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La tour Eiffel rit jaune

L’actuelle rénovation de la Dame de fer a révélé sa couleur d’origine: rouge! Au lieu de restituer cet esprit Belle Époque, polychrome et fantaisiste, les travaux s’achèveront pour les JO de 2024 par un badigeonnage à la peinture jaunâtre. Un mauvais goût à la hauteur de l’événement.


Tous les sept ans environ, on repeint la tour Eiffel pour éviter qu’elle rouille. Cette fois-ci, pour la vingtième campagne, il a été décidé d’en faire davantage. On s’est lancé dans des études, on a fait des sondages, on a décapé les couches de peinture accumulées, jusqu’à faire apparaître par endroits la couche initiale. À l’origine, il y avait une polychromie en cinq tons, allant d’un rouge atténué (parfois qualifié de rouge de Venise) à l’ocre jaune. Le premier étage était couronné d’arcades métalliques richement ornées et peintes en ces divers tons. En 1889, année de son inauguration, la tour Eiffel était bien plus fantaisiste que celle que nous avons aujourd’hui sous les yeux !

La « tour Sauvestre »

Pour l’exposition de 1889, Gustave Eiffel (1832-1923) veut montrer que la France n’est pas diminuée par la défaite de 1870. S’il commande à ses ingénieurs une tour remarquable par sa hauteur, il comprend vite que cet objet purement technique est décevant. Il ne répond pas à l’exigence de synergie des sciences et des arts propre aux expositions universelles. Eiffel confie donc à un architecte de grand talent la mission de transformer cette tour en un objet à la fois technique et artistique. Cet homme, c’est Stephen Sauvestre (1847-1919). Formé à l’École spéciale d’architecture (ESA), créée dans le sillage de Viollet-le-Duc pour échapper au conformisme haussmannien, Sauvestre redessine le profil de la tour et l’enrichit d’une élégante décoration, surtout au premier étage et au sommet. Enfin, il y déploie la polychromie. Bref, la tour, qui aurait dû s’appeler « tour Sauvestre », est une merveille de la Belle Époque.

Femme à l’Exposition universelle de Paris, Luis Jiménez Aranda, 1889 © Pierre Lamalattie – Wikimedia Commons

Couleur muraille

Les critiques ne se font pas attendre. Une réaction classicisante dénonce une tour en métal – matériau peu noble – et surtout sa couleur rouge. Quand vient le moment de la repeindre pour conjurer la rouille, Eiffel choisit des teintes se rapprochant insensiblement de la pierre. En outre, il n’a plus envie de se casser la tête avec la polychromie voulue par son architecte. En 1907, quatrième campagne de ravalement, on en arrive à un insipide badigeon beigeâtre-marronnasse simplement éclairci en partie haute pour éviter que, par effet d’optique, il paraisse plus sombre.

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À cette époque, on parle aussi de détruire le monument. Cela inquiète le général Ferrié (1868-1932), pionnier des télécommunications. Ce dernier met donc à profit la tour pour développer les radio-transmissions militaires, ce qui sera très utile durant la Grande Guerre. Pour pérenniser l’édifice, il se lance aussi dans une opération de glorification de Gustave Eiffel et commande à Bourdelle, vers 1900, une statue de l’ingénieur qui ne sera inaugurée qu’en 1929 ! Statufié six ans après sa mort au pied de la tour, Eiffel fait oublier Sauvestre, l’auteur véritable. Dans cette affaire, l’erreur a été d’honorer le maître d’ouvrage au détriment de l’architecte.

1937, brutalisation artistique

Cet oubli porte en germe l’outrage le plus grave, intervenu en 1937. C’est l’année de la calamiteuse exposition internationale qui ne se qualifie plus d’universelle. Les organisateurs ont la mauvaise idée de demander aux pays participants de s’exprimer sur la façon dont ils voient l’avenir et conçoivent la modernité. Les pays exposent, tout bonnement, des projets de société.

Le « rouge Venise » d’origine © Pierre Lamalattie – Wikimedia Commons

L’Allemagne nazie édifie un inquiétant pavillon faisant face à celui, non moins menaçant, de l’Union soviétique. Nombre de pays font de même, à plus petite échelle. Il est beaucoup question de héros musclés, de déploiement de force et de technique. La France s’inscrit dans ce mouvement de brutalisation : le palais néo-byzantin du Trocadéro est détruit et la tour Eiffel purgée de tous ses décors. La Dame de fer affiche depuis cette allure de grand pylône, tout en poutrelles, que seuls égayent les éclairages multicolores mis en place depuis 1985.

Le « bon goût » et ses ravages

À l’approche des JO de 2024, la Ville de Paris a prévu un budget pharaonique de 40 millions d’euros, suivis bientôt de 70 autres, pour rénover l’axe Trocadéro-Champ-de-Mars. Mais personne n’a pensé à une chose simple : restaurer la tour Eiffel ! Pourtant, cela éblouirait davantage le monde que les pauvres « végétalisations » voulues par la Mairie.

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Aujourd’hui, il n’est malheureusement question que de repeindre la tour. Le dossier a été confié à un architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier, également membre de l’Académie des beaux-arts. Des sondages et études savantes ont été menés. On apprend que c’est aussi « l’occasion de questionner l’importance de la mise en peinture ». Autrement dit, de se demander quelle couleur retenir. Sont écartées la teinte actuelle (en place depuis 1968) qui a au moins la légitimité de l’existant, ainsi que la couleur d’origine et sa polychromie, voulue par Sauvestre. L’authenticité serait-elle autre chose que la fidélité à l’auteur ? Pour Gatier, il semble que oui, puisqu’il écrit que « le principe de restitution de la couleur d’origine ou de conservation des dernières mises en teinte a été abandonné au profit d’une vision globale prenant en compte toute l’histoire du monument ». Que veut-il dire ? Parmi les teintes successives, il en retient arbitrairement une : celle de la quatrième campagne (1907), une sorte de bouillie beigeâtre un peu plus jaune que la teinte actuelle. Pourquoi choisir la quatrième couleur plutôt que la troisième, la deuxième ou encore une autre ? Le « bon goût » a ses raisons que la raison ignore. Contactée à de multiples reprises, l’agence concernée n’a pas souhaité nous répondre.

La tour Eiffel, qui n’est même pas classée monument historique (elle est seulement inscrite à l’inventaire supplémentaire), a été victime des outrages, des incompréhensions et du « bon goût » dont pâtissent encore aujourd’hui les témoignages de la Belle Époque. On dispose pourtant de plans extrêmement précis qui permettraient de recréer les décors perdus et leurs couleurs. Qu’il serait enthousiasmant que ce monument retrouve sa splendeur d’origine !

Frères d’armes

Malgré un scénario de polar tiré par les cheveux, il faut voir le beau « Sentinelle sud » de Mathieu Gérault, qui raconte la vie d’après des soldats engagés dans les opérations extérieures.


Revoilà Lafayette, Christian de son prénom. Un jeune vétéran mal remis du conflit afghan (le pauvre garçon reste incontinent) où lui et ses camarades ont été pris dans une embuscade – on n’en saura pas davantage. Pupille de la nation adopté puis élevé par un « grand-père » paysan, ce beau gosse au parcours chaotique s’était trouvé dans l’armée française une nouvelle famille et, sous l’emprise d’un commandant qui « n’abandonne jamais ses enfants » (sous les traits burinés du comédien mythique Denis Lavant), il se soumet de bonne grâce à l’autorité d’un père de substitution…

Pas du tout adapté à la vie civile, toujours en proie à une souffrance psychique incontrôlable, notre Lafayette reste fidèle à ses frères d’armes rescapés : un kabyle français durablement écartelé entre les deux rives de la Méditerranée (Sofian Khammes, qui joue fort bien du second degré et de la parodie), et Henri, un petit gars souffreteux que ses séquelles mentales ont conduit à l’hôpital psychiatrique, sous la garde d’une soignante « ergothérapeute » – c’est comme ça qu’on dit – (dans le rôle, India Hair, qu’on a pu voir tout récemment dans « En même temps », la dernière bouffonnerie du duo Kevern &  Delépine), enceinte ici d’un fouteur anonyme, et avec qui Christian s’essaiera à une liaison sans lendemain…

Sur cet imbroglio social se greffe une improbable dimension policière: soupçonnant un trafic d’opium sous le couvert des interventions de la troupe chez les autochtones, la « grande muette » se livre à enquête interne visant à déterminer les causes exactes de ce carnage suspect. Menacés par une bande de malfrats gitans privés de la cargaison attendue, notre héros, son pote et un comparse, pied nickelés peu aguerris en matière de cambriolage, tentent, pour rembourser la dette, une attaque de bijouterie qui n’a pas le succès escompté… Lafayette en réchappe in extremis, et parvient à se mettre à l’ombre. On ne déflorera pas la teneur de l’épilogue. Disons seulement qu’il lui fera renouer, dans un même mouvement, avec l’enfance et avec la mémoire du défunt grand-père…

Au-delà de l’invraisemblance absolue du scénario (car enfin, dans tout ça, que fait la police !), ce premier film étrange, composite et nerveux diffuse une poétique de l’amitié virile qui n’est pas sans aller droit au cœur. Mais surtout, à son épicentre, plus de dix ans après avoir croisé, dans « J’ai tué ma mère » et « Les amours imaginaires », l’immature cinéaste-acteur tellement tête-à-calques à force de narcissisme, son compatriote Xavier Dolan, le comédien franco-québécois Niels Schneider y campe avec un talent sans pareil cette « sentinelle », vigie de la haute camaraderie, à la fois brutale, instinctive et vulnérable: avatar de ce que fut dans son jeune âge un Pierre Schoendoerffer, pourvu comme lui de cette même gueule d’adolescent tardif mâtiné de mauvais ange précocement abîmé par la vie. Ainsi une intrigue mal couturée parvient-elle à tisser, sans afféterie, un beau drame humain servi par des acteurs impeccables.        

 « Sentinelle sud ». Film de Mathieu Géraud Avec Niels Schneider, Sofiane Khammes, India Hair, Denis Lavant, Thomas Daloz, David Ayala.  France, couleur. Durée : 1h38.  En salles le 27 avril.

Gad Saad: «Le point commun de tous les virus de l’esprit est le rejet de la vérité pour défendre une idéologie»

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Gad Saad, professeur de sciences à l’université Concordia de Montréal, est un adversaire résolu du « wokisme » et de la « cancel culture ». Son livre, The Parasitic Mind, publié en anglais en 2020, vient de paraître en français aux éditions FYP. Aujourd’hui, Causeur est fier d’en publier les bonnes feuilles…


Juif libanais contraint de fuir son pays à l’époque de la guerre civile, sachant mieux que quiconque ce que c’est que d’être victime de préjugés et de persécutions, il rejette la victimologie actuelle qui nous réduit tous au statut d’oppresseur ou d’opprimé. Son attaque contre l’obscurantisme progressiste allie de solides connaissances scientifiques à un humour désopilant. Extraits…


« Lorsque nous pensons à une pandémie, l’image qui nous vient souvent à l’esprit est la peste noire, la grippe espagnole, le sida ou la Covid-19, des maladies infectieuses mortelles qui se propagent rapidement à travers le monde et causent des souffrances humaines inimaginables. L’Occident souffre actuellement d’un autre genre de pandémie, une maladie collective qui détruit la capacité́ des individus à penser rationnellement. Contrairement aux autres épidémies, où la responsabilité́ revient aux agents pathogènes biologiques, le coupable à l’œuvre aujourd’hui est constitué́ d’un ensemble de fausses théories, nées principalement sur les campus universitaires, et qui ébranlent les fondements même de la raison, de la liberté́ et de la dignité́ individuelle. Ce livre identifie ces éléments pathogènes, traite de leur propagation dans tous les secteurs, comme la politique, les affaires, ainsi que notre culture, et propose des moyens de nous immuniser contre leurs effets dévastateurs.

(…)

Ces concepts pathogènes détruisent notre compréhension de la réalité, au mépris de tout bon sens, aboutissant à des affirmations telles que : l’art invisible est une forme d’art, toutes les différences entre les sexes sont dues à une construction sociale, ou encore certaines femmes auraient des pénis de dix centimètres.

A lire aussi : Gad Saad: porter Darwin sur les épaules

(…)

Lorsqu’on leur demande quel est l’animal qu’ils craignent le plus, la grande majorité d’entre nous mentionne généralement les grands prédateurs (le grand requin blanc, le crocodile, le lion, l’ours) ou peut-être les scorpions, les araignées ou les serpents — les humains ont développé une prédisposition à de telles phobies. Or, l’animal qui a tué le plus grand nombre d’êtres humains au cours de l’histoire est absent de cette liste : il s’agit du moustique. Il se trouve que j’ai une profonde phobie des moustiques. Je ne compte pas le nombre de nuits où j’ai tenu ma femme éveillée dans une chambre d’hôtel (généralement lors de nos vacances aux Caraïbes) pour chasser un moustique insaisissable. Je dis souvent à mon épouse qu’il s’agit d’une phobie plutôt «sensée». Il est en effet plus logique de craindre le moustique que d’être obsédé par l’attaque d’un grand requin blanc. Les moustiques tuent en transmettant à leurs victimes des agents pathogènes mortels, dont la fièvre jaune (virus) et le paludisme (parasite). Au cours de son évolution, l’homme a été exposé à des menaces existentielles telles que les agents pathogènes comme la tuberculose (bactérie), la lèpre (bactérie), le choléra (bactérie), la peste bubonique (bactérie), la polio (virus), la grippe (virus), la variole (virus), le VIH (virus) et Ebola (virus). La bonne nouvelle, c’est que nous avons trouvé des moyens d’atténuer, voire d’éradiquer, bon nombre de ces dangers grâce à une meilleure hygiène, l’assainissement des eaux, la vaccination, ainsi que des solutions plus simples comme les moustiquaires.

L’objectif central de ce livre est d’explorer d’autres agents pathogènes qui sont potentiellement aussi dangereux pour la condition humaine : les idées pathogènes qui parasitent l’esprit humain. Il s’agit de structures mentales, de systèmes de croyance, de postures et d’idéologies qui perturbent la capacité d’une personne à réfléchir correctement. Lorsque ces virus de l’esprit s’emparent des circuits neuronaux d’une personne, celle-ci perd sa capacité à raisonner et à faire appel à la logique, la raison et la science pour explorer le monde. Elle sombre alors dans un profond abîme irrationnel, caractérisé par un rejet catégorique de la réalité, du bon sens et de la vérité. Le règne animal regorge d’exemples de pathogènes qui, une fois qu’ils ont infecté le cerveau d’un organisme, produisent des résultats plutôt morbides, comme la stérilité de l’hôte (castration parasitaire), voire sa mort réelle (l’hôte se suicide).

A lire aussi : Raison d’être des universités occidentales à l’heure du wokisme

(…)

À l’instar des parasites du cerveau qui poursuivent des objectifs de reproduction en tirant profit de leurs hôtes, les virus parasites de l’esprit humain fonctionnement de la même manière, en trouvant des moyens astucieux de se répandre dans une population donnée (par exemple, en incitant les étudiants à s’inscrire dans des départements d’études de genre), dans le but de rendre l’esprit imperméable à la pensée critique. Parmi les virus de l’esprit humain figurent le postmodernisme, le féminisme radical et le constructivisme social, qui prospèrent tous dans un seul écosystème infecté : l’université. Voici un schéma plus complet de ces parasites qui mettent en péril l’engagement occidental en faveur de la liberté, de la raison et de la démocratie et entraînent la mort de l’Occident à petit feu :

Bien que chaque virus de l’esprit constitue une souche différente d’aliénation mentale, ils sont tous liés par le rejet total de la réalité et du sens commun (le postmodernisme rejette l’existence de vérités objectives ; le féminisme radical s’étouffe à la simple idée qu’il existe des différences biologiques entre les femmes et les hommes ; et le constructivisme social postule que l’esprit humain commence comme une feuille vierge dépourvue de caractères biologiques). J’ai nommé́ cette catégorie de virus de l’esprit «syndrome parasitaire de l’autruche» (SPA), à savoir diverses formes de pensée désordonnée qui conduisent les personnes atteintes à rejeter des vérités et des réalités aussi évidentes que la force de gravité. Tous les cancers partagent le même mécanisme de prolifération de cellules incontrôlée dans l’organisme ; de manière analogue, le point commun de tous les virus de l’esprit est le rejet de la vérité pour défendre une idéologie. La tribu idéologique à laquelle on appartient varie selon les virus de l’esprit, mais le but est toujours de défendre son dogme, y compris en bannissant la vérité et la science. Mais tout n’est pas perdu pour autant. Le syndrome parasitaire de l’autruche n’est pas forcément une maladie mortelle pour l’esprit humain. Rappelons que de nombreux agents pathogènes biologiques sont vaincus par des stratégies d’intervention ciblées (comme le vaccin contre la polio). Il en va de même pour les personnes atteintes du SPA et d’autres virus de l’esprit. L’inoculation prend la forme d’un vaccin cognitif en deux étapes :

1) fournir aux personnes atteintes du SPA des informations exactes ;

2) s’assurer que les personnes atteintes du SPA apprennent à traiter l’information selon les principes probants de la science et de la logique.

Si nous ne gagnons pas la bataille des idées, les ennemis de la raison, ainsi que les virus de l’esprit qu’ils promulguent, conduiront nos sociétés libres à une autodestruction insensée ».

A lire: Les Nouveaux virus de la pensée : Wokisme, cancel culture, racialisme… et autres idéologies qui tuent le bon sens (préfacé par Mathieu Bock-Côté), FYP Editions, avril 2022

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Sur France Inter, Emmanuel Macron s’assure du vote bobo

Pour le dernier jour de la campagne électorale, le président sortant s’était invité sur la radio publique. Les journalistes de la station se sont montrés très polis.


La presse dans sa presque entièreté, des présidents d’université, des préfets, des étudiants et des professeurs, des comités, des syndicats, des associations, des artistes, des sportifs, etc. appellent depuis quinze jours à « faire barrage à l’extrême-droite ». France Inter, qui participe tel un castor stakhanoviste à la construction de ce barrage depuis le début de la campagne, ne pouvait pas, à deux jours des élections, ne pas donner un dernier coup de pouce à son candidat naturel, Emmanuel Macron.

Lors de cette matinale du 22 avril, dernier jour de la campagne officielle, la radio la plus écoutée de France n’a pas hésité à mettre les petits plats dans les grands.

Mise en bouche

À 7h20, la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, commence les hostilités. Marine Le Pen n’est pas féministe. Soit, elle a dit qu’elle ne reviendrait ni sur le remboursement de l’IVG ni sur le mariage pour tous, mais cela relève d’une « stratégie de banalisation » qui dissimule mal « quelques constances (sic) ». En effet, dit Mme Mailfert, en plus de vouloir interdire le voile islamique, Marine Le Pen a des « propositions anti-immigrés » qui « taisent le fait que la majorité de ceux qui franchissent les frontières de la France sont des femmes qui, bien souvent, fuient des violences. » Mme Mailfert dit une bêtise: la très grande majorité de ceux qui franchissent nos frontières sont… des hommes, plutôt jeunes – dont certains, malheureusement, se livrent à des agressions sexuelles répétées, peu punies, qui devraient l’inquiéter au moins autant que le port du voile des petites filles de plus en plus fréquent dans certains quartiers de l’hexagone. La semaine dernière, la présidente de la Fondation des femmes déclarait déjà dans une chronique précédente qu’elle allait voter Macron.

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Entrées

À 7h45, Dominique Seux et Thomas Piketty se livrent à un joli numéro de duettistes. Tous les deux, pour des raisons contradictoires, sont d’accord pour dire que l’élection de Marine Le Pen mettrait en péril l’Europe, c’est-à-dire, dans leur esprit, l’Union Européenne. Dominique Seux ne cesse depuis quinze jours de parler du Frexit que Marine Le Pen cacherait dans sa manche. Le danger est si grand, dit-il, que Le Monde a fait paraître l’appel alarmiste du chancelier allemand et des premiers ministres espagnols et portugais. Ces derniers imploreraient « les électeurs de gauche de ne pas faire d’erreurs ». Dominique Seux traduit pour les mal-comprenants : si la droite nationale passe à cause des électeurs mélenchonistes qui se seront abstenus, l’Europe est en danger de mort.

Plat de résistance

8h20. Léa Salamé et Nicolas Demorand reçoivent, dans leur « matinale spéciale présidentielles » de plus d’une heure, Emmanuel Macron. Notons que la matinale spéciale de Marine Le Pen a eu lieu le… 12 avril – autant dire une éternité, dans le temps médiatique – et que celle du président-candidat a donc lieu, comme par hasard, très exactement deux jours avant les élections et deux jours après le débat qui l’a opposé à son adversaire, ce qui lui laisse toute latitude pour revenir sur ses propos, les répéter, les affiner, et tenter de souligner à nouveau les supposées failles du programme de Marine Le Pen.

L’entretien commence par une affabulation. Marine Le Pen, dit M. Macron en évoquant le débat, ne fait aucune distinction entre islam, islamisme et terrorisme. Léa Salamé a l’honnêteté de lui rétorquer que la candidate du RN n’a jamais pensé ou dit ça. Peu importe pour Emmanuel Macron : sa position sur le voile laisse accroire que si elle ne l’a pas dit, elle le pense. C’est d’ailleurs pour lui un des « fondamentaux » pour définir l’extrême-droite, auquel il faut ajouter le questionnement sur notre Constitution (qui devient dans sa bouche le « non-respect de notre Constitution »), l’interrogation inquiète sur la souveraineté française confrontée aux diktats de l’UE (qui devient dans sa bouche « vouloir sortir d’une Europe qui protège les individus »), etc. « Les fondamentaux de l’extrême-droite sont là », dit le candidat. Aucun journaliste ne relève la nullité de cette affirmation – si ces assertions sont les fondamentaux de l’extrême-droite, tous les partis ou mouvements politiques français ont à un moment ou à un autre de leur histoire été d’extrême-droite. Est donc d’extrême-droite, pour le candidat Macron, tout mouvement ou personne politique qui s’interrogent sur le régime présidentiel, sur les instances institutionnelles, sur l’organisation des lois dans le cadre de plus en plus contraint de l’UE, sur l’indépendance de la France, et même sur une idéologie religieuse qui impose dans certaines villes des changements radicaux dans les rapports entre les hommes et les femmes. Il faudra s’en souvenir.

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Durant cette matinale, l’épineuse question de l’insécurité a été posée, et les échanges se sont en particulier concentrés sur l’inquiétante hausse des agressions aux personnes. M. Macron répond de la même hallucinante façon que lors du débat. Il a bien réfléchi : sa priorité pour diminuer cette insécurité c’est de s’occuper des… “féminicides”. Quid des 1800 agressions par jour en France, dont 100 à 200 attaques à l’arme blanche ? Quid des policiers agressés et blessés lors d’interpellations dans les « quartiers sensibles » ? Quid des commissariats assiégés, visés par des tirs de mortier ? Quid des pompiers et des ambulanciers attirés dans des guets-apens, caillassés, insultés ? Quid de Sarah Halimi, Mireille Knoll, Jeremy Cohen, tués parce que juifs ?

Quand c’est flou il y a un loup !

Comme lors du débat télévisé, pas un seul mot sur cette insécurité réelle, quotidienne, en continuelle augmentation. L’évocation du rapport entre l’immigration clandestine et l’insécurité est sagement évitée.

Il est pourtant impossible que le président de la République ne soit pas au courant de tout cela. C’est donc délibérément qu’il ne répond pas à la question posée, soit parce qu’il n’en a rien à faire, soit parce qu’il a compris que cette insécurité a pris une telle ampleur que les prochaines mesures qui pourraient (devraient ?) être prises seront d’une toute autre nature que de simples interpellations policières. Dans tous les cas, il ment, au moins par omission, aux Français.

A lire aussi, du même auteur: Thomas Legrand, historien à la petite semaine

Notons enfin que cet entretien entre le candidat Macron et les journalistes france intériens a été pour le moins… courtois. Marine Le Pen n’avait pas eu cette chance. Elle avait été sans cesse interrompue, en particulier par Thomas Legrand et Dominique Seux qui, désireux de sortir enfin des canines élimées par cinq ans de macronisme, ne l’avaient laissée finir aucune phrase. Avec M. Macron, l’exercice s’est avéré plus difficile. D’abord, on sentait bien que les journalistes n’avaient pas l’intention d’interrompre le candidat. Ensuite, ce dernier a appris à dire la même chose creuse de cent façons différentes, avec cet air à la fois faussement inspiré et véritablement arrogant que semblent redouter ses interlocuteurs, et sur un ton qui ne laisse aucun doute sur le fond de sa pensée que je traduis ici : « C’est moi que je sais, c’est moi que je suis le meilleur, c’est moi que je vais te montrer comment hypnotiser l’auditoire en ne disant fondamentalement rien, en omettant l’essentiel, en promettant la même chose qu’il y a cinq ans, en faisant de tous les thèmes (handicap, éducation, climat, jeunesse, violences conjugales, agriculture) « le cœur de mon programme », c’est-à-dire en me fichant bien des Français qui vont vraisemblablement m’élire à nouveau et qui n’ont pas compris que mon dernier mandat va être la consécration de mon véritable projet : faire de la France une sous-région européenne, une vague et pauvre province aux marges du monde global rendue impuissante par l’UE et surtout par l’Allemagne, dépendante des États-Unis, ouverte à toutes les migrations, promise à toutes les exactions économiques et civilisationnelles. »

Qu’est-ce que ce fonds souverain français sur lequel repose le programme économique de Marine Le Pen?

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La candidate du Rassemblement national parie sur un ambitieux fonds souverain français, dont les médias ont très peu parlé.


Les dix plaies d’Égypte

Même nos prix Nobel d’économie s’y sont collés. Pour Jean Tirole et Esther Duflo, le programme économique de Marine Le Pen est assimilé aux dix plaies d’Égypte.

Il est vrai que les médias, le patronat, les syndicats, les économistes mainstream et tout ce que la sphère parisienne des leaders d’opinion de tous poils comporte en donneurs de leçon, se sont ligués entre les deux tours de l’élection présidentielle 2022 pour couvrir de cendres le programme économique et social de Marine Le Pen. Probablement un peu poussés par les grands propriétaires de journaux.

Il est vrai aussi que la très professionnelle éleveuse de chats a privilégié la présentation de mesures choc et ponctuelles tout au long de sa campagne, centrées sur le pouvoir d’achat des Français (le pouvoir des chats…): suppression de la contribution audiovisuelle, baisse des péages autoroutiers de 15% et exonération d’impôt sur le revenu des jeunes de moins de trente ans dès juin 2021, baisse de la TVA de 20% à 5,5% sur les produits énergétiques en septembre 2021, passage à 0% de la TVA sur 100 produits de première nécessité en mars 2022. Bien loin de la « Big picture », chère à McKinsey et autres Rothschild & Co.

Une conférence dite « Chiffrage », présentée en grandes pompes en mars 2022 devant la fine fleur journalistique, a parachevé le travail : enfin, du sérieux budgétaire, gage avancé d’une crédibilité gagnée de haute lutte depuis l’article fondateur paru dans L’Opinion en février 2021 : « une dette, cela se rembourse ». En face de 68,5 milliards d’euros de dépenses budgétaires nouvelles, des baisses de TVA tous azimuts au renforcement du budget de la Défense, en passant par le rétablissement de la demi-part fiscale pour les veuves, ne trouve-t-on pas, à la décimale près, 68,5 milliards d’euros d’économies et de recettes fiscales nouvelles ?

Au premier rang desquelles l’impôt sur la fortune financière (IFF) remplace l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et rapporte 2 milliards d’euros par an. Tout un symbole. On taxe le vilain spéculateur, celui qui achète cher de l’art contemporain surcoté, pour le vendre encore plus cher quatre ans après, avant que les cours ne s’effondrent. Le président des riches n’a qu’à bien se tenir. Désormais, l’enracinement et la résidence principale, pardon unique (vous avez le choix entre votre résidence principale ou votre résidence secondaire pour sortir de l’assiette fiscale votre lieu de villégiature préféré…), sont favorisés.

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Ingrats, les divers think tanks et autres instituts d’études économiques, tels l’Institut Montaigne ou l’IFRAP d’Agnès Verdier-Molinié, étrillent le chiffrage de l’équipe de campagne de Marine Le Pen. Un grand classique pour Le Monde : des dépenses sous-évaluées et des recettes sur-évaluées. Les experts soulignent notamment l’irréalisme des 15 milliards d’euros récupérés sur la fraude fiscale et sociale ainsi que des 16 milliards d’euros d’économies sur les budgets sociaux avec l’instauration de la priorité nationale. Au lieu d’une compensation à l’euro l’euro, le déficit budgétaire annuel s’alourdirait d’une centaine de milliards d’euros, une paille. Petite consolation : le programme d’Emmanuel Macron est lui aussi considéré comme non financé, mais est-ce un problème dans cet univers où le « quoi qu’il en coûte » est devenu une marque de modernité et de courage politique devant la tyrannie des grands équilibres ?

La croissance, clé du redressement français

Les commentateurs autorisés sont en fait passés totalement à côté du cœur du programme économique et social de Marine Le Pen. Ceux qui l’ont compris, et ils sont peu nombreux – quelques éminents membres du conseil d’analyse économique (CAE), quelques grands sachants de la sphère économique et financière institutionnelle – se sont bien gardés de s’exprimer publiquement. La candidate a eu l’occasion de s’exprimer mezzo voce sur sa trajectoire de finances publiques devant divers cercles patronaux (ETHIC, Medef et CPME notamment), sans qu’une grande conférence de presse ne l’ait sanctifiée. Un « bug » purement technique dans une campagne présidentielle menée avec brio et sans faute jusqu’au premier tour. Mais qui s’intéresse en France aux sujets de fond, comme une trajectoire de finances publiques, ennuyeux par essence et peu vendeurs médiatiquement ? On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance, comme on le disait déjà en mai 1968.

Or, c’est précisément la croissance qui est au cœur du programme de Marine le Pen. La croissance naturelle française – pour faire simple, si l’on ne fait rien de plus que ce que l’économie délivre par elle-même – est de l’ordre de 1,2 à 1,4% par an. La croissance est ainsi  portée à 2,5 % par an tout au long du quinquennat 2022/2027. Rien de faramineux : malgré deux chocs pétroliers, la croissance des années 70 a dépassé 3% par an.

Le fonds souverain français

Par quelle alchimie ? Le fonds souverain français (FSF).

Derrière cet acronyme très bleu, blanc, rouge, un classique fonds privé, placé sous l’égide de la Caisse des dépôts, elle-même sous supervision du parlement depuis 1816. Donc, à l’abri des tentations de l’exécutif et autres institutions locales ou nationales. Avec des équipes de sélection et d’investissement professionnelles, choisissant des projets dans des domaines aussi variés que la rénovation thermique des bâtiments industriels et des logements, la réhabilitation des voies ferroviaires nationales et secondaires pour faire passer le fret ferroviaire de 8 à 15% du fret français en six ans, le développement d’une filière du papier minéral, plus propre, moins énergétique et plus compétitive ou le comblement de l’écart de fonds propres des entreprises françaises par rapport aux entreprises allemandes (150 milliards d’euros en sept ans). Avec une rentabilité économique raisonnable, supérieure à 4%, très loin des critères usuels et délétères du monde de la finance de plus de 10%, soulignés par l’éminent Patrick Artus.

Le FSF est appelé à atteindre 500 milliards d’euros en régime de croisière, avec une première tranche de 100 milliards d’euros émise à l’automne 2022. Émission s’adressant à l‘épargne privée des Français et qui devrait être sur-souscrite compte tenu des caractéristiques du fonds (2 à 4% de rendement annuel en fonction de la durée de détention, garantie de capital) et de la surépargne disponible liée au confinement, estimée par la Banque de France à 200 milliards d’euros.

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Et les projets ne manquent pas ! Yannick Jadot a rêvé de trente milliards d’euros d’investissement par an dans la transformation environnementale. Marine concrétise le rêve de Yannick. Mais personne n’en parle.

Un choc keynésien sur fonds privés

Le FSF, c’est ainsi une impulsion macroéconomique non pas sur finances publiques mais sur épargne privée. Le célèbre multiplicateur keynésien de nos livres de classe, mais sur fonds privés. Donc, hors dette au sens de Maastricht, caractéristique bien utile de nos jours. Rien de nouveau sous le soleil : les chemins de fer, les grands magasins et l’industrie se sont développés de cette façon en France au XIXème siècle.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’une impulsion annuelle de 3% du PIB en régime de croisière permet de faire passer la croissance française de 1,2% à 2,5% sans grande difficulté. Ce qui incidemment permet de tenir une trajectoire de finances publiques vertueuse sur la durée du quinquennat, tout en préservant des services publics de qualité et en assurant le financement des retraites : prélèvements obligatoires en dessous de 40% de la richesse nationale à l‘horizon 2030, dépenses publiques en dessous de 50% du PIB en 2027, déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB dès 2026, balance des paiements à l’équilibre en fin de quinquennat, dette stabilisée à 112,9% jusqu’en 2027 puis baisse tendancielle à partir de 2028.

Deux chiffres résument en définitive le match Emmanuel/Marine: 30 milliards d’euros pour France 2030, 500 milliards d’euros pour le FSF. Il n’y a pas photo. Gageons que si, contre toute logique économique, Marine ne devait pas passer la barre, Emmanuel étant reconduit, il mettrait en place le FSF de Marine !

Jacques Perrin: une dette particulière

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Voir à vingt ans « Le Désert des Tartares » a créé chez Jérôme Leroy une révélation à la fois politique et esthétique.


Au-delà de la poésie mystérieuse et contemplative du Désert des Tartares de Dino Buzzati, créée pour l’essentiel par le caractère insituable dans l’espace et le temps de ce roman, comme Les Falaises de Marbre de Jungër ou Le Rivage des Syrtes de Gracq, j’ai toujours vu dans l’histoire du jeune lieutenant Drogo, nommé au fort Bastiani pour sa première affectation, une métaphore de l’engagement politique, quel qu’il soit, ou tout au moins de l’espérance ambigüe qui va avec: vouloir que quelque chose se passe enfin, qui détruise, restaure ou bouleverse l’ordre ancien, quitte à nous emporter nous-mêmes ; attendre désespérément que ça arrive, s’apercevoir que notre action militante ne sera que de peu d’effets. Espérer quand même, jusqu’à la fin.

Identification parfaite

Malgré la méfiance que j’entretiens avec les adaptations de chefs-d’œuvre littéraires au cinéma, j’ai aimé l’adaptation du Désert des Tartares de Valerio Zurlini qui date de 1976 mais que je n’ai vue qu’en 1984, à l’époque où je commençais à fricoter, du côté de Rouen, avec les Jeunesses Communistes et surtout avec l’UNEF-SE.

J’ai aimé cette adaptation de Zurlini, cinéaste trop méconnu, auteur pourtant d’un magnifique « Eté violent » avec Trintignant, essentiellement pour l’interprétation de Jacques Perrin dans le rôle de Drogo. 

J’ai ressenti une identification parfaite, inconditionnelle, presque amoureuse. J’étais ce jeune lieutenant qui préférait une fin effroyable à un effroi sans fin, mais qui ne connaitrait que ça, pourtant : une vie qui se prolonge, sur le plan politique, dans une catastrophe au ralenti. J’ai appris par la suite à quel point ce film avait tenu à cœur à Jacques Perrin, à quel point pendant dix ans, il avait pris tous les risques en tant que producteur pour trouver les scénaristes et le metteur en scène qui accepterait de se coltiner avec ce roman anti-cinématographique au possible puisque fondé sur une immobilité presque minérale.

Virilité mélancolique

Certains acteurs, certaines actrices nous font ainsi parfois comprendre des choses essentielles sur nous-mêmes, comme certains écrivains ou certains poètes. En ce sens, ils méritent bien l’appellation d’artistes que parfois on leur dénie.

C’est pour cela que je tiens à exprimer ma dette à Jacques Perrin qui vient de mourir, et pas seulement pour son élégance d’éternel jeune homme aux cheveux blancs, sa virilité mélancolique alors que les Tartares, et leur révolution/révélation avancent à l’horizon avec une lenteur exaspérante à l’échelle d’une vie humaine. Qu’on n’aura pas le temps, ou à peine celui d’entrevoir dans les lointains, les éclats dorés des cuirasses de l’espérance révolutionnaire.

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Salaire de Carlos Tavares: le bal des antilibéraux et des faux-culs

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Les salariés de Peugeot ont la chance unique d’avoir un patron génial qui obtient des bénéfices impressionnants et une rémunération imposante. Il doit donc être dénoncé, critiqué, vilipendé…


C’est vraiment mal tombé pour Carlos Tavares : on apprend pendant les élections présidentielles – un hasard du calendrier – que son salaire global atteint des records. Or, sur nos douze candidats du premier tour, pas un seul n’a pris la défense de l’accusé. Il est vrai que la moitié d’entre eux sont marxistes et trois sont d’extrême gauche. À droite et à l’extrême droite, idem. Et à l’extrême centre occupé par le candidat président, n’en parlons même pas: lui veut carrément plafonner les salaires des PDG. Tous ces braves gens, politiciens professionnels, sont unanimes : la rémunération du patron de Stellantis, maison mère de Peugeot-Citroën, qui atteint 19 millions d’euros pour l’exercice 2021, est jugée « indécente », alors même qu’il vient de réaliser une année historique avec des bénéfices somptueux, jamais vus dans l’industrie automobile en France : 13,4 milliards d’euros.

Emmanuel Macron s’est déclaré « choqué » par la rémunération « astronomique » de Carlos Tavares. « Tous ces sujets nous indignent », a-t-il même ajouté au cours d’une interview à France Info. Dans le bal des hypocrites, des démagogues, des anticapitalistes et des faux-culs, le président n’est jamais très loin, lui qui s’est battu pendant longtemps quand il était ministre de l’Économie de François Hollande en 2016 contre les salaires qu’il estimait trop élevés de l’autre Carlos, Carlos Ghosn, alors à la tête du groupe Renault-Nissan. Nous y reviendrons plus loin.

D’abord les chiffres, pour les connaisseurs, s’agissant de la première année d’existence de Stellantis, groupe mondial né de la fusion entre les entités PSA (Peugeot-Citroën-Opel) et FCA (Fiat-Chrysler) dont le sieur Tavares est directeur général. Au total, quinze marques, françaises, italiennes, britannique, allemande et américaines. Un chiffre d’affaires de 152 milliards d’euros en 2021. Une rentabilité opérationnelle ajustée de 11,8% et un résultat net de 13,4 milliards d’euros après impôts. Un véritable feu d’artifice économique !

Grâce aux « vaches à lait » américaines

Des précisions sur cette rémunération globale de 19 millions d’euros. Elle se divise en plusieurs morceaux : un salaire fixe de 2 millions pour l’année 2021, auquel s’ajoute une part variable qui a atteint 7,5 millions, indexée sur les résultats de l’année, très brillants, presque le maximum possible. Plus 2,3 millions de contribution à sa « retraite chapeau » ainsi qu’une prime de 1,7 million liée à la réalisation de la fusion avec les Italiens et les Américains. Et enfin, 5,5 millions au titre de la première année d’un plan de performances très exigeant, sur trois ans. 2 + 7,5 + 2,3 + 1,7 + 5,5 = 19 millions. Le compte est bon.

Comme nous sommes en France, la question est de savoir combien d’impôts devra payer l’heureux bénéficiaire de cette véritable fortune. Impossible de savoir ! D’abord, Carlos Tavares n’est pas Français, il est Portugais et il tient à son drapeau. Deuxio, le siège social mondial de Stellantis n’est ni en France, ni en Italie, ni aux Etats-Unis, mais aux Pays-Bas. Tertio, le plus gros résultat du groupe ne vient pas de France ou d’Italie mais des États-Unis où se trouve une filiale du groupe Fiat dont les « vaches à lait » s’appellent Jeep et Ram, qui dégagent des marges très importantes, plus de 16% en 2021. On a beaucoup parlé en Europe pendant cette année 2021 – on en parle encore aujourd’hui – de la pénurie de semi-conducteurs, ces puces indispensables à la bonne marche d’un véhicule. Le génie de Tavares a également consisté, tout en étant obligé de réduire ses productions de 20% par rapport à ses prévisions, à affecter ses puces disponibles aux véhicules les plus rentables, comme les Jeep Grand Cherokee ou Grand Wagoneer aux marges plantureuses.

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C’est ainsi que le gros des bénéfices provient des États-Unis, un pays où les grands patrons sont magnifiquement payés quand ils font gagner beaucoup d’argent à leurs actionnaires. Le PDG de Ford, Jim Farley, a reçu 21 millions d’euros pour 2021 et la patronne de General Motors, Mary Barra, en était à 21,8 millions pour 2020. Carlos Tavares qui a non seulement réussi une fusion qui semblait très aléatoire avec les Italiens de Fiat et les Américains de Jeep, et qui a géré cet ensemble hétéroclite de main de maître dans des conditions aggravées par les deux crises de la Covid et des semi-conducteurs, s’est donc révélé être un géant dans l’automobile mondiale. Il a également prouvé qu’il était un super manager en délivrant des primes d’intéressement importantes à tous les salariés du groupe, à hauteur de 1,9 milliard d’euros, ce qui est très généreux. Les salariés français, qui avaient déjà reçu 3 000 euros de surprime en 2020, toucheront cette fois une participation moyenne de 4 400 euros et bénéficieront en plus d’une enveloppe globale d’augmentation de 3,2%.

Une opération digne d’un corsaire des Caraïbes

Revenons à notre petit Hexagone rempli de marxistes, de démagogues et d’éternels frustrés. Il faut reconnaître qu’ils pourraient avoir raison sur un point: une majorité riquiqui, mais une majorité quand même d’actionnaires ont voté contre le rapport sur la politique salariale de la direction du groupe, à 52% contre 48%, s’opposant ainsi aux millions de Carlos Tavares. Sauf que 1 : cet avis des actionnaires n’est que consultatif selon le droit des Pays-Bas ; 2 : la politique de Stellantis a été adoptée à près de 90% lors de l’assemblée générale de 2021 ; et 3 : c’est une banque d’État française, la Bpifrance détenant 6% du capital de Stellantis, qui a fait basculer le vote côté négatif.

Ce ne serait pas la première fois que l’État français jouerait ainsi contre des PDG « trop payés » dans l’industrie automobile. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie de François Hollande, était même allé très loin en 2016 pour contrer la politique salariale de Renault à l’égard de Carlos Ghosn, jusqu’à faire dépenser par l’État 1,2 milliard d’euros pour acheter à la Bourse en cachette des actions supplémentaires de Renault afin d’obtenir lors de l’assemblée générale du constructeur une majorité hostile à la rémunération de son PDG, estimée abusive par le fougueux ministre. À cette époque, le groupe Renault-Nissan gagnait beaucoup d’argent dont l’État profitait doublement, à la fois comme actionnaire, à hauteur de son capital de 25 %, et comme taxateur avec les impôts qu’il touchait sur 100% des bénéfices.

Redresser toute l’industrie française

Les actionnaires avaient écouté le ministre et voté non à 54% en assemblée générale contre la rémunération de 7 millions d’euros prévue pour Carlos Ghosn, mais le vote étant là aussi consultatif n’avait pas été suivi d’effet par le conseil d’administration. Avec son opération boursière digne d’un corsaire des Caraïbes, le socialiste Macron, ministre du président très socialiste François Hollande, avait mis en place sans le savoir une bombe à retardement contre Carlos Ghosn qui explosera plus tard à Tokyo avec l’emprisonnement honteux et scandaleux du PDG de Renault-Nissan : les Japonais avaient tenu Ghosn pour responsable de ce rodéo boursier, sans jamais que Macron ou Hollande ne leur dise la vérité. On connaît la suite : un écroulement vertical du groupe Renault avec un manque à gagner colossal, sans doute entre 10 et 20 milliards d’euros, parce qu’un jeune ministre de l’Économie voulait réduire de force le salaire d’un PDG extrêmement brillant et admiré dans le monde entier.

En mars dernier, dans une interview à Valeurs Actuelles donnée au Liban où il s’est réfugié, Carlos Ghosn a réagi avec une certaine émotion aux événements qui ont touché Renault et qui l’ont atteint par contrecoup : « Quand on regarde où en est Renault aujourd’hui, on mesure l’ampleur du désastre qui a suivi mon arrestation. » Il a surtout ajouté ceci : « Les groupes français dont l’État est actionnaire sont esclaves de leur héritage […] Citez-moi une seule victoire industrielle française dans laquelle l’État a été un contributeur important […] En France, il y a cette tradition d’interventionnisme de l’État, alors qu’il est incapable de gérer son budget, ses déficits et sa dette »… Avec une dizaine d’hommes comme Ghosn ou Tavares, on pourrait redresser toute l’industrie française et la relancer vers les sommets qu’elle n’aurait jamais dû quitter. En attendant, Carlos Ghosn peut être satisfait : Tavares a passé plus de trente ans chez Renault avant de rejoindre le groupe Peugeot, et c’est Ghosn qui l’a formé.

Le malaise des croyants face au projet bioéthique d’Emmanuel Macron

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Profondément meurtris par l’incendie de Notre-Dame de Paris, véritable tragédie nationale survenue lors du quinquennat d’Emmanuel Macron, les catholiques demeurent divisés sur la réélection du président sortant.


Le positionnement du président-candidat et de de son entourage sur les questions de l’euthanasie, du suicide assisté, de la procréation médicalement assistée (PMA), de la gestation pour autrui (GPA), de l’extension du délai légal de l’avortement de 12 à 14 semaines, ou de la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux chez les adolescents transgenres, ont créé un malaise manifeste, non seulement au sein de l’Eglise catholique, mais également chez les autres communautés religieuses. Par contraste, Marine Le Pen a toujours défendu des positions conservatrices en opposition à l’agenda « progressiste » d’Emmanuel Macron.

Totalement absentes du débat télévisé Macron/Le Pen, à trois jours du deuxième tour du scrutin présidentiel, les questions de bioéthique sont pourtant révélatrices du gouffre qui sépare les projets de société des deux candidats. La Grande Mosquée de Paris par la voix du recteur Chems-Eddine Hafiz [1], de même que les principales institutions juives de France [2], ont apporté leur soutien à la réélection d’Emmanuel Macron, notamment en raison des restrictions sur l’abattage rituel préconisées par Marine Le Pen. Chez les catholiques, plusieurs organisations chrétiennes ont exprimé leur soutien au président-candidat par le biais d’une tribune dans le journal Ouest-France. Cependant, cet affichage, qui procède certainement d’un calcul tactique, occulte les doutes profonds qui agitent les croyants face au bilan et au projet présidentiels en matière de bioéthique. C’est certainement pour cette raison que la Conférence des évêques de France (CEF) n’a pas donné de consigne de vote pour le second tour, tout en incitant les électeurs à voter « en conscience » et « à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église » [3].

Euthanasie: non pour Le Pen, oui pour Macron

Marine Le Pen est vivement opposée à l’euthanasie (à savoir, « l’acte médicalconsistant à provoquer intentionnellement la mort d’un patient afin de soulager ses souffrances soit en agissant à cette fin, soit en s’abstenant d’agir ») et au suicide assisté, qui consiste pour le corps médical, « à donner au patient les moyens de mettre lui-même fin à sa vie » [4].

Emmanuel Macron laisse au contraire entendre qu’il instaurera l’euthanasie et s’inspirera, pour ce faire, du modèle belge [5]. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale et soutien du président, a déclaré, le 11 avril, que « le droit de mourir dans la dignité », expression utilisée par les partisans de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, serait la grande réforme sociétale d’un second quinquennat d’Emmanuel Macron [6].

A lire aussi, Jean-Frédéric Poisson: Au menu du Français anxieux, «tout vaccin» et «bien mourir»

Pour rappel, l’euthanasie est illégale en France, mais elle a été légalisée aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg. En Belgique, depuis 2002, le suicide assisté est encadré par la loi. En 2014, le parlement belge a adopté une loi autorisant l’euthanasie des mineurs en phase terminale et qui en font la demande, avec l’accord des deux parents !La loi belge n’exige pas que la personne soit en phase terminale d’une maladie grave et incurable, seul étant pris en compte le critère subjectif de la souffrance. La Belgique était même le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie des mineurs, sans limite d’âge. Les premières euthanasies de mineurs ont été réalisées en 2017, sur des enfants de 9, 11 et 17 ans. Un tel positionnement est véritablement effroyable pour les croyants. Le Pape François a réitéré la condamnation de toutes les formes d’euthanasie et de suicide assisté [7]. L’islam n’autorise ni d’accélérer la mort ni de la retarder. Son heure n’appartient qu’à Dieu [8]. Quant au judaïsme, l’euthanasie est tout à fait proscrite, de même que le suicide, qu’il soit assisté ou délégué. Le suicide est considéré comme un acte meurtrier, même si la personne le demande [9].

GPA : un non catégorique pour le Pen, un refus en demi-teinte pour Macron

Après l’adoption de la « PMA pour toutes », à savoir la procréation médicalement assistée (la possibilité d’accoucher d’un enfant, à l’aide de l’insémination artificielle et de la fécondation in vitro) remboursée par la sécurité sociale et élargie aux femmes célibataires, lesbiennes en couple ou seules, l’épineuse question de la gestation pour autrui et des mères porteuses persiste. Cette dernière consiste, selon Marine Le Pen, à « faire porter par une femme un enfant, puis à se faire attribuer cet enfant ». Elle juge cette pratique, déjà en vigueur dans trois pays de l’Union européenne (Roumanie, Grèce et Portugal), comme « une dérive mortelle pour notre société. Les êtres humains ne sont pas des objets de consommation » [10]. La réponse est donc un « non » catégorique de sa part.

Le député et rapporteur de la loi bioéthique Jean Louis Touraine, le mercredi 25 septembre 2019, à l’Assemblée © Louise MERESSE/SIPA

Emmanuel Macron a certes déclaré qu’« il n’est pas question d’autoriser la gestation pour autrui en France, car elle met en question la dignité du corps de la femme et sa marchandisation » [11]. Cependant, l’actuel porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, alors qu’il était Secrétaire d’Etat auprès du l’Education nationale et de la Jeunesse, avait déclaré dans un entretien en 2019 à Libération (lors duquel il évoquait librement son homosexualité), qu’il ne serait pas contre une GPA «éthique», pour avoir un enfant, si c’était légal en France [12]. Par ailleurs, Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône, député et co-rapporteur du projet de loi bioéthique – selon lequel « il n’y a pas de droit de l’enfant à avoir un père » – estimait, pour sa part, en 2019, qu’il n’y avait « pas eu assez de maturation de l’opinion » sur la GPA. « Ça va cliver la société, il faut attendre que les Français s’approprient l’idée. Depuis la première loi bioéthique de 1994, chaque révision a levé des interdits. Mais si on avance trop vite, ça peut être dangereux. Dans sept ans peut-être, on pourra mettre la GPA éthique sur la table » [13]. Eric Zemmour, quant à lui, ne se fait aucune illusion sur le cours des choses dans ce domaine : « Le combat d’après, c’est la GPA, vous verrez ça se fera en cas de maintien de la majorité actuelle malgré toutes les dénégations des politiques qui disent “jamais” » [14].

Du côté des croyants, selon La Croix, l’Eglise catholique s’oppose catégoriquement à toute technique artificielle d’assistance médicale à la procréation, par le document Donum Vitae (1987) rédigé par Joseph Ratzinger, le futur Pape Benoit XVI. Dans l’islam, aucune « tierce personne » ne peut interférer dans la vie sexuelle du couple ou faire le don d’un ovule, de spermatozoïdes, ou d’embryon [15] : le recours aux mères porteuses est donc proscrit. En revanche, dans le judaïsme, encadrée par la loi civile et la loi religieuse, la Halakha, cette pratique est légale. Elle n’est cependant ouverte ni aux couples homosexuels, ni aux étrangers [16].

Mineurs transgenres 

Depuis plusieurs années déjà, en France, le corps médical peut prescrire aux « enfants transgenres », dès l’âge de 11 ans, des traitements réversibles pour bloquer leur puberté. Lorsque leur « dysphorie de genre » persiste, un traitement hormonal substitutif masculinisant ou féminisant – avec des effets irréversibles tels que la stérilité – peut être prescrit à partir de 16 ans. Ces prescriptions se font avec l’accord des familles. S’il est interdit pour les mineurs de réaliser une opération de changement de sexe, l’ablation des seins (mammectomie) dans le cadre d’une transition est autorisée pour les mineurs entre 16 et 18 ans [17].

A lire aussi: Debbie Hayton: trans d’un autre genre

Marine Le Pen n’a pas encore explicité sa vision de la question des mineurs transgenres. Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, la cause transgenre a été vigoureusement soutenue comme en atteste, par exemple, le financement par les agences régionales de santé (ARS) de la Plateforme « Trajectoire Trans’ » destinée aux mineurs transgenres [18]. Au vu du rythme auquel se déroulent ces évolutions sociétales marquantes, l’exigence du consentement parental paraît de plus en plus en sursis.

Si Emmanuel Macron est réélu, ces évolutions sociétales majeures seront accélérées, à l’instar de son programme économique et social. Force est de constater que cela sera mis en œuvre dans une optique située aux antipodes de celle des croyants qui s’apprêtent à le réélire. A noter à cet égard, que selon La Croix [19], lors du 1er tour du scrutin, 29% des catholiques pratiquants ont porté leur suffrage sur Emmanuel Macron, 25% sur Marine Le Pen (soit une hausse de plus de 10 points en cinq ans !), 13% sur Jean-Luc Mélenchon et 11% sur Éric Zemmour. Selon l’IFOP, 69% des musulmans de France ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Loin derrière, Emmanuel Macron a recueilli 14%, et Marine Le Pen 7% des suffrages de cette communauté de croyants. Au sein de la communauté juive, un « survote » en faveur d’Eric Zemmour a été observé.


[1] https://www.algerie-expat.com/politique/le-soutien-de-la-grande-mosquee-de-paris-pour-emmanuel-macron/15752/

[2] https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/130422/presidentielle-francaise-les-institutions-juives-appellent-voter-macron

[3] https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-parmi-les-catholiques-des-voix-reclament-une-consigne-claire-des-eveques-de-france-contre-marine-le-pen-19-04-2022-KMDLNSJUYNDI3PYAGVRIGABFRA.php

[4] https://sante.lefigaro.fr/social/sante-publique/euthanasie/quest-ce-que-cest

[5] https://www.la-croix.com/France/Euthanasie-Emmanuel-Macron-favorable-modele-belge-certains-cas-2022-04-01-1201208236

[6] https://twitter.com/franceinfo/status/1513411721225986049

[7] https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2020-09/fin-vie-euthanasie-lettre-doctrine-foi.html

[8] https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/11/10/l-islam-n-autorise-ni-d-accelerer-la-mort-ni-de-la-retarder_386496_1819218.html

[9] https://www.lejsl.com/actualite/2015/02/20/dans-le-judaisme-l-euthanasie-est-tout-a-fait-proscrite

[10] https://www.la-croix.com/France/GPA-quen-disent-candidats-presidentielle-2022-2022-02-08-1201199160

[11] https://www.la-croix.com/France/GPA-quen-disent-candidats-presidentielle-2022-2022-02-08-1201199160

[12] https://www.liberation.fr/france/2019/04/23/gabriel-attal-de-ses-propres-zeles_1722937/

[13] https://www.bfmtv.com/politique/parlement/projet-de-loi-bioethique-la-gpa-non-dit-qui-irrite-une-frange-de-la-macronie_AV-201909230096.html

[14] https://www.valeursactuelles.com/politique/video-loi-bioethique-le-combat-dapres-cest-la-gpa-craint-zemmour

[15] https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Fecondation-vitro-PMA-GPA-dit-lislam-2017-06-27-1200858434

[16] http://www.slate.fr/story/93287/gpa-israel

[17] https://wikitrans.co/ths/mineur/

[18] https://www.bvoltaire.fr/lideologie-transgenre-en-marche-sous-lere-macron/

[19] https://www.la-croix.com/Debats/Cessons-den-appeler-eveques-designer-futur-president-Republique-2022-04-21-1201211397

Deux débatteurs, une seule perdante: la France

Bien que le président sortant soit, selon les sondages, quasi assuré de sa réélection, dire de Marine Le Pen qu’elle était loin des caricatures que l’on fait habituellement d’elle lors du débat télévisé de mercredi fait déjà de vous quelqu’un de suspect…


Cette élection  présidentielle, à défaut d’être dotée d’un quelconque souffle, a démontré une seule chose : la liberté d’expression a durablement reculé en France. Ainsi il devient de plus en plus risqué de s’exprimer sur le second tour de l’élection en cours comme sur le débat d’entre-deux-tours, si ce n’est pour dire haut et fort que l’on mettra un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne. Toute autre position vous expose à des jugements aussi lapidaires que définitifs. Et même ceux qui se risquent simplement à expliquer que le RN n’est pas le parti nazi dans les années 30 se voient suspecter de penchants autoritaires.

Les tribunes s’accumulent expliquant qu’une potentielle élection de Marine Le Pen équivaudrait à un retour du fascisme. Les références à l’extrême-droite renvoient à une forme de collaboration et mettre un bulletin Emmanuel Macron équivaut à obtenir un diplôme de Jean Moulin, quand toute nuance sur les attaques portées contre Marine Le Pen fait de vous un traître à la République.

Logiques de purge

Quand on voit le sort fait à un intellectuel comme Marcel Gauchet pour avoir dit que le RN actuel est plus proche du RPR des années 80 en France que de l’extrême-droite collaborationniste, on n’a guère envie de prendre position pour se faire attaquer par tous ses pairs et être assimilé à un soutier de l’extrémisme. Il est donc de bon ton en France de soutenir Emmanuel Macron avec toute une gamme de nuances allant jusqu’à « je vote pour lui mais avec une pince à linge sur le nez ». Les législatives deviennent alors un troisième tour où après avoir éliminé le danger de l’extrême droite, il s’agirait d’éliminer, dans les urnes des législatives, l’homme utilisé pour combattre le retour des « heures sombres » en le remplaçant par un dirigeant de l’extrême-gauche. Les élections deviennent le jeu de chaises musicales de l’excommunication mutuelle. L’avenir du pays au terme de ces logiques de purge apparaît de plus en plus incertain.

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S’exprimer sur le débat Emmanuel Macron – Marine Le Pen, sans affirmer haut et fort que le président actuel l’a dominé et a fait preuve de sa compétence et de sa combativité n’est donc pas une bonne idée, cela ne parle pas de votre ressenti personnel, mais du fait que vous faites probablement la campagne d’une extrémiste sans oser l’avouer. Pourtant le débat avait de quoi décevoir ceux qui, alors que les tensions politiques, économiques, sociales s’accumulent, s’attendaient à une certaine hauteur de vue. Pourtant, à part Le Parisien qui fait un compte-rendu fourni, objectif et détaillé de l’échange, les journalistes attribuent la palme du vainqueur à un Emmanuel Macron qui s’est pourtant montré d’une suffisance rare, alors que l’exercice le favorisait. Il est cependant vrai qu’il a montré une bonne maîtrise des dossiers et une aisance à l’oral que son adversaire n’a jamais eu. En termes de crédibilité, la rencontre n’était guère équilibrée.

Marine Le Pen loin des caricatures que l’on fait d’elle

Il n’en reste pas moins que, lors de ce débat, le risque principal pour Le Pen était de rater ce rendez-vous et d’apparaître comme une caricature de leader d’extrême-droite: agressive, violente, simpliste, raciste. Cet impératif supplantait la question de sa crédibilité technique, même si elle se posait également. Elle a donc été concentrée au point souvent de ne pas trouver les arguments de contradiction, y compris lorsqu’Emmanuel Macron attribuait au Covid les 600 milliards de dette de la France. Or une partie de cette dette est liée à la dérive de nos comptes publics (au moins 240 milliards). Une partie du train de vie normal de l’Etat est financé par une dette structurelle qui n’a rien à voir avec le Covid et dépasse largement 100% de notre PIB. Mais sur cette question, aucun des candidats ne paraissait avoir grand-chose à dire. 

Attaquée sur les prêts contractés par son parti auprès d’une banque russe, Marine Le Pen a eu du mal à être percutante alors que le refus des banques de financer certains partis (cet état de fait ne concerne pas que Marine Le Pen) pose des problèmes démocratiques.

Mais surtout, alors que la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie et des matières premières comme le retour de l’inflation rendent très peu crédibles les programmes des deux candidats, nombre de leurs batailles pouvaient paraître d’arrière-garde voire assez artificielles.

Alors qu’Emmanuel Macron était souvent positionné comme un consultant arrogant de chez Mc Kinsley et ne s’est jamais adressé aux Français, Marine Le Pen n’a pas su exploiter cette faille et le renvoyer à son autosatisfaction de privilégié. Il a même pu lui reprocher certains de ses votes au parlement comme si elle avait exercé le pouvoir et comme si lui était un homme neuf. Ce qui à défaut d’honnêteté ne manquait pas d’habileté.

Ceci dit en choisissant une attitude modeste et calme, elle n’a pas raté son débat. Emmanuel Macron ne proposant rien d’autre que le vote barrage et la continuation d’une politique basée sur l’adaptation à une mondialisation qui montre toutes ses limites, son seul argument de campagne reste la diabolisation de son adversaire. Les équipes autour d’Emmanuel Macron, beaucoup de médias et d’acteurs du débat public essaient donc de réinstaller une image en mode « gardienne de camp » de la leader du RN. Or, pour qui regardait ce débat, cette caricature apparaissait outrancière et ridicule. Marine Le Pen s’est d’ailleurs montrée bien  meilleure que lui lorsqu’elle a défendu la souveraineté du peuple et la lettre comme l’esprit de la constitution de la Veme République en la matière. Mais le rapport au peuple est un des points faibles du président.

Emmanuel Macron certain de sa supériorité intellectuelle

Si souvent l’actuel président de la République apparaissait plus précis dans l’usage des chiffres, la proximité avec la réalité quotidienne était plutôt du côté de Marine Le Pen. L’échange sur le fait que les primes n’étaient pas prises en compte par les banques pour obtenir un prêt et le plaidoyer sur la nécessité de miser sur l’augmentation salariale ne pouvait que toucher la plupart des Français. Il n’en reste pas moins que les deux candidats sont restés flous sur le financement de leur politique comme sur leurs méthodes pour traduire leurs propositions dans la réalité.

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Dans l’ensemble, le débat était assez ennuyeux et médiocre. L’une ayant pour objectif principal d’apparaître comme inoffensive, l’autre misant tout sur une supériorité intellectuelle qu’il juge incontestable. Emmanuel Macron s’est ainsi souvent montré condescendant et méprisant. Un défaut qui a beaucoup abîmé sa relation au peuple durant cinq ans. Le problème est que ce débat a montré que ce mépris était constitutif de sa personnalité. Or, malgré les tentatives pour faire croire que Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir cette fois-ci, le match est en fait déjà plié, les écarts sont tels qu’Emmanuel Macron est quasi assuré de sa réélection. Voilà pourquoi ce qu’il a montré de lui est déterminant quant à ce que l’on peut attendre d’un nouveau quinquennat.

Or sa prestation ne donne guère d’espoir pour l’avenir. Sans aucun doute quant à sa supériorité, on ne peut que craindre qu’il continue à exercer le pouvoir comme il l’a fait précédemment, en ne se sentant engagé envers personne et ne rendant de comptes qu’à lui-même. Dans un pays déjà abîmé, le résultat risque d’être très négatif. Il s’est montré très content de lui et n’a guère eu l’air d’avoir appris de cinq ans d’exercice du pouvoir. Pourtant, la crise des gilets jaunes ou celle des retraites ont montré à quel point la France était en train de se diviser. Or, l’absence d’engagement et de perspectives que dégage la prestation d’Emmanuel Macron n’est pas une bonne nouvelle à l’issue de ce débat. Sa posture, qui ne témoigne ni d’une prise de conscience ni d’une prise de hauteur, encore moins de la découverte d’un lien charnel avec le pays et ses habitants, alors même qu’il sait la réélection assurée, n’est pas rassurante. Il est encore et toujours manager de la start-up nation et pas président de la République française.

A l’issue de cet exercice de style, je ne trouve pas qu’il y ait un vainqueur à ce débat. En revanche, il y a bien une perdante, la France, qui va continuer à être dirigée comme une entreprise alors qu’elle est en pleine crise démocratique. Quant au RN, comme à n’importe quelle autre formation qui ne serait pas pressée d’aller à la gamelle et de rejoindre le parti unique autour de la majorité présidentielle, tous les espoirs lui sont permis dans cinq ans, tant cette présidentielle ne porte ni promesse ni élan. C’est à la continuation du mépris de classe érigé en supériorité morale que nous sommes invités à adhérer. Pas étonnant que cela se termine par des votes par défaut et une rupture du consentement social. Loin d’être une catharsis, l’élection d’Emmanuel Macron apparaît lourde d’orages à venir.

Emmanuel Macron: «Je suis les autres»

Il a lu Rimbaud et il n’a rien compris.


Emmanuel Macron, on est bien payé pour le savoir, est connu pour goûter le théâtre. On sait aussi qu’il n’est pas insensible à la musique : nous gardons tous en mémoire le souvenir impérissable de la partie endiablée organisée au Palais de l’Élysée lors de l’édition de l’une des dernières Fêtes de la musique. On connaissait moins, toutefois, son penchant pour la peinture, le jardinage et la poésie. Il nous les a, pour notre plus grande joie, révélés lors du meeting qu’il donna, sous le soleil de Marseille ainsi qu’à l’occasion de ses derniers déplacements de campagne.

Dans la Cité phocéenne, notre candidat n’a pas hésité, en effet, à sortir le rouleau pour barbouiller son programme. Force est de constater qu’il sut trouver d’instinct la juste saturation et la luminosité d’un improbable mélange de rouge et de vert, ce, afin de séduire « en même temps » les électeurs de Yannick Jadot et ceux de Jean-Luc Mélenchon.

Pour ce faire, reprenant à son compte, avec la modestie qu’on lui connaît, le modèle de la formule attribuée à Malraux, notre nouveau chantre de la Nature s’est écrié, face à un parterre clairsemé : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » Il précisa ensuite qu’il comptait nommer un futur premier ministre « directement chargé de la planification écologique. » Tout de suite, on respira, rassuré quant à l’avenir de la planète, d’autant plus que notre amateur des jardins se proposait de planter 140 millions d’arbres…

C’est pour Malraux, encore, que nous avons eu, lors de ce meeting, à nouveau, une pensée. Impossible de ne point songer au livre dans lequel cet illustre ministre de la culture relata ses dernières conversations avec le Général de Gaulle, livre qu’il intitula : Les chênes qu’on abat. Ce titre fait du reste allusion aux deux vers illustres écrits par Victor Hugo dans son hommage à Théophile Gautier défunt : « Oh ! quel farouche bruit font dans le crépuscule les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule. » Ce qui nous entraîne, mine de rien, vers la poésie. Mais, patience, poursuivons notre réflexion…

Sans pouvoir retenir l’esquisse d’un sourire moqueur, nous avons immédiatement songé : notre président est décidément un homme de Lettres doublé, nous l’allons voir, d’un subtil poète.

Bon évidemment, me direz-vous, il s’agit ici non pas d’abattre, mais de planter, nous nous en réjouissons. Du reste notre orateur aurait pu sans peine, nous y avons heureusement échappé, nous gratifier d’un autre des vers habilement remaniés dont il a le secret : « Un seul arbre vous manque et tout est dépeuplé. »

Nous suggérons quand même à notre paysagiste en herbe d’opter pour 140 millions de roseaux, plus à même de célébrer dignement la souplesse légendaire qu’on lui reconnaît tous. Et puis, comme chacun sait, « le roseau plie, mais ne rompt pas. » Nous aurions alors, là, un projet horticole sûr et en parfaite adéquation avec la royale image de son instigateur.

Mais notre thaumaturge ne s’en est pas tenu au simple projet de plantation évoqué : avec le sens du spectacle qu’on lui connaît, hérité peut-être, du Roi-Soleil, notre monarque a en effet proposé la mise en place d’une « fête de la nature », projet qui n’a pas manqué d’enthousiasmer Jack Lang.

Mélenchon, Jadot, Jack Lang, décidément chez Emmanuel Macron : « Je est un autre. », ce qui nous fait heureusement retomber, avec Rimbaud, sur la poésie !

Profitons-en pour rappeler, au passage, que le jeune prétendant à sa propre succession ne fut pas non plus sans massacrer quelques vers du poème « Green » de Paul Verlaine, lors de son déplacement à Mulhouse. Dénonçant, selon le quotidien La Provence, « les carabistouilles de madame Le Pen », il n’hésita pas, en effet, à ajouter sentencieusement, alors qu’il évoquait les mesures de celle-ci en faveur du pouvoir d’achat et des retraites : « Et c’est sûr que si on arrive à l’élection présidentielle en disant : « Je n’ai que du sucré et du miel et voici des feuilles et des branches. Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous » pour reprendre les beaux vers (…) c’est un poème, pas la réalité. ».

Cuistrerie, quand tu nous tiens… Il aurait été préférable, tant qu’à faire, qu’Emmanuel Macron restituât justement les vers de Verlaine qui, certainement, n’avait pas prévu de mentionner les ingrédients « sucré » et « miel » indispensables à la réalisation de la pâtisserie orientale…

Pour mémoire voici la strophe dont il est question :

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.

Après Verlaine, c’est tout naturellement que nous retournons à Rimbaud. Le poète dans sa formule paradoxale « Je est un autre », issue de la Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, met en question la frontière entre identité et altérité.

 « Je est un autre » : cette phrase étrange qui résume ce vers quoi doit tendre le poète, pour Rimbaud, convient tout particulièrement au chef de l’État, champion toutes catégories de la palinodie, de l’agrégation et de la récupération d’idées. La formule permet de s’interroger sur le rôle de l’autre dans la formation de l’identité et aussi de se demander comment on peut être autre à soi-même.

 Il s’avère, là, encore une fois pour notre plus grand plaisir, qu’Emmanuel Macron réalise aussi, à sa façon, le projet poétique d’Arthur Rimbaud. Notre Président est, en effet, le pilleur d’idées par excellence tout comme Rimbaud est « le voleur de feu ».

Notre génial Jupiter, s’appropriant les idées des autres et, de fait, devenant par-là même les autres, pourrait sans peine affirmer, comme le fit Rimbaud, toujours dans sa lettre à Demeny : « Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs et vient d’un bond sur la scène. »

Quand on poursuit plus avant la lecture de cette lettre dite « du voyant », à Paul Demeny, on est de plus en plus troublé par la ressemblance entre cette conception du poète qu’a Rimbaud et l’image que tente de nous donner de lui-même Emmanuel Macron à travers ses propos et ses agissements, voyez plutôt : « il (le poète) donnerait plus – que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !  (…) »

C’est Emmanuel Macron tout craché, ça ! « Ça » parle en lui ! Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot pour l’écologie, l’abaissement de l’âge de la retraite et la proportionnelle à nouveau envisagée, pour absorber un peu de Marine Le Pen. Il manque juste un zeste de Zemmour pour les sujets régaliens et là, on est bon ! « Je suis les autres ! », pourrait, du reste, tout aussi bien affirmer notre Jupiter.

« Puisque je ne suis pas capable de choisir, je prends le choix d’autrui. » a dit Michel de Montaigne … Il y a certainement aussi du philosophe chez notre Prince des Lumières.

Je me remémore enfin cette pétition d’intellectuels soutenue par Roselyne Bachelot (Elle vécut à cette occasion un grand moment de son passage au ministère de la Culture.) qui demandait l’entrée conjointe d’Arthur Rimbaud et de Verlaine au Panthéon. Emmanuel Macron, respectant l’opposition de la famille du poète des « Illuminations » à ce projet, le rejeta. C’est pourquoi nous suggérons la future panthéonisation de notre grand chef d’état en lieu et place de celle de nos deux illustres poètes qu’il semble affectionner. Mais cela serait-il vraiment un hommage rendu à leur mémoire ?

La tour Eiffel rit jaune

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Femme à l’Exposition universelle de Paris, Luis Jiménez Aranda, 1889 (Détail) © Wikimedia Commons

L’actuelle rénovation de la Dame de fer a révélé sa couleur d’origine: rouge! Au lieu de restituer cet esprit Belle Époque, polychrome et fantaisiste, les travaux s’achèveront pour les JO de 2024 par un badigeonnage à la peinture jaunâtre. Un mauvais goût à la hauteur de l’événement.


Tous les sept ans environ, on repeint la tour Eiffel pour éviter qu’elle rouille. Cette fois-ci, pour la vingtième campagne, il a été décidé d’en faire davantage. On s’est lancé dans des études, on a fait des sondages, on a décapé les couches de peinture accumulées, jusqu’à faire apparaître par endroits la couche initiale. À l’origine, il y avait une polychromie en cinq tons, allant d’un rouge atténué (parfois qualifié de rouge de Venise) à l’ocre jaune. Le premier étage était couronné d’arcades métalliques richement ornées et peintes en ces divers tons. En 1889, année de son inauguration, la tour Eiffel était bien plus fantaisiste que celle que nous avons aujourd’hui sous les yeux !

La « tour Sauvestre »

Pour l’exposition de 1889, Gustave Eiffel (1832-1923) veut montrer que la France n’est pas diminuée par la défaite de 1870. S’il commande à ses ingénieurs une tour remarquable par sa hauteur, il comprend vite que cet objet purement technique est décevant. Il ne répond pas à l’exigence de synergie des sciences et des arts propre aux expositions universelles. Eiffel confie donc à un architecte de grand talent la mission de transformer cette tour en un objet à la fois technique et artistique. Cet homme, c’est Stephen Sauvestre (1847-1919). Formé à l’École spéciale d’architecture (ESA), créée dans le sillage de Viollet-le-Duc pour échapper au conformisme haussmannien, Sauvestre redessine le profil de la tour et l’enrichit d’une élégante décoration, surtout au premier étage et au sommet. Enfin, il y déploie la polychromie. Bref, la tour, qui aurait dû s’appeler « tour Sauvestre », est une merveille de la Belle Époque.

Femme à l’Exposition universelle de Paris, Luis Jiménez Aranda, 1889 © Pierre Lamalattie – Wikimedia Commons

Couleur muraille

Les critiques ne se font pas attendre. Une réaction classicisante dénonce une tour en métal – matériau peu noble – et surtout sa couleur rouge. Quand vient le moment de la repeindre pour conjurer la rouille, Eiffel choisit des teintes se rapprochant insensiblement de la pierre. En outre, il n’a plus envie de se casser la tête avec la polychromie voulue par son architecte. En 1907, quatrième campagne de ravalement, on en arrive à un insipide badigeon beigeâtre-marronnasse simplement éclairci en partie haute pour éviter que, par effet d’optique, il paraisse plus sombre.

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À cette époque, on parle aussi de détruire le monument. Cela inquiète le général Ferrié (1868-1932), pionnier des télécommunications. Ce dernier met donc à profit la tour pour développer les radio-transmissions militaires, ce qui sera très utile durant la Grande Guerre. Pour pérenniser l’édifice, il se lance aussi dans une opération de glorification de Gustave Eiffel et commande à Bourdelle, vers 1900, une statue de l’ingénieur qui ne sera inaugurée qu’en 1929 ! Statufié six ans après sa mort au pied de la tour, Eiffel fait oublier Sauvestre, l’auteur véritable. Dans cette affaire, l’erreur a été d’honorer le maître d’ouvrage au détriment de l’architecte.

1937, brutalisation artistique

Cet oubli porte en germe l’outrage le plus grave, intervenu en 1937. C’est l’année de la calamiteuse exposition internationale qui ne se qualifie plus d’universelle. Les organisateurs ont la mauvaise idée de demander aux pays participants de s’exprimer sur la façon dont ils voient l’avenir et conçoivent la modernité. Les pays exposent, tout bonnement, des projets de société.

Le « rouge Venise » d’origine © Pierre Lamalattie – Wikimedia Commons

L’Allemagne nazie édifie un inquiétant pavillon faisant face à celui, non moins menaçant, de l’Union soviétique. Nombre de pays font de même, à plus petite échelle. Il est beaucoup question de héros musclés, de déploiement de force et de technique. La France s’inscrit dans ce mouvement de brutalisation : le palais néo-byzantin du Trocadéro est détruit et la tour Eiffel purgée de tous ses décors. La Dame de fer affiche depuis cette allure de grand pylône, tout en poutrelles, que seuls égayent les éclairages multicolores mis en place depuis 1985.

Le « bon goût » et ses ravages

À l’approche des JO de 2024, la Ville de Paris a prévu un budget pharaonique de 40 millions d’euros, suivis bientôt de 70 autres, pour rénover l’axe Trocadéro-Champ-de-Mars. Mais personne n’a pensé à une chose simple : restaurer la tour Eiffel ! Pourtant, cela éblouirait davantage le monde que les pauvres « végétalisations » voulues par la Mairie.

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Aujourd’hui, il n’est malheureusement question que de repeindre la tour. Le dossier a été confié à un architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier, également membre de l’Académie des beaux-arts. Des sondages et études savantes ont été menés. On apprend que c’est aussi « l’occasion de questionner l’importance de la mise en peinture ». Autrement dit, de se demander quelle couleur retenir. Sont écartées la teinte actuelle (en place depuis 1968) qui a au moins la légitimité de l’existant, ainsi que la couleur d’origine et sa polychromie, voulue par Sauvestre. L’authenticité serait-elle autre chose que la fidélité à l’auteur ? Pour Gatier, il semble que oui, puisqu’il écrit que « le principe de restitution de la couleur d’origine ou de conservation des dernières mises en teinte a été abandonné au profit d’une vision globale prenant en compte toute l’histoire du monument ». Que veut-il dire ? Parmi les teintes successives, il en retient arbitrairement une : celle de la quatrième campagne (1907), une sorte de bouillie beigeâtre un peu plus jaune que la teinte actuelle. Pourquoi choisir la quatrième couleur plutôt que la troisième, la deuxième ou encore une autre ? Le « bon goût » a ses raisons que la raison ignore. Contactée à de multiples reprises, l’agence concernée n’a pas souhaité nous répondre.

La tour Eiffel, qui n’est même pas classée monument historique (elle est seulement inscrite à l’inventaire supplémentaire), a été victime des outrages, des incompréhensions et du « bon goût » dont pâtissent encore aujourd’hui les témoignages de la Belle Époque. On dispose pourtant de plans extrêmement précis qui permettraient de recréer les décors perdus et leurs couleurs. Qu’il serait enthousiasmant que ce monument retrouve sa splendeur d’origine !

Frères d’armes

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© Ufo Distribution

Malgré un scénario de polar tiré par les cheveux, il faut voir le beau « Sentinelle sud » de Mathieu Gérault, qui raconte la vie d’après des soldats engagés dans les opérations extérieures.


Revoilà Lafayette, Christian de son prénom. Un jeune vétéran mal remis du conflit afghan (le pauvre garçon reste incontinent) où lui et ses camarades ont été pris dans une embuscade – on n’en saura pas davantage. Pupille de la nation adopté puis élevé par un « grand-père » paysan, ce beau gosse au parcours chaotique s’était trouvé dans l’armée française une nouvelle famille et, sous l’emprise d’un commandant qui « n’abandonne jamais ses enfants » (sous les traits burinés du comédien mythique Denis Lavant), il se soumet de bonne grâce à l’autorité d’un père de substitution…

Pas du tout adapté à la vie civile, toujours en proie à une souffrance psychique incontrôlable, notre Lafayette reste fidèle à ses frères d’armes rescapés : un kabyle français durablement écartelé entre les deux rives de la Méditerranée (Sofian Khammes, qui joue fort bien du second degré et de la parodie), et Henri, un petit gars souffreteux que ses séquelles mentales ont conduit à l’hôpital psychiatrique, sous la garde d’une soignante « ergothérapeute » – c’est comme ça qu’on dit – (dans le rôle, India Hair, qu’on a pu voir tout récemment dans « En même temps », la dernière bouffonnerie du duo Kevern &  Delépine), enceinte ici d’un fouteur anonyme, et avec qui Christian s’essaiera à une liaison sans lendemain…

Sur cet imbroglio social se greffe une improbable dimension policière: soupçonnant un trafic d’opium sous le couvert des interventions de la troupe chez les autochtones, la « grande muette » se livre à enquête interne visant à déterminer les causes exactes de ce carnage suspect. Menacés par une bande de malfrats gitans privés de la cargaison attendue, notre héros, son pote et un comparse, pied nickelés peu aguerris en matière de cambriolage, tentent, pour rembourser la dette, une attaque de bijouterie qui n’a pas le succès escompté… Lafayette en réchappe in extremis, et parvient à se mettre à l’ombre. On ne déflorera pas la teneur de l’épilogue. Disons seulement qu’il lui fera renouer, dans un même mouvement, avec l’enfance et avec la mémoire du défunt grand-père…

Au-delà de l’invraisemblance absolue du scénario (car enfin, dans tout ça, que fait la police !), ce premier film étrange, composite et nerveux diffuse une poétique de l’amitié virile qui n’est pas sans aller droit au cœur. Mais surtout, à son épicentre, plus de dix ans après avoir croisé, dans « J’ai tué ma mère » et « Les amours imaginaires », l’immature cinéaste-acteur tellement tête-à-calques à force de narcissisme, son compatriote Xavier Dolan, le comédien franco-québécois Niels Schneider y campe avec un talent sans pareil cette « sentinelle », vigie de la haute camaraderie, à la fois brutale, instinctive et vulnérable: avatar de ce que fut dans son jeune âge un Pierre Schoendoerffer, pourvu comme lui de cette même gueule d’adolescent tardif mâtiné de mauvais ange précocement abîmé par la vie. Ainsi une intrigue mal couturée parvient-elle à tisser, sans afféterie, un beau drame humain servi par des acteurs impeccables.        

 « Sentinelle sud ». Film de Mathieu Géraud Avec Niels Schneider, Sofiane Khammes, India Hair, Denis Lavant, Thomas Daloz, David Ayala.  France, couleur. Durée : 1h38.  En salles le 27 avril.

Gad Saad: «Le point commun de tous les virus de l’esprit est le rejet de la vérité pour défendre une idéologie»

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Gad Saad, professeur de sciences comportementales évolutives à l’université Concordia, à Montréal. © D.R.

Gad Saad, professeur de sciences à l’université Concordia de Montréal, est un adversaire résolu du « wokisme » et de la « cancel culture ». Son livre, The Parasitic Mind, publié en anglais en 2020, vient de paraître en français aux éditions FYP. Aujourd’hui, Causeur est fier d’en publier les bonnes feuilles…


Juif libanais contraint de fuir son pays à l’époque de la guerre civile, sachant mieux que quiconque ce que c’est que d’être victime de préjugés et de persécutions, il rejette la victimologie actuelle qui nous réduit tous au statut d’oppresseur ou d’opprimé. Son attaque contre l’obscurantisme progressiste allie de solides connaissances scientifiques à un humour désopilant. Extraits…


« Lorsque nous pensons à une pandémie, l’image qui nous vient souvent à l’esprit est la peste noire, la grippe espagnole, le sida ou la Covid-19, des maladies infectieuses mortelles qui se propagent rapidement à travers le monde et causent des souffrances humaines inimaginables. L’Occident souffre actuellement d’un autre genre de pandémie, une maladie collective qui détruit la capacité́ des individus à penser rationnellement. Contrairement aux autres épidémies, où la responsabilité́ revient aux agents pathogènes biologiques, le coupable à l’œuvre aujourd’hui est constitué́ d’un ensemble de fausses théories, nées principalement sur les campus universitaires, et qui ébranlent les fondements même de la raison, de la liberté́ et de la dignité́ individuelle. Ce livre identifie ces éléments pathogènes, traite de leur propagation dans tous les secteurs, comme la politique, les affaires, ainsi que notre culture, et propose des moyens de nous immuniser contre leurs effets dévastateurs.

(…)

Ces concepts pathogènes détruisent notre compréhension de la réalité, au mépris de tout bon sens, aboutissant à des affirmations telles que : l’art invisible est une forme d’art, toutes les différences entre les sexes sont dues à une construction sociale, ou encore certaines femmes auraient des pénis de dix centimètres.

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(…)

Lorsqu’on leur demande quel est l’animal qu’ils craignent le plus, la grande majorité d’entre nous mentionne généralement les grands prédateurs (le grand requin blanc, le crocodile, le lion, l’ours) ou peut-être les scorpions, les araignées ou les serpents — les humains ont développé une prédisposition à de telles phobies. Or, l’animal qui a tué le plus grand nombre d’êtres humains au cours de l’histoire est absent de cette liste : il s’agit du moustique. Il se trouve que j’ai une profonde phobie des moustiques. Je ne compte pas le nombre de nuits où j’ai tenu ma femme éveillée dans une chambre d’hôtel (généralement lors de nos vacances aux Caraïbes) pour chasser un moustique insaisissable. Je dis souvent à mon épouse qu’il s’agit d’une phobie plutôt «sensée». Il est en effet plus logique de craindre le moustique que d’être obsédé par l’attaque d’un grand requin blanc. Les moustiques tuent en transmettant à leurs victimes des agents pathogènes mortels, dont la fièvre jaune (virus) et le paludisme (parasite). Au cours de son évolution, l’homme a été exposé à des menaces existentielles telles que les agents pathogènes comme la tuberculose (bactérie), la lèpre (bactérie), le choléra (bactérie), la peste bubonique (bactérie), la polio (virus), la grippe (virus), la variole (virus), le VIH (virus) et Ebola (virus). La bonne nouvelle, c’est que nous avons trouvé des moyens d’atténuer, voire d’éradiquer, bon nombre de ces dangers grâce à une meilleure hygiène, l’assainissement des eaux, la vaccination, ainsi que des solutions plus simples comme les moustiquaires.

L’objectif central de ce livre est d’explorer d’autres agents pathogènes qui sont potentiellement aussi dangereux pour la condition humaine : les idées pathogènes qui parasitent l’esprit humain. Il s’agit de structures mentales, de systèmes de croyance, de postures et d’idéologies qui perturbent la capacité d’une personne à réfléchir correctement. Lorsque ces virus de l’esprit s’emparent des circuits neuronaux d’une personne, celle-ci perd sa capacité à raisonner et à faire appel à la logique, la raison et la science pour explorer le monde. Elle sombre alors dans un profond abîme irrationnel, caractérisé par un rejet catégorique de la réalité, du bon sens et de la vérité. Le règne animal regorge d’exemples de pathogènes qui, une fois qu’ils ont infecté le cerveau d’un organisme, produisent des résultats plutôt morbides, comme la stérilité de l’hôte (castration parasitaire), voire sa mort réelle (l’hôte se suicide).

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(…)

À l’instar des parasites du cerveau qui poursuivent des objectifs de reproduction en tirant profit de leurs hôtes, les virus parasites de l’esprit humain fonctionnement de la même manière, en trouvant des moyens astucieux de se répandre dans une population donnée (par exemple, en incitant les étudiants à s’inscrire dans des départements d’études de genre), dans le but de rendre l’esprit imperméable à la pensée critique. Parmi les virus de l’esprit humain figurent le postmodernisme, le féminisme radical et le constructivisme social, qui prospèrent tous dans un seul écosystème infecté : l’université. Voici un schéma plus complet de ces parasites qui mettent en péril l’engagement occidental en faveur de la liberté, de la raison et de la démocratie et entraînent la mort de l’Occident à petit feu :

Bien que chaque virus de l’esprit constitue une souche différente d’aliénation mentale, ils sont tous liés par le rejet total de la réalité et du sens commun (le postmodernisme rejette l’existence de vérités objectives ; le féminisme radical s’étouffe à la simple idée qu’il existe des différences biologiques entre les femmes et les hommes ; et le constructivisme social postule que l’esprit humain commence comme une feuille vierge dépourvue de caractères biologiques). J’ai nommé́ cette catégorie de virus de l’esprit «syndrome parasitaire de l’autruche» (SPA), à savoir diverses formes de pensée désordonnée qui conduisent les personnes atteintes à rejeter des vérités et des réalités aussi évidentes que la force de gravité. Tous les cancers partagent le même mécanisme de prolifération de cellules incontrôlée dans l’organisme ; de manière analogue, le point commun de tous les virus de l’esprit est le rejet de la vérité pour défendre une idéologie. La tribu idéologique à laquelle on appartient varie selon les virus de l’esprit, mais le but est toujours de défendre son dogme, y compris en bannissant la vérité et la science. Mais tout n’est pas perdu pour autant. Le syndrome parasitaire de l’autruche n’est pas forcément une maladie mortelle pour l’esprit humain. Rappelons que de nombreux agents pathogènes biologiques sont vaincus par des stratégies d’intervention ciblées (comme le vaccin contre la polio). Il en va de même pour les personnes atteintes du SPA et d’autres virus de l’esprit. L’inoculation prend la forme d’un vaccin cognitif en deux étapes :

1) fournir aux personnes atteintes du SPA des informations exactes ;

2) s’assurer que les personnes atteintes du SPA apprennent à traiter l’information selon les principes probants de la science et de la logique.

Si nous ne gagnons pas la bataille des idées, les ennemis de la raison, ainsi que les virus de l’esprit qu’ils promulguent, conduiront nos sociétés libres à une autodestruction insensée ».

A lire: Les Nouveaux virus de la pensée : Wokisme, cancel culture, racialisme… et autres idéologies qui tuent le bon sens (préfacé par Mathieu Bock-Côté), FYP Editions, avril 2022

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Sur France Inter, Emmanuel Macron s’assure du vote bobo

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Emmanuel Macron au micro de France Inter, 22 avril 2022. Capture d'écran YouTube.

Pour le dernier jour de la campagne électorale, le président sortant s’était invité sur la radio publique. Les journalistes de la station se sont montrés très polis.


La presse dans sa presque entièreté, des présidents d’université, des préfets, des étudiants et des professeurs, des comités, des syndicats, des associations, des artistes, des sportifs, etc. appellent depuis quinze jours à « faire barrage à l’extrême-droite ». France Inter, qui participe tel un castor stakhanoviste à la construction de ce barrage depuis le début de la campagne, ne pouvait pas, à deux jours des élections, ne pas donner un dernier coup de pouce à son candidat naturel, Emmanuel Macron.

Lors de cette matinale du 22 avril, dernier jour de la campagne officielle, la radio la plus écoutée de France n’a pas hésité à mettre les petits plats dans les grands.

Mise en bouche

À 7h20, la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, commence les hostilités. Marine Le Pen n’est pas féministe. Soit, elle a dit qu’elle ne reviendrait ni sur le remboursement de l’IVG ni sur le mariage pour tous, mais cela relève d’une « stratégie de banalisation » qui dissimule mal « quelques constances (sic) ». En effet, dit Mme Mailfert, en plus de vouloir interdire le voile islamique, Marine Le Pen a des « propositions anti-immigrés » qui « taisent le fait que la majorité de ceux qui franchissent les frontières de la France sont des femmes qui, bien souvent, fuient des violences. » Mme Mailfert dit une bêtise: la très grande majorité de ceux qui franchissent nos frontières sont… des hommes, plutôt jeunes – dont certains, malheureusement, se livrent à des agressions sexuelles répétées, peu punies, qui devraient l’inquiéter au moins autant que le port du voile des petites filles de plus en plus fréquent dans certains quartiers de l’hexagone. La semaine dernière, la présidente de la Fondation des femmes déclarait déjà dans une chronique précédente qu’elle allait voter Macron.

A lire aussi, Gilles-William Goldnadel: «Le scandale France Inter devrait être un thème majeur de la campagne»

Entrées

À 7h45, Dominique Seux et Thomas Piketty se livrent à un joli numéro de duettistes. Tous les deux, pour des raisons contradictoires, sont d’accord pour dire que l’élection de Marine Le Pen mettrait en péril l’Europe, c’est-à-dire, dans leur esprit, l’Union Européenne. Dominique Seux ne cesse depuis quinze jours de parler du Frexit que Marine Le Pen cacherait dans sa manche. Le danger est si grand, dit-il, que Le Monde a fait paraître l’appel alarmiste du chancelier allemand et des premiers ministres espagnols et portugais. Ces derniers imploreraient « les électeurs de gauche de ne pas faire d’erreurs ». Dominique Seux traduit pour les mal-comprenants : si la droite nationale passe à cause des électeurs mélenchonistes qui se seront abstenus, l’Europe est en danger de mort.

Plat de résistance

8h20. Léa Salamé et Nicolas Demorand reçoivent, dans leur « matinale spéciale présidentielles » de plus d’une heure, Emmanuel Macron. Notons que la matinale spéciale de Marine Le Pen a eu lieu le… 12 avril – autant dire une éternité, dans le temps médiatique – et que celle du président-candidat a donc lieu, comme par hasard, très exactement deux jours avant les élections et deux jours après le débat qui l’a opposé à son adversaire, ce qui lui laisse toute latitude pour revenir sur ses propos, les répéter, les affiner, et tenter de souligner à nouveau les supposées failles du programme de Marine Le Pen.

L’entretien commence par une affabulation. Marine Le Pen, dit M. Macron en évoquant le débat, ne fait aucune distinction entre islam, islamisme et terrorisme. Léa Salamé a l’honnêteté de lui rétorquer que la candidate du RN n’a jamais pensé ou dit ça. Peu importe pour Emmanuel Macron : sa position sur le voile laisse accroire que si elle ne l’a pas dit, elle le pense. C’est d’ailleurs pour lui un des « fondamentaux » pour définir l’extrême-droite, auquel il faut ajouter le questionnement sur notre Constitution (qui devient dans sa bouche le « non-respect de notre Constitution »), l’interrogation inquiète sur la souveraineté française confrontée aux diktats de l’UE (qui devient dans sa bouche « vouloir sortir d’une Europe qui protège les individus »), etc. « Les fondamentaux de l’extrême-droite sont là », dit le candidat. Aucun journaliste ne relève la nullité de cette affirmation – si ces assertions sont les fondamentaux de l’extrême-droite, tous les partis ou mouvements politiques français ont à un moment ou à un autre de leur histoire été d’extrême-droite. Est donc d’extrême-droite, pour le candidat Macron, tout mouvement ou personne politique qui s’interrogent sur le régime présidentiel, sur les instances institutionnelles, sur l’organisation des lois dans le cadre de plus en plus contraint de l’UE, sur l’indépendance de la France, et même sur une idéologie religieuse qui impose dans certaines villes des changements radicaux dans les rapports entre les hommes et les femmes. Il faudra s’en souvenir.

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Durant cette matinale, l’épineuse question de l’insécurité a été posée, et les échanges se sont en particulier concentrés sur l’inquiétante hausse des agressions aux personnes. M. Macron répond de la même hallucinante façon que lors du débat. Il a bien réfléchi : sa priorité pour diminuer cette insécurité c’est de s’occuper des… “féminicides”. Quid des 1800 agressions par jour en France, dont 100 à 200 attaques à l’arme blanche ? Quid des policiers agressés et blessés lors d’interpellations dans les « quartiers sensibles » ? Quid des commissariats assiégés, visés par des tirs de mortier ? Quid des pompiers et des ambulanciers attirés dans des guets-apens, caillassés, insultés ? Quid de Sarah Halimi, Mireille Knoll, Jeremy Cohen, tués parce que juifs ?

Quand c’est flou il y a un loup !

Comme lors du débat télévisé, pas un seul mot sur cette insécurité réelle, quotidienne, en continuelle augmentation. L’évocation du rapport entre l’immigration clandestine et l’insécurité est sagement évitée.

Il est pourtant impossible que le président de la République ne soit pas au courant de tout cela. C’est donc délibérément qu’il ne répond pas à la question posée, soit parce qu’il n’en a rien à faire, soit parce qu’il a compris que cette insécurité a pris une telle ampleur que les prochaines mesures qui pourraient (devraient ?) être prises seront d’une toute autre nature que de simples interpellations policières. Dans tous les cas, il ment, au moins par omission, aux Français.

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Notons enfin que cet entretien entre le candidat Macron et les journalistes france intériens a été pour le moins… courtois. Marine Le Pen n’avait pas eu cette chance. Elle avait été sans cesse interrompue, en particulier par Thomas Legrand et Dominique Seux qui, désireux de sortir enfin des canines élimées par cinq ans de macronisme, ne l’avaient laissée finir aucune phrase. Avec M. Macron, l’exercice s’est avéré plus difficile. D’abord, on sentait bien que les journalistes n’avaient pas l’intention d’interrompre le candidat. Ensuite, ce dernier a appris à dire la même chose creuse de cent façons différentes, avec cet air à la fois faussement inspiré et véritablement arrogant que semblent redouter ses interlocuteurs, et sur un ton qui ne laisse aucun doute sur le fond de sa pensée que je traduis ici : « C’est moi que je sais, c’est moi que je suis le meilleur, c’est moi que je vais te montrer comment hypnotiser l’auditoire en ne disant fondamentalement rien, en omettant l’essentiel, en promettant la même chose qu’il y a cinq ans, en faisant de tous les thèmes (handicap, éducation, climat, jeunesse, violences conjugales, agriculture) « le cœur de mon programme », c’est-à-dire en me fichant bien des Français qui vont vraisemblablement m’élire à nouveau et qui n’ont pas compris que mon dernier mandat va être la consécration de mon véritable projet : faire de la France une sous-région européenne, une vague et pauvre province aux marges du monde global rendue impuissante par l’UE et surtout par l’Allemagne, dépendante des États-Unis, ouverte à toutes les migrations, promise à toutes les exactions économiques et civilisationnelles. »

Qu’est-ce que ce fonds souverain français sur lequel repose le programme économique de Marine Le Pen?

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Conférence de presse de présentation du chiffrage du programme de Marine Le Pen, 23 mars 2022, Paris © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA

La candidate du Rassemblement national parie sur un ambitieux fonds souverain français, dont les médias ont très peu parlé.


Les dix plaies d’Égypte

Même nos prix Nobel d’économie s’y sont collés. Pour Jean Tirole et Esther Duflo, le programme économique de Marine Le Pen est assimilé aux dix plaies d’Égypte.

Il est vrai que les médias, le patronat, les syndicats, les économistes mainstream et tout ce que la sphère parisienne des leaders d’opinion de tous poils comporte en donneurs de leçon, se sont ligués entre les deux tours de l’élection présidentielle 2022 pour couvrir de cendres le programme économique et social de Marine Le Pen. Probablement un peu poussés par les grands propriétaires de journaux.

Il est vrai aussi que la très professionnelle éleveuse de chats a privilégié la présentation de mesures choc et ponctuelles tout au long de sa campagne, centrées sur le pouvoir d’achat des Français (le pouvoir des chats…): suppression de la contribution audiovisuelle, baisse des péages autoroutiers de 15% et exonération d’impôt sur le revenu des jeunes de moins de trente ans dès juin 2021, baisse de la TVA de 20% à 5,5% sur les produits énergétiques en septembre 2021, passage à 0% de la TVA sur 100 produits de première nécessité en mars 2022. Bien loin de la « Big picture », chère à McKinsey et autres Rothschild & Co.

Une conférence dite « Chiffrage », présentée en grandes pompes en mars 2022 devant la fine fleur journalistique, a parachevé le travail : enfin, du sérieux budgétaire, gage avancé d’une crédibilité gagnée de haute lutte depuis l’article fondateur paru dans L’Opinion en février 2021 : « une dette, cela se rembourse ». En face de 68,5 milliards d’euros de dépenses budgétaires nouvelles, des baisses de TVA tous azimuts au renforcement du budget de la Défense, en passant par le rétablissement de la demi-part fiscale pour les veuves, ne trouve-t-on pas, à la décimale près, 68,5 milliards d’euros d’économies et de recettes fiscales nouvelles ?

Au premier rang desquelles l’impôt sur la fortune financière (IFF) remplace l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et rapporte 2 milliards d’euros par an. Tout un symbole. On taxe le vilain spéculateur, celui qui achète cher de l’art contemporain surcoté, pour le vendre encore plus cher quatre ans après, avant que les cours ne s’effondrent. Le président des riches n’a qu’à bien se tenir. Désormais, l’enracinement et la résidence principale, pardon unique (vous avez le choix entre votre résidence principale ou votre résidence secondaire pour sortir de l’assiette fiscale votre lieu de villégiature préféré…), sont favorisés.

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Ingrats, les divers think tanks et autres instituts d’études économiques, tels l’Institut Montaigne ou l’IFRAP d’Agnès Verdier-Molinié, étrillent le chiffrage de l’équipe de campagne de Marine Le Pen. Un grand classique pour Le Monde : des dépenses sous-évaluées et des recettes sur-évaluées. Les experts soulignent notamment l’irréalisme des 15 milliards d’euros récupérés sur la fraude fiscale et sociale ainsi que des 16 milliards d’euros d’économies sur les budgets sociaux avec l’instauration de la priorité nationale. Au lieu d’une compensation à l’euro l’euro, le déficit budgétaire annuel s’alourdirait d’une centaine de milliards d’euros, une paille. Petite consolation : le programme d’Emmanuel Macron est lui aussi considéré comme non financé, mais est-ce un problème dans cet univers où le « quoi qu’il en coûte » est devenu une marque de modernité et de courage politique devant la tyrannie des grands équilibres ?

La croissance, clé du redressement français

Les commentateurs autorisés sont en fait passés totalement à côté du cœur du programme économique et social de Marine Le Pen. Ceux qui l’ont compris, et ils sont peu nombreux – quelques éminents membres du conseil d’analyse économique (CAE), quelques grands sachants de la sphère économique et financière institutionnelle – se sont bien gardés de s’exprimer publiquement. La candidate a eu l’occasion de s’exprimer mezzo voce sur sa trajectoire de finances publiques devant divers cercles patronaux (ETHIC, Medef et CPME notamment), sans qu’une grande conférence de presse ne l’ait sanctifiée. Un « bug » purement technique dans une campagne présidentielle menée avec brio et sans faute jusqu’au premier tour. Mais qui s’intéresse en France aux sujets de fond, comme une trajectoire de finances publiques, ennuyeux par essence et peu vendeurs médiatiquement ? On ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance, comme on le disait déjà en mai 1968.

Or, c’est précisément la croissance qui est au cœur du programme de Marine le Pen. La croissance naturelle française – pour faire simple, si l’on ne fait rien de plus que ce que l’économie délivre par elle-même – est de l’ordre de 1,2 à 1,4% par an. La croissance est ainsi  portée à 2,5 % par an tout au long du quinquennat 2022/2027. Rien de faramineux : malgré deux chocs pétroliers, la croissance des années 70 a dépassé 3% par an.

Le fonds souverain français

Par quelle alchimie ? Le fonds souverain français (FSF).

Derrière cet acronyme très bleu, blanc, rouge, un classique fonds privé, placé sous l’égide de la Caisse des dépôts, elle-même sous supervision du parlement depuis 1816. Donc, à l’abri des tentations de l’exécutif et autres institutions locales ou nationales. Avec des équipes de sélection et d’investissement professionnelles, choisissant des projets dans des domaines aussi variés que la rénovation thermique des bâtiments industriels et des logements, la réhabilitation des voies ferroviaires nationales et secondaires pour faire passer le fret ferroviaire de 8 à 15% du fret français en six ans, le développement d’une filière du papier minéral, plus propre, moins énergétique et plus compétitive ou le comblement de l’écart de fonds propres des entreprises françaises par rapport aux entreprises allemandes (150 milliards d’euros en sept ans). Avec une rentabilité économique raisonnable, supérieure à 4%, très loin des critères usuels et délétères du monde de la finance de plus de 10%, soulignés par l’éminent Patrick Artus.

Le FSF est appelé à atteindre 500 milliards d’euros en régime de croisière, avec une première tranche de 100 milliards d’euros émise à l’automne 2022. Émission s’adressant à l‘épargne privée des Français et qui devrait être sur-souscrite compte tenu des caractéristiques du fonds (2 à 4% de rendement annuel en fonction de la durée de détention, garantie de capital) et de la surépargne disponible liée au confinement, estimée par la Banque de France à 200 milliards d’euros.

A lire aussi, Jean-Luc Gréau et Philippe Murer: Économie: les fausses notes du Mozart de la finance

Et les projets ne manquent pas ! Yannick Jadot a rêvé de trente milliards d’euros d’investissement par an dans la transformation environnementale. Marine concrétise le rêve de Yannick. Mais personne n’en parle.

Un choc keynésien sur fonds privés

Le FSF, c’est ainsi une impulsion macroéconomique non pas sur finances publiques mais sur épargne privée. Le célèbre multiplicateur keynésien de nos livres de classe, mais sur fonds privés. Donc, hors dette au sens de Maastricht, caractéristique bien utile de nos jours. Rien de nouveau sous le soleil : les chemins de fer, les grands magasins et l’industrie se sont développés de cette façon en France au XIXème siècle.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’une impulsion annuelle de 3% du PIB en régime de croisière permet de faire passer la croissance française de 1,2% à 2,5% sans grande difficulté. Ce qui incidemment permet de tenir une trajectoire de finances publiques vertueuse sur la durée du quinquennat, tout en préservant des services publics de qualité et en assurant le financement des retraites : prélèvements obligatoires en dessous de 40% de la richesse nationale à l‘horizon 2030, dépenses publiques en dessous de 50% du PIB en 2027, déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB dès 2026, balance des paiements à l’équilibre en fin de quinquennat, dette stabilisée à 112,9% jusqu’en 2027 puis baisse tendancielle à partir de 2028.

Deux chiffres résument en définitive le match Emmanuel/Marine: 30 milliards d’euros pour France 2030, 500 milliards d’euros pour le FSF. Il n’y a pas photo. Gageons que si, contre toute logique économique, Marine ne devait pas passer la barre, Emmanuel étant reconduit, il mettrait en place le FSF de Marine !

Jacques Perrin: une dette particulière

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Jacques Perrin avec Claudia Cardinale dans "La Fille à la valise" (1961) © MARY EVANS/SIPA

Voir à vingt ans « Le Désert des Tartares » a créé chez Jérôme Leroy une révélation à la fois politique et esthétique.


Au-delà de la poésie mystérieuse et contemplative du Désert des Tartares de Dino Buzzati, créée pour l’essentiel par le caractère insituable dans l’espace et le temps de ce roman, comme Les Falaises de Marbre de Jungër ou Le Rivage des Syrtes de Gracq, j’ai toujours vu dans l’histoire du jeune lieutenant Drogo, nommé au fort Bastiani pour sa première affectation, une métaphore de l’engagement politique, quel qu’il soit, ou tout au moins de l’espérance ambigüe qui va avec: vouloir que quelque chose se passe enfin, qui détruise, restaure ou bouleverse l’ordre ancien, quitte à nous emporter nous-mêmes ; attendre désespérément que ça arrive, s’apercevoir que notre action militante ne sera que de peu d’effets. Espérer quand même, jusqu’à la fin.

Identification parfaite

Malgré la méfiance que j’entretiens avec les adaptations de chefs-d’œuvre littéraires au cinéma, j’ai aimé l’adaptation du Désert des Tartares de Valerio Zurlini qui date de 1976 mais que je n’ai vue qu’en 1984, à l’époque où je commençais à fricoter, du côté de Rouen, avec les Jeunesses Communistes et surtout avec l’UNEF-SE.

J’ai aimé cette adaptation de Zurlini, cinéaste trop méconnu, auteur pourtant d’un magnifique « Eté violent » avec Trintignant, essentiellement pour l’interprétation de Jacques Perrin dans le rôle de Drogo. 

J’ai ressenti une identification parfaite, inconditionnelle, presque amoureuse. J’étais ce jeune lieutenant qui préférait une fin effroyable à un effroi sans fin, mais qui ne connaitrait que ça, pourtant : une vie qui se prolonge, sur le plan politique, dans une catastrophe au ralenti. J’ai appris par la suite à quel point ce film avait tenu à cœur à Jacques Perrin, à quel point pendant dix ans, il avait pris tous les risques en tant que producteur pour trouver les scénaristes et le metteur en scène qui accepterait de se coltiner avec ce roman anti-cinématographique au possible puisque fondé sur une immobilité presque minérale.

Virilité mélancolique

Certains acteurs, certaines actrices nous font ainsi parfois comprendre des choses essentielles sur nous-mêmes, comme certains écrivains ou certains poètes. En ce sens, ils méritent bien l’appellation d’artistes que parfois on leur dénie.

C’est pour cela que je tiens à exprimer ma dette à Jacques Perrin qui vient de mourir, et pas seulement pour son élégance d’éternel jeune homme aux cheveux blancs, sa virilité mélancolique alors que les Tartares, et leur révolution/révélation avancent à l’horizon avec une lenteur exaspérante à l’échelle d’une vie humaine. Qu’on n’aura pas le temps, ou à peine celui d’entrevoir dans les lointains, les éclats dorés des cuirasses de l’espérance révolutionnaire.

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Salaire de Carlos Tavares: le bal des antilibéraux et des faux-culs

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Carlos Tavares au Salon de l'Automobile de Paris de 2018 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Les salariés de Peugeot ont la chance unique d’avoir un patron génial qui obtient des bénéfices impressionnants et une rémunération imposante. Il doit donc être dénoncé, critiqué, vilipendé…


C’est vraiment mal tombé pour Carlos Tavares : on apprend pendant les élections présidentielles – un hasard du calendrier – que son salaire global atteint des records. Or, sur nos douze candidats du premier tour, pas un seul n’a pris la défense de l’accusé. Il est vrai que la moitié d’entre eux sont marxistes et trois sont d’extrême gauche. À droite et à l’extrême droite, idem. Et à l’extrême centre occupé par le candidat président, n’en parlons même pas: lui veut carrément plafonner les salaires des PDG. Tous ces braves gens, politiciens professionnels, sont unanimes : la rémunération du patron de Stellantis, maison mère de Peugeot-Citroën, qui atteint 19 millions d’euros pour l’exercice 2021, est jugée « indécente », alors même qu’il vient de réaliser une année historique avec des bénéfices somptueux, jamais vus dans l’industrie automobile en France : 13,4 milliards d’euros.

Emmanuel Macron s’est déclaré « choqué » par la rémunération « astronomique » de Carlos Tavares. « Tous ces sujets nous indignent », a-t-il même ajouté au cours d’une interview à France Info. Dans le bal des hypocrites, des démagogues, des anticapitalistes et des faux-culs, le président n’est jamais très loin, lui qui s’est battu pendant longtemps quand il était ministre de l’Économie de François Hollande en 2016 contre les salaires qu’il estimait trop élevés de l’autre Carlos, Carlos Ghosn, alors à la tête du groupe Renault-Nissan. Nous y reviendrons plus loin.

D’abord les chiffres, pour les connaisseurs, s’agissant de la première année d’existence de Stellantis, groupe mondial né de la fusion entre les entités PSA (Peugeot-Citroën-Opel) et FCA (Fiat-Chrysler) dont le sieur Tavares est directeur général. Au total, quinze marques, françaises, italiennes, britannique, allemande et américaines. Un chiffre d’affaires de 152 milliards d’euros en 2021. Une rentabilité opérationnelle ajustée de 11,8% et un résultat net de 13,4 milliards d’euros après impôts. Un véritable feu d’artifice économique !

Grâce aux « vaches à lait » américaines

Des précisions sur cette rémunération globale de 19 millions d’euros. Elle se divise en plusieurs morceaux : un salaire fixe de 2 millions pour l’année 2021, auquel s’ajoute une part variable qui a atteint 7,5 millions, indexée sur les résultats de l’année, très brillants, presque le maximum possible. Plus 2,3 millions de contribution à sa « retraite chapeau » ainsi qu’une prime de 1,7 million liée à la réalisation de la fusion avec les Italiens et les Américains. Et enfin, 5,5 millions au titre de la première année d’un plan de performances très exigeant, sur trois ans. 2 + 7,5 + 2,3 + 1,7 + 5,5 = 19 millions. Le compte est bon.

Comme nous sommes en France, la question est de savoir combien d’impôts devra payer l’heureux bénéficiaire de cette véritable fortune. Impossible de savoir ! D’abord, Carlos Tavares n’est pas Français, il est Portugais et il tient à son drapeau. Deuxio, le siège social mondial de Stellantis n’est ni en France, ni en Italie, ni aux Etats-Unis, mais aux Pays-Bas. Tertio, le plus gros résultat du groupe ne vient pas de France ou d’Italie mais des États-Unis où se trouve une filiale du groupe Fiat dont les « vaches à lait » s’appellent Jeep et Ram, qui dégagent des marges très importantes, plus de 16% en 2021. On a beaucoup parlé en Europe pendant cette année 2021 – on en parle encore aujourd’hui – de la pénurie de semi-conducteurs, ces puces indispensables à la bonne marche d’un véhicule. Le génie de Tavares a également consisté, tout en étant obligé de réduire ses productions de 20% par rapport à ses prévisions, à affecter ses puces disponibles aux véhicules les plus rentables, comme les Jeep Grand Cherokee ou Grand Wagoneer aux marges plantureuses.

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C’est ainsi que le gros des bénéfices provient des États-Unis, un pays où les grands patrons sont magnifiquement payés quand ils font gagner beaucoup d’argent à leurs actionnaires. Le PDG de Ford, Jim Farley, a reçu 21 millions d’euros pour 2021 et la patronne de General Motors, Mary Barra, en était à 21,8 millions pour 2020. Carlos Tavares qui a non seulement réussi une fusion qui semblait très aléatoire avec les Italiens de Fiat et les Américains de Jeep, et qui a géré cet ensemble hétéroclite de main de maître dans des conditions aggravées par les deux crises de la Covid et des semi-conducteurs, s’est donc révélé être un géant dans l’automobile mondiale. Il a également prouvé qu’il était un super manager en délivrant des primes d’intéressement importantes à tous les salariés du groupe, à hauteur de 1,9 milliard d’euros, ce qui est très généreux. Les salariés français, qui avaient déjà reçu 3 000 euros de surprime en 2020, toucheront cette fois une participation moyenne de 4 400 euros et bénéficieront en plus d’une enveloppe globale d’augmentation de 3,2%.

Une opération digne d’un corsaire des Caraïbes

Revenons à notre petit Hexagone rempli de marxistes, de démagogues et d’éternels frustrés. Il faut reconnaître qu’ils pourraient avoir raison sur un point: une majorité riquiqui, mais une majorité quand même d’actionnaires ont voté contre le rapport sur la politique salariale de la direction du groupe, à 52% contre 48%, s’opposant ainsi aux millions de Carlos Tavares. Sauf que 1 : cet avis des actionnaires n’est que consultatif selon le droit des Pays-Bas ; 2 : la politique de Stellantis a été adoptée à près de 90% lors de l’assemblée générale de 2021 ; et 3 : c’est une banque d’État française, la Bpifrance détenant 6% du capital de Stellantis, qui a fait basculer le vote côté négatif.

Ce ne serait pas la première fois que l’État français jouerait ainsi contre des PDG « trop payés » dans l’industrie automobile. Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie de François Hollande, était même allé très loin en 2016 pour contrer la politique salariale de Renault à l’égard de Carlos Ghosn, jusqu’à faire dépenser par l’État 1,2 milliard d’euros pour acheter à la Bourse en cachette des actions supplémentaires de Renault afin d’obtenir lors de l’assemblée générale du constructeur une majorité hostile à la rémunération de son PDG, estimée abusive par le fougueux ministre. À cette époque, le groupe Renault-Nissan gagnait beaucoup d’argent dont l’État profitait doublement, à la fois comme actionnaire, à hauteur de son capital de 25 %, et comme taxateur avec les impôts qu’il touchait sur 100% des bénéfices.

Redresser toute l’industrie française

Les actionnaires avaient écouté le ministre et voté non à 54% en assemblée générale contre la rémunération de 7 millions d’euros prévue pour Carlos Ghosn, mais le vote étant là aussi consultatif n’avait pas été suivi d’effet par le conseil d’administration. Avec son opération boursière digne d’un corsaire des Caraïbes, le socialiste Macron, ministre du président très socialiste François Hollande, avait mis en place sans le savoir une bombe à retardement contre Carlos Ghosn qui explosera plus tard à Tokyo avec l’emprisonnement honteux et scandaleux du PDG de Renault-Nissan : les Japonais avaient tenu Ghosn pour responsable de ce rodéo boursier, sans jamais que Macron ou Hollande ne leur dise la vérité. On connaît la suite : un écroulement vertical du groupe Renault avec un manque à gagner colossal, sans doute entre 10 et 20 milliards d’euros, parce qu’un jeune ministre de l’Économie voulait réduire de force le salaire d’un PDG extrêmement brillant et admiré dans le monde entier.

En mars dernier, dans une interview à Valeurs Actuelles donnée au Liban où il s’est réfugié, Carlos Ghosn a réagi avec une certaine émotion aux événements qui ont touché Renault et qui l’ont atteint par contrecoup : « Quand on regarde où en est Renault aujourd’hui, on mesure l’ampleur du désastre qui a suivi mon arrestation. » Il a surtout ajouté ceci : « Les groupes français dont l’État est actionnaire sont esclaves de leur héritage […] Citez-moi une seule victoire industrielle française dans laquelle l’État a été un contributeur important […] En France, il y a cette tradition d’interventionnisme de l’État, alors qu’il est incapable de gérer son budget, ses déficits et sa dette »… Avec une dizaine d’hommes comme Ghosn ou Tavares, on pourrait redresser toute l’industrie française et la relancer vers les sommets qu’elle n’aurait jamais dû quitter. En attendant, Carlos Ghosn peut être satisfait : Tavares a passé plus de trente ans chez Renault avant de rejoindre le groupe Peugeot, et c’est Ghosn qui l’a formé.

Le malaise des croyants face au projet bioéthique d’Emmanuel Macron

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Manifestation de la Manif pour tous contre GPA, la PMA sans père et le projet de loi bioethique, 7 mars 2021, Paris © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Profondément meurtris par l’incendie de Notre-Dame de Paris, véritable tragédie nationale survenue lors du quinquennat d’Emmanuel Macron, les catholiques demeurent divisés sur la réélection du président sortant.


Le positionnement du président-candidat et de de son entourage sur les questions de l’euthanasie, du suicide assisté, de la procréation médicalement assistée (PMA), de la gestation pour autrui (GPA), de l’extension du délai légal de l’avortement de 12 à 14 semaines, ou de la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux chez les adolescents transgenres, ont créé un malaise manifeste, non seulement au sein de l’Eglise catholique, mais également chez les autres communautés religieuses. Par contraste, Marine Le Pen a toujours défendu des positions conservatrices en opposition à l’agenda « progressiste » d’Emmanuel Macron.

Totalement absentes du débat télévisé Macron/Le Pen, à trois jours du deuxième tour du scrutin présidentiel, les questions de bioéthique sont pourtant révélatrices du gouffre qui sépare les projets de société des deux candidats. La Grande Mosquée de Paris par la voix du recteur Chems-Eddine Hafiz [1], de même que les principales institutions juives de France [2], ont apporté leur soutien à la réélection d’Emmanuel Macron, notamment en raison des restrictions sur l’abattage rituel préconisées par Marine Le Pen. Chez les catholiques, plusieurs organisations chrétiennes ont exprimé leur soutien au président-candidat par le biais d’une tribune dans le journal Ouest-France. Cependant, cet affichage, qui procède certainement d’un calcul tactique, occulte les doutes profonds qui agitent les croyants face au bilan et au projet présidentiels en matière de bioéthique. C’est certainement pour cette raison que la Conférence des évêques de France (CEF) n’a pas donné de consigne de vote pour le second tour, tout en incitant les électeurs à voter « en conscience » et « à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église » [3].

Euthanasie: non pour Le Pen, oui pour Macron

Marine Le Pen est vivement opposée à l’euthanasie (à savoir, « l’acte médicalconsistant à provoquer intentionnellement la mort d’un patient afin de soulager ses souffrances soit en agissant à cette fin, soit en s’abstenant d’agir ») et au suicide assisté, qui consiste pour le corps médical, « à donner au patient les moyens de mettre lui-même fin à sa vie » [4].

Emmanuel Macron laisse au contraire entendre qu’il instaurera l’euthanasie et s’inspirera, pour ce faire, du modèle belge [5]. Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale et soutien du président, a déclaré, le 11 avril, que « le droit de mourir dans la dignité », expression utilisée par les partisans de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, serait la grande réforme sociétale d’un second quinquennat d’Emmanuel Macron [6].

A lire aussi, Jean-Frédéric Poisson: Au menu du Français anxieux, «tout vaccin» et «bien mourir»

Pour rappel, l’euthanasie est illégale en France, mais elle a été légalisée aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg. En Belgique, depuis 2002, le suicide assisté est encadré par la loi. En 2014, le parlement belge a adopté une loi autorisant l’euthanasie des mineurs en phase terminale et qui en font la demande, avec l’accord des deux parents !La loi belge n’exige pas que la personne soit en phase terminale d’une maladie grave et incurable, seul étant pris en compte le critère subjectif de la souffrance. La Belgique était même le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie des mineurs, sans limite d’âge. Les premières euthanasies de mineurs ont été réalisées en 2017, sur des enfants de 9, 11 et 17 ans. Un tel positionnement est véritablement effroyable pour les croyants. Le Pape François a réitéré la condamnation de toutes les formes d’euthanasie et de suicide assisté [7]. L’islam n’autorise ni d’accélérer la mort ni de la retarder. Son heure n’appartient qu’à Dieu [8]. Quant au judaïsme, l’euthanasie est tout à fait proscrite, de même que le suicide, qu’il soit assisté ou délégué. Le suicide est considéré comme un acte meurtrier, même si la personne le demande [9].

GPA : un non catégorique pour le Pen, un refus en demi-teinte pour Macron

Après l’adoption de la « PMA pour toutes », à savoir la procréation médicalement assistée (la possibilité d’accoucher d’un enfant, à l’aide de l’insémination artificielle et de la fécondation in vitro) remboursée par la sécurité sociale et élargie aux femmes célibataires, lesbiennes en couple ou seules, l’épineuse question de la gestation pour autrui et des mères porteuses persiste. Cette dernière consiste, selon Marine Le Pen, à « faire porter par une femme un enfant, puis à se faire attribuer cet enfant ». Elle juge cette pratique, déjà en vigueur dans trois pays de l’Union européenne (Roumanie, Grèce et Portugal), comme « une dérive mortelle pour notre société. Les êtres humains ne sont pas des objets de consommation » [10]. La réponse est donc un « non » catégorique de sa part.

Le député et rapporteur de la loi bioéthique Jean Louis Touraine, le mercredi 25 septembre 2019, à l’Assemblée © Louise MERESSE/SIPA

Emmanuel Macron a certes déclaré qu’« il n’est pas question d’autoriser la gestation pour autrui en France, car elle met en question la dignité du corps de la femme et sa marchandisation » [11]. Cependant, l’actuel porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, alors qu’il était Secrétaire d’Etat auprès du l’Education nationale et de la Jeunesse, avait déclaré dans un entretien en 2019 à Libération (lors duquel il évoquait librement son homosexualité), qu’il ne serait pas contre une GPA «éthique», pour avoir un enfant, si c’était légal en France [12]. Par ailleurs, Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône, député et co-rapporteur du projet de loi bioéthique – selon lequel « il n’y a pas de droit de l’enfant à avoir un père » – estimait, pour sa part, en 2019, qu’il n’y avait « pas eu assez de maturation de l’opinion » sur la GPA. « Ça va cliver la société, il faut attendre que les Français s’approprient l’idée. Depuis la première loi bioéthique de 1994, chaque révision a levé des interdits. Mais si on avance trop vite, ça peut être dangereux. Dans sept ans peut-être, on pourra mettre la GPA éthique sur la table » [13]. Eric Zemmour, quant à lui, ne se fait aucune illusion sur le cours des choses dans ce domaine : « Le combat d’après, c’est la GPA, vous verrez ça se fera en cas de maintien de la majorité actuelle malgré toutes les dénégations des politiques qui disent “jamais” » [14].

Du côté des croyants, selon La Croix, l’Eglise catholique s’oppose catégoriquement à toute technique artificielle d’assistance médicale à la procréation, par le document Donum Vitae (1987) rédigé par Joseph Ratzinger, le futur Pape Benoit XVI. Dans l’islam, aucune « tierce personne » ne peut interférer dans la vie sexuelle du couple ou faire le don d’un ovule, de spermatozoïdes, ou d’embryon [15] : le recours aux mères porteuses est donc proscrit. En revanche, dans le judaïsme, encadrée par la loi civile et la loi religieuse, la Halakha, cette pratique est légale. Elle n’est cependant ouverte ni aux couples homosexuels, ni aux étrangers [16].

Mineurs transgenres 

Depuis plusieurs années déjà, en France, le corps médical peut prescrire aux « enfants transgenres », dès l’âge de 11 ans, des traitements réversibles pour bloquer leur puberté. Lorsque leur « dysphorie de genre » persiste, un traitement hormonal substitutif masculinisant ou féminisant – avec des effets irréversibles tels que la stérilité – peut être prescrit à partir de 16 ans. Ces prescriptions se font avec l’accord des familles. S’il est interdit pour les mineurs de réaliser une opération de changement de sexe, l’ablation des seins (mammectomie) dans le cadre d’une transition est autorisée pour les mineurs entre 16 et 18 ans [17].

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Marine Le Pen n’a pas encore explicité sa vision de la question des mineurs transgenres. Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, la cause transgenre a été vigoureusement soutenue comme en atteste, par exemple, le financement par les agences régionales de santé (ARS) de la Plateforme « Trajectoire Trans’ » destinée aux mineurs transgenres [18]. Au vu du rythme auquel se déroulent ces évolutions sociétales marquantes, l’exigence du consentement parental paraît de plus en plus en sursis.

Si Emmanuel Macron est réélu, ces évolutions sociétales majeures seront accélérées, à l’instar de son programme économique et social. Force est de constater que cela sera mis en œuvre dans une optique située aux antipodes de celle des croyants qui s’apprêtent à le réélire. A noter à cet égard, que selon La Croix [19], lors du 1er tour du scrutin, 29% des catholiques pratiquants ont porté leur suffrage sur Emmanuel Macron, 25% sur Marine Le Pen (soit une hausse de plus de 10 points en cinq ans !), 13% sur Jean-Luc Mélenchon et 11% sur Éric Zemmour. Selon l’IFOP, 69% des musulmans de France ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Loin derrière, Emmanuel Macron a recueilli 14%, et Marine Le Pen 7% des suffrages de cette communauté de croyants. Au sein de la communauté juive, un « survote » en faveur d’Eric Zemmour a été observé.


[1] https://www.algerie-expat.com/politique/le-soutien-de-la-grande-mosquee-de-paris-pour-emmanuel-macron/15752/

[2] https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/130422/presidentielle-francaise-les-institutions-juives-appellent-voter-macron

[3] https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-parmi-les-catholiques-des-voix-reclament-une-consigne-claire-des-eveques-de-france-contre-marine-le-pen-19-04-2022-KMDLNSJUYNDI3PYAGVRIGABFRA.php

[4] https://sante.lefigaro.fr/social/sante-publique/euthanasie/quest-ce-que-cest

[5] https://www.la-croix.com/France/Euthanasie-Emmanuel-Macron-favorable-modele-belge-certains-cas-2022-04-01-1201208236

[6] https://twitter.com/franceinfo/status/1513411721225986049

[7] https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2020-09/fin-vie-euthanasie-lettre-doctrine-foi.html

[8] https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/11/10/l-islam-n-autorise-ni-d-accelerer-la-mort-ni-de-la-retarder_386496_1819218.html

[9] https://www.lejsl.com/actualite/2015/02/20/dans-le-judaisme-l-euthanasie-est-tout-a-fait-proscrite

[10] https://www.la-croix.com/France/GPA-quen-disent-candidats-presidentielle-2022-2022-02-08-1201199160

[11] https://www.la-croix.com/France/GPA-quen-disent-candidats-presidentielle-2022-2022-02-08-1201199160

[12] https://www.liberation.fr/france/2019/04/23/gabriel-attal-de-ses-propres-zeles_1722937/

[13] https://www.bfmtv.com/politique/parlement/projet-de-loi-bioethique-la-gpa-non-dit-qui-irrite-une-frange-de-la-macronie_AV-201909230096.html

[14] https://www.valeursactuelles.com/politique/video-loi-bioethique-le-combat-dapres-cest-la-gpa-craint-zemmour

[15] https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Fecondation-vitro-PMA-GPA-dit-lislam-2017-06-27-1200858434

[16] http://www.slate.fr/story/93287/gpa-israel

[17] https://wikitrans.co/ths/mineur/

[18] https://www.bvoltaire.fr/lideologie-transgenre-en-marche-sous-lere-macron/

[19] https://www.la-croix.com/Debats/Cessons-den-appeler-eveques-designer-futur-president-Republique-2022-04-21-1201211397

Deux débatteurs, une seule perdante: la France

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La journaliste Céline Pina © Bernard Martinez

Bien que le président sortant soit, selon les sondages, quasi assuré de sa réélection, dire de Marine Le Pen qu’elle était loin des caricatures que l’on fait habituellement d’elle lors du débat télévisé de mercredi fait déjà de vous quelqu’un de suspect…


Cette élection  présidentielle, à défaut d’être dotée d’un quelconque souffle, a démontré une seule chose : la liberté d’expression a durablement reculé en France. Ainsi il devient de plus en plus risqué de s’exprimer sur le second tour de l’élection en cours comme sur le débat d’entre-deux-tours, si ce n’est pour dire haut et fort que l’on mettra un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne. Toute autre position vous expose à des jugements aussi lapidaires que définitifs. Et même ceux qui se risquent simplement à expliquer que le RN n’est pas le parti nazi dans les années 30 se voient suspecter de penchants autoritaires.

Les tribunes s’accumulent expliquant qu’une potentielle élection de Marine Le Pen équivaudrait à un retour du fascisme. Les références à l’extrême-droite renvoient à une forme de collaboration et mettre un bulletin Emmanuel Macron équivaut à obtenir un diplôme de Jean Moulin, quand toute nuance sur les attaques portées contre Marine Le Pen fait de vous un traître à la République.

Logiques de purge

Quand on voit le sort fait à un intellectuel comme Marcel Gauchet pour avoir dit que le RN actuel est plus proche du RPR des années 80 en France que de l’extrême-droite collaborationniste, on n’a guère envie de prendre position pour se faire attaquer par tous ses pairs et être assimilé à un soutier de l’extrémisme. Il est donc de bon ton en France de soutenir Emmanuel Macron avec toute une gamme de nuances allant jusqu’à « je vote pour lui mais avec une pince à linge sur le nez ». Les législatives deviennent alors un troisième tour où après avoir éliminé le danger de l’extrême droite, il s’agirait d’éliminer, dans les urnes des législatives, l’homme utilisé pour combattre le retour des « heures sombres » en le remplaçant par un dirigeant de l’extrême-gauche. Les élections deviennent le jeu de chaises musicales de l’excommunication mutuelle. L’avenir du pays au terme de ces logiques de purge apparaît de plus en plus incertain.

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S’exprimer sur le débat Emmanuel Macron – Marine Le Pen, sans affirmer haut et fort que le président actuel l’a dominé et a fait preuve de sa compétence et de sa combativité n’est donc pas une bonne idée, cela ne parle pas de votre ressenti personnel, mais du fait que vous faites probablement la campagne d’une extrémiste sans oser l’avouer. Pourtant le débat avait de quoi décevoir ceux qui, alors que les tensions politiques, économiques, sociales s’accumulent, s’attendaient à une certaine hauteur de vue. Pourtant, à part Le Parisien qui fait un compte-rendu fourni, objectif et détaillé de l’échange, les journalistes attribuent la palme du vainqueur à un Emmanuel Macron qui s’est pourtant montré d’une suffisance rare, alors que l’exercice le favorisait. Il est cependant vrai qu’il a montré une bonne maîtrise des dossiers et une aisance à l’oral que son adversaire n’a jamais eu. En termes de crédibilité, la rencontre n’était guère équilibrée.

Marine Le Pen loin des caricatures que l’on fait d’elle

Il n’en reste pas moins que, lors de ce débat, le risque principal pour Le Pen était de rater ce rendez-vous et d’apparaître comme une caricature de leader d’extrême-droite: agressive, violente, simpliste, raciste. Cet impératif supplantait la question de sa crédibilité technique, même si elle se posait également. Elle a donc été concentrée au point souvent de ne pas trouver les arguments de contradiction, y compris lorsqu’Emmanuel Macron attribuait au Covid les 600 milliards de dette de la France. Or une partie de cette dette est liée à la dérive de nos comptes publics (au moins 240 milliards). Une partie du train de vie normal de l’Etat est financé par une dette structurelle qui n’a rien à voir avec le Covid et dépasse largement 100% de notre PIB. Mais sur cette question, aucun des candidats ne paraissait avoir grand-chose à dire. 

Attaquée sur les prêts contractés par son parti auprès d’une banque russe, Marine Le Pen a eu du mal à être percutante alors que le refus des banques de financer certains partis (cet état de fait ne concerne pas que Marine Le Pen) pose des problèmes démocratiques.

Mais surtout, alors que la guerre en Ukraine, la crise de l’énergie et des matières premières comme le retour de l’inflation rendent très peu crédibles les programmes des deux candidats, nombre de leurs batailles pouvaient paraître d’arrière-garde voire assez artificielles.

Alors qu’Emmanuel Macron était souvent positionné comme un consultant arrogant de chez Mc Kinsley et ne s’est jamais adressé aux Français, Marine Le Pen n’a pas su exploiter cette faille et le renvoyer à son autosatisfaction de privilégié. Il a même pu lui reprocher certains de ses votes au parlement comme si elle avait exercé le pouvoir et comme si lui était un homme neuf. Ce qui à défaut d’honnêteté ne manquait pas d’habileté.

Ceci dit en choisissant une attitude modeste et calme, elle n’a pas raté son débat. Emmanuel Macron ne proposant rien d’autre que le vote barrage et la continuation d’une politique basée sur l’adaptation à une mondialisation qui montre toutes ses limites, son seul argument de campagne reste la diabolisation de son adversaire. Les équipes autour d’Emmanuel Macron, beaucoup de médias et d’acteurs du débat public essaient donc de réinstaller une image en mode « gardienne de camp » de la leader du RN. Or, pour qui regardait ce débat, cette caricature apparaissait outrancière et ridicule. Marine Le Pen s’est d’ailleurs montrée bien  meilleure que lui lorsqu’elle a défendu la souveraineté du peuple et la lettre comme l’esprit de la constitution de la Veme République en la matière. Mais le rapport au peuple est un des points faibles du président.

Emmanuel Macron certain de sa supériorité intellectuelle

Si souvent l’actuel président de la République apparaissait plus précis dans l’usage des chiffres, la proximité avec la réalité quotidienne était plutôt du côté de Marine Le Pen. L’échange sur le fait que les primes n’étaient pas prises en compte par les banques pour obtenir un prêt et le plaidoyer sur la nécessité de miser sur l’augmentation salariale ne pouvait que toucher la plupart des Français. Il n’en reste pas moins que les deux candidats sont restés flous sur le financement de leur politique comme sur leurs méthodes pour traduire leurs propositions dans la réalité.

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Dans l’ensemble, le débat était assez ennuyeux et médiocre. L’une ayant pour objectif principal d’apparaître comme inoffensive, l’autre misant tout sur une supériorité intellectuelle qu’il juge incontestable. Emmanuel Macron s’est ainsi souvent montré condescendant et méprisant. Un défaut qui a beaucoup abîmé sa relation au peuple durant cinq ans. Le problème est que ce débat a montré que ce mépris était constitutif de sa personnalité. Or, malgré les tentatives pour faire croire que Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir cette fois-ci, le match est en fait déjà plié, les écarts sont tels qu’Emmanuel Macron est quasi assuré de sa réélection. Voilà pourquoi ce qu’il a montré de lui est déterminant quant à ce que l’on peut attendre d’un nouveau quinquennat.

Or sa prestation ne donne guère d’espoir pour l’avenir. Sans aucun doute quant à sa supériorité, on ne peut que craindre qu’il continue à exercer le pouvoir comme il l’a fait précédemment, en ne se sentant engagé envers personne et ne rendant de comptes qu’à lui-même. Dans un pays déjà abîmé, le résultat risque d’être très négatif. Il s’est montré très content de lui et n’a guère eu l’air d’avoir appris de cinq ans d’exercice du pouvoir. Pourtant, la crise des gilets jaunes ou celle des retraites ont montré à quel point la France était en train de se diviser. Or, l’absence d’engagement et de perspectives que dégage la prestation d’Emmanuel Macron n’est pas une bonne nouvelle à l’issue de ce débat. Sa posture, qui ne témoigne ni d’une prise de conscience ni d’une prise de hauteur, encore moins de la découverte d’un lien charnel avec le pays et ses habitants, alors même qu’il sait la réélection assurée, n’est pas rassurante. Il est encore et toujours manager de la start-up nation et pas président de la République française.

A l’issue de cet exercice de style, je ne trouve pas qu’il y ait un vainqueur à ce débat. En revanche, il y a bien une perdante, la France, qui va continuer à être dirigée comme une entreprise alors qu’elle est en pleine crise démocratique. Quant au RN, comme à n’importe quelle autre formation qui ne serait pas pressée d’aller à la gamelle et de rejoindre le parti unique autour de la majorité présidentielle, tous les espoirs lui sont permis dans cinq ans, tant cette présidentielle ne porte ni promesse ni élan. C’est à la continuation du mépris de classe érigé en supériorité morale que nous sommes invités à adhérer. Pas étonnant que cela se termine par des votes par défaut et une rupture du consentement social. Loin d’être une catharsis, l’élection d’Emmanuel Macron apparaît lourde d’orages à venir.

Emmanuel Macron: «Je suis les autres»

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Emmanuel Macron à Denain, 11 avril 2022 © Eliot Blondet/POOL/SIPA

Il a lu Rimbaud et il n’a rien compris.


Emmanuel Macron, on est bien payé pour le savoir, est connu pour goûter le théâtre. On sait aussi qu’il n’est pas insensible à la musique : nous gardons tous en mémoire le souvenir impérissable de la partie endiablée organisée au Palais de l’Élysée lors de l’édition de l’une des dernières Fêtes de la musique. On connaissait moins, toutefois, son penchant pour la peinture, le jardinage et la poésie. Il nous les a, pour notre plus grande joie, révélés lors du meeting qu’il donna, sous le soleil de Marseille ainsi qu’à l’occasion de ses derniers déplacements de campagne.

Dans la Cité phocéenne, notre candidat n’a pas hésité, en effet, à sortir le rouleau pour barbouiller son programme. Force est de constater qu’il sut trouver d’instinct la juste saturation et la luminosité d’un improbable mélange de rouge et de vert, ce, afin de séduire « en même temps » les électeurs de Yannick Jadot et ceux de Jean-Luc Mélenchon.

Pour ce faire, reprenant à son compte, avec la modestie qu’on lui connaît, le modèle de la formule attribuée à Malraux, notre nouveau chantre de la Nature s’est écrié, face à un parterre clairsemé : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas. » Il précisa ensuite qu’il comptait nommer un futur premier ministre « directement chargé de la planification écologique. » Tout de suite, on respira, rassuré quant à l’avenir de la planète, d’autant plus que notre amateur des jardins se proposait de planter 140 millions d’arbres…

C’est pour Malraux, encore, que nous avons eu, lors de ce meeting, à nouveau, une pensée. Impossible de ne point songer au livre dans lequel cet illustre ministre de la culture relata ses dernières conversations avec le Général de Gaulle, livre qu’il intitula : Les chênes qu’on abat. Ce titre fait du reste allusion aux deux vers illustres écrits par Victor Hugo dans son hommage à Théophile Gautier défunt : « Oh ! quel farouche bruit font dans le crépuscule les chênes qu’on abat pour le bûcher d’Hercule. » Ce qui nous entraîne, mine de rien, vers la poésie. Mais, patience, poursuivons notre réflexion…

Sans pouvoir retenir l’esquisse d’un sourire moqueur, nous avons immédiatement songé : notre président est décidément un homme de Lettres doublé, nous l’allons voir, d’un subtil poète.

Bon évidemment, me direz-vous, il s’agit ici non pas d’abattre, mais de planter, nous nous en réjouissons. Du reste notre orateur aurait pu sans peine, nous y avons heureusement échappé, nous gratifier d’un autre des vers habilement remaniés dont il a le secret : « Un seul arbre vous manque et tout est dépeuplé. »

Nous suggérons quand même à notre paysagiste en herbe d’opter pour 140 millions de roseaux, plus à même de célébrer dignement la souplesse légendaire qu’on lui reconnaît tous. Et puis, comme chacun sait, « le roseau plie, mais ne rompt pas. » Nous aurions alors, là, un projet horticole sûr et en parfaite adéquation avec la royale image de son instigateur.

Mais notre thaumaturge ne s’en est pas tenu au simple projet de plantation évoqué : avec le sens du spectacle qu’on lui connaît, hérité peut-être, du Roi-Soleil, notre monarque a en effet proposé la mise en place d’une « fête de la nature », projet qui n’a pas manqué d’enthousiasmer Jack Lang.

Mélenchon, Jadot, Jack Lang, décidément chez Emmanuel Macron : « Je est un autre. », ce qui nous fait heureusement retomber, avec Rimbaud, sur la poésie !

Profitons-en pour rappeler, au passage, que le jeune prétendant à sa propre succession ne fut pas non plus sans massacrer quelques vers du poème « Green » de Paul Verlaine, lors de son déplacement à Mulhouse. Dénonçant, selon le quotidien La Provence, « les carabistouilles de madame Le Pen », il n’hésita pas, en effet, à ajouter sentencieusement, alors qu’il évoquait les mesures de celle-ci en faveur du pouvoir d’achat et des retraites : « Et c’est sûr que si on arrive à l’élection présidentielle en disant : « Je n’ai que du sucré et du miel et voici des feuilles et des branches. Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous » pour reprendre les beaux vers (…) c’est un poème, pas la réalité. ».

Cuistrerie, quand tu nous tiens… Il aurait été préférable, tant qu’à faire, qu’Emmanuel Macron restituât justement les vers de Verlaine qui, certainement, n’avait pas prévu de mentionner les ingrédients « sucré » et « miel » indispensables à la réalisation de la pâtisserie orientale…

Pour mémoire voici la strophe dont il est question :

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon cœur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.

Après Verlaine, c’est tout naturellement que nous retournons à Rimbaud. Le poète dans sa formule paradoxale « Je est un autre », issue de la Lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871, met en question la frontière entre identité et altérité.

 « Je est un autre » : cette phrase étrange qui résume ce vers quoi doit tendre le poète, pour Rimbaud, convient tout particulièrement au chef de l’État, champion toutes catégories de la palinodie, de l’agrégation et de la récupération d’idées. La formule permet de s’interroger sur le rôle de l’autre dans la formation de l’identité et aussi de se demander comment on peut être autre à soi-même.

 Il s’avère, là, encore une fois pour notre plus grand plaisir, qu’Emmanuel Macron réalise aussi, à sa façon, le projet poétique d’Arthur Rimbaud. Notre Président est, en effet, le pilleur d’idées par excellence tout comme Rimbaud est « le voleur de feu ».

Notre génial Jupiter, s’appropriant les idées des autres et, de fait, devenant par-là même les autres, pourrait sans peine affirmer, comme le fit Rimbaud, toujours dans sa lettre à Demeny : « Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs et vient d’un bond sur la scène. »

Quand on poursuit plus avant la lecture de cette lettre dite « du voyant », à Paul Demeny, on est de plus en plus troublé par la ressemblance entre cette conception du poète qu’a Rimbaud et l’image que tente de nous donner de lui-même Emmanuel Macron à travers ses propos et ses agissements, voyez plutôt : « il (le poète) donnerait plus – que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !  (…) »

C’est Emmanuel Macron tout craché, ça ! « Ça » parle en lui ! Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot pour l’écologie, l’abaissement de l’âge de la retraite et la proportionnelle à nouveau envisagée, pour absorber un peu de Marine Le Pen. Il manque juste un zeste de Zemmour pour les sujets régaliens et là, on est bon ! « Je suis les autres ! », pourrait, du reste, tout aussi bien affirmer notre Jupiter.

« Puisque je ne suis pas capable de choisir, je prends le choix d’autrui. » a dit Michel de Montaigne … Il y a certainement aussi du philosophe chez notre Prince des Lumières.

Je me remémore enfin cette pétition d’intellectuels soutenue par Roselyne Bachelot (Elle vécut à cette occasion un grand moment de son passage au ministère de la Culture.) qui demandait l’entrée conjointe d’Arthur Rimbaud et de Verlaine au Panthéon. Emmanuel Macron, respectant l’opposition de la famille du poète des « Illuminations » à ce projet, le rejeta. C’est pourquoi nous suggérons la future panthéonisation de notre grand chef d’état en lieu et place de celle de nos deux illustres poètes qu’il semble affectionner. Mais cela serait-il vraiment un hommage rendu à leur mémoire ?