
« Dis-moi que tu m’aimes, papa. Que je te manque. Dis-moi que si je rentre, tu vas réapparaître. Dis-moi que si je reviens, tu vas ressusciter. »
Issues de la page 83, ces quatre phrases résument bien le nœud de l’histoire que nous propose Delphine Bertholon, dans son dernier roman La Baronne perchée.
Le titre serait-il un clin d’œil à l’œuvre d’Italo Calvino et à Côme Laverse du Rondeau ? Cela ne fait aucun doute. D’autant que Billie (référence à Billie Holiday et à sa chanson « Solitude »), personnage principal de l’opus, est toute aussi singulière que le célèbre baron.
Afin d’attirer l’attention de son père indifférent, Léo, qui, rongé par le chagrin provoqué par la mort de son épouse Mathilde (décédée en couche en donnant naissance à la petite), la délaisse, cette jeune rousse de 12 ans décide, un beau jour de vacances, d’aller vivre dans une cabane perchée dans les arbres au sein d’un parc d’accrobranche abandonné, en face de la mer.
Elle empoisonnait sa fille
Une drôle d’idée ! Pas tant que ça. La jeune fille entend ainsi retrouver ses racines. Comprendre. Comprendre les siens. Au fond d’elle-même, inconsciemment, ne se sent-elle pas responsable de la mort de sa mère qui, fragilisée à cause d’une génitrice atteinte du syndrome de Münchhausen, l’empoisonnait à petits feux, à petites doses ? Tout à fait possible. « Léo avait eu beau se taper la tête contre les murs, c’était son corps, c’était son choix. Il n’avait rien pu faire pour la dissuader de poursuivre cette grossesse qui finirait par la tuer, comme les docteurs l’avaient craint. Il avait toujours soupçonné Mathilde de ne pas tenir tant que ça à la vie… Ou bien c’était un truc de mère, le sacrifice, une chose qu’il ne pourrait jamais comprendre. »
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Résultat : brisé par la peine, Léo boit ; pourtant il « n’ en avait pas toujours été ainsi. Il n’avait jamais été l’archétype du « père aimant et protecteur », certes, mais les choses s’étaient dégradées. Toutes les choses. La maison, la voiture, leur relation. Il rentrait tard, parlait de moins en moins et buvait plus qu’avant. » Lorsqu’il constate la disparition de sa fille Billie, Léo panique ; il ne sait par quel bout attraper l’événement. Il prend conseil auprès de Nelly, une jeune journaliste qui lui a tapé dans l’œil. Mais ce n’est pas simple. L’histoire se complique encore un peu plus quand apparaît, sous l’arbre de Billie, un vieil homme qui prétend être son grand-père…
Auteur d’une dizaine d’ouvrages, Delphine Bertholon sait, ici, passionner ses lecteurs avec un roman sans prétention littéraire, mais vif, bien construit et parfaitement ancré dans la réalité d’aujourd’hui. Ses personnages « sonnent » vrai ; les dialogues aussi. Les intrigues nous tiennent en haleine. À l’instar de Billie, elle a réussi son coup.
La Baronne perchée, Delphine Bertholon ; Buchet/Chastel ; 238 pages.
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