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Le rôle sulfureux du demi-frère de MBZ, le Sheikh Tahnoun, dans la radicalisation des Émirats arabes unis

Si les Émirats arabes unis ont réussi à étendre leur influence du Moyen-Orient aux États-Unis, jusque dans la Maison Blanche de Donald Trump, c’est grâce aux efforts entrepris par le Sheikh Tahnoun, conseiller émirati à la sécurité nationale…


On n’a de cesse de parler de Mohamed Ben Zayed, fils du fondateur des Emirats arabes unis en 1971 et désormais nouveau président de la confédération depuis la mort de son père en mai dernier. On parle bien moins de son demi-frère, Tahnoun Ben Zayed, de la même dynastie, celle des Al Nahyane, l’actuel conseiller à la sécurité nationale des Émirats, et qui avait été nommé vice conseiller au même poste par feu son père en 2013. Et peut-être le prochain boss du pays ? 

Cheikh Zayed avait une vision de développement moderne et ouverte pour son pays. En revanche, son fils, prince héritier dès 2014, transformera et accélérera ce développement tous azimuts en radicalisant le pays, et ce jusqu’à influencer le destin du Moyen-Orient tout entier pour ses propres intérêts. Cette vision repose à la fois sur la nécessité de faire d’Abu Dhabi une forteresse imprenable, avec des capacités militaires importantes et la présence de forces étrangères comme assurance-vie, mais également sur l’urgence de mettre un terme à tous les mouvements démocratisants issus des Printemps arabes et qui ont pour lui bien trop fait la part belle aux mouvements des Frères musulmans. 

Le ju-jitsu, levier de la stratégie d’influence émiratie?

Dans la même veine, et non étranger à ce glissement géostratégique des Emirats, Sheikh Tahnoun, prend à cœur ce poste politique stratégique de conseiller à la sécurité pour le compte désormais de son propre frère. Fait moins connu : il joue depuis des années un rôle majeur dans le ju-jitsu mondial, ce sport de combattant asiatique tiré de l’art des samouraïs au Japon. Une façade ? Lui pratique en tout cas assidûment la version brésilienne de celui-ci. Il a ainsi créé la fameuse compétition ADCC World Submission Fighting Championships et a rôdé dans les rings américains dès 1995. S’étant fait passer pour un modeste élève, il ne révélera que bien plus tard à ses professeurs sa véritable identité. Il reviendra aux Émirats arabes unis dès 1998 pour développer ce sport de combat dans le pays. Aujourd’hui, son centre est un des meilleurs du monde arabe. 

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Son frère, Mohamed Ben Zayed, s’est pris de passion aussi apparemment pour le sport de combat de son frère. Enseigner le ju-jitsu à l’école, dans les entreprises, dans les administrations, voilà un de ses projets d’ampleur nationale. Cela conditionne une vision tout à fait guerrière de la société, à l’image de ses dirigeants. Il aide même des jeunes talents à percer. Voilà pour la version officielle. 

L’interventionnisme d’Abu Dabi envers les mouvements de révolte populaire arabes

Mohamed Ben Zayed et Sheikh Tahnoun, c’est une vision très autoritaire du futur du pays et de la région qu’ils rêvent d’orienter voire diriger. Des Printemps arabes survenus en 2010, il ne reste quasiment plus rien. Tous ont été étouffés ou se sont éteints d’eux-mêmes. Mais pour beaucoup, de l’Algérie au Yémen en passant par le Soudan, l’Egypte, Abu Dhabi porte la responsabilité en ayant soutenu par tous les moyens les pouvoirs autoritaires afin d’étouffer toute contestation démocratique dans le monde musulman. La paranoïa de Mohamed Ben Zayed, comme celle de son frère, de voir les Frères musulmans prendre le pouvoir dans leur propre pays, alors qu’ils ne sont même pas plusieurs centaines, a stimulé chez eux un vent de contre-révolution pour tout le monde arabe. Quid des processus de démocratisation ? Ils sont morts, même en Tunisie. Le Washington Post décrivait Tahnoun ainsi en octobre 2021 : « Si vous êtes intéressé par la géopolitique du Moyen-Orient, il y a de fortes chances que vous connaissiez le cheikh Tahnoun bin Zayed Al Nahyan en tant que conseiller à la sécurité nationale des Émirats arabes unis. Dans ce rôle, il a joué un rôle central dans les opérations militaires du pays au Yémen et en Libye, et dans ses récents efforts pour réparer les dégâts causés avec des rivaux régionaux comme la Turquie, le Qatar et l’Iran. » [1]

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Le cas litigieux de la Syrie concerne les deux hommes : MBZ est le premier et longtemps le seul dirigeant de la région et du monde à avoir appelé à la normalisation du régime de Bachar Al Assad, alors que dès 2012, des hommes d’affaires émiratis se pressaient à Damas pour envisager la reconstruction du pays à venir. Sheikh Tahnoun n’est pas vierge dans tout cela : alors que Washington impose des sanctions contre le régime de Damas, visant les réseaux de soutien à Bachar al Assad à l’étranger, le Washington Post révélait le 16 août 2020, que Tahnoun avait déposé près de 200 000 dollars sur les comptes bancaires de la nièce du président syrien, Aniseh Shawkat, en qualité de « parrain ». Depuis, les comptes ont été saisis, mais Tahnoun jamais poursuivi alors qu’il a clairement enfreint le droit international et le régime des sanctions imposé à Damas… Depuis des années, il semble y avoir un régime de faveur pour Abu Dhabi à Washington. De plus, en sa qualité de conseiller à la sécurité du pays, Tahnoon, a forcément un lien avec le projet Raven, ce grand projet de surveillance généralisé de cibles politiques bien déterminées, où l’on retrouvait d’anciens agents de la CIA, en charge de surveiller notamment des… Américains ! Tout cela, bien sûr, au nom de la guerre contre le terrorisme.

Ingérence durant le mandat Trump

En 2021, un businessman du nom de Thomas Joseph Barrack avait été arrêté aux Etats-Unis pour ses liens troubles avec les Émirats arabes unis et ses activités d’influence [2]. À l’époque, proche de Trump, il était un de ses principaux soutiens financiers lors de la campagne de 2016. Devenu conseiller informel pour le Moyen-Orient de l’administration Trump ensuite, il aurait intrigué en faveur d’Abu Dhabi pour influencer les politiques proches de la Maison Blanche. Lors de son procès qui a démarré en juillet 2021, et où il était accusé d’être un agent pour le compte d’un État étranger et d’avoir menti à maintes reprises au FBI, il cita plusieurs noms dont celui de MBZ, celui de Youssef Al Otaiba, l’ambassadeur émirati aux États-Unis, mais également celui de Sheikh Tahnoon en sa qualité de conseiller à la sécurité des EAU !

Derrière le ju-jitsu et cette volonté de démocratiser ce sport de combat, se cache manifestement un ardent combattant de réseaux, d’influence, et ce pour le compte de son autoritaire et combattant politique de frère. Beaucoup pensent déjà que le prochain big boss du pays, ce sera Tahnoon… L’autorité et le soufre, c’est de famille !


[1] https://www.washingtonpost.com/business/energy/meet-the-uaes-royal-troubleshooter-and-maybe-next-big-boss/2021/10/21/f33ea4e8-3234-11ec-8036-7db255bff176_story.html

[2] https://www.reuters.com/world/us/trump-fundraiser-barrack-loses-bid-dismiss-uae-lobbying-charges-2022-06-22/

Infantilisation et culpabilisation sont en bateau, Olivier Véran tombe à l’eau

À la sortie du Conseil des ministres du mercredi 20 juillet, Olivier Véran nous a repris par la main pour nous indiquer à nouveau les « bons gestes » — non plus ceux qui empêchent le Covid de passer par nous, mais ceux qui nous permettront bientôt de compenser l’absence de gaz russe. L’infantilisation générale continue, affirme notre chroniqueur.


« Quand on part en week-end ou en vacances, on débranche un maximum de prises électriques, parce que sinon ça continue de consommer de l’énergie », a recommandé Olivier Véran au sortir du Conseil des ministres. Et d’appeler également à « débrancher son wifi », à « baisser un peu la clim » et à « éteindre les lumières lorsqu’on n’utilise pas les pièces ». La « chasse au gaspi », instaurée après le second choc pétrolier en 1979, est de retour.

Ces conseils, les parents avisés les donnent journellement à leurs enfants, petits et grands. Tout comme ils leur demandent de se laver les mains avant de passer à table et en sortant des toilettes, de ne pas éternuer à la face de leur voisin, et d’aérer leur chambre, lorsqu’elle commence à sentir les pieds sales et la libido rance.

En 2020, le docteur Véran, promu ministre de la Santé, nous a expliqué comment juguler le virus qui courait la ville et les champs. Désormais, il fait mieux, il est le père universel d’une nation de mioches.

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Comme l’a remarqué Nathan Devers sur CNews ce matin, nous sommes nombreux à avoir assez mal pris, ces deux dernières années, cette infantilisation généralisée des adultes, menacés d’une amende lorsqu’ils ne suivaient pas les consignes et oubliaient de mettre un masque sur les plages. D’autant que cette infantilisation s’est doublée d’une culpabilisation tout aussi implacable des enfants, accusés par avance de porter sur eux les germes qui tueraient infailliblement leurs grands-parents.

C’était l’époque, souvenez-vous, où Papy et Mamie, à Noël, devaient manger à la cuisine, de crainte qu’un bambin leur apporte une mort certaine. Et quand ils étaient morts, il était interdit d’aller à leurs obsèques — de crainte de les tuer une seconde fois. Le gouvernement d’Emmanuel Macron restera dans les mémoires comme celui qui a supprimé le rite le plus ancien des sociétés humaines, sous prétexte de nous épargner un gros rhume: je viens d’avoir le Covid — et ce fut un gros rhume sur trois jours, qui ne m’a empêché ni d’aller me baigner, ni de boire et manger, ni d’embrasser ma fille qui me l’avait passé. Ni d’écrire sur Causeur.

On parlera de géopolitique plus tard

Il fut un temps — au siècle dernier — où les patrons jouaient la carte du paternalisme avec leurs ouvriers, considérés comme éternellement mineurs — surtout chez Zola. Schneider construisait Le Creusot pour ses employés, on prélevait à la source le prix des loyers et de divers services, on versait le reliquat aux épouses afin que leurs maris n’en profitent pas pour tout dépenser en une soirée à l’estaminet du coin.

Puis les instituteurs de la IIIe République (et des suivantes) ont enseigné à leurs élèves les règles élémentaires d’hygiène. Ainsi progressent les civilisations — jusqu’à ce que d’autres, avec des règles plus laxistes, prennent le dessus…

Mais il est tout à fait nouveau qu’un gouvernement se mêle de la façon dont nous disons bonjour (se serrer la main ? Quelle horreur — désormais on se tend le poing, comme des racailles), dont nous expectorons nos humeurs et les pollens qui nous chatouillent la narine, dont nous avons plus ou moins chaud, ou froid, dont nous réglons nos appareils ménagers — le frigo sur 2, pas sur 4, dépensiers que vous êtes ! —, dont nous gérons le deux-pièces dans lequel vivotent la plupart des Français, ou dont nous nous déplaçons dans des voitures qu’on exige pourtant électriques.

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Les médias servent désormais à relayer les consignes de base. Faute de parler aux Français des sujets brûlants (non, pas la canicule, qui est de saison, mais le pouvoir d’achat, qui est bien autrement en berne qu’on ne l’avoue à Bercy, ou l’insécurité — entendez-vous le bruit des couteaux qu’on aiguise ?), ils nous bercent de rengaines catastrophées : les pins brûlent dans les Landes, le nombre d’hospitalisations monte en flèche, il y a du monde dans les gares… Même la guerre en Ukraine ne fait plus recette — sinon sous la forme d’une menace sur les pâtes alimentaires, l’huile de tournesol et la moutarde. On parlera de géopolitique l’année prochaine…

Bourg-en-Bresse: les commerces climatisés interdits

Les journalistes multiplient les micro-trottoirs, pour demander à des Français consternés un avis dont ils se fichent pas mal, étant les seuls à détenir la vérité. Certains enseignants font de même en classe — « quel est votre avis sur le théorème de D’Alembert, la Guerre des Six jours ou les romans de Sylvie Germain », tous sujets sur lesquels les élèves sont bien incapables d’avoir le commencement d’une idée, mais sur lesquels ils ont sans doute des avis.

Mais ce qui à la rigueur peut se comprendre en classe est inexcusable à l’échelle d’une société de citoyens majeurs, capables de distinguer un écran de fumée lorsqu’ils en voient un. Et cette triade infernale, infantilisation / culpabilisation / répression, qui promet comme à Bourg-en-Bresse des amendes de 38€ aux commerçants qui climatiseraient leurs boutiques tout en ouvrant la porte, est le signe d’un reflux évident de la démocratie, qui repose à l’origine sur la certitude que les citoyens sont assez adultes pour élire leurs représentants, mais qui désormais ne le sont plus assez pour se déplacer, éternuer ou prendre l’air. Le dernier représentant de cette démocratie moribonde voudra bien, en sortant pour entrer dans une ère totalitaire, penser à éteindre la lumière — même si pour l’essentiel, c’est déjà fait.

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Radio Alpha

La superstar du reggae avait-elle fumé de la mauvaise gandja au petit déj’? Quant à Charline Vanhoenacker, est-on absolument certain qu’elle n’agace que les fachos?


Lors de son dernier billet, Charline Vanhoenacker a indiqué qu’elle n’avait « pas prévu de pot de départ », mais a invité les auditeurs à se « rapprocher de la fachosphère qui [avait] mis le champagne au frais ». Après huit ans de chroniques aux frais du contribuable, l’humoriste a été remerciée de la matinale de France Inter. Elle conserve cependant son émission de 17 heures, « Par Jupiter ! ». C’est là que, pour finir la saison en beauté le 23 juin, elle invite le chanteur engagé Alpha Blondy. Une mauvaise idée. 

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De retour d’un pèlerinage à La Mecque, plus allumé que jamais, la star de 69 ans multiplie les allusions au « Créateur », sans que cela agace la plupart des habituels bouffeurs de curés présents. Et quand Vanhoenacker demande au reggae-man ivoirien pourquoi la menace djihadiste se rapprochant d’Abidjan ne l’inquiète pas, elle s’entend répondre : « Il faudrait déjà demander qui arme les djihadistes. Les djihadistes qui s’appellent Jean-Claude ou François, c’est pas des djihadistes, c’est des mercenaires ! » Un ange passe. Le grand sage poursuit alors son analyse : « Qui a bombardé la Syrie, la Libye ? À qui profite ce djihad à la con ? » Des rires gênés se font entendre. « Les Africains ne veulent plus de la présence militaire française. […] Tous les présidents frileux [de l’Union africaine] courent tout de suite attraper le pantalon de la France, ça arrange la France, ça arrange les États-Unis ! » Consciente qu’un manque de maîtrise de l’antenne peut compromettre sa carrière, notre animatrice propose de passer à un sujet plus « cool », maintenant que la France vient de prendre « sa dérouillée ». Quand son invité affirme que ce qu’il vient de dire est déjà « très cool », elle tente dans un rire nerveux une dernière blague : « Oui, l’Élysée a appelé, et a trouvé ça très cool ! » 

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D’un côté, celui qui s’est toujours présenté comme le défenseur de la paix et des miséreux, mais dont l’efficace propagande a tout pour plaire aux Russes du groupe Wagner ; de l’autre, celle qui n’agace peut-être pas que les fachos.

Canicule à l’Assemblée nationale: elle va s’y consumer!

On y a même vu un salut nazi.


Avec la canicule, un rideau de fer rouge a été tiré sur tout le pays. Les Français suffoquent et les forêts desséchées, proies d’incendies volontaires ou accidentels, s’embrasent. En Gironde, c’est plus de 27.000 hectares qui ont été dévastés et la Bretagne n’est pas épargnée. Si la catastrophe est écologique, elle est aussi économique puisque ces régions vivent en grande partie du tourisme estival. Pensons aux cinq campings situés près de la Teste-de-Buch, dont celui des Flots Bleus qui fut le théâtre des frasques aoûtiennes de Patrick Chirac et de ses acolytes, dans le film « Camping » : ils ont été détruits.

Mais, c’est sur un autre feu qui couve que nous aimerions attirer l’attention, celui qui menace l’Assemblée nationale. Les braises de la violente bêtise qui y règne, attisées par un Siroco d’indécence, risquent à tout instant de se muer en flammes dévorantes.

L’agitation qui prévaut lors des débats, quasiment institutionnelle, est un héritage de la Révolution. Soit. On souhaiterait pourtant que ladite agitation ne se soit pas muée en une foire d’empoigne où fusent les plus basses insultes et où se commettent les gestes les plus obscènes qui sonnent aux oreilles de la population comme une provocation incessante.

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Alors qu’on débat du projet de loi sur le pouvoir d’achat, les Insoumis soufflent à plaisir sur les braises de la discorde. C’est sans hésiter qu’ils rebaptisent la prime Macron : « prime enfumage », dès le premier amendement qu’ils proposent.

Lors de ce même débat, le Rassemblement national dignement cravaté et se drapant ostensiblement dans la posture responsable et constructive que lui confère sa toute fraîche respectabilité n’exclut pas de voter, Marine Le Pen l’affirme, « l’essentiel des mesures proposées par le gouvernement dans ce texte ». Elle n’hésite pas à ajouter : « Nous avons entendu le message des Français, ils ne veulent pas d’obstruction mais du travail constructif. » La présidente du groupe RN à l’Assemblée prend ainsi un plaisir jubilatoire à embarrasser la majorité en affichant une volonté d’alliance dans l’intérêt supérieur de la France.

C’est de bonne guerre, cette position sera immanquablement qualifiée de collusion avec l’extrême droite, tant par une Nupes braillarde et débraillée que par les quelques Républicains de l’Assemblée. On entend déjà, aussi bien qu’on pouvait sentir jusqu’à Paris l’odeur des feux allumés en Gironde, les beuglements des affidés de Mélenchon : ils éructent, la babine baveuse, retroussée sur une canine impitoyable. Le compromis sera toujours rebaptisé par eux compromission.

Julien Odoul, du Rassemblement national, n’a pas hésité, non sans une certaine pertinence, force est d’en convenir, à ridiculiser le Garde des Sceaux, lors d’une séance. Il lui a démontré par l’implacable énumération des attaques à l’arme blanche perpétrés ces quinze derniers jours sur notre territoire que la France était bel et bien, n’en déplaise à M. Dupond-Moretti, devenue un coupe-gorge. Ce à quoi le Ministre de la Justice, qui a perdu depuis qu’il sévit audit ministère, sa verve légendaire, n’a opposé qu’une très médiocre répartie : « Vous avez la matraque magique, non pas la baguette magique. » Cette saillie n’apporta que pouic au débat.

Rémy Rebeyrotte, enfin, député LREM dont nous ignorions jusqu’alors l’existence, fait… le salut nazi dans l’hémicycle. Voici la justification inepte et lamentable que notre homme propose pour son geste qui atteste d’une sensibilité historique pénétrante : « Au moment où l’extrême-droite et l’extrême-gauche tortillent main dans la main les dernières mesures de protection de la population face au Covid, un grand gaillard élu FN que Mme Le Pen a mis tout au fond sous la tribune fait un salut nazi. Je lui signifie de loin que je l’ai vu et qu’il ne faut pas faire cela. »

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Nous sommes décidément à l’acte I, scène première de Cyrano de Bergerac : le décor est planté : « La salle de l’Hôtel de Bourgogne, en 1640. Sorte de hangar de jeu de paume aménagé pour les représentations. (…) Au-dessus du manteau d’Arlequin, les armes royales. On descend de l’estrade dans la salle par de larges marches. De chaque côté des marches, la place des violons. Rampe de chandelles. »

Un désordre qui confine au bordel règne dans notre Assemblée comme dans le théâtre fictif de Cyrano où l’on s’apprête à donner la « Clorise ». De même on y brasse un air chaud et vicié, au plus près des chandelles :

UN HOMME, s’asseyant par terre avec d’autres porteurs de provision de bouche.
Lorsqu’on vient en avance, on est bien pour manger. (…)

UN JOUEUR
Brelan d’as !

UN HOMME, tirant une bouteille de sous son manteau et s’asseyant aussi.
Un ivrogne
Doit boire son bourgogne…
Il boit.
A l’hôtel de bourgogne !

LE BOURGEOIS, à son fils.
Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu ?
Il montre l’ivrogne du bout sa canne.
Buveurs…
En rompant, un des cavaliers le bouscule.
Bretteurs !
Il tombe au milieu des joueurs.
Joueurs ! (…)

LE BOURGEOIS, éloignant vivement son fils.
Jour de Dieu !
-Et penser que c’est dans une salle pareille
Qu’on joua du Rotrou, mon fils !

LE JEUNE HOMME
Et du Corneille !

L’Assemblée est à l’image de ce parterre des théâtres d’autrefois. On y jure, on s’agite vainement, mais non sans vanité. On y déclame sans voix qui porte. On s’apostrophe sans talent. On s’empoigne dans une atmosphère devenue combustible. Malmenées, les chandelles du Palais Bourbon vacillent. L’embrasement ne saurait tarder, menant à la dissolution d’une Assemblée qu’on regrettera moins que le camping des Flots Bleus.

À l’Assemblée nationale, le RN les rend fous!

Cela s’est notamment remarqué lors d’une passe d’armes entre le garde des Sceaux et le député Odoul, le 19 juillet…


Pourtant j’aurais dû le savoir. Quand on réclamait une représentation plus juste plus fidèle du pays à l’Assemblée nationale, il allait de soi que le RN devait en être exclu… Quand on invoquait et qu’on célébrait à longueur de mots et de postures la démocratie, l’évidence était que celle-ci ne devenait acceptable que si elle ostracisait le RN. Puisque ce parti est nazi, fasciste, raciste, antisémite, non républicain – le retour d’un nouvel Hitler dans ses fourgons ! – et qu’il attise « les peurs, la haine et la division » comme l’a dit encore récemment cet homme de nuances qu’est le garde des Sceaux. Sans doute ai-je oublié dans cet inventaire tel ou tel grief qui aurait ajouté à l’opprobre ?

Argumentation désespérée

Je ne me donnerai pas le ridicule de contredire cette accumulation dénonciatrice au nom de la multitude qui a voté pour ce parti et de l’attitude qui est la sienne à l’Assemblée nationale et qui n’est pas honteuse. Je ne pousserai pas la polémique jusqu’à souligner que l’antisémitisme de la droite extrême, au cours de ces dernières années, n’a tué personne. Pour s’attirer le vote musulman, une certaine extrême gauche est au contraire bien complaisante à l’égard de l’islamisme antisémite, abandonnant une lutte légitime pour un combat douteux. Que Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI, continue à faire comme si le danger était là où il n’est pas en épargnant sa propre mouvance, pourquoi pas ? C’est dans la logique aberrante des choses partisanes. Que Fabien Roussel qui frôle parfois le parler-vrai continue à cibler exclusivement l’extrême droite est plus décevant, alors qu’il a pourtant déploré le caractère provocateur du tweet de Mathilde Panot sur la rafle du Vél d’Hiv et Emmanuel Macron.

Je pourrais être tenté de me livrer à une argumentation mais je la sais désespérée. Le père et ses délires historiques répudiés, est-il normal de continuer à traiter la fille sur le même mode ? Quand on ne peut contester la réalité d’une heureuse normalisation, on la qualifie d’hypocrite, de sorte que clairement le RN est condamné quoi qu’il fasse ou dise ou ne dise pas. Je résisterai à un développement sur l’union des droites, désirée par certains mais tellement refusée par une majorité des LR et Marine Le Pen qu’il n’est plus nécessaire de l’évoquer. Il nous manque le Mitterrand formidable tacticien capable de réaliser une unité apparemment impossible. Il est vrai qu’aujourd’hui, pour poursuivre cette comparaison, le risque serait de voir le RN absorber la droite classique.

La vie politique française a-t-elle toujours besoin de stigmatisation?

Je ne tomberai pas à nouveau dans le ridicule d’avoir à me justifier au sujet du RN en rappelant que mon vote ne lui sera jamais acquis pour des raisons politiques et économiques mais que j’ai cependant le droit de chasser les fantasmes à son propos. Je l’avoue : j’imaginais que ce beau et équitable coup de force législatif, avec cette majorité seulement relative pour Renaissance, cette impressionnante représentation de la Nupes et ces 89 députés RN (que Marine Le Pen n’espérait pas, même au comble de l’optimisme), permettrait de mettre au rancart les constants affrontements de la France livrée à elle-même puisqu’ils se pacifieraient naturellement par la magie du débat parlementaire.

J’aspirais à ce qu’on dépassât le partage entre le bon grain et l’ivraie puisque l’élection de tous les députés les constituait, sans discrimination, comme du bon grain. Dans le sens où ils avaient à être perçus, au regard de la démocratie, comme égaux en dignité et méritant donc de bénéficier d’un traitement similaire dans le cadre de la délibération collective ; cette richesse républicaine magnifiant les antagonismes en une vérité supérieure, pour peu que le pouvoir et ses opposants y mettent du leur. Mon approche avait le grand tort d’oublier la perversion fondamentale de la vie politique française qui a toujours besoin d’une stigmatisation sous l’esprit et d’une vitupération morale dans son sac. Rêver d’une sérénité par l’entremise de l’élection législative était de ma part une aberration prenant ses désirs pour un inconcevable monde raisonnable. En réalité, le RN les a rendus tous fous.

Le fait qu’on attendait – qu’on espérait – le pire de lui et qu’il a déçu même ses contempteurs les plus acharnés, loin de faire diminuer la tension, l’a aggravée. On avait tellement pris l’habitude de remplacer l’intelligence par l’indignation qu’on n’était plus capable de changer de registre. L’hostilité qui ne s’interroge jamais est un confort. Je suis navré de reprendre quelques exemples auxquels j’ai déjà fait un sort dans tel ou tel de mes billets ; l’actualité est si riche en épisodes délétères qu’elle m’en offre également de nouveaux. Il y a bien sûr cette invocation lassante de « l’arc républicain » qui ne signifie rien. Cette distinction choquante et indémontrable entre les opposants qui seraient des adversaires et ceux qui seraient des ennemis : la Nupes et le RN. De la part de Gérald Darmanin dont le talent se dévoie par surenchère et courtisanerie. Cette manière scandaleuse de chasser du débat par principe les députés qui, sans inconditionnalité ni révérence, l’auraient justement enrichi.

La Première ministre Bordeau Chesnel

Il y a la Première ministre, tellement équilibrée par ailleurs, qui ressasse qu’elle n’a pas « les mêmes valeurs que le RN » sans prendre jamais la peine de les nommer et de les expliciter. Il y a ce ministre de l’Education nationale qui décrète qu’il ne discutera jamais avec le RN. Il y a ce jeune malappris qui refuse de saluer ses collègues parce qu’ils sont du RN et qui avec d’autres a organisé une mise en scène grotesque devant l’Assemblée nationale. Il y a ce député Renaissance qui fait le salut nazi pour prétendument répondre à celui qu’un député RN n’a pas fait et contre cette indécence, on ne peut que saluer la réaction de la présidente de l’Assemblée nationale et de la présidente du groupe Renaissance.

Comment ne pas s’arrêter aussi sur les attitudes du garde des Sceaux tellement révélatrices ? Il affirme d’abord être prêt à « travailler » avec le RN puis, sans doute dépassé par cette tolérance subite, déclare avoir été mal compris et reprend, sans déroger, sa ligne sur « la haine, les peurs et la division » du RN qui serait tout de même plus « dangereux » que LFI parce qu’il se masquerait : en gros, malfaisant ou correct, il serait le même! On a eu une lamentable illustration de ce sectarisme lors d’un échange entre le ministre de la Justice et le député RN Julien Odoul. Le premier, peu de temps après sa nomination, avait nié que la France soit « un coupe-gorge » et soutenu que l’insécurité était un « sentiment ». Il en avait tout à fait le droit. Ce député lui a posé une question, au soutien de sa conviction que la France était en effet « un coupe-gorge », en rappelant quelques affaires criminelles gravissimes commises en des lieux différents. Cette interrogation n’avait rien de honteux. Pourtant Eric Dupond-Moretti, incapable de modifier son logiciel partisan, n’a pas réagi sur le fond, fût-ce pour contester, mais a éructé contre le RN. Si je n’avais pas connu l’avocat brillant, j’aurais conclu que le ministre décidément n’était pas à la hauteur.


Rien n’est irréversible

Il y aura, je le crains, d’autres péripéties dérisoires, ridicules, partiales ou indignes qui altéreront le climat de l’Assemblée nationale. Elles ne pourraient cesser que si plusieurs conditions étaient réunies : – Une prise de conscience par la macronie, et d’abord du président et de la Première ministre, du fait qu’en semant un ostracisme non républicain, on récolte des tempêtes aux antipodes de la démocratie. – – L’abandon de cette fausse bonne idée d’un Conseil national de la refondation qui créerait une concurrence déloyale à l’égard d’une Assemblée à protéger précieusement, parce qu’elle est aujourd’hui la vraie rénovation.

– Le sursaut de LFI qui, projetée par le pouvoir dans le même opprobre parlementaire que le RN, pourrait se raviser et accepter, au moins dans la forme, d’engendrer une autre atmosphère. Moins de bruit, de fureur et de détestation systématique pour plus d’écoute, de vrai dialogue et de vérité.
– Moins de pudibonderie des députés LR : on peut refuser toute alliance avec le RN sans se poser, dans la quotidienneté parlementaire, des questions qui conduisent à négliger certaines convictions communes, notamment sur les plans de la sécurité, de la Justice et de l’autorité de l’Etat.
– Un changement radical, sur le plan de la pratique parlementaire, à l’égard du RN. Tant que celui-ci sera pourfendu par une facilité éthique (jamais questionnée) et non par une contradiction politique argumentée, tant qu’on s’obstinera à ne pas le créditer de sa bonne volonté républicaine en lui reprochant même le soutien ponctuel qu’il donne au projet de loi en discussion, tant qu’on lui imputera une haine qu’on éprouve à son égard malgré la purification que l’AN aurait dû opérer, tant qu’il sera dedans mais traité comme s’il était dehors, rien ne sera modifié.

C’est sans doute dur à accepter mais la seule stigmatisation morale est, malgré sa noblesse apparente, un signe d’impuissance qui n’a aucun effet politique. Elle amplifie au contraire ce qu’elle croit réduire. Qu’on continue ce processus, et l’Assemblée nationale continuera à favoriser cette dérive, voire ce mépris du pays contre sa classe politique. Alors qu’on avait le droit d’imaginer qu’ayant accueilli en son sein une France plus authentique, contrastée et diverse, elle aurait pu apaiser la révolte, les ressentiments et les angoisses de notre pays. Ils sont venus la gangrener.

Rien n’est irréversible. J’en veux pour preuve les débats parlementaires dans l’après-midi du 18 juillet sur le projet de loi concernant le pouvoir d’achat. Ils n’étaient pas médiocres. Serait-il donc impossible de constituer ces lueurs ponctuelles en une lumière honorable et constante ?

Et maintenant, les hommes transgenres réclament la PMA!

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Dilemme juridique: accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil. Car oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais des hommes sont désormais en capacité de mener une grossesse…


Ce vendredi 8 juillet, le Conseil constitutionnel ratifiait l’exclusion des hommes transgenres de la PMA pour toutes. Celle-ci était ouverte par la loi « bioéthique » d’août 2021 aux couples lesbiens et aux femmes seules. Le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS) avait donc saisi les Sages sur cette question prioritaire de constitutionnalité. La condition d’accès à la PMA étant fondée sur l’état civil plutôt que les capacités reproductives réelles, le GIAPS estimait qu’infraction était faite au principe d’égalité entre hommes et femmes.

On ne naît pas femme, on le devient?

Réponse du Conseil constitutionnel : il s’agit par cette loi de « permettre l’égal accès des femmes à l’assistance médicale à la procréation, sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle ». Ainsi, « la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l’état civil, pouvait justifier une différence de traitement » pour l’accès à la PMA. A l’allégation du seul état civil, le GIAPS répond qu’alors, le Conseil « vient réduire à néant le principe constitutionnel d’égalité entre les sexes ».

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« On ne naît pas femme, on le devient » : les études de genre décorrèlent le sexe biologique de l’identité sociale. Nature contre culture. Culture contre-nature, rétorqueraient certains frileux de l’arbitraire subjectif ou du déterminisme social. Mais qu’invoque le GIAPS pour l’accès à la PMA des hommes transgenres disposant encore d’un utérus ? Précisément cette transcendance du sexe biologique sur l’état civil issu de ma seule décision d’être homme ou femme. To be and not to be : je suis homme civil et femme biologique, que l’on reconnaisse donc les droits de celle-ci et l’identité de celui-là. Le beurre, l’argent du beurre, et les bonnes grâces de la crémière. Mais admettons. Rendons justice à la justesse du GIAPS quand il souligne la fissure de l’édifice maniaco-législocrate : « Si le sexe à l’état civil est un critère objectif et rationnel pour distinguer l’accès à certains droits, pourquoi ne pas dire que seules les femmes à l’état civil ont accès, par exemple, aux allocations familiales, ou encore que les hommes trans sont exclus de l’accès à l’IVG ? ». La revendication d’une égalité fondée sur le sexe biologique plutôt que l’état civil semble plus probante qu’une exclusive référence à ce dernier. Car au grand dam des casuistiques du genre, « iel » est superbement ignoré dans la lutte contre la précarité menstruelle. Le genre est dérangé, le genre est dé-genré. Face à ce naturel qui revient au galop, le Conseil constitutionnel clôture maladroitement le débat par l’état civil. Qui a les mains propres, mais qui n’a pas de mains. Le principe d’une stricte identité juridique contre la réalité des hormones : un Kant se drapant dans la toge de son légalisme éthéré. Le GIAPS souligne ainsi l’hypocrisie du hiatus entre état civil et biologique. D’un côté l’artifice de l’identité et de l’autre, le droit par la nature. Que faire ? Concéder le premier et accéder aux demandes du second ? Ou comment mettre un sparadrap sur la jambe de bois des dysphories de tout genre . Mais enfin, la confusion du discours ne rend pas ses réclamations illégitimes.

Juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel

Pourquoi en effet tendre la main ne coûterait-il pas un bras ? Pourquoi ne pas concéder les conséquences quand on s’est accordé sur la prémisse ? Celle de la PMA pour toutes, c’est la juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel. Peu importe que l’enfant soit privé d’un de ses progéniteurs biologiques, on ne refuse rien au désir d’enfant d’un enfant du désir. Refuser la PMA aux hommes transgenres disposant encore d’un utérus alors qu’on l’a accordée à la femme seule ou en couple lesbien revient à imposer au désir maniaco-législatif une restriction arbitraire d’application.

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Que l’on soit d’accord ou non avec la prémisse, il est donc intéressant de constater qu’au lieu de la réinterroger, le Conseil Constitutionnel se raccroche aux branches d’un positivisme juridique branché qu’adoucit l’évocation d’ « égalité ». Ce dernier consiste à nier l’irréductibilité d’une norme idéale qui fonderait autant qu’elle pourrait contester le droit positif. Répétons-le, ce traitement différentiel pour l’accès à la PMA se justifie en ce qu’il est attaché « non au sexe biologique, mais à l’état-civil ». Or accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil : « masculin pour l’état-civil, et féminin pour l’accès à l’assistance médicale à la procréation ». Antoine Pavageau, représentant du gouvernement, explique que « la binarité est nécessaire à l’ordre social et juridique ». Certes, mais la binarité est celle de la loi plutôt que de la nature. Est Bien ce qui défend la loi car la loi défend ce qui est Bien. Lequel correspond à l’égalité. Mais de qui ? De moi comme identité civile, correspondant désormais au genre que je décide d’adopter plutôt qu’à mon sexe biologique.

Seule valeur démocratique qui résiste encore et toujours à l’envahisseur relativiste, l’égalité est le lumignon qui fume quand la fin des temps est proche. L’infraction au positivisme juridique, et son supplément d’âme. Mais cette égalité devient celle des identités juridiques : aux transgenres qui décident de ce qu’ils sont, la Loi surenchérit que de cette décision découlent leurs droits. Au décisionnisme subjectif répond le décisionnisme légal, bonnet blanc râle contre blanc bonnet.

La question trans

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«Green deal»: l’Europe marche-t-elle sur l’eau?

Mieux qu’un bon élève, l’Europe se voit déjà «première de la classe» en matière de lutte contre le dérèglement climatique, et réorganise sa législation en conséquence. Il ne s’agit pas seulement d’être en première ligne, mais mieux, de se situer à l’avant-garde du combat, à vocation d’entraîner la planète entière derrière soi, pas moins. Il y a pourtant loin de la coupe aux lèvres, surtout avec la nouvelle donne géopolitique qui s’est établie. Analyse.


Aveuglement chromatique ?

Prenant l’accord de Paris à la lettre et son objectif chiffré de contenir le réchauffement sous 1,5°C, l’exécutif européen a imaginé un « Green Deal » dont la cible est d’arriver à la neutralité carbone en 2050 et de continuer ensuite sur la lancée, en visant des bilans de gaz à effet de serre (GES) négatifs pour la seconde moitié du siècle. Pour baliser ce chemin, un rendez-vous intermédiaire a été fixé en 2030 avec un objectif de réduction de 55% des émissions de GES par rapport à la référence 1990. Un ensemble de mesures constituant le paquet « Fit for 55 » sera mis en place pour espérer atteindre cette balise, challenge beaucoup plus ambitieux qu’un précédent engagement européen qui visait, seulement pourrait-on dire, bien que déjà très irréaliste (hors marasme économique majeur), 40% de réduction des émissions par rapport aux mêmes repères calendaires. Ces mesures proposées par la Commission sont en cours de discussion dans les instances européennes, Conseil (dans ses différentes déclinaisons), Parlement, et au sortir de ces processus itératifs, elles deviendront la loi européenne en la matière. Elles devraient se décliner en modalités sectorielles très contraignantes, compte tenu de la hauteur des ambitions ostensiblement affichées.

Même si des créneaux d’activités afférentes s’ouvrent, quelles conséquences auront-elles sur l’économie ? Car pour faire fonctionner un continent et faire vivre des sociétés, tout ne peut se peser à l’aune de la tonne de GES évité ! « Je fais la guerre, je fais toujours la guerre » disait Clémenceau quand on critiquait la cohérence de sa politique. Mais, s’affichant en guerre contre le dérèglement climatique, nos gouvernants pourront-ils toujours répliquer ainsi, quand les dures contraintes qui devraient découler des mesures annoncées se feront tangibles – pour les plus fragiles en particulier, même si des aides ciblées leurs seront octroyées ? La séquence « gilets jaunes » pourrait alors connaître de nouveaux épisodes, tout aussi violents, et à plus vaste échelle cette fois.

Laurent Fabius et François Hollande, lors de la COP21, 2015, Paris. Photo: SIPA

Les leviers possèdent-ils leur tringlerie ?

Si la crédibilité des dispositions prises dans le cadre du « Green Deal », très volontaristes, interrogerait déjà « en champ libre », comment la regarder, dès lors que nous entrons durablement en économie de guerre (consécutive à l’invasion de l’Ukraine cette fois) et que, curieusement, les premiers infléchissements corrélatifs, proposés par la Commission à son propre plan, rendent plus irréalistes encore certaines mesures ? Emblématique, le souhait de pousser de 40% à 45% la part des renouvelables d’ici 2030 (la cible antérieure était de 32%), comme si éoliennes et panneaux solaires ne fournissaient pas une électricité intermittente, carence qu’il faut compenser par des moyens pilotables, tous carbonés, hors hydraulique (saturé) et nucléaire (qu’on cherche plutôt à entraver et long à construire). Mais les instances européennes sont coutumières du fait de mêler des objectifs de réduction des émissions (-55%) avec d’autres concernant cette fois les moyens censés y contribuer (+45 % d’énergies renouvelables EnR), comme si avait été établie une corrélation mécanique entre les deux cibles, un raccourci qui peut donc facilement continuer à tromper les opinions. Connexe à ces annonces, le souhait du Conseil d’alléger les procédures d’autorisation d’implantation des champs éoliens et solaires, déjà fort poussées par la Commission dans le vadémécum « RePowerEU ». Pour les opposants aux nouveaux projets (qui évoquent les nuisances créées, voire le bien-fondé même d’une politique favorisant les EnRs), ils seront alors face à un rouleau compresseur (le lobby des EnR et l’appareil d’État), qui réduira drastiquement les possibilités de saisine de la justice administrative.

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Tout sauf marginale, mais contestée comme insuffisante par les mouvements écologistes, une cible, presque passée inaperçue, indique simplement que d’ici 2030, l’Europe devra avoir baissé sa consommation énergétique de 1% par an. 1%, un chiffre qui apparaît à portée, mais 1 point tous les ans relève d’une discipline (ou d’une coercition) qui paraît difficilement atteignable (hors contexte d’une récession économique consécutive à des tensions politiques majeures, voire à des crises sanitaires). Il est bien connu et martelé pour l’opinion que l’énergie idéale est celle qu’on ne consomme pas : avec une telle approche, on ne risque guère, en effet, d’aggraver les émissions, mais est-ce bien réaliste ? A noter que la Commission proposait une réduction de 13%, contre 9% finalement retenu par le Conseil, un tel écart en disant long sur la fragilité des bases de telles projections ! Quant aux treize leviers mis en place pour qu’ils agissent directement sur les émissions, certains sont emblématiques, comme l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union (difficile à mettre en œuvre, exposant à des effets « boomerang », elle aura des conséquences non négligeables sur les prix). Cette démarche se couple forcément avec la gestion des « permis de polluer » distribués aux entreprises, le Parlement ayant durci les propositions de réduction de la Commission, dans une séquence « rejet-compromis » prévisible, même si elle a semblé surprendre les observateurs du macrocosme européen.

Mais c’est sans conteste la fin, fixée à 2035, de la vente des véhicules thermiques neufs (qui conduira à une refonte complète de l’outil de production automobile, avec des conséquences sociales déjà perceptibles), qui a retenu l’attention des commentateurs… Saura-t-on, dans l’intervalle, rendre le véhicule électrique accessible à tous, créer un réseau dense de bornes permettant une recharge rapide et fiabiliser les approvisionnements en matériaux sensibles que ce choix implique, tout en limitant les impacts environnementaux et, last but not least, fournir l’électricité nécessaire ? Rien n’est moins sûr ; mais il s’agit surtout d’accélérer la diffusion de « l’objet écologique par excellence », dont l’achat même constituerait une bonne action pour le climat. Le battage publicitaire actuel atteint le niveau de la saturation, mais le conditionnement de l’opinion a bien progressé, alors même que le véhicule électrique est loin de posséder l’innocence écologique qu’on lui prête. L’obligation désormais faite aux fournisseurs de carburants de se procurer les « quotas » correspondants sur le marché du carbone, crée une mécanique haussière. En conséquence, un fonds de compensation communautaire est créé (qu’il faudra bien alimenter par des taxes nouvelles…), qui délivrera des aides directes ciblées aux ménages les plus exposés (ou pour des travaux d’isolation). Le montant retenu pour ce fonds a fait l’objet de tractations à la baisse et ne sera mis en place qu’en 2027. On provoque de suite les dommages et on diffère les réparations, une curieuse stratégie.

Taxonomie : une séquence révélatrice

Initialement, le gaz (à cause des émissions de GES) et le nucléaire (à cause des déchets radioactifs fabriqués) avaient été exclus d’une classification des activités économiques permettant d’allouer des aides ou garanties communautaires à des financements privés ayant un effet favorable sur la réduction des émissions, la liste des secteurs d’activités concernés constituant la désormais bien connue « taxonomie verte » européenne.

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Mais compte tenu de leur efficacité en matière de réduction des émissions de GES, dans le secteur de la production électrique en particulier (le gaz pouvant remplacer le charbon, deux fois plus émetteur et le nucléaire n’étant que très peu émetteur), un acte délégué (promulgué en février 2022) les avait réintégrés dans la taxonomie. Ce choix se justifiait aussi par le fait que gaz et nucléaire peuvent alimenter des sources électriques pilotables, alors que le réseau européen en manque cruellement, ce dont l’opinion est peu consciente. L’avouer pourrait freiner l’élan EnR qu’il faut maintenir, quoi qu’il en coûte et quoi que l’on risque. Au niveau du Conseil, seul huit pays sur 27 avaient rejeté cette inclusion, ce qui, en droit européen, valait approbation tacite. Le résultat semblait acquis, mais deux commissions du Parlement européen (Affaires économiques et Environnement) l’ayant remis en cause, seul un vote du Parlement en session plénière pouvait alors trancher la question – une assemblée qu’on sait sensible sur le sujet. Le Parlement s’est prononcé le 6 juillet, les opposants n’y ont pas obtenu la majorité absolue nécessaire pour le blocage de l’acte délégué, vote qui a néanmoins montré un fort clivage sur le sujet (les opposants plus l’abstention égalant presque les partisans). Reste qu’associer nucléaire et gaz dans le même acte délégué était un artifice, et que, tant approbation que rejet sont de ce fait rendus peu lisibles, voire ambigus. Ainsi, l’Allemagne, viscéralement antinucléaire, au point qu’elle n’accepte même pas de considérer la prolongation temporaire de l’exploitation de ses trois derniers réacteurs (des machines modernes et performantes avec encore un gros potentiel d’exploitation), se voit valider son choix gazier (certes mis à mal par sa dépendance à la Russie), mais cette difficulté n’est que temporaire et le pays saura, à terme, trouver de nouvelles sources gazières, il s’y emploie d’ailleurs « énergiquement », quitte à faire cavalier seul, comme d’usage !

Même en aval de cet échec, on peut gager que la phobie anti-nucléaire restera une valeur sûre dans les instances européennes et dans les différents pays membres. De même, ces mêmes vigiles veilleront à ce que les aspects conditionnels et temporaires, qui ont permis l’admission des aliens, soient respectés. Ainsi pour le nucléaire, seule la production d’électricité, elle-même, peut bénéficier du label, à condition d’utiliser les meilleures technologies disponibles. La recherche sur les futurs réacteurs n’est, semble-t-il, pas concernée, tout comme les activités du cycle du combustible. Par ailleurs, gaz et nucléaire n’ont obtenu que des strapontins éjectables, l’inscription dans la taxonomie étant révocable, une remise en débat étant prévue tous les trois ans pour ces entrants-là.  In fine, l’objectif affiché reste bien de ne devoir s’appuyer, en 2050, que sur des énergies « vraiment propres ». Suite au résultat de ce vote, les appels juridiques vont fleurir (une action attendue, mais surprenante en soi, on pourrait croire en effet, que hors irrégularités, le résultat d’un vote homologué, qui a une valeur politique, ne puisse être contesté que par un autre vote). Déjà, on annonce une saisine de la Cour de Justice Européenne par l’Autriche et le Luxembourg, qui seront sans doute suivis par d’autres pays dont l’Allemagne (qui a laissé ses habituels colistiers prendre l’initiative). Décidément, le diable nucléaire ayant marqué un point (tout relatif au su de ce qui précède), il faut d’urgence convoquer les exorcistes. Vade retro satanas !

Inertie idéologique

Pour la machinerie européenne, qui possède une forte inertie idéologique, tout se passe comme si rien ne s’était produit sur le flanc Est du continent, toutes les dispositions du « Green Deal », en particulier celles du paquet législatif « Fit for 55 » sont, ou vont être adoptées, avec peu de variantes par rapport à la proposition de la Commission faite il y a plus d’un an, dans le monde d’avant donc. Elles vont devenir la loi européenne en la matière, s’appliquant à tous (avec quelques aménagements, qui n’en changeront pas les effets majeurs). Il ne s’agit pas d’incitations vertueuses dont on pourrait s’inspirer, non, ces objectifs sont contraignants, et qu’ils soient irréalistes est un autre débat, lequel n’aura pas lieu. Alors que les cartes géopolitiques sont rebattues et que se structurent des antagonismes durables, avec des conséquences déjà sensibles sur toutes les dimensions de l’économie : échanges, agriculture, industrie (dont la facette réarmement), aucune objection ne s’est faite jour, encore moins la proposition de reprendre la copie, compte tenu des nouvelles données. Mais le climat n’a que trop attendu entend-on, un argument recevable par des opinions bien préparées, jusqu’à ce qu’on se cogne contre le réel. Paradoxalement, c’est peut-être ce contexte international inédit et menaçant, qui par la récession économique qu’il pourrait engendrer, fera que l’Europe améliorera ses performances en termes de rejets de GES, même si la réactivation ici et là, mais surtout en Allemagne, des centrales électriques brulant du charbon, limitera, voire inversera la tendance. Alors : « Vert c’est vert », ou « noir c’est noir », le fléau de la balance devrait choisir rapidement son camp.

«Muzz», une application identitaire musulmane

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Il faut évidemment voir dans le scandale provoqué par l’application Muzz une nouvelle réplique du séisme civilisationnel Islam / Occident. Basé au Royaume-Uni, le site de rencontres a proposé de payer les amendes infligées aux femmes françaises vêtues du burqini promu par les islamistes. Une initiative illégale et dénoncée par le ministère de l’Intérieur.


Ce sont les joies de la mondialisation ! Pour faire parler d’elle, l’application de rencontres musulmanes, Muzz, basée en Grande-Bretagne, propose aux musulmanes radicalisées qui se verraient infliger une amende pour port du burqini en France un remboursement.

Ce nouveau signe vestimentaire, voulant marquer l’appartenance de ceux qui le portent à la civilisation musulmane, se développe en effet chez des jeunes femmes musulmanes vivant en France, et lorsque les maitres nageurs interviennent pour faire sortir de l’eau les baigneuses qui en sont vêtues, ils se font traiter sur les réseaux sociaux d’ « islamophobes », et certains subissent même des menaces.

Droit à la différence plutôt que droit à l’indifférence, la laïcité à la française prend l’eau

On avait déjà vu ce genre d’incidents se produire avec le voile dans certains lieux publics. Mais, s’agissant de ce signe, les intéressées s’en referaient alors à des obligations religieuses – du moins était-ce le prétexte invoqué. Avec le burqini, la référence à des obligations religieuses est plus délicate.

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Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit pour ces femmes de manifester qu’elles appartiennent à la civilisation musulmane, voulant marquer ainsi leur droit à la différence : elles sont dans une attitude de provocation. Il s’agit pour ces personnes de revendiquer leur fierté d’appartenir à la civilisation musulmane, et ces militantes tiennent à nous montrer que celle-ci a droit de cité aujourd’hui sur notre territoire, un territoire où l’islam n’était pas encore parvenu à prendre pied jusqu’ici. Nous sommes donc bien dans un combat civilisationnel, et les personnes qui, au nom des droits de l’homme ou que-sais-je (on pense à Eric Piolle), défendent la liberté de ces personnes de se vêtir comme bon leur semble refusent de comprendre que nous avons affaire à ce que Samuel Huntington avait appelé dans son ouvrage The clash of civilizations and the remaking of world order un « choc de civilisation ».

© CEM OZDEL/A.A./SIPA

Flux et reflux

Il faut bien voir que le monde de l’islam et celui de la chrétienté, devenu par la suite le monde occidental, sont en conflit depuis des siècles, c’est-à-dire depuis l’apparition de l’islam en Arabie au VIIe siècle de notre ère. Sitôt après la mort du prophète, les cavaliers d’Allah, fideles aux enseignements de Mahomet, se sont élancés à la conquête de l’empire romain, qui était chrétien depuis plus de deux siècles déjà, parvenant à en conquérir une bonne partie, toute la partie méditerranéenne allant de la Syrie à l’Atlantique, avec une première avancée en Europe – toute l’Espagne, gagnée en 711 sur les Wisigoths. Il y eut, ensuite, les croisades lancées en 1095 par le pape Urbain II pour reconquérir Jérusalem et la terre sainte des chrétiens. Les croisés parvinrent à prendre Jérusalem, en 1099, la ville où est mort Jésus-Christ, et ils s’y installèrent. Mais ils se trouvèrent finalement chassés de ces terres par le fameux Saladin, venu d’Egypte, après qu’ils eurent occupé et administré ces territoires pendant deux siècles. Il fallut ensuite chasser les Turcs, qui étaient parvenus jusqu’à Vienne après s’être emparés de Constantinople, en 1453, qui était la nouvelle Rome des chrétiens. Et cela demanda plusieurs siècles de combats difficiles et très meurtriers. La Grèce, par exemple, ne parvint à recouvrer son indépendance qu’en 1821 seulement. Il y eut ensuite, dans l’autre sens, les grandes nations occidentales qui allèrent s’installer dans bon nombre de pays musulmans, au dix neuvième siècle : les Français en Afrique du Nord, les Anglais en Egypte, les Hollandais en Indonésie, les Italiens en Tripolitaine, etc… et ils en furent chassés, à la fin du siècle suivant par les luttes d’indépendance que menèrent tous ces pays… en s’appuyant sur l’islam.

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Avant de revenir au burqini, il faut bien voir que tout a commencé avec la création par Hassan el Banna, en 1928, du mouvement des Frères Musulmans. Il proposa à ses compatriotes de prendre appui sur l’islam pour lutter contre les Anglais en Egypte, et Sayyed Qutb, le théoricien du mouvement, qui était allé découvrir aux Etats-Unis la civilisation occidentale, engagea à son retour en Egypte tous les musulmans, à travers le monde, à se mobiliser pour combattre les Occidentaux et leur civilisation, qualifiant notre civilisation de primitive (jâhiliyya), méprisable car sans Dieu, profondément matérialiste, toute d’avidité, et où les mœurs sont complètement dépravées. Il produisit de très nombreux écrits pour détourner les musulmans de la civilisation occidentale en leur faisant prendre conscience que l’islam est une civilisation bien supérieure : « Quelle raison, quelle hauteur de vue, quelle humanité en islam » écrivait il, par exemple, en conclusion d’un de ses pamphlets.

Les musulmans dans une phase de revanche

En Algérie, on vit Abdelhamid Ben Badis fonder en 1931 l’« Association des Oulémas d’ Algérie », une association de savants musulmans connaissant bien le Coran. Ce mouvement ayant pour slogan : « L’islam est notre religion, l’Algérie notre patrie, l’arabe notre langue ». Puis, on vit le Premier ministre iranien Mossadegh nationaliser, en 1951, la compagnie anglo-iranienne des pétroles, la NIOC , qui appartenait aux Anglais, et, peu de temps après, en 1956, le colonel Nasser nationaliser le canal de Suez qui appartenait à un consortium franco-anglais. Les musulmans comprirent ainsi qu’ils pouvaient lutter avec succès contre les puissances occidentales. En Algérie, le relais de Ben Badis fut pris par Messali Hadj et une guerre d’indépendance se déclencha en 1954. Ainsi, tous les pays musulmans que des nations européennes étaient allées coloniser et soumettre au XIXe siècle prirent les uns après les autres leur indépendance, le dernier épisode étant constitué par l’accès à l’indépendance de l’Algérie en 1962 après une guerre de prés de huit ans où la France avait engagé une armée de 500 000 hommes. Tous les Européens, que l’on appela les « pieds noirs », quittèrent aussitôt, et dans la plus grande précipitation, l’ Algérie, de premiers massacres ayant eu lieu à Oran et les murs étant couverts de l’inscription « la valise ou le cercueil ».

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Certains des musulmans qui viennent s’installer en Europe sont donc, dans leur esprit, dans une phase de revanche. L’islam s’est réveillé avec les luttes qui ont été menées partout avec succès pour permettre à tous ces pays qui étaient placés sous l’autorité de puissances occidentales de se libérer de leur tutelle, et l’islam est sorti de cette longue période où il était dominé par les Occidentaux, d’autant que les pays musulmans possèdent des ressources considérables de pétrole, un « don de Dieu » disent les musulmans, ce qui leur permet de tenir la dragée haute dans les négociations internationales.

Les tenues vestimentaires comme le voile ou le burkini pour les femmes, ou le port pour les hommes de la barbe et de vêtements appartenant à la civilisation islamique sont indéniablement les signes d’un conflit de civilisation entre notre civilisation qui est fondée sur le judéo-christianisme et la civilisation musulmane fondée sur l’islam. Dieu a dit aux musulmans « Vous êtes la meilleure communauté qui soit jamais apparue parmi les hommes » (3,110-12), et les musulmans, après avoir été pendant des siècles dominés par la civilisation occidentale, estiment qu’il est temps pour eux de retrouver leur dignité. Pour Samuel Huntington, l’histoire des hommes, c’est l’histoire des civilisations. Il nous dit : « Les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques, ou économiques : elles sont culturelles. Les peuples et les nations s’efforcent de répondre à la question fondamentale entre toutes pour les humains : qui sommes-nous ? Les individus y répondent de la façon la plus traditionnelle qui soit : en termes de lignage, de religion, de langue, d’histoire, de valeurs, d’habitudes et d’institutions ». Et cet auteur rappelle que pour les individus la notion d’identité est fondamentale.

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Ne nous étonnons donc pas que les musulmans qui s’installent en Europe tiennent à conserver leur identité. Il eut fallu que nos dirigeants n’ouvrent pas la voie à l’islam, comme ils l’ont fait après le départ du général de Gaulle. Alain Peyrefitte nous dit, dans son ouvrage sur de Gaulle, qu’il lui avait confié qu’il avait donné son indépendance à l’Algérie afin que « Colombey les deux églises ne devienne pas Colombey les deux mosquées ».

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Attaques au couteau: le terrorisme à l’âge d’Uber

Les agressions au couteau se multipliant sur le territoire contribuent largement au sentiment d’insécurité des Français. Des années 1970 jusqu’aux attentats d’Al-Qaïda, le terrorisme se manifestait par des opérations d’envergure nécessitant une logistique, des financements et surtout le soutien d’États. Avec Daech, un modèle hybride s’est imposé. À l’ère des réseaux sociaux, le djihadisme s’est individualisé. N’importe qui peut prendre une arme pour rendre sa justice divine. Ce terrorisme low cost importe la mort dans notre vie quotidienne.


Quand le terrorisme contemporain est entré en scène à la fin des années 1960, il avait un visage et des modes opératoires caractéristiques. Prise d’otages, détournement d’avions, idéologie et stratégies inspirées de Mao et Marx, communiqués de revendication : le défi pour nos sociétés était redoutable, mais l’objet était clair. Ce qui le caractérisait le rendait également fragile : les attentats des années 1960-1970 exigeaient une logistique, des financements et surtout le soutien d’États. Nos sociétés ont exploité ces faiblesses pour lutter efficacement contre cette génération de terroristes. La chute de l’URSS, privant le terrorisme de l’ère Carlos-Arafat de l’essentiel de son soutien étatique, a sonné le glas de ce modèle. Mais un nouveau variant s’est imposé : le terrorisme djihadiste, prenant le plus souvent la forme d’attentats-suicides. 

Mutations

Du Liban jusqu’à Gaza une nouvelle idéologie et un nouveau mode opératoire ont transformé le terrorisme et nos vies, les attentats de 11-Septembre perpétrés par Al-Qaïda en constituant l’apogée. L’Occident a encore réagi et le terrorisme a encore muté. Le mouvement de Ben Laden était institutionnalisé, tout comme ses grandes opérations des années 1990-2010 qui nécessitaient organisation, planification et logistique, avec base arrière en Afghanistan. Son successeur et concurrent Daech fait advenir un terrorisme hybride : les hommes d’Al-Baghdadi reprennent le modèle Al-Quaida lors du massacre de Charlie Hebdo et les attentats du 13-Novembre à Paris, mais développent en même temps un autre modus operandi, inspiré par Uber et McDo. L’entrepreneur individuel du terrorisme est appelé à s’autoreconnaître comme combattant de la cause et à frapper « comme il est », n’importe quelle cible, avec ce qu’il a sous la main. Plus besoin de QG ni d’ordres. Facilitée par les technologies de l’information, la décentralisation est totale. Seule constante : la source d’autorité et de légitimité doit être l’islam et le Coran. Les « imams du Web » se multiplient et l’assassinat de Samuel Paty en est l’exemple parfait : de l’élève et de son père qui désignent la victime et fournissent les justifications, jusqu’à l’assassin qui se sent obligé de répondre à l’Appel, chacun peut émettre une fatwa, et passer à l’action comme il le veut, quand il le veut et où il le veut. 

Dans Le Prophète et la Pandémie, Gilles Kepel nomme ce phénomène « jihadisme d’atmosphère » : les messages de mobilisation sur les réseaux sociaux déclenchent le passage à l’acte criminel sans appartenance préalable du meurtrier à une organisation pyramidale. Cependant, cette atmosphère dans laquelle baignent de plus en plus de gens favorise aussi des passages à l’acte plus ambigus que l’assassinat de Samuel Paty. On assiste à la multiplication d’actes violents – homicides, tentatives d’homicide, agressions –, dont certains éléments peuvent être rattachés au terrorisme islamiste, tandis que d’autres s’en différencient. C’est le cas de l’assassinat de Sarah Halimi par exemple. C’est également le cas du meurtre d’Alban Gervaise. Impossible d’ignorer les signes troublants de l’atmosphère djihadiste aussi évidents que les résidus microscopiques de poudre repérés par la police scientifique sur la main d’un suspect, mais impossible aujourd’hui de le qualifier juridiquement comme violence islamiste.

Rassemblement pour réclamer « justice pour Sarah Halimi », Lyon, 25 avril 2021 (C) KONRAD K./SIPA

Djihadisme d’atmosphère

Pour Kepel, le djihadisme d’atmosphère est responsable, entre autres, de l’assassinat de Samuel Paty ou de l’attentat de Nice. Il faut désormais ajouter à ces cas emblématiques une longue liste de violentes attaques à l’arme blanche, commises ces cinq dernières années en France. Leur particularité est qu’elles ne sont pas reconnues comme des attentats terroristes ni leurs cibles comme victimes du terrorisme. L’excuse du déséquilibre mental est d’ailleurs souvent invoquée pour refuser de se pencher sur la dimension culturelle de ces actes, sur ce qu’ils révèlent du fond d’écran mental de ceux qui les commettent, comme d’une esthétique et d’un imaginaire du djihad qui impressionne les cerveaux les plus faibles.

Les derniers faits divers constatés ont pourtant de quoi interroger : le 20 mai, à Chantilly, une femme a reçu des coups « au niveau du cou et sur la partie haute du corps » par un autostoppeur, non francophone, de type africain, qui aurait « récité des prières en langue arabe» lors de son attaque. Selon les informations d’actu.fr, l’homme aurait crié « Allah Akbar » au moment de frapper. Bien que le Parquet national antiterroriste ait été averti, les chefs d’inculpation retenus ne relèvent que de la tentative d’homicide. Et comme trop souvent, l’état de santé du suspect a été jugé « incompatible » avec un placement en garde à vue… Cette même semaine, le 17 mai 2022, René Hadjadj est retrouvé mort à l’aplomb de son immeuble. Juif religieux, âgé de 89 ans, cet habitant du quartier de la Duchère à Lyon a été poussé du 17e étage. Son voisin de 51 ans sera rapidement soupçonné par les enquêteurs sans que la piste antisémite soit retenue. Dix jours plus tard, revirement de situation : le suspect de confession musulmane, Rachid Kheniche, s’est révélé très actif sur les réseaux sociaux, il était particulièrement obsédé par les juifs et Israël, comme ses coreligionnaires de Daech, d’Al-Qaïda, d’Al-Chabab, de Boko Haram… 

Une semaine plus tôt, le 10 mai, à Marseille, Alban Gervaise, médecin militaire, avait été victime d’une agression au couteau, les coups ayant été portés au thorax et à la gorge. Il succombera à ses blessures dix-sept jours plus tard. L’attaque a eu lieu devant l’établissement catholique où Alban Gervaise était venu récupérer ses deux enfants, âgés de 3 et 7 ans. Son assassin, Mohamed L., âgé de 23 ans et de nationalité française, une fois placé en garde à vue, évoquera le diable et expliquera avoir commis ce meurtre « au nom de Dieu ». Ces éléments évoquent fortement l’assassinat de Sarah Halimi. Son voisin et assassin, Kobili Traoré, avait lui aussi évoqué le diable, reconnaissant que la vision d’objets juifs l’avait fait basculer, donnant un visage au « démon » qui hantait son cerveau malade. Il a massacré la femme qu’il connaissait depuis dix ans en prononçant : « J’ai tué le sheitan [Satan] ». Peut-on considérer ce comportement en soi comme un indice de radicalisation ? Dans le cas de Mohamed L., la réponse de la police est non. « Aucun signe de radicalisation n’a été trouvé lors de la perquisition effectuée à son domicile », déclarait une source policière citée par CNews. La piste terroriste écartée, le Parquet national antiterroriste n’est pas saisi et Mohamed L. est mis en examen pour une simple tentative d’homicide volontaire, avant d’être placé en détention provisoire en maison d’arrêt.

On ne juge pas les fous… d’Allah

Un mois auparavant, le 29 mars, c’est dans le Rhône qu’un Afghan de 36 ans a été déclaré pénalement irresponsable par la chambre d’instruction pour une attaque au couteau qu’il avait perpétrée le 31 août 2019 sur le parking de la station de métro Laurent-Bonnevay, à Villeurbanne. Armé d’un couteau et d’une fourchette de barbecue, Sultan Niazi avait blessé huit personnes et tué Timothy Bonnet, un jeune homme de 19 ans. Les experts ont conclu que l’assaillant avait agi « à cause d’hallucinations provoquées par une schizophrénie paranoïde » et ont évoqué « une abolition totale du discernement au moment de frapper ses victimes en hurlant Allahou Akbar ». L’avocat de Timothy Bonnet regrettera à la fin de l’audience que le « mot terrorisme ait été complètement éludé », ce à quoi l’avocat de la défense aurait rétorqué que « l’on ne juge pas les fous… » Surtout ceux d’Allah ?

Ces agressions contribuent largement au sentiment d’insécurité des Français. Mais ce qui suscite une angoisse profonde est moins le fait d’être attaqué que l’absence de toute doctrine claire sur ces phénomènes. Pour le citoyen, le meurtre d’Alban Gervaise est un crime terroriste. Avec ce terrorisme low cost, la mort s’invite au pied de votre immeuble, devant l’école de vos enfants. Il est ici question d’un terrorisme du quotidien, susceptible de toucher chaque individu. Un terrorisme qui ne demande pas d’organisation et qui est lié à une vision du monde où ceux qui n’adhèrent pas à l’idéologie islamiste sont considérés comme moins que des hommes. Voilà pourquoi il s’agit de les tuer comme des bêtes, voilà pourquoi l’égorgement, qui donne un caractère rituel au meurtre, est privilégié. Que le pouvoir politique refuse de regarder cela en face et réduise beaucoup de ces meurtres à des faits divers sur lesquels il serait dérisoire de s’attarder est considéré, à juste raison, comme du déni. Malheureusement, c’est une vieille croyance française : ce qu’on ne nomme pas n’existe pas… Mais qu’il témoigne de l’inconscience ou de l’impuissance du gouvernement, ce déni nous met collectivement en danger.

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Crois ou meurs!

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La censure, la vraie, est de retour… 


La censure n’avait bien entendu jamais vraiment disparu, mais elle avait su ruser. Il y a encore à peine une décennie, elle omettait discrètement, elle caviardait en loucedé, elle éliminait subrepticement, elle effaçait en tapinois. Elle n’avouait pas ouvertement son désir totalitaire d’interdire et d’épurer. Les verrous ont sauté les uns derrière les autres et les intolérants s’en trouvent bien aise ; les censeurs ne se cachent plus et annoncent clairement la couleur.

L’entre-soi des journalistes progressistes

L’affaire Caroline Cayeux, parfaitement analysée par Philippe Bilger dans ces colonnes, démontre qu’il est devenu difficile, sous nos latitudes démocratiques, de penser autrement que certaines minorités intolérantes et vindicatives. S’être opposé au mariage homosexuel ne relève plus d’une opinion reposant sur une conception particulière de la société et du mariage, mais d’un délit. Sur ce sujet spécifique, il n’est littéralement plus permis de penser autrement que le magazine Têtu et la « communauté LGBT ». Traînée à la barre du tribunal médiatico-politique, condamnée d’avance à la peine maximale, Caroline Cayeux a cru que son mea culpa allait suffire à calmer les ardeurs inquisitoriales de ses adversaires devenus juges. Un mot de travers, une expression malheureuse ont suffi à ces derniers pour alimenter une polémique ridicule montrant en vérité ce que les autoproclamés chantres du pluralisme et de la démocratie appellent la liberté d’expression.

Dans un autre genre, sur France Inter, lors de son “Débat de midi” du vendredi 15 juillet consacré aux médias, Camille Crosnier et ses invités sont venus confirmer cette tendance lourde. Disons d’abord que, comme il arrive de plus en plus fréquemment sur la radio publique, l’émission était de qualité médiocre : trop d’intervenants, des questions tellement orientées qu’elles ressemblaient plus à des sentences dogmatiques qu’à de véritables interrogations, deux « respirations » sous forme de chansons anglo-saxonnes, un entre-soi cauteleux, ont fait une heure indigeste de bien-pensance dégoulinante. Constatons ensuite que, pour aborder ce sujet sur l’engagement et le pluralisme dans les médias, l’animatrice Camille Crosnier (journaliste de France Inter, ex-chroniqueuse dans l’émission Quotidien de Yann Barthès puis sur Arte) avait sollicité Catherine Nayl (directrice de l’information de France Inter), Gilles van Kote (directeur adjoint du Monde), Salomé Saqué (journaliste pour le site Blast, chroniqueuse sur Arte), et, égaré au milieu de ce cénacle gaucho-progressiste, Alexandre Devecchio (directeur du Figarovox). 

Le pluralisme bien connu de France inter

Après quelques lénifiantes considérations sur les notions d’objectivité et de neutralité dans le journalisme, Catherine Nayl déride un auditoire que nous devinons légèrement assoupi : elle assure que, sur France Inter, « la quête de la pluralité des points de vue est très importante ». Puis Camille Crosnier effectue un tour de magie : après qu’un auditeur a demandé pourquoi on n’entend jamais un pro-Trump ou un pro-Brexit ou un anti-UE sur France Inter, la journaliste se tourne non pas vers sa directrice de l’information mais vers… Alexandre Devecchio pour lui demander pourquoi on ne lit pas « un grand nom de la gauche » dans le Figaro – Devecchio n’a aucun mal à contredire Camille Crosnier en citant les noms de Jacques Julliard, Régis Debray, Jean-Claude Michéa, entre autres. Mais il est vrai que cette gauche-là n’est guère prisée par la gauche france-intérienne. En attendant, l’auditeur reste sur sa faim et peut s’asseoir sur sa question concernant le manque avéré de pluralisme sur la radio publique, laquelle est subventionnée, rappelons-le à Camille Crosnier, par tous les Français.

A lire aussi, du même auteur: Giulia Foïs de France Inter, l’idéologie du genre pour les nuls

Salomé Saqué est journaliste et écologiste. Elle revendique un militantisme radical. Selon elle, les rapports du GIEC sont scientifiques, incontestables et irrécusables. Par conséquent, elle ne comprend pas qu’on puisse « au nom du pluralisme, continuer d’inviter des personnes – de moins en moins, mais encore dans certains médias – qui minimisent le réchauffement climatique, chose qu’on a pu observer dans Le Figaro ». Avant même que Devecchio ait pu répondre à cette attaque, Camille Crosnier tient à conforter la position de Dame Saqué : « Alors, justement, Alexandre Devecchio, à quoi ça sert aujourd’hui, en 2022, où il y a un consensus scientifique in-con-tes-table sur l’origine humaine du réchauffement climatique, de donner la parole à quelqu’un qui va venir mettre ça en doute ? » Le journaliste du Monde ne veut pas être en reste et saute sur l’occasion pour montrer lui aussi sa conception du pluralisme à tous les passants : « À un moment donné il faut arrêter de donner la parole aux climato-sceptiques » car « le débat est clos ». 

Faites taire Yves Roucaute !

Devecchio comprend alors que le vilain qui est visé par Mmes Saqué et Crosnier n’est autre que le philosophe Yves Roucaute qui a donné récemment un entretien au Figaro au sujet de son ouvrage L’Obscurantisme vert (Éditions du cerf) dans lequel il analyse, non pas le réchauffement climatique que personne ne conteste, mais les potentielles raisons de celui-ci, ainsi que les possibilités créatrices, scientifiques et industrielles qui pourraient voir le jour si l’écologie cessait d’être idéologiquement punitive. En ce qui concerne le GIEC, Yves Roucaute fait partie des nombreuses personnalités intellectuelles et scientifiques qui ont lu le « résumé pour les décideurs » du dernier rapport de cet organisme – lequel résumé est politiquement destiné aux gouvernements et au grand public et reste attaché au dogme anthropocénique énoncé depuis la création du GIEC en 1988 – mais aussi et surtout la totalité du rapport (près de quatre mille pages), plus scientifique et nettement moins accablant pour ce qui est de « l’influence humaine » sur le réchauffement climatique puisqu’il met par exemple en exergue la variabilité naturelle du climat sur le temps long, en particulier lors de « l’optimum climatique médiéval » qui a réchauffé l’atmosphère de 1000 à 1300 ou du « petit âge glaciaire » qui l’a refroidie de 1600 à 1850. De plus, Yves Roucaute dénonce « l’esprit magico-religieux » et grossièrement animiste de l’écologie radicale, celle des faux prophètes et des archanges apocalyptiques qui rêvent de décroissance et d’un retour aux âges farouches de l’humanité sans mesurer l’inconséquence de cette songerie qui, si elle devenait réalité, signerait l’arrêt de mort de l’humanité tout entière. Rien d’indigne donc, rien qui puisse en tout cas interdire à son auteur d’être invité dans les différents médias afin, justement, d’en débattre avec les fervents laudateurs du GIEC. Mais, pour Camille Crosnier, « ça sent la désinformation ». D’ailleurs, tant qu’on y est, la journaliste encourage sa directrice de l’info, Catherine Nayl, à ne plus donner la parole non plus aux présidents de Total ou des banques qui investissent encore dans les énergies fossiles. Pour le coup, il faut le souligner, Catherine Nayl n’hésite pas à opposer une fin de non-recevoir à cette proposition stupide.

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« Les formes contemporaines du militantisme sociétal […] produisent un débat public caractérisé par la véhémence radicale et l’intolérance à toute forme de contradiction dialectique ou d’opinion divergente », écrit Anne-Sophie Chazaud dans son excellent essai Liberté d’inexpression (Éditions de l’Artilleur). « Ici, ajoute-t-elle, se noue la problématique actuelle d’un néoprogressisme autoproclamé qui, investi de la certitude d’incarner le Bien, et culturellement dominant dans les institutions ayant traditionnellement en charge la fabrique du citoyen (éducation, médias, culture…), ne peut littéralement pas admettre que ses postulats soient erronés ou simplement battus en brèche non plus que simplement débattus ». Pour s’imposer, le discours néoprogressiste se doit d’être un catéchisme intimidant plein de fureur et d’excommunications. Que ce soit à propos du « mariage pour tous », de l’écologie, du genre ou de la « diversité », des limites à la pensée ont été tracées par des groupes minoritaires qui font la loi. Malheur à celui qui sort du cercle de l’idéologie : dénoncé froidement par l’Inquisition progressiste et wokiste, il lui faudra montrer patte blanche s’il désire retrouver une place honorable dans le troupeau. Une honte démonstrative, une mauvaise conscience étalée sur la place publique seront bienvenues mais, comme on l’a vu avec Caroline Cayeux, pas toujours suffisantes. S’il parvient malgré tout à sauver son poste, son métier, sa situation sociale et un peu de considération compatissante de ses congénères, le repenti ne devra pas oublier que l’autocensure est la meilleure garante de sa survie dans ce monde totalitaire. Devenu trop faible ou trop lâche pour tenir tête aux Torquemada modernes, le mieux que nous puissions cyniquement lui conseiller est de se convertir aux nouvelles religions mises à sa disposition ou, mieux encore, de devenir le prêtre intransigeant d’une des nombreuses chapelles qui composent ces dernières. Ça se fait beaucoup ces derniers temps [1], les universités et les milieux politico-médiatiques sont pleins de cette nouvelle race d’inquisiteurs qui n’ont plus qu’un ordre à la bouche, le même que celui des révolutionnaires en chef de 1789 : Crois ou meurs ! [2]

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[1] Sciences Po, toujours à la pointe du wokisme, vient d’annuler le séminaire « Biologie, évolution et genre » de Leonardo Orlando et Peggy Sastre. Malgré les explications « scientifiques » de la direction de Sciences Po, il semblerait bien que cette dernière préfère, au lieu de l’enseignement sur l’évolution par le biais de la biologie et de la théorie darwinienne, les seules théories très peu scientifiques et totalement idéologiques sur le genre. Butler à la place de Darwin. Le « ressenti » de genre à la place de la biologie. Vivement les prochains discours des diplômés de Sciences Po.

[2] Citation reprise dans l’ouvrage éponyme de Claude Quétel (Éditions Tallandier) : « “Crois ou meurs ! Voilà l’anathème que prononcent les esprits ardents au nom de la liberté!” Ainsi s’indigne le journaliste Jacques Mallet du Pan dans le Mercure de France du 16 octobre 1789, au tout début de la Révolution. »

Le rôle sulfureux du demi-frère de MBZ, le Sheikh Tahnoun, dans la radicalisation des Émirats arabes unis

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Sheik Tahnoon D.R.

Si les Émirats arabes unis ont réussi à étendre leur influence du Moyen-Orient aux États-Unis, jusque dans la Maison Blanche de Donald Trump, c’est grâce aux efforts entrepris par le Sheikh Tahnoun, conseiller émirati à la sécurité nationale…


On n’a de cesse de parler de Mohamed Ben Zayed, fils du fondateur des Emirats arabes unis en 1971 et désormais nouveau président de la confédération depuis la mort de son père en mai dernier. On parle bien moins de son demi-frère, Tahnoun Ben Zayed, de la même dynastie, celle des Al Nahyane, l’actuel conseiller à la sécurité nationale des Émirats, et qui avait été nommé vice conseiller au même poste par feu son père en 2013. Et peut-être le prochain boss du pays ? 

Cheikh Zayed avait une vision de développement moderne et ouverte pour son pays. En revanche, son fils, prince héritier dès 2014, transformera et accélérera ce développement tous azimuts en radicalisant le pays, et ce jusqu’à influencer le destin du Moyen-Orient tout entier pour ses propres intérêts. Cette vision repose à la fois sur la nécessité de faire d’Abu Dhabi une forteresse imprenable, avec des capacités militaires importantes et la présence de forces étrangères comme assurance-vie, mais également sur l’urgence de mettre un terme à tous les mouvements démocratisants issus des Printemps arabes et qui ont pour lui bien trop fait la part belle aux mouvements des Frères musulmans. 

Le ju-jitsu, levier de la stratégie d’influence émiratie?

Dans la même veine, et non étranger à ce glissement géostratégique des Emirats, Sheikh Tahnoun, prend à cœur ce poste politique stratégique de conseiller à la sécurité pour le compte désormais de son propre frère. Fait moins connu : il joue depuis des années un rôle majeur dans le ju-jitsu mondial, ce sport de combattant asiatique tiré de l’art des samouraïs au Japon. Une façade ? Lui pratique en tout cas assidûment la version brésilienne de celui-ci. Il a ainsi créé la fameuse compétition ADCC World Submission Fighting Championships et a rôdé dans les rings américains dès 1995. S’étant fait passer pour un modeste élève, il ne révélera que bien plus tard à ses professeurs sa véritable identité. Il reviendra aux Émirats arabes unis dès 1998 pour développer ce sport de combat dans le pays. Aujourd’hui, son centre est un des meilleurs du monde arabe. 

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Son frère, Mohamed Ben Zayed, s’est pris de passion aussi apparemment pour le sport de combat de son frère. Enseigner le ju-jitsu à l’école, dans les entreprises, dans les administrations, voilà un de ses projets d’ampleur nationale. Cela conditionne une vision tout à fait guerrière de la société, à l’image de ses dirigeants. Il aide même des jeunes talents à percer. Voilà pour la version officielle. 

L’interventionnisme d’Abu Dabi envers les mouvements de révolte populaire arabes

Mohamed Ben Zayed et Sheikh Tahnoun, c’est une vision très autoritaire du futur du pays et de la région qu’ils rêvent d’orienter voire diriger. Des Printemps arabes survenus en 2010, il ne reste quasiment plus rien. Tous ont été étouffés ou se sont éteints d’eux-mêmes. Mais pour beaucoup, de l’Algérie au Yémen en passant par le Soudan, l’Egypte, Abu Dhabi porte la responsabilité en ayant soutenu par tous les moyens les pouvoirs autoritaires afin d’étouffer toute contestation démocratique dans le monde musulman. La paranoïa de Mohamed Ben Zayed, comme celle de son frère, de voir les Frères musulmans prendre le pouvoir dans leur propre pays, alors qu’ils ne sont même pas plusieurs centaines, a stimulé chez eux un vent de contre-révolution pour tout le monde arabe. Quid des processus de démocratisation ? Ils sont morts, même en Tunisie. Le Washington Post décrivait Tahnoun ainsi en octobre 2021 : « Si vous êtes intéressé par la géopolitique du Moyen-Orient, il y a de fortes chances que vous connaissiez le cheikh Tahnoun bin Zayed Al Nahyan en tant que conseiller à la sécurité nationale des Émirats arabes unis. Dans ce rôle, il a joué un rôle central dans les opérations militaires du pays au Yémen et en Libye, et dans ses récents efforts pour réparer les dégâts causés avec des rivaux régionaux comme la Turquie, le Qatar et l’Iran. » [1]

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Le cas litigieux de la Syrie concerne les deux hommes : MBZ est le premier et longtemps le seul dirigeant de la région et du monde à avoir appelé à la normalisation du régime de Bachar Al Assad, alors que dès 2012, des hommes d’affaires émiratis se pressaient à Damas pour envisager la reconstruction du pays à venir. Sheikh Tahnoun n’est pas vierge dans tout cela : alors que Washington impose des sanctions contre le régime de Damas, visant les réseaux de soutien à Bachar al Assad à l’étranger, le Washington Post révélait le 16 août 2020, que Tahnoun avait déposé près de 200 000 dollars sur les comptes bancaires de la nièce du président syrien, Aniseh Shawkat, en qualité de « parrain ». Depuis, les comptes ont été saisis, mais Tahnoun jamais poursuivi alors qu’il a clairement enfreint le droit international et le régime des sanctions imposé à Damas… Depuis des années, il semble y avoir un régime de faveur pour Abu Dhabi à Washington. De plus, en sa qualité de conseiller à la sécurité du pays, Tahnoon, a forcément un lien avec le projet Raven, ce grand projet de surveillance généralisé de cibles politiques bien déterminées, où l’on retrouvait d’anciens agents de la CIA, en charge de surveiller notamment des… Américains ! Tout cela, bien sûr, au nom de la guerre contre le terrorisme.

Ingérence durant le mandat Trump

En 2021, un businessman du nom de Thomas Joseph Barrack avait été arrêté aux Etats-Unis pour ses liens troubles avec les Émirats arabes unis et ses activités d’influence [2]. À l’époque, proche de Trump, il était un de ses principaux soutiens financiers lors de la campagne de 2016. Devenu conseiller informel pour le Moyen-Orient de l’administration Trump ensuite, il aurait intrigué en faveur d’Abu Dhabi pour influencer les politiques proches de la Maison Blanche. Lors de son procès qui a démarré en juillet 2021, et où il était accusé d’être un agent pour le compte d’un État étranger et d’avoir menti à maintes reprises au FBI, il cita plusieurs noms dont celui de MBZ, celui de Youssef Al Otaiba, l’ambassadeur émirati aux États-Unis, mais également celui de Sheikh Tahnoon en sa qualité de conseiller à la sécurité des EAU !

Derrière le ju-jitsu et cette volonté de démocratiser ce sport de combat, se cache manifestement un ardent combattant de réseaux, d’influence, et ce pour le compte de son autoritaire et combattant politique de frère. Beaucoup pensent déjà que le prochain big boss du pays, ce sera Tahnoon… L’autorité et le soufre, c’est de famille !


[1] https://www.washingtonpost.com/business/energy/meet-the-uaes-royal-troubleshooter-and-maybe-next-big-boss/2021/10/21/f33ea4e8-3234-11ec-8036-7db255bff176_story.html

[2] https://www.reuters.com/world/us/trump-fundraiser-barrack-loses-bid-dismiss-uae-lobbying-charges-2022-06-22/

Infantilisation et culpabilisation sont en bateau, Olivier Véran tombe à l’eau

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Olivier Véran demande "un effort citoyen" aux Français sur leur consommation d'énergie, à l'issue du Conseil des ministres, 19 juillet 2022 © Capture BFMTV

À la sortie du Conseil des ministres du mercredi 20 juillet, Olivier Véran nous a repris par la main pour nous indiquer à nouveau les « bons gestes » — non plus ceux qui empêchent le Covid de passer par nous, mais ceux qui nous permettront bientôt de compenser l’absence de gaz russe. L’infantilisation générale continue, affirme notre chroniqueur.


« Quand on part en week-end ou en vacances, on débranche un maximum de prises électriques, parce que sinon ça continue de consommer de l’énergie », a recommandé Olivier Véran au sortir du Conseil des ministres. Et d’appeler également à « débrancher son wifi », à « baisser un peu la clim » et à « éteindre les lumières lorsqu’on n’utilise pas les pièces ». La « chasse au gaspi », instaurée après le second choc pétrolier en 1979, est de retour.

Ces conseils, les parents avisés les donnent journellement à leurs enfants, petits et grands. Tout comme ils leur demandent de se laver les mains avant de passer à table et en sortant des toilettes, de ne pas éternuer à la face de leur voisin, et d’aérer leur chambre, lorsqu’elle commence à sentir les pieds sales et la libido rance.

En 2020, le docteur Véran, promu ministre de la Santé, nous a expliqué comment juguler le virus qui courait la ville et les champs. Désormais, il fait mieux, il est le père universel d’une nation de mioches.

A lire ensuite, Martin Pimentel: L’assemblée nationale entre en soins intensifs

Comme l’a remarqué Nathan Devers sur CNews ce matin, nous sommes nombreux à avoir assez mal pris, ces deux dernières années, cette infantilisation généralisée des adultes, menacés d’une amende lorsqu’ils ne suivaient pas les consignes et oubliaient de mettre un masque sur les plages. D’autant que cette infantilisation s’est doublée d’une culpabilisation tout aussi implacable des enfants, accusés par avance de porter sur eux les germes qui tueraient infailliblement leurs grands-parents.

C’était l’époque, souvenez-vous, où Papy et Mamie, à Noël, devaient manger à la cuisine, de crainte qu’un bambin leur apporte une mort certaine. Et quand ils étaient morts, il était interdit d’aller à leurs obsèques — de crainte de les tuer une seconde fois. Le gouvernement d’Emmanuel Macron restera dans les mémoires comme celui qui a supprimé le rite le plus ancien des sociétés humaines, sous prétexte de nous épargner un gros rhume: je viens d’avoir le Covid — et ce fut un gros rhume sur trois jours, qui ne m’a empêché ni d’aller me baigner, ni de boire et manger, ni d’embrasser ma fille qui me l’avait passé. Ni d’écrire sur Causeur.

On parlera de géopolitique plus tard

Il fut un temps — au siècle dernier — où les patrons jouaient la carte du paternalisme avec leurs ouvriers, considérés comme éternellement mineurs — surtout chez Zola. Schneider construisait Le Creusot pour ses employés, on prélevait à la source le prix des loyers et de divers services, on versait le reliquat aux épouses afin que leurs maris n’en profitent pas pour tout dépenser en une soirée à l’estaminet du coin.

Puis les instituteurs de la IIIe République (et des suivantes) ont enseigné à leurs élèves les règles élémentaires d’hygiène. Ainsi progressent les civilisations — jusqu’à ce que d’autres, avec des règles plus laxistes, prennent le dessus…

Mais il est tout à fait nouveau qu’un gouvernement se mêle de la façon dont nous disons bonjour (se serrer la main ? Quelle horreur — désormais on se tend le poing, comme des racailles), dont nous expectorons nos humeurs et les pollens qui nous chatouillent la narine, dont nous avons plus ou moins chaud, ou froid, dont nous réglons nos appareils ménagers — le frigo sur 2, pas sur 4, dépensiers que vous êtes ! —, dont nous gérons le deux-pièces dans lequel vivotent la plupart des Français, ou dont nous nous déplaçons dans des voitures qu’on exige pourtant électriques.

A lire aussi, Jonathan Siksou: Lisez Desrimais!

Les médias servent désormais à relayer les consignes de base. Faute de parler aux Français des sujets brûlants (non, pas la canicule, qui est de saison, mais le pouvoir d’achat, qui est bien autrement en berne qu’on ne l’avoue à Bercy, ou l’insécurité — entendez-vous le bruit des couteaux qu’on aiguise ?), ils nous bercent de rengaines catastrophées : les pins brûlent dans les Landes, le nombre d’hospitalisations monte en flèche, il y a du monde dans les gares… Même la guerre en Ukraine ne fait plus recette — sinon sous la forme d’une menace sur les pâtes alimentaires, l’huile de tournesol et la moutarde. On parlera de géopolitique l’année prochaine…

Bourg-en-Bresse: les commerces climatisés interdits

Les journalistes multiplient les micro-trottoirs, pour demander à des Français consternés un avis dont ils se fichent pas mal, étant les seuls à détenir la vérité. Certains enseignants font de même en classe — « quel est votre avis sur le théorème de D’Alembert, la Guerre des Six jours ou les romans de Sylvie Germain », tous sujets sur lesquels les élèves sont bien incapables d’avoir le commencement d’une idée, mais sur lesquels ils ont sans doute des avis.

Mais ce qui à la rigueur peut se comprendre en classe est inexcusable à l’échelle d’une société de citoyens majeurs, capables de distinguer un écran de fumée lorsqu’ils en voient un. Et cette triade infernale, infantilisation / culpabilisation / répression, qui promet comme à Bourg-en-Bresse des amendes de 38€ aux commerçants qui climatiseraient leurs boutiques tout en ouvrant la porte, est le signe d’un reflux évident de la démocratie, qui repose à l’origine sur la certitude que les citoyens sont assez adultes pour élire leurs représentants, mais qui désormais ne le sont plus assez pour se déplacer, éternuer ou prendre l’air. Le dernier représentant de cette démocratie moribonde voudra bien, en sortant pour entrer dans une ère totalitaire, penser à éteindre la lumière — même si pour l’essentiel, c’est déjà fait.

La fabrique du crétin: Vers l'apocalypse scolaire

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Radio Alpha

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D.R.

La superstar du reggae avait-elle fumé de la mauvaise gandja au petit déj’? Quant à Charline Vanhoenacker, est-on absolument certain qu’elle n’agace que les fachos?


Lors de son dernier billet, Charline Vanhoenacker a indiqué qu’elle n’avait « pas prévu de pot de départ », mais a invité les auditeurs à se « rapprocher de la fachosphère qui [avait] mis le champagne au frais ». Après huit ans de chroniques aux frais du contribuable, l’humoriste a été remerciée de la matinale de France Inter. Elle conserve cependant son émission de 17 heures, « Par Jupiter ! ». C’est là que, pour finir la saison en beauté le 23 juin, elle invite le chanteur engagé Alpha Blondy. Une mauvaise idée. 

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De retour d’un pèlerinage à La Mecque, plus allumé que jamais, la star de 69 ans multiplie les allusions au « Créateur », sans que cela agace la plupart des habituels bouffeurs de curés présents. Et quand Vanhoenacker demande au reggae-man ivoirien pourquoi la menace djihadiste se rapprochant d’Abidjan ne l’inquiète pas, elle s’entend répondre : « Il faudrait déjà demander qui arme les djihadistes. Les djihadistes qui s’appellent Jean-Claude ou François, c’est pas des djihadistes, c’est des mercenaires ! » Un ange passe. Le grand sage poursuit alors son analyse : « Qui a bombardé la Syrie, la Libye ? À qui profite ce djihad à la con ? » Des rires gênés se font entendre. « Les Africains ne veulent plus de la présence militaire française. […] Tous les présidents frileux [de l’Union africaine] courent tout de suite attraper le pantalon de la France, ça arrange la France, ça arrange les États-Unis ! » Consciente qu’un manque de maîtrise de l’antenne peut compromettre sa carrière, notre animatrice propose de passer à un sujet plus « cool », maintenant que la France vient de prendre « sa dérouillée ». Quand son invité affirme que ce qu’il vient de dire est déjà « très cool », elle tente dans un rire nerveux une dernière blague : « Oui, l’Élysée a appelé, et a trouvé ça très cool ! » 

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D’un côté, celui qui s’est toujours présenté comme le défenseur de la paix et des miséreux, mais dont l’efficace propagande a tout pour plaire aux Russes du groupe Wagner ; de l’autre, celle qui n’agace peut-être pas que les fachos.

Canicule à l’Assemblée nationale: elle va s’y consumer!

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Yael Braun Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale, 11 juillet 2022 © HARSIN ISABELLE/SIPA

On y a même vu un salut nazi.


Avec la canicule, un rideau de fer rouge a été tiré sur tout le pays. Les Français suffoquent et les forêts desséchées, proies d’incendies volontaires ou accidentels, s’embrasent. En Gironde, c’est plus de 27.000 hectares qui ont été dévastés et la Bretagne n’est pas épargnée. Si la catastrophe est écologique, elle est aussi économique puisque ces régions vivent en grande partie du tourisme estival. Pensons aux cinq campings situés près de la Teste-de-Buch, dont celui des Flots Bleus qui fut le théâtre des frasques aoûtiennes de Patrick Chirac et de ses acolytes, dans le film « Camping » : ils ont été détruits.

Mais, c’est sur un autre feu qui couve que nous aimerions attirer l’attention, celui qui menace l’Assemblée nationale. Les braises de la violente bêtise qui y règne, attisées par un Siroco d’indécence, risquent à tout instant de se muer en flammes dévorantes.

L’agitation qui prévaut lors des débats, quasiment institutionnelle, est un héritage de la Révolution. Soit. On souhaiterait pourtant que ladite agitation ne se soit pas muée en une foire d’empoigne où fusent les plus basses insultes et où se commettent les gestes les plus obscènes qui sonnent aux oreilles de la population comme une provocation incessante.

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Alors qu’on débat du projet de loi sur le pouvoir d’achat, les Insoumis soufflent à plaisir sur les braises de la discorde. C’est sans hésiter qu’ils rebaptisent la prime Macron : « prime enfumage », dès le premier amendement qu’ils proposent.

Lors de ce même débat, le Rassemblement national dignement cravaté et se drapant ostensiblement dans la posture responsable et constructive que lui confère sa toute fraîche respectabilité n’exclut pas de voter, Marine Le Pen l’affirme, « l’essentiel des mesures proposées par le gouvernement dans ce texte ». Elle n’hésite pas à ajouter : « Nous avons entendu le message des Français, ils ne veulent pas d’obstruction mais du travail constructif. » La présidente du groupe RN à l’Assemblée prend ainsi un plaisir jubilatoire à embarrasser la majorité en affichant une volonté d’alliance dans l’intérêt supérieur de la France.

C’est de bonne guerre, cette position sera immanquablement qualifiée de collusion avec l’extrême droite, tant par une Nupes braillarde et débraillée que par les quelques Républicains de l’Assemblée. On entend déjà, aussi bien qu’on pouvait sentir jusqu’à Paris l’odeur des feux allumés en Gironde, les beuglements des affidés de Mélenchon : ils éructent, la babine baveuse, retroussée sur une canine impitoyable. Le compromis sera toujours rebaptisé par eux compromission.

Julien Odoul, du Rassemblement national, n’a pas hésité, non sans une certaine pertinence, force est d’en convenir, à ridiculiser le Garde des Sceaux, lors d’une séance. Il lui a démontré par l’implacable énumération des attaques à l’arme blanche perpétrés ces quinze derniers jours sur notre territoire que la France était bel et bien, n’en déplaise à M. Dupond-Moretti, devenue un coupe-gorge. Ce à quoi le Ministre de la Justice, qui a perdu depuis qu’il sévit audit ministère, sa verve légendaire, n’a opposé qu’une très médiocre répartie : « Vous avez la matraque magique, non pas la baguette magique. » Cette saillie n’apporta que pouic au débat.

Rémy Rebeyrotte, enfin, député LREM dont nous ignorions jusqu’alors l’existence, fait… le salut nazi dans l’hémicycle. Voici la justification inepte et lamentable que notre homme propose pour son geste qui atteste d’une sensibilité historique pénétrante : « Au moment où l’extrême-droite et l’extrême-gauche tortillent main dans la main les dernières mesures de protection de la population face au Covid, un grand gaillard élu FN que Mme Le Pen a mis tout au fond sous la tribune fait un salut nazi. Je lui signifie de loin que je l’ai vu et qu’il ne faut pas faire cela. »

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Nous sommes décidément à l’acte I, scène première de Cyrano de Bergerac : le décor est planté : « La salle de l’Hôtel de Bourgogne, en 1640. Sorte de hangar de jeu de paume aménagé pour les représentations. (…) Au-dessus du manteau d’Arlequin, les armes royales. On descend de l’estrade dans la salle par de larges marches. De chaque côté des marches, la place des violons. Rampe de chandelles. »

Un désordre qui confine au bordel règne dans notre Assemblée comme dans le théâtre fictif de Cyrano où l’on s’apprête à donner la « Clorise ». De même on y brasse un air chaud et vicié, au plus près des chandelles :

UN HOMME, s’asseyant par terre avec d’autres porteurs de provision de bouche.
Lorsqu’on vient en avance, on est bien pour manger. (…)

UN JOUEUR
Brelan d’as !

UN HOMME, tirant une bouteille de sous son manteau et s’asseyant aussi.
Un ivrogne
Doit boire son bourgogne…
Il boit.
A l’hôtel de bourgogne !

LE BOURGEOIS, à son fils.
Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu ?
Il montre l’ivrogne du bout sa canne.
Buveurs…
En rompant, un des cavaliers le bouscule.
Bretteurs !
Il tombe au milieu des joueurs.
Joueurs ! (…)

LE BOURGEOIS, éloignant vivement son fils.
Jour de Dieu !
-Et penser que c’est dans une salle pareille
Qu’on joua du Rotrou, mon fils !

LE JEUNE HOMME
Et du Corneille !

L’Assemblée est à l’image de ce parterre des théâtres d’autrefois. On y jure, on s’agite vainement, mais non sans vanité. On y déclame sans voix qui porte. On s’apostrophe sans talent. On s’empoigne dans une atmosphère devenue combustible. Malmenées, les chandelles du Palais Bourbon vacillent. L’embrasement ne saurait tarder, menant à la dissolution d’une Assemblée qu’on regrettera moins que le camping des Flots Bleus.

À l’Assemblée nationale, le RN les rend fous!

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Marine Le Pen à l'Assemblée nationale, 20 juillet 2022 © Jacques Witt/SIPA

Cela s’est notamment remarqué lors d’une passe d’armes entre le garde des Sceaux et le député Odoul, le 19 juillet…


Pourtant j’aurais dû le savoir. Quand on réclamait une représentation plus juste plus fidèle du pays à l’Assemblée nationale, il allait de soi que le RN devait en être exclu… Quand on invoquait et qu’on célébrait à longueur de mots et de postures la démocratie, l’évidence était que celle-ci ne devenait acceptable que si elle ostracisait le RN. Puisque ce parti est nazi, fasciste, raciste, antisémite, non républicain – le retour d’un nouvel Hitler dans ses fourgons ! – et qu’il attise « les peurs, la haine et la division » comme l’a dit encore récemment cet homme de nuances qu’est le garde des Sceaux. Sans doute ai-je oublié dans cet inventaire tel ou tel grief qui aurait ajouté à l’opprobre ?

Argumentation désespérée

Je ne me donnerai pas le ridicule de contredire cette accumulation dénonciatrice au nom de la multitude qui a voté pour ce parti et de l’attitude qui est la sienne à l’Assemblée nationale et qui n’est pas honteuse. Je ne pousserai pas la polémique jusqu’à souligner que l’antisémitisme de la droite extrême, au cours de ces dernières années, n’a tué personne. Pour s’attirer le vote musulman, une certaine extrême gauche est au contraire bien complaisante à l’égard de l’islamisme antisémite, abandonnant une lutte légitime pour un combat douteux. Que Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI, continue à faire comme si le danger était là où il n’est pas en épargnant sa propre mouvance, pourquoi pas ? C’est dans la logique aberrante des choses partisanes. Que Fabien Roussel qui frôle parfois le parler-vrai continue à cibler exclusivement l’extrême droite est plus décevant, alors qu’il a pourtant déploré le caractère provocateur du tweet de Mathilde Panot sur la rafle du Vél d’Hiv et Emmanuel Macron.

Je pourrais être tenté de me livrer à une argumentation mais je la sais désespérée. Le père et ses délires historiques répudiés, est-il normal de continuer à traiter la fille sur le même mode ? Quand on ne peut contester la réalité d’une heureuse normalisation, on la qualifie d’hypocrite, de sorte que clairement le RN est condamné quoi qu’il fasse ou dise ou ne dise pas. Je résisterai à un développement sur l’union des droites, désirée par certains mais tellement refusée par une majorité des LR et Marine Le Pen qu’il n’est plus nécessaire de l’évoquer. Il nous manque le Mitterrand formidable tacticien capable de réaliser une unité apparemment impossible. Il est vrai qu’aujourd’hui, pour poursuivre cette comparaison, le risque serait de voir le RN absorber la droite classique.

La vie politique française a-t-elle toujours besoin de stigmatisation?

Je ne tomberai pas à nouveau dans le ridicule d’avoir à me justifier au sujet du RN en rappelant que mon vote ne lui sera jamais acquis pour des raisons politiques et économiques mais que j’ai cependant le droit de chasser les fantasmes à son propos. Je l’avoue : j’imaginais que ce beau et équitable coup de force législatif, avec cette majorité seulement relative pour Renaissance, cette impressionnante représentation de la Nupes et ces 89 députés RN (que Marine Le Pen n’espérait pas, même au comble de l’optimisme), permettrait de mettre au rancart les constants affrontements de la France livrée à elle-même puisqu’ils se pacifieraient naturellement par la magie du débat parlementaire.

J’aspirais à ce qu’on dépassât le partage entre le bon grain et l’ivraie puisque l’élection de tous les députés les constituait, sans discrimination, comme du bon grain. Dans le sens où ils avaient à être perçus, au regard de la démocratie, comme égaux en dignité et méritant donc de bénéficier d’un traitement similaire dans le cadre de la délibération collective ; cette richesse républicaine magnifiant les antagonismes en une vérité supérieure, pour peu que le pouvoir et ses opposants y mettent du leur. Mon approche avait le grand tort d’oublier la perversion fondamentale de la vie politique française qui a toujours besoin d’une stigmatisation sous l’esprit et d’une vitupération morale dans son sac. Rêver d’une sérénité par l’entremise de l’élection législative était de ma part une aberration prenant ses désirs pour un inconcevable monde raisonnable. En réalité, le RN les a rendus tous fous.

Le fait qu’on attendait – qu’on espérait – le pire de lui et qu’il a déçu même ses contempteurs les plus acharnés, loin de faire diminuer la tension, l’a aggravée. On avait tellement pris l’habitude de remplacer l’intelligence par l’indignation qu’on n’était plus capable de changer de registre. L’hostilité qui ne s’interroge jamais est un confort. Je suis navré de reprendre quelques exemples auxquels j’ai déjà fait un sort dans tel ou tel de mes billets ; l’actualité est si riche en épisodes délétères qu’elle m’en offre également de nouveaux. Il y a bien sûr cette invocation lassante de « l’arc républicain » qui ne signifie rien. Cette distinction choquante et indémontrable entre les opposants qui seraient des adversaires et ceux qui seraient des ennemis : la Nupes et le RN. De la part de Gérald Darmanin dont le talent se dévoie par surenchère et courtisanerie. Cette manière scandaleuse de chasser du débat par principe les députés qui, sans inconditionnalité ni révérence, l’auraient justement enrichi.

La Première ministre Bordeau Chesnel

Il y a la Première ministre, tellement équilibrée par ailleurs, qui ressasse qu’elle n’a pas « les mêmes valeurs que le RN » sans prendre jamais la peine de les nommer et de les expliciter. Il y a ce ministre de l’Education nationale qui décrète qu’il ne discutera jamais avec le RN. Il y a ce jeune malappris qui refuse de saluer ses collègues parce qu’ils sont du RN et qui avec d’autres a organisé une mise en scène grotesque devant l’Assemblée nationale. Il y a ce député Renaissance qui fait le salut nazi pour prétendument répondre à celui qu’un député RN n’a pas fait et contre cette indécence, on ne peut que saluer la réaction de la présidente de l’Assemblée nationale et de la présidente du groupe Renaissance.

Comment ne pas s’arrêter aussi sur les attitudes du garde des Sceaux tellement révélatrices ? Il affirme d’abord être prêt à « travailler » avec le RN puis, sans doute dépassé par cette tolérance subite, déclare avoir été mal compris et reprend, sans déroger, sa ligne sur « la haine, les peurs et la division » du RN qui serait tout de même plus « dangereux » que LFI parce qu’il se masquerait : en gros, malfaisant ou correct, il serait le même! On a eu une lamentable illustration de ce sectarisme lors d’un échange entre le ministre de la Justice et le député RN Julien Odoul. Le premier, peu de temps après sa nomination, avait nié que la France soit « un coupe-gorge » et soutenu que l’insécurité était un « sentiment ». Il en avait tout à fait le droit. Ce député lui a posé une question, au soutien de sa conviction que la France était en effet « un coupe-gorge », en rappelant quelques affaires criminelles gravissimes commises en des lieux différents. Cette interrogation n’avait rien de honteux. Pourtant Eric Dupond-Moretti, incapable de modifier son logiciel partisan, n’a pas réagi sur le fond, fût-ce pour contester, mais a éructé contre le RN. Si je n’avais pas connu l’avocat brillant, j’aurais conclu que le ministre décidément n’était pas à la hauteur.


Rien n’est irréversible

Il y aura, je le crains, d’autres péripéties dérisoires, ridicules, partiales ou indignes qui altéreront le climat de l’Assemblée nationale. Elles ne pourraient cesser que si plusieurs conditions étaient réunies : – Une prise de conscience par la macronie, et d’abord du président et de la Première ministre, du fait qu’en semant un ostracisme non républicain, on récolte des tempêtes aux antipodes de la démocratie. – – L’abandon de cette fausse bonne idée d’un Conseil national de la refondation qui créerait une concurrence déloyale à l’égard d’une Assemblée à protéger précieusement, parce qu’elle est aujourd’hui la vraie rénovation.

– Le sursaut de LFI qui, projetée par le pouvoir dans le même opprobre parlementaire que le RN, pourrait se raviser et accepter, au moins dans la forme, d’engendrer une autre atmosphère. Moins de bruit, de fureur et de détestation systématique pour plus d’écoute, de vrai dialogue et de vérité.
– Moins de pudibonderie des députés LR : on peut refuser toute alliance avec le RN sans se poser, dans la quotidienneté parlementaire, des questions qui conduisent à négliger certaines convictions communes, notamment sur les plans de la sécurité, de la Justice et de l’autorité de l’Etat.
– Un changement radical, sur le plan de la pratique parlementaire, à l’égard du RN. Tant que celui-ci sera pourfendu par une facilité éthique (jamais questionnée) et non par une contradiction politique argumentée, tant qu’on s’obstinera à ne pas le créditer de sa bonne volonté républicaine en lui reprochant même le soutien ponctuel qu’il donne au projet de loi en discussion, tant qu’on lui imputera une haine qu’on éprouve à son égard malgré la purification que l’AN aurait dû opérer, tant qu’il sera dedans mais traité comme s’il était dehors, rien ne sera modifié.

C’est sans doute dur à accepter mais la seule stigmatisation morale est, malgré sa noblesse apparente, un signe d’impuissance qui n’a aucun effet politique. Elle amplifie au contraire ce qu’elle croit réduire. Qu’on continue ce processus, et l’Assemblée nationale continuera à favoriser cette dérive, voire ce mépris du pays contre sa classe politique. Alors qu’on avait le droit d’imaginer qu’ayant accueilli en son sein une France plus authentique, contrastée et diverse, elle aurait pu apaiser la révolte, les ressentiments et les angoisses de notre pays. Ils sont venus la gangrener.

Rien n’est irréversible. J’en veux pour preuve les débats parlementaires dans l’après-midi du 18 juillet sur le projet de loi concernant le pouvoir d’achat. Ils n’étaient pas médiocres. Serait-il donc impossible de constituer ces lueurs ponctuelles en une lumière honorable et constante ?

Et maintenant, les hommes transgenres réclament la PMA!

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Madrid, juillet 2020 © Beatriz Duran Balda/Shutterstock/SIPA

Dilemme juridique: accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil. Car oui, vous ne le saviez peut-être pas, mais des hommes sont désormais en capacité de mener une grossesse…


Ce vendredi 8 juillet, le Conseil constitutionnel ratifiait l’exclusion des hommes transgenres de la PMA pour toutes. Celle-ci était ouverte par la loi « bioéthique » d’août 2021 aux couples lesbiens et aux femmes seules. Le Groupe d’information et d’action sur les questions procréatives et sexuelles (GIAPS) avait donc saisi les Sages sur cette question prioritaire de constitutionnalité. La condition d’accès à la PMA étant fondée sur l’état civil plutôt que les capacités reproductives réelles, le GIAPS estimait qu’infraction était faite au principe d’égalité entre hommes et femmes.

On ne naît pas femme, on le devient?

Réponse du Conseil constitutionnel : il s’agit par cette loi de « permettre l’égal accès des femmes à l’assistance médicale à la procréation, sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle ». Ainsi, « la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l’état civil, pouvait justifier une différence de traitement » pour l’accès à la PMA. A l’allégation du seul état civil, le GIAPS répond qu’alors, le Conseil « vient réduire à néant le principe constitutionnel d’égalité entre les sexes ».

A lire aussi, du même auteur: Le magazine Têtu dénonce un gouvernement composé de personnes “haineuses”

« On ne naît pas femme, on le devient » : les études de genre décorrèlent le sexe biologique de l’identité sociale. Nature contre culture. Culture contre-nature, rétorqueraient certains frileux de l’arbitraire subjectif ou du déterminisme social. Mais qu’invoque le GIAPS pour l’accès à la PMA des hommes transgenres disposant encore d’un utérus ? Précisément cette transcendance du sexe biologique sur l’état civil issu de ma seule décision d’être homme ou femme. To be and not to be : je suis homme civil et femme biologique, que l’on reconnaisse donc les droits de celle-ci et l’identité de celui-là. Le beurre, l’argent du beurre, et les bonnes grâces de la crémière. Mais admettons. Rendons justice à la justesse du GIAPS quand il souligne la fissure de l’édifice maniaco-législocrate : « Si le sexe à l’état civil est un critère objectif et rationnel pour distinguer l’accès à certains droits, pourquoi ne pas dire que seules les femmes à l’état civil ont accès, par exemple, aux allocations familiales, ou encore que les hommes trans sont exclus de l’accès à l’IVG ? ». La revendication d’une égalité fondée sur le sexe biologique plutôt que l’état civil semble plus probante qu’une exclusive référence à ce dernier. Car au grand dam des casuistiques du genre, « iel » est superbement ignoré dans la lutte contre la précarité menstruelle. Le genre est dérangé, le genre est dé-genré. Face à ce naturel qui revient au galop, le Conseil constitutionnel clôture maladroitement le débat par l’état civil. Qui a les mains propres, mais qui n’a pas de mains. Le principe d’une stricte identité juridique contre la réalité des hormones : un Kant se drapant dans la toge de son légalisme éthéré. Le GIAPS souligne ainsi l’hypocrisie du hiatus entre état civil et biologique. D’un côté l’artifice de l’identité et de l’autre, le droit par la nature. Que faire ? Concéder le premier et accéder aux demandes du second ? Ou comment mettre un sparadrap sur la jambe de bois des dysphories de tout genre . Mais enfin, la confusion du discours ne rend pas ses réclamations illégitimes.

Juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel

Pourquoi en effet tendre la main ne coûterait-il pas un bras ? Pourquoi ne pas concéder les conséquences quand on s’est accordé sur la prémisse ? Celle de la PMA pour toutes, c’est la juridiction totalitaire du bon-vouloir individuel. Peu importe que l’enfant soit privé d’un de ses progéniteurs biologiques, on ne refuse rien au désir d’enfant d’un enfant du désir. Refuser la PMA aux hommes transgenres disposant encore d’un utérus alors qu’on l’a accordée à la femme seule ou en couple lesbien revient à imposer au désir maniaco-législatif une restriction arbitraire d’application.

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Que l’on soit d’accord ou non avec la prémisse, il est donc intéressant de constater qu’au lieu de la réinterroger, le Conseil Constitutionnel se raccroche aux branches d’un positivisme juridique branché qu’adoucit l’évocation d’ « égalité ». Ce dernier consiste à nier l’irréductibilité d’une norme idéale qui fonderait autant qu’elle pourrait contester le droit positif. Répétons-le, ce traitement différentiel pour l’accès à la PMA se justifie en ce qu’il est attaché « non au sexe biologique, mais à l’état-civil ». Or accorder aux hommes transgenres l’accès à la PMA pour toutes reviendrait à reconnaître une nouvelle catégorie sexuelle à l’état civil : « masculin pour l’état-civil, et féminin pour l’accès à l’assistance médicale à la procréation ». Antoine Pavageau, représentant du gouvernement, explique que « la binarité est nécessaire à l’ordre social et juridique ». Certes, mais la binarité est celle de la loi plutôt que de la nature. Est Bien ce qui défend la loi car la loi défend ce qui est Bien. Lequel correspond à l’égalité. Mais de qui ? De moi comme identité civile, correspondant désormais au genre que je décide d’adopter plutôt qu’à mon sexe biologique.

Seule valeur démocratique qui résiste encore et toujours à l’envahisseur relativiste, l’égalité est le lumignon qui fume quand la fin des temps est proche. L’infraction au positivisme juridique, et son supplément d’âme. Mais cette égalité devient celle des identités juridiques : aux transgenres qui décident de ce qu’ils sont, la Loi surenchérit que de cette décision découlent leurs droits. Au décisionnisme subjectif répond le décisionnisme légal, bonnet blanc râle contre blanc bonnet.

La question trans

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«Green deal»: l’Europe marche-t-elle sur l’eau?

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Anna HUBÁČKOVÁ et Barbara POMPILI, les ministres tchèque et française de l'Environnement, Bruxelles, 17/03/2022 © European Union

Mieux qu’un bon élève, l’Europe se voit déjà «première de la classe» en matière de lutte contre le dérèglement climatique, et réorganise sa législation en conséquence. Il ne s’agit pas seulement d’être en première ligne, mais mieux, de se situer à l’avant-garde du combat, à vocation d’entraîner la planète entière derrière soi, pas moins. Il y a pourtant loin de la coupe aux lèvres, surtout avec la nouvelle donne géopolitique qui s’est établie. Analyse.


Aveuglement chromatique ?

Prenant l’accord de Paris à la lettre et son objectif chiffré de contenir le réchauffement sous 1,5°C, l’exécutif européen a imaginé un « Green Deal » dont la cible est d’arriver à la neutralité carbone en 2050 et de continuer ensuite sur la lancée, en visant des bilans de gaz à effet de serre (GES) négatifs pour la seconde moitié du siècle. Pour baliser ce chemin, un rendez-vous intermédiaire a été fixé en 2030 avec un objectif de réduction de 55% des émissions de GES par rapport à la référence 1990. Un ensemble de mesures constituant le paquet « Fit for 55 » sera mis en place pour espérer atteindre cette balise, challenge beaucoup plus ambitieux qu’un précédent engagement européen qui visait, seulement pourrait-on dire, bien que déjà très irréaliste (hors marasme économique majeur), 40% de réduction des émissions par rapport aux mêmes repères calendaires. Ces mesures proposées par la Commission sont en cours de discussion dans les instances européennes, Conseil (dans ses différentes déclinaisons), Parlement, et au sortir de ces processus itératifs, elles deviendront la loi européenne en la matière. Elles devraient se décliner en modalités sectorielles très contraignantes, compte tenu de la hauteur des ambitions ostensiblement affichées.

Même si des créneaux d’activités afférentes s’ouvrent, quelles conséquences auront-elles sur l’économie ? Car pour faire fonctionner un continent et faire vivre des sociétés, tout ne peut se peser à l’aune de la tonne de GES évité ! « Je fais la guerre, je fais toujours la guerre » disait Clémenceau quand on critiquait la cohérence de sa politique. Mais, s’affichant en guerre contre le dérèglement climatique, nos gouvernants pourront-ils toujours répliquer ainsi, quand les dures contraintes qui devraient découler des mesures annoncées se feront tangibles – pour les plus fragiles en particulier, même si des aides ciblées leurs seront octroyées ? La séquence « gilets jaunes » pourrait alors connaître de nouveaux épisodes, tout aussi violents, et à plus vaste échelle cette fois.

Laurent Fabius et François Hollande, lors de la COP21, 2015, Paris. Photo: SIPA

Les leviers possèdent-ils leur tringlerie ?

Si la crédibilité des dispositions prises dans le cadre du « Green Deal », très volontaristes, interrogerait déjà « en champ libre », comment la regarder, dès lors que nous entrons durablement en économie de guerre (consécutive à l’invasion de l’Ukraine cette fois) et que, curieusement, les premiers infléchissements corrélatifs, proposés par la Commission à son propre plan, rendent plus irréalistes encore certaines mesures ? Emblématique, le souhait de pousser de 40% à 45% la part des renouvelables d’ici 2030 (la cible antérieure était de 32%), comme si éoliennes et panneaux solaires ne fournissaient pas une électricité intermittente, carence qu’il faut compenser par des moyens pilotables, tous carbonés, hors hydraulique (saturé) et nucléaire (qu’on cherche plutôt à entraver et long à construire). Mais les instances européennes sont coutumières du fait de mêler des objectifs de réduction des émissions (-55%) avec d’autres concernant cette fois les moyens censés y contribuer (+45 % d’énergies renouvelables EnR), comme si avait été établie une corrélation mécanique entre les deux cibles, un raccourci qui peut donc facilement continuer à tromper les opinions. Connexe à ces annonces, le souhait du Conseil d’alléger les procédures d’autorisation d’implantation des champs éoliens et solaires, déjà fort poussées par la Commission dans le vadémécum « RePowerEU ». Pour les opposants aux nouveaux projets (qui évoquent les nuisances créées, voire le bien-fondé même d’une politique favorisant les EnRs), ils seront alors face à un rouleau compresseur (le lobby des EnR et l’appareil d’État), qui réduira drastiquement les possibilités de saisine de la justice administrative.

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Tout sauf marginale, mais contestée comme insuffisante par les mouvements écologistes, une cible, presque passée inaperçue, indique simplement que d’ici 2030, l’Europe devra avoir baissé sa consommation énergétique de 1% par an. 1%, un chiffre qui apparaît à portée, mais 1 point tous les ans relève d’une discipline (ou d’une coercition) qui paraît difficilement atteignable (hors contexte d’une récession économique consécutive à des tensions politiques majeures, voire à des crises sanitaires). Il est bien connu et martelé pour l’opinion que l’énergie idéale est celle qu’on ne consomme pas : avec une telle approche, on ne risque guère, en effet, d’aggraver les émissions, mais est-ce bien réaliste ? A noter que la Commission proposait une réduction de 13%, contre 9% finalement retenu par le Conseil, un tel écart en disant long sur la fragilité des bases de telles projections ! Quant aux treize leviers mis en place pour qu’ils agissent directement sur les émissions, certains sont emblématiques, comme l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union (difficile à mettre en œuvre, exposant à des effets « boomerang », elle aura des conséquences non négligeables sur les prix). Cette démarche se couple forcément avec la gestion des « permis de polluer » distribués aux entreprises, le Parlement ayant durci les propositions de réduction de la Commission, dans une séquence « rejet-compromis » prévisible, même si elle a semblé surprendre les observateurs du macrocosme européen.

Mais c’est sans conteste la fin, fixée à 2035, de la vente des véhicules thermiques neufs (qui conduira à une refonte complète de l’outil de production automobile, avec des conséquences sociales déjà perceptibles), qui a retenu l’attention des commentateurs… Saura-t-on, dans l’intervalle, rendre le véhicule électrique accessible à tous, créer un réseau dense de bornes permettant une recharge rapide et fiabiliser les approvisionnements en matériaux sensibles que ce choix implique, tout en limitant les impacts environnementaux et, last but not least, fournir l’électricité nécessaire ? Rien n’est moins sûr ; mais il s’agit surtout d’accélérer la diffusion de « l’objet écologique par excellence », dont l’achat même constituerait une bonne action pour le climat. Le battage publicitaire actuel atteint le niveau de la saturation, mais le conditionnement de l’opinion a bien progressé, alors même que le véhicule électrique est loin de posséder l’innocence écologique qu’on lui prête. L’obligation désormais faite aux fournisseurs de carburants de se procurer les « quotas » correspondants sur le marché du carbone, crée une mécanique haussière. En conséquence, un fonds de compensation communautaire est créé (qu’il faudra bien alimenter par des taxes nouvelles…), qui délivrera des aides directes ciblées aux ménages les plus exposés (ou pour des travaux d’isolation). Le montant retenu pour ce fonds a fait l’objet de tractations à la baisse et ne sera mis en place qu’en 2027. On provoque de suite les dommages et on diffère les réparations, une curieuse stratégie.

Taxonomie : une séquence révélatrice

Initialement, le gaz (à cause des émissions de GES) et le nucléaire (à cause des déchets radioactifs fabriqués) avaient été exclus d’une classification des activités économiques permettant d’allouer des aides ou garanties communautaires à des financements privés ayant un effet favorable sur la réduction des émissions, la liste des secteurs d’activités concernés constituant la désormais bien connue « taxonomie verte » européenne.

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Mais compte tenu de leur efficacité en matière de réduction des émissions de GES, dans le secteur de la production électrique en particulier (le gaz pouvant remplacer le charbon, deux fois plus émetteur et le nucléaire n’étant que très peu émetteur), un acte délégué (promulgué en février 2022) les avait réintégrés dans la taxonomie. Ce choix se justifiait aussi par le fait que gaz et nucléaire peuvent alimenter des sources électriques pilotables, alors que le réseau européen en manque cruellement, ce dont l’opinion est peu consciente. L’avouer pourrait freiner l’élan EnR qu’il faut maintenir, quoi qu’il en coûte et quoi que l’on risque. Au niveau du Conseil, seul huit pays sur 27 avaient rejeté cette inclusion, ce qui, en droit européen, valait approbation tacite. Le résultat semblait acquis, mais deux commissions du Parlement européen (Affaires économiques et Environnement) l’ayant remis en cause, seul un vote du Parlement en session plénière pouvait alors trancher la question – une assemblée qu’on sait sensible sur le sujet. Le Parlement s’est prononcé le 6 juillet, les opposants n’y ont pas obtenu la majorité absolue nécessaire pour le blocage de l’acte délégué, vote qui a néanmoins montré un fort clivage sur le sujet (les opposants plus l’abstention égalant presque les partisans). Reste qu’associer nucléaire et gaz dans le même acte délégué était un artifice, et que, tant approbation que rejet sont de ce fait rendus peu lisibles, voire ambigus. Ainsi, l’Allemagne, viscéralement antinucléaire, au point qu’elle n’accepte même pas de considérer la prolongation temporaire de l’exploitation de ses trois derniers réacteurs (des machines modernes et performantes avec encore un gros potentiel d’exploitation), se voit valider son choix gazier (certes mis à mal par sa dépendance à la Russie), mais cette difficulté n’est que temporaire et le pays saura, à terme, trouver de nouvelles sources gazières, il s’y emploie d’ailleurs « énergiquement », quitte à faire cavalier seul, comme d’usage !

Même en aval de cet échec, on peut gager que la phobie anti-nucléaire restera une valeur sûre dans les instances européennes et dans les différents pays membres. De même, ces mêmes vigiles veilleront à ce que les aspects conditionnels et temporaires, qui ont permis l’admission des aliens, soient respectés. Ainsi pour le nucléaire, seule la production d’électricité, elle-même, peut bénéficier du label, à condition d’utiliser les meilleures technologies disponibles. La recherche sur les futurs réacteurs n’est, semble-t-il, pas concernée, tout comme les activités du cycle du combustible. Par ailleurs, gaz et nucléaire n’ont obtenu que des strapontins éjectables, l’inscription dans la taxonomie étant révocable, une remise en débat étant prévue tous les trois ans pour ces entrants-là.  In fine, l’objectif affiché reste bien de ne devoir s’appuyer, en 2050, que sur des énergies « vraiment propres ». Suite au résultat de ce vote, les appels juridiques vont fleurir (une action attendue, mais surprenante en soi, on pourrait croire en effet, que hors irrégularités, le résultat d’un vote homologué, qui a une valeur politique, ne puisse être contesté que par un autre vote). Déjà, on annonce une saisine de la Cour de Justice Européenne par l’Autriche et le Luxembourg, qui seront sans doute suivis par d’autres pays dont l’Allemagne (qui a laissé ses habituels colistiers prendre l’initiative). Décidément, le diable nucléaire ayant marqué un point (tout relatif au su de ce qui précède), il faut d’urgence convoquer les exorcistes. Vade retro satanas !

Inertie idéologique

Pour la machinerie européenne, qui possède une forte inertie idéologique, tout se passe comme si rien ne s’était produit sur le flanc Est du continent, toutes les dispositions du « Green Deal », en particulier celles du paquet législatif « Fit for 55 » sont, ou vont être adoptées, avec peu de variantes par rapport à la proposition de la Commission faite il y a plus d’un an, dans le monde d’avant donc. Elles vont devenir la loi européenne en la matière, s’appliquant à tous (avec quelques aménagements, qui n’en changeront pas les effets majeurs). Il ne s’agit pas d’incitations vertueuses dont on pourrait s’inspirer, non, ces objectifs sont contraignants, et qu’ils soient irréalistes est un autre débat, lequel n’aura pas lieu. Alors que les cartes géopolitiques sont rebattues et que se structurent des antagonismes durables, avec des conséquences déjà sensibles sur toutes les dimensions de l’économie : échanges, agriculture, industrie (dont la facette réarmement), aucune objection ne s’est faite jour, encore moins la proposition de reprendre la copie, compte tenu des nouvelles données. Mais le climat n’a que trop attendu entend-on, un argument recevable par des opinions bien préparées, jusqu’à ce qu’on se cogne contre le réel. Paradoxalement, c’est peut-être ce contexte international inédit et menaçant, qui par la récession économique qu’il pourrait engendrer, fera que l’Europe améliorera ses performances en termes de rejets de GES, même si la réactivation ici et là, mais surtout en Allemagne, des centrales électriques brulant du charbon, limitera, voire inversera la tendance. Alors : « Vert c’est vert », ou « noir c’est noir », le fléau de la balance devrait choisir rapidement son camp.

«Muzz», une application identitaire musulmane

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L'application de rencontres communautariste Muzz. DR.

Il faut évidemment voir dans le scandale provoqué par l’application Muzz une nouvelle réplique du séisme civilisationnel Islam / Occident. Basé au Royaume-Uni, le site de rencontres a proposé de payer les amendes infligées aux femmes françaises vêtues du burqini promu par les islamistes. Une initiative illégale et dénoncée par le ministère de l’Intérieur.


Ce sont les joies de la mondialisation ! Pour faire parler d’elle, l’application de rencontres musulmanes, Muzz, basée en Grande-Bretagne, propose aux musulmanes radicalisées qui se verraient infliger une amende pour port du burqini en France un remboursement.

Ce nouveau signe vestimentaire, voulant marquer l’appartenance de ceux qui le portent à la civilisation musulmane, se développe en effet chez des jeunes femmes musulmanes vivant en France, et lorsque les maitres nageurs interviennent pour faire sortir de l’eau les baigneuses qui en sont vêtues, ils se font traiter sur les réseaux sociaux d’ « islamophobes », et certains subissent même des menaces.

Droit à la différence plutôt que droit à l’indifférence, la laïcité à la française prend l’eau

On avait déjà vu ce genre d’incidents se produire avec le voile dans certains lieux publics. Mais, s’agissant de ce signe, les intéressées s’en referaient alors à des obligations religieuses – du moins était-ce le prétexte invoqué. Avec le burqini, la référence à des obligations religieuses est plus délicate.

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Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit pour ces femmes de manifester qu’elles appartiennent à la civilisation musulmane, voulant marquer ainsi leur droit à la différence : elles sont dans une attitude de provocation. Il s’agit pour ces personnes de revendiquer leur fierté d’appartenir à la civilisation musulmane, et ces militantes tiennent à nous montrer que celle-ci a droit de cité aujourd’hui sur notre territoire, un territoire où l’islam n’était pas encore parvenu à prendre pied jusqu’ici. Nous sommes donc bien dans un combat civilisationnel, et les personnes qui, au nom des droits de l’homme ou que-sais-je (on pense à Eric Piolle), défendent la liberté de ces personnes de se vêtir comme bon leur semble refusent de comprendre que nous avons affaire à ce que Samuel Huntington avait appelé dans son ouvrage The clash of civilizations and the remaking of world order un « choc de civilisation ».

© CEM OZDEL/A.A./SIPA

Flux et reflux

Il faut bien voir que le monde de l’islam et celui de la chrétienté, devenu par la suite le monde occidental, sont en conflit depuis des siècles, c’est-à-dire depuis l’apparition de l’islam en Arabie au VIIe siècle de notre ère. Sitôt après la mort du prophète, les cavaliers d’Allah, fideles aux enseignements de Mahomet, se sont élancés à la conquête de l’empire romain, qui était chrétien depuis plus de deux siècles déjà, parvenant à en conquérir une bonne partie, toute la partie méditerranéenne allant de la Syrie à l’Atlantique, avec une première avancée en Europe – toute l’Espagne, gagnée en 711 sur les Wisigoths. Il y eut, ensuite, les croisades lancées en 1095 par le pape Urbain II pour reconquérir Jérusalem et la terre sainte des chrétiens. Les croisés parvinrent à prendre Jérusalem, en 1099, la ville où est mort Jésus-Christ, et ils s’y installèrent. Mais ils se trouvèrent finalement chassés de ces terres par le fameux Saladin, venu d’Egypte, après qu’ils eurent occupé et administré ces territoires pendant deux siècles. Il fallut ensuite chasser les Turcs, qui étaient parvenus jusqu’à Vienne après s’être emparés de Constantinople, en 1453, qui était la nouvelle Rome des chrétiens. Et cela demanda plusieurs siècles de combats difficiles et très meurtriers. La Grèce, par exemple, ne parvint à recouvrer son indépendance qu’en 1821 seulement. Il y eut ensuite, dans l’autre sens, les grandes nations occidentales qui allèrent s’installer dans bon nombre de pays musulmans, au dix neuvième siècle : les Français en Afrique du Nord, les Anglais en Egypte, les Hollandais en Indonésie, les Italiens en Tripolitaine, etc… et ils en furent chassés, à la fin du siècle suivant par les luttes d’indépendance que menèrent tous ces pays… en s’appuyant sur l’islam.

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Avant de revenir au burqini, il faut bien voir que tout a commencé avec la création par Hassan el Banna, en 1928, du mouvement des Frères Musulmans. Il proposa à ses compatriotes de prendre appui sur l’islam pour lutter contre les Anglais en Egypte, et Sayyed Qutb, le théoricien du mouvement, qui était allé découvrir aux Etats-Unis la civilisation occidentale, engagea à son retour en Egypte tous les musulmans, à travers le monde, à se mobiliser pour combattre les Occidentaux et leur civilisation, qualifiant notre civilisation de primitive (jâhiliyya), méprisable car sans Dieu, profondément matérialiste, toute d’avidité, et où les mœurs sont complètement dépravées. Il produisit de très nombreux écrits pour détourner les musulmans de la civilisation occidentale en leur faisant prendre conscience que l’islam est une civilisation bien supérieure : « Quelle raison, quelle hauteur de vue, quelle humanité en islam » écrivait il, par exemple, en conclusion d’un de ses pamphlets.

Les musulmans dans une phase de revanche

En Algérie, on vit Abdelhamid Ben Badis fonder en 1931 l’« Association des Oulémas d’ Algérie », une association de savants musulmans connaissant bien le Coran. Ce mouvement ayant pour slogan : « L’islam est notre religion, l’Algérie notre patrie, l’arabe notre langue ». Puis, on vit le Premier ministre iranien Mossadegh nationaliser, en 1951, la compagnie anglo-iranienne des pétroles, la NIOC , qui appartenait aux Anglais, et, peu de temps après, en 1956, le colonel Nasser nationaliser le canal de Suez qui appartenait à un consortium franco-anglais. Les musulmans comprirent ainsi qu’ils pouvaient lutter avec succès contre les puissances occidentales. En Algérie, le relais de Ben Badis fut pris par Messali Hadj et une guerre d’indépendance se déclencha en 1954. Ainsi, tous les pays musulmans que des nations européennes étaient allées coloniser et soumettre au XIXe siècle prirent les uns après les autres leur indépendance, le dernier épisode étant constitué par l’accès à l’indépendance de l’Algérie en 1962 après une guerre de prés de huit ans où la France avait engagé une armée de 500 000 hommes. Tous les Européens, que l’on appela les « pieds noirs », quittèrent aussitôt, et dans la plus grande précipitation, l’ Algérie, de premiers massacres ayant eu lieu à Oran et les murs étant couverts de l’inscription « la valise ou le cercueil ».

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Certains des musulmans qui viennent s’installer en Europe sont donc, dans leur esprit, dans une phase de revanche. L’islam s’est réveillé avec les luttes qui ont été menées partout avec succès pour permettre à tous ces pays qui étaient placés sous l’autorité de puissances occidentales de se libérer de leur tutelle, et l’islam est sorti de cette longue période où il était dominé par les Occidentaux, d’autant que les pays musulmans possèdent des ressources considérables de pétrole, un « don de Dieu » disent les musulmans, ce qui leur permet de tenir la dragée haute dans les négociations internationales.

Les tenues vestimentaires comme le voile ou le burkini pour les femmes, ou le port pour les hommes de la barbe et de vêtements appartenant à la civilisation islamique sont indéniablement les signes d’un conflit de civilisation entre notre civilisation qui est fondée sur le judéo-christianisme et la civilisation musulmane fondée sur l’islam. Dieu a dit aux musulmans « Vous êtes la meilleure communauté qui soit jamais apparue parmi les hommes » (3,110-12), et les musulmans, après avoir été pendant des siècles dominés par la civilisation occidentale, estiment qu’il est temps pour eux de retrouver leur dignité. Pour Samuel Huntington, l’histoire des hommes, c’est l’histoire des civilisations. Il nous dit : « Les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques, ou économiques : elles sont culturelles. Les peuples et les nations s’efforcent de répondre à la question fondamentale entre toutes pour les humains : qui sommes-nous ? Les individus y répondent de la façon la plus traditionnelle qui soit : en termes de lignage, de religion, de langue, d’histoire, de valeurs, d’habitudes et d’institutions ». Et cet auteur rappelle que pour les individus la notion d’identité est fondamentale.

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Ne nous étonnons donc pas que les musulmans qui s’installent en Europe tiennent à conserver leur identité. Il eut fallu que nos dirigeants n’ouvrent pas la voie à l’islam, comme ils l’ont fait après le départ du général de Gaulle. Alain Peyrefitte nous dit, dans son ouvrage sur de Gaulle, qu’il lui avait confié qu’il avait donné son indépendance à l’Algérie afin que « Colombey les deux églises ne devienne pas Colombey les deux mosquées ».

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Attaques au couteau: le terrorisme à l’âge d’Uber

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Cérémonie d’hommage national à Stéphanie Monfermé, la fonctionnaire de police assassinée par un terroriste islamiste au commissariat de police de Rambouillet, 30 avril 2021 © STEPHANE LEMOUTON-POOL/SIPA

Les agressions au couteau se multipliant sur le territoire contribuent largement au sentiment d’insécurité des Français. Des années 1970 jusqu’aux attentats d’Al-Qaïda, le terrorisme se manifestait par des opérations d’envergure nécessitant une logistique, des financements et surtout le soutien d’États. Avec Daech, un modèle hybride s’est imposé. À l’ère des réseaux sociaux, le djihadisme s’est individualisé. N’importe qui peut prendre une arme pour rendre sa justice divine. Ce terrorisme low cost importe la mort dans notre vie quotidienne.


Quand le terrorisme contemporain est entré en scène à la fin des années 1960, il avait un visage et des modes opératoires caractéristiques. Prise d’otages, détournement d’avions, idéologie et stratégies inspirées de Mao et Marx, communiqués de revendication : le défi pour nos sociétés était redoutable, mais l’objet était clair. Ce qui le caractérisait le rendait également fragile : les attentats des années 1960-1970 exigeaient une logistique, des financements et surtout le soutien d’États. Nos sociétés ont exploité ces faiblesses pour lutter efficacement contre cette génération de terroristes. La chute de l’URSS, privant le terrorisme de l’ère Carlos-Arafat de l’essentiel de son soutien étatique, a sonné le glas de ce modèle. Mais un nouveau variant s’est imposé : le terrorisme djihadiste, prenant le plus souvent la forme d’attentats-suicides. 

Mutations

Du Liban jusqu’à Gaza une nouvelle idéologie et un nouveau mode opératoire ont transformé le terrorisme et nos vies, les attentats de 11-Septembre perpétrés par Al-Qaïda en constituant l’apogée. L’Occident a encore réagi et le terrorisme a encore muté. Le mouvement de Ben Laden était institutionnalisé, tout comme ses grandes opérations des années 1990-2010 qui nécessitaient organisation, planification et logistique, avec base arrière en Afghanistan. Son successeur et concurrent Daech fait advenir un terrorisme hybride : les hommes d’Al-Baghdadi reprennent le modèle Al-Quaida lors du massacre de Charlie Hebdo et les attentats du 13-Novembre à Paris, mais développent en même temps un autre modus operandi, inspiré par Uber et McDo. L’entrepreneur individuel du terrorisme est appelé à s’autoreconnaître comme combattant de la cause et à frapper « comme il est », n’importe quelle cible, avec ce qu’il a sous la main. Plus besoin de QG ni d’ordres. Facilitée par les technologies de l’information, la décentralisation est totale. Seule constante : la source d’autorité et de légitimité doit être l’islam et le Coran. Les « imams du Web » se multiplient et l’assassinat de Samuel Paty en est l’exemple parfait : de l’élève et de son père qui désignent la victime et fournissent les justifications, jusqu’à l’assassin qui se sent obligé de répondre à l’Appel, chacun peut émettre une fatwa, et passer à l’action comme il le veut, quand il le veut et où il le veut. 

Dans Le Prophète et la Pandémie, Gilles Kepel nomme ce phénomène « jihadisme d’atmosphère » : les messages de mobilisation sur les réseaux sociaux déclenchent le passage à l’acte criminel sans appartenance préalable du meurtrier à une organisation pyramidale. Cependant, cette atmosphère dans laquelle baignent de plus en plus de gens favorise aussi des passages à l’acte plus ambigus que l’assassinat de Samuel Paty. On assiste à la multiplication d’actes violents – homicides, tentatives d’homicide, agressions –, dont certains éléments peuvent être rattachés au terrorisme islamiste, tandis que d’autres s’en différencient. C’est le cas de l’assassinat de Sarah Halimi par exemple. C’est également le cas du meurtre d’Alban Gervaise. Impossible d’ignorer les signes troublants de l’atmosphère djihadiste aussi évidents que les résidus microscopiques de poudre repérés par la police scientifique sur la main d’un suspect, mais impossible aujourd’hui de le qualifier juridiquement comme violence islamiste.

Rassemblement pour réclamer « justice pour Sarah Halimi », Lyon, 25 avril 2021 (C) KONRAD K./SIPA

Djihadisme d’atmosphère

Pour Kepel, le djihadisme d’atmosphère est responsable, entre autres, de l’assassinat de Samuel Paty ou de l’attentat de Nice. Il faut désormais ajouter à ces cas emblématiques une longue liste de violentes attaques à l’arme blanche, commises ces cinq dernières années en France. Leur particularité est qu’elles ne sont pas reconnues comme des attentats terroristes ni leurs cibles comme victimes du terrorisme. L’excuse du déséquilibre mental est d’ailleurs souvent invoquée pour refuser de se pencher sur la dimension culturelle de ces actes, sur ce qu’ils révèlent du fond d’écran mental de ceux qui les commettent, comme d’une esthétique et d’un imaginaire du djihad qui impressionne les cerveaux les plus faibles.

Les derniers faits divers constatés ont pourtant de quoi interroger : le 20 mai, à Chantilly, une femme a reçu des coups « au niveau du cou et sur la partie haute du corps » par un autostoppeur, non francophone, de type africain, qui aurait « récité des prières en langue arabe» lors de son attaque. Selon les informations d’actu.fr, l’homme aurait crié « Allah Akbar » au moment de frapper. Bien que le Parquet national antiterroriste ait été averti, les chefs d’inculpation retenus ne relèvent que de la tentative d’homicide. Et comme trop souvent, l’état de santé du suspect a été jugé « incompatible » avec un placement en garde à vue… Cette même semaine, le 17 mai 2022, René Hadjadj est retrouvé mort à l’aplomb de son immeuble. Juif religieux, âgé de 89 ans, cet habitant du quartier de la Duchère à Lyon a été poussé du 17e étage. Son voisin de 51 ans sera rapidement soupçonné par les enquêteurs sans que la piste antisémite soit retenue. Dix jours plus tard, revirement de situation : le suspect de confession musulmane, Rachid Kheniche, s’est révélé très actif sur les réseaux sociaux, il était particulièrement obsédé par les juifs et Israël, comme ses coreligionnaires de Daech, d’Al-Qaïda, d’Al-Chabab, de Boko Haram… 

Une semaine plus tôt, le 10 mai, à Marseille, Alban Gervaise, médecin militaire, avait été victime d’une agression au couteau, les coups ayant été portés au thorax et à la gorge. Il succombera à ses blessures dix-sept jours plus tard. L’attaque a eu lieu devant l’établissement catholique où Alban Gervaise était venu récupérer ses deux enfants, âgés de 3 et 7 ans. Son assassin, Mohamed L., âgé de 23 ans et de nationalité française, une fois placé en garde à vue, évoquera le diable et expliquera avoir commis ce meurtre « au nom de Dieu ». Ces éléments évoquent fortement l’assassinat de Sarah Halimi. Son voisin et assassin, Kobili Traoré, avait lui aussi évoqué le diable, reconnaissant que la vision d’objets juifs l’avait fait basculer, donnant un visage au « démon » qui hantait son cerveau malade. Il a massacré la femme qu’il connaissait depuis dix ans en prononçant : « J’ai tué le sheitan [Satan] ». Peut-on considérer ce comportement en soi comme un indice de radicalisation ? Dans le cas de Mohamed L., la réponse de la police est non. « Aucun signe de radicalisation n’a été trouvé lors de la perquisition effectuée à son domicile », déclarait une source policière citée par CNews. La piste terroriste écartée, le Parquet national antiterroriste n’est pas saisi et Mohamed L. est mis en examen pour une simple tentative d’homicide volontaire, avant d’être placé en détention provisoire en maison d’arrêt.

On ne juge pas les fous… d’Allah

Un mois auparavant, le 29 mars, c’est dans le Rhône qu’un Afghan de 36 ans a été déclaré pénalement irresponsable par la chambre d’instruction pour une attaque au couteau qu’il avait perpétrée le 31 août 2019 sur le parking de la station de métro Laurent-Bonnevay, à Villeurbanne. Armé d’un couteau et d’une fourchette de barbecue, Sultan Niazi avait blessé huit personnes et tué Timothy Bonnet, un jeune homme de 19 ans. Les experts ont conclu que l’assaillant avait agi « à cause d’hallucinations provoquées par une schizophrénie paranoïde » et ont évoqué « une abolition totale du discernement au moment de frapper ses victimes en hurlant Allahou Akbar ». L’avocat de Timothy Bonnet regrettera à la fin de l’audience que le « mot terrorisme ait été complètement éludé », ce à quoi l’avocat de la défense aurait rétorqué que « l’on ne juge pas les fous… » Surtout ceux d’Allah ?

Ces agressions contribuent largement au sentiment d’insécurité des Français. Mais ce qui suscite une angoisse profonde est moins le fait d’être attaqué que l’absence de toute doctrine claire sur ces phénomènes. Pour le citoyen, le meurtre d’Alban Gervaise est un crime terroriste. Avec ce terrorisme low cost, la mort s’invite au pied de votre immeuble, devant l’école de vos enfants. Il est ici question d’un terrorisme du quotidien, susceptible de toucher chaque individu. Un terrorisme qui ne demande pas d’organisation et qui est lié à une vision du monde où ceux qui n’adhèrent pas à l’idéologie islamiste sont considérés comme moins que des hommes. Voilà pourquoi il s’agit de les tuer comme des bêtes, voilà pourquoi l’égorgement, qui donne un caractère rituel au meurtre, est privilégié. Que le pouvoir politique refuse de regarder cela en face et réduise beaucoup de ces meurtres à des faits divers sur lesquels il serait dérisoire de s’attarder est considéré, à juste raison, comme du déni. Malheureusement, c’est une vieille croyance française : ce qu’on ne nomme pas n’existe pas… Mais qu’il témoigne de l’inconscience ou de l’impuissance du gouvernement, ce déni nous met collectivement en danger.

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Crois ou meurs!

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La journaliste Camille Crosnier anime les débats de midi de France inter France inter.

La censure, la vraie, est de retour… 


La censure n’avait bien entendu jamais vraiment disparu, mais elle avait su ruser. Il y a encore à peine une décennie, elle omettait discrètement, elle caviardait en loucedé, elle éliminait subrepticement, elle effaçait en tapinois. Elle n’avouait pas ouvertement son désir totalitaire d’interdire et d’épurer. Les verrous ont sauté les uns derrière les autres et les intolérants s’en trouvent bien aise ; les censeurs ne se cachent plus et annoncent clairement la couleur.

L’entre-soi des journalistes progressistes

L’affaire Caroline Cayeux, parfaitement analysée par Philippe Bilger dans ces colonnes, démontre qu’il est devenu difficile, sous nos latitudes démocratiques, de penser autrement que certaines minorités intolérantes et vindicatives. S’être opposé au mariage homosexuel ne relève plus d’une opinion reposant sur une conception particulière de la société et du mariage, mais d’un délit. Sur ce sujet spécifique, il n’est littéralement plus permis de penser autrement que le magazine Têtu et la « communauté LGBT ». Traînée à la barre du tribunal médiatico-politique, condamnée d’avance à la peine maximale, Caroline Cayeux a cru que son mea culpa allait suffire à calmer les ardeurs inquisitoriales de ses adversaires devenus juges. Un mot de travers, une expression malheureuse ont suffi à ces derniers pour alimenter une polémique ridicule montrant en vérité ce que les autoproclamés chantres du pluralisme et de la démocratie appellent la liberté d’expression.

Dans un autre genre, sur France Inter, lors de son “Débat de midi” du vendredi 15 juillet consacré aux médias, Camille Crosnier et ses invités sont venus confirmer cette tendance lourde. Disons d’abord que, comme il arrive de plus en plus fréquemment sur la radio publique, l’émission était de qualité médiocre : trop d’intervenants, des questions tellement orientées qu’elles ressemblaient plus à des sentences dogmatiques qu’à de véritables interrogations, deux « respirations » sous forme de chansons anglo-saxonnes, un entre-soi cauteleux, ont fait une heure indigeste de bien-pensance dégoulinante. Constatons ensuite que, pour aborder ce sujet sur l’engagement et le pluralisme dans les médias, l’animatrice Camille Crosnier (journaliste de France Inter, ex-chroniqueuse dans l’émission Quotidien de Yann Barthès puis sur Arte) avait sollicité Catherine Nayl (directrice de l’information de France Inter), Gilles van Kote (directeur adjoint du Monde), Salomé Saqué (journaliste pour le site Blast, chroniqueuse sur Arte), et, égaré au milieu de ce cénacle gaucho-progressiste, Alexandre Devecchio (directeur du Figarovox). 

Le pluralisme bien connu de France inter

Après quelques lénifiantes considérations sur les notions d’objectivité et de neutralité dans le journalisme, Catherine Nayl déride un auditoire que nous devinons légèrement assoupi : elle assure que, sur France Inter, « la quête de la pluralité des points de vue est très importante ». Puis Camille Crosnier effectue un tour de magie : après qu’un auditeur a demandé pourquoi on n’entend jamais un pro-Trump ou un pro-Brexit ou un anti-UE sur France Inter, la journaliste se tourne non pas vers sa directrice de l’information mais vers… Alexandre Devecchio pour lui demander pourquoi on ne lit pas « un grand nom de la gauche » dans le Figaro – Devecchio n’a aucun mal à contredire Camille Crosnier en citant les noms de Jacques Julliard, Régis Debray, Jean-Claude Michéa, entre autres. Mais il est vrai que cette gauche-là n’est guère prisée par la gauche france-intérienne. En attendant, l’auditeur reste sur sa faim et peut s’asseoir sur sa question concernant le manque avéré de pluralisme sur la radio publique, laquelle est subventionnée, rappelons-le à Camille Crosnier, par tous les Français.

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Salomé Saqué est journaliste et écologiste. Elle revendique un militantisme radical. Selon elle, les rapports du GIEC sont scientifiques, incontestables et irrécusables. Par conséquent, elle ne comprend pas qu’on puisse « au nom du pluralisme, continuer d’inviter des personnes – de moins en moins, mais encore dans certains médias – qui minimisent le réchauffement climatique, chose qu’on a pu observer dans Le Figaro ». Avant même que Devecchio ait pu répondre à cette attaque, Camille Crosnier tient à conforter la position de Dame Saqué : « Alors, justement, Alexandre Devecchio, à quoi ça sert aujourd’hui, en 2022, où il y a un consensus scientifique in-con-tes-table sur l’origine humaine du réchauffement climatique, de donner la parole à quelqu’un qui va venir mettre ça en doute ? » Le journaliste du Monde ne veut pas être en reste et saute sur l’occasion pour montrer lui aussi sa conception du pluralisme à tous les passants : « À un moment donné il faut arrêter de donner la parole aux climato-sceptiques » car « le débat est clos ». 

Faites taire Yves Roucaute !

Devecchio comprend alors que le vilain qui est visé par Mmes Saqué et Crosnier n’est autre que le philosophe Yves Roucaute qui a donné récemment un entretien au Figaro au sujet de son ouvrage L’Obscurantisme vert (Éditions du cerf) dans lequel il analyse, non pas le réchauffement climatique que personne ne conteste, mais les potentielles raisons de celui-ci, ainsi que les possibilités créatrices, scientifiques et industrielles qui pourraient voir le jour si l’écologie cessait d’être idéologiquement punitive. En ce qui concerne le GIEC, Yves Roucaute fait partie des nombreuses personnalités intellectuelles et scientifiques qui ont lu le « résumé pour les décideurs » du dernier rapport de cet organisme – lequel résumé est politiquement destiné aux gouvernements et au grand public et reste attaché au dogme anthropocénique énoncé depuis la création du GIEC en 1988 – mais aussi et surtout la totalité du rapport (près de quatre mille pages), plus scientifique et nettement moins accablant pour ce qui est de « l’influence humaine » sur le réchauffement climatique puisqu’il met par exemple en exergue la variabilité naturelle du climat sur le temps long, en particulier lors de « l’optimum climatique médiéval » qui a réchauffé l’atmosphère de 1000 à 1300 ou du « petit âge glaciaire » qui l’a refroidie de 1600 à 1850. De plus, Yves Roucaute dénonce « l’esprit magico-religieux » et grossièrement animiste de l’écologie radicale, celle des faux prophètes et des archanges apocalyptiques qui rêvent de décroissance et d’un retour aux âges farouches de l’humanité sans mesurer l’inconséquence de cette songerie qui, si elle devenait réalité, signerait l’arrêt de mort de l’humanité tout entière. Rien d’indigne donc, rien qui puisse en tout cas interdire à son auteur d’être invité dans les différents médias afin, justement, d’en débattre avec les fervents laudateurs du GIEC. Mais, pour Camille Crosnier, « ça sent la désinformation ». D’ailleurs, tant qu’on y est, la journaliste encourage sa directrice de l’info, Catherine Nayl, à ne plus donner la parole non plus aux présidents de Total ou des banques qui investissent encore dans les énergies fossiles. Pour le coup, il faut le souligner, Catherine Nayl n’hésite pas à opposer une fin de non-recevoir à cette proposition stupide.

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« Les formes contemporaines du militantisme sociétal […] produisent un débat public caractérisé par la véhémence radicale et l’intolérance à toute forme de contradiction dialectique ou d’opinion divergente », écrit Anne-Sophie Chazaud dans son excellent essai Liberté d’inexpression (Éditions de l’Artilleur). « Ici, ajoute-t-elle, se noue la problématique actuelle d’un néoprogressisme autoproclamé qui, investi de la certitude d’incarner le Bien, et culturellement dominant dans les institutions ayant traditionnellement en charge la fabrique du citoyen (éducation, médias, culture…), ne peut littéralement pas admettre que ses postulats soient erronés ou simplement battus en brèche non plus que simplement débattus ». Pour s’imposer, le discours néoprogressiste se doit d’être un catéchisme intimidant plein de fureur et d’excommunications. Que ce soit à propos du « mariage pour tous », de l’écologie, du genre ou de la « diversité », des limites à la pensée ont été tracées par des groupes minoritaires qui font la loi. Malheur à celui qui sort du cercle de l’idéologie : dénoncé froidement par l’Inquisition progressiste et wokiste, il lui faudra montrer patte blanche s’il désire retrouver une place honorable dans le troupeau. Une honte démonstrative, une mauvaise conscience étalée sur la place publique seront bienvenues mais, comme on l’a vu avec Caroline Cayeux, pas toujours suffisantes. S’il parvient malgré tout à sauver son poste, son métier, sa situation sociale et un peu de considération compatissante de ses congénères, le repenti ne devra pas oublier que l’autocensure est la meilleure garante de sa survie dans ce monde totalitaire. Devenu trop faible ou trop lâche pour tenir tête aux Torquemada modernes, le mieux que nous puissions cyniquement lui conseiller est de se convertir aux nouvelles religions mises à sa disposition ou, mieux encore, de devenir le prêtre intransigeant d’une des nombreuses chapelles qui composent ces dernières. Ça se fait beaucoup ces derniers temps [1], les universités et les milieux politico-médiatiques sont pleins de cette nouvelle race d’inquisiteurs qui n’ont plus qu’un ordre à la bouche, le même que celui des révolutionnaires en chef de 1789 : Crois ou meurs ! [2]

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[1] Sciences Po, toujours à la pointe du wokisme, vient d’annuler le séminaire « Biologie, évolution et genre » de Leonardo Orlando et Peggy Sastre. Malgré les explications « scientifiques » de la direction de Sciences Po, il semblerait bien que cette dernière préfère, au lieu de l’enseignement sur l’évolution par le biais de la biologie et de la théorie darwinienne, les seules théories très peu scientifiques et totalement idéologiques sur le genre. Butler à la place de Darwin. Le « ressenti » de genre à la place de la biologie. Vivement les prochains discours des diplômés de Sciences Po.

[2] Citation reprise dans l’ouvrage éponyme de Claude Quétel (Éditions Tallandier) : « “Crois ou meurs ! Voilà l’anathème que prononcent les esprits ardents au nom de la liberté!” Ainsi s’indigne le journaliste Jacques Mallet du Pan dans le Mercure de France du 16 octobre 1789, au tout début de la Révolution. »