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Gisèle Pelicot, Nahel: jusqu’où ira la glorification des victimes?

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Demandera-t-on demain la panthéonisation de Nahel Merzouk ?


Le 23 août 1996, la Belgique effondrée assistait aux funérailles de deux petites filles dont les prénoms, Julie et Mélissa, flottaient depuis des semaines dans toutes les têtes. Tous les drapeaux étaient en berne et le palais royal avait proposé d’envoyer un représentant. Les parents s’y étaient opposés, « Le Roi ou rien ! ». 

Nombre de Belges avaient pris congé pour suivre la retransmission de la messe d’adieu ou pour assister directement à celle-ci. Mais aussi spacieuse que soit la Basilique Saint-Martin à Liège, elle ne pouvait contenir le 5 à 10 000 personnes, journalistes, célébrités ou simples citoyens venus soutenir les parents des petites filles, victimes d’une épouvantable tragédie. La rue Mont Saint-Martin qui mène à la basilique, fermée au trafic était noire de monde. Lorsqu’y pénétrèrent les corbillards, le silence se fit. Mais lorsque, suivant ceux-ci, apparurent à pas lents les parents des deux défuntes, dont plus personne n’ignorait le calvaire, la foule applaudit. Cela me laissa interloquée. On applaudit un exploit, une prestation remarquable, un héros… Mais des familles de victimes ? Ça me semblait incompréhensible. C’était il y a presque 30 ans. 

Depuis, le statut de victime – voire de simple plaignant et surtout plaignante – a pris du galon. Hissé au plus haut niveau des gloires nationales, ce sont les victimes ultra médiatisées qui tiennent le haut du pavé. Et si elles sont victimes d’une erreur d’appréciation de la police, on n’est pas loin de leur élever une statue. Ça permettra de remplacer celles que nous érigions autrefois à nos héros et que le wokisme déboulonne à tour de bras… Ainsi la ville de Nanterre prévoit d’installer une plaque commémorative au jeune délinquant Nahel[1].

A lire aussi: Nicolas Bedos ou l’ange déchu du Vieux Monde

Mais il n’y a pas que les statues et les plaques commémoratives dont il convient de détricoter tant le sens que la fierté. Depuis 1802, la France, par la loi du 29 floréal an X, récompense des militaires ou des civils pour mérites éminents en les décorant de la plus haute distinction : la Légion d’Honneur. Ce vieux gadget qui sent la France rance, qui symbolise un patriarcat blanc, une Histoire glorieuse, et surtout qui contredit l’égalitarisme mou qui sert à présent d’horizon en hissant certains au-dessus des autres, doit à son tour être l’objet d’une entreprise de démolition ou, à minima, de dissolution. 

C’est ainsi que Madame Pelicot, sexuellement abusée, victime entre les victimes et surtout victime des hommes, est proposée à la prochaine fournée de la Légion d’Honneur. Qu’a-t-elle fait pour mériter l’éternelle reconnaissance de la patrie ? Il ne se trouve pas un cœur assez sec pour nier son martyre et y compatir sincèrement. Mais en quoi cela fait-il d’elle un sauveur de la nation ? Une héroïne ? Ses terribles épreuves jusqu’au verdict final la hisse-t-elle vraiment au rang de Marie Curie ou de Jean Moulin ? La falsification sémantique que l’on voit chaque jour à l’œuvre rappelle la novlangue de George Orwell. Dans le monde effrayant décrit dans « 1984 », les mots n’ont pas simplement subi un glissement de sens, mais une inversion. La vérité est le mot pour signifier le mensonge, comme l’amour est le mot pour signifier la haine. Le temps est-il venu, en France, où le mot « héros » signifiera « victime », avant que « gloire » ne signifie « honte » ?


[1] https://www.causeur.fr/nahel-refus-d-obtemperer-plaque-raphael-adam-312887

Le macronisme s’est déjà tué lui-même…

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Dans un entretien accordé hier à Valeurs actuelles, Bruno Retailleau a prédit la fin du macronisme et fustigé l’impuissance politique du « en même temps ». Les macronistes sont furieux : ils reprochent au candidat de « la France des honnêtes gens » de faire trop de presse, de ne pas jouer collectif et de ne pas évoquer son bilan sécuritaire. Qu’ils se rassurent: Emmanuel Macron et Bruno Retailleau pourront en discuter très prochainement en tête-à-tête. Ils ont un rendez-vous prévu en fin de journée… Analyse.


Bruno Retailleau a tout dit dans un remarquable entretien accordé à Valeurs actuelles[1]. Outre sa volonté de rester au gouvernement tant qu’il s’estimera utile aux Français et nécessaire pour faire face à la menace que représente LFI, il a développé une double argumentation, s’appuyant à la fois sur sa fonction ministérielle et sur sa présidence des Républicains.

« La gauche soixante-huitarde a engendré une société permissive. Quelque part, les “déconstructeurs” ont gagné… »

La première argumentation porte sur l’obligation, pour une droite authentique, de se débarrasser de l’influence pernicieuse d’une idéologie de gauche qui l’a gangrenée dans beaucoup de domaines, notamment judiciaire et culturel. Rien de ce que la gauche a de valable ne lui appartient en propre, une droite intelligente a le devoir de le récupérer, comme Nicolas Sarkozy l’avait d’ailleurs proposé en 2007. Je ne doute pas que Bruno Retailleau a pour objectif principal de redonner à la droite dont il a pris la tête, fierté, audace, sincérité et moralité. J’insiste sur ce dernier point qui est l’angle mort de la politique française, tous partis, responsables, opposants, ministres confondus. La droite, comme le souligne le ministre de l’Intérieur, ne doit pas se contenter d’être un peu mieux ou un peu moins mal que la gauche, elle se doit d’être tout autre chose, indépendante et inventive.

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La seconde argumentation, qui a énoncé une évidence – le macronisme disparaîtra avec la fin politique d’Emmanuel Macron – a pourtant suscité une controverse et des réactions très vives de Renaissance. On comprend mal celles-ci. Dans une situation catastrophique dont l’initiateur, il ne faut jamais l’oublier, a été Emmanuel Macron, il était inévitable que la pratique gouvernementale ne ressemblât pas aux périodes ordinaires et fût secouée par des antagonismes qui n’excluent pas pour l’instant un accord de base sur l’essentiel souhaité par le Premier ministre.

Le dépassement, c’est dépassé

Je serais prêt à admettre que le macronisme, si on peut conceptuellement le définir, a d’abord, et surtout, été un dépassement affiché de la droite et de la gauche afin d’opérer une prise du pouvoir grâce à un électorat séduit par cette espérance, mais vite désabusé. Par la suite, la politique d’Emmanuel Macron a mélangé dans le désordre, avec des contradictions, des voltes voire des aberrations, des mesures plutôt libérales, une vision internationale se voulant gaulliste, beaucoup de repentance, longtemps un fiasco régalien, une manière narcissique, trop sûre de son fait, d’exercer le pouvoir, avec une indifférence totale à l’égard des critiques même les plus républicaines qui soient.

Si macronisme il y a eu, il a été tué par lui-même et depuis 2017, la seule preuve du macronisme est Emmanuel Macron lui-même, qui a tout fait par d’incessantes variations pour nous contraindre à ne considérer que lui comme point fixe. Celui-ci disparu, il n’y aura plus rien. Ce qui démontre la pertinence du point de vue de Bruno Retailleau, au demeurant déjà proféré mardi 20 mai sur un mode atténué par la porte-parole Sophie Primas.

L’action politique impose des arbitrages clairs

Bruno Retailleau affirme qu’il « ne croit pas au en même temps » et que « le macronisme alimente l’impuissance ». Il n’est plus personne, au regard des résultats nationaux ou internationaux, qui ne fustige pas cette prétendue simultanéité qui a rendu notre politique à la fois inefficace et illisible. L’action impose des choix, des arbitrages, des exclusions quand le « en même temps » conduit à la stérilité. Sa seule utilité est dans le débat intellectuel, personnel, où chacun, pour s’enrichir de plénitude, a le devoir de peser le pour et le contre, les idées et leur contradiction, son opinion et ce qui pourrait la nier.

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La démonstration de la faillite du « en même temps » est facile à opérer. Par exemple quand on voit le sondage écrasant (la gauche à peine moins sévère que la droite) sur le fiasco régalien du président de la République. Le régalien, longtemps un domaine trop vulgaire, trop populaire pour lui. Puis il a tenté d’en apprendre la langue mais cela a toujours été une langue étrangère. Grâce à François Bayrou, pour la première fois de notre histoire, nous avons un couple régalien exceptionnel, exactement sur la même longueur d’onde. Il masque la faiblesse présidentielle.

M. Retailleau a toute légitimité pour s’exprimer sur l’ensemble des sujets et ce n’est pas, de son chef et enfin, la première mesure de rétorsion véritable à l’encontre des autorités algériennes qui va diminuer son crédit. Quatre-vingts dignitaires algériens privés des facilités diplomatiques dues à l’accord de 1968 ! La diplomatie à la Jean-Noël Barrot a vécu ! La seule question qui vaille est non pas de savoir si Bruno Retailleau restera au gouvernement – cela dépend de paramètres qui ne relèvent pas que de lui – mais si jusqu’en 2027 la droite dont il est aujourd’hui l’incarnation éclatante saura faire bloc pour gagner. Avec un adieu sans trop de regret au macronisme !

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[1] https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/politique/bruno-retailleau-le-macronisme-sachevera-avec-emmanuel-macron

La justice française est-elle tombée dans le piège tendu par un oligarque kazakh?

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Les poursuites contre l’oligarque Moukhtar Abliazov ont été annulées en France pour des motifs politiques, relançant le débat sur l’accueil de figures controversées au nom des droits humains


Après plusieurs années de procédure, estimant que les tribunaux français n’étaient pas compétents, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a annulé en avril 2025 les charges pesant contre l’oligarque kazakh Moukhtar Abliazov. Cette décision constitue une victoire juridique pour l’ancien banquier et ministre kazakh, soupçonné d’avoir détourné plusieurs milliards de dollars lorsqu’il dirigeait la BTA Bank, la plus grande banque du pays. Cependant, cette décision de justice soulève une question fondamentale : la protection légitime des droits humains ne risque-t-elle pas de conduire à une complaisance coupable envers des personnalités controversées ?

Condamné à la perpétuité dans son pays

Moukhtar Abliazov est bien connu dans les chancelleries européennes. Ancien ministre de l’Energie sous la présidence de Noursoultan Nazarbaïev, il est devenu l’un de ses plus farouches opposants avant de fuir le Kazakhstan en 2009. Les autorités kazakhes l’accusent d’avoir détourné 6 milliards de dollars de la BTA Bank et d’avoir orchestré le meurtre d’un de ses associés ; des faits pour lesquels il a été condamné à perpétuité par contumace dans son pays. Pour sa part, l’Ukraine le réclamait aussi pour des détournements de 500 millions de dollars.

En 2012, la Haute Cour du Royaume-Uni l’a reconnu coupable d’outrage à la cour pour avoir menti sous serment et falsifié des documents. « Il est difficile d’imaginer autant de cynisme, d’opportunisme et de ruse de la part d’un individu impliqué dans un litige commercial » a déclaré le juge britannique Maurice Kay. Condamné à 22 mois de prison au Royaume-Uni, Abliazov s’est réfugié en France en 2013. Par la suite, une amende de 218 millions de dollars lui a été infligée par les États-Unis pour ses montages financiers douteux.

En France, il a su intelligemment tirer parti des failles du système. En septembre 2015, Manuel Valls, alors Premier ministre, a signé un décret autorisant son extradition. Mais en 2020, Abliazov a obtenu l’asile politique qui lui a été retiré deux ans plus tard. Cette décision a été confirmée par le Conseil d’État en 2024. Pourtant, il continue à plaider sa cause auprès des autorités françaises en se présentant comme victime de persécutions politiques.

L’annulation des charges pesant contre Abliazov par la Cour d’appel de Paris repose sur un argument juridique : les poursuites engagées contre M. Abliazov seraient motivées par des considérations politiques, dissimulées derrière des accusations de droit commun. Ce raisonnement s’appuie sur le refus de la France, en 2014, d’extrader l’oligarque, ainsi que sur les mises en garde du Conseil d’État contre une possible instrumentalisation de la justice par les autorités kazakhes.

Cette prudence doit-elle pour autant conduire à ignorer les accusations portées contre lui ?

M. Abliazov sait habilement faire intervenir ses relais d’influence. Des personnalités européennes telles que l’ancien eurodéputé Marco Panzeri, impliqué dans le scandale du Qatargate, ont pris sa défense. De même, basée à Bruxelles, la Fondation Open Dialogue (ODF) lui est également fidèle.

Entre 2013 et 2020, l’ODF a expliqué qu’Abliazov et ses acolytes étaient victimes de persécutions politiques. Aujourd’hui, l’ODF qui présente l’oligarque comme un de ses « consultants », publie de rapports qui attaquent ses opposants, qu’il s’agisse d’officiels kazakhs, de banques d’Asie centrale ou d’institutions traquant les fonds de la BTA.

Un OQTF pas comme les autres !

M. Abliazov n’est plus sous contrôle judiciaire. Les charges de blanchiment et d’abus de confiance qui pesaient contre lui ont été abandonnées. Il reste pourtant au cœur d’un imbroglio politico-judiciaire qui indigne certains responsables politiques français, comme la sénatrice Nathalie Goulet : pourquoi un OQTF déchu de son statut de réfugié – fut-il un oligarque – peut-il continuer à résider en France ?

Au Royaume-Uni, le Crown Prosecution Service (CPS) et la National Crime Agency ont invoqué un « manque de ressources » ou des failles juridiques pour ne pas poursuivre la procédure d’extradition qui le visait. Les avocats de la BTA Bank, menés par le cabinet Hogan Lovells, ont prié le CPS d’agir. En vain.

En annulant les poursuites pour défaut de compétence, la France n’a pas blanchi Moukhtar Abliazov. Elle a simplement pris acte du fait que l’État de droit ne permet pas de juger une affaire lorsque les motivations du plaignant peuvent être considérées comme politiques. Cette décision laisse toutefois entière une question cruciale : un personnage comme Abliazov doit-il continuer à bénéficier de la protection de la France ? En voulant protéger les droits de tous, la France n’est-elle pas en train de devenir un refuge pour ceux qui savent manipuler le droit ?

Aujourd’hui, le nom d’Abliazov figure toujours sur les listes de surveillance britanniques, mais sans volonté politique de la part de Londres et de Paris, cet oligarque insaisissable continuera à échapper à la justice.

Danièle Sallenave: républicaine toujours, quoi qu’il en coûte

Élevée dans l’amour de la République, l’Académicienne évoque, avec audace et lucidité, son parcours de femme de gauche au sein d’une époque mouvementée. Intéressant.


« Je ne me donne pas en exemple, je raconte », écrit Danièle Sallenave en quatrième de couverture de son dernier livre, La splendide promesse, sous-titré « Mon itinéraire républicain », un récit de quelque 520 pages. « Je suis une enfant des années d’après-guerre, élevée dans l’amour de la république, de ses principes, de ses symboles et de ses mythes au cœur de l’Ouest conservateur et clérical », poursuit-elle. Dans ce long texte, elle se demande ce qu’elle a fait de cet héritage et ce que ce dernier a fait d’elle. Un itinéraire ancré au sein d’une époque mouvementée ? Euphémisme que de le dire. « Fin de la guerre d’Algérie, mai 68, découverte du tiers-monde, chute du Mur, sursauts populistes d’une France en proie au mécontentement et au doute… Une rude mise à l’épreuve de l’idéal républicain », constate-elle encore non sans modestie et lucidité.

 « Être de gauche et aimer la France. »

On lit ; on progresse dans notre lecture. On finit par en convenir : elle est restée républicaine en toute circonstance, ce malgré ses doutes, ses convictions mises à mal, et les évolutions rapides, trop rapides, d’une société qu’on ne comprend pas toujours. Danièle Sallenave nous conte ses amitiés, ses voyages, ses rencontres, ses coups de cœur et ses ruptures. Tout cela pour parvenir à un sentiment général qu’elle qualifie de « têtu » : « La république n’est rien si elle oublie « la splendide promesse faite au tiers état », selon la formule de Mandelstam. Une promesse de justice, d’instruction et de progrès. » Devant cette évidence, on ne peut que s’incliner, comme on s’incline devant ce livre à la fois beau, rassérénant, sincère, bouleversant parfois, sincère toujours.

A lire aussi, du même auteur: La Baronne déracinée

Une sincérité indéniable qui ne manque ni d’audace, ni de panache, notamment quand elle aborde le délicat, si délicat aujourd’hui, sujet du féminisme : « (…) j’ai acquis pour toujours une vision égalitaire du féminisme. Rien ne doit être refusé aux femmes parce qu’elles sont des femmes ; rien ne doit leur être accordé parce qu’elles sont des femmes. » Voilà qui est clair ; on est loin, très loin, des excès d’un ultra féminisme qui finit par entretenir la guerre des sexes. De même lorsqu’elle procède à cette analyse à propos du PCF : « Durant les événements de mai 68, j’éprouve de la distance à l’égard du gauchisme, pour moi l’expression d’une jeunesse dorée. Je partage son rejet du stalinisme, mais non celui du Parti communiste parce qu’il continue d’être à mes yeux profondément français et le parti des forces populaires. » Lucide et courageuse, elle n’hésite pas à publier au début des années 90, un article dans les Temps modernes (alors dirigée par Claude Lanzmann) intitulé « L’hiver des âmes » dans lequel elle fait comprendre pourquoi la fin de l’URSS n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il fallait quand même oser quand tout l’intelligentsia européenne, de droite et/ou de gauche, bêlait de plaisir comme un seul ovin après la tonte. D’abord envahie par les puissances ultralibérales, capitalistiques, puis mafieuses, la nouvelle Russie est aujourd’hui dirigée par un belliqueux dictateur.

Danièle Sallenave ne dissimule pas son attachement à la France qu’elle scrute droit dans les yeux : « Mais je dois vivre avec cette question : qu’est-ce qu’être de gauche et aimer la France ? Sur une ligne de crête : à gauche, le rejet de la France, comme une entité raciste, impérialiste et colonialiste ; à droite, les solutions identitaires et exaltation de la nation charnelle. » On est en droit de ne pas lui donner tort.

Elle étonne encore quand elle n’hésite pas un seul instant à soutenir le mouvement des gilets jaunes en publiant, en 2019, dans la collection « Tracts » de chez Gallimard, le savoureux Jojo, le Gilet jaune, pétillant pied de nez à la gauche caviar et aux bobos de salons qui méprisent royalement cette contestation issue du peuple qui rame et qui souffre. Pour tout cela, Danièle Sallenave et son récit méritent lecture attentive et bienveillante grâce à leurs propos éclairés et singuliers.

La splendide promesse, « Mon itinéraire républicain », Danièle Sallenave ; Gallimard ; 520 p.

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A Séville, sur les traces de Carmen…

Dans la capitale andalouse, pas à pas, et livre ou partition en main, l’occasion est trop belle de revivre la destinée de Carmen, telle qu’elle est relatée par la nouvelle de Prosper Mérimée ou telle qu’elle apparaît, acte après acte, dans le chef d’œuvre de Georges Bizet…


Premier acte. Devant la manufacture de tabac

La cloche a sonné, nous, des ouvrières,
Nous venons ici guetter le retour.
Et nous vous suivons, brunes cigarières,
En vous murmurant des propos d’amour

La cloche ne sonne plus, Calle de San Fernando, à Séville, et de la manufacture de tabac, somptueux bâtiment édifié au XVIIIe siècle sous Philippe V, le premier des Bourbons d’Espagne, les cigarières ne sortent plus pour aguicher les majos sévillans venus ici  les accoster au moment de leur pause.

Aujourd’hui, l’immense édifice, réputé être le plus grand d’Espagne après le palais-monastère de l’Escurial, est devenu le siège de l’Université de Séville et les dragons du régiment d’Almanza n’y sont plus de faction.

Plus de Don José, ni de garde montante ou descendante provenant de cette caserne ocre-brun située à quelques pas de là,Avenida de Menendez Pelayo, et aujourd’hui transformée en annexe de la Junta de Andalucia, le gouvernement andalou. On la rallie en quelques minutes en traversant los Jardines de Murillo.

C’est ici, dans cette manufacture, que venait travailler Carmen la bohémienne dans les années 1830, sous le règne d’Isabel II. Dans la chaleur étouffante des immenses salles voûtées s’entassaient par centaines les ouvrières dépoitraillées, telles que les a peintes Gonzalo Bilbao dans son tableau Las Cigarreras qui est visible au Musée des Beaux-Arts de Séville. Carmen venait du quartier des gitans, du faubourg de Triana, de l’autre côté du Guadalquivir. Au 66, Calle de la Purezza (rue de la Pureté ! elle qui eut d’innombrables amants), non loin de la chapelle des mariniers, cette maisonnette blanche à un étage et aux longs stores de bois vert sapin, était peut-être la sienne jadis. A cette époque, pour gagner la manufacture, en l’absence de ponts entre Triana et Séville, à l’exception d’un pont de bateaux, on empruntait un bac qui permettait de traverser le fleuve. Aujourd’hui, c’est du pont Isabel II, orné de sa délicieuse et minuscule chapelle et de son campanile de poupée, le premier pont de pierre à avoir relié dès 1852 Triana au centre de Séville, que l’on a la plus belle vue sur la capitale andalouse. Un paysage urbain enchanteur, dominé par la Giralda, et qui, par bonheur, n’a que peu changé depuis le temps de la zingara. Mais là où des berges douteuses bordaient le Guadalquivir, des quais ont été édifiés depuis qui enserrent les eaux du Guadalquivir.

A lire aussi, du même auteur: De Varsovie à Montparnasse: l’aventure artistique des sculptrices polonaises de Bourdelle

Du côté de Séville, s’élève l’immense palais de San Telmo où tenaient leur cour la sœur d’Isabelle II, l’infante Marie Louise Ferdinande d’Espagne, et son époux, le prince Antoine d’Orléans, duc de Montpensier, le benjamin des fils de Louis-Philippe 1er, le plus intriguant, le moins sympathique de la fratrie. Ils étaient les exacts contemporains de Carmen, mais en plus convenable tout de même. Aujourd’hui, le palais est séparé de ses immenses jardins qui ont été offerts par l’infante à la ville et sont désormais aménagés sous le nom de parque de Maria Luisa.

Du côté de Triana, les masures des gitans d’autrefois ont fait place à de petites maisons bien soignées, à ces restaurants et bars à tapas grouillant sur la calle del Betis qui borde le Guadalquivir.

L’amour est enfant de bohême,
Il n’a jamais, jamais connu de loi 

Rectorado de la Universidad de Sevilla

Non loin de l’ancienne manufacture de tabac, c’est dans la Calle de la Serpiès, raconte Mérimée, que Carmen, profitant de la passion qu’elle a fait naître chez Don José, lui fausse compagnie et s’enfuit pour éviter la prison. Cette prison militaire deSan Laureano, aménagée dans l’ancien Colegio du même nom, auparavant saccagé par l’occupation française durant les guerres napoléoniennes,  s’élève toujours à l’extrême fin de la rue Serpiès, sur la rue Alphonse XII. Désaffectée depuis, elle abrite aujourd’hui des boutiques. C’est là que sera incarcéré Don José pour avoir laissé fuir la bohémienne. L’ombre de Carmen flotte toujours sur la Calle de la Sierpiès. Ou sur la Calle Cuna qui la jouxte, avec ses innombrables tiendas, ses boutiques où abondent châles de Manille – mantones de Manilla-, éventails et robes à volants dont se parent les Carmencita du troisième millénaire durant la Feria de Abril.

Deuxième acte : près des remparts de Séville

Près des remparts de Séville
Chez mon ami Lillas Pastia,
J’irai danser la séguedille,
Boire du manzanilla

Séville a depuis bien longtemps débordé de ses antiques remparts datant du temps des Almohades, les conquérants arabes. De ces remparts près desquels, chez le cabaretier Lillas Pastia, Carmen dansait la séguedille, buvait du manzanilla et dévorait sans doute de la friture de poissons comme on en trouve aujourd’hui dans les échoppes de Santa Maria la Blanca. De ces murailles et de ces tours mauresques, abattues dès 1868 et rendues plus exotiques encore par le voisinage des palmiers plantés là au XIXe siècle, on retrouve des vestiges imposants entrela Puerta de la Macarena et la Puerta de Cordoba, non loin de la Alameda de Hercules, la promenade d’Hercule. Dans ce quartier populaire, on peut toujours croiser de ces Andalous trapus et tannés par le soleil, arrière-arrière-petits-fils des contrebandiers de jadis. Et tard dans la nuit, dans le silence des rues désertes, on croit entendre encore la voix de don José tout brûlant du désir de retrouver Carmen et qui chante Halte là ! Qui va là ? Dragon d’Alcala !

Les tringles des sistres tintaient
Avec un éclat métallique, 
Et sur cette étrange musique
Les zingarellas se levaient.

Aujourd’hui, toutefois, c’est plutôt dans le faubourg de Triana, comme au 49, Calle Pagès del Corro, chez la danseuse Anselma, qu’on retrouve quelque chose de l’atmosphère surchauffée de la taverne de Lillas Pastia. Entre des murs surchargés de figures du Christ, de la Vierge et de portraits de matadors, où chante et danse qui veut être vu et entendu, on retrouve quelque chose de la Séville de jadis.

Remparts
Taverne El Rinconcillo, 40, calle Gerona

Troisième acte : dans la sierra, le repaire des contrebandiers

Ecoute, compagnon, écoute,
La fortune est là-bas, là-bas.
Mais prends garde pendant la route,
Prends garde de faire un faux pas…

Pour mieux évoquer l’acte III, il faudrait s’éloigner de la ville et se perdre sur les chemins rocailleux serpentant dans les montagnes arides qui séparent Séville de la Méditerranée.
Cependant, depuis certains des ponts enjambant le Guadalquivir, on devine, au loin, cette campagne montueuse parcourue jadis par les contrebandiers qui traversaient des étendues quasiment désertiques déclinant jusqu’à Cadix ou Sanlucar de Barrameda, jusqu’à la Costa de la Luz, pour se charger de ballots de produits de contrebande qui arrivaient à Gibraltar par la mer. Aujourd’hui, en voiture, les distances se parcourent en moins de deux heures. A pied, à dos d’ânes ou de mulets, c’était une toute autre affaire. Et il s’agissait d’éviter les agents de la douane que Carmen, Frasquita et Mercédès étaient précisément chargées d’amadouer pendant que leurs complices filaient dans la nuit noire.

A lire ensuite, Julien San Frax : Dans les caves du Vatican…

Quatrième acte : aux portes de la Plaza de toros

Si tu m’aimes, Carmen,
Tu pourras tout à l’heure
Etre fière de moi…

A quelques pas du pont Isabel II ou pont de Triana se dresse, éclatante de blancheur, d’ocre jaune et de rouge sang de bœuf, la superbe Plaza de toros de Séville. Elle est la propriété de la Real Maestranza de Caballeria de Sevilla, une institution née dès la reconquête de la ville en 1248 par le roi Ferdinand III le Saint et remaniée sous Charles Il, le dernier des Habsbourg d’Espagne. C’est le petit-neveu et successeur de ce dernier, Philippe V, qui accorde en 1707 à la Real Maestranza le privilège de célébrer les courses de taureaux et d’édifier une arène à cet effet. Depuis Ferdinand VII, les rois d’Espagne sont Hermanos mayores (frères ainés) de la Real Corporacion. Mais le premier des Bourbons à assumer cette dignité fut l’infant Philippe d’Espagne, duc de Parme, de Plaisance et de Guastalla, fils de Philippe V et gendre de Louis XV.

D’abord construite en bois, la Plaza de toros commence à être édifiée en pierre au milieu du XVIIIe siècle. Au temps de Carmen, dans les années 1830-1840 (la nouvelle de Mérimée est rédigée en 1845 et publiée en 1847), la Plaza de toros demeure inachevée, le roi Charles III en 1786 ayant interdit les courses de taureaux. Son achèvement ne sera décidé qu’en 1876, un an après la création de l’opéra de Georges Bizet à Paris, et l’édifice n’adoptera sa forme actuelle qu’en 1881.

A lire aussi, Jonathan Siksou: Murcie sans façons

Accolé à la Plaza de toros, un musée de tauromachie conserve une tenue d’alguazil, telle qu’elle fut dessinée au XVIIIe siècle et telle qu’elle est encore portée du temps de Carmen quand le publie conspue l’alguazil à vilaine face. On y découvre encore des gravures représentant la Maestranza telle que la vit Carmen et quelques-uns de ces habits de lumière dont celui  du fringant Escamillo, torero de Grenade, qu’un portrait nous dévoile sous le nom de Rodrigez Guzman.

C’est à la Plaza de torosque se sont déroulés les derniers moments de la vie de la Carmencita. C’est là que la foule bigarrée attend l’arrivée des quadrilles dans le fracas des fanfares, le tumulte et l’exaltation, qu’elle voit passer l’alcade et les alguazils. C’est là qu’elle acclame Escamillo, le héros du jour, et Carmen accrochée à son bras. C’est de là, à la droite de l’entrée principale, à la porte 16, celle réservée aux toreros, que la flamboyante gitane ressort aussitôt à la rencontre de José dont la présence lui a été signalée par Mercedes et Frasquita. Lui s’était embusqué au fond, à droite, dans un coin de la minuscule Calle Iris, el calejon Iris, qui relie les arènes à la ville et par laquelle passent les quadrilles arrivant aux arènes. Là, devant cette porte 16, José supplie, là Carmen l’affronte, là elle jette avec colère cette bague qu’elle a au doigt et qui naguère lui a été offerte par son amant délaissé. Et c’est là que ce dernier, ivre de jalousie et de désespoir, la frappe mortellement, elle qui a ruiné sa vie. Près de deux cents ans après le drame, au pied de la muraille circulaire qui entoure les arènes, le sol est toujours étrangement marqué d’une tache sombre, une tache du sang de la bohémienne, morte aussi ingrate qu’elle fut indépendante…Mais non loin, face à la Puerta del Principe, sur les bords du Guadalquivir, se dresse une statue de Carmen, comme pour signifier que la gitane ne mourra jamais.

Mesquins, chauvins, les Andalous n’ont apposé sur le socle de la statue ni le nom de Mérimée, ni celui de Bizet, eux sans qui Carmen n’eut jamais connu la gloire universelle. Eux sans qui elle n’aurait tout simplement pas existé…


A voir prochainement en France :

Carmen, opéra de Georges Bizet. Opéra de Paris-Bastille,  du 7 février au 19 mars 2026

https://www.youtube.com/watch?v=qtZD_JctGN8

Mais aussi…

Carmen, adaptation théâtrale de la nouvelle de Prosper Mérimée. Théâtre Notre Dame, Festival off d’Avignon. Du 5 au 26 juillet 2025.
Carmen, opéra-paysage. Abbaye de Royaumont. Le 28 septembre 2025.
Carmen, version de concert, Philharmonie de Paris. Les 1er et 2 novembre 2025.
Carmen 28 janvier 2026. Spectacle chorégraphique. Théâtre de Denain. Le 28 janvier 2026.
Carmen. Chorégraphie du Ballet flamenco de Barcelona. Théâtre Confluences à Avignon. Le 7 février 2026.


A voir à Séville :

L’ancienne manufacture de tabac devant laquelle Carmen rencontre José, aujourd’hui université de Séville, calle de San Fernando.
La calle de Serpiès.
L’ancienne prison de Séville, calle de Alfonso XII.
Les remparts de Séville, calle Macarena.
Les arènes de Seville, paseo de Colon.
Le faubourg de Triana.
Le Museo de Artes y Costumbres populares, 3, plaza de America (objets et costumes du temps de Carmen).
Le Museo de la Real Maestranza de Seville, 12, paseo de Colon (musée de la tauromachie).
Le Museo de Bellas Artes, 9, plaza del Museo (représentations de matadors, bailaoras et gitanes, dont le portrait de Carmen par Garcia Ramos, mais aussi œuvres de Zurbaran, de Ribera,  de Murillo…).

Se loger à Séville :

Hotel ****Las Casas de la Juderia, 5, calle Santa Maria la Blanca ; 00-34-954-41-51-50 (juderia@casaypalacios.com) Magnifique ensemble de 27 vieilles maisons et de patios adorables  cachés derrière de hauts murs.
Hôtel Puerta de Sevilla*, 2, calle Puerta de la Carne ; 00-34-954-98-72-70. Très charmant hôtel sur une place extrêmement vivante.  
Dîner à l’andalouse : El Rinconcillo (maison fondée en 1670), 40, calle Gerona.
Manger de la friture comme chez Lilas Pastia, au 2, calle Puerta de la Carne.
Boire du manzanilla : chez Horatio, 9, calle de Antonio Diaz ou chez Los Hijos de Morales, 20, calle Garcia de Vinosa ; dans les innombrables bars autour de la cathédrale.  
Danser la séguedille : chez Anselma, 49, calle Pages del Corro, à Triana. Au Patio Sevillano, 11, paseo de Colon. A El Arenal, tablao flamenco, 7, calle Rodo.

Office du tourisme espagnol à Paris, 22, rue Saint-Augustin ; 01-45-03-82-50.

Quel antisioniste êtes-vous ?

Yachting girl comme Rima, théoricien comme Jean-Luc, compromis comme Dominique, sadique comme Ali… Et vous, quel antisioniste êtes-vous ?


Les vacances approchent et côté summer body, vous avez oublié de remplacer l’apéritif par la marche nordique. Résultat : quand vous avez essayé ce joli maillot violet, le « Oh, on dirait la vache Milka », lancé d’un ton extatique par votre ado, a blessé votre sensibilité de violette. Plus cache-tes-capitons que beauté capiteuse, vous décidez de vous rabattre sur la grâce intérieure et adoptez pour cela une posture politique censée mettre en avant votre vertu. Vous hurlez à présent « Free Palestine ! » dès le petit déjeuner et cherchez désespérément la voie à suivre pour épater vos copines. Alors que diriez-vous d’un petit test pour déterminer quel antisioniste vous êtes ?


Quelle est votre idée d’un voyage militant réussi ?

a. Vous annoncez que vous avez réactivé l’Invincible Armada, mais finissez par prendre la mer en solitaire sur un yacht plus chargé de pathos que de matos.

b. Vous rendez visite à vos potes masculinistes suprémacistes de Téhéran, Doha, etc. Des hommes dont vous appréciez la sobriété : ils accommodent les droits de l’homme en moins de 140 caractères, peine de mort incluse !

c. Vous êtes très Sud global, alors vous faites la tournée des régimes incompris pour leur dispenser des conseils d’image. Tout est dans la présentation. Un massacre d’opposants lié à des considérations ethniques ou religieuses ? Parlez plutôt de « recentrage identitaire » ! Le financement du terrorisme international ? Appelons cela : « Investissement dans la dimension tragique de la rencontre civilisationnelle ».

d. Voyager ? Mais tu crois vraiment que le community manager de l’Apocalypse prend des vacances ? Et puis le temps est mossad en ce moment.

On vous confie le soin d’organiser une série de meetings islamo-gauchistes sur les plages de nos vacances. Quel serait l’intitulé de cette tournée estivale ?

a. « Keffieh is the new black. Vers une mod.e disruptiv.e, décolonial.e et intersectionnel.le ».

b. Tournée des plages ? La révolution ne s’adapte pas, elle exige ! Et la Révolution, c’est moi ! La République, aussi ! Et son tribun, je suis ! On me reconnaît à ce que mes amis portent un sonotone. Donc ce sera : « Vaincre le sionisme, poison de la démocratie, grâce à la dictature religieuse ».

c. « Entre Orient exotique et Occident extatique, comment toujours garder un brushing impeccable ».

d. Le truc, c’est que, bien que mon feu divin soit en train d’écraser l’entité sioniste sous son courroux (#Mytho), j’ai des petits soucis de fuites urinaires. Et puis en ce moment, y’a comme un élan vers le Paradis dans mon entourage. Désolé je passe mon tour, il faut bien que quelqu’un garde la vieille maison.

Votre guide dans la vie ?

a. Evita Perón. Sa recette : pour partager une souffrance équivalente à celle des opprimés, s’opprimer soi-même.

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b. Robespierre ou Pol Pot (ce dernier étant moins occidentalo-centré) ! Who else, comme dirait la vipère impérialiste Georges Clooney, copain de l’infâme réactionnaire Jean Dujardin.

c. Quand on dépasse Victor Hugo, on cesse de se mesurer. Sinon, tu payes combien pour que je dise que toi aussi tu es un immense poète ?

d. Le type qui porte une soupière noire sur la tête dans ce long-métrage décadent qui plaît tant aux infidèles : La Guerre des étoiles. Vous ne voyez pas ?  Pendant tout le film, il veut construire un instrument de pacification des relations internationales, que des malintentionnés osent appeler « Étoile de la mort ».

Votre dernière phrase au moment de passer de vie à trépas ?

a. « Merde, j’ai coincé mon Keffieh dans la roue de la trottinette électrique de Greta. Non ! Ne démarre pas, je suis en train de prier pour la fin de l’entité sioniste ! Gretaaaaaa ! »

b. « Le jour où la mort viendra, ce sera pour me passer commande. »

c. Une dernière phrase, certainement pas ! Moi, c’est un roman épique entier que je laisserai à la postérité. Qui a dit « écrit par un comptable » ?

d. « Tiens, bizarre, mon beeper est en panne… »


Résultats

Un maximum de a. En guerre perpétuelle, surtout contre la nuance, vous visez le martyre, mais n’atteignez souvent que le ridicule. Qu’importe, vous êtes une égérie de la gauche « Chicken for KFC » et êtes devenue, depuis, une admiratrice d’Henri IV, surtout en ce qui concerne la poule-au-pot. Votre modèle : Rima Hassan.

Un maximum de b. Si vous croyez que le CRIF dirige la France et que les juifs forment un peuple qui veut et peut conquérir le monde, alors soit vous avez un problème cognitif, soit vous êtes Jean-Luc Mélenchon.

Un maximum de c. Vous aspirez à être le Chanel n° 5 de la compromission géopolitique, et avez d’ores et déjà la faculté de porter l’humanisme tellement cintré que cela en devient handicapant pour courir plus vite que les propositions de rémunération de régimes peu recommandables. Dominique de Villepin a beaucoup à vous apprendre.

Un maximum de d. Vous aspirez à être la version chiite de la fin du monde. L’incarnation de la volonté divine, option ogive et pendaisons de masse. Le tout avec le charisme d’un bulot et la barbe d’Hibernatus. On vous a déjà dit que vous ressemblez à Ali Khamenei ?

Michel Orcel ou l’élégance de ceux qui n’ont pas la carte

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L’écrivain et traducteur Michel Orcel publie ses mémoires.


Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort (qui étaient amis dans la vie) s’étaient amusés un jour à classer leurs confrères en deux catégories : les acteurs qui « ont la carte » et ceux qui ne l’ont pas. « Avoir la carte », c’est faire partie de l’establishment, bénéficier tacitement de l’indulgence de la critique et des puissants, en être bien vu et reconnu. Mais qui donc donne « la carte » ? Kafka s’était posé la question et avait tenté d’y répondre : personne en particulier. « On » décide. Un « on » d’autant plus tyrannique qu’il est impersonnel et invisible, intériorisé par chacun de nous et dont les médias dominants ne sont que les relais serviles. Dans le langage courant, le pronom « on » a d’ailleurs peu à peu remplacé le « nous », signe que le sujet contemporain s’efface, se nie et se plie à la volonté du « on ».

Who’s Who de choc

Quelqu’un devrait ainsi un jour écrire le Who’s Who de tous ceux qui n’ont pas la carte. Dans ce savoureux dictionnaire, on trouverait nombre d’hommes et de femmes de grand talent qui, parce qu’ils ont refusé de se soumettre à la loi du marché, vivent pour la plupart très sobrement, à l’écart des bruyantes futilités. Socialement et sur le plan de « la carrière », ce sont presque des ratés : ils ne seront donc jamais invités par Léa Salamé ou Augustin Trapenard. Mais humainement et moralement, ce sont les meilleurs. Né à Marseille en 1952, l’écrivain, traducteur, éditeur et psychanalyste Michel Orcel aurait à coup sûr toute sa place dans ce Who’s Who de choc !

Publiés en juin dernier, ses Mémoires écrits sur l’eau sont un livre qui se déguste à petites gorgées, comme un vin de Toscane bu à l’ombre des citronniers. C’est l’autoportrait d’un être multiple, complexe, à la fois sensible et fulminant, et le tableau balzacien de quarante ans d’histoire intellectuelle française.

Notre société aimant coller des étiquettes sur le front des gens pour leur attribuer une valeur marchande, disons, pour identifier le personnage, que Michel Orcel est d’abord un traducteur de génie – de l’italien vers le français, surtout. Il est à Dante, l’Arioste, le Tasse et Leopardi ce qu’André Markowicz est à Pouchkine, Gogol, Dostoïevski, Tourgueniev et Tchekhov : un passeur capable, après des décennies d’immersion dans la musique de leur langue, de restituer le souffle, la diction, la voix, l’âme et l’univers intérieur de ces grands poètes. Au début des années 1980, Giacomo Leopardi (1798-1837) était encore quasiment inconnu en France, peu et mal traduit, ignoré, incompris, pendant que les éditions Gallimard consacraient des volumes à des écrivains de bien moindre envergure. Orcel fut ainsi le premier à révéler aux lecteurs français le génie de ce poète et penseur, désormais reconnu comme l’égal de Keats et de Hölderlin « pour son amour de la Grèce antique et sa nostalgie d’un monde désormais déserté par les dieux ». Mais Leopardi, nous dit-il, annonce surtout Schopenhauer et le premier Nietzsche (dont il fut un « éducateur ») par son nihilisme absolu, proprement renversant si l’on songe qu’il écrivait en pleine effervescence progressiste. 

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Dans son travail, Michel Orcel s’est toujours identifié à la formule de son maître et ami, le grand écrivain suisse Philippe Jaccottet : « Le traducteur qui, sans faire aucun contresens, tue le chant, est un malfaiteur. Il importe de ne jamais trahir ce qui fait, dans un poème, que les choses tiennent ensemble et deviennent un organisme vivant. » Magnifique !

Sa traduction de La Divine Comédie de Dante — dont le troisième tome, le Paradis, parut en 2021 pour le 700e anniversaire de la mort du poète — fut ainsi saluée par le Corriere della sera comme « la meilleure traduction de la Divina Commedia dont la France dispose aujourd’hui ».

Mais comment un Français de 2025 pourrait-il se délecter de la musique de Dante et ressentir sa beauté, son rythme, la virtuosité de ses tercets aux rimes disposées avec un art tout mathématique ? Le fait est que Michel Orcel est parvenu à créer une langue en français, fluide et inspirée, qui respecte rigoureusement l’endécasyllabe italien. C’est ce que reconnurent, à côté de ses romans et de ses essais, Cioran, André-Pieyre de Mandiargues, Yves Bonnefoy, Jean Starobinski, Marc Fumaroli, Frédéric Vitoux, qui lui témoignèrent par écrit leur admiration et ne lui marchandèrent pas leur amitié.

Soie italienne

Citons Yves Bonnefoyà propos de l’Arioste : « Je vois bien que j’ai entre les mains, grâce à vous, le texte qui me donnera ce que ma science insuffisante n’est pas en mesure de m’offrir, les profondeurs d’une œuvre admirable. Merci pour ce monument de la traduction contemporaine, qui achève de faire de vous le meilleur représentant de l’Italie poétique en France, en français… »

À lire ses Mémoires, écrits dans un style aussi précieux que de la soie italienne, mais d’où émergent ici et là des coups d’épée et des pages hilarantes, dignes de Feydeau, sur les bassesses et les fourberies des grands éditeurs parisiens (voleurs, plagiaires, mauvais payeurs, etc.), on se rend compte qu’un homme aussi peu courtisan que Michel Orcel ne pouvait décidément pas « avoir la carte » ! Voyez plutôt.

Chrétien fervent et monarchiste, malgré ses idées sociales, il s’est mis à dos la gauche. Passionné par la civilisation arabo-musulmane (qu’il a étudiée à la Sorbonne sous la direction du grand savant Roger Arnaldez), il s’est mis à dos une certaine droite.

Dans un cas comme dans l’autre, notre époque se complaît dans la bêtise et l’ignorance.

« Comme Louis Massignon, écrit-il, j’ai été l’hôte de l’Islam, comme lui, c’est en passant par l’Islam que j’ai retrouvé la foi chrétienne. Qu’on s’imagine quelle est ma liberté ! »

Tout en dénonçant furieusement l’islamisation progressive de la France par les frères musulmans (n’oublions pas que les wahhabites avaient déjà tué la civilisation arabo-musulmane, dont le raffinement, la sensualité, l’amour du vin, la science et la tolérance surpassaient alors ceux de l’Occident chrétien), Michel Orcel a toujours défendu la dignité de l’islam en tant que religion abrahamique. Comme Charles de Foucauld, il rappelle que juifs, chrétiens et musulmans sont monothéistes et croient tous au même Dieu, unique incréé, créateur de l’Univers. Si l’islamisme gangrène aujourd’hui notre pays, c’est parce que la France s’est détournée du christianisme et de son histoire nationale. Pour avoir dit ces vérités évidentes, des hommes comme Michel Orcel doivent être mis au cachot.

Succulent carnage

Ses Mémoires écrits sur l’eau captivent aussi le lecteur par leur dimension métaphysique. L’auteur confesse ainsi le sentiment d’être « traversé », comme si une puissance qui le dépasse agissait à la racine de son être, comme si quelque chose de ses lointains ancêtres continuait à vivre en lui d’une façon totalement inimaginable. Un jour, il se rend dans le Piémont et découvre un village. Foudroyé par ce qu’il voit, il éprouve la sensation de connaître parfaitement ce lieu où il n’a pourtant jamais mis les pieds : une mémoire inconsciente se transmettrait-elle en nous, de génération en génération ?

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La racine du patronyme Orcel, c’est l’ursus latin. On comprend mieux ainsi pourquoi notre auteur distribue allègrement les coups de griffes à toutes les célébrités qui l’ont offensé ! Succulent carnage. Sa voix chaude et amicale, pourtant, évoque celle du ténor Carlo Bergonzi.

Mélomane dans l’âme, Michel Orcel est du reste l’auteur d’une biographie de référence de Giuseppe Verdi (Verdi La vie et le mélodrame, Grasset, 2000). « Verdi incarne l’archétype du génie populaire italien » (raison pour laquelle les snobs wagnériens, comme Boulez, ont toujours vu de haut ce compositeur qu’ils jugeaient « mal dégrossi » et « insuffisamment formé »), mais « un génie qu’il faut étudier attentivement pour découvrir tout ce qu’il recèle de culture littéraire et musicale ».

Retiré à Nice, où à près de 73 ans, il continue d’écrire, d’éditer et de recevoir des patients, Michel Orcel se rit maintenant de la « société du spectacle » qui l’a écarté.

Son amie Florence Delay, immortelle Jeanne d’Arc de Robert Bresson (elle vient de nous quitter le 1er juillet dernier), lui avait un jour écrit ces mots : « Dès la première phrase, votre livre est époustouflant. Le secret de sa composition (…) réunit l’enfant, l’érudit, le lecteur, l’archéologue, le promeneur, par la grâce toute française du conteur. »

Des mots sensibles qui s’appliquent tout aussi bien à ces Mémoires écrits sur l’eau !

Mémoires écrits sur l’eau. 648 pages. Editions ARCADES AMBO

La Baronne déracinée

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« Dis-moi que tu m’aimes, papa. Que je te manque. Dis-moi que si je rentre, tu vas réapparaître. Dis-moi que si je reviens, tu vas ressusciter. »

Issues de la page 83, ces quatre phrases résument bien le nœud de l’histoire que nous propose Delphine Bertholon, dans son dernier roman La Baronne perchée.

Le titre serait-il un clin d’œil à l’œuvre d’Italo Calvino et à Côme Laverse du Rondeau ? Cela ne fait aucun doute. D’autant que Billie (référence à Billie Holiday et à sa chanson « Solitude »), personnage principal de l’opus, est toute aussi singulière que le célèbre baron.

Afin d’attirer l’attention de son père indifférent, Léo, qui, rongé par le chagrin provoqué par la mort de son épouse Mathilde (décédée en couche en donnant naissance à la petite), la délaisse, cette jeune rousse de 12 ans décide, un beau jour de vacances, d’aller vivre dans une cabane perchée dans les arbres au sein d’un parc d’accrobranche abandonné, en face de la mer.

Elle empoisonnait sa fille

Une drôle d’idée ! Pas tant que ça. La jeune fille entend ainsi retrouver ses racines. Comprendre. Comprendre les siens. Au fond d’elle-même, inconsciemment, ne se sent-elle pas responsable de la mort de sa mère qui, fragilisée à cause d’une génitrice atteinte du syndrome de Münchhausen, l’empoisonnait à petits feux, à petites doses ? Tout à fait possible. « Léo avait eu beau se taper la tête contre les murs, c’était son corps, c’était son choix. Il n’avait rien pu faire pour la dissuader de poursuivre cette grossesse qui finirait par la tuer, comme les docteurs l’avaient craint. Il avait toujours soupçonné Mathilde de ne pas tenir tant que ça à la vie… Ou bien c’était un truc de mère, le sacrifice, une chose qu’il ne pourrait jamais comprendre. » 

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Résultat : brisé par la peine, Léo boit ; pourtant il « n’ en avait pas toujours été ainsi. Il n’avait jamais été l’archétype du « père aimant et protecteur », certes, mais les choses s’étaient dégradées. Toutes les choses. La maison, la voiture, leur relation. Il rentrait tard, parlait de moins en moins et buvait plus qu’avant. » Lorsqu’il constate la disparition de sa fille Billie, Léo panique ; il ne sait par quel bout attraper l’événement. Il prend conseil auprès de Nelly, une jeune journaliste qui lui a tapé dans l’œil. Mais ce n’est pas simple. L’histoire se complique encore un peu plus quand apparaît, sous l’arbre de Billie, un vieil homme qui prétend être son grand-père…

Auteur d’une dizaine d’ouvrages, Delphine Bertholon sait, ici, passionner ses lecteurs avec un roman sans prétention littéraire, mais vif, bien construit et parfaitement ancré dans la réalité d’aujourd’hui. Ses personnages « sonnent » vrai ; les dialogues aussi. Les intrigues nous tiennent en haleine. À l’instar de Billie, elle a réussi son coup.

La Baronne perchée, Delphine Bertholon ; Buchet/Chastel ; 238 pages.

La baronne perchée

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Le baron perché

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Bien le bonjour du Népal

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Le capitaine Pooja Thapa – professionnelle incorruptible, queer replète à cheveux ras et aux traits disgracieux, moulée dans son jeans, affectant cette froideur toute virile justifiant qu’on lui donne du « Sir » selon l’usage local pour s’adresser aux policiers – est envoyé de Katmandou pour, aidée de son adjointe Matama, enquêter sur l’enlèvement crapuleux de deux enfants, dont le fils d’un député qui finance un mouvement insurrectionnel dans cette région peuplée par l’ethnie hindouiste des madhesi, soit 25% de la population de cette enclave entre Chine et Inde qui s’appelle le Népal : une minorité, paraît-il, discriminée culturellement et linguistiquement.

A ne pas manquer, Jean Chauvet: Tant qu’il y aura des films

Un thriller népalais distribué en France, voilà qui n’est pas chose courante. Présenté au Festival de Venise en 2024, Pooja, Sir sort à présent en salles dans une version non censurée, ce qui ne fut pas le cas dans l’espace autochtone. La mise en œuvre de ce long métrage n’a pas été une sinécure s’il faut en croire le cinéaste : un tournage en pleine mousson, ajourné d’abord en raison de la pandémie de Covid, puis à cause d’une maladie dont fut atteinte Asha Magrati, grande figure du théâtre au Népal, ici dans le rôle-titre…

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Sous l’alibi d’une intrigue au suspense un peu poussif, l’arrière-plan sociologique et politique demeure manifestement ce qui importait à Deepak Rauniyar : sur fond de couvre-feu, d’émeutes et de répression par l’impérialisme du Nord, l’argument, pour le spectateur occidental non averti du contexte, gagnerait à se voir assorti d’un mode d’emploi.  C’est toute la limite d’une fiction inféodée à l’intention documentaire. Saluons quand même la prise de risque de cette échappée népalaise dans la fournaise de l’été.

Pooja, Sir Film de Deepak Rauniyar. Népal, couleur, 2024. Durée: 1h49. En salles le 23 juillet.

Le Mur des comptes

Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


Le Mur des comptes devrait toujours débuter par un rappel des chiffres concernant la France. Notre endettement public s’élève désormais à 3 345 milliards d’euros, soit 114 % du PIB. Notre dépense publique, qui représente 57,1 % du PIB, se répartit ainsi : 34 % pour le social, 14,5 % pour les retraites, 12,4 % pour la maladie, 2,3 % pour la famille, 1,8 % pour le chômage et 1,3 % pour la lutte contre l’exclusion. Nos comptes publics accuseront cette année un déficit d’au moins 5,6 % du PIB, avec un paiement des intérêts de la dette qui devrait atteindre 65 milliards. La croissance nominale annuelle de l’économie française plafonne quant à elle à 2,5 %, ce qui est en dessous de nos taux d’intérêt à long terme. La démographie s’effondre. La productivité recule. Tout cela se traduit par un déficit annuel du commerce extérieur de plus de 80 milliards et une position extérieure nette (l’endettement des Français vis-à-vis du reste du monde) de 800 milliards. La situation ressemble bien à celle décrite par Frédéric Bastiat dans son essai Harmonies économiques en 1850: une « grande fiction par laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». On attend donc avec impatience la présentation par François Bayrou de son « Plan pluriannuel de redressement des comptes publics ». Quand il est rentré à Matignon, le Premier ministre a indiqué qu’il s’estimait « au pied de l’Himalaya budgétaire ». Pour le moment, il ne semble pas avoir trouvé son piolet.

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Le Plan de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) prévoit un investissement public de 300 milliards. Si une partie de cet ambitieux programme est consacrée à la relance du nucléaire, la plus grande proportion est consacrée aux énergies renouvelables. Il s’agit ni plus ni moins d’ici 2030 de multiplier par deux le nombre d’éoliennes terrestres en France, par cinquante celui des éoliennes en mer et par quatre la quantité des panneaux solaires – fabriqués en Chine – installés sur notre territoire. Tout cela coûte très cher au consommateur et au contribuable puisqu’entre 2010 et 2024 le prix de l’électricité a plus que doublé. Heureusement, un moratoire a été adopté sur le développement de nouveaux projets. Les industriels ont tiré la sonnette d’alarme. Mais les politiques sont-ils pour autant vaccinés contre l’écologie punitive ?

MaPrimRénov’ a déjà coûté 2,5 milliards d’euros depuis le début de l’année, et 3,4 milliards en 2024. Ce système de subvention est destiné à améliorer l’isolation des habitations et à aider les propriétaires à installer des chaudières plus écologiques chez eux. Le gouvernement a annoncé qu’il était suspendu à partir du 1er juillet, au motif « d’une surchauffe des services instructeurs et d’un niveau élevé de fraude ». Il faut dire que les acteurs du marché de la rénovation – qui ont multiplié les démarchages téléphoniques répétitifs et surtout très agressifs auprès des particuliers – avaient senti le filon… Tous ces allers-retours représentent un véritable cauchemar pour les entreprises du secteur et pour leurs clients. On avait déjà l’habitude de voir l’État assommer les propriétaires avec la taxe foncière et l’impôt sur la fortune immobilière. Mais la politique écologique d’Emmanuel Macron ajoute un supplice supplémentaire pour des centaines de milliers d’entre eux, qui se retrouvent carrément interdits de louer leurs biens classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE). Afin de ne pas être en reste, Anne Hidalgo a maintenu à Paris l’encadrement des loyers. Ce dossier illustre de manière dramatique la façon calamiteuse dont la France est gérée.

L’hécatombe se poursuit en France dans les sociétés de technologie. Dernier exemple en date, la société Carmat, qui développe un cœur artificiel orthotopique, autorégulé et bioprothétique, est au bord de la cessation de paiements. L’État ne semble pas s’activer pour l’aider, alors qu’il est intervenu une fois de plus pour sauver la papeterie Chapelle-Darblay (52 millions à la demande du maire socialiste de Rouen et de la CGT) et la cristallerie d’Arques (en dix ans plus de 250 millions de fonds publics y ont été injectés). En revanche, rien n’a été fait pour maintenir l’activité de la start-up française Visibrain, spécialisée dans les logiciels de surveillance des sujets sensibles sur les réseaux sociaux. Le service d’information du gouvernement aurait pu, par exemple, s’équiper avec ce logiciel. Il a préféré se fournir auprès du canadien Talkwalker, détenu par des fonds américains ! Cela permettra au Pentagone de connaître en temps réel les thèmes qui intéressent nos autorités…

Le vrai coût de l’immigration en France mériterait d’être évalué convenablement, c’est-à-dire en prenant en compte les dépenses liées à l’accueil, l’hébergement, l’accès aux soins, l’éducation, l’aide sociale ainsi que toutes les dépenses liées à la sécurité et à l’intégration. On sait que le budget de l’Aide médicale d’État (AME) devrait atteindre 1,2 milliard en 2025 et on pense que les coûts d’hébergement d’urgence dépasseront le milliard d’euros. Problème, tous ces chiffres ne sont pas consolidés. C’est la raison pour laquelle Éric Ciotti, patron des députés UDR à l’Assemblée, a demandé la création d’une commission d’enquête sur le sujet.

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L’industrie automobile européenne est morte. Sachant qu’on peut acheter en Suisse un SUV de la marque chinoise BYD pour 20 000 francs alors que la Porsche Macan est vendue autour de 80 000 francs, c’est bientôt la fin. En vingt ans, la production automobile a reculé des deux tiers en France, avec à présent seulement 1,3 million d’unités produites par an et un déficit commercial du secteur s’élevant à 4,8 milliards d’euros, rien qu’au premier trimestre 2025.

La Caisse nationale d’allocations familiales n’a pas pu obtenir la certification de ses états financiers de la part de la Cour des comptes pour l’exercice 2023. La raison : 6,3 milliards de prestations ont été versés « en dehors du cadre réglementaire ». On retrouve parmi les bénéficiaires de ces sommes beaucoup de retraités algériens extrêmement âgés, dont la preuve qu’ils sont toujours en vie n’est pas très documentée.

Le nombre de fonctionnaires ne cesse d’augmenter. Durant le premier quinquennat Macron (2017-2022), il a progressé de 177 000, contre une hausse de 126 000 sous Hollande (2012-2017) et de 35 000 sous Sarkozy (2007-2012).

Gisèle Pelicot, Nahel: jusqu’où ira la glorification des victimes?

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A Madrid le 8 mars 2025, les militantes féministes disent "gracias" à Gisèle Pelicot © Bernat Armangue/AP/SIPA

Demandera-t-on demain la panthéonisation de Nahel Merzouk ?


Le 23 août 1996, la Belgique effondrée assistait aux funérailles de deux petites filles dont les prénoms, Julie et Mélissa, flottaient depuis des semaines dans toutes les têtes. Tous les drapeaux étaient en berne et le palais royal avait proposé d’envoyer un représentant. Les parents s’y étaient opposés, « Le Roi ou rien ! ». 

Nombre de Belges avaient pris congé pour suivre la retransmission de la messe d’adieu ou pour assister directement à celle-ci. Mais aussi spacieuse que soit la Basilique Saint-Martin à Liège, elle ne pouvait contenir le 5 à 10 000 personnes, journalistes, célébrités ou simples citoyens venus soutenir les parents des petites filles, victimes d’une épouvantable tragédie. La rue Mont Saint-Martin qui mène à la basilique, fermée au trafic était noire de monde. Lorsqu’y pénétrèrent les corbillards, le silence se fit. Mais lorsque, suivant ceux-ci, apparurent à pas lents les parents des deux défuntes, dont plus personne n’ignorait le calvaire, la foule applaudit. Cela me laissa interloquée. On applaudit un exploit, une prestation remarquable, un héros… Mais des familles de victimes ? Ça me semblait incompréhensible. C’était il y a presque 30 ans. 

Depuis, le statut de victime – voire de simple plaignant et surtout plaignante – a pris du galon. Hissé au plus haut niveau des gloires nationales, ce sont les victimes ultra médiatisées qui tiennent le haut du pavé. Et si elles sont victimes d’une erreur d’appréciation de la police, on n’est pas loin de leur élever une statue. Ça permettra de remplacer celles que nous érigions autrefois à nos héros et que le wokisme déboulonne à tour de bras… Ainsi la ville de Nanterre prévoit d’installer une plaque commémorative au jeune délinquant Nahel[1].

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Mais il n’y a pas que les statues et les plaques commémoratives dont il convient de détricoter tant le sens que la fierté. Depuis 1802, la France, par la loi du 29 floréal an X, récompense des militaires ou des civils pour mérites éminents en les décorant de la plus haute distinction : la Légion d’Honneur. Ce vieux gadget qui sent la France rance, qui symbolise un patriarcat blanc, une Histoire glorieuse, et surtout qui contredit l’égalitarisme mou qui sert à présent d’horizon en hissant certains au-dessus des autres, doit à son tour être l’objet d’une entreprise de démolition ou, à minima, de dissolution. 

C’est ainsi que Madame Pelicot, sexuellement abusée, victime entre les victimes et surtout victime des hommes, est proposée à la prochaine fournée de la Légion d’Honneur. Qu’a-t-elle fait pour mériter l’éternelle reconnaissance de la patrie ? Il ne se trouve pas un cœur assez sec pour nier son martyre et y compatir sincèrement. Mais en quoi cela fait-il d’elle un sauveur de la nation ? Une héroïne ? Ses terribles épreuves jusqu’au verdict final la hisse-t-elle vraiment au rang de Marie Curie ou de Jean Moulin ? La falsification sémantique que l’on voit chaque jour à l’œuvre rappelle la novlangue de George Orwell. Dans le monde effrayant décrit dans « 1984 », les mots n’ont pas simplement subi un glissement de sens, mais une inversion. La vérité est le mot pour signifier le mensonge, comme l’amour est le mot pour signifier la haine. Le temps est-il venu, en France, où le mot « héros » signifiera « victime », avant que « gloire » ne signifie « honte » ?


[1] https://www.causeur.fr/nahel-refus-d-obtemperer-plaque-raphael-adam-312887

Le macronisme s’est déjà tué lui-même…

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Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau photographié lors d'un déplacement consacré aux incivilités et rodéos sauvages en milieu rural, à Condécourt, dans le Val d'Oise, le 23 juillet 2025 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Dans un entretien accordé hier à Valeurs actuelles, Bruno Retailleau a prédit la fin du macronisme et fustigé l’impuissance politique du « en même temps ». Les macronistes sont furieux : ils reprochent au candidat de « la France des honnêtes gens » de faire trop de presse, de ne pas jouer collectif et de ne pas évoquer son bilan sécuritaire. Qu’ils se rassurent: Emmanuel Macron et Bruno Retailleau pourront en discuter très prochainement en tête-à-tête. Ils ont un rendez-vous prévu en fin de journée… Analyse.


Bruno Retailleau a tout dit dans un remarquable entretien accordé à Valeurs actuelles[1]. Outre sa volonté de rester au gouvernement tant qu’il s’estimera utile aux Français et nécessaire pour faire face à la menace que représente LFI, il a développé une double argumentation, s’appuyant à la fois sur sa fonction ministérielle et sur sa présidence des Républicains.

« La gauche soixante-huitarde a engendré une société permissive. Quelque part, les “déconstructeurs” ont gagné… »

La première argumentation porte sur l’obligation, pour une droite authentique, de se débarrasser de l’influence pernicieuse d’une idéologie de gauche qui l’a gangrenée dans beaucoup de domaines, notamment judiciaire et culturel. Rien de ce que la gauche a de valable ne lui appartient en propre, une droite intelligente a le devoir de le récupérer, comme Nicolas Sarkozy l’avait d’ailleurs proposé en 2007. Je ne doute pas que Bruno Retailleau a pour objectif principal de redonner à la droite dont il a pris la tête, fierté, audace, sincérité et moralité. J’insiste sur ce dernier point qui est l’angle mort de la politique française, tous partis, responsables, opposants, ministres confondus. La droite, comme le souligne le ministre de l’Intérieur, ne doit pas se contenter d’être un peu mieux ou un peu moins mal que la gauche, elle se doit d’être tout autre chose, indépendante et inventive.

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La seconde argumentation, qui a énoncé une évidence – le macronisme disparaîtra avec la fin politique d’Emmanuel Macron – a pourtant suscité une controverse et des réactions très vives de Renaissance. On comprend mal celles-ci. Dans une situation catastrophique dont l’initiateur, il ne faut jamais l’oublier, a été Emmanuel Macron, il était inévitable que la pratique gouvernementale ne ressemblât pas aux périodes ordinaires et fût secouée par des antagonismes qui n’excluent pas pour l’instant un accord de base sur l’essentiel souhaité par le Premier ministre.

Le dépassement, c’est dépassé

Je serais prêt à admettre que le macronisme, si on peut conceptuellement le définir, a d’abord, et surtout, été un dépassement affiché de la droite et de la gauche afin d’opérer une prise du pouvoir grâce à un électorat séduit par cette espérance, mais vite désabusé. Par la suite, la politique d’Emmanuel Macron a mélangé dans le désordre, avec des contradictions, des voltes voire des aberrations, des mesures plutôt libérales, une vision internationale se voulant gaulliste, beaucoup de repentance, longtemps un fiasco régalien, une manière narcissique, trop sûre de son fait, d’exercer le pouvoir, avec une indifférence totale à l’égard des critiques même les plus républicaines qui soient.

Si macronisme il y a eu, il a été tué par lui-même et depuis 2017, la seule preuve du macronisme est Emmanuel Macron lui-même, qui a tout fait par d’incessantes variations pour nous contraindre à ne considérer que lui comme point fixe. Celui-ci disparu, il n’y aura plus rien. Ce qui démontre la pertinence du point de vue de Bruno Retailleau, au demeurant déjà proféré mardi 20 mai sur un mode atténué par la porte-parole Sophie Primas.

L’action politique impose des arbitrages clairs

Bruno Retailleau affirme qu’il « ne croit pas au en même temps » et que « le macronisme alimente l’impuissance ». Il n’est plus personne, au regard des résultats nationaux ou internationaux, qui ne fustige pas cette prétendue simultanéité qui a rendu notre politique à la fois inefficace et illisible. L’action impose des choix, des arbitrages, des exclusions quand le « en même temps » conduit à la stérilité. Sa seule utilité est dans le débat intellectuel, personnel, où chacun, pour s’enrichir de plénitude, a le devoir de peser le pour et le contre, les idées et leur contradiction, son opinion et ce qui pourrait la nier.

A lire aussi, Didier Desrimais: Mesures budgétaires: Bayrou épargne l’immigration! Pourtant…

La démonstration de la faillite du « en même temps » est facile à opérer. Par exemple quand on voit le sondage écrasant (la gauche à peine moins sévère que la droite) sur le fiasco régalien du président de la République. Le régalien, longtemps un domaine trop vulgaire, trop populaire pour lui. Puis il a tenté d’en apprendre la langue mais cela a toujours été une langue étrangère. Grâce à François Bayrou, pour la première fois de notre histoire, nous avons un couple régalien exceptionnel, exactement sur la même longueur d’onde. Il masque la faiblesse présidentielle.

M. Retailleau a toute légitimité pour s’exprimer sur l’ensemble des sujets et ce n’est pas, de son chef et enfin, la première mesure de rétorsion véritable à l’encontre des autorités algériennes qui va diminuer son crédit. Quatre-vingts dignitaires algériens privés des facilités diplomatiques dues à l’accord de 1968 ! La diplomatie à la Jean-Noël Barrot a vécu ! La seule question qui vaille est non pas de savoir si Bruno Retailleau restera au gouvernement – cela dépend de paramètres qui ne relèvent pas que de lui – mais si jusqu’en 2027 la droite dont il est aujourd’hui l’incarnation éclatante saura faire bloc pour gagner. Avec un adieu sans trop de regret au macronisme !

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[1] https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/politique/bruno-retailleau-le-macronisme-sachevera-avec-emmanuel-macron

La justice française est-elle tombée dans le piège tendu par un oligarque kazakh?

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Mukhtar Ablyazov, l'homme qui valait 6 milliards ! DR.

Les poursuites contre l’oligarque Moukhtar Abliazov ont été annulées en France pour des motifs politiques, relançant le débat sur l’accueil de figures controversées au nom des droits humains


Après plusieurs années de procédure, estimant que les tribunaux français n’étaient pas compétents, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a annulé en avril 2025 les charges pesant contre l’oligarque kazakh Moukhtar Abliazov. Cette décision constitue une victoire juridique pour l’ancien banquier et ministre kazakh, soupçonné d’avoir détourné plusieurs milliards de dollars lorsqu’il dirigeait la BTA Bank, la plus grande banque du pays. Cependant, cette décision de justice soulève une question fondamentale : la protection légitime des droits humains ne risque-t-elle pas de conduire à une complaisance coupable envers des personnalités controversées ?

Condamné à la perpétuité dans son pays

Moukhtar Abliazov est bien connu dans les chancelleries européennes. Ancien ministre de l’Energie sous la présidence de Noursoultan Nazarbaïev, il est devenu l’un de ses plus farouches opposants avant de fuir le Kazakhstan en 2009. Les autorités kazakhes l’accusent d’avoir détourné 6 milliards de dollars de la BTA Bank et d’avoir orchestré le meurtre d’un de ses associés ; des faits pour lesquels il a été condamné à perpétuité par contumace dans son pays. Pour sa part, l’Ukraine le réclamait aussi pour des détournements de 500 millions de dollars.

En 2012, la Haute Cour du Royaume-Uni l’a reconnu coupable d’outrage à la cour pour avoir menti sous serment et falsifié des documents. « Il est difficile d’imaginer autant de cynisme, d’opportunisme et de ruse de la part d’un individu impliqué dans un litige commercial » a déclaré le juge britannique Maurice Kay. Condamné à 22 mois de prison au Royaume-Uni, Abliazov s’est réfugié en France en 2013. Par la suite, une amende de 218 millions de dollars lui a été infligée par les États-Unis pour ses montages financiers douteux.

En France, il a su intelligemment tirer parti des failles du système. En septembre 2015, Manuel Valls, alors Premier ministre, a signé un décret autorisant son extradition. Mais en 2020, Abliazov a obtenu l’asile politique qui lui a été retiré deux ans plus tard. Cette décision a été confirmée par le Conseil d’État en 2024. Pourtant, il continue à plaider sa cause auprès des autorités françaises en se présentant comme victime de persécutions politiques.

L’annulation des charges pesant contre Abliazov par la Cour d’appel de Paris repose sur un argument juridique : les poursuites engagées contre M. Abliazov seraient motivées par des considérations politiques, dissimulées derrière des accusations de droit commun. Ce raisonnement s’appuie sur le refus de la France, en 2014, d’extrader l’oligarque, ainsi que sur les mises en garde du Conseil d’État contre une possible instrumentalisation de la justice par les autorités kazakhes.

Cette prudence doit-elle pour autant conduire à ignorer les accusations portées contre lui ?

M. Abliazov sait habilement faire intervenir ses relais d’influence. Des personnalités européennes telles que l’ancien eurodéputé Marco Panzeri, impliqué dans le scandale du Qatargate, ont pris sa défense. De même, basée à Bruxelles, la Fondation Open Dialogue (ODF) lui est également fidèle.

Entre 2013 et 2020, l’ODF a expliqué qu’Abliazov et ses acolytes étaient victimes de persécutions politiques. Aujourd’hui, l’ODF qui présente l’oligarque comme un de ses « consultants », publie de rapports qui attaquent ses opposants, qu’il s’agisse d’officiels kazakhs, de banques d’Asie centrale ou d’institutions traquant les fonds de la BTA.

Un OQTF pas comme les autres !

M. Abliazov n’est plus sous contrôle judiciaire. Les charges de blanchiment et d’abus de confiance qui pesaient contre lui ont été abandonnées. Il reste pourtant au cœur d’un imbroglio politico-judiciaire qui indigne certains responsables politiques français, comme la sénatrice Nathalie Goulet : pourquoi un OQTF déchu de son statut de réfugié – fut-il un oligarque – peut-il continuer à résider en France ?

Au Royaume-Uni, le Crown Prosecution Service (CPS) et la National Crime Agency ont invoqué un « manque de ressources » ou des failles juridiques pour ne pas poursuivre la procédure d’extradition qui le visait. Les avocats de la BTA Bank, menés par le cabinet Hogan Lovells, ont prié le CPS d’agir. En vain.

En annulant les poursuites pour défaut de compétence, la France n’a pas blanchi Moukhtar Abliazov. Elle a simplement pris acte du fait que l’État de droit ne permet pas de juger une affaire lorsque les motivations du plaignant peuvent être considérées comme politiques. Cette décision laisse toutefois entière une question cruciale : un personnage comme Abliazov doit-il continuer à bénéficier de la protection de la France ? En voulant protéger les droits de tous, la France n’est-elle pas en train de devenir un refuge pour ceux qui savent manipuler le droit ?

Aujourd’hui, le nom d’Abliazov figure toujours sur les listes de surveillance britanniques, mais sans volonté politique de la part de Londres et de Paris, cet oligarque insaisissable continuera à échapper à la justice.

Danièle Sallenave: républicaine toujours, quoi qu’il en coûte

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Danièle Sallenave photographiée en 2019 © Philippe Lacoche

Élevée dans l’amour de la République, l’Académicienne évoque, avec audace et lucidité, son parcours de femme de gauche au sein d’une époque mouvementée. Intéressant.


« Je ne me donne pas en exemple, je raconte », écrit Danièle Sallenave en quatrième de couverture de son dernier livre, La splendide promesse, sous-titré « Mon itinéraire républicain », un récit de quelque 520 pages. « Je suis une enfant des années d’après-guerre, élevée dans l’amour de la république, de ses principes, de ses symboles et de ses mythes au cœur de l’Ouest conservateur et clérical », poursuit-elle. Dans ce long texte, elle se demande ce qu’elle a fait de cet héritage et ce que ce dernier a fait d’elle. Un itinéraire ancré au sein d’une époque mouvementée ? Euphémisme que de le dire. « Fin de la guerre d’Algérie, mai 68, découverte du tiers-monde, chute du Mur, sursauts populistes d’une France en proie au mécontentement et au doute… Une rude mise à l’épreuve de l’idéal républicain », constate-elle encore non sans modestie et lucidité.

 « Être de gauche et aimer la France. »

On lit ; on progresse dans notre lecture. On finit par en convenir : elle est restée républicaine en toute circonstance, ce malgré ses doutes, ses convictions mises à mal, et les évolutions rapides, trop rapides, d’une société qu’on ne comprend pas toujours. Danièle Sallenave nous conte ses amitiés, ses voyages, ses rencontres, ses coups de cœur et ses ruptures. Tout cela pour parvenir à un sentiment général qu’elle qualifie de « têtu » : « La république n’est rien si elle oublie « la splendide promesse faite au tiers état », selon la formule de Mandelstam. Une promesse de justice, d’instruction et de progrès. » Devant cette évidence, on ne peut que s’incliner, comme on s’incline devant ce livre à la fois beau, rassérénant, sincère, bouleversant parfois, sincère toujours.

A lire aussi, du même auteur: La Baronne déracinée

Une sincérité indéniable qui ne manque ni d’audace, ni de panache, notamment quand elle aborde le délicat, si délicat aujourd’hui, sujet du féminisme : « (…) j’ai acquis pour toujours une vision égalitaire du féminisme. Rien ne doit être refusé aux femmes parce qu’elles sont des femmes ; rien ne doit leur être accordé parce qu’elles sont des femmes. » Voilà qui est clair ; on est loin, très loin, des excès d’un ultra féminisme qui finit par entretenir la guerre des sexes. De même lorsqu’elle procède à cette analyse à propos du PCF : « Durant les événements de mai 68, j’éprouve de la distance à l’égard du gauchisme, pour moi l’expression d’une jeunesse dorée. Je partage son rejet du stalinisme, mais non celui du Parti communiste parce qu’il continue d’être à mes yeux profondément français et le parti des forces populaires. » Lucide et courageuse, elle n’hésite pas à publier au début des années 90, un article dans les Temps modernes (alors dirigée par Claude Lanzmann) intitulé « L’hiver des âmes » dans lequel elle fait comprendre pourquoi la fin de l’URSS n’est pas forcément une bonne nouvelle. Il fallait quand même oser quand tout l’intelligentsia européenne, de droite et/ou de gauche, bêlait de plaisir comme un seul ovin après la tonte. D’abord envahie par les puissances ultralibérales, capitalistiques, puis mafieuses, la nouvelle Russie est aujourd’hui dirigée par un belliqueux dictateur.

Danièle Sallenave ne dissimule pas son attachement à la France qu’elle scrute droit dans les yeux : « Mais je dois vivre avec cette question : qu’est-ce qu’être de gauche et aimer la France ? Sur une ligne de crête : à gauche, le rejet de la France, comme une entité raciste, impérialiste et colonialiste ; à droite, les solutions identitaires et exaltation de la nation charnelle. » On est en droit de ne pas lui donner tort.

Elle étonne encore quand elle n’hésite pas un seul instant à soutenir le mouvement des gilets jaunes en publiant, en 2019, dans la collection « Tracts » de chez Gallimard, le savoureux Jojo, le Gilet jaune, pétillant pied de nez à la gauche caviar et aux bobos de salons qui méprisent royalement cette contestation issue du peuple qui rame et qui souffre. Pour tout cela, Danièle Sallenave et son récit méritent lecture attentive et bienveillante grâce à leurs propos éclairés et singuliers.

La splendide promesse, « Mon itinéraire républicain », Danièle Sallenave ; Gallimard ; 520 p.

La splendide promesse: Mon itinéraire républicain

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A Séville, sur les traces de Carmen…

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© Département de Communication de Tourisme de Séville

Dans la capitale andalouse, pas à pas, et livre ou partition en main, l’occasion est trop belle de revivre la destinée de Carmen, telle qu’elle est relatée par la nouvelle de Prosper Mérimée ou telle qu’elle apparaît, acte après acte, dans le chef d’œuvre de Georges Bizet…


Premier acte. Devant la manufacture de tabac

La cloche a sonné, nous, des ouvrières,
Nous venons ici guetter le retour.
Et nous vous suivons, brunes cigarières,
En vous murmurant des propos d’amour

La cloche ne sonne plus, Calle de San Fernando, à Séville, et de la manufacture de tabac, somptueux bâtiment édifié au XVIIIe siècle sous Philippe V, le premier des Bourbons d’Espagne, les cigarières ne sortent plus pour aguicher les majos sévillans venus ici  les accoster au moment de leur pause.

Aujourd’hui, l’immense édifice, réputé être le plus grand d’Espagne après le palais-monastère de l’Escurial, est devenu le siège de l’Université de Séville et les dragons du régiment d’Almanza n’y sont plus de faction.

Plus de Don José, ni de garde montante ou descendante provenant de cette caserne ocre-brun située à quelques pas de là,Avenida de Menendez Pelayo, et aujourd’hui transformée en annexe de la Junta de Andalucia, le gouvernement andalou. On la rallie en quelques minutes en traversant los Jardines de Murillo.

C’est ici, dans cette manufacture, que venait travailler Carmen la bohémienne dans les années 1830, sous le règne d’Isabel II. Dans la chaleur étouffante des immenses salles voûtées s’entassaient par centaines les ouvrières dépoitraillées, telles que les a peintes Gonzalo Bilbao dans son tableau Las Cigarreras qui est visible au Musée des Beaux-Arts de Séville. Carmen venait du quartier des gitans, du faubourg de Triana, de l’autre côté du Guadalquivir. Au 66, Calle de la Purezza (rue de la Pureté ! elle qui eut d’innombrables amants), non loin de la chapelle des mariniers, cette maisonnette blanche à un étage et aux longs stores de bois vert sapin, était peut-être la sienne jadis. A cette époque, pour gagner la manufacture, en l’absence de ponts entre Triana et Séville, à l’exception d’un pont de bateaux, on empruntait un bac qui permettait de traverser le fleuve. Aujourd’hui, c’est du pont Isabel II, orné de sa délicieuse et minuscule chapelle et de son campanile de poupée, le premier pont de pierre à avoir relié dès 1852 Triana au centre de Séville, que l’on a la plus belle vue sur la capitale andalouse. Un paysage urbain enchanteur, dominé par la Giralda, et qui, par bonheur, n’a que peu changé depuis le temps de la zingara. Mais là où des berges douteuses bordaient le Guadalquivir, des quais ont été édifiés depuis qui enserrent les eaux du Guadalquivir.

A lire aussi, du même auteur: De Varsovie à Montparnasse: l’aventure artistique des sculptrices polonaises de Bourdelle

Du côté de Séville, s’élève l’immense palais de San Telmo où tenaient leur cour la sœur d’Isabelle II, l’infante Marie Louise Ferdinande d’Espagne, et son époux, le prince Antoine d’Orléans, duc de Montpensier, le benjamin des fils de Louis-Philippe 1er, le plus intriguant, le moins sympathique de la fratrie. Ils étaient les exacts contemporains de Carmen, mais en plus convenable tout de même. Aujourd’hui, le palais est séparé de ses immenses jardins qui ont été offerts par l’infante à la ville et sont désormais aménagés sous le nom de parque de Maria Luisa.

Du côté de Triana, les masures des gitans d’autrefois ont fait place à de petites maisons bien soignées, à ces restaurants et bars à tapas grouillant sur la calle del Betis qui borde le Guadalquivir.

L’amour est enfant de bohême,
Il n’a jamais, jamais connu de loi 

Rectorado de la Universidad de Sevilla

Non loin de l’ancienne manufacture de tabac, c’est dans la Calle de la Serpiès, raconte Mérimée, que Carmen, profitant de la passion qu’elle a fait naître chez Don José, lui fausse compagnie et s’enfuit pour éviter la prison. Cette prison militaire deSan Laureano, aménagée dans l’ancien Colegio du même nom, auparavant saccagé par l’occupation française durant les guerres napoléoniennes,  s’élève toujours à l’extrême fin de la rue Serpiès, sur la rue Alphonse XII. Désaffectée depuis, elle abrite aujourd’hui des boutiques. C’est là que sera incarcéré Don José pour avoir laissé fuir la bohémienne. L’ombre de Carmen flotte toujours sur la Calle de la Sierpiès. Ou sur la Calle Cuna qui la jouxte, avec ses innombrables tiendas, ses boutiques où abondent châles de Manille – mantones de Manilla-, éventails et robes à volants dont se parent les Carmencita du troisième millénaire durant la Feria de Abril.

Deuxième acte : près des remparts de Séville

Près des remparts de Séville
Chez mon ami Lillas Pastia,
J’irai danser la séguedille,
Boire du manzanilla

Séville a depuis bien longtemps débordé de ses antiques remparts datant du temps des Almohades, les conquérants arabes. De ces remparts près desquels, chez le cabaretier Lillas Pastia, Carmen dansait la séguedille, buvait du manzanilla et dévorait sans doute de la friture de poissons comme on en trouve aujourd’hui dans les échoppes de Santa Maria la Blanca. De ces murailles et de ces tours mauresques, abattues dès 1868 et rendues plus exotiques encore par le voisinage des palmiers plantés là au XIXe siècle, on retrouve des vestiges imposants entrela Puerta de la Macarena et la Puerta de Cordoba, non loin de la Alameda de Hercules, la promenade d’Hercule. Dans ce quartier populaire, on peut toujours croiser de ces Andalous trapus et tannés par le soleil, arrière-arrière-petits-fils des contrebandiers de jadis. Et tard dans la nuit, dans le silence des rues désertes, on croit entendre encore la voix de don José tout brûlant du désir de retrouver Carmen et qui chante Halte là ! Qui va là ? Dragon d’Alcala !

Les tringles des sistres tintaient
Avec un éclat métallique, 
Et sur cette étrange musique
Les zingarellas se levaient.

Aujourd’hui, toutefois, c’est plutôt dans le faubourg de Triana, comme au 49, Calle Pagès del Corro, chez la danseuse Anselma, qu’on retrouve quelque chose de l’atmosphère surchauffée de la taverne de Lillas Pastia. Entre des murs surchargés de figures du Christ, de la Vierge et de portraits de matadors, où chante et danse qui veut être vu et entendu, on retrouve quelque chose de la Séville de jadis.

Remparts
Taverne El Rinconcillo, 40, calle Gerona

Troisième acte : dans la sierra, le repaire des contrebandiers

Ecoute, compagnon, écoute,
La fortune est là-bas, là-bas.
Mais prends garde pendant la route,
Prends garde de faire un faux pas…

Pour mieux évoquer l’acte III, il faudrait s’éloigner de la ville et se perdre sur les chemins rocailleux serpentant dans les montagnes arides qui séparent Séville de la Méditerranée.
Cependant, depuis certains des ponts enjambant le Guadalquivir, on devine, au loin, cette campagne montueuse parcourue jadis par les contrebandiers qui traversaient des étendues quasiment désertiques déclinant jusqu’à Cadix ou Sanlucar de Barrameda, jusqu’à la Costa de la Luz, pour se charger de ballots de produits de contrebande qui arrivaient à Gibraltar par la mer. Aujourd’hui, en voiture, les distances se parcourent en moins de deux heures. A pied, à dos d’ânes ou de mulets, c’était une toute autre affaire. Et il s’agissait d’éviter les agents de la douane que Carmen, Frasquita et Mercédès étaient précisément chargées d’amadouer pendant que leurs complices filaient dans la nuit noire.

A lire ensuite, Julien San Frax : Dans les caves du Vatican…

Quatrième acte : aux portes de la Plaza de toros

Si tu m’aimes, Carmen,
Tu pourras tout à l’heure
Etre fière de moi…

A quelques pas du pont Isabel II ou pont de Triana se dresse, éclatante de blancheur, d’ocre jaune et de rouge sang de bœuf, la superbe Plaza de toros de Séville. Elle est la propriété de la Real Maestranza de Caballeria de Sevilla, une institution née dès la reconquête de la ville en 1248 par le roi Ferdinand III le Saint et remaniée sous Charles Il, le dernier des Habsbourg d’Espagne. C’est le petit-neveu et successeur de ce dernier, Philippe V, qui accorde en 1707 à la Real Maestranza le privilège de célébrer les courses de taureaux et d’édifier une arène à cet effet. Depuis Ferdinand VII, les rois d’Espagne sont Hermanos mayores (frères ainés) de la Real Corporacion. Mais le premier des Bourbons à assumer cette dignité fut l’infant Philippe d’Espagne, duc de Parme, de Plaisance et de Guastalla, fils de Philippe V et gendre de Louis XV.

D’abord construite en bois, la Plaza de toros commence à être édifiée en pierre au milieu du XVIIIe siècle. Au temps de Carmen, dans les années 1830-1840 (la nouvelle de Mérimée est rédigée en 1845 et publiée en 1847), la Plaza de toros demeure inachevée, le roi Charles III en 1786 ayant interdit les courses de taureaux. Son achèvement ne sera décidé qu’en 1876, un an après la création de l’opéra de Georges Bizet à Paris, et l’édifice n’adoptera sa forme actuelle qu’en 1881.

A lire aussi, Jonathan Siksou: Murcie sans façons

Accolé à la Plaza de toros, un musée de tauromachie conserve une tenue d’alguazil, telle qu’elle fut dessinée au XVIIIe siècle et telle qu’elle est encore portée du temps de Carmen quand le publie conspue l’alguazil à vilaine face. On y découvre encore des gravures représentant la Maestranza telle que la vit Carmen et quelques-uns de ces habits de lumière dont celui  du fringant Escamillo, torero de Grenade, qu’un portrait nous dévoile sous le nom de Rodrigez Guzman.

C’est à la Plaza de torosque se sont déroulés les derniers moments de la vie de la Carmencita. C’est là que la foule bigarrée attend l’arrivée des quadrilles dans le fracas des fanfares, le tumulte et l’exaltation, qu’elle voit passer l’alcade et les alguazils. C’est là qu’elle acclame Escamillo, le héros du jour, et Carmen accrochée à son bras. C’est de là, à la droite de l’entrée principale, à la porte 16, celle réservée aux toreros, que la flamboyante gitane ressort aussitôt à la rencontre de José dont la présence lui a été signalée par Mercedes et Frasquita. Lui s’était embusqué au fond, à droite, dans un coin de la minuscule Calle Iris, el calejon Iris, qui relie les arènes à la ville et par laquelle passent les quadrilles arrivant aux arènes. Là, devant cette porte 16, José supplie, là Carmen l’affronte, là elle jette avec colère cette bague qu’elle a au doigt et qui naguère lui a été offerte par son amant délaissé. Et c’est là que ce dernier, ivre de jalousie et de désespoir, la frappe mortellement, elle qui a ruiné sa vie. Près de deux cents ans après le drame, au pied de la muraille circulaire qui entoure les arènes, le sol est toujours étrangement marqué d’une tache sombre, une tache du sang de la bohémienne, morte aussi ingrate qu’elle fut indépendante…Mais non loin, face à la Puerta del Principe, sur les bords du Guadalquivir, se dresse une statue de Carmen, comme pour signifier que la gitane ne mourra jamais.

Mesquins, chauvins, les Andalous n’ont apposé sur le socle de la statue ni le nom de Mérimée, ni celui de Bizet, eux sans qui Carmen n’eut jamais connu la gloire universelle. Eux sans qui elle n’aurait tout simplement pas existé…


A voir prochainement en France :

Carmen, opéra de Georges Bizet. Opéra de Paris-Bastille,  du 7 février au 19 mars 2026

https://www.youtube.com/watch?v=qtZD_JctGN8

Mais aussi…

Carmen, adaptation théâtrale de la nouvelle de Prosper Mérimée. Théâtre Notre Dame, Festival off d’Avignon. Du 5 au 26 juillet 2025.
Carmen, opéra-paysage. Abbaye de Royaumont. Le 28 septembre 2025.
Carmen, version de concert, Philharmonie de Paris. Les 1er et 2 novembre 2025.
Carmen 28 janvier 2026. Spectacle chorégraphique. Théâtre de Denain. Le 28 janvier 2026.
Carmen. Chorégraphie du Ballet flamenco de Barcelona. Théâtre Confluences à Avignon. Le 7 février 2026.


A voir à Séville :

L’ancienne manufacture de tabac devant laquelle Carmen rencontre José, aujourd’hui université de Séville, calle de San Fernando.
La calle de Serpiès.
L’ancienne prison de Séville, calle de Alfonso XII.
Les remparts de Séville, calle Macarena.
Les arènes de Seville, paseo de Colon.
Le faubourg de Triana.
Le Museo de Artes y Costumbres populares, 3, plaza de America (objets et costumes du temps de Carmen).
Le Museo de la Real Maestranza de Seville, 12, paseo de Colon (musée de la tauromachie).
Le Museo de Bellas Artes, 9, plaza del Museo (représentations de matadors, bailaoras et gitanes, dont le portrait de Carmen par Garcia Ramos, mais aussi œuvres de Zurbaran, de Ribera,  de Murillo…).

Se loger à Séville :

Hotel ****Las Casas de la Juderia, 5, calle Santa Maria la Blanca ; 00-34-954-41-51-50 (juderia@casaypalacios.com) Magnifique ensemble de 27 vieilles maisons et de patios adorables  cachés derrière de hauts murs.
Hôtel Puerta de Sevilla*, 2, calle Puerta de la Carne ; 00-34-954-98-72-70. Très charmant hôtel sur une place extrêmement vivante.  
Dîner à l’andalouse : El Rinconcillo (maison fondée en 1670), 40, calle Gerona.
Manger de la friture comme chez Lilas Pastia, au 2, calle Puerta de la Carne.
Boire du manzanilla : chez Horatio, 9, calle de Antonio Diaz ou chez Los Hijos de Morales, 20, calle Garcia de Vinosa ; dans les innombrables bars autour de la cathédrale.  
Danser la séguedille : chez Anselma, 49, calle Pages del Corro, à Triana. Au Patio Sevillano, 11, paseo de Colon. A El Arenal, tablao flamenco, 7, calle Rodo.

Office du tourisme espagnol à Paris, 22, rue Saint-Augustin ; 01-45-03-82-50.

Quel antisioniste êtes-vous ?

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Yachting girl comme Rima, théoricien comme Jean-Luc, compromis comme Dominique, sadique comme Ali… Et vous, quel antisioniste êtes-vous ?


Les vacances approchent et côté summer body, vous avez oublié de remplacer l’apéritif par la marche nordique. Résultat : quand vous avez essayé ce joli maillot violet, le « Oh, on dirait la vache Milka », lancé d’un ton extatique par votre ado, a blessé votre sensibilité de violette. Plus cache-tes-capitons que beauté capiteuse, vous décidez de vous rabattre sur la grâce intérieure et adoptez pour cela une posture politique censée mettre en avant votre vertu. Vous hurlez à présent « Free Palestine ! » dès le petit déjeuner et cherchez désespérément la voie à suivre pour épater vos copines. Alors que diriez-vous d’un petit test pour déterminer quel antisioniste vous êtes ?


Quelle est votre idée d’un voyage militant réussi ?

a. Vous annoncez que vous avez réactivé l’Invincible Armada, mais finissez par prendre la mer en solitaire sur un yacht plus chargé de pathos que de matos.

b. Vous rendez visite à vos potes masculinistes suprémacistes de Téhéran, Doha, etc. Des hommes dont vous appréciez la sobriété : ils accommodent les droits de l’homme en moins de 140 caractères, peine de mort incluse !

c. Vous êtes très Sud global, alors vous faites la tournée des régimes incompris pour leur dispenser des conseils d’image. Tout est dans la présentation. Un massacre d’opposants lié à des considérations ethniques ou religieuses ? Parlez plutôt de « recentrage identitaire » ! Le financement du terrorisme international ? Appelons cela : « Investissement dans la dimension tragique de la rencontre civilisationnelle ».

d. Voyager ? Mais tu crois vraiment que le community manager de l’Apocalypse prend des vacances ? Et puis le temps est mossad en ce moment.

On vous confie le soin d’organiser une série de meetings islamo-gauchistes sur les plages de nos vacances. Quel serait l’intitulé de cette tournée estivale ?

a. « Keffieh is the new black. Vers une mod.e disruptiv.e, décolonial.e et intersectionnel.le ».

b. Tournée des plages ? La révolution ne s’adapte pas, elle exige ! Et la Révolution, c’est moi ! La République, aussi ! Et son tribun, je suis ! On me reconnaît à ce que mes amis portent un sonotone. Donc ce sera : « Vaincre le sionisme, poison de la démocratie, grâce à la dictature religieuse ».

c. « Entre Orient exotique et Occident extatique, comment toujours garder un brushing impeccable ».

d. Le truc, c’est que, bien que mon feu divin soit en train d’écraser l’entité sioniste sous son courroux (#Mytho), j’ai des petits soucis de fuites urinaires. Et puis en ce moment, y’a comme un élan vers le Paradis dans mon entourage. Désolé je passe mon tour, il faut bien que quelqu’un garde la vieille maison.

Votre guide dans la vie ?

a. Evita Perón. Sa recette : pour partager une souffrance équivalente à celle des opprimés, s’opprimer soi-même.

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b. Robespierre ou Pol Pot (ce dernier étant moins occidentalo-centré) ! Who else, comme dirait la vipère impérialiste Georges Clooney, copain de l’infâme réactionnaire Jean Dujardin.

c. Quand on dépasse Victor Hugo, on cesse de se mesurer. Sinon, tu payes combien pour que je dise que toi aussi tu es un immense poète ?

d. Le type qui porte une soupière noire sur la tête dans ce long-métrage décadent qui plaît tant aux infidèles : La Guerre des étoiles. Vous ne voyez pas ?  Pendant tout le film, il veut construire un instrument de pacification des relations internationales, que des malintentionnés osent appeler « Étoile de la mort ».

Votre dernière phrase au moment de passer de vie à trépas ?

a. « Merde, j’ai coincé mon Keffieh dans la roue de la trottinette électrique de Greta. Non ! Ne démarre pas, je suis en train de prier pour la fin de l’entité sioniste ! Gretaaaaaa ! »

b. « Le jour où la mort viendra, ce sera pour me passer commande. »

c. Une dernière phrase, certainement pas ! Moi, c’est un roman épique entier que je laisserai à la postérité. Qui a dit « écrit par un comptable » ?

d. « Tiens, bizarre, mon beeper est en panne… »


Résultats

Un maximum de a. En guerre perpétuelle, surtout contre la nuance, vous visez le martyre, mais n’atteignez souvent que le ridicule. Qu’importe, vous êtes une égérie de la gauche « Chicken for KFC » et êtes devenue, depuis, une admiratrice d’Henri IV, surtout en ce qui concerne la poule-au-pot. Votre modèle : Rima Hassan.

Un maximum de b. Si vous croyez que le CRIF dirige la France et que les juifs forment un peuple qui veut et peut conquérir le monde, alors soit vous avez un problème cognitif, soit vous êtes Jean-Luc Mélenchon.

Un maximum de c. Vous aspirez à être le Chanel n° 5 de la compromission géopolitique, et avez d’ores et déjà la faculté de porter l’humanisme tellement cintré que cela en devient handicapant pour courir plus vite que les propositions de rémunération de régimes peu recommandables. Dominique de Villepin a beaucoup à vous apprendre.

Un maximum de d. Vous aspirez à être la version chiite de la fin du monde. L’incarnation de la volonté divine, option ogive et pendaisons de masse. Le tout avec le charisme d’un bulot et la barbe d’Hibernatus. On vous a déjà dit que vous ressemblez à Ali Khamenei ?

Michel Orcel ou l’élégance de ceux qui n’ont pas la carte

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L’écrivain et traducteur Michel Orcel publie ses mémoires.


Jean-Pierre Marielle et Jean Rochefort (qui étaient amis dans la vie) s’étaient amusés un jour à classer leurs confrères en deux catégories : les acteurs qui « ont la carte » et ceux qui ne l’ont pas. « Avoir la carte », c’est faire partie de l’establishment, bénéficier tacitement de l’indulgence de la critique et des puissants, en être bien vu et reconnu. Mais qui donc donne « la carte » ? Kafka s’était posé la question et avait tenté d’y répondre : personne en particulier. « On » décide. Un « on » d’autant plus tyrannique qu’il est impersonnel et invisible, intériorisé par chacun de nous et dont les médias dominants ne sont que les relais serviles. Dans le langage courant, le pronom « on » a d’ailleurs peu à peu remplacé le « nous », signe que le sujet contemporain s’efface, se nie et se plie à la volonté du « on ».

Who’s Who de choc

Quelqu’un devrait ainsi un jour écrire le Who’s Who de tous ceux qui n’ont pas la carte. Dans ce savoureux dictionnaire, on trouverait nombre d’hommes et de femmes de grand talent qui, parce qu’ils ont refusé de se soumettre à la loi du marché, vivent pour la plupart très sobrement, à l’écart des bruyantes futilités. Socialement et sur le plan de « la carrière », ce sont presque des ratés : ils ne seront donc jamais invités par Léa Salamé ou Augustin Trapenard. Mais humainement et moralement, ce sont les meilleurs. Né à Marseille en 1952, l’écrivain, traducteur, éditeur et psychanalyste Michel Orcel aurait à coup sûr toute sa place dans ce Who’s Who de choc !

Publiés en juin dernier, ses Mémoires écrits sur l’eau sont un livre qui se déguste à petites gorgées, comme un vin de Toscane bu à l’ombre des citronniers. C’est l’autoportrait d’un être multiple, complexe, à la fois sensible et fulminant, et le tableau balzacien de quarante ans d’histoire intellectuelle française.

Notre société aimant coller des étiquettes sur le front des gens pour leur attribuer une valeur marchande, disons, pour identifier le personnage, que Michel Orcel est d’abord un traducteur de génie – de l’italien vers le français, surtout. Il est à Dante, l’Arioste, le Tasse et Leopardi ce qu’André Markowicz est à Pouchkine, Gogol, Dostoïevski, Tourgueniev et Tchekhov : un passeur capable, après des décennies d’immersion dans la musique de leur langue, de restituer le souffle, la diction, la voix, l’âme et l’univers intérieur de ces grands poètes. Au début des années 1980, Giacomo Leopardi (1798-1837) était encore quasiment inconnu en France, peu et mal traduit, ignoré, incompris, pendant que les éditions Gallimard consacraient des volumes à des écrivains de bien moindre envergure. Orcel fut ainsi le premier à révéler aux lecteurs français le génie de ce poète et penseur, désormais reconnu comme l’égal de Keats et de Hölderlin « pour son amour de la Grèce antique et sa nostalgie d’un monde désormais déserté par les dieux ». Mais Leopardi, nous dit-il, annonce surtout Schopenhauer et le premier Nietzsche (dont il fut un « éducateur ») par son nihilisme absolu, proprement renversant si l’on songe qu’il écrivait en pleine effervescence progressiste. 

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Dans son travail, Michel Orcel s’est toujours identifié à la formule de son maître et ami, le grand écrivain suisse Philippe Jaccottet : « Le traducteur qui, sans faire aucun contresens, tue le chant, est un malfaiteur. Il importe de ne jamais trahir ce qui fait, dans un poème, que les choses tiennent ensemble et deviennent un organisme vivant. » Magnifique !

Sa traduction de La Divine Comédie de Dante — dont le troisième tome, le Paradis, parut en 2021 pour le 700e anniversaire de la mort du poète — fut ainsi saluée par le Corriere della sera comme « la meilleure traduction de la Divina Commedia dont la France dispose aujourd’hui ».

Mais comment un Français de 2025 pourrait-il se délecter de la musique de Dante et ressentir sa beauté, son rythme, la virtuosité de ses tercets aux rimes disposées avec un art tout mathématique ? Le fait est que Michel Orcel est parvenu à créer une langue en français, fluide et inspirée, qui respecte rigoureusement l’endécasyllabe italien. C’est ce que reconnurent, à côté de ses romans et de ses essais, Cioran, André-Pieyre de Mandiargues, Yves Bonnefoy, Jean Starobinski, Marc Fumaroli, Frédéric Vitoux, qui lui témoignèrent par écrit leur admiration et ne lui marchandèrent pas leur amitié.

Soie italienne

Citons Yves Bonnefoyà propos de l’Arioste : « Je vois bien que j’ai entre les mains, grâce à vous, le texte qui me donnera ce que ma science insuffisante n’est pas en mesure de m’offrir, les profondeurs d’une œuvre admirable. Merci pour ce monument de la traduction contemporaine, qui achève de faire de vous le meilleur représentant de l’Italie poétique en France, en français… »

À lire ses Mémoires, écrits dans un style aussi précieux que de la soie italienne, mais d’où émergent ici et là des coups d’épée et des pages hilarantes, dignes de Feydeau, sur les bassesses et les fourberies des grands éditeurs parisiens (voleurs, plagiaires, mauvais payeurs, etc.), on se rend compte qu’un homme aussi peu courtisan que Michel Orcel ne pouvait décidément pas « avoir la carte » ! Voyez plutôt.

Chrétien fervent et monarchiste, malgré ses idées sociales, il s’est mis à dos la gauche. Passionné par la civilisation arabo-musulmane (qu’il a étudiée à la Sorbonne sous la direction du grand savant Roger Arnaldez), il s’est mis à dos une certaine droite.

Dans un cas comme dans l’autre, notre époque se complaît dans la bêtise et l’ignorance.

« Comme Louis Massignon, écrit-il, j’ai été l’hôte de l’Islam, comme lui, c’est en passant par l’Islam que j’ai retrouvé la foi chrétienne. Qu’on s’imagine quelle est ma liberté ! »

Tout en dénonçant furieusement l’islamisation progressive de la France par les frères musulmans (n’oublions pas que les wahhabites avaient déjà tué la civilisation arabo-musulmane, dont le raffinement, la sensualité, l’amour du vin, la science et la tolérance surpassaient alors ceux de l’Occident chrétien), Michel Orcel a toujours défendu la dignité de l’islam en tant que religion abrahamique. Comme Charles de Foucauld, il rappelle que juifs, chrétiens et musulmans sont monothéistes et croient tous au même Dieu, unique incréé, créateur de l’Univers. Si l’islamisme gangrène aujourd’hui notre pays, c’est parce que la France s’est détournée du christianisme et de son histoire nationale. Pour avoir dit ces vérités évidentes, des hommes comme Michel Orcel doivent être mis au cachot.

Succulent carnage

Ses Mémoires écrits sur l’eau captivent aussi le lecteur par leur dimension métaphysique. L’auteur confesse ainsi le sentiment d’être « traversé », comme si une puissance qui le dépasse agissait à la racine de son être, comme si quelque chose de ses lointains ancêtres continuait à vivre en lui d’une façon totalement inimaginable. Un jour, il se rend dans le Piémont et découvre un village. Foudroyé par ce qu’il voit, il éprouve la sensation de connaître parfaitement ce lieu où il n’a pourtant jamais mis les pieds : une mémoire inconsciente se transmettrait-elle en nous, de génération en génération ?

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La racine du patronyme Orcel, c’est l’ursus latin. On comprend mieux ainsi pourquoi notre auteur distribue allègrement les coups de griffes à toutes les célébrités qui l’ont offensé ! Succulent carnage. Sa voix chaude et amicale, pourtant, évoque celle du ténor Carlo Bergonzi.

Mélomane dans l’âme, Michel Orcel est du reste l’auteur d’une biographie de référence de Giuseppe Verdi (Verdi La vie et le mélodrame, Grasset, 2000). « Verdi incarne l’archétype du génie populaire italien » (raison pour laquelle les snobs wagnériens, comme Boulez, ont toujours vu de haut ce compositeur qu’ils jugeaient « mal dégrossi » et « insuffisamment formé »), mais « un génie qu’il faut étudier attentivement pour découvrir tout ce qu’il recèle de culture littéraire et musicale ».

Retiré à Nice, où à près de 73 ans, il continue d’écrire, d’éditer et de recevoir des patients, Michel Orcel se rit maintenant de la « société du spectacle » qui l’a écarté.

Son amie Florence Delay, immortelle Jeanne d’Arc de Robert Bresson (elle vient de nous quitter le 1er juillet dernier), lui avait un jour écrit ces mots : « Dès la première phrase, votre livre est époustouflant. Le secret de sa composition (…) réunit l’enfant, l’érudit, le lecteur, l’archéologue, le promeneur, par la grâce toute française du conteur. »

Des mots sensibles qui s’appliquent tout aussi bien à ces Mémoires écrits sur l’eau !

Mémoires écrits sur l’eau. 648 pages. Editions ARCADES AMBO

La Baronne déracinée

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La romancière française Delphine Bertholon © Philippe Matsas

« Dis-moi que tu m’aimes, papa. Que je te manque. Dis-moi que si je rentre, tu vas réapparaître. Dis-moi que si je reviens, tu vas ressusciter. »

Issues de la page 83, ces quatre phrases résument bien le nœud de l’histoire que nous propose Delphine Bertholon, dans son dernier roman La Baronne perchée.

Le titre serait-il un clin d’œil à l’œuvre d’Italo Calvino et à Côme Laverse du Rondeau ? Cela ne fait aucun doute. D’autant que Billie (référence à Billie Holiday et à sa chanson « Solitude »), personnage principal de l’opus, est toute aussi singulière que le célèbre baron.

Afin d’attirer l’attention de son père indifférent, Léo, qui, rongé par le chagrin provoqué par la mort de son épouse Mathilde (décédée en couche en donnant naissance à la petite), la délaisse, cette jeune rousse de 12 ans décide, un beau jour de vacances, d’aller vivre dans une cabane perchée dans les arbres au sein d’un parc d’accrobranche abandonné, en face de la mer.

Elle empoisonnait sa fille

Une drôle d’idée ! Pas tant que ça. La jeune fille entend ainsi retrouver ses racines. Comprendre. Comprendre les siens. Au fond d’elle-même, inconsciemment, ne se sent-elle pas responsable de la mort de sa mère qui, fragilisée à cause d’une génitrice atteinte du syndrome de Münchhausen, l’empoisonnait à petits feux, à petites doses ? Tout à fait possible. « Léo avait eu beau se taper la tête contre les murs, c’était son corps, c’était son choix. Il n’avait rien pu faire pour la dissuader de poursuivre cette grossesse qui finirait par la tuer, comme les docteurs l’avaient craint. Il avait toujours soupçonné Mathilde de ne pas tenir tant que ça à la vie… Ou bien c’était un truc de mère, le sacrifice, une chose qu’il ne pourrait jamais comprendre. » 

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Résultat : brisé par la peine, Léo boit ; pourtant il « n’ en avait pas toujours été ainsi. Il n’avait jamais été l’archétype du « père aimant et protecteur », certes, mais les choses s’étaient dégradées. Toutes les choses. La maison, la voiture, leur relation. Il rentrait tard, parlait de moins en moins et buvait plus qu’avant. » Lorsqu’il constate la disparition de sa fille Billie, Léo panique ; il ne sait par quel bout attraper l’événement. Il prend conseil auprès de Nelly, une jeune journaliste qui lui a tapé dans l’œil. Mais ce n’est pas simple. L’histoire se complique encore un peu plus quand apparaît, sous l’arbre de Billie, un vieil homme qui prétend être son grand-père…

Auteur d’une dizaine d’ouvrages, Delphine Bertholon sait, ici, passionner ses lecteurs avec un roman sans prétention littéraire, mais vif, bien construit et parfaitement ancré dans la réalité d’aujourd’hui. Ses personnages « sonnent » vrai ; les dialogues aussi. Les intrigues nous tiennent en haleine. À l’instar de Billie, elle a réussi son coup.

La Baronne perchée, Delphine Bertholon ; Buchet/Chastel ; 238 pages.

La baronne perchée

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Le baron perché

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Bien le bonjour du Népal

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© Aadi Films / ARP Sélection

Le capitaine Pooja Thapa – professionnelle incorruptible, queer replète à cheveux ras et aux traits disgracieux, moulée dans son jeans, affectant cette froideur toute virile justifiant qu’on lui donne du « Sir » selon l’usage local pour s’adresser aux policiers – est envoyé de Katmandou pour, aidée de son adjointe Matama, enquêter sur l’enlèvement crapuleux de deux enfants, dont le fils d’un député qui finance un mouvement insurrectionnel dans cette région peuplée par l’ethnie hindouiste des madhesi, soit 25% de la population de cette enclave entre Chine et Inde qui s’appelle le Népal : une minorité, paraît-il, discriminée culturellement et linguistiquement.

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Un thriller népalais distribué en France, voilà qui n’est pas chose courante. Présenté au Festival de Venise en 2024, Pooja, Sir sort à présent en salles dans une version non censurée, ce qui ne fut pas le cas dans l’espace autochtone. La mise en œuvre de ce long métrage n’a pas été une sinécure s’il faut en croire le cinéaste : un tournage en pleine mousson, ajourné d’abord en raison de la pandémie de Covid, puis à cause d’une maladie dont fut atteinte Asha Magrati, grande figure du théâtre au Népal, ici dans le rôle-titre…

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Sous l’alibi d’une intrigue au suspense un peu poussif, l’arrière-plan sociologique et politique demeure manifestement ce qui importait à Deepak Rauniyar : sur fond de couvre-feu, d’émeutes et de répression par l’impérialisme du Nord, l’argument, pour le spectateur occidental non averti du contexte, gagnerait à se voir assorti d’un mode d’emploi.  C’est toute la limite d’une fiction inféodée à l’intention documentaire. Saluons quand même la prise de risque de cette échappée népalaise dans la fournaise de l’été.

Pooja, Sir Film de Deepak Rauniyar. Népal, couleur, 2024. Durée: 1h49. En salles le 23 juillet.

Le Mur des comptes

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Chaque mois, le vice-président de l’Institut des libertés décode l’actualité économique. Et le compte n’y est pas.


Le Mur des comptes devrait toujours débuter par un rappel des chiffres concernant la France. Notre endettement public s’élève désormais à 3 345 milliards d’euros, soit 114 % du PIB. Notre dépense publique, qui représente 57,1 % du PIB, se répartit ainsi : 34 % pour le social, 14,5 % pour les retraites, 12,4 % pour la maladie, 2,3 % pour la famille, 1,8 % pour le chômage et 1,3 % pour la lutte contre l’exclusion. Nos comptes publics accuseront cette année un déficit d’au moins 5,6 % du PIB, avec un paiement des intérêts de la dette qui devrait atteindre 65 milliards. La croissance nominale annuelle de l’économie française plafonne quant à elle à 2,5 %, ce qui est en dessous de nos taux d’intérêt à long terme. La démographie s’effondre. La productivité recule. Tout cela se traduit par un déficit annuel du commerce extérieur de plus de 80 milliards et une position extérieure nette (l’endettement des Français vis-à-vis du reste du monde) de 800 milliards. La situation ressemble bien à celle décrite par Frédéric Bastiat dans son essai Harmonies économiques en 1850: une « grande fiction par laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ». On attend donc avec impatience la présentation par François Bayrou de son « Plan pluriannuel de redressement des comptes publics ». Quand il est rentré à Matignon, le Premier ministre a indiqué qu’il s’estimait « au pied de l’Himalaya budgétaire ». Pour le moment, il ne semble pas avoir trouvé son piolet.

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Le Plan de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) prévoit un investissement public de 300 milliards. Si une partie de cet ambitieux programme est consacrée à la relance du nucléaire, la plus grande proportion est consacrée aux énergies renouvelables. Il s’agit ni plus ni moins d’ici 2030 de multiplier par deux le nombre d’éoliennes terrestres en France, par cinquante celui des éoliennes en mer et par quatre la quantité des panneaux solaires – fabriqués en Chine – installés sur notre territoire. Tout cela coûte très cher au consommateur et au contribuable puisqu’entre 2010 et 2024 le prix de l’électricité a plus que doublé. Heureusement, un moratoire a été adopté sur le développement de nouveaux projets. Les industriels ont tiré la sonnette d’alarme. Mais les politiques sont-ils pour autant vaccinés contre l’écologie punitive ?

MaPrimRénov’ a déjà coûté 2,5 milliards d’euros depuis le début de l’année, et 3,4 milliards en 2024. Ce système de subvention est destiné à améliorer l’isolation des habitations et à aider les propriétaires à installer des chaudières plus écologiques chez eux. Le gouvernement a annoncé qu’il était suspendu à partir du 1er juillet, au motif « d’une surchauffe des services instructeurs et d’un niveau élevé de fraude ». Il faut dire que les acteurs du marché de la rénovation – qui ont multiplié les démarchages téléphoniques répétitifs et surtout très agressifs auprès des particuliers – avaient senti le filon… Tous ces allers-retours représentent un véritable cauchemar pour les entreprises du secteur et pour leurs clients. On avait déjà l’habitude de voir l’État assommer les propriétaires avec la taxe foncière et l’impôt sur la fortune immobilière. Mais la politique écologique d’Emmanuel Macron ajoute un supplice supplémentaire pour des centaines de milliers d’entre eux, qui se retrouvent carrément interdits de louer leurs biens classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE). Afin de ne pas être en reste, Anne Hidalgo a maintenu à Paris l’encadrement des loyers. Ce dossier illustre de manière dramatique la façon calamiteuse dont la France est gérée.

L’hécatombe se poursuit en France dans les sociétés de technologie. Dernier exemple en date, la société Carmat, qui développe un cœur artificiel orthotopique, autorégulé et bioprothétique, est au bord de la cessation de paiements. L’État ne semble pas s’activer pour l’aider, alors qu’il est intervenu une fois de plus pour sauver la papeterie Chapelle-Darblay (52 millions à la demande du maire socialiste de Rouen et de la CGT) et la cristallerie d’Arques (en dix ans plus de 250 millions de fonds publics y ont été injectés). En revanche, rien n’a été fait pour maintenir l’activité de la start-up française Visibrain, spécialisée dans les logiciels de surveillance des sujets sensibles sur les réseaux sociaux. Le service d’information du gouvernement aurait pu, par exemple, s’équiper avec ce logiciel. Il a préféré se fournir auprès du canadien Talkwalker, détenu par des fonds américains ! Cela permettra au Pentagone de connaître en temps réel les thèmes qui intéressent nos autorités…

Le vrai coût de l’immigration en France mériterait d’être évalué convenablement, c’est-à-dire en prenant en compte les dépenses liées à l’accueil, l’hébergement, l’accès aux soins, l’éducation, l’aide sociale ainsi que toutes les dépenses liées à la sécurité et à l’intégration. On sait que le budget de l’Aide médicale d’État (AME) devrait atteindre 1,2 milliard en 2025 et on pense que les coûts d’hébergement d’urgence dépasseront le milliard d’euros. Problème, tous ces chiffres ne sont pas consolidés. C’est la raison pour laquelle Éric Ciotti, patron des députés UDR à l’Assemblée, a demandé la création d’une commission d’enquête sur le sujet.

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L’industrie automobile européenne est morte. Sachant qu’on peut acheter en Suisse un SUV de la marque chinoise BYD pour 20 000 francs alors que la Porsche Macan est vendue autour de 80 000 francs, c’est bientôt la fin. En vingt ans, la production automobile a reculé des deux tiers en France, avec à présent seulement 1,3 million d’unités produites par an et un déficit commercial du secteur s’élevant à 4,8 milliards d’euros, rien qu’au premier trimestre 2025.

La Caisse nationale d’allocations familiales n’a pas pu obtenir la certification de ses états financiers de la part de la Cour des comptes pour l’exercice 2023. La raison : 6,3 milliards de prestations ont été versés « en dehors du cadre réglementaire ». On retrouve parmi les bénéficiaires de ces sommes beaucoup de retraités algériens extrêmement âgés, dont la preuve qu’ils sont toujours en vie n’est pas très documentée.

Le nombre de fonctionnaires ne cesse d’augmenter. Durant le premier quinquennat Macron (2017-2022), il a progressé de 177 000, contre une hausse de 126 000 sous Hollande (2012-2017) et de 35 000 sous Sarkozy (2007-2012).