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La farce tranquille


La farce tranquille
Delphine Ernotte, Brigitte et Emmanuel Macron, soirée du grand débat télévisé, 20 avril 2022 © Jacques Witt/SIPA

Catwoman, le Souverain poncif et Nini peau d’chien


Pas de clés de bras, étranglements, KO, monopole des piques et du cœur lors du débat opposant le Petit Prince du CAC 40 à la Brinvilliers de Béthune. Chacun son ventricule. Tournez manège… Les vraies querelles de gigot et d’idéologie, le grand suspens présidentiel de la Ve République, c’était en 1974. VGE l’emporte avec 50,81% des voix. Aragon, Sagan, Truffaut soutenaient Mitterrand. Giscard avait des poids lourds : Gainsbourg, Johnny, Jouhandeau, Pialat. Aujourd’hui, Emmanuel Macron fusionne tout le monde (Nicolas Hollande, Tony Parker, Marc Levy, Brigitte Fossey) mais n’emballe personne. Marine Le Pen inquiète la partie supérieure de la cordée. Le Vengeur masqué de la Cannebière attend les législatives. Jean-Luc Raminagrobis, vieux poète, arbitre expert sur tous les cas, reluque l’huitre que se disputent les plaideurs du jour. Molti nemici, molto onore… ?

Pendant près de trois heures, les duellistes courtois ont battu la campagne : la planète souffre, les Ukrainiens héroïques, aussi, sans oublier le ras le bol des ronds-points, l’insécurité, la jeunesse impatiente et déprimée… C’est officiel, le président ripolineur aime le vert. Brigitte s’est achetée des sabots. Emmanuel a un chapeau de paille et adore la salade. Marine Le Pen, petite-fille du peuple, s’intéresse au pouvoir d’achat des dominés. Les électeurs ne sont pas dupes. Depuis 50 ans, En marche, au galop, sur un yacht, un pédalo, en paddle, en Ehpad, le « modèle français » traverse les quinquennats, droit comme un hic, sous perfusion, à quatre pactes. Les paysans de l’Angélus de Millet n’iront pas voter dimanche.

Cruella De Vil et le chat botté

Masquée derrière un loup, Marine Cruella De Vil et ses chats noirs se rapprochent de l’Elysée. Jamais programme, déclarations, soutiens, n’ont été aussi karchérisés. Le Medef a des sueurs froides. Les constitutionalistes craignent un pronunciamiento, un Frexit.  Le 25 avril, s’il ne se saborde pas en rade de Toulon, le Charles de Gaulle pourrait rejoindre la flotte russe avec la Mère noire. Les audits de programmes sont légitimes, mais l’excessif devient dérisoire. Les preuves fatiguent la vérité. Plutôt que de s’angoisser sur la solidité du « front républicain », réglons le problème une bonne (ou mauvaise) foi.s pour toute ? Si le Rassemblement National est anti-républicain, factieux, il faut le dissoudre sans attendre, par décret en conseil des ministres (article 212-1 du code de sécurité intérieure, modifié par la loi du 24 août 2021). Qu’attend Gérald Darmanin ? 

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Après son OPA de 2017, la startup Macron & Partners prolonge l’Aventure, c’est l’aventure. Caméléon sans vraies convictions, le souverain poncif de la gouvernance, des forces de progrès et de transformation est un spécialiste de verbigération managériale et pneumologie : « la respiration démocratique, la libération des énergies, la concertation horizontale, l’agilité, la vélocité de nos administrations… ». Le président gourou, godille, à voile, à vapeur, dans l’éolien et les sondages. La repentance – et en même temps – la rente mémorielle : l’oxi.maur.mon… Le programme est polyvalent, hybride, modulable comme une compacte segment C. Le menu électoral du Chef c’est poké bowl. Au choix : une base de riz blanc de Camargue, boulgour bobo bio, semoule Regia, des protéines, du saumon, tofu, garnitures et toppings à volonté. Une cuisine moderne, libérée, délivrée, qui permet de ratisser l’effusion et l’éparpille. « Le poumon, le poumon, vous dis-je… ».

Nini peau d’chien

« Ni Le Pen, Ni Macron ! ». Après l’ivresse des sommets du premier tour, les derniers de cordée redescendent au camp de base. « À la Bastille on aime bien Nini peau d’chien, il est si bon et si gentil… ». Jean-Luc Mélenchon en appelle aux fâchés pas fachos. Son auberge espagnole est surtout peuplée de fauchés et fâcheux. Les médias vigilants, vestales de la démocratie, sont curieusement taisants sur les impasses et aberrations du programme insoumis : impôts sur les os, fuite des capitaux, banqueroute en trois mois, obsession de créolisation, racialisme, clientélisme en banlieue, écologisme de pacotille, l’universalisme et la laïcité en berne. Solécisme et barbarie. Julio Mélenchon « n’a pas changé ». Depuis cinquante ans, avec sa lanterne magique, il prend le chemin qui lui plait, nous chante des romances, nous invente des dimanches, nous fait voyager… Il pousse des cris d’Orphée à la recherche de spectres adorés, paradis perdus : Bolivar, Trotski, Castro, Chavez, Bandung, la Tricontinentale, le Maroc multiculturel de ses 10 ans, Rosebud, Combray. Contrairement à Régis Debray, le Spartacus de Tanger, toujours en rade dans la baie des Cochons, n’a rien compris à l’Histoire : on ne réchauffe pas un soufflé. Il chante comme Enrico Macias mais dialogue comme Staline : « Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable ». Four legs good, two legs bad.

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Le chaos importe peu aux fauchés (de gauche ou de droite) ; ils n’ont rien à perdre. Les fâcheux sont plus Tartuffe. Autrefois, avec Hegel, Marx, un fouet, on cassait des œufs pour mitonner les omelettes prolétariennes. Aujourd’hui la Révolution, la vraie, donne la colique aux factionnaires. Thomas Piketty Guevara a une bedaine de sénateur SFIO. L’antéchrist, le néo-libéralisme, le populisme, c’est flou… Les jeunes rebelles oligophrènes ont une bonne conscience et une mauvaise éducation. Orphelins de la dialectique et de la praxis, nombrilistes, ils exigent sur les rezzous sociaux des iPhones solaires, l’élitisme, pour tous ! Au royaume des idées, les faits n’ont pas d’importance. Du beau, du bon, du bien, des benêts… « La grandeur de la Gauche c’est de vouloir sauver les médiocres. Sa faiblesse c’est qu’il y en a trop » (San Antonio).

La farce tranquille

Dans le bestiaire électoral, après Mélenchon la tortue, Marine la louve, Macron la chauve-souris: je suis de Gauche voyez mes aides, je suis de Droite, vive les gras ! « Ne faisons rien. C’est plus prudent … ». En attendant de Gaulle, la chèvre française est dans les choux. Notre tradition politique, c’est la farce tranquille. Depuis 1945, le pays – radical-socialiste – est gouverné au Centre. Personne n’est content, tout le monde aime cela, déclame son indignation à chaque élection: Du passif, faisons table rase ! Un pour tous, tout pour tous ! Nous vaincrons, parce que nous sommes les plus faibles ! Fraternité, Égalité, Liberté ! Le changement, c’est marrant ! En Marche, au pas, au trot, au galop … L’avantage d’élire un.e Président.e honni.e c’est que les manifs, voitures incendiées, blocage des ronds-points, pourront commencer dès le 25 avril. Mazarin.e n’en n’a cure. « Qu’ils chantent pourvu qu’ils paient ».

« L’optimisme est une fausse espérance à l’usage des lâches et des imbéciles » (Bernanos).

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