Une « année blanche » en matière de fiscalité, deux jours fériés sucrés, les retraités et les classes aisées mis à contribution: le Premier ministre a détaillé hier son plan de choc pour trouver 43.8 milliards pour le budget. Les Français-Gaulois réfractaires, qu’on ne voit pas tous à l’église à Pâques ou devant le monument aux morts le 8-Mai, accepteront-ils de boire cette potion magique?
Le bon sens populaire le dit et le répète depuis que le monde est monde : toujours se méfier de l’ours (pyrénéen ou autre) à son réveil, émergeant tout juste de ses longs mois d’hibernation. Rien de plus imprévisibles que ses premières réactions. Capable de tout, ou presque pour se procurer le précieux miel dont il est si cruellement en manque. De tout, à commencer par du brutal, comme on dit chez Audiard. Je n’irais pas jusqu’à affirmer que c’est ce à quoi nous avons assisté ce mardi 15 juillet, mais la tentation est grande.
Feu d’artifices de mesures économiques
La veille nous avions la Fête nationale, défilés cadencés, lampions, feux d’artifices, tagada-tsoin-tsoin place du village, bref du « vivre ensemble » à en pleurer de joie, tous potes, tous unis, embrassons-nous Folleville ! Et patatras, le lendemain, à l’heure de la sieste réparatrice après tant de félicités tardives, notre fête, à nous, Français. Sur un tout autre ton, un tout autre mode, cela va sans dire.
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Du brutal, disais-je. Deux jours fériés sucrés, le 8 mai et le lundi de Pâques. Rien que cela. Les pensions et les prestations sociales gelées pour toute l’année 2026, et maintes autres délicatesses allant dans le même sens. Avec un humour probablement accessible aux seuls grands comiques de Bercy et de Matignon, le premier d’entre eux appelle cela une « année blanche ». Nous autres, on y verrait plutôt une année noire, comme quoi, même sur le choix des mots, il y a quand même un sacré fossé entre ce qui est censé nous servir d’élite et nous, citoyens d’en bas et du milieu, cochons taillables à merci, cochons de bosseurs-payeurs, moutons si aisés à tondre. Sauf que, cette fois, le mouton pourrait bien se cabrer, se rebeller, se muer en féroce taureau vu qu’il ne lui reste sur le râble guère plus à tondre qu’on en trouve sur la coquille de l’œuf du jour.
Et puisqu’on est dans la basse-cour, restons-y. Le veau gras, qu’en fait-on ? À quelle sauce le mitonne-t-on, lui ? L’obèse par excellence, l’État, avec ses mangeoires tous azimuts, ses fuites d’oseille en veux-tu en voilà ? Ses grandes et bonnes œuvres à un pognon de dingue comme la sacrosainte immigration hors contrôle, son incurable maladie endémique, la subventionnite aigüe à fonds pas perdus pour tout le monde?
Mozart de la finance !
Pas entendu grand-chose là-dessus dans la bouche de notre ours du Béarn. Son miel, comme de juste, comme toujours, c’est plutôt dans nos poches à nous qu’il va aller le chercher. Quelle formidable imagination ne faut-il pas déployer pour ne réussir à inventer, à sortir du chapeau que des trouvailles aussi éculées, aussi usées que celles-ci: faire bosser le monde toujours un peu plus et lui serrer toujours un peu davantage la ceinture ! À quels formidables génies avons-nous affaire ? À quel ébouriffant Mozart de la finance avons-nous confié la baguette de chef et la plume d’oie pour pondre la partition?
Mais après tout, peut-être bien que les citoyens que nous sommes, attachés au pays, l’aimant de cette rude manière qui est la nôtre, consentirions à faire les efforts, non pas qu’on nous demande, mais que, en réalité, on nous impose. Oui, on ne peut exclure que nous pourrions accepter le sacrifice, cette rigueur qu’on n’ose même pas nommer. À deux conditions : la première que ce ne soit pas, comme d’habitude, en pure perte.
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La seconde, de mon humble point de vue, au moins aussi importante que la première : qu’on ne puisse déceler derrière tout cela un écœurant foutage de gueule. Un de plus. Pardon pour l’expression, mais elle me semble s’imposer.
Monsieur Bayrou a livré de fortes paroles, propres à marquer les esprits, lors de la présentation de son merveilleux plan. « Notre dette augmente de 5000 euros chaque seconde » a-t-il révélé. Édifiant. Et c’est bien en partant de cette violente, de cette terrifiante vérité que je me permets de parler de foutage de gueule.
La veille même de cette déclaration, le 14 juillet donc, le jour de la Fête nationale, l’un des plus grands artisans de ce flamboyant résultat, si ce n’est le plus grand, s’est vu promu au grade d’officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur, décoration instituée, rappelons-le tout de même, par le premier consul Napoléon Bonaparte pour récompenser et honorer les militaires comme les civils ayant rendu des « services éminents » à la nation. Ce serait donc pour l’éminent service rendu à la nation que représenterait cette dette à cinq mille boules la seconde que Monsieur Bruno Le Maire – puisqu’il s’agit de lui – aurait été ainsi honoré. Ah oui, décidément, foutage de gueule, j’assume !
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