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Macron, champion de boxe


Macron, champion de boxe
Saint-Denis, 21 avril 2022 © Francois Mori/AP/SIPA

Un billet de Marie-Hélène Verdier


On se souvient de phrases célèbres lors de débats présidentiels : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » Ou « Alors, permettez-moi de vous appeler, Monsieur Mitterand ! » Qui ne se souvient des yeux papillotants, alors, du candidat de gauche ? Ce temps n’est plus. Quel débat frustrant que cette tauromachie présidentielle sans queue ni oreilles ! Non que Marine Le Pen eût démérité, loin de là, mais, dans un combat politique, il faut toréer ferme, donner des coups et porter l’estocade. Or, elle est restée sur son quant à soi : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » Sans porter le coup fatal, sans décocher la phrase assassine qui déstabilise l’adversaire et passe à la postérité.

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Mathieu Bock-Coté a dit parfaitement, hier, à Cnews, comme le quatrième pouvoir, représenté par les médias, impose quasiment les votes par des sondages et régente le débat : mise en scène, questions, timing. Le temps de parole, mesuré par les prompteurs, est l’obsession des journalistes. Avant-hier, outre que le générique, au début, a couvert la voix de Marine Le Pen, il n’y eut rien de la solennité d’un débat présidentiel, mais de l’ennui. Et il a fallu attendre 11 heures et demie pour que l’on traite des problèmes majeurs qui travaillent la France, au seul profit du « pouvoir d’achat ». Gilles Bouleau et Léa Salamé regardaient le prompteur. Le président, les bras croisés, enfoncé dans son fauteuil ou menton dans la main, pressé d’en finir, regardait avec condescendance ou désinvolture Marine Le Pen. Ce faisant, il décrédibilisait son adversaire. Elle, droite comme un menhir, gardant sa tenue, faisait attention, néanmoins, à ne pas se radicaliser en direct.

Mais si Marine Le Pen n’a pas démérité, elle n’a néanmoins pas su pousser son avantage sur certaines questions et prendre la main. On se souvient de l’anaphore « Moi, président » qui avait asphyxié l’adversaire. Parlons de votre bilan, Monsieur Macron ! Un nouveau quinquennat ? Pourquoi faire ? Vous dites que c’est la guerre civile si on interdit le voile ? Mais elle est déjà là dans beaucoup de quartiers, la guerre civile ! Et vous le savez fort bien, Monsieur Macron ! Las, c’est à neuf heures et demie qu’on a levé le voile sur la statue du Commandeur.

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Surtout: s’il avait été décidé qu’on ne parlerait que très tard des questions fondamentales, on avait décidé aussi qu’on n’évoquerait, en aucun cas, les questions de vie et de mort dites « questions sociétales ». C’est donc dans le message final aux Français (pour racoler les lobbys) que le président sortant déclara que la grande cause de son quinquennat serait… l’enfant ! Comprenons bien: après la PMA, il faut craindre la GPA pour tous, et l’euthanasie à la carte. Alors que sur ces questions, les deux candidats s’opposent nettement, personne n’a jamais parlé, de ces « valeurs » qui fondent notre vie commune et garantissent notre unité. La grande perdante de ce duel, c’est la France.

Le lendemain du tournoi, le candidat président est allé boxer, sous l’œil des caméras, avec des habitants de Saint-Denis. Il en a profité pour inciter à lutter contre « l’extrême droite ». Ce qu’il s’était gardé de dire au débat. Quant à lui, il a raison de se préparer aux matchs qui l’attendent, au cas où il serait élu. Car les vents sont mauvais qui soufflent de partout.




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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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