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La djellaba à petits pas

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Farouche défenseuse de l’égalité des sexes, notre chroniqueuse nous livre la version masculine du « Voile à toute vapeur », texte publié la semaine dernière.


En 2014, l’imam de Brest nous faisait bien rigoler (ou pas), quand il « enseignait » à de jeunes enfants (l’un d’eux étudiait la batterie) que le prophète « engloutirait sous la terre tous les joueurs de musique et les transformerait en porcs et en singes ». L’affaire avait alors agité le Landerneau local et une pétition demandant son expulsion avait recueilli 40 000 signatures. Dieu merci, nous n’en sommes plus là. L’imam musicophobe s’est (plus ou moins) calmé. Et, des myriades de contributeurs se revendiquant musulmans ont pris le relais et ouvert gentiment boutique islamique sur la toile.

Point n’est question ici de Benzema, influenceur amateur, 56 millions d’abonnés sur Instagram, qui, bien que grand musulman devant l’éternel, vient de nous gratifier d’une vidéo bien mécréante planètement parlant mais des influenceurs sérieux, qui n’aiment pas les falbalas et ne plaisantent pas avec la religion.

Comme le Canadien francophone Redazere qui, sur Instagram, régale quotidiennement ses 316 000 abonnés. Vidéos courtes, montages dynamiques, humour, proximité avec la communauté, les codes sont parfaitement maîtrisés. On y apprend beaucoup. Par exemple qu’ « une bonne action efface les péchés », que « les musulmans peuvent croire aux aliens » et que, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, « faire une coloration pour les hommes, manger des oreos et être gros n’est pas haram ». À part ces petites frivolités, ses « enseignements » tant sur le voile que sur la musique  sont les mêmes que ceux de son pote brestois.

Ou du Français de la_notif_islam qui propose tous les jours à ses 190 000 abonnés des notifications bien senties. L’orthographe n’est pas toujours son fort : « Peu importe le résultat, fais confiance à ton créateur car lui seule c’est ce qui est le meilleur pour toi », mais ses recommandations, de bon sens et qui ont le mérite de la modestie, « Apprenez à plaire au cœur et pas seulement aux yeux », valent haut la main celles, aussi approximatives orthographiquement mais bien plus prétentieuses, de ses concurrents coachs et développeurs personnels. Et, si elles ne font pas de bien, elles ne peuvent pas faire de mal : « Si Allah a retiré des personne de ta vie : sache qu’il a entendu des conversations que tu na pas entendu vu des choses que tu na pas vu alors il fait des choses que tu n’aurais pas pu faire ». Certes, il arrive à notre jeune ami de s’égarer un tout petit peu quand, par exemple, il admoneste ceux qui « normalisent les péchés ». Il leur rappelle que « l’on ressuscite le jour du jugement dernier de la manière dont on est mort » et donc… vous voyez la honte « pour celui qui meurt en train de braquer, pour celui qui meurt en train de vendre, pour celui qui meurt pendant qu’il fait la fornication ». Pauvre d’eux en effet.

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Même si les messages de nos séduisants prêcheurs sont plus ludiques que ceux des mosquées, même si leurs audiences sont plus larges, ils restent donc dans le traditionnel et dans le planplan. Pas de journée de la djellabah, pas de concours de Mister Ramadan, pas de défilés de qamis. Leurs « sœurs » de la mode pudique sont bien plus créatives. Elles innovent, elles conquièrent. En visibilisant un islam sympa, convivial et girly, les modeuses qui se pavanent dans des atours pudiques, de ville ou de bain, font gentiment oublier que l’Alliance Citoyenne, à l’origine du cirque aquatique grenoblois, apparaît dans la liste des bénéficiaires de la généreuse Open Society Foundation créée en 1979 par Georges Soros et qu’elle a reçu 80 000 $ de celle-ci en 2016 dans le but de la « transformer en une organisation nationale avec une visibilité nationale ».

Grâce à une utilisation large et astucieuse des moyens  de communication, ces garçons et ces filles modernes agissant séparément et à leurs rythmes promeuvent paisiblement leur religion ou plutôt leur civilisation. De leur propre chef ou instrumentalisés, là est la (vraie) question. Quelle que soit la réponse, ils installent tranquillement un islam d’ambiance aux antipodes du monde inclusif, non genré, woke, cancellisé, rêvé par ceux qui les soutiennent. Oh les beaux jours à venir.

Ennio, le maestro

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Actuellement dans les salles, un documentaire de Giuseppe Tornatore retrace l’épopée de Morricone, le compositeur de musiques de films le plus célèbre au monde, disparu en juillet 2020…


Ne vous attendez pas à des révélations fracassantes ou à une crue de larmes ! Aucune coucherie à l’horizon, ni déballage autour d’un héritage musical aussi considérable, pas même l’un de ces procès à sensation, revanchards et vains, qui égayent les étés trop chauds. Ce documentaire exempt de toute tension dramatique raconte patiemment, benoîtement, les étapes d’une vie consacrée à l’art du contrepoint, des débuts laborieux de trompettiste au Conservatoire jusqu’à la cérémonie des Oscars. Ennio comme tous les génies, est modeste, taiseux, retranché, appliqué, indifférent, presque taciturne, souvent absent, il a une voix de crécelle et un physique quelconque d’Italien moyen. Il porte des lunettes à monture épaisse et sourit timidement face caméra. Il aime son épouse. Il ne se distingue ni par un baratin enjôleur, ni par ce charme latin dont beaucoup de ses compatriotes acteurs abusent. Sa musique parle pour lui. Elle vient d’ailleurs. Son talent s’exerce sur la partition et court follement entre les lignes. Ennio décrypte les notes plus vite que les autres et les entrecroise pour emporter le spectateur dans une dimension parallèle. Il a déréglé notre oreille interne pour mieux nous ensorceler. Avant lui, nous étions les esclaves d’une mélodie plate et prévisible, de la ritournelle à grosses caisses et de l’effroi cadencé, en résumé, de sons formatés aussi vite ingurgités qu’oubliés. Après lui, nous n’étions plus les mêmes. Ce diable de compositeur, théoricien du bruit, joueur redoutable d’échecs, mari modèle, nous a habitué aux timbres métalliques et à l’incongruité du dodécaphonisme. Il a hybridé notre subconscient en insérant naturellement dans ses mouvements classiques, des gimmicks rythmiques d’une modernité fabuleuse. C’est la rencontre entre l’académisme le plus chimiquement pur et le débroussaillage de terres nouvelles. Avec lui, la ruée vers l’Ouest prend des allures de cavalcades désarticulées, où la romance, la peur et la drôlerie s’affrontent au revolver. De l’apparition céleste au milieu de nulle part d’une flute de pan, d’un sifflement, d’un grésillement divin, d’une cloche qui tinte, d’une répétition inoubliable naît alors une forme d’émerveillement et d’addiction. Au risque que le film devienne accessoire et le scénario secondaire. 

A lire aussi, du même auteur: Un été avec… Philippe Noiret

En nous déniaisant, il a inventé un nouveau langage cinématographique. Durant deux heures et trente-six minutes, nous assistons à une leçon d’écriture et à un défilé de stars reconnaissantes. Tout le monde s’incline devant le Maestro. Tout le monde lui est redevable. Clint lui rend un hommage appuyé. The Boss, Bruce en personne, se rappelle du choc acoustique qui le saisissait à la sortie des films de Sergio Leone. Après ça, il était devenu un autre musicien. Quincy y va de son accolade fraternelle, Tarantino en fait des tonnes comme d’habitude et puis, les Italiens, Argento, Bertolucci et tous les autres, le panthéonisent. Les chanteurs des années 1960 se souviennent de cet arrangeur capable de bloquer le cervelet de la ménagère du temps des studios RCA Italia par une intro tonitruante ou une apnée frénétique. Edoardo Vianello, Gianni Morandi et Gino Paoli lui vouent une admiration sincère depuis toutes ces années. Je pourrais passer mes vacances entières à écouter en boucle « Sapore di sale » ou « Abbronzatissima », et me laisser envahir par cette onde nostalgique qui grandit et me submerge. Avec Ennio, ces tubes commerciaux insipides prenaient une valeur émotionnelle et une patine spirituelle. Ces slows d’été ou twists napolitains d’une époque ont conservé cette fraîcheur et cet élan salvateur. On doit leur permanence historique à la patte d’Ennio qui surprend toujours par sa dissonance cosmique. 

Le musicien photographié en 2007 (c) Olivier Strecker Wikimedia Commons

Il fut et restera le plus grand compositeur de musiques de films au monde, l’inventeur du genre, le propagateur discret et omniscient d’une cinéphilie galopante. Sans lui, le western spaghetti sonnerait faux. Sans lui, les rues de New-York ressembleraient à la plaine du Pô. Il aura figé notre imaginaire avec ses B.O. 

Ce don-là, de suspendre l’existence et de cristalliser nos sentiments est la marque des créateurs. Alors, comme les autres, nous nous agenouillons devant lui.

En salles. 2h36

Retrouvez également la critique du film de Jean Chauvet dans notre numéro de l’été, en vente.

Les Chinois aussi ont peur du grand remplacement

Depuis des années, la Chine tente d’améliorer son image sur le continent africain dont elle est devenue un partenaire économique privilégié. Pourtant, un scandale vient d’éclater au Malawi suite à la diffusion d’un documentaire réalisé par la filiale africaine de la BBC sous le titre « Racisme à vendre »


Cette enquête, qui embarrasse profondément Pékin, révèle un trafic de vidéos tournées dans un village malawien par un Chinois, Lu Ke, qui montrent des enfants récitant des paroles en mandarin dont le sens leur échappe. Dans un exemple représentatif, un garçon d’environ 9 ans proclame : « Je suis un monstre noir et j’ai un faible QI. » De telles séquences sont intégrées à des cartes de vœux virtuelles qui sont ensuite vendues sur les médias sociaux chinois, afin d’être échangées à l’occasion de mariages et d’autres fêtes. Une de ces vidéos a obtenu plus de 3 millions de vues sur le réseau Weibo. Les enfants sont payés 20 cents de la journée, tandis que le prix d’une vidéo peut monter jusqu’à 67 euros.

Devant cette « pornographie de la pauvreté », selon la BBC, la ministre malawienne des Affaires étrangères, Nancy Tembo, a déclaré que son pays se sentait « dégoûté, méprisé et profondément peiné ». La réaction initiale de la Chine a été de minimiser les faits mais, face à la colère montante des Malawiens, elle s’est fendue d’une condamnation absolue du racisme. Le gouvernement malawien ne risque pas de mettre en péril ses bonnes relations avec les Chinois de peur de perdre une aide financière qui a déjà servi de nombreux projets, comme la construction d’une université technique et celle du stade national.

A lire aussi: Quand une histoire de fond de teint agite le monde lyrique…

Une autre vidéo montre de petits Africains qui promettent en mandarin de ne jamais venir en Chine, promesse qui répond à la peur, largement répandue parmi les Chinois, de voir leur pays « envahi » par les Africains. En 2017, un dirigeant politique, Pan Qinglin, avait évoqué publiquement le risque que la Chine cesse d’être un « pays jaune » pour devenir un « pays noir et jaune ». L’empire du Milieu a son propre mythe du Grand Remplacement.

Guerres picrocholines aux Francofolies

Pour empêcher deux rappeurs, Booba et Vald, de déclencher une bagarre générale aux Francofolies, qui aurait pu mettre une partie du public en danger, c’est tout un cordon de CRS que l’État a dû déployer. Est-ce au contribuable de payer ?


On ne peut s’empêcher de penser que ces forces seraient plus utiles ailleurs ! Quelle part du coût de la sécurisation incombe aux organisateurs et quelle part retombe sur les contribuables est une excellente question. Il serait utile, aussi, de s’interroger sur les récurrences des provocations entre rappeurs comme sur l’absence de sens des responsabilités de programmateurs qui les font se succéder sur la même scène. N’est-ce pas une façon cynique d’utiliser une forme de violence à des fins publicitaires, en toute irresponsabilité ?

Le rappeur français Booba (de son vrai nom Elie Yaffa), lors de la huitième édition du festival « We Love Green » sur la pelouse du bois de Vincennes, près de Paris, le 1er juin 2019 © SADAKA EDMOND/SIPA

Il fut un temps où quand des adultes se comportaient en adolescents attardés, ils n’essuyaient que le mépris de leurs contemporains et étaient exclus des lieux de rassemblement qu’ils mettaient à sac ou menaçaient. Aujourd’hui, quand deux irresponsables aux poches pleines de fric jouent à la guerre des gangs, c’est l’État qui doit mobiliser un cordon de CRS pour les séparer. La police est instrumentalisée pour empêcher que des rappeurs mettent en danger leur propre public, parce que l’infatuation de leur ego les amène à cultiver la haine et la violence et à considérer le passage à l’acte comme le comble de la virilité. Le pire est qu’ils sont considérés comme des modèles par des têtes pleines d’eau, admiratrices de leur impunité comme de leurs provocations. Pourtant, être un homme au sens d’être un être humain accompli passe plutôt par la maîtrise de soi et l’exercice de sa responsabilité. Des notions inaccessibles à ces adolescents attardés imbus d’eux-mêmes.

À La Rochelle, on ne bat pas que des records de chaleur…

L’histoire en elle-même est d’un ridicule achevé. Deux rappeurs, Vald et Booba, échangent des messages provocateurs sur les réseaux pour faire monter la tension entre eux. Or il se trouve qu’ils doivent se succéder sur la scène des Francofolies. Tout le monde se met alors à attendre la bagarre généralisée qu’une telle rencontre annonce. Cela fait même partie du spectacle et peut rameuter du monde. Le rappeur 1, prénommé Vald, monte sur scène accompagné d’une trentaine de malabars, en mode gardes du corps, puis son concert fini, s’installe sur la scène dans un transat pour bloquer l’arrivée du rappeur 2, Booba. Cela aurait pu mal finir, mais il se trouve qu’une circonstance particulière va contraindre le dénommé Booba à calmer le jeu. Celui-ci est sous le coup d’une condamnation avec sursis pour avoir déclenché une bagarre dans l’aéroport d’Orly avec un autre rappeur, Kaaris. Les deux protagonistes avaient écopé dans cette autre affaire au pénal de 18 mois de prison avec sursis et d’une amende de 50 000 euros. Or ce langage-là est le seul qu’ils comprennent. En effet, Booba, qui veut éviter la prison et tout préjudice financier, n’ira pas au contact et finira par monter sur scène avec une heure et demie de retard, entouré d’un cordon de CRS. 

A lire ensuite, Philippe Bilger: Le crépuscule de la civilité française

Disons-le tout de suite : la bêtise n’est pas la seule cause d’une histoire aussi lamentable. Derrière il y a aussi le désir de publicité, le fait pour Vald d’exploiter la situation inconfortable de « B2O » pour se faire de la notoriété sur son dos et le fait de servir à un public ce qu’il adore : l’exaltation du modèle racaille. Tout cela génère de la notoriété, du bruit médiatique et de l’argent, qui va avec, argent qui est la seule mesure de la réussite dans ce triste milieu. Peu importe si des mouvements de foule peuvent entraîner des blessés voire des morts. Du moment que cela rapporte, tout est bon à prendre. Derrière la bêtise profonde de ce genre d’attitude, se cache un véritable cynisme, l’appât du gain et l’incapacité de mesurer les conséquences de ces actes. En même temps, pourquoi se gêner, pour l’instant cette histoire ne génère que des bénéfices pour ceux qui l’ont initiée, le buzz fonctionne et les retombées en terme de notoriété sont réelles. Quant à la soi-disant « image du rap » qui serait atteinte, c’est ce que l’on appelle en langage commun « faire l’âne pour avoir du son ». En effet cette musique véhicule trop souvent un modèle de rapport humain où violence et domination sont valorisées. Ce type d’attitude gratuitement délétère est donc parfaitement valide et attendue dans ce cadre.

Qui va payer la facture ?

En dernier ressort, toute cette affaire aura mobilisé des CRS alors même que les forces de police sont épuisées tant elles sont sollicitées et seraient bien plus utiles ailleurs. Que la police soit mobilisée pour assurer la sécurité des spectateurs, surtout lors d’un évènement gratuit, se comprend. Qu’elle soit mobilisée pour gérer des incidents provoqués par deux rappeurs est indécent. On peut également s’interroger sur le coût de cette mobilisation pour les contribuables. Certes, ce type de prestation fait en général l’objet d’une facturation, mais hélas dans une véritable opacité. Il se trouve également qu’en lisant la directive du 8 avril 2022 du ministère de l’Intérieur relative à l’indemnisation des services d’ordre (laquelle évoque les difficultés des services de gendarmerie pour évaluer le coût de prestations accomplies en faveur de tiers), on comprend entre les lignes que faire le tri entre les missions relevant de la responsabilité de la puissance publique et celles constituant des prestations au service des organisateurs n’est pas toujours facile. Cette ambiguïté peut permettre de faire baisser drastiquement des factures qui seraient fort élevées s’il fallait faire appel à des entreprises de sécurité privée. Les élus et organisateurs le savent et jouent sciemment dessous. Il arrive aussi que pour faire plaisir à un organisateur puissant, la facture ne couvre pas l’intégralité des frais engagés, voire soit sciemment sous-évaluée: c’est donc le contribuable qui assume la différence. Au demeurant, lorsqu’on mobilise des forces de police parce que deux rappeurs veulent se faire de la publicité en instrumentalisant un public facile à manipuler, on peut sincèrement se demander si les CRS ne seraient pas plus utiles ailleurs. Si ce genre d’histoire avaient des conséquences financières lourdes pour les protagonistes et les organisateurs, ils éviteraient probablement les provocations gratuites. 

A lire aussi, Ingrid Riocreux: Libérez Kaaris et Booba!

L’épée de Damoclès de la prison a été efficace sur Booba qui a évité la confrontation directe avec Vald. La perspective d’une autre amende a pesé également. On peut penser que si ces deux rappeurs devaient faire l’objet d’interdictions temporaires de monter sur scène pour cause de risque de trouble à l’ordre public, l’impact que cela aurait sur leur revenu les inciterait à se calmer. Si les organisateurs étaient aussi tenus pour responsables de leur incapacité à gérer ces personnalités et devaient payer une amende pour avoir, par leur complaisance, fait courir un danger au public, ils se montreraient plus sélectifs dans leur programmation et plus prudents dans leur gestion des évènements. Autre point positif, une telle fermeté montrerait aussi l’imposture et l’impasse de l’attitude de ces rappeurs qui valorisent un modèle de comportement en mode guerre des gangs et influencent un public qui croit ainsi que la violence et l’insulte sont un moyen d’affirmer sa virilité et confondent « être respecté et respectable » et « se comporter en caïd ». En attendant, tant que l’on fermera les yeux sur ce type de débordements et qu’ils rapporteront aux rappeurs et organisateurs plus qu’ils ne leur coûtent, rien ne changera.

Un antisémitisme encore brûlant aujourd’hui?

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Lors de l’inauguration de la gare de Pithiviers transformée en musée, le 17 juillet, le président Macron a dénoncé un antisémitisme « brûlant et rampant » et une forme de « révisionnisme historique ».


Mes ancêtres ne sont pas « Gaulois » mais « Persans ». Je ne suis pas née Française, mais Iranienne… À Téhéran. J’ai choisi et assimilé la France comme on adopte une ascendance qui ne vous a pas engendré, comme on apprend à aimer une mère qui ne vous a pas mise au monde, mais qui vous a appris le monde. Parfaitement intégrée culturellement et affectivement, j’aime la France dans toutes ses dimensions, y compris la France la plus médiocre et la plus mesquine.
C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment compris la honte et le sentiment de culpabilité qui semble ronger les Français « de souche » lorsque l’on évoque la période de leur Histoire qui a suivi la capitulation du Maréchal Pétain, la fin de la Troisième République et l’occupation du pays par les Allemands. Ces évènements détestables me touchent, bien sûr, mais je les ai toujours analysés objectivement et replacés dans leur contexte historique sans mauvaise conscience personnelle. J’avoue ne pas être une inconditionnelle du « devoir de mémoire » ; ce principe qui logiquement appelle à la « repentance », démarche à laquelle je suis philosophiquement opposée. Que l’on demande individuellement pardon à celles et ceux que l’on a pu offenser, cela me parait moralement légitime. Que l’on demande pardon pour des actes commis par vos prédécesseurs dans les fonctions représentatives et/ou électives que vous occupez, cela me semble plus complexe, mais concevable… A contrario, dès lors qu’il s’agit d’actes commis par vos parents ou vos ancêtres au cours de l’Histoire de votre pays, alors là, c’est pour moi philosophiquement inacceptable. Chaque individu est responsable des actes, des délits et des crimes qu’il commet, pas de ceux commis par ses aïeux ! C’est la fameuse fable du Loup et de l’Agneau, chère à Esope comme à La Fontaine.

Au cours de cette sinistre et peu glorieuse période de l’Histoire de France que fut la collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie occupant le territoire français, nombre de compatriotes ont défoulé un antisémitisme odieux, indéniablement en phase avec le racisme théorisé par Hitler. C’est pourquoi tout ce qui se rapporte à la Shoah, monstrueuse et massive extermination des juifs d’Europe, occupe une place très particulière dans la mémoire collective des Français. J’y vois la manifestation d’une forme refoulée de mauvaise conscience qui s’est pérennisée au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, plus ou moins consciemment. C’est pourquoi, en entendant dimanche le président de la République prononcer un discours contre l’antisémitisme pour le 80e anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv, je ne pouvais qu’approuver ses propos, dénonçant, je cite, « un antisémitisme encore brûlant aujourd’hui ».

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Jamais, en effet, depuis les monstrueuses exactions commises par les nazis sous l’Occupation, jamais les juifs français n’avaient vécu ce qu’ils vivent aujourd’hui. J’en veux pour preuve l’exode massif des juifs français en Israël. Il est patent que cet Alyah est décidé en famille par peur du climat d’antisémitisme qui sévit en France depuis plus d’une dizaine d’années. En revanche, cet antisémitisme n’est plus le fait de partis nationalistes qu’Emmanuel Macron situe politiquement à « l’extrême-droite ». S’il y a sans doute des groupuscules identitaires antisémites qui sévissent à la périphérie du RN, il est faux de prétendre qu’ils incarnent « l’antisémitisme » que dénonce à juste titre le président de la République. J’ai beaucoup étudié la période de notre Histoire pendant laquelle sévissait l’Action Française ; cette culture conservatrice farouchement antisémite, propagée par les œuvres de Charles Maurras et sa doctrine du nationalisme intégral. Cet antisémitisme grand bourgeois qui s’était propagé dans la classe moyenne commerçante (le plus souvent urbaine) et qui s’est traduit par les dénonciations, les arrestations et les déportations de juifs dans les camps d’extermination nazis.

Mais aujourd’hui, et le président de la République le sait parfaitement, ce n’est plus de cet antisémitisme-là dont les juifs ont peur. Ce qu’ils craignent, c’est la haine viscérale « anti-feuj » qui sévit dans les communes et les quartiers occupés par des musulmans politisés par l’islam radical et qui s’étend alentour par capillarité. Cette haine qui se manifeste tous les jours dans les cours des collèges et des lycées, cette haine qui fait apparaître tout juif comme un « sioniste » à éliminer, complice et coupable des massacres de milliers d’enfants palestiniens ; un mec « pété de tunes » parce que tous les juifs sont riches, c’est bien connu, comme était supposé l’être Ilan Halimi… Ou juste un « putain de feuj de sa race » à exterminer.

En ce moment en vente: Causeur #103: Silence, on égorge

La publication par le gouvernement des derniers chiffres officiels des violences judéophobes en France signale un regain d’antisémitisme inédit. À côté de ces statistiques, on peut constater la banalisation des insultes quotidiennes qui ne sont pas signalées mais qui pourrissent le climat de ces quartiers où plus rien n’évoque les mœurs et les coutumes françaises. Ce climat de plus en plus malsain fait l’objet d’un déni politique, médiatique et intellectuel, comme Emmanuel Macron vient de le démontrer dans son discours. Comme le prouvent, également, les propos du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, reçu sur LCI par Darius Rochebin, qui cite deux ou trois prélats catholiques bien-pensants, mais fait totalement l’impasse sur la problématique de l’islam et revient finalement sur Zemmour et Pétain, comme si là se situait l’urgence… Alors que l’urgence, aujourd’hui, c’est d’arrêter de nier les problèmes pour éviter d’avoir à les résoudre.

Lisez Desrimais!

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Le chroniqueur Didier Desrimais publie la suite des “Gobeurs”.


Didier Desrimais aime se présenter comme un arpenteur de chemins forestiers bourguignons, amateur de chants d’oiseaux et de whiskies irlandais. Il est aussi – et surtout – un brillant contributeur à causeur.fr et nos heureux lecteurs ont l’intelligence de le plébisciter. Nous ne sommes pas peu fiers de compter parmi nos troupes un tel bonhomme. Ce franc-tireur au franc-parler trempe sa plume dans le bon sens, le savoir et la connaissance pour témoigner du délitement, de l’effacement de la société auquel nous sommes confrontés. Loin d’assister à ce triste spectacle sans broncher, Didier Desrimais dénonce, alerte et pourfend les crétins – restons polis – qui assassinent notre monde, notre culture et, osons le mot, nos valeurs. 

A lire aussi, Didier Desrimais: Après AgroTechParis, le wokisme gagne l’École nationale supérieure d’architecture

Avec Les Gobeurs ne se reposent jamais, il tire une lourde charge : une soixantaine de textes courts qui sont autant de chroniques de la bêtise et du vandalisme civilisationnel. Du cinéma à la littérature en passant par la novlangue, l’éducation, les médias de gôche et le néo-féminisme, avec son corolaire, la déconstruction de la gent masculine qui présage de son anéantissement, Desrimais pointe avec finesse et sagacité une France foutraque. La liste de ce qui ne tourne pas rond n’est pas exhaustive mais elle s’alourdit sous le poids de cette masse molle qui suit en silence, qui adhère aux « idées nouvelles » par faiblesse et désintérêt, cette foultitude d’individus qui, absorbés par leurs écrans, oublient d’exister et gobent ce qu’on leur sert tout-pensé comme des poissons leurs flocons dans un aquarium. 

Desrimais, lui, écoute et lit attentivement la propagande wokiste qui infuse dans le discours universitaire, médiatique, artistique et politique. Ça ne lui donne ni nausée ni picotement de nez, au contraire : ça l’inspire pour répondre et rendre coup pour coup. Il ne faut y voir aucun règlement de compte, amertume ou esprit de vengeance. Après Les Gobeurs, Les Gobeurs ne se reposent jamais est la deuxième salve d’une offensive qu’on espère, malheureusement, voir se poursuivre. La résistance sera longue. 

Les Gobeurs ne se reposent jamais, de Didier Desrimais, Les Éditions Ovadia, 2022.

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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Les jeunes ne baisent plus!

Une intéressante enquête de nos confrères du Monde, Lorraine De Foucher et Sonia Fisher, parue début juillet, révèle qu’une « révolution asexuelle est en marche » : « Les ados et post ados semblent en pleine récession sexuelle ». Payant de sa personne, notre chroniqueur y est allé voir.


Et d’abord, les faits. Les journalistes ont été interpelées par un chiffre tout frais sorti de la dernière enquête réalisée par l’IFOP sur les jeunes et le SIDA, en février 2022 : « Au cours des douze derniers mois, 43 % des jeunes interrogés n’avaient pas eu de rapport sexuel, et 44% avec un seul partenaire » — quoique ces chiffres soient en légère augmentation par rapport aux années précédentes. Pas moyen donc d’incriminer les confinements, qui auraient pu interrompre de belles histoires — surtout dans la mesure où nombre de jeunes de la tranche 16-24 ans vivent encore chez leurs parents — et forcer ces jeunes gens pleins de sève à recourir à l’autosatisfaction des désirs. Le mal vient de plus loin comme disait Racine…

L’enquête des deux journalistes du Monde s’est un peu faite au doigt mouillé, si je puis ainsi m’exprimer, mais elle révèle des comportements inattendus, particulièrement chez les petits mâles, « des garçons parfois pétris d’angoisse, celle de la peur de la honte et de l’humiliation, celle de la pression de la virilité et tout ce qu’elle charrie, et la bouillie du désir qu’il en reste ». 

C’est la grande révélation de cet article : entre le modèle pornographique, qui impose un indice de performance fantasmé, et le politiquement correct qui bloque les doigts au moment de dégrafer le soutien-gorge, que reste-t-il à ces ados — étant entendu que la catégorie est en voie d’extension, et que l’âge du vote, qui est celui de la plus forte abstention (selon un sondage IFOP-Fiducial réalisé en juin, 76% des 18-24 ans se sont abstenus) est aussi celui de l’abstinence la plus répandue…

A lire aussi, du même auteur: Génération connards

J’ai expliqué, dans un livre déjà ancien, La Société pornographique, le lien qui existe entre l’obligation de performance qu’impose le modèle pornographique et l’introversion de la libido, particulièrement chez les jeunes mâles. Ils n’ont pas fait « sur les femmes nues des musées / Le brouillon de leurs baisers », comme chantait jadis Brassens, mais sur Pornhub ou Xhamster. La génération du babyboom, si décriée par les jeunes d’aujourd’hui, en était à s’exciter sur les modèles de lingerie du catalogue de la Redoute. Une échancrure de corsage un peu profonde dans un film relevait de l’indécence absolue — on se rappelle le scandale planétaire que causa Vadim avec Et Dieu créa la femme, qui était pourtant une bluette bien légère.

Aujourd’hui, les pré-adolescents qui se manient mélancoliquement la tige en regardant XNXX sont confrontés à un déluge de pornographie explicite — et même plus qu’explicite, puisqu’elle est mise en scène, filmée en contre-plongée, jouée (encore que le terme soit abusif) par des acteurs sélectionnés et bourrés de petites pilules bleues (quand ce ne sont pas des injections directes de papavérine dans la verge), confrontés à des dévoreuses bourrées d’analgésiques afin d’accueillir plusieurs de ces messieurs en même temps. On comprend que les petits jeunes hésitent à sauter le pas. L’âge moyen du dépucelage, qui était en 2008 à peu près comparable chez les garçons et les filles, à trois mois près (entre 17 et 18 ans en majorité, selon l’étude, exhaustive celle-là, de Nathalie Bajos et Michel Bozon), est en train de reculer. Et nombre d’étudiants bien insérés dans des études longues sont encore puceaux. Et plus on tarde, plus on hésite. Et le petit escargot ne sort plus de sa coquille.

Le plus beau, c’est que les jeunes n’osent pas en parler à leurs parents, « par peur qu’ils paniquent et se demandent ce qu’ils ont raté dans leur éducation. » AU XIXe siècle, les pères amenaient leur fils au bordel, pour qu’ils fassent leurs gammes avec Lulu ou Daphné. Les boomers, tant décriés par les crétins contemporains, ont vécu dans le détail la révolution sexuelle des années 1960-1970, où l’on couchait avant de faire connaissance — c’était en fait le mode le plus simple pour entrer en contact. Leurs enfants ou petits-enfants fonctionnent à l’envers, et sommés d’y aller sur la pointe du pied, renoncent à le prendre.

L’effet d’imitation (« l’abstinence va être méga à la mode », dit Camille Aumont Carnel, créatrice du compte Instagram @jemenbatsleclito et auteur de #ADOSEXO, chez Albin Michel-Jeunesse) n’explique pas tout. À la base de cette misère sexuelle, il y a plusieurs facteurs. 

L’autorité pornographique en est un. L’obsession musulmane de la virginité en est un autre. Les filles doivent arriver vierges au mariage — quitte à se faire fabriquer un hymen artificiel, ce qui pose bien des cas de conscience à des médecins sommés de se conformer à une tradition archaïque et sexiste. Déjà que la première fois ce n’est pas toujours drôle, ni pour l’un ni pour l’autre, comme j’ai eu l’occasion de le raconter récemment.  Alors, se l’imposer encore et encore… Il faut être dingue pour rêver d’un paradis peuplé de vierges — et qui le restent après usage.

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Dernier point : le discours sur l’incertitude de genre tombe à pic chez des jeunes qui hésitent — ce qui est tout à fait normal — à sauter le pas et leur copine (et réciproquement). Quelque chose dans la morphologie des jeunes est en train de changer. Pendant que les filles, surtout les moins éclairés culturellement, se transforment en clones de Kim Kardashian, tout en tétons et en fesses, mascara épais, ongles extravagants, cheveux teints en noirs et défrisés, les garçons, de moins en moins sportifs, ont des physiques flous. Quand de surcroît on leur explique qu’ils doivent explorer leur part de féminité, la coupe est pleine : qui va se risquer à exhiber sa virilité en ces temps d’incertitude programmée et de mise en demeure pour réprimer ses désirs — surtout s’ils sont hétéros ?

À noter que les populations moins occidentales que la nôtre ne connaissent pas ces blocages, et font des gosses à la pelle. Allez donc voir dans les maternités. Pendant que les uns s’abstiennent, les autres les remplacent. Les sites pornographiques exaltent d’ailleurs l’hyper-virilité noire (un mythe comme les autres, a expliqué jadis Serge Bile, dans La Légende du sexe surdimensionné des Noirs), seule à même de satisfaire des jeunes blondasses que leurs partenaires habituels abandonnent à la libido extravertie des banlieues.

En vérité je vous le dis : parlez-en discrètement avec vos enfants. L’amour, c’est beau, c’est gai, c’est fort agréable, et il n’y a pas de quoi s’en faire un drame. Pourtant, sondage après sondage (comparez les résultats de l’enquête IFOP de 2019 et celle de 2021), le taux d’insatisfaction et de frustration monte. Pendant que leurs parents (et leurs grands-parents) persistent à s’envoyer en l’air et y trouvent leur compte, les jeunes restent au bord de la rivière, et n’osent plus se jeter à l’eau.

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La députée Panot ou la misère intellectuelle

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Ils devraient tous avoir honte. Mathilde Panot, la présidente du groupe parlementaire LFI, a tweeté : « Il y a 80 ans, les collaborationnistes du régime de Vichy ont organisé la rafle du Vél d’Hiv. Ne pas oublier ces crimes, aujourd’hui plus que jamais, avec un président de la République qui rend honneur à Pétain et 89 députés RN ». Je pense que presque tous les députés ont eu conscience de l’absurdité et de l’indignité de cette relation entre la rafle du Vél d’Hiv, Emmanuel Macron (et son « honneur » prétendu à Pétain) et les 89 députés RN. Ils savent en effet que le président de la République a rappelé que Philippe Pétain n’avait pas été seulement le personnage honteux du régime de Vichy mais aussi « le grand soldat » de Verdun, ce qui est une évidence. On a encore le droit de ne pas mettre l’ensemble d’une destinée historique dans le même sac !

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Je ne doute pas que derrière les affrontements de façade, le consensus existe sur la perversion historique, politique et intellectuelle de ce tweet que Mathilde Panot s’est entêtée tristement à justifier. Alors pourquoi s’est-elle laissée aller, en un jour de recueillement et de mémoire, à cette outrance choquante ? Parce que LFI aurait pour dessein de pousser au paroxysme le climat démocratique et d’organiser délibérément une frénésie parlementaire ? C’est le point de vue qui a été développé, notamment par François Kalfon et Jean-Loup Bonnamy, dans L’heure des pros, animée par Eliot Deval le 18 juillet sur CNews.

Solidarité gênante

Au risque d’apparaître naïf, j’ai émis une contradiction et me suis davantage attaché à l’inexpérience et à la personnalité de Mathilde Panot. Sans une once de mépris, je relève qu’on lui a confié une charge parlementaire très importante et qu’à l’évidence elle ne semble pas à la hauteur de cette mission. On ne peut pas considérer que l’extrémisme du verbe et le manichéisme délétère de la pensée constituent une force dans le rôle qui lui a été attribué. Je n’ai pas envie de supposer que d’une certaine manière, alors que tant d’autres auraient été plus adaptés à cette responsabilité, on l’a abandonnée en rase campagne parlementaire. On est assuré certes, et Jean-Luc Mélenchon le premier, que Mathilde Panot ne fera d’ombre à personne. Malgré son énergie indiscutable et le soutien que LFI et, avec quelques exceptions, la Nupes lui ont apporté, je crains qu’à l’avenir se coagulent la partialité partisane et sa maladresse personnelle.

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Pourquoi ai-je écrit que tous devaient avoir honte ? Était-il fatal que des personnalités reconnues de LFI, par exemple Alexis Corbière qui a été professeur d’Histoire pourtant, Manuel Bompard et Clémence Guetté, connaissant la vérité historique, se placent mécaniquement derrière Mathilde Panot et n’aient pas l’objectivité nécessaire pour dénier ce que leur présidente de groupe avait osé affirmer ? Est-il normal qu’une Clémentine Autain que j’ai appréciée en dehors du contexte politique se soit tue et n’ait pas rectifié ? Faut-il que la solidarité aille jusqu’à assumer l’inacceptable ? Était-il inévitable qu’Olivier Faure, à nouveau – comme pour le « la police tue » de Jean-Luc Mélenchon – murmure une si faible contradiction ? Il a seulement regretté que les mots de Mathilde Panot aient été prononcés ce jour-là… tout en pourfendant vigoureusement la macronie !

Lâcheté collective

Si on continue sur ce registre dégradant d’une sorte de guerre civile instillant son poison sectaire et approximatif dans l’espace démocratique, l’urbanité républicaine, qui n’interdisait pas l’affrontement vigoureux sur le fond mais concentrait l’attention sur lui, ne sera plus qu’une nostalgie. Je sais bien que cette lâcheté collective qui conduit chacun dans son camp à valider le pire, résulte de l’étau dans lequel un Olivier Faure par exemple s’est placé lui-même : soutenir l’insoutenable pour ménager son futur politique.

Je devine qu’on va m’opposer que les choses étant ce qu’elles sont, il faut arrêter de rêver et être réaliste. Pourtant, je déteste profondément cette posture qui consiste, sans réfléchir, à dénoncer par principe ou à applaudir par réflexe. LFI, cela signifierait-il « la France inconditionnelle » pour Eric Coquerel comme pour Mathilde Panot ?

En tout cas, cette dernière ne devrait pas être la seule à être stigmatisée. Les autres, complices par soutien malvenu, aussi !

La révolte des moches

Pour la journaliste Alice Pfeiffer et quelques autres illuminés, la beauté serait à l’origine d’oppressions semblables à celles du racisme et du sexisme. Il faut donc abolir le « pass beauté » pour s’en libérer!


Êtes-vous bénéficiaire du « pretty privilege » ? Pour le savoir, analysez le comportement des personnes autour de vous. Vous offre-t-on des verres ? Recevez-vous des likes sur vos selfies Instagram ? Vous prend-on au sérieux au travail ? Si oui, il est fort à parier que vous avez la chance d’être beau et que vous bénéficiez donc du « pretty privilege », vous permettant d’obtenir des avantages, comme le dénoncent les magazines Nylon et Uzbek & Rica.

Le « pretty privilege » (le « privilège des jolis »), tout comme le « privilège blanc », est une forme de discrimination systémique, et ses victimes jusque-là invisibilisées comptent bien renverser la table. La journaliste Alice Pfeiffer, elle-même victime dans son enfance – « J’ai une cousine qui est plus jolie que moi. […] En famille ou face au restant du monde, dès l’enfance, je notais inconsciemment les réactions différenciées au fil de situations quotidiennes » –, s’attache désormais à déconstruire les critères de beauté, armée qu’elle est d’un master en « gender studies [1] ».

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Il s’agit de dénoncer les liens qui unissent le « pretty privilege » au racisme et au sexisme, puisque la beauté n’a « rien d’objectif », mais doit être analysée au prisme des « vastes enjeux de pouvoir » de notre société. Ainsi, la notion de beauté dominante serait une construction artificielle associée à « des traits caucasiens, la peau blanche (mais dorée, le signe de vacances interminables), une minceur et une jeunesse de rigueur, une identité cisgenre, un corps valide ».Tout cela vu à travers « un gaze [sic] hétéronormatif », c’est-à-dire un regard masculin que les femmes auraient intériorisé.

Pour combattre cette injustice, selon Alice Pfeiffer, il est urgent de « réhabiliter le moche ». La mocheté, comme esthétique des dominés et des marginaux, deviendra une arme de combat. « Laiderons de tous les pays, unissez-vous… ! »


[1]. « Qui profite du pretty privilège ? », Nylon, 27 mai 2022. Voir aussi Alice Pfeiffer, Le Goût du moche, Flammarion, 2021.

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Ce qui nous meut chez Klapisch

Cédric Klapisch est un auteur marquant du cinéma français contemporain. Son dernier film est particulièrement abouti. Il ne faut pas passer à côté.


L’attrait de connaître un peu la filmographie d’un auteur est de pouvoir retrouver, en revoyant ses premiers films, les prémisses de thèmes qu’il a ensuite développés, ou l’apparition d’un talent qu’il a su faire fructifier au fil du temps. C’est le plaisir que j’ai ressenti en voyant le dernier film de Cédric Klapisch, « En corps », sorti en salles fin mars en France et qui vient d’arriver en Israël, pour le grand bonheur de la vaste communauté francophone d’Israël [1].

On y retrouve ainsi, pêle-mêle, son acteur fétiche François Civil, mais aussi le thème de l’amour déçu ou inaccompli et celui de l’initiation amoureuse, déjà abordés dans sa trilogie (L’auberge espagnole, Les poupées russes et Casse-tête chinois) et sa manière très particulière de filmer Paris, ses toits et son ciel. Autre thème klapischien : celui des relations familiales, qui était au cœur de Ce qui nous lie, et qu’on retrouve dans En corps, avec entre autres la belle relation fille-père (ce dernier étant incarné par Denis Podalydès).

Mais on y trouve aussi une philosophie de la vie, plus aboutie que dans ses films précédents, et un optimisme assez exceptionnel dans le cinéma français actuel, qui se complaît souvent dans des thèmes aussi réjouissants que le suicide ou l’euthanasie. Chez Klapisch, on peut aimer la vie et il n’est pas de mauvais goût de le dire… Autre qualité très inactuelle : sa manière d’aborder les questions les plus idéologiques (relations hommes-femmes, identité sexuelle, etc.) sans prendre aucunement parti, avec un humour détaché devenu rare aujourd’hui.

Et il y a bien sûr le thème de la danse, déjà abordé dans plusieurs de ses films (et aussi dans le beau clip avec les danseurs confinés de l’Opéra de Paris réalisé en 2020) qui est au cœur d’En corps, thème traité avec beaucoup de finesse, à travers le personnage de l’héroïne – interprétée par la talentueuse Marion Barbeau – et à travers ceux des danseurs de la compagnie israélienne de Hofesh Shechter (qui interprète son propre rôle). Comme il l’expliquait dans une interview au Figaro Magazine, “la danse est un des spectacles les plus puissants qui soient, plus fort même que le cinéma”. 

Si je devais définir en une phrase ce qui fait d’« En corps » son film le plus abouti à mes yeux, je dirai qu’il réussit à transformer une histoire assez banale (celle d’une danseuse qui est blessée, physiquement et émotionnellement) en un récit initiatique universel. Le talent de Klapisch, qui s’affirme comme un des cinéastes marquants du cinéma français contemporain, est peut-être de réussir à faire des films très actuels, tout en restant très classiques dans leur facture et dans sa manière d’aborder les grands thèmes éternels. « En corps » n’est pas seulement un hymne à la danse, c’est aussi un hymne à l’amour, à l’espoir, à la vie. Du grand art.

[1] Près de 900 000 personnes selon les chiffres de l’ODSEF.

La djellaba à petits pas

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Capture d'écran page Instagram de Redazere

Farouche défenseuse de l’égalité des sexes, notre chroniqueuse nous livre la version masculine du « Voile à toute vapeur », texte publié la semaine dernière.


En 2014, l’imam de Brest nous faisait bien rigoler (ou pas), quand il « enseignait » à de jeunes enfants (l’un d’eux étudiait la batterie) que le prophète « engloutirait sous la terre tous les joueurs de musique et les transformerait en porcs et en singes ». L’affaire avait alors agité le Landerneau local et une pétition demandant son expulsion avait recueilli 40 000 signatures. Dieu merci, nous n’en sommes plus là. L’imam musicophobe s’est (plus ou moins) calmé. Et, des myriades de contributeurs se revendiquant musulmans ont pris le relais et ouvert gentiment boutique islamique sur la toile.

Point n’est question ici de Benzema, influenceur amateur, 56 millions d’abonnés sur Instagram, qui, bien que grand musulman devant l’éternel, vient de nous gratifier d’une vidéo bien mécréante planètement parlant mais des influenceurs sérieux, qui n’aiment pas les falbalas et ne plaisantent pas avec la religion.

Comme le Canadien francophone Redazere qui, sur Instagram, régale quotidiennement ses 316 000 abonnés. Vidéos courtes, montages dynamiques, humour, proximité avec la communauté, les codes sont parfaitement maîtrisés. On y apprend beaucoup. Par exemple qu’ « une bonne action efface les péchés », que « les musulmans peuvent croire aux aliens » et que, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, « faire une coloration pour les hommes, manger des oreos et être gros n’est pas haram ». À part ces petites frivolités, ses « enseignements » tant sur le voile que sur la musique  sont les mêmes que ceux de son pote brestois.

Ou du Français de la_notif_islam qui propose tous les jours à ses 190 000 abonnés des notifications bien senties. L’orthographe n’est pas toujours son fort : « Peu importe le résultat, fais confiance à ton créateur car lui seule c’est ce qui est le meilleur pour toi », mais ses recommandations, de bon sens et qui ont le mérite de la modestie, « Apprenez à plaire au cœur et pas seulement aux yeux », valent haut la main celles, aussi approximatives orthographiquement mais bien plus prétentieuses, de ses concurrents coachs et développeurs personnels. Et, si elles ne font pas de bien, elles ne peuvent pas faire de mal : « Si Allah a retiré des personne de ta vie : sache qu’il a entendu des conversations que tu na pas entendu vu des choses que tu na pas vu alors il fait des choses que tu n’aurais pas pu faire ». Certes, il arrive à notre jeune ami de s’égarer un tout petit peu quand, par exemple, il admoneste ceux qui « normalisent les péchés ». Il leur rappelle que « l’on ressuscite le jour du jugement dernier de la manière dont on est mort » et donc… vous voyez la honte « pour celui qui meurt en train de braquer, pour celui qui meurt en train de vendre, pour celui qui meurt pendant qu’il fait la fornication ». Pauvre d’eux en effet.

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Même si les messages de nos séduisants prêcheurs sont plus ludiques que ceux des mosquées, même si leurs audiences sont plus larges, ils restent donc dans le traditionnel et dans le planplan. Pas de journée de la djellabah, pas de concours de Mister Ramadan, pas de défilés de qamis. Leurs « sœurs » de la mode pudique sont bien plus créatives. Elles innovent, elles conquièrent. En visibilisant un islam sympa, convivial et girly, les modeuses qui se pavanent dans des atours pudiques, de ville ou de bain, font gentiment oublier que l’Alliance Citoyenne, à l’origine du cirque aquatique grenoblois, apparaît dans la liste des bénéficiaires de la généreuse Open Society Foundation créée en 1979 par Georges Soros et qu’elle a reçu 80 000 $ de celle-ci en 2016 dans le but de la « transformer en une organisation nationale avec une visibilité nationale ».

Grâce à une utilisation large et astucieuse des moyens  de communication, ces garçons et ces filles modernes agissant séparément et à leurs rythmes promeuvent paisiblement leur religion ou plutôt leur civilisation. De leur propre chef ou instrumentalisés, là est la (vraie) question. Quelle que soit la réponse, ils installent tranquillement un islam d’ambiance aux antipodes du monde inclusif, non genré, woke, cancellisé, rêvé par ceux qui les soutiennent. Oh les beaux jours à venir.

Ennio, le maestro

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© Le Pacte

Actuellement dans les salles, un documentaire de Giuseppe Tornatore retrace l’épopée de Morricone, le compositeur de musiques de films le plus célèbre au monde, disparu en juillet 2020…


Ne vous attendez pas à des révélations fracassantes ou à une crue de larmes ! Aucune coucherie à l’horizon, ni déballage autour d’un héritage musical aussi considérable, pas même l’un de ces procès à sensation, revanchards et vains, qui égayent les étés trop chauds. Ce documentaire exempt de toute tension dramatique raconte patiemment, benoîtement, les étapes d’une vie consacrée à l’art du contrepoint, des débuts laborieux de trompettiste au Conservatoire jusqu’à la cérémonie des Oscars. Ennio comme tous les génies, est modeste, taiseux, retranché, appliqué, indifférent, presque taciturne, souvent absent, il a une voix de crécelle et un physique quelconque d’Italien moyen. Il porte des lunettes à monture épaisse et sourit timidement face caméra. Il aime son épouse. Il ne se distingue ni par un baratin enjôleur, ni par ce charme latin dont beaucoup de ses compatriotes acteurs abusent. Sa musique parle pour lui. Elle vient d’ailleurs. Son talent s’exerce sur la partition et court follement entre les lignes. Ennio décrypte les notes plus vite que les autres et les entrecroise pour emporter le spectateur dans une dimension parallèle. Il a déréglé notre oreille interne pour mieux nous ensorceler. Avant lui, nous étions les esclaves d’une mélodie plate et prévisible, de la ritournelle à grosses caisses et de l’effroi cadencé, en résumé, de sons formatés aussi vite ingurgités qu’oubliés. Après lui, nous n’étions plus les mêmes. Ce diable de compositeur, théoricien du bruit, joueur redoutable d’échecs, mari modèle, nous a habitué aux timbres métalliques et à l’incongruité du dodécaphonisme. Il a hybridé notre subconscient en insérant naturellement dans ses mouvements classiques, des gimmicks rythmiques d’une modernité fabuleuse. C’est la rencontre entre l’académisme le plus chimiquement pur et le débroussaillage de terres nouvelles. Avec lui, la ruée vers l’Ouest prend des allures de cavalcades désarticulées, où la romance, la peur et la drôlerie s’affrontent au revolver. De l’apparition céleste au milieu de nulle part d’une flute de pan, d’un sifflement, d’un grésillement divin, d’une cloche qui tinte, d’une répétition inoubliable naît alors une forme d’émerveillement et d’addiction. Au risque que le film devienne accessoire et le scénario secondaire. 

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En nous déniaisant, il a inventé un nouveau langage cinématographique. Durant deux heures et trente-six minutes, nous assistons à une leçon d’écriture et à un défilé de stars reconnaissantes. Tout le monde s’incline devant le Maestro. Tout le monde lui est redevable. Clint lui rend un hommage appuyé. The Boss, Bruce en personne, se rappelle du choc acoustique qui le saisissait à la sortie des films de Sergio Leone. Après ça, il était devenu un autre musicien. Quincy y va de son accolade fraternelle, Tarantino en fait des tonnes comme d’habitude et puis, les Italiens, Argento, Bertolucci et tous les autres, le panthéonisent. Les chanteurs des années 1960 se souviennent de cet arrangeur capable de bloquer le cervelet de la ménagère du temps des studios RCA Italia par une intro tonitruante ou une apnée frénétique. Edoardo Vianello, Gianni Morandi et Gino Paoli lui vouent une admiration sincère depuis toutes ces années. Je pourrais passer mes vacances entières à écouter en boucle « Sapore di sale » ou « Abbronzatissima », et me laisser envahir par cette onde nostalgique qui grandit et me submerge. Avec Ennio, ces tubes commerciaux insipides prenaient une valeur émotionnelle et une patine spirituelle. Ces slows d’été ou twists napolitains d’une époque ont conservé cette fraîcheur et cet élan salvateur. On doit leur permanence historique à la patte d’Ennio qui surprend toujours par sa dissonance cosmique. 

Le musicien photographié en 2007 (c) Olivier Strecker Wikimedia Commons

Il fut et restera le plus grand compositeur de musiques de films au monde, l’inventeur du genre, le propagateur discret et omniscient d’une cinéphilie galopante. Sans lui, le western spaghetti sonnerait faux. Sans lui, les rues de New-York ressembleraient à la plaine du Pô. Il aura figé notre imaginaire avec ses B.O. 

Ce don-là, de suspendre l’existence et de cristalliser nos sentiments est la marque des créateurs. Alors, comme les autres, nous nous agenouillons devant lui.

En salles. 2h36

Retrouvez également la critique du film de Jean Chauvet dans notre numéro de l’été, en vente.

Les Chinois aussi ont peur du grand remplacement

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© D.R.

Depuis des années, la Chine tente d’améliorer son image sur le continent africain dont elle est devenue un partenaire économique privilégié. Pourtant, un scandale vient d’éclater au Malawi suite à la diffusion d’un documentaire réalisé par la filiale africaine de la BBC sous le titre « Racisme à vendre »


Cette enquête, qui embarrasse profondément Pékin, révèle un trafic de vidéos tournées dans un village malawien par un Chinois, Lu Ke, qui montrent des enfants récitant des paroles en mandarin dont le sens leur échappe. Dans un exemple représentatif, un garçon d’environ 9 ans proclame : « Je suis un monstre noir et j’ai un faible QI. » De telles séquences sont intégrées à des cartes de vœux virtuelles qui sont ensuite vendues sur les médias sociaux chinois, afin d’être échangées à l’occasion de mariages et d’autres fêtes. Une de ces vidéos a obtenu plus de 3 millions de vues sur le réseau Weibo. Les enfants sont payés 20 cents de la journée, tandis que le prix d’une vidéo peut monter jusqu’à 67 euros.

Devant cette « pornographie de la pauvreté », selon la BBC, la ministre malawienne des Affaires étrangères, Nancy Tembo, a déclaré que son pays se sentait « dégoûté, méprisé et profondément peiné ». La réaction initiale de la Chine a été de minimiser les faits mais, face à la colère montante des Malawiens, elle s’est fendue d’une condamnation absolue du racisme. Le gouvernement malawien ne risque pas de mettre en péril ses bonnes relations avec les Chinois de peur de perdre une aide financière qui a déjà servi de nombreux projets, comme la construction d’une université technique et celle du stade national.

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Une autre vidéo montre de petits Africains qui promettent en mandarin de ne jamais venir en Chine, promesse qui répond à la peur, largement répandue parmi les Chinois, de voir leur pays « envahi » par les Africains. En 2017, un dirigeant politique, Pan Qinglin, avait évoqué publiquement le risque que la Chine cesse d’être un « pays jaune » pour devenir un « pays noir et jaune ». L’empire du Milieu a son propre mythe du Grand Remplacement.

Guerres picrocholines aux Francofolies

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Le rappeur Vald sur la scène des Francofolies, La Rochelle, 15 juillet 2022 © Lionel GUERICOLAS /MPP/SIPA

Pour empêcher deux rappeurs, Booba et Vald, de déclencher une bagarre générale aux Francofolies, qui aurait pu mettre une partie du public en danger, c’est tout un cordon de CRS que l’État a dû déployer. Est-ce au contribuable de payer ?


On ne peut s’empêcher de penser que ces forces seraient plus utiles ailleurs ! Quelle part du coût de la sécurisation incombe aux organisateurs et quelle part retombe sur les contribuables est une excellente question. Il serait utile, aussi, de s’interroger sur les récurrences des provocations entre rappeurs comme sur l’absence de sens des responsabilités de programmateurs qui les font se succéder sur la même scène. N’est-ce pas une façon cynique d’utiliser une forme de violence à des fins publicitaires, en toute irresponsabilité ?

Le rappeur français Booba (de son vrai nom Elie Yaffa), lors de la huitième édition du festival « We Love Green » sur la pelouse du bois de Vincennes, près de Paris, le 1er juin 2019 © SADAKA EDMOND/SIPA

Il fut un temps où quand des adultes se comportaient en adolescents attardés, ils n’essuyaient que le mépris de leurs contemporains et étaient exclus des lieux de rassemblement qu’ils mettaient à sac ou menaçaient. Aujourd’hui, quand deux irresponsables aux poches pleines de fric jouent à la guerre des gangs, c’est l’État qui doit mobiliser un cordon de CRS pour les séparer. La police est instrumentalisée pour empêcher que des rappeurs mettent en danger leur propre public, parce que l’infatuation de leur ego les amène à cultiver la haine et la violence et à considérer le passage à l’acte comme le comble de la virilité. Le pire est qu’ils sont considérés comme des modèles par des têtes pleines d’eau, admiratrices de leur impunité comme de leurs provocations. Pourtant, être un homme au sens d’être un être humain accompli passe plutôt par la maîtrise de soi et l’exercice de sa responsabilité. Des notions inaccessibles à ces adolescents attardés imbus d’eux-mêmes.

À La Rochelle, on ne bat pas que des records de chaleur…

L’histoire en elle-même est d’un ridicule achevé. Deux rappeurs, Vald et Booba, échangent des messages provocateurs sur les réseaux pour faire monter la tension entre eux. Or il se trouve qu’ils doivent se succéder sur la scène des Francofolies. Tout le monde se met alors à attendre la bagarre généralisée qu’une telle rencontre annonce. Cela fait même partie du spectacle et peut rameuter du monde. Le rappeur 1, prénommé Vald, monte sur scène accompagné d’une trentaine de malabars, en mode gardes du corps, puis son concert fini, s’installe sur la scène dans un transat pour bloquer l’arrivée du rappeur 2, Booba. Cela aurait pu mal finir, mais il se trouve qu’une circonstance particulière va contraindre le dénommé Booba à calmer le jeu. Celui-ci est sous le coup d’une condamnation avec sursis pour avoir déclenché une bagarre dans l’aéroport d’Orly avec un autre rappeur, Kaaris. Les deux protagonistes avaient écopé dans cette autre affaire au pénal de 18 mois de prison avec sursis et d’une amende de 50 000 euros. Or ce langage-là est le seul qu’ils comprennent. En effet, Booba, qui veut éviter la prison et tout préjudice financier, n’ira pas au contact et finira par monter sur scène avec une heure et demie de retard, entouré d’un cordon de CRS. 

A lire ensuite, Philippe Bilger: Le crépuscule de la civilité française

Disons-le tout de suite : la bêtise n’est pas la seule cause d’une histoire aussi lamentable. Derrière il y a aussi le désir de publicité, le fait pour Vald d’exploiter la situation inconfortable de « B2O » pour se faire de la notoriété sur son dos et le fait de servir à un public ce qu’il adore : l’exaltation du modèle racaille. Tout cela génère de la notoriété, du bruit médiatique et de l’argent, qui va avec, argent qui est la seule mesure de la réussite dans ce triste milieu. Peu importe si des mouvements de foule peuvent entraîner des blessés voire des morts. Du moment que cela rapporte, tout est bon à prendre. Derrière la bêtise profonde de ce genre d’attitude, se cache un véritable cynisme, l’appât du gain et l’incapacité de mesurer les conséquences de ces actes. En même temps, pourquoi se gêner, pour l’instant cette histoire ne génère que des bénéfices pour ceux qui l’ont initiée, le buzz fonctionne et les retombées en terme de notoriété sont réelles. Quant à la soi-disant « image du rap » qui serait atteinte, c’est ce que l’on appelle en langage commun « faire l’âne pour avoir du son ». En effet cette musique véhicule trop souvent un modèle de rapport humain où violence et domination sont valorisées. Ce type d’attitude gratuitement délétère est donc parfaitement valide et attendue dans ce cadre.

Qui va payer la facture ?

En dernier ressort, toute cette affaire aura mobilisé des CRS alors même que les forces de police sont épuisées tant elles sont sollicitées et seraient bien plus utiles ailleurs. Que la police soit mobilisée pour assurer la sécurité des spectateurs, surtout lors d’un évènement gratuit, se comprend. Qu’elle soit mobilisée pour gérer des incidents provoqués par deux rappeurs est indécent. On peut également s’interroger sur le coût de cette mobilisation pour les contribuables. Certes, ce type de prestation fait en général l’objet d’une facturation, mais hélas dans une véritable opacité. Il se trouve également qu’en lisant la directive du 8 avril 2022 du ministère de l’Intérieur relative à l’indemnisation des services d’ordre (laquelle évoque les difficultés des services de gendarmerie pour évaluer le coût de prestations accomplies en faveur de tiers), on comprend entre les lignes que faire le tri entre les missions relevant de la responsabilité de la puissance publique et celles constituant des prestations au service des organisateurs n’est pas toujours facile. Cette ambiguïté peut permettre de faire baisser drastiquement des factures qui seraient fort élevées s’il fallait faire appel à des entreprises de sécurité privée. Les élus et organisateurs le savent et jouent sciemment dessous. Il arrive aussi que pour faire plaisir à un organisateur puissant, la facture ne couvre pas l’intégralité des frais engagés, voire soit sciemment sous-évaluée: c’est donc le contribuable qui assume la différence. Au demeurant, lorsqu’on mobilise des forces de police parce que deux rappeurs veulent se faire de la publicité en instrumentalisant un public facile à manipuler, on peut sincèrement se demander si les CRS ne seraient pas plus utiles ailleurs. Si ce genre d’histoire avaient des conséquences financières lourdes pour les protagonistes et les organisateurs, ils éviteraient probablement les provocations gratuites. 

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L’épée de Damoclès de la prison a été efficace sur Booba qui a évité la confrontation directe avec Vald. La perspective d’une autre amende a pesé également. On peut penser que si ces deux rappeurs devaient faire l’objet d’interdictions temporaires de monter sur scène pour cause de risque de trouble à l’ordre public, l’impact que cela aurait sur leur revenu les inciterait à se calmer. Si les organisateurs étaient aussi tenus pour responsables de leur incapacité à gérer ces personnalités et devaient payer une amende pour avoir, par leur complaisance, fait courir un danger au public, ils se montreraient plus sélectifs dans leur programmation et plus prudents dans leur gestion des évènements. Autre point positif, une telle fermeté montrerait aussi l’imposture et l’impasse de l’attitude de ces rappeurs qui valorisent un modèle de comportement en mode guerre des gangs et influencent un public qui croit ainsi que la violence et l’insulte sont un moyen d’affirmer sa virilité et confondent « être respecté et respectable » et « se comporter en caïd ». En attendant, tant que l’on fermera les yeux sur ce type de débordements et qu’ils rapporteront aux rappeurs et organisateurs plus qu’ils ne leur coûtent, rien ne changera.

Un antisémitisme encore brûlant aujourd’hui?

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Emmanuel Macron prononce un discours à l'occasion de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vel d'Hiv, Pithiviers (45), 17 juillet 2022 © Jacques Witt/SIPA

Lors de l’inauguration de la gare de Pithiviers transformée en musée, le 17 juillet, le président Macron a dénoncé un antisémitisme « brûlant et rampant » et une forme de « révisionnisme historique ».


Mes ancêtres ne sont pas « Gaulois » mais « Persans ». Je ne suis pas née Française, mais Iranienne… À Téhéran. J’ai choisi et assimilé la France comme on adopte une ascendance qui ne vous a pas engendré, comme on apprend à aimer une mère qui ne vous a pas mise au monde, mais qui vous a appris le monde. Parfaitement intégrée culturellement et affectivement, j’aime la France dans toutes ses dimensions, y compris la France la plus médiocre et la plus mesquine.
C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais vraiment compris la honte et le sentiment de culpabilité qui semble ronger les Français « de souche » lorsque l’on évoque la période de leur Histoire qui a suivi la capitulation du Maréchal Pétain, la fin de la Troisième République et l’occupation du pays par les Allemands. Ces évènements détestables me touchent, bien sûr, mais je les ai toujours analysés objectivement et replacés dans leur contexte historique sans mauvaise conscience personnelle. J’avoue ne pas être une inconditionnelle du « devoir de mémoire » ; ce principe qui logiquement appelle à la « repentance », démarche à laquelle je suis philosophiquement opposée. Que l’on demande individuellement pardon à celles et ceux que l’on a pu offenser, cela me parait moralement légitime. Que l’on demande pardon pour des actes commis par vos prédécesseurs dans les fonctions représentatives et/ou électives que vous occupez, cela me semble plus complexe, mais concevable… A contrario, dès lors qu’il s’agit d’actes commis par vos parents ou vos ancêtres au cours de l’Histoire de votre pays, alors là, c’est pour moi philosophiquement inacceptable. Chaque individu est responsable des actes, des délits et des crimes qu’il commet, pas de ceux commis par ses aïeux ! C’est la fameuse fable du Loup et de l’Agneau, chère à Esope comme à La Fontaine.

Au cours de cette sinistre et peu glorieuse période de l’Histoire de France que fut la collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie occupant le territoire français, nombre de compatriotes ont défoulé un antisémitisme odieux, indéniablement en phase avec le racisme théorisé par Hitler. C’est pourquoi tout ce qui se rapporte à la Shoah, monstrueuse et massive extermination des juifs d’Europe, occupe une place très particulière dans la mémoire collective des Français. J’y vois la manifestation d’une forme refoulée de mauvaise conscience qui s’est pérennisée au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, plus ou moins consciemment. C’est pourquoi, en entendant dimanche le président de la République prononcer un discours contre l’antisémitisme pour le 80e anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv, je ne pouvais qu’approuver ses propos, dénonçant, je cite, « un antisémitisme encore brûlant aujourd’hui ».

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Jamais, en effet, depuis les monstrueuses exactions commises par les nazis sous l’Occupation, jamais les juifs français n’avaient vécu ce qu’ils vivent aujourd’hui. J’en veux pour preuve l’exode massif des juifs français en Israël. Il est patent que cet Alyah est décidé en famille par peur du climat d’antisémitisme qui sévit en France depuis plus d’une dizaine d’années. En revanche, cet antisémitisme n’est plus le fait de partis nationalistes qu’Emmanuel Macron situe politiquement à « l’extrême-droite ». S’il y a sans doute des groupuscules identitaires antisémites qui sévissent à la périphérie du RN, il est faux de prétendre qu’ils incarnent « l’antisémitisme » que dénonce à juste titre le président de la République. J’ai beaucoup étudié la période de notre Histoire pendant laquelle sévissait l’Action Française ; cette culture conservatrice farouchement antisémite, propagée par les œuvres de Charles Maurras et sa doctrine du nationalisme intégral. Cet antisémitisme grand bourgeois qui s’était propagé dans la classe moyenne commerçante (le plus souvent urbaine) et qui s’est traduit par les dénonciations, les arrestations et les déportations de juifs dans les camps d’extermination nazis.

Mais aujourd’hui, et le président de la République le sait parfaitement, ce n’est plus de cet antisémitisme-là dont les juifs ont peur. Ce qu’ils craignent, c’est la haine viscérale « anti-feuj » qui sévit dans les communes et les quartiers occupés par des musulmans politisés par l’islam radical et qui s’étend alentour par capillarité. Cette haine qui se manifeste tous les jours dans les cours des collèges et des lycées, cette haine qui fait apparaître tout juif comme un « sioniste » à éliminer, complice et coupable des massacres de milliers d’enfants palestiniens ; un mec « pété de tunes » parce que tous les juifs sont riches, c’est bien connu, comme était supposé l’être Ilan Halimi… Ou juste un « putain de feuj de sa race » à exterminer.

En ce moment en vente: Causeur #103: Silence, on égorge

La publication par le gouvernement des derniers chiffres officiels des violences judéophobes en France signale un regain d’antisémitisme inédit. À côté de ces statistiques, on peut constater la banalisation des insultes quotidiennes qui ne sont pas signalées mais qui pourrissent le climat de ces quartiers où plus rien n’évoque les mœurs et les coutumes françaises. Ce climat de plus en plus malsain fait l’objet d’un déni politique, médiatique et intellectuel, comme Emmanuel Macron vient de le démontrer dans son discours. Comme le prouvent, également, les propos du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, reçu sur LCI par Darius Rochebin, qui cite deux ou trois prélats catholiques bien-pensants, mais fait totalement l’impasse sur la problématique de l’islam et revient finalement sur Zemmour et Pétain, comme si là se situait l’urgence… Alors que l’urgence, aujourd’hui, c’est d’arrêter de nier les problèmes pour éviter d’avoir à les résoudre.

Lisez Desrimais!

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Marlène Schiappa, 2018 © ISA HARSIN/SIPA

Le chroniqueur Didier Desrimais publie la suite des “Gobeurs”.


Didier Desrimais aime se présenter comme un arpenteur de chemins forestiers bourguignons, amateur de chants d’oiseaux et de whiskies irlandais. Il est aussi – et surtout – un brillant contributeur à causeur.fr et nos heureux lecteurs ont l’intelligence de le plébisciter. Nous ne sommes pas peu fiers de compter parmi nos troupes un tel bonhomme. Ce franc-tireur au franc-parler trempe sa plume dans le bon sens, le savoir et la connaissance pour témoigner du délitement, de l’effacement de la société auquel nous sommes confrontés. Loin d’assister à ce triste spectacle sans broncher, Didier Desrimais dénonce, alerte et pourfend les crétins – restons polis – qui assassinent notre monde, notre culture et, osons le mot, nos valeurs. 

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Avec Les Gobeurs ne se reposent jamais, il tire une lourde charge : une soixantaine de textes courts qui sont autant de chroniques de la bêtise et du vandalisme civilisationnel. Du cinéma à la littérature en passant par la novlangue, l’éducation, les médias de gôche et le néo-féminisme, avec son corolaire, la déconstruction de la gent masculine qui présage de son anéantissement, Desrimais pointe avec finesse et sagacité une France foutraque. La liste de ce qui ne tourne pas rond n’est pas exhaustive mais elle s’alourdit sous le poids de cette masse molle qui suit en silence, qui adhère aux « idées nouvelles » par faiblesse et désintérêt, cette foultitude d’individus qui, absorbés par leurs écrans, oublient d’exister et gobent ce qu’on leur sert tout-pensé comme des poissons leurs flocons dans un aquarium. 

Desrimais, lui, écoute et lit attentivement la propagande wokiste qui infuse dans le discours universitaire, médiatique, artistique et politique. Ça ne lui donne ni nausée ni picotement de nez, au contraire : ça l’inspire pour répondre et rendre coup pour coup. Il ne faut y voir aucun règlement de compte, amertume ou esprit de vengeance. Après Les Gobeurs, Les Gobeurs ne se reposent jamais est la deuxième salve d’une offensive qu’on espère, malheureusement, voir se poursuivre. La résistance sera longue. 

Les Gobeurs ne se reposent jamais, de Didier Desrimais, Les Éditions Ovadia, 2022.

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Les jeunes ne baisent plus!

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Eugene Levy et Jason Biggs dans "American Pie" (1999), film de Chris Weitz et Paul Weitz © REX FEATURES/SIPA

Une intéressante enquête de nos confrères du Monde, Lorraine De Foucher et Sonia Fisher, parue début juillet, révèle qu’une « révolution asexuelle est en marche » : « Les ados et post ados semblent en pleine récession sexuelle ». Payant de sa personne, notre chroniqueur y est allé voir.


Et d’abord, les faits. Les journalistes ont été interpelées par un chiffre tout frais sorti de la dernière enquête réalisée par l’IFOP sur les jeunes et le SIDA, en février 2022 : « Au cours des douze derniers mois, 43 % des jeunes interrogés n’avaient pas eu de rapport sexuel, et 44% avec un seul partenaire » — quoique ces chiffres soient en légère augmentation par rapport aux années précédentes. Pas moyen donc d’incriminer les confinements, qui auraient pu interrompre de belles histoires — surtout dans la mesure où nombre de jeunes de la tranche 16-24 ans vivent encore chez leurs parents — et forcer ces jeunes gens pleins de sève à recourir à l’autosatisfaction des désirs. Le mal vient de plus loin comme disait Racine…

L’enquête des deux journalistes du Monde s’est un peu faite au doigt mouillé, si je puis ainsi m’exprimer, mais elle révèle des comportements inattendus, particulièrement chez les petits mâles, « des garçons parfois pétris d’angoisse, celle de la peur de la honte et de l’humiliation, celle de la pression de la virilité et tout ce qu’elle charrie, et la bouillie du désir qu’il en reste ». 

C’est la grande révélation de cet article : entre le modèle pornographique, qui impose un indice de performance fantasmé, et le politiquement correct qui bloque les doigts au moment de dégrafer le soutien-gorge, que reste-t-il à ces ados — étant entendu que la catégorie est en voie d’extension, et que l’âge du vote, qui est celui de la plus forte abstention (selon un sondage IFOP-Fiducial réalisé en juin, 76% des 18-24 ans se sont abstenus) est aussi celui de l’abstinence la plus répandue…

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J’ai expliqué, dans un livre déjà ancien, La Société pornographique, le lien qui existe entre l’obligation de performance qu’impose le modèle pornographique et l’introversion de la libido, particulièrement chez les jeunes mâles. Ils n’ont pas fait « sur les femmes nues des musées / Le brouillon de leurs baisers », comme chantait jadis Brassens, mais sur Pornhub ou Xhamster. La génération du babyboom, si décriée par les jeunes d’aujourd’hui, en était à s’exciter sur les modèles de lingerie du catalogue de la Redoute. Une échancrure de corsage un peu profonde dans un film relevait de l’indécence absolue — on se rappelle le scandale planétaire que causa Vadim avec Et Dieu créa la femme, qui était pourtant une bluette bien légère.

Aujourd’hui, les pré-adolescents qui se manient mélancoliquement la tige en regardant XNXX sont confrontés à un déluge de pornographie explicite — et même plus qu’explicite, puisqu’elle est mise en scène, filmée en contre-plongée, jouée (encore que le terme soit abusif) par des acteurs sélectionnés et bourrés de petites pilules bleues (quand ce ne sont pas des injections directes de papavérine dans la verge), confrontés à des dévoreuses bourrées d’analgésiques afin d’accueillir plusieurs de ces messieurs en même temps. On comprend que les petits jeunes hésitent à sauter le pas. L’âge moyen du dépucelage, qui était en 2008 à peu près comparable chez les garçons et les filles, à trois mois près (entre 17 et 18 ans en majorité, selon l’étude, exhaustive celle-là, de Nathalie Bajos et Michel Bozon), est en train de reculer. Et nombre d’étudiants bien insérés dans des études longues sont encore puceaux. Et plus on tarde, plus on hésite. Et le petit escargot ne sort plus de sa coquille.

Le plus beau, c’est que les jeunes n’osent pas en parler à leurs parents, « par peur qu’ils paniquent et se demandent ce qu’ils ont raté dans leur éducation. » AU XIXe siècle, les pères amenaient leur fils au bordel, pour qu’ils fassent leurs gammes avec Lulu ou Daphné. Les boomers, tant décriés par les crétins contemporains, ont vécu dans le détail la révolution sexuelle des années 1960-1970, où l’on couchait avant de faire connaissance — c’était en fait le mode le plus simple pour entrer en contact. Leurs enfants ou petits-enfants fonctionnent à l’envers, et sommés d’y aller sur la pointe du pied, renoncent à le prendre.

L’effet d’imitation (« l’abstinence va être méga à la mode », dit Camille Aumont Carnel, créatrice du compte Instagram @jemenbatsleclito et auteur de #ADOSEXO, chez Albin Michel-Jeunesse) n’explique pas tout. À la base de cette misère sexuelle, il y a plusieurs facteurs. 

L’autorité pornographique en est un. L’obsession musulmane de la virginité en est un autre. Les filles doivent arriver vierges au mariage — quitte à se faire fabriquer un hymen artificiel, ce qui pose bien des cas de conscience à des médecins sommés de se conformer à une tradition archaïque et sexiste. Déjà que la première fois ce n’est pas toujours drôle, ni pour l’un ni pour l’autre, comme j’ai eu l’occasion de le raconter récemment.  Alors, se l’imposer encore et encore… Il faut être dingue pour rêver d’un paradis peuplé de vierges — et qui le restent après usage.

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Dernier point : le discours sur l’incertitude de genre tombe à pic chez des jeunes qui hésitent — ce qui est tout à fait normal — à sauter le pas et leur copine (et réciproquement). Quelque chose dans la morphologie des jeunes est en train de changer. Pendant que les filles, surtout les moins éclairés culturellement, se transforment en clones de Kim Kardashian, tout en tétons et en fesses, mascara épais, ongles extravagants, cheveux teints en noirs et défrisés, les garçons, de moins en moins sportifs, ont des physiques flous. Quand de surcroît on leur explique qu’ils doivent explorer leur part de féminité, la coupe est pleine : qui va se risquer à exhiber sa virilité en ces temps d’incertitude programmée et de mise en demeure pour réprimer ses désirs — surtout s’ils sont hétéros ?

À noter que les populations moins occidentales que la nôtre ne connaissent pas ces blocages, et font des gosses à la pelle. Allez donc voir dans les maternités. Pendant que les uns s’abstiennent, les autres les remplacent. Les sites pornographiques exaltent d’ailleurs l’hyper-virilité noire (un mythe comme les autres, a expliqué jadis Serge Bile, dans La Légende du sexe surdimensionné des Noirs), seule à même de satisfaire des jeunes blondasses que leurs partenaires habituels abandonnent à la libido extravertie des banlieues.

En vérité je vous le dis : parlez-en discrètement avec vos enfants. L’amour, c’est beau, c’est gai, c’est fort agréable, et il n’y a pas de quoi s’en faire un drame. Pourtant, sondage après sondage (comparez les résultats de l’enquête IFOP de 2019 et celle de 2021), le taux d’insatisfaction et de frustration monte. Pendant que leurs parents (et leurs grands-parents) persistent à s’envoyer en l’air et y trouvent leur compte, les jeunes restent au bord de la rivière, et n’osent plus se jeter à l’eau.

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La députée Panot ou la misère intellectuelle

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La députée France Insoumise Mathilde Panot © WITT/SIPA

Ils devraient tous avoir honte. Mathilde Panot, la présidente du groupe parlementaire LFI, a tweeté : « Il y a 80 ans, les collaborationnistes du régime de Vichy ont organisé la rafle du Vél d’Hiv. Ne pas oublier ces crimes, aujourd’hui plus que jamais, avec un président de la République qui rend honneur à Pétain et 89 députés RN ». Je pense que presque tous les députés ont eu conscience de l’absurdité et de l’indignité de cette relation entre la rafle du Vél d’Hiv, Emmanuel Macron (et son « honneur » prétendu à Pétain) et les 89 députés RN. Ils savent en effet que le président de la République a rappelé que Philippe Pétain n’avait pas été seulement le personnage honteux du régime de Vichy mais aussi « le grand soldat » de Verdun, ce qui est une évidence. On a encore le droit de ne pas mettre l’ensemble d’une destinée historique dans le même sac !

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Je ne doute pas que derrière les affrontements de façade, le consensus existe sur la perversion historique, politique et intellectuelle de ce tweet que Mathilde Panot s’est entêtée tristement à justifier. Alors pourquoi s’est-elle laissée aller, en un jour de recueillement et de mémoire, à cette outrance choquante ? Parce que LFI aurait pour dessein de pousser au paroxysme le climat démocratique et d’organiser délibérément une frénésie parlementaire ? C’est le point de vue qui a été développé, notamment par François Kalfon et Jean-Loup Bonnamy, dans L’heure des pros, animée par Eliot Deval le 18 juillet sur CNews.

Solidarité gênante

Au risque d’apparaître naïf, j’ai émis une contradiction et me suis davantage attaché à l’inexpérience et à la personnalité de Mathilde Panot. Sans une once de mépris, je relève qu’on lui a confié une charge parlementaire très importante et qu’à l’évidence elle ne semble pas à la hauteur de cette mission. On ne peut pas considérer que l’extrémisme du verbe et le manichéisme délétère de la pensée constituent une force dans le rôle qui lui a été attribué. Je n’ai pas envie de supposer que d’une certaine manière, alors que tant d’autres auraient été plus adaptés à cette responsabilité, on l’a abandonnée en rase campagne parlementaire. On est assuré certes, et Jean-Luc Mélenchon le premier, que Mathilde Panot ne fera d’ombre à personne. Malgré son énergie indiscutable et le soutien que LFI et, avec quelques exceptions, la Nupes lui ont apporté, je crains qu’à l’avenir se coagulent la partialité partisane et sa maladresse personnelle.

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Pourquoi ai-je écrit que tous devaient avoir honte ? Était-il fatal que des personnalités reconnues de LFI, par exemple Alexis Corbière qui a été professeur d’Histoire pourtant, Manuel Bompard et Clémence Guetté, connaissant la vérité historique, se placent mécaniquement derrière Mathilde Panot et n’aient pas l’objectivité nécessaire pour dénier ce que leur présidente de groupe avait osé affirmer ? Est-il normal qu’une Clémentine Autain que j’ai appréciée en dehors du contexte politique se soit tue et n’ait pas rectifié ? Faut-il que la solidarité aille jusqu’à assumer l’inacceptable ? Était-il inévitable qu’Olivier Faure, à nouveau – comme pour le « la police tue » de Jean-Luc Mélenchon – murmure une si faible contradiction ? Il a seulement regretté que les mots de Mathilde Panot aient été prononcés ce jour-là… tout en pourfendant vigoureusement la macronie !

Lâcheté collective

Si on continue sur ce registre dégradant d’une sorte de guerre civile instillant son poison sectaire et approximatif dans l’espace démocratique, l’urbanité républicaine, qui n’interdisait pas l’affrontement vigoureux sur le fond mais concentrait l’attention sur lui, ne sera plus qu’une nostalgie. Je sais bien que cette lâcheté collective qui conduit chacun dans son camp à valider le pire, résulte de l’étau dans lequel un Olivier Faure par exemple s’est placé lui-même : soutenir l’insoutenable pour ménager son futur politique.

Je devine qu’on va m’opposer que les choses étant ce qu’elles sont, il faut arrêter de rêver et être réaliste. Pourtant, je déteste profondément cette posture qui consiste, sans réfléchir, à dénoncer par principe ou à applaudir par réflexe. LFI, cela signifierait-il « la France inconditionnelle » pour Eric Coquerel comme pour Mathilde Panot ?

En tout cas, cette dernière ne devrait pas être la seule à être stigmatisée. Les autres, complices par soutien malvenu, aussi !

La révolte des moches

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© D.R.

Pour la journaliste Alice Pfeiffer et quelques autres illuminés, la beauté serait à l’origine d’oppressions semblables à celles du racisme et du sexisme. Il faut donc abolir le « pass beauté » pour s’en libérer!


Êtes-vous bénéficiaire du « pretty privilege » ? Pour le savoir, analysez le comportement des personnes autour de vous. Vous offre-t-on des verres ? Recevez-vous des likes sur vos selfies Instagram ? Vous prend-on au sérieux au travail ? Si oui, il est fort à parier que vous avez la chance d’être beau et que vous bénéficiez donc du « pretty privilege », vous permettant d’obtenir des avantages, comme le dénoncent les magazines Nylon et Uzbek & Rica.

Le « pretty privilege » (le « privilège des jolis »), tout comme le « privilège blanc », est une forme de discrimination systémique, et ses victimes jusque-là invisibilisées comptent bien renverser la table. La journaliste Alice Pfeiffer, elle-même victime dans son enfance – « J’ai une cousine qui est plus jolie que moi. […] En famille ou face au restant du monde, dès l’enfance, je notais inconsciemment les réactions différenciées au fil de situations quotidiennes » –, s’attache désormais à déconstruire les critères de beauté, armée qu’elle est d’un master en « gender studies [1] ».

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Il s’agit de dénoncer les liens qui unissent le « pretty privilege » au racisme et au sexisme, puisque la beauté n’a « rien d’objectif », mais doit être analysée au prisme des « vastes enjeux de pouvoir » de notre société. Ainsi, la notion de beauté dominante serait une construction artificielle associée à « des traits caucasiens, la peau blanche (mais dorée, le signe de vacances interminables), une minceur et une jeunesse de rigueur, une identité cisgenre, un corps valide ».Tout cela vu à travers « un gaze [sic] hétéronormatif », c’est-à-dire un regard masculin que les femmes auraient intériorisé.

Pour combattre cette injustice, selon Alice Pfeiffer, il est urgent de « réhabiliter le moche ». La mocheté, comme esthétique des dominés et des marginaux, deviendra une arme de combat. « Laiderons de tous les pays, unissez-vous… ! »


[1]. « Qui profite du pretty privilège ? », Nylon, 27 mai 2022. Voir aussi Alice Pfeiffer, Le Goût du moche, Flammarion, 2021.

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Ce qui nous meut chez Klapisch

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François Civil et Marion Barbeau dans "En corps" de Cédric Klapisch (2022) © Emmanuelle Jacobson-Roques – Ce Qui Me Meut

Cédric Klapisch est un auteur marquant du cinéma français contemporain. Son dernier film est particulièrement abouti. Il ne faut pas passer à côté.


L’attrait de connaître un peu la filmographie d’un auteur est de pouvoir retrouver, en revoyant ses premiers films, les prémisses de thèmes qu’il a ensuite développés, ou l’apparition d’un talent qu’il a su faire fructifier au fil du temps. C’est le plaisir que j’ai ressenti en voyant le dernier film de Cédric Klapisch, « En corps », sorti en salles fin mars en France et qui vient d’arriver en Israël, pour le grand bonheur de la vaste communauté francophone d’Israël [1].

On y retrouve ainsi, pêle-mêle, son acteur fétiche François Civil, mais aussi le thème de l’amour déçu ou inaccompli et celui de l’initiation amoureuse, déjà abordés dans sa trilogie (L’auberge espagnole, Les poupées russes et Casse-tête chinois) et sa manière très particulière de filmer Paris, ses toits et son ciel. Autre thème klapischien : celui des relations familiales, qui était au cœur de Ce qui nous lie, et qu’on retrouve dans En corps, avec entre autres la belle relation fille-père (ce dernier étant incarné par Denis Podalydès).

Mais on y trouve aussi une philosophie de la vie, plus aboutie que dans ses films précédents, et un optimisme assez exceptionnel dans le cinéma français actuel, qui se complaît souvent dans des thèmes aussi réjouissants que le suicide ou l’euthanasie. Chez Klapisch, on peut aimer la vie et il n’est pas de mauvais goût de le dire… Autre qualité très inactuelle : sa manière d’aborder les questions les plus idéologiques (relations hommes-femmes, identité sexuelle, etc.) sans prendre aucunement parti, avec un humour détaché devenu rare aujourd’hui.

Et il y a bien sûr le thème de la danse, déjà abordé dans plusieurs de ses films (et aussi dans le beau clip avec les danseurs confinés de l’Opéra de Paris réalisé en 2020) qui est au cœur d’En corps, thème traité avec beaucoup de finesse, à travers le personnage de l’héroïne – interprétée par la talentueuse Marion Barbeau – et à travers ceux des danseurs de la compagnie israélienne de Hofesh Shechter (qui interprète son propre rôle). Comme il l’expliquait dans une interview au Figaro Magazine, “la danse est un des spectacles les plus puissants qui soient, plus fort même que le cinéma”. 

Si je devais définir en une phrase ce qui fait d’« En corps » son film le plus abouti à mes yeux, je dirai qu’il réussit à transformer une histoire assez banale (celle d’une danseuse qui est blessée, physiquement et émotionnellement) en un récit initiatique universel. Le talent de Klapisch, qui s’affirme comme un des cinéastes marquants du cinéma français contemporain, est peut-être de réussir à faire des films très actuels, tout en restant très classiques dans leur facture et dans sa manière d’aborder les grands thèmes éternels. « En corps » n’est pas seulement un hymne à la danse, c’est aussi un hymne à l’amour, à l’espoir, à la vie. Du grand art.

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[1] Près de 900 000 personnes selon les chiffres de l’ODSEF.