Accueil Site Page 839

[Nos années Causeur] La boussole

Pour ce centième numéro, le journaliste américain Christopher Caldwell rend hommage à Causeur


Outre-Atlantique, on cherche toujours dans la vie intellectuelle française ce qui manque dans la vie intellectuelle américaine. Et ce qui manque change d’année en année. Depuis maintenant quinze ans, Causeur nous donne un accès privilégié à la réflexion française sur les grands bouleversements qui ont marqué notre temps. Voici un florilège chronologique des apports du magazine :

— Au commencement, à la suite du krach financier de 2008, les essais dissidents de Jean-Luc Gréau sur l’économie mondiale.

— Ensuite, les nombreux articles sur la théorie du genre et le Mariage et la Manif pour tous, qui analysaient le nouveau mécontentement face à l’ordre amoureux, bien avant l’arrivée de #BalanceTonPorc.

— Plus tard, les reportages de Daoud Boughezala et les interviews de Christophe Guilluy qui, avant la révolte des Gilets jaunes, permettaient d’entrevoir le drame de la désertification de la France.

A lire aussi : Christophe Guilluy: “Les gilets jaunes demandent du respect, le pouvoir répond par l’insulte!”

Au-delà de ces diagnostics sur l’état changeant du monde, la revue a toujours présenté des éléments constants, invariables :

— le regard bienveillant d’Alain Finkielkraut sur les mondes littéraire et politique.

— les interviews d’Élisabeth Lévy, fondées sur le principe estimable (mais que Causeur est la seule publication à mettre en pratique) qu’aucune personnalité, aussi controversée soit-elle, ne mérite pas qu’on l’interroge.

— les traits d’esprit de Basile de Koch qui retentissent dans la mémoire du lecteur des années après – « Mbala Mbala, même combat » ou « [Marie–France] Garaud Gorille » !

A lire aussi : Wokisme: la belle Marianne se laissera-t-elle complètement pervertir par l’Oncle Sam?

En retour, les États-Unis exportent en France leurs idéologies progressistes (hélas !) dont la pire est celle des « wokistes » qui menaçants, nous somment de choisir notre camp. Je suis infiniment reconnaissant à Causeur d’avoir répondu en choisissant le meilleur camp, celui de la liberté.

Une révolution sous nos yeux : Comment l’islam va transformer la France et l’Europe

Price: 25,00 €

45 used & new available from 2,58 €

Une envie de conflit

La guerre en Ukraine et son importante couverture médiatique exercent des effets psychologiques étonnants sur la population française…


Le 3 mars, Slate rassemble des témoignages de citoyens lambda qui parlent de leur état d’angoisse permanente, voire de leur peur d’une guerre nucléaire. Beaucoup se déclarent incapables de se détacher des chaînes d’information en continu, de sorte que Psycom, un organisme public d’information, recommande – sans surprise – de « limiter [son] exposition aux informations ».

Au lieu de rester transis d’inquiétude face à la crise, deux groupes passent à l’action. D’un côté, il y a les va-t-en-guerre, ceux qui veulent rejoindre la légion internationale et se battre contre les Russes aux côtés des Ukrainiens. Certains sont d’anciens militaires, comme ce Finistérien de 57 ans interviewé par France 3 Bretagne. Déterminé à « défendre ses valeurs » et à « arrêter Poutine », et ayant reçu l’aval de sa fille de 14 ans, il est parti le 11 mars en compagnie de deux hommes et d’une femme plus jeunes que lui, mais prêts pour le combat.

Capture France 2

Pour ceux qui n’ont pas d’expérience militaire, un stage de 48 heures a été organisé près de Bordeaux par un ancien des forces spéciales. Les apprentis Rambo, qui veulent soit partir là-bas soit se préparer pour une éventuelle extension du conflit à la France, ont reçu une formation de base à la guerre urbaine et périurbaine.

L’autre groupe est celui des dévots de l’Apocalypse qui cherchent à prévenir un Armageddon nucléaire. Depuis le début de la guerre, la vente d’abris nucléaires a explosé en France. Le PDG de la société Amesis Bat a confié à France TV Info avoir reçu 20 % de commandes supplémentaires. Un autre constructeur spécialisé dans ce domaine, Bünkl, a vu la fréquentation de son site augmenter de 4 000 % pendant la même période. Un bunker standard de 14 mètres carrés pour six personnes coûterait 96 000 euros ; le modèle de luxe, de 26 mètres carrés pour accueillir 12 personnes, 116 000 euros. Les plus luxueux peuvent comporter sauna, piscine ou piano à queue. Certains Français ont déjà la nostalgie du confinement.

Macron, champion de boxe

Un billet de Marie-Hélène Verdier


On se souvient de phrases célèbres lors de débats présidentiels : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » Ou « Alors, permettez-moi de vous appeler, Monsieur Mitterand ! » Qui ne se souvient des yeux papillotants, alors, du candidat de gauche ? Ce temps n’est plus. Quel débat frustrant que cette tauromachie présidentielle sans queue ni oreilles ! Non que Marine Le Pen eût démérité, loin de là, mais, dans un combat politique, il faut toréer ferme, donner des coups et porter l’estocade. Or, elle est restée sur son quant à soi : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Sans porter le coup fatal, sans décocher la phrase assassine qui déstabilise l’adversaire et passe à la postérité.

A lire aussi, Anne-Sophie Chazaud: Débat: la presse est déçue, ce n’étaient pas les jeux du cirque espérés!

Mathieu Bock-Coté a dit parfaitement, hier, à Cnews, comme le quatrième pouvoir, représenté par les médias, impose quasiment les votes par des sondages et régente le débat : mise en scène, questions, timing. Le temps de parole, mesuré par les prompteurs, est l’obsession des journalistes. Avant-hier, outre que le générique, au début, a couvert la voix de Marine Le Pen, il n’y eut rien de la solennité d’un débat présidentiel, mais de l’ennui. Et il a fallu attendre 11 heures et demie pour que l’on traite des problèmes majeurs qui travaillent la France, au seul profit du « pouvoir d’achat ». Gilles Bouleau et Léa Salamé regardaient le prompteur. Le président, les bras croisés, enfoncé dans son fauteuil ou menton dans la main, pressé d’en finir, regardait avec condescendance ou désinvolture Marine Le Pen. Ce faisant, il décrédibilisait son adversaire. Elle, droite comme un menhir, gardant sa tenue, faisait attention, néanmoins, à ne pas se radicaliser en direct.

Mais si Marine Le Pen n’a pas démérité, elle n’a néanmoins pas su pousser son avantage sur certaines questions et prendre la main. On se souvient de l’anaphore « Moi, président » qui avait asphyxié l’adversaire. Parlons de votre bilan, Monsieur Macron ! Un nouveau quinquennat ? Pourquoi faire ? Vous dites que c’est la guerre civile si on interdit le voile ? Mais elle est déjà là dans beaucoup de quartiers, la guerre civile ! Et vous le savez fort bien, Monsieur Macron ! Las, c’est à neuf heures et demie qu’on a levé le voile sur la statue du Commandeur.

A lire aussi, Aurélien Marq: Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

Surtout: s’il avait été décidé qu’on ne parlerait que très tard des questions fondamentales, on avait décidé aussi qu’on n’évoquerait, en aucun cas, les questions de vie et de mort dites « questions sociétales ». C’est donc dans le message final aux Français (pour racoler les lobbys) que le président sortant déclara que la grande cause de son quinquennat serait… l’enfant ! Comprenons bien: après la PMA, il faut craindre la GPA pour tous, et l’euthanasie à la carte. Alors que sur ces questions, les deux candidats s’opposent nettement, personne n’a jamais parlé, de ces « valeurs » qui fondent notre vie commune et garantissent notre unité. La grande perdante de ce duel, c’est la France.

Le lendemain du tournoi, le candidat président est allé boxer, sous l’œil des caméras, avec des habitants de Saint-Denis. Il en a profité pour inciter à lutter contre « l’extrême droite ». Ce qu’il s’était gardé de dire au débat. Quant à lui, il a raison de se préparer aux matchs qui l’attendent, au cas où il serait élu. Car les vents sont mauvais qui soufflent de partout.

KO boomers!

Les étudiants de la Sorbonne et les lycéens parisiens bloquent et saccagent pour protester contre le choix du second tour. Eux, ils voulaient Mélenchon. La solution envisagée ? Interdire de vote les plus de 65 ans, qui plébiscitent les partis établis, et bloquent tout renouvellement, disent-ils. Mais pourquoi en rester là ? se demande notre chroniqueur.


Déprédations, exactions, vols, saccages — particulièrement dans la chapelle de la Sorbonne, étant entendu que le culte de saint Mélenchon doit supplanter celui du Christ. Le rectorat, pour l’instant, évalue les dégâts« un montant énorme », « plus de 500 000 euros », me dit-on là-bas. Les devis sont en cours pendant que les étudiants n’y sont pas.

Militants gauchistes à la Sorbonne, 14 avril, 2022 © HOUPLINE RENARD/SIPA

Les p’tits jeunes ont courageusement levé le siège dès qu’il fut question de faire intervenir la police — appelée immédiatement par les instances universitaires, mais dont l’intervention a été longuement mise en suspens par l’Élysée. Les étudiants ont alors passé le relais aux organisations lycéennes, qui, intellectuellement confortées par deux ans de cours en pointillés, bloquent une poignée de lycées à Paris — les plus bourgeois, les nantis s’insurgent à moindres frais. « Ni Macron ni Le Pen », les tenants de l’intersectionnalité des luttes refusent le jeu électoral. Désormais, ça se passera dans la rue.

À moins que, comme le suggère le lider maximo, les législatives ne lui donnent une majorité de gouvernement.

Le plus drôle, c’est qu’au même moment, des débats sont lancés pour fixer une âge limite pour le vote des personnes âgées. Après tout, les seniors votent majoritairement Macron, et globalement pour les partis institutionnels. Normal : les vieux partis séduisent les vieux — appelons un chat un chat. En laissant voter les jeunes prioritairement, et les personnes en activité, on élirait Mélenchon dès le premier tour…

L’époque est décidément à la révision constitutionnelle. Au vote censitaire des années 1830 substituons donc un vote déterminé par l’âge.

L’embêtant, c’est que les vieux s’abstiennent fort peu (12%), et que les jeunes pratiquent assidument le refus des urnes (près de 45% sur la tranche 18-24 ans). Peut-être faudrait-il donner aux gamins un double droit de vote, pour compenser leurs pannes d’oreiller les jours de vote ?

Le droit de vote à 18 ans a lourdement contribué à la défaite de Giscard en 1981. Sur ces bases, un droit de vote à 16 ans devrait permettre à Alice Coffin de se retrouver Ministre des apocalypses futures, et à Sandrine Rousseau de diriger celui des Universités.

L’idée d’une interdiction de voter pour les plus de 65 ans s’appuie sur une idée simple : les retraités ne participent plus à la richesse nationale, ils doivent donc être exclus des processus de décision. Mais à ce compte, la tranche 18-24 ans n’y participe guère. Il ne serait peut-être pas mauvais de renouer avec la pratique romaine, qui reculait l’adolescence jusque vers 30 ans.

Evidemment, cela va contre l’égalité des citoyens. Mais avec le pouvoir, on peut faire passer ce que l’on veut. Eviter en tout cas le référendum, le nombre de vieux augmentant sans cesse, au fur et à mesure que la génération du babyboom entre dans le troisième âge.

Mais tout cela, ce sont des arguments piteux. Le plus simple serait de faire comme dans « Soleil vert » : éliminer les gens dès qu’ils ont atteint 65 ans. Faire de l’euthanasie une clef du processus électoral. Ok boomer ! disent ceux qui constituent la « génération connards ». C’est « KO boomer ! » qu’ils s’exclameront bientôt, chaque fois qu’un néo-retraité sera légalement poussé vers la fosse — en musique si vous voulez, comme dans le film de Fleischer : ne parle-t-on pas de « fosse d’orchestre » ?

J’essaie d’en rire, de peur d’avoir à en pleurer, comme Figaro. Savez-vous à quoi l’on distingue un homme intelligent d’un sombre connard ? Il arrive à une belle intelligence d’avoir des éclipses — elle ne s’en relève que plus brillamment. Mais le connard a à cœur de battre sans cesse son propre record, c’est même à ça qu’on le reconnaît. En l’espèce, les « jeunes mélenchoniens » (ont-ils bien réalisé que leur héros septuagénaire devrait être privé lui-même de vote, ou faut-il faire des exceptions ?) ont monté haut la barre.

Aucun « racisme » anti-jeunes dans mon propos. J’en connais qui pensent par eux-mêmes. J’admets qu’ils sont peu nombreux, et qu’ils vocifèrent moins que les crétins. Mais ils existent. L’Education nationale a eu à cœur, depuis quarante ans, d’en réduire le nombre, avec un vrai succès. À nous, les vieux, de ranimer la flamme — et d’envoyer en Camargue les jeunes mélenchoniens, jadotistes et assimilés, pour y récolter le riz et réfléchir à leur destinée. C’est d’une anti-révolution culturelle que nous avons besoin, avec un dirigeant fort qui s’appuiera non sur de jeunes Gardes rouges incultes et fanatisés, mais sur de vieux briscards qui n’ont plus l’âge de penser à eux et peuvent se dévouer pour les autres.

La fabrique du crétin: Vers l'apocalypse scolaire

Price: 18,00 €

30 used & new available from 2,61 €

Débat: la presse est déçue, ce n’étaient pas les jeux du cirque espérés!

N’écoutez pas tous les commentateurs. Non, le débat n’était pas d’un terrible ennui. Et oui, Marine Le Pen est parvenue à jouer les seules cartes à sa disposition dans cette partie. Analyse.


Les enfants gâtés de la société du spectacle sont déçus : ils attendaient de ce débat d’entre-deux-tours du sang, de la chique et du mollard, ils espéraient comme à l’accoutumée qu’on les distraie de leur ennui existentiel, ils rêvaient d’un octogone tonitruant, d’un match de boxe façon Rocky IV… La plupart des journalistes et chroniqueurs, pareillement, en voulaient pour leur argent, attendaient des punchlines dont ils font leur beurre au fond de la caverne de Platon dans laquelle ils se meuvent avec confort, lesquelles punchlines dissimulent soit le réel soit le vide. Tout ce petit monde, habitué depuis quelques jours à la blitzkrieg menée tambour battant contre Marine Le Pen par la quasi-totalité du système en place – de la CGT jusqu’au Medef en passant par les écologistes et la Grande mosquée de Paris – ayant scandaleusement acté depuis deux semaines qu’il ne saurait y avoir de confrontation démocratique « normale» mais seulement des cris d’orfraie et des outrances hystériques, s’en repartit donc boudant dans sa chambre au milieu de l’émission parce que, tout de même, passer plus de deux heures à écouter des candidats à la magistrature suprême, quel ennui… !

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Pluralisme à géométrie variable

« Libé » pas au niveau

Vite du Hanouna, vite du Quotidien, vite de la foire d’empoigne. Certains, du reste, comme Libération, ne s’embarrassèrent même pas de faire semblant de travailler sérieusement lors d’une étape démocratique fondamentale et sortirent leur Une fustigeant la prestation de Marine Le Pen dans ce débat (« Toujours pas au niveau ») alors même que celui-ci n’était même pas fini. Si la presse macroniste se mettait à travailler réellement et à se confronter au réel, on ne s’en sortirait pas !

Et pourtant, et pourtant, dans ce très long débat d’entre-deux–tours, technique et sérieux, dont la préparation fut théâtralisée à outrance aussi sûrement que des jeux du cirque ou quelque corrida dont on espérait la mise à mort de quelque bête immonde fantasmagorique, de très nombreux sujets furent enfin abordés qui avaient été savamment escamotés par la plupart des médias pendant la quinzaine antifasciste de circonstance, mais également, cette longue confrontation républicaine permit de voir, en raison précisément de sa durée, à quel type de personnages l’on avait réellement affaire.

Les limites de la diabolisation

Au dictionnaire des idées reçues dans le strict cadre médiatico-mondain parisien, il ne fallait pas oublier de louer l’étalage supposé des compétences macroniennes que l’on ne manquait pas d’opposer à la rigueur un peu trop méticuleuse de son adversaire féminine. Pourtant, et curieusement, quiconque se sera promené en ville, dans les commerces, dans les transports en commun, partout, aura entendu un tout autre son de cloche dont on finit par se demander pour quelle raison mystérieuse il n’est pas parvenu aux oreilles de ceux qui font l’opinion et l’information : absolument toutes les conversations bruissaient, au lendemain du débat, de l’insupportable arrogance du candidat à sa réélection et du calme de la candidate. La diabolisation a fait chou blanc, tout comme le procès en incompétence. On attendait, on espérait, qu’elle trébuche, qu’elle tombe, qu’elle se plante, il n’en a rien été. A l’inverse, certains auraient espéré qu’elle se montre plus agressive sur le bilan calamiteux du sortant, l’on espérait du McKinsey, du Rothschild, de l’Alstom : au contraire a-t-elle gardé le sens de la mesure et de la pondération, avec seulement quelques petites allusions en filigrane, juste de quoi introduire la connotation mais suffisamment ténues pour empêcher l’hystérie de s’installer au cœur du débat et déjouant ainsi de toute évidence le plan de contre-attaque envisagé par la communication macronienne qui aurait alors surjoué l’indignation et les colères de sainte nitouche. Emmanuel Macron a bien essayé de monter dans les tours en agressant son interlocutrice mais celle-ci, en mère de famille avertie, n’a pas renvoyé les balles ou juste ce qu’il fallait, de sorte que celles-ci allaient la plupart du temps se perdre dans le décor à la manière des éoliennes du Touquet bel et bien disparues conformément à ce qu’a affirmé la candidate. Ce faisant, Marine Le Pen put non seulement enfin parler (un peu) de son programme mais aussi en petite partie du bilan macronien (ce qui était rigoureusement impossible pour cause de propagande médiatique ininterrompue au cours des jours précédents), mais surtout elle a, par son attitude, contraint Emmanuel Macron à se révéler sous son vrai jour, en dehors du théâtre et de l’apparat. Ce-dernier, se tenant mal et de manière irrespectueuse, avachi sur son bureau en désordre, dans une posture que le premier gauchiste venu pourrait sans trop se forcer qualifier de pénible manspreading, anormalement agité et la pupille convenablement dilatée, passa son temps à interrompre la candidate, lui coupant la parole de manière intempestive, parasitant autant que possible le débat au point d’ailleurs que les deux journalistes qui conduisaient les opérations durent à plusieurs reprises lui demander de bien vouloir se taire (ce qui n’était pas arrivé souvent au cours des dernières années) afin que Marine Le Pen puisse démocratiquement jouir de son temps de parole. Il est vrai que lorsqu’on est habitué à saturer l’espace de débat public sans contradiction, le fait d’être confronté à un discours opposant libre de s’exprimer sans pouvoir ni l’incriminer, ni le menacer (et sans tirs de LBD dans les yeux !) peut être déstabilisant.

A lire ensuite, Aurélien Marq: Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

Faudra pas venir pleurer !

Il convenait d’aborder ce débat de manière tacticienne et non pas en fonçant tout de go tel le taureau sur un chiffon rouge dont on aurait alors scellé la mise à mort bien commodément. Il est des parties qui se gagnent parfois en défense, même si ce ne sont pas les plus beaux matchs, et en particulier lorsqu’on est donné perdant avec une toute petite cote. Or, au sortir de ce spectacle de gosse insupportablement mal élevé et de dame bien patiente qui attend que le gamin ait fini sa crise, ce qui était manifestement visé était d’une part de souligner dans quel camp se trouvait l’agressivité, et d’autre part de rappeler aux personnes qui ont passé cinq ans à haïr Emmanuel Macron pour quel personnage ils s’apprêtaient, en conscience, à aller revoter. Il s’agissait en quelque sorte de leur rafraîchir la mémoire et il faut bien avouer, quoi que l’on pense des programmes de l’un et de l’autre, que cette tactique « molle » contraignant l’adversaire à se dévoiler sous son vrai jour était assez finement jouée : sans doute était-ce même en réalité le seul coup jouable dans cette partie. Beaucoup de castors du barrage dit républicain n’étaient, au lendemain du débat, à en juger par les nombreuses conversations entendues et lues, plus très sûrs de vouloir glisser un bulletin de vote portant le nom du pénible individu dans l’urne, fût-ce au prix de la chimère ridicule d’une revanche législative qui ressemblait de plus en plus à un vaudeville de cocu-content. Qu’importait que le camp macronien eût comme de bien entendu trouvé son champion formidable, qu’importait également que le camp de Marine Le Pen eût apprécié l’assurance calme de sa championne, ce qui comptait dans le fond c’était bien de rappeler aux indécis et aux barragistes potentiels qui eurent à subir le mépris, la morgue, la violence et l’arrogance du macronisme pendant cinq ans, qu’ils seraient alors directement responsables en cas de récidive de leur sort à venir et qu’il ne faudrait pas alors venir pleurer. Gageons que sur ce point au moins, à l’issue de ce débat, chacun savait très précisément à quoi s’en tenir quant aux deux candidats, ce qui en faisait donc, contrairement à l’idée médiatiquement reçue, un révélateur parfaitement réussi, de quelque côté que le cœur de chacun balance.

Liberté d'inexpression: Des formes contemporaines de la censure

Price: 18,00 €

20 used & new available from 8,41 €

Une candidature «illibérale» peut en cacher une autre…

Et si Emmanuel Macron était le vrai visage de l’extrémisme ?


La « diabolisation », vieille compagne de route du Rassemblement national un temps détournée contre Éric Zemmour, s’est à nouveau mise en marche contre Marine Le Pen afin d’assurer la réélection d’Emmanuel Macron. Ce dernier connaît la force de ce processus capable de conditionner le vote de nombreux citoyens effrayés. Il en a donc profité récemment pour apporter sa petite pierre à l’édifice afin de détruire l’image « politiquement convenable » que Marine Le Pen avait réussi à se constituer pendant cinq ans. Interrogé par Caroline Roux, il a ainsi décrit son adversaire pour le second tour : « Le vrai visage de l’extrême droite revient : c’est un visage qui ne respecte pas les libertés, le cadre constitutionnel, l’indépendance de la presse, et les libertés fondamentales, des droits durement et chèrement acquis qui sont au cœur de nos valeurs [1] ». Cette sortie d’Emmanuel Macron a une saveur particulière au regard du bilan de son quinquennat.

Qui menace nos libertés?

En effet, en termes de libertés, jamais celles-ci n’avaient été autant mises à mal que depuis son arrivée aux affaires : liberté d’aller et venir, liberté de manifestation, liberté de réunion, liberté d’éduquer nos enfants comme nous le souhaitons, liberté de travailler, liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de culte, liberté de prescrire, ou encore liberté d’association… Les libertés fondamentales ont été inlassablement piétinées par un président qui prenait conseil auprès de cabinets privés pour gérer les crises difficiles. Certains affirment que l’opposition n’aurait pas fait mieux si elle avait été aux affaires ? Ce qui est probable, c’est qu’elle n’aurait pas pris ses ordres chez McKinsey, qu’elle ne se serait pas servie de sa position à la tête de l’État pour bafouer les libertés fondamentales pendant que s’accumulent les scandales et la corruption. Elle se serait contentée, comme beaucoup l’ont proposé au début de la pandémie par exemple, de miser sur les corps intermédiaires et le tissu associatif, de faire confiance aux Français pour gérer cette pandémie. Peut-être aurait-elle profité de cette situation de crise, à l’inverse d’Emmanuel Macron, pour recréer le ciment national français fragilisé par des années de perte de nos repères culturels et moraux.

A lire aussi, Jonathan Sturel: Le Conseil constitutionnel face à un choix historique

Ensuite, Emmanuel Macron a le mauvais goût d’accuser l’opposition de ne pas respecter le Conseil constitutionnel. Rappelons d’abord que ce Conseil a donné son aval, pendant cinq ans, à toutes les mesures liberticides prises par notre président, du « délit de violation du confinement » jusqu’au « passe sanitaire » devenu, toujours avec la bénédiction des Sages, un « passe vaccinal ». Le Conseil s’est également fait le défenseur de l’immigration massive par la création du « principe de fraternité » qui extrapole le préambule de la Constitution, principe qui permet aux associations aidant les clandestins de continuer d’opérer sans être inquiétées, ou encore par la censure de l’article 26 de la « loi séparatisme » qui aurait dû permettre de refuser le titre de séjour aux migrants qui rejettent les principes de la République [2]. Il apparaît, finalement, qu’une véritable collusion d’intérêts a rapproché Emmanuel Macron du Conseil Constitutionnel quitte à ce que ce dernier outrepasse ses fonctions en avalisant des décisions qui auraient dû être déclarées inconstitutionnelles. Comment peut-on reprocher à Marine Le Pen de vouloir passer, tout comme Éric Zemmour, par l’onction populaire pour modifier la Constitution, alors qu’Emmanuel Macron, lui, n’a même pas pris la peine de la modifier pour faire passer des mesures inacceptables dans notre droit ? La Constitution appartient au peuple de France. Elle doit être à son service et non l’inverse. Les Français ont le droit de la modifier comme bon leur semble.

Au suivant!

Parlons enfin de l’indépendance de la presse dont Emmanuel Macron se fait tout à coup l’ardent défenseur ! Pendant cinq années, il a accumulé les « rencontres » et les « consultations citoyennes » avec des citoyens triés sur le volet sous la caméra complaisante de journalistes acquis au pouvoir, excluant immédiatement ceux qui risquaient de rendre un son de cloche contraire à la doxa dominante comme ce fut le cas pour Russia Today ou Sputnik bien avant que la guerre russo-ukrainienne n’ait été déclarée. Pendant cinq années, les médias aux ordres se sont fait les relais de sa politique brutale, crachant sur la « lèpre populiste [3] », occultant les violences contre les gilets jaunes éborgnés, se focalisant sur les excès en marge des manifestations, pointant du doigt les Français opposés aux vaccins contre le Covid et les assimilant à des « complotistes », à des irresponsables, voire à des criminels. Non-respect des libertés, du cadre constitutionnel et de l’indépendance de la presse… Il n’y a aucun doute, Emmanuel Macron aura été le véritable visage de l’extrémisme pendant les cinq ans passés au pouvoir. Il est désormais temps de se passer de ses services pour les cinq années qui viennent.


[1] « Les 4 vérités – Emmanuel Macron », France.tv, le 13/04/2022.

[2] « Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 », Conseil constitutionnel, 13/08/2021.

[3] « Migrants : Macron défend ses choix et fustige la «lèpre» populiste en Europe », Le Figaro, le 21/06/2018.

Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

Le mercredi 20 avril 2022 à 23h23, le président de la République a publiquement déclaré qu’il y a en France une communauté susceptible de s’opposer à l’autorité de l’État par la violence au point de déclencher une guerre civile. Tout le reste est insignifiant.


On peut, comme Marine Le Pen, s’étonner que le candidat Macron parte du principe qu’une certaine catégorie d’habitants de la France n’accepte de se plier à la loi que si la loi se plie à leur volonté. Et c’est en effet, en soi, riche d’enseignements politiques. Mais en réalité, il y a beaucoup plus que ça.

De quoi parle-t-on exactement ? Lors du débat de l’entre-deux-tours, interrogé sur l’interdiction du voile islamique, Emmanuel Macron commence par un contre-sens total visant à faire de ce qu’il insiste pour appeler « foulard » une question de laïcité, alors qu’il s’agit du symbole ostentatoire d’une idéologie sexiste, déshumanisante et violente, et que le fait que cette idéologie soit religieuse est sans aucune importance. Il se permet même une comparaison particulièrement injurieuse avec la kippa et tous les autres signes religieux, ce qui est aussi ridicule que s’il affirmait que l’on ne peut pas interdire le port de la croix gammée sans interdire le port de toutes les croix ! Et il poursuit en disant à Marine Le Pen que si elle interdisait le voile « dans la cité », comme il est interdit à l’école et dans les services publics, « vous allez créer la guerre civile si vous faites ça, je vous le dis en toute sincérité. »

Face à face

A moins d’être un dangereux irresponsable à relever en urgence de ses fonctions, aucun chef d’Etat au monde ne parle à la légère de guerre civile.

A lire aussi: Voile: petit cours de marxisme appliqué à l’usage d’un khâgneux sous-doué

On se souvient de la crise des banlieues en 2005. On pense aux violences urbaines et aux agressions contre les forces de l’ordre, pratiquement quotidiennes dans notre pays. On peut aisément se renseigner (même si la plupart des médias prennent soin d’en dire le moins possible) sur ce qui se passe en ce moment en Suède, y compris l’ingérence de l’Irak, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie.

On sait que depuis cinq ans, Emmanuel Macron dispose du fait de ses fonctions de toutes les informations des services de renseignements civils et militaires, des remontées de terrain des forces de l’ordre, des préfets, de toutes les administrations, des élus de sa majorité, des rapports qu’il commande, des enquêtes parlementaires. L’un de ses ministres de l’Intérieur a déclaré il y a déjà quatre ans : « aujourd’hui on vit côte à côte, et je crains que demain on vive face à face. » Lui-même a été proche collaborateur puis ministre d’un autre chef de l’État, qui avouait en 2016 : « qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute », évoquait « l’accumulation de bombes potentielles liées à une immigration qui continue. Parce que ça continue » et allait jusqu’à affirmer à propos de ce que l’on n’appelait pas encore « séparatisme » : « c’est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. »

Hier soir, Emmanuel Macron a donc complété ce constat en reconnaissant sans ambiguïté qu’il existe sur notre sol une « communauté musulmane » prête à faire la guerre à la France pour son voile, ce qui signifie qu’un nombre suffisant de musulmans en France se perçoivent eux-mêmes comme une communauté distincte, qu’ils ont la détermination, la présence sur le territoire, les effectifs et les armes nécessaires pour que leur action ne soit pas simplement de la contestation violente ou des émeutes, mais bel et bien une guerre civile – ou du moins est-ce ainsi que le président de la République, avec toutes les informations dont il dispose, évalue la situation.

Les islamistes voudront toujours plus

Et quelles conséquences pratiques Emmanuel Macron tire-t-il de ce constat ? Va-t-il faire ce que le bon sens exigerait, c’est-à-dire mobiliser tous les moyens de l’État, y compris militaires, pour procéder au désarmement méthodique de tous ceux qui refusent radicalement les bases les plus élémentaires de ce qui fonde la civilité dans notre civilisation ? Va-t-il mettre fin à l’arrivée massive sur notre sol de populations qui sont, de facto, des renforts pour cet « Etat dans l’Etat » prêt à nous faire basculer collectivement dans l’horreur ? Que nenni !

A lire ensuite, Boualem Sansal: Une brève histoire du voile

Emmanuel Macron veut céder aux exigences de l’islam : le voile aujourd’hui, et qui sait ce que ce sera demain, et après-demain ? Logique munichoise dont on sait qu’elle ne sert qu’à encourager les brutes et les tyrans à vouloir toujours plus. Mais Emmanuel Macron est fort avec les faibles et faible avec les forts. Il envoie un hélicoptère de gendarmerie verbaliser trois promeneurs inoffensifs sur une plage pendant le confinement, mais ne se donne pas les moyens d’imposer ce confinement dans les « quartiers sensibles ». Les Corses l’ont constaté récemment : quelques nuits d’émeutes leur ont rapporté d’avantage que des années de négociations pacifiques.

Emmanuel Macron vante à Strasbourg la « beauté » qu’il y a à être « féministe et voilée », et reçoit le soutien très officiel d’un « iftar républicain » de la Grande Mosquée de Paris.

La présidence Macron a consisté en cinq années d’immigration à un rythme plus important encore que sous les quinquennats Sarkozy et Hollande, marquant la poursuite de la transformation démographique de la France. Emmanuel Macron, président d’une immigration hors de contrôle, ne montre pas la moindre volonté d’infléchir sa politique en la matière. A trois jours du second tour, les choses sont simples : le président la République en personne a déclaré que seule l’épaisseur d’un voile nous sépare encore de la guerre civile. Allons-nous reconduire au pouvoir le « front républicain » de ceux qui, en quarante ans, ont amené la France à cette situation catastrophique, et qui ont la ferme intention de continuer dans la même voie sans jamais se remettre en cause ? Dans le secret de l’isoloir, ce sera à chaque citoyen, en son âme et conscience, d’en décider.

Macron, trop m’as-tu-vu pour les étrangers

Président du Conseil européen et – prétendument – intime de Poutine, Emmanuel Macron avait l’opportunité d’exercer un leadership sur la scène internationale. Mais pour les médias étrangers, ses effets de mise en scène et son jeu d’acteur lourdingue affaiblissent sa crédibilité.


Les anciens Grecs avaient un mot pour décrire le comportement de certains acteurs de la vie politique. La « polypragmosynè » indiquait une hyperactivité inadaptée à la réalité des choses, une tendance à s’ingérer dans toutes les affaires et une volonté incessante d’attirer l’attention générale sur soi. En France, la présidence de la Ve République encourage, voire nécessite, un tel comportement hors normes. Le chef de l’État doit accompagner son action politique de discours grandiloquents, de gestes dramatiques et de mises en scène impressionnantes. Or, vues de loin, de l’étranger, ces simagrées sont souvent bien plus visibles que la substance des propositions. Elles tendent ainsi à former l’image qu’on retient de chaque leader français : du Général, le képi et les bras levés ; de Mitterrand, le port altier en pardessus sombre ; de Sarkozy, l’énergie bling-bling de l’omniprésident. Hollande, homme terne s’il en fut, n’a été sauvé que par les livres de révélations de son ex-compagne et de deux journalistes du Monde. Aujourd’hui, avec Macron, c’est le côté cabotin de Jupiter qui attire l’attention à l’international.

Un faux Zelensky

Depuis le début de l’année, Macron fait face à trois défis : l’élection présidentielle, la présidence française de l’UE et la crise en Ukraine. Son objectif est triple : continuer comme chef d’État en France, prendre le leadership en Europe et être reconnu comme le champion du monde occidental. Cette ambition n’est pas irréaliste. À côté de Biden, qui est vieux, de Scholz, qui est un novice, et de Johnson qui cherche toujours un nouveau positionnement pour son pays après le Brexit, Macron incarne l’énergie, l’expérience et la stabilité.

A lire aussi : Emmanuel Macron, le roi de la frime…

Contrairement à ses critiques en France qui lui reprochent sa faiblesse face à l’Allemagne, les Allemands commencent à sentir que Macron a réussi à leur dérober le leadership au sein de l’UE. Le 1er janvier, jour où la France a pris la présidence tournante du Conseil européen, le quotidien économique Handelsblatt annonce que, grâce à l’action de Macron sur des dossiers comme le nucléaire ou le financement du plan de relance post-Covid, le pouvoir d’initiative en Europe s’est déplacé de Berlin à Paris. La crise ukrainienne lui fournit une autre opportunité pour s’imposer sur la scène mondiale. Le 7 février, la chaîne américaine, CNN, l’adoube du titre de « new Putin-whisperer » ou de « nouvel homme qui murmure à l’oreille de Poutine » (d’après le titre du film de 1998, L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux). Dans ce rôle, il prendrait le relais d’Angela Merkel qui parlait beaucoup plus souvent avec le chef russe que n’importe quel autre leader occidental. Macron serait aussi le digne héritier du Sarkozy de 2008 dont la réponse, lors de l’invasion russe de la Géorgie, avait été si énergique et décisive. Pourtant, un mois plus tard, le 10 mars, le média américain Politico Europe se demande : « Nom de Dieu ! À quel jeu Macron croit-il jouer face à Poutine ? » Les discussions montreraient que le président français est incapable d’exercer la moindre influence sur lui. Deux jours plus tard, le verdict du quotidien The Irish Independent tombe : le « Putinwhispering » est un « échec total ».

A lire aussi : Macron 2022: et si tout n’était pas joué d’avance?

C’est dans ce contexte que sont publiés les fameux portraits de Macron à l’Élysée le dimanche 13 mars, vêtu en sosie du président ukrainien. Les médias étrangers y voient surtout une forme de cabotinage. Pour The Times of India, le but de ces images – qui le montrent occupé par la guerre le week-end – est de justifier sa non-participation à la campagne électorale. Le quotidien allemand Bild présente Macron comme un politique « contesté » qui essaie, en imitant Zelensky, de démontrer qu’il est « proche du peuple ». En Italie, le Corriere della Sera souligne un manque d’originalité : Macron se faisant suivre par la photographe Soazig de la Moissonnière rappelle trop une opération similaire conduite par Obama afin de montrer que, derrière les coulisses, c’était un homme comme une autre. El País cite des internautes qui se moquent de l’imitation de Zelensky comme un « cosplay », un de ces jeux de rôle où des adultes se déguisent en un personnage de fiction. Mais ces critiques sont insipides à côté de celles des médias britanniques.

Le fléau des Anglo-Saxons

Pour The Spectator, Macron (dont les pronoms préférés, comme disent les non-binaires, seraient « moi, moi et moi ») incarne, non le courage de Zelensky, mais son contraire. Dans cette crise, ses tentatives pour « faire le macho » feraient de lui le plus « honteux » des politiques occidentaux. Le quotidien populiste The Daily Mail assène lui aussi qu’à la différence de Macron, Zelensky est « un vrai héros » et dresse une liste de tous les autres leaders politiques dont Macron aurait essayé de singer les gestes au cours de son quinquennat. La raison de cette hostilité, surtout dans les milieux pro-Brexit, est la supposée anglophobie du président français, accusé de vouloir punir le Royaume-Uni afin de s’imposer comme le champion européen. Il serait ainsi coupable d’avoir entravé les négociations sur l’application du protocole nord-irlandais, manipulé la crise migratoire dans la Manche et d’avoir publiquement sous-estimé l’efficacité du vaccin AstraZeneca. Selon The Daily Telegraph, en janvier, Macron ferait preuve de plus d’indulgence envers la Russie de Poutine qu’envers le Royaume-Uni. Une vision plus nuancée est proposée dans The Spectator, le 26 février, par John Keiger, chercheur en relations internationales. Après une analyse détaillée de la politique étrangère de Macron, il conclut que ses capacités de réflexion sont nettement supérieures à celles de la plupart des autres chefs d’État, mais que son arrogance sans limites et son incapacité à forger des alliances durables risquent de le conduire à l’échec. Les anciens Grecs avaient un remède à la « polypragmosynè », la « sophrosynè » ou « modération ». Reste à espérer que, s’il est réélu, M. Macron saura en faire preuve !

La farce tranquille

Catwoman, le Souverain poncif et Nini peau d’chien


Pas de clés de bras, étranglements, KO, monopole des piques et du cœur lors du débat opposant le Petit Prince du CAC 40 à la Brinvilliers de Béthune. Chacun son ventricule. Tournez manège… Les vraies querelles de gigot et d’idéologie, le grand suspens présidentiel de la Ve République, c’était en 1974. VGE l’emporte avec 50,81% des voix. Aragon, Sagan, Truffaut soutenaient Mitterrand. Giscard avait des poids lourds : Gainsbourg, Johnny, Jouhandeau, Pialat. Aujourd’hui, Emmanuel Macron fusionne tout le monde (Nicolas Hollande, Tony Parker, Marc Levy, Brigitte Fossey) mais n’emballe personne. Marine Le Pen inquiète la partie supérieure de la cordée. Le Vengeur masqué de la Cannebière attend les législatives. Jean-Luc Raminagrobis, vieux poète, arbitre expert sur tous les cas, reluque l’huitre que se disputent les plaideurs du jour. Molti nemici, molto onore… ?

Pendant près de trois heures, les duellistes courtois ont battu la campagne : la planète souffre, les Ukrainiens héroïques, aussi, sans oublier le ras le bol des ronds-points, l’insécurité, la jeunesse impatiente et déprimée… C’est officiel, le président ripolineur aime le vert. Brigitte s’est achetée des sabots. Emmanuel a un chapeau de paille et adore la salade. Marine Le Pen, petite-fille du peuple, s’intéresse au pouvoir d’achat des dominés. Les électeurs ne sont pas dupes. Depuis 50 ans, En marche, au galop, sur un yacht, un pédalo, en paddle, en Ehpad, le « modèle français » traverse les quinquennats, droit comme un hic, sous perfusion, à quatre pactes. Les paysans de l’Angélus de Millet n’iront pas voter dimanche.

Cruella De Vil et le chat botté

Masquée derrière un loup, Marine Cruella De Vil et ses chats noirs se rapprochent de l’Elysée. Jamais programme, déclarations, soutiens, n’ont été aussi karchérisés. Le Medef a des sueurs froides. Les constitutionalistes craignent un pronunciamiento, un Frexit.  Le 25 avril, s’il ne se saborde pas en rade de Toulon, le Charles de Gaulle pourrait rejoindre la flotte russe avec la Mère noire. Les audits de programmes sont légitimes, mais l’excessif devient dérisoire. Les preuves fatiguent la vérité. Plutôt que de s’angoisser sur la solidité du « front républicain », réglons le problème une bonne (ou mauvaise) foi.s pour toute ? Si le Rassemblement National est anti-républicain, factieux, il faut le dissoudre sans attendre, par décret en conseil des ministres (article 212-1 du code de sécurité intérieure, modifié par la loi du 24 août 2021). Qu’attend Gérald Darmanin ? 

A lire aussi, Esteban Maillot: Le front républicain est mort! Vive la République!

Après son OPA de 2017, la startup Macron & Partners prolonge l’Aventure, c’est l’aventure. Caméléon sans vraies convictions, le souverain poncif de la gouvernance, des forces de progrès et de transformation est un spécialiste de verbigération managériale et pneumologie : « la respiration démocratique, la libération des énergies, la concertation horizontale, l’agilité, la vélocité de nos administrations… ». Le président gourou, godille, à voile, à vapeur, dans l’éolien et les sondages. La repentance – et en même temps – la rente mémorielle : l’oxi.maur.mon… Le programme est polyvalent, hybride, modulable comme une compacte segment C. Le menu électoral du Chef c’est poké bowl. Au choix : une base de riz blanc de Camargue, boulgour bobo bio, semoule Regia, des protéines, du saumon, tofu, garnitures et toppings à volonté. Une cuisine moderne, libérée, délivrée, qui permet de ratisser l’effusion et l’éparpille. « Le poumon, le poumon, vous dis-je… ».

Nini peau d’chien

« Ni Le Pen, Ni Macron ! ». Après l’ivresse des sommets du premier tour, les derniers de cordée redescendent au camp de base. « À la Bastille on aime bien Nini peau d’chien, il est si bon et si gentil… ». Jean-Luc Mélenchon en appelle aux fâchés pas fachos. Son auberge espagnole est surtout peuplée de fauchés et fâcheux. Les médias vigilants, vestales de la démocratie, sont curieusement taisants sur les impasses et aberrations du programme insoumis : impôts sur les os, fuite des capitaux, banqueroute en trois mois, obsession de créolisation, racialisme, clientélisme en banlieue, écologisme de pacotille, l’universalisme et la laïcité en berne. Solécisme et barbarie. Julio Mélenchon « n’a pas changé ». Depuis cinquante ans, avec sa lanterne magique, il prend le chemin qui lui plait, nous chante des romances, nous invente des dimanches, nous fait voyager… Il pousse des cris d’Orphée à la recherche de spectres adorés, paradis perdus : Bolivar, Trotski, Castro, Chavez, Bandung, la Tricontinentale, le Maroc multiculturel de ses 10 ans, Rosebud, Combray. Contrairement à Régis Debray, le Spartacus de Tanger, toujours en rade dans la baie des Cochons, n’a rien compris à l’Histoire : on ne réchauffe pas un soufflé. Il chante comme Enrico Macias mais dialogue comme Staline : « Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable ». Four legs good, two legs bad.

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Pluralisme à géométrie variable

Le chaos importe peu aux fauchés (de gauche ou de droite) ; ils n’ont rien à perdre. Les fâcheux sont plus Tartuffe. Autrefois, avec Hegel, Marx, un fouet, on cassait des œufs pour mitonner les omelettes prolétariennes. Aujourd’hui la Révolution, la vraie, donne la colique aux factionnaires. Thomas Piketty Guevara a une bedaine de sénateur SFIO. L’antéchrist, le néo-libéralisme, le populisme, c’est flou… Les jeunes rebelles oligophrènes ont une bonne conscience et une mauvaise éducation. Orphelins de la dialectique et de la praxis, nombrilistes, ils exigent sur les rezzous sociaux des iPhones solaires, l’élitisme, pour tous ! Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance. Du beau, du bon, du bien, des benêts… « La grandeur de la Gauche c’est de vouloir sauver les médiocres. Sa faiblesse c’est qu’il y en a trop » (San Antonio).

La farce tranquille

Dans le bestiaire électoral, après Mélenchon la tortue, Marine la louve, Macron la chauve-souris: je suis de Gauche voyez mes aides, je suis de Droite, vive les gras ! « Ne faisons rien. C’est plus prudent … ». En attendant de Gaulle, la chèvre française est dans les choux. Notre tradition politique, c’est la farce tranquille. Depuis 1945, le pays – radical-socialiste – est gouverné au Centre. Personne n’est content, tout le monde aime cela, déclame son indignation à chaque élection: Du passif, faisons table rase ! Un pour tous, tout pour tous ! Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus faibles ! Fraternité, Égalité, Liberté ! Le changement, c’est marrant ! En Marche, au pas, au trot, au galop … L’avantage d’élire un.e Président.e honni.e c’est que les manifs, voitures incendiées, blocage des ronds-points, pourront commencer dès le 25 avril. Mazarin.e n’en n’a cure. « Qu’ils chantent pourvu qu’ils paient ».

« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles » (Bernanos).

Marianne au pays des merveilles

Price: 25,00 €

8 used & new available from 3,18 €

Pluralisme à géométrie variable

0

Macron ne choisit pas ses journalistes. Mais choisirait-il ses médias?


Le 12 avril, au cours d’une conférence de presse sur les institutions, Marine Le Pen est interrogée sur le refus d’accréditer les journalistes de l’émission Quotidien pour sa soirée électorale. Elle assume: « Je suis chez moi, je décide qui vient. » Des membres de la profession s’indignent qu’elle choisisse les journalistes qui la suivent. « Il n’y a pas de journalistes chez Quotidien, ce sont des amuseurs », répond-elle, suscitant divers étranglements dans l’assistance. « C’est vous qui décidez qui est journaliste ? »

Pour ce que ça vaut, je pense personnellement qu’elle a tort et qu’on a toujours intérêt à parler à ses adversaires. Cela dit, s’agissant de son QG de campagne, elle est effectivement chez elle. Et son culot ne manque pas d’un certain panache.

Quotidien, l’incarnation du Bien?

Bien entendu, toute la corporation se répand en déclarations indignées. Voilà comment Marine Le Pen conçoit la liberté de la presse. Autant dire que, si elle arrivait à l’Elysée, les médias seraient muselés, les journalistes arrêtés et pourchassés… Bref, la France serait transformée en Chine populaire, voire en Russie stalino-poutinienne.  

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: «Le scandale France Inter devrait être un thème majeur de la campagne»

Quelques jours plus tard, le candidat-président est interviewé par un journaliste de Quotidien. Un grand amoureux de la liberté de la presse qui l’accuse d’avoir contribué à la montée de l’extrême droite. Comment ? En donnant une interview à Valeurs Actuelles (en 2019). « Vous les normalisez… » Or, c’est bien connu, ces gens-là ne sont pas normaux. Le confrère ne précise pas quel sort il faudrait réserver à la rédaction de Valeurs Actuelles – Un camp de rééducation ? Un contrôle fiscal ? Le boycott ? Ou peut-être l’interdiction du titre ? Dans la foulée, il s’étonne que le président ait laissé ses ministres parler avec Jean Messiha sur CNews (sans doute Messiha est-il contagieux) ou qu’il ait lui-même posé en photo avec Philippe de Villiers (c’est pas pour balancer, mais ils se sont même parlé). 

Antifascisme d’opérette

Rien de très nouveau il est vrai. La bonne conscience de ces gens est tout de même sidérante. Ils sont tellement convaincus d’être l’incarnation du Bien qu’ils demandent sans sourciller que le président de la République cesse de parler à des journalistes dont les opinions ne leur reviennent pas. Il s’agit de ressortir le vieux cordon sanitaire anti-FN et de le dérouler autour des médias qui ne pensent pas bien (demandez à Quotidien, ils vous fourniront la liste). Tout cela, évidemment au nom de la tolérance. Je ne partage pas vos idées et je me battrai pour que vous ne puissiez plus jamais les exprimer. 

Réponse d’Emmanuel Macron: « Il faut aller chercher les gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Moi, je ne choisis pas les journalistes. Marine Le Pen elle dit: ’je ne veux pas de quelqu’un comme vous car vous êtes de Quotidien (…)’ J’ai fait une interview avec Valeurs Actuelles, ce ne sont pas des journalistes qui pensent comme moi, mais je parle à tout le monde. Un responsable politique, c’est son devoir. »

L’intervieweur insiste : « Vous les considérez comme des journalistes comme les autres ?! » Là encore, on aimerait savoir quelle lettre écarlate il propose d’afficher au plastron des journalistes-méchants. Un « F » (comme facho) ? 

A lire aussi, Didier Desrimais: Appel à voter Macron: tous les artistes ont signé. Même Luchini? Même Luchini

Macron ne lâche pas : « Ils ont une carte de presse. L’une des différences essentielles entre Madame Le Pen et moi, c’est que moi, je ne fais pas le tri. » Le Huffington Post s’étonne de cette façon « peut-être un brin hasardeuse, de tirer un trait d’égalité entre les journalistes du programme de TMC et ceux de Valeurs actuelles ». Oui, oui vous avez bien lu. Pour ces grands démocrates, si férus d’égalité en tout domaine, il existe donc clairement une hiérarchie des journalistes. Malheureusement, ils ne précisent pas non plus le traitement qu’ils aimeraient réserver aux unterjournalistes. Faut-il les enfermer au nom la liberté de la presse ou se contenter de leur interdire l’exercice de cette noble profession ? En tout cas, on l’aura compris, quiconque ne communie pas dans l’antifascisme d’opérette et n’appelle pas à faire barrage s’exclut de l’humanité. Peut-être faudrait-il interrompre le processus électoral ? 

Une malencontreuse coïncidence

La réponse du candidat Macron est plutôt rassurante. Voilà un homme qui aime le pluralisme, se dit-on. L’ennui, c’est que sa pratique n’est pas totalement conforme à ces belles proclamations. En effet, à en croire un connaisseur des arcanes élyséens, Emmanuel Macron aurait décidé de n’accorder aucune interview aux médias du groupe Bolloré. Certes, nous n’en avons pas la preuve – il ne l’a pas crié sur les toits. Force est de constater qu’il s’est rendu sur toutes les chaînes d’info sauf CNews, qu’il a fait les matinales de France Inter, France Culture, RTL, mais pas celle d’Europe 1, et que dans sa tournée des popotes médiatiques, le candidat a trouvé le temps de causer à Konbini et Elle (propriété de CMI, le groupe de Daniel Kretinsky) mais pas à Paris Match. Bref, on a quelques raisons de subodorer que, si Macron ne choisit pas ses journalistes, il choisit ses médias. Mais peut-être s’agit-il simplement d’une malencontreuse coïncidence, d’un oubli qu’il aura à cœur de réparer en acceptant l’invitation de C News. Puisque, parait-il, il aime aller au contact, il y rencontrera des gens qui ne partagent pas nécessairement ses opinions et n’approuvent pas nécessairement sa politique. Ça le changera… Chiche ? 

[Nos années Causeur] La boussole

0
Christopher Caldwell © Hannah Assouline

Pour ce centième numéro, le journaliste américain Christopher Caldwell rend hommage à Causeur


Outre-Atlantique, on cherche toujours dans la vie intellectuelle française ce qui manque dans la vie intellectuelle américaine. Et ce qui manque change d’année en année. Depuis maintenant quinze ans, Causeur nous donne un accès privilégié à la réflexion française sur les grands bouleversements qui ont marqué notre temps. Voici un florilège chronologique des apports du magazine :

— Au commencement, à la suite du krach financier de 2008, les essais dissidents de Jean-Luc Gréau sur l’économie mondiale.

— Ensuite, les nombreux articles sur la théorie du genre et le Mariage et la Manif pour tous, qui analysaient le nouveau mécontentement face à l’ordre amoureux, bien avant l’arrivée de #BalanceTonPorc.

— Plus tard, les reportages de Daoud Boughezala et les interviews de Christophe Guilluy qui, avant la révolte des Gilets jaunes, permettaient d’entrevoir le drame de la désertification de la France.

A lire aussi : Christophe Guilluy: “Les gilets jaunes demandent du respect, le pouvoir répond par l’insulte!”

Au-delà de ces diagnostics sur l’état changeant du monde, la revue a toujours présenté des éléments constants, invariables :

— le regard bienveillant d’Alain Finkielkraut sur les mondes littéraire et politique.

— les interviews d’Élisabeth Lévy, fondées sur le principe estimable (mais que Causeur est la seule publication à mettre en pratique) qu’aucune personnalité, aussi controversée soit-elle, ne mérite pas qu’on l’interroge.

— les traits d’esprit de Basile de Koch qui retentissent dans la mémoire du lecteur des années après – « Mbala Mbala, même combat » ou « [Marie–France] Garaud Gorille » !

A lire aussi : Wokisme: la belle Marianne se laissera-t-elle complètement pervertir par l’Oncle Sam?

En retour, les États-Unis exportent en France leurs idéologies progressistes (hélas !) dont la pire est celle des « wokistes » qui menaçants, nous somment de choisir notre camp. Je suis infiniment reconnaissant à Causeur d’avoir répondu en choisissant le meilleur camp, celui de la liberté.

Une révolution sous nos yeux : Comment l’islam va transformer la France et l’Europe

Price: 25,00 €

45 used & new available from 2,58 €

Une envie de conflit

0
Un Français interrogé par France 2 volontaire pour rejoindre le front ukrainien D.R.

La guerre en Ukraine et son importante couverture médiatique exercent des effets psychologiques étonnants sur la population française…


Le 3 mars, Slate rassemble des témoignages de citoyens lambda qui parlent de leur état d’angoisse permanente, voire de leur peur d’une guerre nucléaire. Beaucoup se déclarent incapables de se détacher des chaînes d’information en continu, de sorte que Psycom, un organisme public d’information, recommande – sans surprise – de « limiter [son] exposition aux informations ».

Au lieu de rester transis d’inquiétude face à la crise, deux groupes passent à l’action. D’un côté, il y a les va-t-en-guerre, ceux qui veulent rejoindre la légion internationale et se battre contre les Russes aux côtés des Ukrainiens. Certains sont d’anciens militaires, comme ce Finistérien de 57 ans interviewé par France 3 Bretagne. Déterminé à « défendre ses valeurs » et à « arrêter Poutine », et ayant reçu l’aval de sa fille de 14 ans, il est parti le 11 mars en compagnie de deux hommes et d’une femme plus jeunes que lui, mais prêts pour le combat.

Capture France 2

Pour ceux qui n’ont pas d’expérience militaire, un stage de 48 heures a été organisé près de Bordeaux par un ancien des forces spéciales. Les apprentis Rambo, qui veulent soit partir là-bas soit se préparer pour une éventuelle extension du conflit à la France, ont reçu une formation de base à la guerre urbaine et périurbaine.

L’autre groupe est celui des dévots de l’Apocalypse qui cherchent à prévenir un Armageddon nucléaire. Depuis le début de la guerre, la vente d’abris nucléaires a explosé en France. Le PDG de la société Amesis Bat a confié à France TV Info avoir reçu 20 % de commandes supplémentaires. Un autre constructeur spécialisé dans ce domaine, Bünkl, a vu la fréquentation de son site augmenter de 4 000 % pendant la même période. Un bunker standard de 14 mètres carrés pour six personnes coûterait 96 000 euros ; le modèle de luxe, de 26 mètres carrés pour accueillir 12 personnes, 116 000 euros. Les plus luxueux peuvent comporter sauna, piscine ou piano à queue. Certains Français ont déjà la nostalgie du confinement.

Macron, champion de boxe

0
Saint-Denis, 21 avril 2022 © Francois Mori/AP/SIPA

Un billet de Marie-Hélène Verdier


On se souvient de phrases célèbres lors de débats présidentiels : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » Ou « Alors, permettez-moi de vous appeler, Monsieur Mitterand ! » Qui ne se souvient des yeux papillotants, alors, du candidat de gauche ? Ce temps n’est plus. Quel débat frustrant que cette tauromachie présidentielle sans queue ni oreilles ! Non que Marine Le Pen eût démérité, loin de là, mais, dans un combat politique, il faut toréer ferme, donner des coups et porter l’estocade. Or, elle est restée sur son quant à soi : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Sans porter le coup fatal, sans décocher la phrase assassine qui déstabilise l’adversaire et passe à la postérité.

A lire aussi, Anne-Sophie Chazaud: Débat: la presse est déçue, ce n’étaient pas les jeux du cirque espérés!

Mathieu Bock-Coté a dit parfaitement, hier, à Cnews, comme le quatrième pouvoir, représenté par les médias, impose quasiment les votes par des sondages et régente le débat : mise en scène, questions, timing. Le temps de parole, mesuré par les prompteurs, est l’obsession des journalistes. Avant-hier, outre que le générique, au début, a couvert la voix de Marine Le Pen, il n’y eut rien de la solennité d’un débat présidentiel, mais de l’ennui. Et il a fallu attendre 11 heures et demie pour que l’on traite des problèmes majeurs qui travaillent la France, au seul profit du « pouvoir d’achat ». Gilles Bouleau et Léa Salamé regardaient le prompteur. Le président, les bras croisés, enfoncé dans son fauteuil ou menton dans la main, pressé d’en finir, regardait avec condescendance ou désinvolture Marine Le Pen. Ce faisant, il décrédibilisait son adversaire. Elle, droite comme un menhir, gardant sa tenue, faisait attention, néanmoins, à ne pas se radicaliser en direct.

Mais si Marine Le Pen n’a pas démérité, elle n’a néanmoins pas su pousser son avantage sur certaines questions et prendre la main. On se souvient de l’anaphore « Moi, président » qui avait asphyxié l’adversaire. Parlons de votre bilan, Monsieur Macron ! Un nouveau quinquennat ? Pourquoi faire ? Vous dites que c’est la guerre civile si on interdit le voile ? Mais elle est déjà là dans beaucoup de quartiers, la guerre civile ! Et vous le savez fort bien, Monsieur Macron ! Las, c’est à neuf heures et demie qu’on a levé le voile sur la statue du Commandeur.

A lire aussi, Aurélien Marq: Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

Surtout: s’il avait été décidé qu’on ne parlerait que très tard des questions fondamentales, on avait décidé aussi qu’on n’évoquerait, en aucun cas, les questions de vie et de mort dites « questions sociétales ». C’est donc dans le message final aux Français (pour racoler les lobbys) que le président sortant déclara que la grande cause de son quinquennat serait… l’enfant ! Comprenons bien: après la PMA, il faut craindre la GPA pour tous, et l’euthanasie à la carte. Alors que sur ces questions, les deux candidats s’opposent nettement, personne n’a jamais parlé, de ces « valeurs » qui fondent notre vie commune et garantissent notre unité. La grande perdante de ce duel, c’est la France.

Le lendemain du tournoi, le candidat président est allé boxer, sous l’œil des caméras, avec des habitants de Saint-Denis. Il en a profité pour inciter à lutter contre « l’extrême droite ». Ce qu’il s’était gardé de dire au débat. Quant à lui, il a raison de se préparer aux matchs qui l’attendent, au cas où il serait élu. Car les vents sont mauvais qui soufflent de partout.

KO boomers!

0
La Sorbonne à Paris, 14 avril 2022 © HOUPLINE RENARD/SIPA

Les étudiants de la Sorbonne et les lycéens parisiens bloquent et saccagent pour protester contre le choix du second tour. Eux, ils voulaient Mélenchon. La solution envisagée ? Interdire de vote les plus de 65 ans, qui plébiscitent les partis établis, et bloquent tout renouvellement, disent-ils. Mais pourquoi en rester là ? se demande notre chroniqueur.


Déprédations, exactions, vols, saccages — particulièrement dans la chapelle de la Sorbonne, étant entendu que le culte de saint Mélenchon doit supplanter celui du Christ. Le rectorat, pour l’instant, évalue les dégâts« un montant énorme », « plus de 500 000 euros », me dit-on là-bas. Les devis sont en cours pendant que les étudiants n’y sont pas.

Militants gauchistes à la Sorbonne, 14 avril, 2022 © HOUPLINE RENARD/SIPA

Les p’tits jeunes ont courageusement levé le siège dès qu’il fut question de faire intervenir la police — appelée immédiatement par les instances universitaires, mais dont l’intervention a été longuement mise en suspens par l’Élysée. Les étudiants ont alors passé le relais aux organisations lycéennes, qui, intellectuellement confortées par deux ans de cours en pointillés, bloquent une poignée de lycées à Paris — les plus bourgeois, les nantis s’insurgent à moindres frais. « Ni Macron ni Le Pen », les tenants de l’intersectionnalité des luttes refusent le jeu électoral. Désormais, ça se passera dans la rue.

À moins que, comme le suggère le lider maximo, les législatives ne lui donnent une majorité de gouvernement.

Le plus drôle, c’est qu’au même moment, des débats sont lancés pour fixer une âge limite pour le vote des personnes âgées. Après tout, les seniors votent majoritairement Macron, et globalement pour les partis institutionnels. Normal : les vieux partis séduisent les vieux — appelons un chat un chat. En laissant voter les jeunes prioritairement, et les personnes en activité, on élirait Mélenchon dès le premier tour…

L’époque est décidément à la révision constitutionnelle. Au vote censitaire des années 1830 substituons donc un vote déterminé par l’âge.

L’embêtant, c’est que les vieux s’abstiennent fort peu (12%), et que les jeunes pratiquent assidument le refus des urnes (près de 45% sur la tranche 18-24 ans). Peut-être faudrait-il donner aux gamins un double droit de vote, pour compenser leurs pannes d’oreiller les jours de vote ?

Le droit de vote à 18 ans a lourdement contribué à la défaite de Giscard en 1981. Sur ces bases, un droit de vote à 16 ans devrait permettre à Alice Coffin de se retrouver Ministre des apocalypses futures, et à Sandrine Rousseau de diriger celui des Universités.

L’idée d’une interdiction de voter pour les plus de 65 ans s’appuie sur une idée simple : les retraités ne participent plus à la richesse nationale, ils doivent donc être exclus des processus de décision. Mais à ce compte, la tranche 18-24 ans n’y participe guère. Il ne serait peut-être pas mauvais de renouer avec la pratique romaine, qui reculait l’adolescence jusque vers 30 ans.

Evidemment, cela va contre l’égalité des citoyens. Mais avec le pouvoir, on peut faire passer ce que l’on veut. Eviter en tout cas le référendum, le nombre de vieux augmentant sans cesse, au fur et à mesure que la génération du babyboom entre dans le troisième âge.

Mais tout cela, ce sont des arguments piteux. Le plus simple serait de faire comme dans « Soleil vert » : éliminer les gens dès qu’ils ont atteint 65 ans. Faire de l’euthanasie une clef du processus électoral. Ok boomer ! disent ceux qui constituent la « génération connards ». C’est « KO boomer ! » qu’ils s’exclameront bientôt, chaque fois qu’un néo-retraité sera légalement poussé vers la fosse — en musique si vous voulez, comme dans le film de Fleischer : ne parle-t-on pas de « fosse d’orchestre » ?

J’essaie d’en rire, de peur d’avoir à en pleurer, comme Figaro. Savez-vous à quoi l’on distingue un homme intelligent d’un sombre connard ? Il arrive à une belle intelligence d’avoir des éclipses — elle ne s’en relève que plus brillamment. Mais le connard a à cœur de battre sans cesse son propre record, c’est même à ça qu’on le reconnaît. En l’espèce, les « jeunes mélenchoniens » (ont-ils bien réalisé que leur héros septuagénaire devrait être privé lui-même de vote, ou faut-il faire des exceptions ?) ont monté haut la barre.

Aucun « racisme » anti-jeunes dans mon propos. J’en connais qui pensent par eux-mêmes. J’admets qu’ils sont peu nombreux, et qu’ils vocifèrent moins que les crétins. Mais ils existent. L’Education nationale a eu à cœur, depuis quarante ans, d’en réduire le nombre, avec un vrai succès. À nous, les vieux, de ranimer la flamme — et d’envoyer en Camargue les jeunes mélenchoniens, jadotistes et assimilés, pour y récolter le riz et réfléchir à leur destinée. C’est d’une anti-révolution culturelle que nous avons besoin, avec un dirigeant fort qui s’appuiera non sur de jeunes Gardes rouges incultes et fanatisés, mais sur de vieux briscards qui n’ont plus l’âge de penser à eux et peuvent se dévouer pour les autres.

La fabrique du crétin: Vers l'apocalypse scolaire

Price: 18,00 €

30 used & new available from 2,61 €

Débat: la presse est déçue, ce n’étaient pas les jeux du cirque espérés!

0
Débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, Saint-Denis, 20 avril 2022 © LUDOVIC MARIN-POOL/SIPA

N’écoutez pas tous les commentateurs. Non, le débat n’était pas d’un terrible ennui. Et oui, Marine Le Pen est parvenue à jouer les seules cartes à sa disposition dans cette partie. Analyse.


Les enfants gâtés de la société du spectacle sont déçus : ils attendaient de ce débat d’entre-deux-tours du sang, de la chique et du mollard, ils espéraient comme à l’accoutumée qu’on les distraie de leur ennui existentiel, ils rêvaient d’un octogone tonitruant, d’un match de boxe façon Rocky IV… La plupart des journalistes et chroniqueurs, pareillement, en voulaient pour leur argent, attendaient des punchlines dont ils font leur beurre au fond de la caverne de Platon dans laquelle ils se meuvent avec confort, lesquelles punchlines dissimulent soit le réel soit le vide. Tout ce petit monde, habitué depuis quelques jours à la blitzkrieg menée tambour battant contre Marine Le Pen par la quasi-totalité du système en place – de la CGT jusqu’au Medef en passant par les écologistes et la Grande mosquée de Paris – ayant scandaleusement acté depuis deux semaines qu’il ne saurait y avoir de confrontation démocratique « normale» mais seulement des cris d’orfraie et des outrances hystériques, s’en repartit donc boudant dans sa chambre au milieu de l’émission parce que, tout de même, passer plus de deux heures à écouter des candidats à la magistrature suprême, quel ennui… !

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Pluralisme à géométrie variable

« Libé » pas au niveau

Vite du Hanouna, vite du Quotidien, vite de la foire d’empoigne. Certains, du reste, comme Libération, ne s’embarrassèrent même pas de faire semblant de travailler sérieusement lors d’une étape démocratique fondamentale et sortirent leur Une fustigeant la prestation de Marine Le Pen dans ce débat (« Toujours pas au niveau ») alors même que celui-ci n’était même pas fini. Si la presse macroniste se mettait à travailler réellement et à se confronter au réel, on ne s’en sortirait pas !

Et pourtant, et pourtant, dans ce très long débat d’entre-deux–tours, technique et sérieux, dont la préparation fut théâtralisée à outrance aussi sûrement que des jeux du cirque ou quelque corrida dont on espérait la mise à mort de quelque bête immonde fantasmagorique, de très nombreux sujets furent enfin abordés qui avaient été savamment escamotés par la plupart des médias pendant la quinzaine antifasciste de circonstance, mais également, cette longue confrontation républicaine permit de voir, en raison précisément de sa durée, à quel type de personnages l’on avait réellement affaire.

Les limites de la diabolisation

Au dictionnaire des idées reçues dans le strict cadre médiatico-mondain parisien, il ne fallait pas oublier de louer l’étalage supposé des compétences macroniennes que l’on ne manquait pas d’opposer à la rigueur un peu trop méticuleuse de son adversaire féminine. Pourtant, et curieusement, quiconque se sera promené en ville, dans les commerces, dans les transports en commun, partout, aura entendu un tout autre son de cloche dont on finit par se demander pour quelle raison mystérieuse il n’est pas parvenu aux oreilles de ceux qui font l’opinion et l’information : absolument toutes les conversations bruissaient, au lendemain du débat, de l’insupportable arrogance du candidat à sa réélection et du calme de la candidate. La diabolisation a fait chou blanc, tout comme le procès en incompétence. On attendait, on espérait, qu’elle trébuche, qu’elle tombe, qu’elle se plante, il n’en a rien été. A l’inverse, certains auraient espéré qu’elle se montre plus agressive sur le bilan calamiteux du sortant, l’on espérait du McKinsey, du Rothschild, de l’Alstom : au contraire a-t-elle gardé le sens de la mesure et de la pondération, avec seulement quelques petites allusions en filigrane, juste de quoi introduire la connotation mais suffisamment ténues pour empêcher l’hystérie de s’installer au cœur du débat et déjouant ainsi de toute évidence le plan de contre-attaque envisagé par la communication macronienne qui aurait alors surjoué l’indignation et les colères de sainte nitouche. Emmanuel Macron a bien essayé de monter dans les tours en agressant son interlocutrice mais celle-ci, en mère de famille avertie, n’a pas renvoyé les balles ou juste ce qu’il fallait, de sorte que celles-ci allaient la plupart du temps se perdre dans le décor à la manière des éoliennes du Touquet bel et bien disparues conformément à ce qu’a affirmé la candidate. Ce faisant, Marine Le Pen put non seulement enfin parler (un peu) de son programme mais aussi en petite partie du bilan macronien (ce qui était rigoureusement impossible pour cause de propagande médiatique ininterrompue au cours des jours précédents), mais surtout elle a, par son attitude, contraint Emmanuel Macron à se révéler sous son vrai jour, en dehors du théâtre et de l’apparat. Ce-dernier, se tenant mal et de manière irrespectueuse, avachi sur son bureau en désordre, dans une posture que le premier gauchiste venu pourrait sans trop se forcer qualifier de pénible manspreading, anormalement agité et la pupille convenablement dilatée, passa son temps à interrompre la candidate, lui coupant la parole de manière intempestive, parasitant autant que possible le débat au point d’ailleurs que les deux journalistes qui conduisaient les opérations durent à plusieurs reprises lui demander de bien vouloir se taire (ce qui n’était pas arrivé souvent au cours des dernières années) afin que Marine Le Pen puisse démocratiquement jouir de son temps de parole. Il est vrai que lorsqu’on est habitué à saturer l’espace de débat public sans contradiction, le fait d’être confronté à un discours opposant libre de s’exprimer sans pouvoir ni l’incriminer, ni le menacer (et sans tirs de LBD dans les yeux !) peut être déstabilisant.

A lire ensuite, Aurélien Marq: Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

Faudra pas venir pleurer !

Il convenait d’aborder ce débat de manière tacticienne et non pas en fonçant tout de go tel le taureau sur un chiffon rouge dont on aurait alors scellé la mise à mort bien commodément. Il est des parties qui se gagnent parfois en défense, même si ce ne sont pas les plus beaux matchs, et en particulier lorsqu’on est donné perdant avec une toute petite cote. Or, au sortir de ce spectacle de gosse insupportablement mal élevé et de dame bien patiente qui attend que le gamin ait fini sa crise, ce qui était manifestement visé était d’une part de souligner dans quel camp se trouvait l’agressivité, et d’autre part de rappeler aux personnes qui ont passé cinq ans à haïr Emmanuel Macron pour quel personnage ils s’apprêtaient, en conscience, à aller revoter. Il s’agissait en quelque sorte de leur rafraîchir la mémoire et il faut bien avouer, quoi que l’on pense des programmes de l’un et de l’autre, que cette tactique « molle » contraignant l’adversaire à se dévoiler sous son vrai jour était assez finement jouée : sans doute était-ce même en réalité le seul coup jouable dans cette partie. Beaucoup de castors du barrage dit républicain n’étaient, au lendemain du débat, à en juger par les nombreuses conversations entendues et lues, plus très sûrs de vouloir glisser un bulletin de vote portant le nom du pénible individu dans l’urne, fût-ce au prix de la chimère ridicule d’une revanche législative qui ressemblait de plus en plus à un vaudeville de cocu-content. Qu’importait que le camp macronien eût comme de bien entendu trouvé son champion formidable, qu’importait également que le camp de Marine Le Pen eût apprécié l’assurance calme de sa championne, ce qui comptait dans le fond c’était bien de rappeler aux indécis et aux barragistes potentiels qui eurent à subir le mépris, la morgue, la violence et l’arrogance du macronisme pendant cinq ans, qu’ils seraient alors directement responsables en cas de récidive de leur sort à venir et qu’il ne faudrait pas alors venir pleurer. Gageons que sur ce point au moins, à l’issue de ce débat, chacun savait très précisément à quoi s’en tenir quant aux deux candidats, ce qui en faisait donc, contrairement à l’idée médiatiquement reçue, un révélateur parfaitement réussi, de quelque côté que le cœur de chacun balance.

Liberté d'inexpression: Des formes contemporaines de la censure

Price: 18,00 €

20 used & new available from 8,41 €

Une candidature «illibérale» peut en cacher une autre…

0
Denain (59), 11 avril 2022 © Jacques Witt/SIPA

Et si Emmanuel Macron était le vrai visage de l’extrémisme ?


La « diabolisation », vieille compagne de route du Rassemblement national un temps détournée contre Éric Zemmour, s’est à nouveau mise en marche contre Marine Le Pen afin d’assurer la réélection d’Emmanuel Macron. Ce dernier connaît la force de ce processus capable de conditionner le vote de nombreux citoyens effrayés. Il en a donc profité récemment pour apporter sa petite pierre à l’édifice afin de détruire l’image « politiquement convenable » que Marine Le Pen avait réussi à se constituer pendant cinq ans. Interrogé par Caroline Roux, il a ainsi décrit son adversaire pour le second tour : « Le vrai visage de l’extrême droite revient : c’est un visage qui ne respecte pas les libertés, le cadre constitutionnel, l’indépendance de la presse, et les libertés fondamentales, des droits durement et chèrement acquis qui sont au cœur de nos valeurs [1] ». Cette sortie d’Emmanuel Macron a une saveur particulière au regard du bilan de son quinquennat.

Qui menace nos libertés?

En effet, en termes de libertés, jamais celles-ci n’avaient été autant mises à mal que depuis son arrivée aux affaires : liberté d’aller et venir, liberté de manifestation, liberté de réunion, liberté d’éduquer nos enfants comme nous le souhaitons, liberté de travailler, liberté d’opinion, liberté d’expression, liberté de culte, liberté de prescrire, ou encore liberté d’association… Les libertés fondamentales ont été inlassablement piétinées par un président qui prenait conseil auprès de cabinets privés pour gérer les crises difficiles. Certains affirment que l’opposition n’aurait pas fait mieux si elle avait été aux affaires ? Ce qui est probable, c’est qu’elle n’aurait pas pris ses ordres chez McKinsey, qu’elle ne se serait pas servie de sa position à la tête de l’État pour bafouer les libertés fondamentales pendant que s’accumulent les scandales et la corruption. Elle se serait contentée, comme beaucoup l’ont proposé au début de la pandémie par exemple, de miser sur les corps intermédiaires et le tissu associatif, de faire confiance aux Français pour gérer cette pandémie. Peut-être aurait-elle profité de cette situation de crise, à l’inverse d’Emmanuel Macron, pour recréer le ciment national français fragilisé par des années de perte de nos repères culturels et moraux.

A lire aussi, Jonathan Sturel: Le Conseil constitutionnel face à un choix historique

Ensuite, Emmanuel Macron a le mauvais goût d’accuser l’opposition de ne pas respecter le Conseil constitutionnel. Rappelons d’abord que ce Conseil a donné son aval, pendant cinq ans, à toutes les mesures liberticides prises par notre président, du « délit de violation du confinement » jusqu’au « passe sanitaire » devenu, toujours avec la bénédiction des Sages, un « passe vaccinal ». Le Conseil s’est également fait le défenseur de l’immigration massive par la création du « principe de fraternité » qui extrapole le préambule de la Constitution, principe qui permet aux associations aidant les clandestins de continuer d’opérer sans être inquiétées, ou encore par la censure de l’article 26 de la « loi séparatisme » qui aurait dû permettre de refuser le titre de séjour aux migrants qui rejettent les principes de la République [2]. Il apparaît, finalement, qu’une véritable collusion d’intérêts a rapproché Emmanuel Macron du Conseil Constitutionnel quitte à ce que ce dernier outrepasse ses fonctions en avalisant des décisions qui auraient dû être déclarées inconstitutionnelles. Comment peut-on reprocher à Marine Le Pen de vouloir passer, tout comme Éric Zemmour, par l’onction populaire pour modifier la Constitution, alors qu’Emmanuel Macron, lui, n’a même pas pris la peine de la modifier pour faire passer des mesures inacceptables dans notre droit ? La Constitution appartient au peuple de France. Elle doit être à son service et non l’inverse. Les Français ont le droit de la modifier comme bon leur semble.

Au suivant!

Parlons enfin de l’indépendance de la presse dont Emmanuel Macron se fait tout à coup l’ardent défenseur ! Pendant cinq années, il a accumulé les « rencontres » et les « consultations citoyennes » avec des citoyens triés sur le volet sous la caméra complaisante de journalistes acquis au pouvoir, excluant immédiatement ceux qui risquaient de rendre un son de cloche contraire à la doxa dominante comme ce fut le cas pour Russia Today ou Sputnik bien avant que la guerre russo-ukrainienne n’ait été déclarée. Pendant cinq années, les médias aux ordres se sont fait les relais de sa politique brutale, crachant sur la « lèpre populiste [3] », occultant les violences contre les gilets jaunes éborgnés, se focalisant sur les excès en marge des manifestations, pointant du doigt les Français opposés aux vaccins contre le Covid et les assimilant à des « complotistes », à des irresponsables, voire à des criminels. Non-respect des libertés, du cadre constitutionnel et de l’indépendance de la presse… Il n’y a aucun doute, Emmanuel Macron aura été le véritable visage de l’extrémisme pendant les cinq ans passés au pouvoir. Il est désormais temps de se passer de ses services pour les cinq années qui viennent.


[1] « Les 4 vérités – Emmanuel Macron », France.tv, le 13/04/2022.

[2] « Décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 », Conseil constitutionnel, 13/08/2021.

[3] « Migrants : Macron défend ses choix et fustige la «lèpre» populiste en Europe », Le Figaro, le 21/06/2018.

Voile: l’effrayant aveu d’Emmanuel Macron

2
Paris, 6 septembre 2020 © GODONG/ BSIP via AFP

Le mercredi 20 avril 2022 à 23h23, le président de la République a publiquement déclaré qu’il y a en France une communauté susceptible de s’opposer à l’autorité de l’État par la violence au point de déclencher une guerre civile. Tout le reste est insignifiant.


On peut, comme Marine Le Pen, s’étonner que le candidat Macron parte du principe qu’une certaine catégorie d’habitants de la France n’accepte de se plier à la loi que si la loi se plie à leur volonté. Et c’est en effet, en soi, riche d’enseignements politiques. Mais en réalité, il y a beaucoup plus que ça.

De quoi parle-t-on exactement ? Lors du débat de l’entre-deux-tours, interrogé sur l’interdiction du voile islamique, Emmanuel Macron commence par un contre-sens total visant à faire de ce qu’il insiste pour appeler « foulard » une question de laïcité, alors qu’il s’agit du symbole ostentatoire d’une idéologie sexiste, déshumanisante et violente, et que le fait que cette idéologie soit religieuse est sans aucune importance. Il se permet même une comparaison particulièrement injurieuse avec la kippa et tous les autres signes religieux, ce qui est aussi ridicule que s’il affirmait que l’on ne peut pas interdire le port de la croix gammée sans interdire le port de toutes les croix ! Et il poursuit en disant à Marine Le Pen que si elle interdisait le voile « dans la cité », comme il est interdit à l’école et dans les services publics, « vous allez créer la guerre civile si vous faites ça, je vous le dis en toute sincérité. »

Face à face

A moins d’être un dangereux irresponsable à relever en urgence de ses fonctions, aucun chef d’Etat au monde ne parle à la légère de guerre civile.

A lire aussi: Voile: petit cours de marxisme appliqué à l’usage d’un khâgneux sous-doué

On se souvient de la crise des banlieues en 2005. On pense aux violences urbaines et aux agressions contre les forces de l’ordre, pratiquement quotidiennes dans notre pays. On peut aisément se renseigner (même si la plupart des médias prennent soin d’en dire le moins possible) sur ce qui se passe en ce moment en Suède, y compris l’ingérence de l’Irak, de l’Arabie Saoudite, de la Turquie.

On sait que depuis cinq ans, Emmanuel Macron dispose du fait de ses fonctions de toutes les informations des services de renseignements civils et militaires, des remontées de terrain des forces de l’ordre, des préfets, de toutes les administrations, des élus de sa majorité, des rapports qu’il commande, des enquêtes parlementaires. L’un de ses ministres de l’Intérieur a déclaré il y a déjà quatre ans : « aujourd’hui on vit côte à côte, et je crains que demain on vive face à face. » Lui-même a été proche collaborateur puis ministre d’un autre chef de l’État, qui avouait en 2016 : « qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute », évoquait « l’accumulation de bombes potentielles liées à une immigration qui continue. Parce que ça continue » et allait jusqu’à affirmer à propos de ce que l’on n’appelait pas encore « séparatisme » : « c’est quand même ça qui est en train de se produire : la partition. »

Hier soir, Emmanuel Macron a donc complété ce constat en reconnaissant sans ambiguïté qu’il existe sur notre sol une « communauté musulmane » prête à faire la guerre à la France pour son voile, ce qui signifie qu’un nombre suffisant de musulmans en France se perçoivent eux-mêmes comme une communauté distincte, qu’ils ont la détermination, la présence sur le territoire, les effectifs et les armes nécessaires pour que leur action ne soit pas simplement de la contestation violente ou des émeutes, mais bel et bien une guerre civile – ou du moins est-ce ainsi que le président de la République, avec toutes les informations dont il dispose, évalue la situation.

Les islamistes voudront toujours plus

Et quelles conséquences pratiques Emmanuel Macron tire-t-il de ce constat ? Va-t-il faire ce que le bon sens exigerait, c’est-à-dire mobiliser tous les moyens de l’État, y compris militaires, pour procéder au désarmement méthodique de tous ceux qui refusent radicalement les bases les plus élémentaires de ce qui fonde la civilité dans notre civilisation ? Va-t-il mettre fin à l’arrivée massive sur notre sol de populations qui sont, de facto, des renforts pour cet « Etat dans l’Etat » prêt à nous faire basculer collectivement dans l’horreur ? Que nenni !

A lire ensuite, Boualem Sansal: Une brève histoire du voile

Emmanuel Macron veut céder aux exigences de l’islam : le voile aujourd’hui, et qui sait ce que ce sera demain, et après-demain ? Logique munichoise dont on sait qu’elle ne sert qu’à encourager les brutes et les tyrans à vouloir toujours plus. Mais Emmanuel Macron est fort avec les faibles et faible avec les forts. Il envoie un hélicoptère de gendarmerie verbaliser trois promeneurs inoffensifs sur une plage pendant le confinement, mais ne se donne pas les moyens d’imposer ce confinement dans les « quartiers sensibles ». Les Corses l’ont constaté récemment : quelques nuits d’émeutes leur ont rapporté d’avantage que des années de négociations pacifiques.

Emmanuel Macron vante à Strasbourg la « beauté » qu’il y a à être « féministe et voilée », et reçoit le soutien très officiel d’un « iftar républicain » de la Grande Mosquée de Paris.

La présidence Macron a consisté en cinq années d’immigration à un rythme plus important encore que sous les quinquennats Sarkozy et Hollande, marquant la poursuite de la transformation démographique de la France. Emmanuel Macron, président d’une immigration hors de contrôle, ne montre pas la moindre volonté d’infléchir sa politique en la matière. A trois jours du second tour, les choses sont simples : le président la République en personne a déclaré que seule l’épaisseur d’un voile nous sépare encore de la guerre civile. Allons-nous reconduire au pouvoir le « front républicain » de ceux qui, en quarante ans, ont amené la France à cette situation catastrophique, et qui ont la ferme intention de continuer dans la même voie sans jamais se remettre en cause ? Dans le secret de l’isoloir, ce sera à chaque citoyen, en son âme et conscience, d’en décider.

Macron, trop m’as-tu-vu pour les étrangers

0
Emmanuel Macron et Joe Biden, à l'ambassade de France du Vatican, Rome, 29 octobre 2021 © Ludovic Marin / AFP

Président du Conseil européen et – prétendument – intime de Poutine, Emmanuel Macron avait l’opportunité d’exercer un leadership sur la scène internationale. Mais pour les médias étrangers, ses effets de mise en scène et son jeu d’acteur lourdingue affaiblissent sa crédibilité.


Les anciens Grecs avaient un mot pour décrire le comportement de certains acteurs de la vie politique. La « polypragmosynè » indiquait une hyperactivité inadaptée à la réalité des choses, une tendance à s’ingérer dans toutes les affaires et une volonté incessante d’attirer l’attention générale sur soi. En France, la présidence de la Ve République encourage, voire nécessite, un tel comportement hors normes. Le chef de l’État doit accompagner son action politique de discours grandiloquents, de gestes dramatiques et de mises en scène impressionnantes. Or, vues de loin, de l’étranger, ces simagrées sont souvent bien plus visibles que la substance des propositions. Elles tendent ainsi à former l’image qu’on retient de chaque leader français : du Général, le képi et les bras levés ; de Mitterrand, le port altier en pardessus sombre ; de Sarkozy, l’énergie bling-bling de l’omniprésident. Hollande, homme terne s’il en fut, n’a été sauvé que par les livres de révélations de son ex-compagne et de deux journalistes du Monde. Aujourd’hui, avec Macron, c’est le côté cabotin de Jupiter qui attire l’attention à l’international.

Un faux Zelensky

Depuis le début de l’année, Macron fait face à trois défis : l’élection présidentielle, la présidence française de l’UE et la crise en Ukraine. Son objectif est triple : continuer comme chef d’État en France, prendre le leadership en Europe et être reconnu comme le champion du monde occidental. Cette ambition n’est pas irréaliste. À côté de Biden, qui est vieux, de Scholz, qui est un novice, et de Johnson qui cherche toujours un nouveau positionnement pour son pays après le Brexit, Macron incarne l’énergie, l’expérience et la stabilité.

A lire aussi : Emmanuel Macron, le roi de la frime…

Contrairement à ses critiques en France qui lui reprochent sa faiblesse face à l’Allemagne, les Allemands commencent à sentir que Macron a réussi à leur dérober le leadership au sein de l’UE. Le 1er janvier, jour où la France a pris la présidence tournante du Conseil européen, le quotidien économique Handelsblatt annonce que, grâce à l’action de Macron sur des dossiers comme le nucléaire ou le financement du plan de relance post-Covid, le pouvoir d’initiative en Europe s’est déplacé de Berlin à Paris. La crise ukrainienne lui fournit une autre opportunité pour s’imposer sur la scène mondiale. Le 7 février, la chaîne américaine, CNN, l’adoube du titre de « new Putin-whisperer » ou de « nouvel homme qui murmure à l’oreille de Poutine » (d’après le titre du film de 1998, L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux). Dans ce rôle, il prendrait le relais d’Angela Merkel qui parlait beaucoup plus souvent avec le chef russe que n’importe quel autre leader occidental. Macron serait aussi le digne héritier du Sarkozy de 2008 dont la réponse, lors de l’invasion russe de la Géorgie, avait été si énergique et décisive. Pourtant, un mois plus tard, le 10 mars, le média américain Politico Europe se demande : « Nom de Dieu ! À quel jeu Macron croit-il jouer face à Poutine ? » Les discussions montreraient que le président français est incapable d’exercer la moindre influence sur lui. Deux jours plus tard, le verdict du quotidien The Irish Independent tombe : le « Putinwhispering » est un « échec total ».

A lire aussi : Macron 2022: et si tout n’était pas joué d’avance?

C’est dans ce contexte que sont publiés les fameux portraits de Macron à l’Élysée le dimanche 13 mars, vêtu en sosie du président ukrainien. Les médias étrangers y voient surtout une forme de cabotinage. Pour The Times of India, le but de ces images – qui le montrent occupé par la guerre le week-end – est de justifier sa non-participation à la campagne électorale. Le quotidien allemand Bild présente Macron comme un politique « contesté » qui essaie, en imitant Zelensky, de démontrer qu’il est « proche du peuple ». En Italie, le Corriere della Sera souligne un manque d’originalité : Macron se faisant suivre par la photographe Soazig de la Moissonnière rappelle trop une opération similaire conduite par Obama afin de montrer que, derrière les coulisses, c’était un homme comme une autre. El País cite des internautes qui se moquent de l’imitation de Zelensky comme un « cosplay », un de ces jeux de rôle où des adultes se déguisent en un personnage de fiction. Mais ces critiques sont insipides à côté de celles des médias britanniques.

Le fléau des Anglo-Saxons

Pour The Spectator, Macron (dont les pronoms préférés, comme disent les non-binaires, seraient « moi, moi et moi ») incarne, non le courage de Zelensky, mais son contraire. Dans cette crise, ses tentatives pour « faire le macho » feraient de lui le plus « honteux » des politiques occidentaux. Le quotidien populiste The Daily Mail assène lui aussi qu’à la différence de Macron, Zelensky est « un vrai héros » et dresse une liste de tous les autres leaders politiques dont Macron aurait essayé de singer les gestes au cours de son quinquennat. La raison de cette hostilité, surtout dans les milieux pro-Brexit, est la supposée anglophobie du président français, accusé de vouloir punir le Royaume-Uni afin de s’imposer comme le champion européen. Il serait ainsi coupable d’avoir entravé les négociations sur l’application du protocole nord-irlandais, manipulé la crise migratoire dans la Manche et d’avoir publiquement sous-estimé l’efficacité du vaccin AstraZeneca. Selon The Daily Telegraph, en janvier, Macron ferait preuve de plus d’indulgence envers la Russie de Poutine qu’envers le Royaume-Uni. Une vision plus nuancée est proposée dans The Spectator, le 26 février, par John Keiger, chercheur en relations internationales. Après une analyse détaillée de la politique étrangère de Macron, il conclut que ses capacités de réflexion sont nettement supérieures à celles de la plupart des autres chefs d’État, mais que son arrogance sans limites et son incapacité à forger des alliances durables risquent de le conduire à l’échec. Les anciens Grecs avaient un remède à la « polypragmosynè », la « sophrosynè » ou « modération ». Reste à espérer que, s’il est réélu, M. Macron saura en faire preuve !

La farce tranquille

0
Delphine Ernotte, Brigitte et Emmanuel Macron, soirée du grand débat télévisé, 20 avril 2022 © Jacques Witt/SIPA

Catwoman, le Souverain poncif et Nini peau d’chien


Pas de clés de bras, étranglements, KO, monopole des piques et du cœur lors du débat opposant le Petit Prince du CAC 40 à la Brinvilliers de Béthune. Chacun son ventricule. Tournez manège… Les vraies querelles de gigot et d’idéologie, le grand suspens présidentiel de la Ve République, c’était en 1974. VGE l’emporte avec 50,81% des voix. Aragon, Sagan, Truffaut soutenaient Mitterrand. Giscard avait des poids lourds : Gainsbourg, Johnny, Jouhandeau, Pialat. Aujourd’hui, Emmanuel Macron fusionne tout le monde (Nicolas Hollande, Tony Parker, Marc Levy, Brigitte Fossey) mais n’emballe personne. Marine Le Pen inquiète la partie supérieure de la cordée. Le Vengeur masqué de la Cannebière attend les législatives. Jean-Luc Raminagrobis, vieux poète, arbitre expert sur tous les cas, reluque l’huitre que se disputent les plaideurs du jour. Molti nemici, molto onore… ?

Pendant près de trois heures, les duellistes courtois ont battu la campagne : la planète souffre, les Ukrainiens héroïques, aussi, sans oublier le ras le bol des ronds-points, l’insécurité, la jeunesse impatiente et déprimée… C’est officiel, le président ripolineur aime le vert. Brigitte s’est achetée des sabots. Emmanuel a un chapeau de paille et adore la salade. Marine Le Pen, petite-fille du peuple, s’intéresse au pouvoir d’achat des dominés. Les électeurs ne sont pas dupes. Depuis 50 ans, En marche, au galop, sur un yacht, un pédalo, en paddle, en Ehpad, le « modèle français » traverse les quinquennats, droit comme un hic, sous perfusion, à quatre pactes. Les paysans de l’Angélus de Millet n’iront pas voter dimanche.

Cruella De Vil et le chat botté

Masquée derrière un loup, Marine Cruella De Vil et ses chats noirs se rapprochent de l’Elysée. Jamais programme, déclarations, soutiens, n’ont été aussi karchérisés. Le Medef a des sueurs froides. Les constitutionalistes craignent un pronunciamiento, un Frexit.  Le 25 avril, s’il ne se saborde pas en rade de Toulon, le Charles de Gaulle pourrait rejoindre la flotte russe avec la Mère noire. Les audits de programmes sont légitimes, mais l’excessif devient dérisoire. Les preuves fatiguent la vérité. Plutôt que de s’angoisser sur la solidité du « front républicain », réglons le problème une bonne (ou mauvaise) foi.s pour toute ? Si le Rassemblement National est anti-républicain, factieux, il faut le dissoudre sans attendre, par décret en conseil des ministres (article 212-1 du code de sécurité intérieure, modifié par la loi du 24 août 2021). Qu’attend Gérald Darmanin ? 

A lire aussi, Esteban Maillot: Le front républicain est mort! Vive la République!

Après son OPA de 2017, la startup Macron & Partners prolonge l’Aventure, c’est l’aventure. Caméléon sans vraies convictions, le souverain poncif de la gouvernance, des forces de progrès et de transformation est un spécialiste de verbigération managériale et pneumologie : « la respiration démocratique, la libération des énergies, la concertation horizontale, l’agilité, la vélocité de nos administrations… ». Le président gourou, godille, à voile, à vapeur, dans l’éolien et les sondages. La repentance – et en même temps – la rente mémorielle : l’oxi.maur.mon… Le programme est polyvalent, hybride, modulable comme une compacte segment C. Le menu électoral du Chef c’est poké bowl. Au choix : une base de riz blanc de Camargue, boulgour bobo bio, semoule Regia, des protéines, du saumon, tofu, garnitures et toppings à volonté. Une cuisine moderne, libérée, délivrée, qui permet de ratisser l’effusion et l’éparpille. « Le poumon, le poumon, vous dis-je… ».

Nini peau d’chien

« Ni Le Pen, Ni Macron ! ». Après l’ivresse des sommets du premier tour, les derniers de cordée redescendent au camp de base. « À la Bastille on aime bien Nini peau d’chien, il est si bon et si gentil… ». Jean-Luc Mélenchon en appelle aux fâchés pas fachos. Son auberge espagnole est surtout peuplée de fauchés et fâcheux. Les médias vigilants, vestales de la démocratie, sont curieusement taisants sur les impasses et aberrations du programme insoumis : impôts sur les os, fuite des capitaux, banqueroute en trois mois, obsession de créolisation, racialisme, clientélisme en banlieue, écologisme de pacotille, l’universalisme et la laïcité en berne. Solécisme et barbarie. Julio Mélenchon « n’a pas changé ». Depuis cinquante ans, avec sa lanterne magique, il prend le chemin qui lui plait, nous chante des romances, nous invente des dimanches, nous fait voyager… Il pousse des cris d’Orphée à la recherche de spectres adorés, paradis perdus : Bolivar, Trotski, Castro, Chavez, Bandung, la Tricontinentale, le Maroc multiculturel de ses 10 ans, Rosebud, Combray. Contrairement à Régis Debray, le Spartacus de Tanger, toujours en rade dans la baie des Cochons, n’a rien compris à l’Histoire : on ne réchauffe pas un soufflé. Il chante comme Enrico Macias mais dialogue comme Staline : « Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable ». Four legs good, two legs bad.

A lire ensuite, Elisabeth Lévy: Pluralisme à géométrie variable

Le chaos importe peu aux fauchés (de gauche ou de droite) ; ils n’ont rien à perdre. Les fâcheux sont plus Tartuffe. Autrefois, avec Hegel, Marx, un fouet, on cassait des œufs pour mitonner les omelettes prolétariennes. Aujourd’hui la Révolution, la vraie, donne la colique aux factionnaires. Thomas Piketty Guevara a une bedaine de sénateur SFIO. L’antéchrist, le néo-libéralisme, le populisme, c’est flou… Les jeunes rebelles oligophrènes ont une bonne conscience et une mauvaise éducation. Orphelins de la dialectique et de la praxis, nombrilistes, ils exigent sur les rezzous sociaux des iPhones solaires, l’élitisme, pour tous ! Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance. Du beau, du bon, du bien, des benêts… « La grandeur de la Gauche c’est de vouloir sauver les médiocres. Sa faiblesse c’est qu’il y en a trop » (San Antonio).

La farce tranquille

Dans le bestiaire électoral, après Mélenchon la tortue, Marine la louve, Macron la chauve-souris: je suis de Gauche voyez mes aides, je suis de Droite, vive les gras ! « Ne faisons rien. C’est plus prudent … ». En attendant de Gaulle, la chèvre française est dans les choux. Notre tradition politique, c’est la farce tranquille. Depuis 1945, le pays – radical-socialiste – est gouverné au Centre. Personne n’est content, tout le monde aime cela, déclame son indignation à chaque élection: Du passif, faisons table rase ! Un pour tous, tout pour tous ! Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus faibles ! Fraternité, Égalité, Liberté ! Le changement, c’est marrant ! En Marche, au pas, au trot, au galop … L’avantage d’élire un.e Président.e honni.e c’est que les manifs, voitures incendiées, blocage des ronds-points, pourront commencer dès le 25 avril. Mazarin.e n’en n’a cure. « Qu’ils chantent pourvu qu’ils paient ».

« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles » (Bernanos).

Marianne au pays des merveilles

Price: 25,00 €

8 used & new available from 3,18 €

Pluralisme à géométrie variable

0
Le président Emmanuel Macron, hier soir, lors du débat télévisé © ISA HARSIN/SIPA

Macron ne choisit pas ses journalistes. Mais choisirait-il ses médias?


Le 12 avril, au cours d’une conférence de presse sur les institutions, Marine Le Pen est interrogée sur le refus d’accréditer les journalistes de l’émission Quotidien pour sa soirée électorale. Elle assume: « Je suis chez moi, je décide qui vient. » Des membres de la profession s’indignent qu’elle choisisse les journalistes qui la suivent. « Il n’y a pas de journalistes chez Quotidien, ce sont des amuseurs », répond-elle, suscitant divers étranglements dans l’assistance. « C’est vous qui décidez qui est journaliste ? »

Pour ce que ça vaut, je pense personnellement qu’elle a tort et qu’on a toujours intérêt à parler à ses adversaires. Cela dit, s’agissant de son QG de campagne, elle est effectivement chez elle. Et son culot ne manque pas d’un certain panache.

Quotidien, l’incarnation du Bien?

Bien entendu, toute la corporation se répand en déclarations indignées. Voilà comment Marine Le Pen conçoit la liberté de la presse. Autant dire que, si elle arrivait à l’Elysée, les médias seraient muselés, les journalistes arrêtés et pourchassés… Bref, la France serait transformée en Chine populaire, voire en Russie stalino-poutinienne.  

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: «Le scandale France Inter devrait être un thème majeur de la campagne»

Quelques jours plus tard, le candidat-président est interviewé par un journaliste de Quotidien. Un grand amoureux de la liberté de la presse qui l’accuse d’avoir contribué à la montée de l’extrême droite. Comment ? En donnant une interview à Valeurs Actuelles (en 2019). « Vous les normalisez… » Or, c’est bien connu, ces gens-là ne sont pas normaux. Le confrère ne précise pas quel sort il faudrait réserver à la rédaction de Valeurs Actuelles – Un camp de rééducation ? Un contrôle fiscal ? Le boycott ? Ou peut-être l’interdiction du titre ? Dans la foulée, il s’étonne que le président ait laissé ses ministres parler avec Jean Messiha sur CNews (sans doute Messiha est-il contagieux) ou qu’il ait lui-même posé en photo avec Philippe de Villiers (c’est pas pour balancer, mais ils se sont même parlé). 

Antifascisme d’opérette

Rien de très nouveau il est vrai. La bonne conscience de ces gens est tout de même sidérante. Ils sont tellement convaincus d’être l’incarnation du Bien qu’ils demandent sans sourciller que le président de la République cesse de parler à des journalistes dont les opinions ne leur reviennent pas. Il s’agit de ressortir le vieux cordon sanitaire anti-FN et de le dérouler autour des médias qui ne pensent pas bien (demandez à Quotidien, ils vous fourniront la liste). Tout cela, évidemment au nom de la tolérance. Je ne partage pas vos idées et je me battrai pour que vous ne puissiez plus jamais les exprimer. 

Réponse d’Emmanuel Macron: « Il faut aller chercher les gens qui ne sont pas d’accord avec vous. Moi, je ne choisis pas les journalistes. Marine Le Pen elle dit: ’je ne veux pas de quelqu’un comme vous car vous êtes de Quotidien (…)’ J’ai fait une interview avec Valeurs Actuelles, ce ne sont pas des journalistes qui pensent comme moi, mais je parle à tout le monde. Un responsable politique, c’est son devoir. »

L’intervieweur insiste : « Vous les considérez comme des journalistes comme les autres ?! » Là encore, on aimerait savoir quelle lettre écarlate il propose d’afficher au plastron des journalistes-méchants. Un « F » (comme facho) ? 

A lire aussi, Didier Desrimais: Appel à voter Macron: tous les artistes ont signé. Même Luchini? Même Luchini

Macron ne lâche pas : « Ils ont une carte de presse. L’une des différences essentielles entre Madame Le Pen et moi, c’est que moi, je ne fais pas le tri. » Le Huffington Post s’étonne de cette façon « peut-être un brin hasardeuse, de tirer un trait d’égalité entre les journalistes du programme de TMC et ceux de Valeurs actuelles ». Oui, oui vous avez bien lu. Pour ces grands démocrates, si férus d’égalité en tout domaine, il existe donc clairement une hiérarchie des journalistes. Malheureusement, ils ne précisent pas non plus le traitement qu’ils aimeraient réserver aux unterjournalistes. Faut-il les enfermer au nom la liberté de la presse ou se contenter de leur interdire l’exercice de cette noble profession ? En tout cas, on l’aura compris, quiconque ne communie pas dans l’antifascisme d’opérette et n’appelle pas à faire barrage s’exclut de l’humanité. Peut-être faudrait-il interrompre le processus électoral ? 

Une malencontreuse coïncidence

La réponse du candidat Macron est plutôt rassurante. Voilà un homme qui aime le pluralisme, se dit-on. L’ennui, c’est que sa pratique n’est pas totalement conforme à ces belles proclamations. En effet, à en croire un connaisseur des arcanes élyséens, Emmanuel Macron aurait décidé de n’accorder aucune interview aux médias du groupe Bolloré. Certes, nous n’en avons pas la preuve – il ne l’a pas crié sur les toits. Force est de constater qu’il s’est rendu sur toutes les chaînes d’info sauf CNews, qu’il a fait les matinales de France Inter, France Culture, RTL, mais pas celle d’Europe 1, et que dans sa tournée des popotes médiatiques, le candidat a trouvé le temps de causer à Konbini et Elle (propriété de CMI, le groupe de Daniel Kretinsky) mais pas à Paris Match. Bref, on a quelques raisons de subodorer que, si Macron ne choisit pas ses journalistes, il choisit ses médias. Mais peut-être s’agit-il simplement d’une malencontreuse coïncidence, d’un oubli qu’il aura à cœur de réparer en acceptant l’invitation de C News. Puisque, parait-il, il aime aller au contact, il y rencontrera des gens qui ne partagent pas nécessairement ses opinions et n’approuvent pas nécessairement sa politique. Ça le changera… Chiche ?