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Bernard Morlino, mémorialiste de sa vie

Aimons-les vivants : Bernard Morlino


Bernard Morlino, mémorialiste de sa vie
L'écrivain et journaliste Bernard Morlino. DR.

Monsieur Nostalgie poursuit ses portraits d’écrivains vivants et précieux durant tout l’été. Aujourd’hui, il nous parle du niçois-montmartrois Bernard Morlino, chantre du beau style sur les pelouses et entre les lignes…


Chez les écrivains qui ont la carte, que l’on respecte dans les cénacles, dont la voix porte, il est proscrit de s’épancher et de s’adonner aux passions populaires. La critique ne vous le pardonnera pas. L’université vous poursuivra de sa hargne. Les éditeurs vous trouveront suspect, voire séditieux. Et les libraires préfèreront toujours les âmes torturées et les auteurs brumeux à la ligne claire et aux jeux de ballon.

Provençal monté à Paris

L’éthéré et le cafardeux sont les nouveaux fléaux d’une littérature sous emprise. Pour exister littérairement, il faut faire sérieux, besogneux, être un révolté de façade et une victime en rémission. S’encanailler, en somme. Être adoubé par des faussaires est la voie royale d’accès aux plateaux de télévision et aux listes d’automne. Les bons sentiments et la culture sportive ne font donc pas bon ménage dans les salons du livre. On vous snobe, on se moque et on vous disqualifie intellectuellement. L’ami Bernard Morlino, Niçois, né l’année de la sortie du coupé Peugeot 203 et esthète de cœur est un vrai dissident qui n’écoute que ses goûts. Il fait confiance à son œil de lecteur. Il ne se laisse pas amadouer par les sirènes des modes et ne s’agenouille pas devant les auteurs autoproclamés stars de leur quartier. Le texte prime toujours sur l’environnement médiatique. Il n’est pas suiviste dans ses choix.

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Il n’a que faire des cellules officielles et des ronds de serviette attribués dans les jurys, il écrit sous le double patronage de l’amour filial et des élans de l’enfance. Il ne médit pas sur sa jeunesse et conserve l’innocence salutaire du provençal monté à Paris. Ce fin observateur des mœurs littéraires fait le grand écart permanent ; il aime les moralistes racés, les footballeurs vénéneux, les pilotes possédés, les chanteuses de variété et les érudits intransigeants. Il ne joue pas « perso ». Nous sommes tellement habitués aux cases que ce pluralisme de plume détonne dans les journaux asphyxiés de conventions. Bernard Morlino est expert dans des domaines tellement variés que l’intelligentsia ne comprendrait rien à cet esprit large qui accueille tous les talents dans son vestiaire. Pour faire partie de son équipe et pénétrer dans son auberge espagnole, seul le toucher compte, seul la vista prime. L’adresse à déborder les défenses passives, la mitraille sémantique pour enivrer une chronique paresseuse, le coup de volant pour enchaîner les virages à Monaco, le cannibalisme jouissif de Merckx dans l’Aubisque, toutes ces choses qui paraissent dérisoires aux « sachants » et qui sont pourtant le sel de la vie. Morlino est l’un des derniers journalistes-écrivains de Paris à ne pas cloisonner son monde intérieur, il peut vous parler avec la même fougue d’Emmanuel Berl et du Racing Club de France, de Dalida et de Morand, d’Ayrton Senna et de Louis Nucera, des concierges et de Philippe Soupault, des facteurs et de Manchester.

Pas sectaire

Ses passions ne sont pas confinées à l’entre-soi. Selon moi, il répond à la définition de l’élitisme qui est de reconnaître le charme, la sauvagerie, l’élégance et le rythme aussi bien dans une Coupe Gambardella que dans les cahiers de la nrf. Bernard Morlino est aujourd’hui connu chez des gens qui ne l’ont jamais lu, ses interventions d’avant ou d’après match en ont fait une personnalité appréciée des téléspectateurs et des auditeurs. Il est capable de s’enflammer sur une action d’un attaquant et d’apprécier la prose nerveuse d’un jeune écrivain. Il n’est pas sectaire. Il est surtout l’auteur d’un livre mémorable, gloire à son père Marcel, l’épicier-vedette de Nice. Dans Champion de sa rue paru au Castor Astral, il y a une vingtaine d’années, il racontait avec la justesse des enfants tristes et une introspection éclairante, l’éclat de ce père disparu. « Je préfère être un bon fils et un mauvais écrivain » écrivait-il, dès la première page.

Une manière pudique et mensongère d’évoquer ce père, car Bernard Morlino est la preuve que l’on peut être en même temps, un bon écrivain et un bon fils. Ce texte bat en brèche les idées reçues. Champion de sa rue n’est pas un livre de souvenirs, c’est une stèle à un père, à tous les pères.

Champion de sa rue

Price: 3,00 €

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Journaliste et écrivain. Dernières publications : "Tendre est la province", (Équateurs), "Les Bouquinistes" (Héliopoles), et "Monsieur Nostalgie" (Héliopoles).

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