rien ne va plus…

Panique sur la démographie française !


Naissances: rien ne va plus…
La ministre des Familles Catherine Vautrin (ici photographiée en février dernier) prévient : le modèle social français reposant sur la solidarité intergénérationnelle est menacé © S LEMOUTON/SIPA

La ministre Catherine Vautrin vient de détailler une série de mesures gouvernementales pour relancer les naissances. Mais y croit-elle ? Un peu partout autour du globe, et sous les régimes politiques les plus divers, l’humanité demeure récalcitrante à faire plus d’enfants. Il y a forcément une explication…


Voilà au moins trente ou quarante ans, dans l’hebdomadaire L’Express le – génial – dessinateur – Sempé publiait un dessin remarquable. On y voyait une manifestation pléthorique, une foule défilant dans une large avenue. Sempé savait merveilleusement bien dessiner le nombre, le grand nombre de gens. Au milieu de cette foule, en petit forcément, puisque à peu près noyé dans la marée humaine, un quidam brandissait une pancarte sur laquelle on pouvait lire le slogan « Soyons moins ».

Or, c’est dans ce même hebdomadaire, L’Express, que à une si grande distance de temps, il nous est révélé que ce manifestant anonyme aurait finalement été entendu. Ainsi qu’il le souhaitait, nous allons êtes moins. Cela à l’horizon 2100, voire 2050, prédisent les études les moins optimistes.

Deux enfants par femme, du passé

La dénatalité serait donc en marche. Le monde entier serait touché par le phénomène. Y compris les pays musulmans, nous apprend le reportage du magazine. Des pays comme la Tunisie, la Turquie, l’Iran seraient situés au même niveau que la France, où le nombre d’enfants par femme est tombé à 1,6, alors qu’il a été longtemps de 2,02, ce qui faisait de nous de bons élèves comparativement à nos voisins.

Les pouvoirs publics des pays concernés tentent de se saisir du problème, de trouver des moyens afin de doper la natalité. Car un pays qui voit baisser le nombre des naissances, qui échoue à renouveler sa population, et qui donc vieillit, est un pays en voie de déclin. Sans aucune possibilité de revenir en arrière une fois atteint un certain seuil.

Or, remédier à ce fléau est, semble-t-il, tout sauf simple.

Chérie, je veux plus faire des gosses !

L’enquête journalistique de Laureline Dupont et Thomas Mahler nous apprend, par exemple, que la politique volontariste de la Hongrie, mise en place par Victor Orban, instituant une exonération fiscale à vie pour les mères de quatre enfants, puis de deux seulement, n’avait nullement donné les résultats escomptés. Désillusion.

A lire aussi, du même auteur: Perquisitions au RN: hasard, vous avez dit hasard?

« On ne nait pas d’une incitation fiscale », écrit Maxime Sbaihi, l’auteur de l’essai, Balançoires vides, paru aux éditions de l’Observatoire en début d’année. Une bonne nouvelle cependant, précise-t-il, « le désir d’enfant est toujours là, malgré les discours médiatiques sur les « Chilfree ».

Du désir à la réalité, les obstacles sont connus, dira-t-on : insertion plus tardive sur le marché du travail, difficultés pour trouver à se loger, casse-tête pour faire garder les petits, incertitudes de diverses natures, sociales, environnementales financières, une réelle absence de visibilité quant à l’avenir, le sien propre mais pas seulement, instabilité chronique du monde, etc, etc.

La ministre française du travail, de la santé, des solidarités Catherine Vautrin vient de dévoiler sa stratégie pour que nous nous remettions à avoir des enfants. Elle en fait un impératif de la politique gouvernementale. « Notre fameux modèle social, né il y a quatre-vingts ans du programme du Conseil national de la Résistance, repose sur la solidarité intergénérationnelle, rappelle-t-elle. Moins d’actifs signifie moins de financements. » Financements des retraites, mais également de la quasi intégralité de la vie sociale.

Soyons moins ?

Aussi, prépare-t-elle un arsenal de mesures destinées à redynamiser la natalité chez nous. Parmi elles, celles qu’on pourrait qualifier de classiques, augmentation du nombre de crèches, incitations financières permettant de choisir plus librement le mode de garde…, mais aussi de plus novatrices : renforcer l’attractivité des métiers de la petite enfance, l’instauration d’un congé de naissance, « plus court que le congé parental, mais mieux rémunéré (…) Un congé qui succèderait au congé maternité et qui pourrait être pris par la mère et le père, à la suite l’un de l’autre, avec un accompagnement financier plus conséquent. » Quant aux familles monoparentales, elles pourront bénéficier de l’aide afférent au mode de garde choisi, non plus jusqu’aux six ans de l’enfant, mais jusqu’à ses douze ans. Une question, est-ce que cela ne reviendrait pas à « encourager » la monoparentalité, dont on ne peut pas dire que, à l’échelle d’un pays, elle soit le modèle de politique de la famille le plus abouti ?

En fait, le problème semble bien être à peu près le même et aussi préoccupant partout dans le monde : comment donner envie d’avoir envie de faire des enfants.

A lire aussi: Bruno Tertrais: «L’immigration est une question culturelle plus qu’économique»

Or, justement, le constat que le péril est planétaire, touchant donc des pays, des populations aux mœurs, aux rites, aux codes, aux systèmes sociaux différents, voire opposés, pourrait bien nous amener à considérer que le problème se situe, au moins en partie, bien au-delà des questions et des solutions évoquées ici.

J’en reviens donc à mon « Soyons moins » du dessin de Sempé.

Tous les ans, nous sommes amenés à prendre connaissance avec précision du moment où la population mondiale dépasse en consommation ce que la planète est à même de lui fournir. Et ce moment ne cesse de se produire plus tôt dans l’année. Donc, effectivement, on pourrait aisément en déduire que nous sommes trop.

Donc, si j’osais, je me permettrais une hypothèse qui ne vaut que ce qu’elle vaut et qui peut fort bien prêter à ricaner. Est-ce que l’humanité, puisant très mystérieusement son inspiration dans le tréfonds de l’inconscient collectif, voire de l’inconscient archaïque, dont parle Jung, ne freinerait-elle pas de son propre mouvement, sans en avoir une claire conscience, ce déséquilibre croissant entre elle et sa planète ? Voilà qui permettrait d’expliquer que, d’un continent à l’autre, malgré des modes de vie, des cultures, des références philosophique, spirituelles et autres, ainsi que des intérêts très différents, nous nous trouvions devant la même réticence à peupler nos berceaux… Qui contribuerait à expliquer aussi que les initiatives diverses et variées déployées par les pouvoirs publics ne rencontrent finalement que des résultats mitigés. Je le répète. C’est là juste une hypothèse d’école. Absurde peut-être bien. Ou peut-être pas…

[/asa]B0DGLXFZM6[/asa]




Article précédent Quand l’INSEE reproche aux Français d’habiter des logements trop grands
Article suivant Une campagne anti-harcèlement qui fait plouf
Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération