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Madagascar: une politique étrangère au cœur des grands défis mondiaux

L’île conserve bien des atouts pour la stratégie géopolitique française. Mais elle est de plus en plus courtisée par les Chinois. Analyse.


Madagascar, plus grande île de l’Océan Indien, a toujours été au carrefour des grandes voies navigables et commerciales reliant l’Afrique à l’Asie. Depuis que le pays est devenu indépendant, en 1960, il a toujours cherché à la fois l’intégration aux grandes instances internationales, mais aussi le développement de relations privilégiées avec les grandes puissances, notamment la France et la Chine.

Durant son mandat, le président Andry Rajoelina a poursuivi activement l’ancrage de l’île à la communauté internationale pour lui offrir une stabilité politique et des débouchés économiques importants.

Une croissance soutenue

Fortement appuyé par l’aide internationale pour faire face aux multiples difficultés économiques et sociales, et à son retard de développement, Madagascar a pu récemment mesurer la force de ses partenariats après la série de catastrophes naturelles qu’il a affrontées avec la survenue de cyclones à répétition. Soutenue par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International, l’île mène une diplomatie active au sein de nombreuses organisations régionales et internationales. Le pays a pu ainsi maintenir une croissance soutenue depuis quatre ans, malgré les difficultés rencontrées sur l’île. Un des derniers projets de la Banque mondiale à Madagascar en matière d’énergie et de communication s’appelle DECIM, et a été approuvé par le conseil d’administration de la Banque le 30 mars ; il permettra de doubler l’accès à l’énergie. Ce projet devrait permettre enfin à l’île de résoudre définitivement le problème énergétique et digital.

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Membre des Nations unies, l’île est aussi membre de la Commission de l’Océan Indien, de la Communauté de Développement de l’Afrique australe, de l’Association des États riverains de l’Océan Indien, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, mais aussi de l’Union Africaine. Cette dernière a tout dernièrement salué les progrès de développement inédits entrepris par le gouvernement actuel. En effet, Mme Hawa Ahmed Youssouf, la représentante spéciale de l’UA, qui vient de quitter son poste, déclarait en mars que la stabilité politique avait été atteinte à Madagascar, et que l’île n’avait plus de raisons de revenir en arrière. Pour cela, le pays reçoit aussi le soutien de l’Union européenne, dans le cadre d’un accord de coopération en cours de renouvellement. En effet, dans le cadre de l’accord de Cotonou, signé en 2000, la coopération politique, économique et commerciale et de développement avec Bruxelles est entérinée pour deux décennies.

Un lien étroit avec la France

Mais le pays doit s’appuyer aussi sur de grandes puissance, directement; il a notamment développé historiquement des relations fortes avec la France. Or, celles-ci ont connu aussi des fortes tensions. En témoigne le statut de la langue française, en particulier, et la place de Madagascar dans la francophonie. En 1960, lors de son indépendance, Madagascar fait du français sa deuxième langue officielle et intègre immédiatement la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie. Son assemblée nationale adhère à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) en  1967, et c’est encore à Antananarivo que, le 23 novembre 2005, a été adoptée définitivement la charte de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Mais entre ces deux dates, nous avons connu trois décennies de turbulences. Le français a perdu son statut de langue officielle en 1975, et l’a retrouvé 35 ans plus tard dans le cadre de la Constitution de la IVe République malgache. Ce retour au bercail a été marqué par l’accueil, à Tananarive, du XVIe sommet de la Francophonie, en novembre 2016.  

Avec la visite d’Emmanuel Macron, en 2017, Madagascar s’assurait de la continuité des relations entre les deux pays. La même année, l’aide au développement venant de Paris atteignait les 78 millions d’euros. Six ans plus tard, la France est le premier partenaire commercial d’Antananarivo, avec plus d’un milliard d’euros d’échanges chaque année, et plus d’un touriste sur deux qui se rend dans l’île en provenance de l’hexagone. 700 entreprises y sont installées et 25 000 Français vivent à Madagascar. Lors de leur dernière rencontre, le 29 août 2022, MM. Macron et Rajoelina ont promis de poursuivre le renforcement de leur coopération économique, et leur engagement en faveur de la sécurité alimentaire, de l’écologie et de la transition énergétique. La France a par ailleurs salué l’engagement du pays en faveur de la lutte contre la pauvreté dans le sud de l’île et a renouvelé son engagement dans le financement d’un pipeline permettant d’irriguer les terres agricoles méridionales de Madagascar. Pour autant, le différent autour des îles éparses, ce chapelet d’îles françaises dans l’Océan Indien (notamment dans le canal du Mozambique, région riche en réserves d’hydrocarbures), revendiquées par Madagascar, complique toujours les relations entre Tananarive et Paris.

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Aussi, l’île cultive une relation très forte avec une autre puissance mondiale, historiquement attirée depuis des décennies par l’Afrique : la Chine. Laquelle a fait de Madagascar un de ses principaux points d’ancrage économique. L’attrait des ressources pétrolières et minières n’y est pas pour rien, et les principaux opérateurs du pays en la matière sont donc désormais chinois. Dans le même temps, Pékin investit dans les infrastructures, même si dans ce domaine, France, Japon et Corée du Sud demeurent très présents. La France conserve de multiples atouts dans la région, et il suffit de jeter un coup d’œil sur une carte pour voir que Madagascar est entouré d’îles françaises, à commencer bien évidemment par Mayotte et la Réunion – sans oublier, bien sûr, les fameuses îles éparses au large du Mozambique… Au moment où l’Indopacifique devient l’arène d’une âpre concurrence entre la Chine et les États-Unis, un grand jeu où l’Inde tient elle aussi un rôle important, la France doit absolument s’appuyer sur ses points d’appui historiques pour construire une solide et cohérente politique.

Islamo-gauchisme à l’Université: quand les mensonges du gouvernement empêchent la connaissance d’un phénomène inquiétant

La fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université, annoncée mais pas réalisée par les autorités de tutelle, montre l’absence de confiance que l’on peut avoir dans la parole du gouvernement. Elle démontre aussi la lâcheté de celui-ci, comme de l’Université, quand il s’agit de défendre réellement les libertés académiques. Le coup de gueule de Céline Pina.


Quand on soupçonne une emprise idéologique dans des secteurs comme les sciences humaines, qui sont des cibles privilégiées pour des mouvements radicaux et qui ont déjà fait l’objet de mainmise idéologique dans l’histoire, une enquête s’impose ! Que cette dernière soit devenue impossible à mener, au point d’être considérée comme trop risquée politiquement, aurait plutôt tendance à valider l’existence de l’emprise idéologique, contraire aux exigences de la démarche scientifique et à la liberté de la recherche. L’histoire de la fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’Université est révélatrice de ce qui est en train de tuer la démocratie : le cynisme d’un gouvernement dont les déclarations non suivies d’effets remplacent l’action, et la lâcheté qui consiste à nier l’existence d’un problème quand celui-ci parait politiquement trop coûteux à affronter.

Rappelons les faits. En février 2021, Frédérique Vidal annonce à l’Assemblée nationale qu’elle veut diligenter une enquête sur la nécessité de distinguer à l’université, ce qui relève « du militantisme et de l’opinion » plutôt que de la démarche scientifique. En ligne de mire, le sentiment que l’Université devenait l’otage d’une idéologie islamo-gauchiste qui favorisait certains enseignements pour mieux en délégitimer d’autres, une idéologie qui refusait le débat, diabolisait ses contradicteurs et exerçait une forme de censure larvée contre certains chercheurs et certains enseignements. Une résurgence du terrorisme intellectuel qui avait caractérisé l’emprise marxiste qui sévissait à l’université dans les années 50/60.

Réflexes corporatistes et levée de boucliers des proches de cette mouvance censée ne pas exister…

Levée de bouclier immédiate au CNRS, dont le dirigeant, Antoine Petit est très favorable aux thèses dites « décoloniales », à la montée du concept de race dans les sciences sociales comme à la bouillie de chat « intersectionnelle ». Pour lui, l’islamo-gauchisme n’est pas un objet scientifique. Et vouloir veiller à ce que l’idéologie ne prenne pas le pas sur la connaissance objective, une façon de s’en prendre aux libertés académiques ! La conférence des Présidents d’université lui emboite le pas dans un réflexe corporatiste, sans se soucier du fait que la mainmise d’une idéologie sur l’Université, c’est justement la mort effective de cette liberté. Comme le dit Xavier-Laurent Salvador, co-fondateur de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires et maître de conférence à l’Université, « les libertés académiques ne doivent pas devenir l’alibi des dérives militantes qui les compromettent et les censurent ». A ce titre, mener une enquête objective aurait été une bonne manière de protéger réellement ces fameuses et indispensables libertés.

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Or c’est exactement ce qui n’a pas été fait par le gouvernement. En effet, à peine la déclaration de la ministre faite, un groupe de six enseignants chercheurs militants, appartenant à la mouvance islamo-gauchiste, groupe dont font partie notamment Nacira Guenif et Eric Fassin, a déposé un recours pour demander l’annulation de l’enquête. Le ministère a donc produit un mémoire en défense. Or des fuites sur son contenu viennent de révéler la ligne de défense de la ministre : la procédure de ces enseignants-chercheurs est irrecevable car la ministre n’a jamais saisi aucun organisme pour mener une quelconque enquête. L’enquête sur l’islamo-gauchisme n’était donc bien qu’un effet d’annonce.

Le bilan désastreux d’un mensonge institutionnel

Pour ceux qui font partie des acteurs de la dérive militante, l’occasion est trop belle d’expliquer que la déclaration sur l’islamo-gauchisme de la ministre a « entretenu un climat d’intimidation au sein du monde universitaire », se faisant ainsi passer pour les victimes d’une chasse aux sorcières. On ne peut cependant leur donner tort d’exploiter la stupidité de la ministre dans leur combat politique.

Sur le fond, le bilan est désastreux. Le lien entre certains courants de la gauche et l’islamisme, dans sa version Frères musulmans notamment, est renseigné. Pierre-André Taguieff a interrogé et défini la notion, mais surtout, les conséquences de l’emprise de cette idéologie sont très marquées dans la sphère politique et intellectuelle. C’est une idéologie qui ne propose aucun modèle de société explicite (l’Oumma en est l’aboutissement logique mais cela n’est jamais affirmé). Elle a pour rôle avant tout d’instruire des procès et de chasser hors du champ moral tout ce qui n’est pas elle. En politique elle implique de légitimer la violence au nom de l’oppression subie et toutes les valeurs universelles et occidentales sont réduites à des outils favorisant la domination blanche contre la figure de l’opprimé universel : le musulman. Cette mythologie édifiée, elle sert à nourrir la haine contre les sociétés occidentales au nom de la défense de l’Oumma, la communauté des musulmans. À cette posture de base, se greffe tout ce qui peut contribuer à mettre en accusation la société, même si cela s’avère incompatible avec la radicalité religieuse. C’est ainsi que stratégiquement, les Frères musulmans investissent les associations antiracistes, LGBT, soutiennent en sous-main les associations trans les plus radicales, investissent la cause féministe etc… Ce qui les intéresse n’est pas le fond des luttes mais leur potentiel destructeur, déstabilisateur et fournisseur de haine à engranger. Cette histoire n’est pas nouvelle, la révolution islamiste en Iran l’illustre. Toutes les fois où les gauchistes ont cru à une alliance avec les islamistes, l’histoire s’est toujours mal terminée pour les gauchistes, mais à chaque fois ils sont fidèles au rendez-vous, l’excitation provoquée par la possibilité de faire chuter un régime prenant le pas sur toute considération sur la société qui en sortira après.

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L’université, cible récurrente des idéologies totalitaires

Pour revenir à l’Université, l’idéologie l’a déjà fortement investie et celle-ci a montré à quel point elle pouvait être lâche et peu efficace quand les valeurs académiques sont réellement menacées. On se souvient d’un Sartre traitant de « chiens » ceux qui ne professaient pas le marxisme-léninisme, donc leur déniant leur humanité. On se souvient de tous les idéologues pour qui la quête de vérité, l’analyse des faits, le réel ne comptent pas. Tout doit plier devant la « vérité révolutionnaire » : il valait mieux avoir « tort avec Sartre que raison avec Aron ». De la même façon, les islamo-gauchistes dénoncent l’université comme le lieu de la reproduction de la domination des Blancs sur les non-Blancs. Lieu où se forgent les représentations de la jeunesse, il doit être investi par les apôtres du Bien qu’ils sont pour que la justice puisse être répandue. Cela tombe bien, c’est aussi le projet des Frères musulmans. Investir l’Université c’est se doter d’une arme de légitimation massive pour des idées qui ont vocation à susciter la haine, le rejet et le séparatisme en distinguant soigneusement le pur de l’impur, en rejetant à l’extrême-droite tout ce qui se dresse contre cette volonté de remplacer la quête de la vérité et des faits par la morale et la censure idéologique. Les Frères musulmans ont très bien compris cela et ont su trouver des chercheurs en sciences sociales pour diffuser leurs discours identitaires et victimaires. Florence Bergeaud-Blackler le montre très bien dans son ouvrage sur « le frérisme et ses réseaux ». Oser prendre position sur la question de « l’islamophobie » pour en faire l’étude critique par exemple, c’est courir le risque de se faire attaquer par un certain nombres d’élèves et de collègues, mettre à mal sa réputation en étant accusé d’appartenir à l’ « extrême-droite », subir des procès en « racisme », risquer de déplaire à l’Université qui vous emploie. Au final, c’est souvent un frein à une carrière.

La science, cible de l’idéologie islamiste

Or l’Université est une cible de l’idéologie islamiste. Elle ne s’en cache pas. Pour les frères musulmans, il s’agit d’apporter à la science athée et matérialiste des occidentaux, la guidance de l’islam et de soumettre la quête scientifique à la validation coranique. Conscients que s’attaquer aux sciences exactes serait compliqué dans un premier temps, ce sont les sciences humaines qui ont été ciblées. Le projet de mise sous tutelle est présenté sous forme d’une approche éthique de certains enjeux. L’assaut est mené conjointement côté religieux et côté racial. Il peut parfois très bien fonctionner. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, des scientifiques ont dû réagir face à un groupe de travail du gouvernement qui, pour réhabiliter une « science autochtone », avait écrit que la science « serait une invention de l’Europe occidentale, constituant en soi une preuve de la domination européenne sur les maoris et les autres peuples indigènes ». Jerry Cyne, célèbre biologiste et professeur à l’université de Chicago, a dénoncé de son côté les attaques contre la science venant de la gauche aux États-Unis : négation de l’existence des sexes, revendication de décolonisation de la « science occidentale », attaques contre la théorie de l’évolution… Il remarque que si les créationnistes ont pu être vaincus, si les antivax et complotistes restent marginaux et combattus, les attaques contre la science au nom de l’idéologie racialiste proviennent de l’intérieur du système éducatif et ne sont pas combattues. Mendel, le père de la génétique, est ainsi accusé d’être raciste, parce que ses théories déplaisent à des idéologues politiques et que le simple fait de s’intéresser aux différences génétiques entre populations est devenu tabou.

Or, je le disais, nous avons déjà connu, grâce au communisme, l’effet d’une corruption de la science par l’idéologie. Trofim Lyssenko en est le meilleur exemple : il avait opposé la notion de science prolétarienne à celle de science bourgeoise, pour le plus grand malheur de la démarche scientifique tout court. À tel point que le lyssenkisme désigne aujourd’hui une science corrompue par l’idéologie qui piétine les faits quand ils sont contraires à ses représentations. La question aujourd’hui est : allons-nous laisser encore une fois la fausse exigence de vertu d’idéologues politiques corrompre la quête de savoir, ou l’Université est-elle prête à protéger vraiment les libertés académiques ? Avec cette triste affaire, où le déni domine, on peut avoir des craintes. Ou alors: chiche, Mme Sylvie Retailleau, faites réellement l’enquête promise par Mme Vidal !

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Mais enfin, fichez la paix à Marlène Schiappa!

Elisabeth Lévy revient sur l’interview accordée par Marlène Schiappa au magazine Playboy et sur les remontrances d’Elisabeth Borne…


Il parait que c’est inapproprié, dans le climat actuel. Les Français ne seraient pas, d’après Madame Borne, d’humeur badine. Je vous rassure tout de suite: la ministre est habillée, avec un goût discutable peut-être (est-est un cygne blanc ? ou de la chantilly?). Mais il ne s’agit pas de chiffons, il s’agit de féminisme. Je n’ai pas encore lu ces douze pages, d’ailleurs personne ne les a lues. Mais tout le monde est déjà tombé sur Marlène Schiappa. Ce qui compte, ce n’est pas ce qu’elle dit, c’est l’endroit où elle le dit. Le média, c’est le message. Et le média, c’est le magazine coquin mythique, souvenir d’un temps où le porno pouvait se dire de charme. Un peu désuet à l’âge YouPorn, d’ailleurs.

Tout cela n’est pas du tout du goût des dames-patronnesses, de droite et de gauche. Le peuple souffre et vous posez court-vêtue, quelle honte. Sandrine Rousseau dénonce une diversion: « Il y a des personnes entre la vie et la mort et j’ai l’impression d’un écran de fumée ». Arnaud Benedetti s’indigne dans le Figaro: « Le service de l’État, dit-il, n’est pas une émission de téléréalité. » En fait, si, un peu, vu que nos gouvernants vivent sous la surveillance permanente des médias et des citoyens sur les réseaux sociaux.

N’est-ce pas de mauvais goût, dans le climat morose dans lequel nous nous trouvons?

Le mouvement social n’est pas une religion dont il serait interdit de se détourner sous peine d’excommunication. On a le droit de parler et de penser à autre chose.

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Marlène Schiappa a fait un coup de com, et alors? Ce que lui reprochent, anonymement, ses petits camarades du gouvernement et ouvertement la Première ministre, c’est précisément de mettre à mal la communication du gouvernement. Certains demandent même sa tête. Limogée pour avoir parlé à PlayBoy… Est-ce une blague ? Le problème, finalement, c’est bien Playboy et son petit goût de stupre. Dans ce climat morose, Marlène Schiappa nourrit quelques fantasmes gentillets, avec force, montages érotico-rigolos et blagues de comptoir qui ont circulé sur les groupes WhatsApp tout le weekend. Pas de quoi fouetter un adolescent gavé d’hormones !

Ne la laissez pas tomber…

 Tout cela sent un petit parfum d’ordre moral, de puritanisme, de détestation de la liberté des femmes. Une femme qui cause dans Playboy, c’est une femme de mauvaise vie.

Alors oui, il y en a marre des ligues de vertu. Foutez donc la paix à Marlène Schiappa, être une femme libérée n’est pas si facile…


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez « Lévy sans interdit » tous les matins du lundi au jeudi sur Sud Radio, après le journal de 8 heures.

Le FPÖ dénonce l’ingérence de l’Ukraine dans les affaires autrichiennes

La visioconférence du président Volodymyr Zelensky au parlement autrichien a provoqué la colère des députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Considérés comme proches du Kremlin et issus des rangs du principal mouvement d’opposition, actuellement en tête des sondages, les élus ont dénoncé « la propagande provenant d’un État belligérant et une violation flagrante de la neutralité de l’Autriche ».


Le 30 mars, le président Volodymyr Zelensky s’est officiellement adressé aux parlementaires autrichiens, par le biais d’une visio-conférence, afin de les remercier d’avoir envoyé des démineurs nettoyer des espaces géographiques classés comme zones de guerre, « de deux fois la taille de l’Autriche », ou pour avoir organisé des missions humanitaires en faveur des populations sinistrées. Expliquant que la Russie menait une « guerre totale contre son peuple », il a appelé la patrie des Habsbourg à « ne pas être moralement neutre envers le mal ».

Diffusée en direct sur les antennes de l’ORF, la télévision autrichienne, Volodymyr Zelensky a été largement applaudi par les députés présents. Une intervention qui a toutefois mis en colère les députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Les élus ont brusquement quitté leurs sièges afin de protester contre cette allocution qu’ils jugent contraire aux principes de « neutralité perpétuelle de l’Autriche », appliquée depuis 1955. Ils ont claqué la porte de la salle basse du parlement, laissant derrière eux des pancartes sur leurs strapontins indiquant « Places pour la paix » et « Places pour la neutralité » comme le rapporte dans ses colonnes le quotidien Standard.

À lire aussi, du même auteur: Un oligarque monarchiste, proche de Poutine, visé par une tentative d’attentat

La chef du parti libéral qualifie les députés du FPÖ de « collabos »

En amont de cette allocution, Herbert Kickl, chef du FPÖ, avait déjà qualifié le discours à venir de Zelensky de « violation de la neutralité de l’Autriche » et déclaré qu’il était inacceptable de transformer le parlement autrichien en « une plateforme de propagande provenant de la part d’un État belligérant ». Fustigeant l’invitation faite par le président conservateur (ÖVP) de la chambre basse, Wolfgang Sobotka, à laisser Volodymyr Zelensky s’exprimer devant les élus, il s’était fermement opposé à ce que ce discours soit mis à l’ordre du jour. Ce dernier a donc été considéré comme un « acte indépendant », afin de permettre au dirigeant ukrainien de s’exprimer en toute légalité au sein du parlement. Selon la chaîne de télévision PULS 24, le discours du président Zelensky a également provoqué un important regroupement devant le bâtiment du parlement. Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux russes et autrichiens, brandissant des affiches et des pancartes ornés de slogans en faveur de la paix et de la neutralité du pays. Ils ont également déployé des banderoles sur les marches qui mènent au parlement, appelant à l’annulation des sanctions votées par l’Union européenne (UE) contre la Russie. Interrogés, certains participants ont expliqué qu’ils s’opposaient à toute tentative d’installation d’équipement militaire de l’OTAN sur le territoire national.

À relire, Valentin Chantereau: Autriche: un leader est né

En réponse à l’attitude du FPÖ, le porte-parole du Parti populaire autrichien (ÖVP), Reinhold Lopatka, s’est empressé d’exprimer son admiration pour l’Ukraine. Beate Meinl-Reisinger, chef du parti libéral Neos, a également rendu hommage à Zelensky, saluant le courage de l’Ukraine qui lutte contre la « destructivité aveugle », pointant du doigt une Russie qui « ne mène pas seulement une guerre contre l’Ukraine, mais contre l’Europe et tout l’Occident ». « Quiconque est du mauvais côté, se fait le collaborateur des régimes dictatoriaux » a déclaré sans ambages Mme Meinl-Reisinger aux députés du FPÖ. Il est vrai que le FPÖ ne cache pas sa proximité avec le Kremlin. En 2016, le parti avait signé un accord d’amitié avec Russie unie, le parti du président russe Vladimir Poutine. Une alliance qui n’a pas été sans conséquences pour le FPÖ, lequel avait vu son image ternie par un scandale mettant en scène une pseudo nièce d’un oligarque russe et qui avait fait éclater l’union des droites formée avec l’ÖVP (2017-2019).

Législatives l’année prochaine

Un mouvement qui pourrait pourtant revenir aux affaires de l’Etat. En filigrane de ces protestations, les futures élections législatives prévues en 2024. Selon les résultats d’un sondage publié par le magazine autrichien Profile le 11 mars, le Parti de la Liberté reste le mouvement politique qui est actuellement le plus populaire du pays (soutenu par 28 % des personnes interrogées). Actuellement au pouvoir, l’ÖVP ne recueille à peine que 22%, loin devant les Verts (leurs nouveaux alliés au sein d’une coalition formée en 2019) qui ne recueillent que 10%, talonnés de près par les sociaux-démocrates (SPÖ) qui totalisent à eux seuls 24% des sondés.

École des riches, École des pauvres

Notre collaborateur, en pleine rédaction d’un ultime essai sur l’École à deux vitesses, qui s’intitulera École des riches, École des pauvres, nous en propose quelques bonnes feuilles — afin que les critiques de nos lecteurs l’aident à affiner sa pensée…


Les vingt dernières années se caractérisent par une prolétarisation de la classe moyenne, qui faisait tampon et s’accrochait, via diverses stratégies d’évitement, à l’illusion que ses enfants échapperaient à la Fabrique… Ses représentants avaient juste assez de connaissances — obtenues dans le système éducatif antérieur — et d’entregent pour obtenir une dérogation sur la carte scolaire, choisir les bonnes options (latin jadis, puis maths, allemand, coréen çà et là) garantes dès la Sixième de classes de niveau discrètes, malgré la doxa du collège unique, et à moyen terme d’une orientation vers un lycée où existaient ces filières. Et assez d’argent pour payer quelques cours particuliers, ou financer un voyage scolaire à prétexte linguistique par an.

Glissement social vers le bas

C’était l’époque d’un PS social-démocrate et d’un RPR / UDF dominateur et sûr de lui. Les suffrages de la classe moyenne — 70% de la population, quand même — se partageaient alors équitablement entre gauche raisonnable et droite discrète. Paupérisée, elle incline aujourd’hui en grande partie vers le RN, et partiellement vers LFI. Elle glisse vers les extrêmes. Elle laisse aux retraités et aux cadres très supérieurs le privilège douteux de voter pour l’extrême-centre, dont Macron, depuis sept ans, est le représentant le plus illustre. Elu par des retraités issus du baby-boom, on comprend qu’il suscite l’ire de ceux qui ne le sont pas encore.

Quant aux jeunes et aux communautaristes divers, ils s’abstiennent ou optent pour des modes d’opposition plus radicaux.

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Désormais, l’Education nationale est nue. Les seuls établissements qui caracolent toujours en haut des classements sont une poignée d’écoles — privées ou publiques — installées dans les beaux quartiers. Toutes les autres, publiques ou privées, sont intellectuellement et socialement paupérisées.

Le sentiment de la dépossession et du glissement social vers le bas commence à l’orée des années 2000. Peut-être explique-t-il le succès de la « première époque » de La Fabrique du crétin (2005). J’avoue mon étonnement (et ma naïveté) devant la dissonance entre l’audience du livre (125 000 exemplaires vendus) et l’immobilisme du système : malgré les analyses avant-gardistes d’élites intellectuelles averties (Jean-Claude Michéa par exemple), le noyau dur de la classe moyenne n’avait pas encore réalisé qu’il plongeait inexorablement vers une paupérisation accélérée ; il en avait le sentiment sans en avoir encore toutes les preuves ; quant aux dirigeants, ils s’en fichaient pas mal. Le Protocole de Lisbonne (2000) qui promettait un avenir doré à 10% des enfants — ceux des oligarques au pouvoir — et considérait les 90% restants comme la future variable d’ajustement d’un système libéral en voie d’ubérisation rapide, n’était pas encore entré dans les consciences, chacun s’illusionnant sur la capacité de ses enfants à dépasser la situation de leurs parents — alors que pratiquement ils sont voués à une destinée sociale bien plus incertaine, ne serait-ce qu’en fonction d’un accès à la propriété immobilière désormais hors de portée, et d’un goulet d’étranglement des meilleures filières dans le supérieur.
Les illusions sont désormais perdues. C’est ce qui explique le vrai succès de la Fabrique du crétin, « seconde époque » (2022). Il a fallu 17 ans à la classe moyenne paupérisée pour comprendre qu’elle ne pesait plus rien, et qu’on traitait déjà ses enfants comme de futurs consommateurs de biens à obsolescence programmée, de programmes télévisés débiles, de pseudo-libertés médiatiques sur les réseaux sociaux, et de pizzas surgelées.

Pays moribond

Les « bons » établissements, dont la liste occupe les pages des journaux à chaque début de printemps — et peu importe que leur distinction soit méritée ou indue — sont des havres scolaires mis en épingle pour faire rêver ces ex-petits bourgeois qui n’ont plus aucune chance d’y inscrire leur progéniture. Il faut des programmes autoritaires, comme la procédure Affelnet à Paris, pour qu’une petite part des exclus accède à ces îlots d’élite, et rejoigne ceux qui y sont « naturellement », moins par qualité intrinsèque que par domiciliation. À remarquer que cette réforme, qui n’a pour le moment montré que des aspects positifs, ne touche pas le privé, qui peut continuer à sélectionner sur dossiers et ressources financières.

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La « carte scolaire », inventée en France en 1963, et imposée peu à peu via la création des CEG (Collèges d’enseignement général) et les CES (Collèges d’enseignement secondaire), visait à brasser les populations. Dans les faits, elle a réussi le contraire. Né en 1953, j’ai bénéficié du système antérieur, dit « en quartiers d’orange », où quand vous habitiez dans des périphéries douteuses, vous alliez en sixième dans des lycées de centre-ville. C’est fini: désormais, quand vous habitez le ghetto, vous allez au collège du ghetto, et au lycée construit tout à côté. Des établissements sociologiquement purs : si par hasard subsistent là quelques familles aisées, elles ont recours au privé — ou au piston. Un système de filtres successifs assure aux « héritiers » des beaux quartiers un entre-soi de qualité. Que ces jeunes gens bien nés passent aux yeux des enseignants pour de « bons élèves » qu’il ne faut surtout pas confronter aux voyous de la périphérie est une vilaine plaisanterie témoignant du manque de qualité de professeurs qui se satisfont d’enfants conformes et conformistes, à ne pas mettre en concurrence avec ceux qui n’ont pas les codes, mais qui ont parfois des aptitudes bien supérieures. J’y reviendrai. Mais la source de notre enseignement à deux vitesses est dans cette dissociation, entérinée par le système, entre les « fils et filles de » et les enfants de personne. Mais qui ne voit qu’à fonctionner ainsi, nous nous privons de nombreux talents, et d’un renouvellement des cadres qui redonnerait vie à un pays désormais moribond. Le parti politique qui se saisira de la question gagnera la prochaine guerre, parce qu’il ramènera les déclassés devant les urnes.

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Euthanasie: l’onction des ploucs

72% des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie se sont prononcés en faveur du suicide assisté, et 66% pour l’accès à l’euthanasie. Tout se déroule comme prévu, et le pouvoir pourrait logiquement rapidement envisager l’aide à mourir tel un soin comme un autre.


Dans le paradigme libéral dans lequel nous vivons, il y a deux sortes de libéraux : ceux qui réfléchissent – ou questionnent, dans leur langue, cette même langue qui ne connaît d’ailleurs pas de problèmes mais seulement des sujets – sur ledit paradigme et ceux qui ne le font pas. Les seconds sont beaucoup plus nombreux que les premiers. Pour eux, tout va de soi : la représentation, l’économie de marché, la mondialisation, l’Union européenne, l’immigration, le développement personnel, la-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes, Bilal Hassani, Pfizer, l’Ukraine… Ils croient – et c’est là leur unique croyance, même si c’en est donc, le plus souvent, une par défaut – que tout – l’être, la foi, la sexualité, la politique, les nations, les civilisations – change en permanence et que l’Homme doit s’adapter ou disparaître.

Pourquoi une convention citoyenne?

Empêcheurs de changer en rond, les gilets jaunes en savent quelque chose. Leur critique de la démocratie représentative n’était pas la moins « démagogique » parmi toutes celles qu’ils beuglèrent – car c’étaient des animaux – dans le chaos – car ils étaient incapables de s’organiser. Politiciens, éditorialistes, comédiens subventionnés, membres d’associations ne représentant qu’eux-mêmes – l’omnipotence de ces dernières est un trait supplémentaire de notre américanisation en cours dans une logique utilitariste étrangère à notre conception du bien commun –, personnalités qualifiées issues des fameux corps intermédiaires, les obligés du système dont les plus chanceux vont asseoir leurs fesses au CESE – trouve-t-on à travers les siècles une institution à la fois plus inutile et plus clairement clientéliste ? –, tous dirent bien que la démocratie représentative était l’unique forme de gouvernement possible, et que seuls les fertiles esprits des membres du parlement pouvaient inventer des lois. Pour diriger « la marque France », il faut des professionnels. On ne va tout de même pas confier à ces cons qui regardent Hanouna des débats sur la flat tax ! Et, pire encore, sur les sujets de société ! Imaginez ce qu’elles deviendraient, nos « valeurs », entre les mains du beauf consanguin et ses « pulsions » ! Ce serait le retour de la peine de mort pour les assassins d’enfant, le retour au bled pour les délinquants et criminels étrangers, les djihadistes « français » à demeure en Syrie, la ruine de McKinsey en France, une télévision publique dont les journalistes n’accueilleraient pas Marine Le Pen avec des mines de croque-morts sous Lexomil et un exemplaire annoté de Mein Kampf dans leur poche.

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Macron est l’assurance-vie des classes dominantes et, subséquemment, de la démocratie représentative. L’idée de « conventions citoyennes » formées de citoyens tirés au sort est étrangère au macronisme. Alors, pourquoi en fait-il ? Car il y a déjà eu celle sur le climat, et la réponse est déjà là. En effet, Macron n’avait rien à perdre politiquement dans l’opération ; le thème faisait consensus, les conclusions étaient acquises ; et c’était tout bénéf pour la chose qui compte le plus, à savoir l’image. Il n’y avait rien à craindre non plus d’une « convention citoyenne » sur « le droit de mourir dans la dignité », c’est-à-dire l’euthanasie dans une langue mâle. Tous les milieux autorisés sont pour, pas un journaliste n’est contre, et même le pape, après s’être chauffé sur les migrants, serait bien capable d’approuver. Tous les sondages disaient les Français majoritairement favorables à cet énième droit ; ça tombait bien, le président l’était aussi. Alors on a fait cogiter ces braves citoyens, pour une fois invités à le faire en dehors des campagnes électorales, et, entre deux séances en amphi, on leur aura probablement fait faire, comme les pauvres manager dans leurs formations, des dessins et noter des trucs sur des post-its, dans une atmosphère studieuse mais toujours « bienveillante ».

Le Progrès ne connait que l’offensive

Le gouvernement a donné finalement peu de publicité à cette « convention citoyenne », sans doute fatigué d’avance par le SAV et empêtré dans cette réforme des retraites qui obsède logiquement les agents du système – pour les matérialistes, il n’est d’autres vrais sujets que les socio-économiques. Les conventionnels ont donc dit oui à 72% au suicide assisté, à 66% à l’euthanasie et, généreux, tant qu’à faire, ils ont aussi accordé ce droit aux… mineurs, peut-être les mêmes qui changent actuellement de sexe à huit ou douze ans, soumis qu’ils sont à une propagande de chaque instant, pourchassés jusque dans leurs écoles par les lobbys les plus sordides. Voilà, les citoyens vont pouvoir rentrer chez eux, « des souvenirs pleins la tête » ; certains tenteront de faire fructifier le réseau qu’ils auront tressé à table à Paris ; d’autres conserveront dans un tiroir quelque accessit distribué à la fin par un huissier marmoréen. Maintenant, une loi va suivre.

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Et sur le fond ? La logique est imparable. L’euthanasie est conforme à la dignité de l’Homme d’après l’Homme, de celui dont une sénatrice veut carrément faire de… l’humus. Gender fluid, cismachin, crémation, en attendant les puces et de nouvelles hormones : nous ne sommes que de la matière humaine, modelable, utilisable, réformable à l’envi. Tout ça était écrit ; ce glissement prodigieux vers le néant a d’évidentes origines philosophiques, des manifestations claires et des agents bien connus. L’IVG, l’abolition de la peine de mort, l’immigration extra-européenne pléthorique et continue, l’IMG, l’antispécisme, « sauver la planète » : tout participe du même mouvement – le mouvement propre au libéralisme. L’euthanasie s’ajoute. Et c’est sur ces questions-là, vitales, que l’on débat le moins, de moins en moins en tout cas. Partout où de grands principes sont requis, où c’est l’anthropologie qui point, on fonce, on agite quelques « valeurs », on exige un droit ou un passe-droit – vitesse, moraline et justice sont les trois mamelles du Progrès –, et on obtient ce dernier.

Sur le fond, je ne saurais dire mieux que ne l’a fait Houellebecq dans une superbe tribune dans Le Figaro, en 2021. Je me permettrais juste d’insister sur le fait que la loi à venir est non seulement accablante en soi mais aussi parce qu’elle s’inscrit donc dans une dynamique, et que ce sont les rouages de celle-ci qu’il faut creuser plutôt que, comme le font trop souvent les gens de notre camp, en tout cas ceux invités sur les plateaux télé, son écume. Et se dire libéral et conservateur c’est comme se dire escort et bonne sœur. Il faut choisir. Se contenter d’être de droite, c’est déjà renoncer. Après, je concède ne pas savoir comment on change de paradigme. Notre situation est inédite dans toute l’histoire humaine. Tout va trop vite. Chaque mois amène sa nouvelle –phobie, son nouvel –isme, sa nouvelle tendance venue de l’université ou du métro de New York. La propagande est partout. Il faut vraiment que la vie soit passionnante, l’amitié toujours présente, l’amour toujours trompeur, que l’existence draine tant de passions pour ne pas devenir fou. Par principe, le Progrès ne connaît que l’offensive.

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La loi sur l’euthanasie en est une. Sa fabrication originale est moins un fait politique que de communication ; l’onction des ploucs peut avoir du bon quand elle est bien mise en scène. Avec cette loi, comme avec la constitutionnalisation à venir de l’IVG, le parti du désordre raffermit son emprise, brûlant ses vaisseaux avec l’ancien monde qu’il veut voir périr avec ses habitants. Il n’y a plus de place pour les sentiments.

Macron II ou la gouvernance Groland

Un président cul-cul la praline qui se livre dans Pif Gadget. Un ministre pan-pan cul-cul qui se lâche dans Têtu. Et Marlène, la divine, qui nous fait dans Playboy crac boum hue mais pas cul-cul nu ! Pour échapper aux french-cancans, Macron se casse en Chine pour se faire un riz cancantonnais. Pas sûr que tout ça rassure le citoyen, ou relance la machine… Mais avec Macron et ses sous-doués, c’est la fête à neuneu et ça, au milieu du chaos: c’est un bien précieux. En vue des JO, à défaut de voir un c**, au moins on a des champions !


Quel talent! Au plus haut-sommet de l’Etat, on n’a jamais autant parlé de cul. Mais à tout seigneur tout honneur ça démarre avec le patron himself. Dès le début de son mandat il place la barre très haut. Il déboule un soir sur scène, choppe le micro pour dire à la France entière qu’un certain Mathieu Gallet n’est pas son amant. A un pays pour qui « gallet » n’est qu’un savon ou un caillou lisse propice aux ricochets. Il remet ça avec Benalla, démentant rencontrer son garde du corps de cinq à sept alors que personne ne lui demande l’heure, et encore moins sa montre. Ne revenons pas sur son coup de chaud à Saint-Martin… Dans le sillage de ces macronades, les macronistes reçoivent le message 5/5. On va se lâcher.

Griveaux. Mon idole. Les gilets jaunes pouvaient défoncer la porte de son ministère, la prendre à la tronçonneuse, même pas il les calculait. Il était au téléphone. Et quand mon neveu Benjamin téléphone il ne fait pas semblant. Il est à fond dans le sujet. Et si le téléphone pleure, les kleenex ce n’est pas fait que pour les couillons en jaune qui chialent à cause des lacrymogènes. Si Macron lui avait refilé le téléphone diplomatique, l’Europe n’en serait pas là. Avec lui le bonheur était simple comme un coup de fil.

Abad the bad. Macron a le pif pour recruter. Quand il a voulu se faire LR il a pris son temps pour renifler le terrain et tâter les transfuges potentiels. Avec sa truffe infaillible il a levé un drôle de gibier à plume. Le piou-piou Damien pour le kid d’Amiens. Un beau tableau de chasse mais en voyant tout LR pris d’un fou rire, le kid comprend que cet Abad a plus d’une cartouche dans l’aile.

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Cayeux. Vous m’avez eu avec Abad mais j’ai des ressources. Je vais vous faucher Cayeux. Hein, alors on fait plus les malins là? Pourquoi ils rigolent encore ces cons? Là on est en plein dans le paradoxe Macron. Son univers où le nord est à l’ouest, où à coups de en même temps on n’y comprend jamais rien. Son gouvernement et son environnement politique comptent, en proportion, plus de pacsés et de mariés du même sexe que la rue du Temple dans le Marais. Et pourquoi pas, d’ailleurs si c’est les meilleurs. Et il va se chercher une dinde farcie de la droite catho qui n’a pas attendu Thanksgiving pour se prendre les pattes dans la nappe de l’homophobie.

Dussopt le stop and go. La pépite, un podium assuré. Le Mister nobody du gouvernement. Tout le monde le découvre avec le projet de loi sur la retraite. Et découvre l’incompétence incarnée, la prétention décomplexée d’un homme pas aidé par une oralité de canard décongelé au micro-onde. Devenu par ses talents conjugués une belle tête de turc, il va nous verser deux litres de larmes dans Têtu pour dire qu’on ne l’aime pas parce qu’il est homo. Il y a deux heures personne ne le connaissait. Quel athlète!

Les hommes préfèrent les… Sa foulée de gazelle met le feu au stade. Qu’elle finisse dans Playboy quoi de plus normal, rien de plus naturel. Au diable les jalouses, la Borne coincée dans son code de la route. La Marlène embarque dans le cockpit de tous les routiers, enroulée dans son drap de couette. Des photos oui, mais jamais sans son drap. Non! On ne la voit jamais à poil? Non. Par contre il y a 12 pages consacrées à ses pensées les plus profondes. Merde! Même pas un nichon? Non, sa réflexion sur la condition féminine, ses solutions blablabla etc… N’importe quoi! Sa philosophie, ça vaut pas un pichet de cidre, alors que sa plastique c’est du Botero, du Toulouse-Lautrec aller-retour, de la bombe.

Pif paf pim pam poum. En attendant le prochain champion, le Conseil des ministres se délocaliserait rue Thérèse. Dans un haut-lieu de la gymnastique républicaine. Nos athlètes ont maintenant besoin de se consacrer à fond à leur discipline, à l’abri des regards et des curieux. Les J.O. s’approchent à grands pas, on compte sur vous les gars! Allez la France!

Macron désormais honni presque mécaniquement

Pitié pour le président de la République!


Ces derniers temps, au sujet de l’hostilité systématique que le président de la République semble inspirer, je songe au mot sarcastique de Philippe Séguin sur Edouard Balladur : « Même s’il faisait quelque chose de bien, je ne suis pas sûr qu’il descendrait dans les sondages… » Je peux comprendre que sur le plan politique il suscite une forte opposition. Il est clair que son comportement personnel, ce que d’aucuns qualifient d’arrogance, n’est pas majoritairement apprécié. Ce qui me gêne est le caractère obsessionnel de cette dénonciation, comme s’il était devenu impossible de trouver dans la moindre de ses actions, dans n’importe lequel de ses projets, de quoi contenter le citoyen. Pire, comme si on n’avait même plus le droit sinon à la nuance du moins à une approche à peu près équilibrée de sa personnalité aux prises avec un second mandat difficile alors que le premier déjà n’avait pas été de tout repos.

À dire vrai, je dois être le premier à me repentir dans la mesure où il m’arrive, à partir d’une critique légitime de ses œuvres, de sa faiblesse régalienne, de ses défaillances démocratiques et de ses erreurs, graves ou non, d’en rajouter comme s’il était interdit à son égard de faire preuve de mesure.Comme si paradoxalement il était d’autant plus coupable qu’il s’était fait réélire, certes dans des conditions républicaines inachevées, et qu’il quittera la scène politique nationale en 2027. On aurait pu supposer que cette échéance, si elle allait naturellement libérer un certain nombre d’ambitions, apaiserait l’ire à l’encontre d’Emmanuel Macron. Pourtant on n’y arrive pas. Je ne m’empêche pas assez.

On ne peut pas qualifier le président d’”ordure” sur Facebook

Il faut ne rien retenir à sa décharge. Le sentiment dominant dans le pays est une sorte de détestation dont on se débarrasse trop vite en affirmant que le président en est exclusivement responsable et que tout est alors permis à son encontre. Ce qui est une injustice et une absurdité. Convenons qu’il a parfois mis du sien dans cette approche dont il pâtit. Un certain nombre de ses attitudes et de ses propos n’ont pas été conformes à la dignité présidentielle et lui ont été renvoyés, tel un boomerang, à l’occasion de mises en cause de quelques citoyens exaspérés ou insultants ayant dépassé les bornes.

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L’exemple récent de cette femme qui sur Facebook l’a traité « d’ordure » est éclairant. Elle est poursuivie et sera sans doute condamnée. Mais j’imagine que son avocat, faute de pouvoir plaider la provocation stricto sensu, invoquera quelques grossièretés sorties de la bouche du président pour s’efforcer de justifier cette insulte. L’argumentation ne prospérera peut-être pas mais il est déjà symptomatique qu’on puisse faire état de ce possible moyen de défense.

Ses ministres ne parviennent pas à le délester d’un peu de la vindicte

Il n’empêche que, pour continuer dans le registre de ma contrition – j’aspire à savoir m’arrêter au plan politique et à ne pas tomber dans une exaspération plus instinctive que partisane et argumentée -, je me suis surpris plusieurs fois, dans les Vraies Voix sur Sud Radio, face à mon amie Françoise Degois si constamment socialiste, à ne même pas oser mettre en avant l’intelligence et la singularité du président, comme si mon regard politique devait emporter le déni des qualités pourtant indiscutables du président.

Cette configuration d’un président honni presque mécaniquement – ce qui lui permet de proférer ce poncif qu’il a à accomplir son devoir et à subir des avanies pour le bien de la France – est d’autant plus préjudiciable qu’il n’est pas entouré que de conseillers ou de ministres d’un modeste niveau mais qu’en tout cas aucun d’eux n’est capable d’assumer une part de la vindicte pour l’en délester si peu que ce soit.

J’en arrive enfin à ce qui m’a toujours frappé chez Emmanuel Macron. Il a sa nature, son tempérament, il aura beau faire, il n’en changera pas. Je suis convaincu – c’est mon désaccord avec ses ennemis compulsifs – que sa lucidité sur lui-même n’est pas absente, qu’il s’efforce d’offrir, partout où il passe publiquement, le meilleur de soi mais que son être est le problème. Comme si une authentique modestie ne parvenait jamais à se rendre visible. Comme s’il nous condamnait à lui trouver, trop souvent, un air supérieur. Et ce n’est pas sa faute véritablement. Je renvoie à mon billet du 1er septembre 2022: « Apologie d’un président qui ne pourra pas changer… »

En politique, dans une démocratie, le citoyen a tous les droits. Contester comme approuver. Mais c’est à cause de ces autres éléments, dont je prends ma part, que je demande pitié pour le président.

Makine: comme un roman d’amour

Tout le talent d’Andreï Makine, en conjuguant nostalgie et quête amoureuse, apparaît de nouveau dans son dernier roman, L’ancien calendrier d’un amour (Grasset).


L’Ami arménien, le précédent roman d’Andreï Makine (1957), touchait juste par une nostalgie exempte de toute sensiblerie. Un autre roman, particulièrement réussi, L’Archipel d’une autre vie, mettait en scène la fuite éperdue d’un couple de proscrits, qui échappait à la tyrannie par le recours aux forêts. Avec L’ancien calendrier d’un amour, Makine opère une synthèse entre nostalgie et quête amoureuse. 

Sous le signe de Nabokov

Avec lui, nous traversons le terrible vingtième siècle russe en compagnie de Valdas Bataeff, fils d’un avocat libéral de la fin du tsarisme et d’une baronne balte. Poète, cadet de l’Armée impériale jeté dans la guerre civile et donc garde blanc de l’Armée Wrangel, il connaît les tueries révolutionnaires, l’exil à Constantinople, puis à Paris, comme chauffeur de taxi, et enfin à Nice, comme bien des Russes blancs, dont il incarne, dans ce roman elliptique, la figure quasi archétypale. 

Mais Valdas a un secret, double : celui d’amours rêvées d’une part, ou bien charnelles mais brisées net de l’autre. Soit l’exquise Kathleen, jeune fille de la grande bourgeoisie rencontrée dans le Yalta ensoleillé de l’été 1913, fiancée émigrée à Stockholm et perdue, qui fait songer à la Machenka de Nabokov.  

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Quelques années plus tard, juste avant le grand exode des Blancs quittant la Crimée, Taïa, contrebandière de tabac, qui se sacrifie pour son jeune amant pourchassé par les Rouges. Toute sa vie durant, Valdas vivra dans le souvenir fidèle de cette fille du peuple. 

Jeu avec le temps

Sa courte histoire d’amour, qui lui permet de survivre à soixante-dix ans d’exil, dure quelques jours, dans une parenthèse temporelle enchantée, quasi onirique et dépeinte avec maestria. Plus ou moins au même moment, la Russie change de calendrier, passant du calendrier julien de l’époque impériale au grégorien de la nouvelle patrie des travailleurs. En exil, Valdas connaîtra quelques femmes, elles aussi des archétypes d’émigrées russes. 

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Ce roman étrange et beau est pour Makine l’occasion de décrire la condition d’étranger absolu, nulle part à sa place mais survivant toutefois dans une patrie intérieure grâce à un amour partagé à l’écart du temps. Sa capacité à faire entendre par quelques notes la musique d’une vie fait de Makine l’un des grands compositeurs d’aujourd’hui. 

Andreï Makine, L’ancien calendrier d’un amour, Grasset, 192 pages.

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Colette à toutes les sauces

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Pour fêter les 150 ans de l’auteur du Blé en herbe, le recueil de textes Paris, je t’aime ! aux éditions de L’Herne est une belle entrée en matière


On n’en peut plus. Nous sommes gavés depuis le début de l’année. L’estomac chargé à bloc, le trop-plein nous guette. En magnet, en replay, en fiche « cuisine », en vignette Panini ou en tattoo, Colette, née le 28 janvier 1873, se vend à la découpe pour son 150ème anniversaire. Tout est bon à commercer avec ce nom qui fit vendre, par le passé, des millions de livres sans en lui rapporter vraiment beaucoup.

La légende brouille les écrits

Colette en ballon dirigeable, en comédienne dépoitraillée, en maquilleuse fauchée, en déménageuse frénétique, en VRP des « Claudine », en villageoise interdite, en bourgeoise sans dot, en mémère à chat du Palais-Royal, en faune roulant les « r » bourguignons, en baronne aux fourneaux, en féministe-arriviste des tréteaux, en amoureuse d’Oncle Max, en épouse avertie donc méfiante, en fille de capitaine ruiné ou en chromo de la Belle Époque, de Saint-Sauveur à l’Académie Goncourt, dans l’œil de Sido ou de Willy, elle aura enfilé tous les châles de l’existence. La publicité a toujours précédé ou suivi l’onde de son œuvre. Son image rabotée pour cadrer dans la légende finit par brouiller ses écrits. La lit-on, encore aujourd’hui ? Elle sert le plus souvent de porte-étendard ou de porte-manteau pour des idées qu’elle n’avait pas, c’est la rançon du succès.

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On l’affuble de toutes les marottes modernes, elle serait, tour à tour, et en même temps, soumise et émancipée, libérée et neurasthénique, sensuelle et perverse, affabulatrice et insatiable, victime et avide, ayant le sens des affaires et la cuisse légère. La gloire vous fait endosser autant de louanges que d’avanies. Y a-t-il une vérité ou plusieurs vérités Colette ? Les masques interchangeables ne sont-ils pas le privilège des auteurs, leur seule rente ? Alors, pour s’approcher du phénomène littéraire, goûter à sa prose verte et académique où s’entremêlent ardeurs physiques et prudences d’écolières, le recueil intitulé Paris, je t’aime ! aux éditions de L’Herne s’articule autour de textes judicieusement choisis, présentés et annotés par deux érudits de cette grande dame, Gérard Bonal disparu en 2022 et Frédéric Maget.

Eloge de la rondeur

Ces quelques chroniques donnent faim car on y voit tout le talent équivoque de Colette, sa sensibilité dans un gant de crin, l’éloge de la rondeur et de la jouissance maintenu par une fine bride de fer, une manière de tordre le réel pour le faire entrer dans son imaginaire. C’est, me semble-t-il, dans cette chaleur corsetée, ce plaisir chagrin, que la phrase de Colette s’infiltre en nous, à mi-chemin entre la rêverie nostalgique et la soif de revanche, entre le manuel du savoir-embrasser et les convenances.

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Pour accompagner ses réflexions sur la capitale, les auteurs ont recensé toutes ses adresses parisiennes, du 55, quai des Grands Augustins entre le 16 mai et 28 juin 1893 au 9, rue Beaujolais, au 1er étage, en 1954, l’année de sa disparition. Colette avait théorisé « les provinces de Paris », cette extraterritorialité sentimentale qui s’apparente à une Atlantide intérieure. « Soixante ans de Paris n’ont pas fait de moi autre chose qu’une provinciale en quête, sur vingt arrondissements et deux rives de fleuve, de sa province perdue » écrit-elle. Cette déclaration douce-amère à la ville lumière avait pourtant mal démarré. « Comme beaucoup de grandes amours, celui que je porte à Paris a commencé par l’aversion », on dirait du Guitry ou du Jules Renard, c’est du Colette. « A quel moment ai-je découvert que Paris n’existait pas, qu’il n’était qu’un amalgame de provinces liées par le plus ténu des fils conducteurs, qu’il m’était loisible d’y reconstituer la mienne ou toutes celles que mon imagination choisirait d’y délimiter ? » poursuit-elle dans cette veine qui lui est propre, l’affirmation de soi par l’exploration du passé. Et puis, on se délecte de sa chronique du 27 janvier 1939 sobrement titrée « J’aime être gourmande ».

Tartine de beurre et homard grillé

On souscrit à son bon sens paysan. Elle nous avertit qu’« en matière de cuisine, l’inspiration n’a jamais valu grand’chose ». « Un bon plat est l’affaire, avant tout, de modération et de classicisme » explique-t-elle pour avouer : « Mon estomac, remarquablement conservé, est celui d’une bourgeoise gourmette et gourmande ». Et je vous laisse méditer cette sentence finale : « Le vrai gourmet est celui qui se délecte d’une tartine de beurre comme d’un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri ».

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Madagascar: une politique étrangère au cœur des grands défis mondiaux

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Andry Rajoelina, président de la République de Madagascar © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

L’île conserve bien des atouts pour la stratégie géopolitique française. Mais elle est de plus en plus courtisée par les Chinois. Analyse.


Madagascar, plus grande île de l’Océan Indien, a toujours été au carrefour des grandes voies navigables et commerciales reliant l’Afrique à l’Asie. Depuis que le pays est devenu indépendant, en 1960, il a toujours cherché à la fois l’intégration aux grandes instances internationales, mais aussi le développement de relations privilégiées avec les grandes puissances, notamment la France et la Chine.

Durant son mandat, le président Andry Rajoelina a poursuivi activement l’ancrage de l’île à la communauté internationale pour lui offrir une stabilité politique et des débouchés économiques importants.

Une croissance soutenue

Fortement appuyé par l’aide internationale pour faire face aux multiples difficultés économiques et sociales, et à son retard de développement, Madagascar a pu récemment mesurer la force de ses partenariats après la série de catastrophes naturelles qu’il a affrontées avec la survenue de cyclones à répétition. Soutenue par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International, l’île mène une diplomatie active au sein de nombreuses organisations régionales et internationales. Le pays a pu ainsi maintenir une croissance soutenue depuis quatre ans, malgré les difficultés rencontrées sur l’île. Un des derniers projets de la Banque mondiale à Madagascar en matière d’énergie et de communication s’appelle DECIM, et a été approuvé par le conseil d’administration de la Banque le 30 mars ; il permettra de doubler l’accès à l’énergie. Ce projet devrait permettre enfin à l’île de résoudre définitivement le problème énergétique et digital.

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Membre des Nations unies, l’île est aussi membre de la Commission de l’Océan Indien, de la Communauté de Développement de l’Afrique australe, de l’Association des États riverains de l’Océan Indien, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, mais aussi de l’Union Africaine. Cette dernière a tout dernièrement salué les progrès de développement inédits entrepris par le gouvernement actuel. En effet, Mme Hawa Ahmed Youssouf, la représentante spéciale de l’UA, qui vient de quitter son poste, déclarait en mars que la stabilité politique avait été atteinte à Madagascar, et que l’île n’avait plus de raisons de revenir en arrière. Pour cela, le pays reçoit aussi le soutien de l’Union européenne, dans le cadre d’un accord de coopération en cours de renouvellement. En effet, dans le cadre de l’accord de Cotonou, signé en 2000, la coopération politique, économique et commerciale et de développement avec Bruxelles est entérinée pour deux décennies.

Un lien étroit avec la France

Mais le pays doit s’appuyer aussi sur de grandes puissance, directement; il a notamment développé historiquement des relations fortes avec la France. Or, celles-ci ont connu aussi des fortes tensions. En témoigne le statut de la langue française, en particulier, et la place de Madagascar dans la francophonie. En 1960, lors de son indépendance, Madagascar fait du français sa deuxième langue officielle et intègre immédiatement la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie. Son assemblée nationale adhère à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) en  1967, et c’est encore à Antananarivo que, le 23 novembre 2005, a été adoptée définitivement la charte de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Mais entre ces deux dates, nous avons connu trois décennies de turbulences. Le français a perdu son statut de langue officielle en 1975, et l’a retrouvé 35 ans plus tard dans le cadre de la Constitution de la IVe République malgache. Ce retour au bercail a été marqué par l’accueil, à Tananarive, du XVIe sommet de la Francophonie, en novembre 2016.  

Avec la visite d’Emmanuel Macron, en 2017, Madagascar s’assurait de la continuité des relations entre les deux pays. La même année, l’aide au développement venant de Paris atteignait les 78 millions d’euros. Six ans plus tard, la France est le premier partenaire commercial d’Antananarivo, avec plus d’un milliard d’euros d’échanges chaque année, et plus d’un touriste sur deux qui se rend dans l’île en provenance de l’hexagone. 700 entreprises y sont installées et 25 000 Français vivent à Madagascar. Lors de leur dernière rencontre, le 29 août 2022, MM. Macron et Rajoelina ont promis de poursuivre le renforcement de leur coopération économique, et leur engagement en faveur de la sécurité alimentaire, de l’écologie et de la transition énergétique. La France a par ailleurs salué l’engagement du pays en faveur de la lutte contre la pauvreté dans le sud de l’île et a renouvelé son engagement dans le financement d’un pipeline permettant d’irriguer les terres agricoles méridionales de Madagascar. Pour autant, le différent autour des îles éparses, ce chapelet d’îles françaises dans l’Océan Indien (notamment dans le canal du Mozambique, région riche en réserves d’hydrocarbures), revendiquées par Madagascar, complique toujours les relations entre Tananarive et Paris.

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Aussi, l’île cultive une relation très forte avec une autre puissance mondiale, historiquement attirée depuis des décennies par l’Afrique : la Chine. Laquelle a fait de Madagascar un de ses principaux points d’ancrage économique. L’attrait des ressources pétrolières et minières n’y est pas pour rien, et les principaux opérateurs du pays en la matière sont donc désormais chinois. Dans le même temps, Pékin investit dans les infrastructures, même si dans ce domaine, France, Japon et Corée du Sud demeurent très présents. La France conserve de multiples atouts dans la région, et il suffit de jeter un coup d’œil sur une carte pour voir que Madagascar est entouré d’îles françaises, à commencer bien évidemment par Mayotte et la Réunion – sans oublier, bien sûr, les fameuses îles éparses au large du Mozambique… Au moment où l’Indopacifique devient l’arène d’une âpre concurrence entre la Chine et les États-Unis, un grand jeu où l’Inde tient elle aussi un rôle important, la France doit absolument s’appuyer sur ses points d’appui historiques pour construire une solide et cohérente politique.

Islamo-gauchisme à l’Université: quand les mensonges du gouvernement empêchent la connaissance d’un phénomène inquiétant

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Le ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. À droite, son prédécesseur Frédérique Vidal © UGO AMEZ/SIPA / Christophe Ena/AP/SIPA

La fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université, annoncée mais pas réalisée par les autorités de tutelle, montre l’absence de confiance que l’on peut avoir dans la parole du gouvernement. Elle démontre aussi la lâcheté de celui-ci, comme de l’Université, quand il s’agit de défendre réellement les libertés académiques. Le coup de gueule de Céline Pina.


Quand on soupçonne une emprise idéologique dans des secteurs comme les sciences humaines, qui sont des cibles privilégiées pour des mouvements radicaux et qui ont déjà fait l’objet de mainmise idéologique dans l’histoire, une enquête s’impose ! Que cette dernière soit devenue impossible à mener, au point d’être considérée comme trop risquée politiquement, aurait plutôt tendance à valider l’existence de l’emprise idéologique, contraire aux exigences de la démarche scientifique et à la liberté de la recherche. L’histoire de la fausse enquête sur l’islamo-gauchisme à l’Université est révélatrice de ce qui est en train de tuer la démocratie : le cynisme d’un gouvernement dont les déclarations non suivies d’effets remplacent l’action, et la lâcheté qui consiste à nier l’existence d’un problème quand celui-ci parait politiquement trop coûteux à affronter.

Rappelons les faits. En février 2021, Frédérique Vidal annonce à l’Assemblée nationale qu’elle veut diligenter une enquête sur la nécessité de distinguer à l’université, ce qui relève « du militantisme et de l’opinion » plutôt que de la démarche scientifique. En ligne de mire, le sentiment que l’Université devenait l’otage d’une idéologie islamo-gauchiste qui favorisait certains enseignements pour mieux en délégitimer d’autres, une idéologie qui refusait le débat, diabolisait ses contradicteurs et exerçait une forme de censure larvée contre certains chercheurs et certains enseignements. Une résurgence du terrorisme intellectuel qui avait caractérisé l’emprise marxiste qui sévissait à l’université dans les années 50/60.

Réflexes corporatistes et levée de boucliers des proches de cette mouvance censée ne pas exister…

Levée de bouclier immédiate au CNRS, dont le dirigeant, Antoine Petit est très favorable aux thèses dites « décoloniales », à la montée du concept de race dans les sciences sociales comme à la bouillie de chat « intersectionnelle ». Pour lui, l’islamo-gauchisme n’est pas un objet scientifique. Et vouloir veiller à ce que l’idéologie ne prenne pas le pas sur la connaissance objective, une façon de s’en prendre aux libertés académiques ! La conférence des Présidents d’université lui emboite le pas dans un réflexe corporatiste, sans se soucier du fait que la mainmise d’une idéologie sur l’Université, c’est justement la mort effective de cette liberté. Comme le dit Xavier-Laurent Salvador, co-fondateur de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires et maître de conférence à l’Université, « les libertés académiques ne doivent pas devenir l’alibi des dérives militantes qui les compromettent et les censurent ». A ce titre, mener une enquête objective aurait été une bonne manière de protéger réellement ces fameuses et indispensables libertés.

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Or c’est exactement ce qui n’a pas été fait par le gouvernement. En effet, à peine la déclaration de la ministre faite, un groupe de six enseignants chercheurs militants, appartenant à la mouvance islamo-gauchiste, groupe dont font partie notamment Nacira Guenif et Eric Fassin, a déposé un recours pour demander l’annulation de l’enquête. Le ministère a donc produit un mémoire en défense. Or des fuites sur son contenu viennent de révéler la ligne de défense de la ministre : la procédure de ces enseignants-chercheurs est irrecevable car la ministre n’a jamais saisi aucun organisme pour mener une quelconque enquête. L’enquête sur l’islamo-gauchisme n’était donc bien qu’un effet d’annonce.

Le bilan désastreux d’un mensonge institutionnel

Pour ceux qui font partie des acteurs de la dérive militante, l’occasion est trop belle d’expliquer que la déclaration sur l’islamo-gauchisme de la ministre a « entretenu un climat d’intimidation au sein du monde universitaire », se faisant ainsi passer pour les victimes d’une chasse aux sorcières. On ne peut cependant leur donner tort d’exploiter la stupidité de la ministre dans leur combat politique.

Sur le fond, le bilan est désastreux. Le lien entre certains courants de la gauche et l’islamisme, dans sa version Frères musulmans notamment, est renseigné. Pierre-André Taguieff a interrogé et défini la notion, mais surtout, les conséquences de l’emprise de cette idéologie sont très marquées dans la sphère politique et intellectuelle. C’est une idéologie qui ne propose aucun modèle de société explicite (l’Oumma en est l’aboutissement logique mais cela n’est jamais affirmé). Elle a pour rôle avant tout d’instruire des procès et de chasser hors du champ moral tout ce qui n’est pas elle. En politique elle implique de légitimer la violence au nom de l’oppression subie et toutes les valeurs universelles et occidentales sont réduites à des outils favorisant la domination blanche contre la figure de l’opprimé universel : le musulman. Cette mythologie édifiée, elle sert à nourrir la haine contre les sociétés occidentales au nom de la défense de l’Oumma, la communauté des musulmans. À cette posture de base, se greffe tout ce qui peut contribuer à mettre en accusation la société, même si cela s’avère incompatible avec la radicalité religieuse. C’est ainsi que stratégiquement, les Frères musulmans investissent les associations antiracistes, LGBT, soutiennent en sous-main les associations trans les plus radicales, investissent la cause féministe etc… Ce qui les intéresse n’est pas le fond des luttes mais leur potentiel destructeur, déstabilisateur et fournisseur de haine à engranger. Cette histoire n’est pas nouvelle, la révolution islamiste en Iran l’illustre. Toutes les fois où les gauchistes ont cru à une alliance avec les islamistes, l’histoire s’est toujours mal terminée pour les gauchistes, mais à chaque fois ils sont fidèles au rendez-vous, l’excitation provoquée par la possibilité de faire chuter un régime prenant le pas sur toute considération sur la société qui en sortira après.

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L’université, cible récurrente des idéologies totalitaires

Pour revenir à l’Université, l’idéologie l’a déjà fortement investie et celle-ci a montré à quel point elle pouvait être lâche et peu efficace quand les valeurs académiques sont réellement menacées. On se souvient d’un Sartre traitant de « chiens » ceux qui ne professaient pas le marxisme-léninisme, donc leur déniant leur humanité. On se souvient de tous les idéologues pour qui la quête de vérité, l’analyse des faits, le réel ne comptent pas. Tout doit plier devant la « vérité révolutionnaire » : il valait mieux avoir « tort avec Sartre que raison avec Aron ». De la même façon, les islamo-gauchistes dénoncent l’université comme le lieu de la reproduction de la domination des Blancs sur les non-Blancs. Lieu où se forgent les représentations de la jeunesse, il doit être investi par les apôtres du Bien qu’ils sont pour que la justice puisse être répandue. Cela tombe bien, c’est aussi le projet des Frères musulmans. Investir l’Université c’est se doter d’une arme de légitimation massive pour des idées qui ont vocation à susciter la haine, le rejet et le séparatisme en distinguant soigneusement le pur de l’impur, en rejetant à l’extrême-droite tout ce qui se dresse contre cette volonté de remplacer la quête de la vérité et des faits par la morale et la censure idéologique. Les Frères musulmans ont très bien compris cela et ont su trouver des chercheurs en sciences sociales pour diffuser leurs discours identitaires et victimaires. Florence Bergeaud-Blackler le montre très bien dans son ouvrage sur « le frérisme et ses réseaux ». Oser prendre position sur la question de « l’islamophobie » pour en faire l’étude critique par exemple, c’est courir le risque de se faire attaquer par un certain nombres d’élèves et de collègues, mettre à mal sa réputation en étant accusé d’appartenir à l’ « extrême-droite », subir des procès en « racisme », risquer de déplaire à l’Université qui vous emploie. Au final, c’est souvent un frein à une carrière.

La science, cible de l’idéologie islamiste

Or l’Université est une cible de l’idéologie islamiste. Elle ne s’en cache pas. Pour les frères musulmans, il s’agit d’apporter à la science athée et matérialiste des occidentaux, la guidance de l’islam et de soumettre la quête scientifique à la validation coranique. Conscients que s’attaquer aux sciences exactes serait compliqué dans un premier temps, ce sont les sciences humaines qui ont été ciblées. Le projet de mise sous tutelle est présenté sous forme d’une approche éthique de certains enjeux. L’assaut est mené conjointement côté religieux et côté racial. Il peut parfois très bien fonctionner. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, des scientifiques ont dû réagir face à un groupe de travail du gouvernement qui, pour réhabiliter une « science autochtone », avait écrit que la science « serait une invention de l’Europe occidentale, constituant en soi une preuve de la domination européenne sur les maoris et les autres peuples indigènes ». Jerry Cyne, célèbre biologiste et professeur à l’université de Chicago, a dénoncé de son côté les attaques contre la science venant de la gauche aux États-Unis : négation de l’existence des sexes, revendication de décolonisation de la « science occidentale », attaques contre la théorie de l’évolution… Il remarque que si les créationnistes ont pu être vaincus, si les antivax et complotistes restent marginaux et combattus, les attaques contre la science au nom de l’idéologie racialiste proviennent de l’intérieur du système éducatif et ne sont pas combattues. Mendel, le père de la génétique, est ainsi accusé d’être raciste, parce que ses théories déplaisent à des idéologues politiques et que le simple fait de s’intéresser aux différences génétiques entre populations est devenu tabou.

Or, je le disais, nous avons déjà connu, grâce au communisme, l’effet d’une corruption de la science par l’idéologie. Trofim Lyssenko en est le meilleur exemple : il avait opposé la notion de science prolétarienne à celle de science bourgeoise, pour le plus grand malheur de la démarche scientifique tout court. À tel point que le lyssenkisme désigne aujourd’hui une science corrompue par l’idéologie qui piétine les faits quand ils sont contraires à ses représentations. La question aujourd’hui est : allons-nous laisser encore une fois la fausse exigence de vertu d’idéologues politiques corrompre la quête de savoir, ou l’Université est-elle prête à protéger vraiment les libertés académiques ? Avec cette triste affaire, où le déni domine, on peut avoir des craintes. Ou alors: chiche, Mme Sylvie Retailleau, faites réellement l’enquête promise par Mme Vidal !

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Mais enfin, fichez la paix à Marlène Schiappa!

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Marlène Schiappa en septembre 2022 pendant la rencontre des Entrepreneurs de France du MEDEF © Alain ROBERT/SIPA

Elisabeth Lévy revient sur l’interview accordée par Marlène Schiappa au magazine Playboy et sur les remontrances d’Elisabeth Borne…


Il parait que c’est inapproprié, dans le climat actuel. Les Français ne seraient pas, d’après Madame Borne, d’humeur badine. Je vous rassure tout de suite: la ministre est habillée, avec un goût discutable peut-être (est-est un cygne blanc ? ou de la chantilly?). Mais il ne s’agit pas de chiffons, il s’agit de féminisme. Je n’ai pas encore lu ces douze pages, d’ailleurs personne ne les a lues. Mais tout le monde est déjà tombé sur Marlène Schiappa. Ce qui compte, ce n’est pas ce qu’elle dit, c’est l’endroit où elle le dit. Le média, c’est le message. Et le média, c’est le magazine coquin mythique, souvenir d’un temps où le porno pouvait se dire de charme. Un peu désuet à l’âge YouPorn, d’ailleurs.

Tout cela n’est pas du tout du goût des dames-patronnesses, de droite et de gauche. Le peuple souffre et vous posez court-vêtue, quelle honte. Sandrine Rousseau dénonce une diversion: « Il y a des personnes entre la vie et la mort et j’ai l’impression d’un écran de fumée ». Arnaud Benedetti s’indigne dans le Figaro: « Le service de l’État, dit-il, n’est pas une émission de téléréalité. » En fait, si, un peu, vu que nos gouvernants vivent sous la surveillance permanente des médias et des citoyens sur les réseaux sociaux.

N’est-ce pas de mauvais goût, dans le climat morose dans lequel nous nous trouvons?

Le mouvement social n’est pas une religion dont il serait interdit de se détourner sous peine d’excommunication. On a le droit de parler et de penser à autre chose.

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Marlène Schiappa a fait un coup de com, et alors? Ce que lui reprochent, anonymement, ses petits camarades du gouvernement et ouvertement la Première ministre, c’est précisément de mettre à mal la communication du gouvernement. Certains demandent même sa tête. Limogée pour avoir parlé à PlayBoy… Est-ce une blague ? Le problème, finalement, c’est bien Playboy et son petit goût de stupre. Dans ce climat morose, Marlène Schiappa nourrit quelques fantasmes gentillets, avec force, montages érotico-rigolos et blagues de comptoir qui ont circulé sur les groupes WhatsApp tout le weekend. Pas de quoi fouetter un adolescent gavé d’hormones !

Ne la laissez pas tomber…

 Tout cela sent un petit parfum d’ordre moral, de puritanisme, de détestation de la liberté des femmes. Une femme qui cause dans Playboy, c’est une femme de mauvaise vie.

Alors oui, il y en a marre des ligues de vertu. Foutez donc la paix à Marlène Schiappa, être une femme libérée n’est pas si facile…


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez « Lévy sans interdit » tous les matins du lundi au jeudi sur Sud Radio, après le journal de 8 heures.

Le FPÖ dénonce l’ingérence de l’Ukraine dans les affaires autrichiennes

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Manifestants à Vienne déployant une banderole "Pas notre guerre", 20 février 2023 © Stringer/TASS/Sipa USA/SIPA

La visioconférence du président Volodymyr Zelensky au parlement autrichien a provoqué la colère des députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Considérés comme proches du Kremlin et issus des rangs du principal mouvement d’opposition, actuellement en tête des sondages, les élus ont dénoncé « la propagande provenant d’un État belligérant et une violation flagrante de la neutralité de l’Autriche ».


Le 30 mars, le président Volodymyr Zelensky s’est officiellement adressé aux parlementaires autrichiens, par le biais d’une visio-conférence, afin de les remercier d’avoir envoyé des démineurs nettoyer des espaces géographiques classés comme zones de guerre, « de deux fois la taille de l’Autriche », ou pour avoir organisé des missions humanitaires en faveur des populations sinistrées. Expliquant que la Russie menait une « guerre totale contre son peuple », il a appelé la patrie des Habsbourg à « ne pas être moralement neutre envers le mal ».

Diffusée en direct sur les antennes de l’ORF, la télévision autrichienne, Volodymyr Zelensky a été largement applaudi par les députés présents. Une intervention qui a toutefois mis en colère les députés du Parti de la Liberté (FPÖ). Les élus ont brusquement quitté leurs sièges afin de protester contre cette allocution qu’ils jugent contraire aux principes de « neutralité perpétuelle de l’Autriche », appliquée depuis 1955. Ils ont claqué la porte de la salle basse du parlement, laissant derrière eux des pancartes sur leurs strapontins indiquant « Places pour la paix » et « Places pour la neutralité » comme le rapporte dans ses colonnes le quotidien Standard.

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La chef du parti libéral qualifie les députés du FPÖ de « collabos »

En amont de cette allocution, Herbert Kickl, chef du FPÖ, avait déjà qualifié le discours à venir de Zelensky de « violation de la neutralité de l’Autriche » et déclaré qu’il était inacceptable de transformer le parlement autrichien en « une plateforme de propagande provenant de la part d’un État belligérant ». Fustigeant l’invitation faite par le président conservateur (ÖVP) de la chambre basse, Wolfgang Sobotka, à laisser Volodymyr Zelensky s’exprimer devant les élus, il s’était fermement opposé à ce que ce discours soit mis à l’ordre du jour. Ce dernier a donc été considéré comme un « acte indépendant », afin de permettre au dirigeant ukrainien de s’exprimer en toute légalité au sein du parlement. Selon la chaîne de télévision PULS 24, le discours du président Zelensky a également provoqué un important regroupement devant le bâtiment du parlement. Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés en agitant des drapeaux russes et autrichiens, brandissant des affiches et des pancartes ornés de slogans en faveur de la paix et de la neutralité du pays. Ils ont également déployé des banderoles sur les marches qui mènent au parlement, appelant à l’annulation des sanctions votées par l’Union européenne (UE) contre la Russie. Interrogés, certains participants ont expliqué qu’ils s’opposaient à toute tentative d’installation d’équipement militaire de l’OTAN sur le territoire national.

À relire, Valentin Chantereau: Autriche: un leader est né

En réponse à l’attitude du FPÖ, le porte-parole du Parti populaire autrichien (ÖVP), Reinhold Lopatka, s’est empressé d’exprimer son admiration pour l’Ukraine. Beate Meinl-Reisinger, chef du parti libéral Neos, a également rendu hommage à Zelensky, saluant le courage de l’Ukraine qui lutte contre la « destructivité aveugle », pointant du doigt une Russie qui « ne mène pas seulement une guerre contre l’Ukraine, mais contre l’Europe et tout l’Occident ». « Quiconque est du mauvais côté, se fait le collaborateur des régimes dictatoriaux » a déclaré sans ambages Mme Meinl-Reisinger aux députés du FPÖ. Il est vrai que le FPÖ ne cache pas sa proximité avec le Kremlin. En 2016, le parti avait signé un accord d’amitié avec Russie unie, le parti du président russe Vladimir Poutine. Une alliance qui n’a pas été sans conséquences pour le FPÖ, lequel avait vu son image ternie par un scandale mettant en scène une pseudo nièce d’un oligarque russe et qui avait fait éclater l’union des droites formée avec l’ÖVP (2017-2019).

Législatives l’année prochaine

Un mouvement qui pourrait pourtant revenir aux affaires de l’Etat. En filigrane de ces protestations, les futures élections législatives prévues en 2024. Selon les résultats d’un sondage publié par le magazine autrichien Profile le 11 mars, le Parti de la Liberté reste le mouvement politique qui est actuellement le plus populaire du pays (soutenu par 28 % des personnes interrogées). Actuellement au pouvoir, l’ÖVP ne recueille à peine que 22%, loin devant les Verts (leurs nouveaux alliés au sein d’une coalition formée en 2019) qui ne recueillent que 10%, talonnés de près par les sociaux-démocrates (SPÖ) qui totalisent à eux seuls 24% des sondés.

École des riches, École des pauvres

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L'enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli (photo), bien connu des lecteurs de "Causeur" D.R.

Notre collaborateur, en pleine rédaction d’un ultime essai sur l’École à deux vitesses, qui s’intitulera École des riches, École des pauvres, nous en propose quelques bonnes feuilles — afin que les critiques de nos lecteurs l’aident à affiner sa pensée…


Les vingt dernières années se caractérisent par une prolétarisation de la classe moyenne, qui faisait tampon et s’accrochait, via diverses stratégies d’évitement, à l’illusion que ses enfants échapperaient à la Fabrique… Ses représentants avaient juste assez de connaissances — obtenues dans le système éducatif antérieur — et d’entregent pour obtenir une dérogation sur la carte scolaire, choisir les bonnes options (latin jadis, puis maths, allemand, coréen çà et là) garantes dès la Sixième de classes de niveau discrètes, malgré la doxa du collège unique, et à moyen terme d’une orientation vers un lycée où existaient ces filières. Et assez d’argent pour payer quelques cours particuliers, ou financer un voyage scolaire à prétexte linguistique par an.

Glissement social vers le bas

C’était l’époque d’un PS social-démocrate et d’un RPR / UDF dominateur et sûr de lui. Les suffrages de la classe moyenne — 70% de la population, quand même — se partageaient alors équitablement entre gauche raisonnable et droite discrète. Paupérisée, elle incline aujourd’hui en grande partie vers le RN, et partiellement vers LFI. Elle glisse vers les extrêmes. Elle laisse aux retraités et aux cadres très supérieurs le privilège douteux de voter pour l’extrême-centre, dont Macron, depuis sept ans, est le représentant le plus illustre. Elu par des retraités issus du baby-boom, on comprend qu’il suscite l’ire de ceux qui ne le sont pas encore.

Quant aux jeunes et aux communautaristes divers, ils s’abstiennent ou optent pour des modes d’opposition plus radicaux.

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Désormais, l’Education nationale est nue. Les seuls établissements qui caracolent toujours en haut des classements sont une poignée d’écoles — privées ou publiques — installées dans les beaux quartiers. Toutes les autres, publiques ou privées, sont intellectuellement et socialement paupérisées.

Le sentiment de la dépossession et du glissement social vers le bas commence à l’orée des années 2000. Peut-être explique-t-il le succès de la « première époque » de La Fabrique du crétin (2005). J’avoue mon étonnement (et ma naïveté) devant la dissonance entre l’audience du livre (125 000 exemplaires vendus) et l’immobilisme du système : malgré les analyses avant-gardistes d’élites intellectuelles averties (Jean-Claude Michéa par exemple), le noyau dur de la classe moyenne n’avait pas encore réalisé qu’il plongeait inexorablement vers une paupérisation accélérée ; il en avait le sentiment sans en avoir encore toutes les preuves ; quant aux dirigeants, ils s’en fichaient pas mal. Le Protocole de Lisbonne (2000) qui promettait un avenir doré à 10% des enfants — ceux des oligarques au pouvoir — et considérait les 90% restants comme la future variable d’ajustement d’un système libéral en voie d’ubérisation rapide, n’était pas encore entré dans les consciences, chacun s’illusionnant sur la capacité de ses enfants à dépasser la situation de leurs parents — alors que pratiquement ils sont voués à une destinée sociale bien plus incertaine, ne serait-ce qu’en fonction d’un accès à la propriété immobilière désormais hors de portée, et d’un goulet d’étranglement des meilleures filières dans le supérieur.
Les illusions sont désormais perdues. C’est ce qui explique le vrai succès de la Fabrique du crétin, « seconde époque » (2022). Il a fallu 17 ans à la classe moyenne paupérisée pour comprendre qu’elle ne pesait plus rien, et qu’on traitait déjà ses enfants comme de futurs consommateurs de biens à obsolescence programmée, de programmes télévisés débiles, de pseudo-libertés médiatiques sur les réseaux sociaux, et de pizzas surgelées.

Pays moribond

Les « bons » établissements, dont la liste occupe les pages des journaux à chaque début de printemps — et peu importe que leur distinction soit méritée ou indue — sont des havres scolaires mis en épingle pour faire rêver ces ex-petits bourgeois qui n’ont plus aucune chance d’y inscrire leur progéniture. Il faut des programmes autoritaires, comme la procédure Affelnet à Paris, pour qu’une petite part des exclus accède à ces îlots d’élite, et rejoigne ceux qui y sont « naturellement », moins par qualité intrinsèque que par domiciliation. À remarquer que cette réforme, qui n’a pour le moment montré que des aspects positifs, ne touche pas le privé, qui peut continuer à sélectionner sur dossiers et ressources financières.

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La « carte scolaire », inventée en France en 1963, et imposée peu à peu via la création des CEG (Collèges d’enseignement général) et les CES (Collèges d’enseignement secondaire), visait à brasser les populations. Dans les faits, elle a réussi le contraire. Né en 1953, j’ai bénéficié du système antérieur, dit « en quartiers d’orange », où quand vous habitiez dans des périphéries douteuses, vous alliez en sixième dans des lycées de centre-ville. C’est fini: désormais, quand vous habitez le ghetto, vous allez au collège du ghetto, et au lycée construit tout à côté. Des établissements sociologiquement purs : si par hasard subsistent là quelques familles aisées, elles ont recours au privé — ou au piston. Un système de filtres successifs assure aux « héritiers » des beaux quartiers un entre-soi de qualité. Que ces jeunes gens bien nés passent aux yeux des enseignants pour de « bons élèves » qu’il ne faut surtout pas confronter aux voyous de la périphérie est une vilaine plaisanterie témoignant du manque de qualité de professeurs qui se satisfont d’enfants conformes et conformistes, à ne pas mettre en concurrence avec ceux qui n’ont pas les codes, mais qui ont parfois des aptitudes bien supérieures. J’y reviendrai. Mais la source de notre enseignement à deux vitesses est dans cette dissociation, entérinée par le système, entre les « fils et filles de » et les enfants de personne. Mais qui ne voit qu’à fonctionner ainsi, nous nous privons de nombreux talents, et d’un renouvellement des cadres qui redonnerait vie à un pays désormais moribond. Le parti politique qui se saisira de la question gagnera la prochaine guerre, parce qu’il ramènera les déclassés devant les urnes.

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Euthanasie: l’onction des ploucs

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Thierry Beaudet, le président du Conseil Économique Social et Environnemental, s'exprime devant la convention citoyenne sur la fin de vie, Paris, 9 décembre 2022 © Aurélien Morissard/POOL/SIPA

72% des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie se sont prononcés en faveur du suicide assisté, et 66% pour l’accès à l’euthanasie. Tout se déroule comme prévu, et le pouvoir pourrait logiquement rapidement envisager l’aide à mourir tel un soin comme un autre.


Dans le paradigme libéral dans lequel nous vivons, il y a deux sortes de libéraux : ceux qui réfléchissent – ou questionnent, dans leur langue, cette même langue qui ne connaît d’ailleurs pas de problèmes mais seulement des sujets – sur ledit paradigme et ceux qui ne le font pas. Les seconds sont beaucoup plus nombreux que les premiers. Pour eux, tout va de soi : la représentation, l’économie de marché, la mondialisation, l’Union européenne, l’immigration, le développement personnel, la-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes, Bilal Hassani, Pfizer, l’Ukraine… Ils croient – et c’est là leur unique croyance, même si c’en est donc, le plus souvent, une par défaut – que tout – l’être, la foi, la sexualité, la politique, les nations, les civilisations – change en permanence et que l’Homme doit s’adapter ou disparaître.

Pourquoi une convention citoyenne?

Empêcheurs de changer en rond, les gilets jaunes en savent quelque chose. Leur critique de la démocratie représentative n’était pas la moins « démagogique » parmi toutes celles qu’ils beuglèrent – car c’étaient des animaux – dans le chaos – car ils étaient incapables de s’organiser. Politiciens, éditorialistes, comédiens subventionnés, membres d’associations ne représentant qu’eux-mêmes – l’omnipotence de ces dernières est un trait supplémentaire de notre américanisation en cours dans une logique utilitariste étrangère à notre conception du bien commun –, personnalités qualifiées issues des fameux corps intermédiaires, les obligés du système dont les plus chanceux vont asseoir leurs fesses au CESE – trouve-t-on à travers les siècles une institution à la fois plus inutile et plus clairement clientéliste ? –, tous dirent bien que la démocratie représentative était l’unique forme de gouvernement possible, et que seuls les fertiles esprits des membres du parlement pouvaient inventer des lois. Pour diriger « la marque France », il faut des professionnels. On ne va tout de même pas confier à ces cons qui regardent Hanouna des débats sur la flat tax ! Et, pire encore, sur les sujets de société ! Imaginez ce qu’elles deviendraient, nos « valeurs », entre les mains du beauf consanguin et ses « pulsions » ! Ce serait le retour de la peine de mort pour les assassins d’enfant, le retour au bled pour les délinquants et criminels étrangers, les djihadistes « français » à demeure en Syrie, la ruine de McKinsey en France, une télévision publique dont les journalistes n’accueilleraient pas Marine Le Pen avec des mines de croque-morts sous Lexomil et un exemplaire annoté de Mein Kampf dans leur poche.

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Macron est l’assurance-vie des classes dominantes et, subséquemment, de la démocratie représentative. L’idée de « conventions citoyennes » formées de citoyens tirés au sort est étrangère au macronisme. Alors, pourquoi en fait-il ? Car il y a déjà eu celle sur le climat, et la réponse est déjà là. En effet, Macron n’avait rien à perdre politiquement dans l’opération ; le thème faisait consensus, les conclusions étaient acquises ; et c’était tout bénéf pour la chose qui compte le plus, à savoir l’image. Il n’y avait rien à craindre non plus d’une « convention citoyenne » sur « le droit de mourir dans la dignité », c’est-à-dire l’euthanasie dans une langue mâle. Tous les milieux autorisés sont pour, pas un journaliste n’est contre, et même le pape, après s’être chauffé sur les migrants, serait bien capable d’approuver. Tous les sondages disaient les Français majoritairement favorables à cet énième droit ; ça tombait bien, le président l’était aussi. Alors on a fait cogiter ces braves citoyens, pour une fois invités à le faire en dehors des campagnes électorales, et, entre deux séances en amphi, on leur aura probablement fait faire, comme les pauvres manager dans leurs formations, des dessins et noter des trucs sur des post-its, dans une atmosphère studieuse mais toujours « bienveillante ».

Le Progrès ne connait que l’offensive

Le gouvernement a donné finalement peu de publicité à cette « convention citoyenne », sans doute fatigué d’avance par le SAV et empêtré dans cette réforme des retraites qui obsède logiquement les agents du système – pour les matérialistes, il n’est d’autres vrais sujets que les socio-économiques. Les conventionnels ont donc dit oui à 72% au suicide assisté, à 66% à l’euthanasie et, généreux, tant qu’à faire, ils ont aussi accordé ce droit aux… mineurs, peut-être les mêmes qui changent actuellement de sexe à huit ou douze ans, soumis qu’ils sont à une propagande de chaque instant, pourchassés jusque dans leurs écoles par les lobbys les plus sordides. Voilà, les citoyens vont pouvoir rentrer chez eux, « des souvenirs pleins la tête » ; certains tenteront de faire fructifier le réseau qu’ils auront tressé à table à Paris ; d’autres conserveront dans un tiroir quelque accessit distribué à la fin par un huissier marmoréen. Maintenant, une loi va suivre.

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Et sur le fond ? La logique est imparable. L’euthanasie est conforme à la dignité de l’Homme d’après l’Homme, de celui dont une sénatrice veut carrément faire de… l’humus. Gender fluid, cismachin, crémation, en attendant les puces et de nouvelles hormones : nous ne sommes que de la matière humaine, modelable, utilisable, réformable à l’envi. Tout ça était écrit ; ce glissement prodigieux vers le néant a d’évidentes origines philosophiques, des manifestations claires et des agents bien connus. L’IVG, l’abolition de la peine de mort, l’immigration extra-européenne pléthorique et continue, l’IMG, l’antispécisme, « sauver la planète » : tout participe du même mouvement – le mouvement propre au libéralisme. L’euthanasie s’ajoute. Et c’est sur ces questions-là, vitales, que l’on débat le moins, de moins en moins en tout cas. Partout où de grands principes sont requis, où c’est l’anthropologie qui point, on fonce, on agite quelques « valeurs », on exige un droit ou un passe-droit – vitesse, moraline et justice sont les trois mamelles du Progrès –, et on obtient ce dernier.

Sur le fond, je ne saurais dire mieux que ne l’a fait Houellebecq dans une superbe tribune dans Le Figaro, en 2021. Je me permettrais juste d’insister sur le fait que la loi à venir est non seulement accablante en soi mais aussi parce qu’elle s’inscrit donc dans une dynamique, et que ce sont les rouages de celle-ci qu’il faut creuser plutôt que, comme le font trop souvent les gens de notre camp, en tout cas ceux invités sur les plateaux télé, son écume. Et se dire libéral et conservateur c’est comme se dire escort et bonne sœur. Il faut choisir. Se contenter d’être de droite, c’est déjà renoncer. Après, je concède ne pas savoir comment on change de paradigme. Notre situation est inédite dans toute l’histoire humaine. Tout va trop vite. Chaque mois amène sa nouvelle –phobie, son nouvel –isme, sa nouvelle tendance venue de l’université ou du métro de New York. La propagande est partout. Il faut vraiment que la vie soit passionnante, l’amitié toujours présente, l’amour toujours trompeur, que l’existence draine tant de passions pour ne pas devenir fou. Par principe, le Progrès ne connaît que l’offensive.

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La loi sur l’euthanasie en est une. Sa fabrication originale est moins un fait politique que de communication ; l’onction des ploucs peut avoir du bon quand elle est bien mise en scène. Avec cette loi, comme avec la constitutionnalisation à venir de l’IVG, le parti du désordre raffermit son emprise, brûlant ses vaisseaux avec l’ancien monde qu’il veut voir périr avec ses habitants. Il n’y a plus de place pour les sentiments.

Macron II ou la gouvernance Groland

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D.R.

Un président cul-cul la praline qui se livre dans Pif Gadget. Un ministre pan-pan cul-cul qui se lâche dans Têtu. Et Marlène, la divine, qui nous fait dans Playboy crac boum hue mais pas cul-cul nu ! Pour échapper aux french-cancans, Macron se casse en Chine pour se faire un riz cancantonnais. Pas sûr que tout ça rassure le citoyen, ou relance la machine… Mais avec Macron et ses sous-doués, c’est la fête à neuneu et ça, au milieu du chaos: c’est un bien précieux. En vue des JO, à défaut de voir un c**, au moins on a des champions !


Quel talent! Au plus haut-sommet de l’Etat, on n’a jamais autant parlé de cul. Mais à tout seigneur tout honneur ça démarre avec le patron himself. Dès le début de son mandat il place la barre très haut. Il déboule un soir sur scène, choppe le micro pour dire à la France entière qu’un certain Mathieu Gallet n’est pas son amant. A un pays pour qui « gallet » n’est qu’un savon ou un caillou lisse propice aux ricochets. Il remet ça avec Benalla, démentant rencontrer son garde du corps de cinq à sept alors que personne ne lui demande l’heure, et encore moins sa montre. Ne revenons pas sur son coup de chaud à Saint-Martin… Dans le sillage de ces macronades, les macronistes reçoivent le message 5/5. On va se lâcher.

Griveaux. Mon idole. Les gilets jaunes pouvaient défoncer la porte de son ministère, la prendre à la tronçonneuse, même pas il les calculait. Il était au téléphone. Et quand mon neveu Benjamin téléphone il ne fait pas semblant. Il est à fond dans le sujet. Et si le téléphone pleure, les kleenex ce n’est pas fait que pour les couillons en jaune qui chialent à cause des lacrymogènes. Si Macron lui avait refilé le téléphone diplomatique, l’Europe n’en serait pas là. Avec lui le bonheur était simple comme un coup de fil.

Abad the bad. Macron a le pif pour recruter. Quand il a voulu se faire LR il a pris son temps pour renifler le terrain et tâter les transfuges potentiels. Avec sa truffe infaillible il a levé un drôle de gibier à plume. Le piou-piou Damien pour le kid d’Amiens. Un beau tableau de chasse mais en voyant tout LR pris d’un fou rire, le kid comprend que cet Abad a plus d’une cartouche dans l’aile.

A relire, Blanche de Mérimée: Pif paf pouf

Cayeux. Vous m’avez eu avec Abad mais j’ai des ressources. Je vais vous faucher Cayeux. Hein, alors on fait plus les malins là? Pourquoi ils rigolent encore ces cons? Là on est en plein dans le paradoxe Macron. Son univers où le nord est à l’ouest, où à coups de en même temps on n’y comprend jamais rien. Son gouvernement et son environnement politique comptent, en proportion, plus de pacsés et de mariés du même sexe que la rue du Temple dans le Marais. Et pourquoi pas, d’ailleurs si c’est les meilleurs. Et il va se chercher une dinde farcie de la droite catho qui n’a pas attendu Thanksgiving pour se prendre les pattes dans la nappe de l’homophobie.

Dussopt le stop and go. La pépite, un podium assuré. Le Mister nobody du gouvernement. Tout le monde le découvre avec le projet de loi sur la retraite. Et découvre l’incompétence incarnée, la prétention décomplexée d’un homme pas aidé par une oralité de canard décongelé au micro-onde. Devenu par ses talents conjugués une belle tête de turc, il va nous verser deux litres de larmes dans Têtu pour dire qu’on ne l’aime pas parce qu’il est homo. Il y a deux heures personne ne le connaissait. Quel athlète!

Les hommes préfèrent les… Sa foulée de gazelle met le feu au stade. Qu’elle finisse dans Playboy quoi de plus normal, rien de plus naturel. Au diable les jalouses, la Borne coincée dans son code de la route. La Marlène embarque dans le cockpit de tous les routiers, enroulée dans son drap de couette. Des photos oui, mais jamais sans son drap. Non! On ne la voit jamais à poil? Non. Par contre il y a 12 pages consacrées à ses pensées les plus profondes. Merde! Même pas un nichon? Non, sa réflexion sur la condition féminine, ses solutions blablabla etc… N’importe quoi! Sa philosophie, ça vaut pas un pichet de cidre, alors que sa plastique c’est du Botero, du Toulouse-Lautrec aller-retour, de la bombe.

Pif paf pim pam poum. En attendant le prochain champion, le Conseil des ministres se délocaliserait rue Thérèse. Dans un haut-lieu de la gymnastique républicaine. Nos athlètes ont maintenant besoin de se consacrer à fond à leur discipline, à l’abri des regards et des curieux. Les J.O. s’approchent à grands pas, on compte sur vous les gars! Allez la France!

Macron désormais honni presque mécaniquement

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Le président Macron au Touquet, 19 juin 2022 © Maxime Le Pihif/SIPA

Pitié pour le président de la République!


Ces derniers temps, au sujet de l’hostilité systématique que le président de la République semble inspirer, je songe au mot sarcastique de Philippe Séguin sur Edouard Balladur : « Même s’il faisait quelque chose de bien, je ne suis pas sûr qu’il descendrait dans les sondages… » Je peux comprendre que sur le plan politique il suscite une forte opposition. Il est clair que son comportement personnel, ce que d’aucuns qualifient d’arrogance, n’est pas majoritairement apprécié. Ce qui me gêne est le caractère obsessionnel de cette dénonciation, comme s’il était devenu impossible de trouver dans la moindre de ses actions, dans n’importe lequel de ses projets, de quoi contenter le citoyen. Pire, comme si on n’avait même plus le droit sinon à la nuance du moins à une approche à peu près équilibrée de sa personnalité aux prises avec un second mandat difficile alors que le premier déjà n’avait pas été de tout repos.

À dire vrai, je dois être le premier à me repentir dans la mesure où il m’arrive, à partir d’une critique légitime de ses œuvres, de sa faiblesse régalienne, de ses défaillances démocratiques et de ses erreurs, graves ou non, d’en rajouter comme s’il était interdit à son égard de faire preuve de mesure.Comme si paradoxalement il était d’autant plus coupable qu’il s’était fait réélire, certes dans des conditions républicaines inachevées, et qu’il quittera la scène politique nationale en 2027. On aurait pu supposer que cette échéance, si elle allait naturellement libérer un certain nombre d’ambitions, apaiserait l’ire à l’encontre d’Emmanuel Macron. Pourtant on n’y arrive pas. Je ne m’empêche pas assez.

On ne peut pas qualifier le président d’”ordure” sur Facebook

Il faut ne rien retenir à sa décharge. Le sentiment dominant dans le pays est une sorte de détestation dont on se débarrasse trop vite en affirmant que le président en est exclusivement responsable et que tout est alors permis à son encontre. Ce qui est une injustice et une absurdité. Convenons qu’il a parfois mis du sien dans cette approche dont il pâtit. Un certain nombre de ses attitudes et de ses propos n’ont pas été conformes à la dignité présidentielle et lui ont été renvoyés, tel un boomerang, à l’occasion de mises en cause de quelques citoyens exaspérés ou insultants ayant dépassé les bornes.

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L’exemple récent de cette femme qui sur Facebook l’a traité « d’ordure » est éclairant. Elle est poursuivie et sera sans doute condamnée. Mais j’imagine que son avocat, faute de pouvoir plaider la provocation stricto sensu, invoquera quelques grossièretés sorties de la bouche du président pour s’efforcer de justifier cette insulte. L’argumentation ne prospérera peut-être pas mais il est déjà symptomatique qu’on puisse faire état de ce possible moyen de défense.

Ses ministres ne parviennent pas à le délester d’un peu de la vindicte

Il n’empêche que, pour continuer dans le registre de ma contrition – j’aspire à savoir m’arrêter au plan politique et à ne pas tomber dans une exaspération plus instinctive que partisane et argumentée -, je me suis surpris plusieurs fois, dans les Vraies Voix sur Sud Radio, face à mon amie Françoise Degois si constamment socialiste, à ne même pas oser mettre en avant l’intelligence et la singularité du président, comme si mon regard politique devait emporter le déni des qualités pourtant indiscutables du président.

Cette configuration d’un président honni presque mécaniquement – ce qui lui permet de proférer ce poncif qu’il a à accomplir son devoir et à subir des avanies pour le bien de la France – est d’autant plus préjudiciable qu’il n’est pas entouré que de conseillers ou de ministres d’un modeste niveau mais qu’en tout cas aucun d’eux n’est capable d’assumer une part de la vindicte pour l’en délester si peu que ce soit.

J’en arrive enfin à ce qui m’a toujours frappé chez Emmanuel Macron. Il a sa nature, son tempérament, il aura beau faire, il n’en changera pas. Je suis convaincu – c’est mon désaccord avec ses ennemis compulsifs – que sa lucidité sur lui-même n’est pas absente, qu’il s’efforce d’offrir, partout où il passe publiquement, le meilleur de soi mais que son être est le problème. Comme si une authentique modestie ne parvenait jamais à se rendre visible. Comme s’il nous condamnait à lui trouver, trop souvent, un air supérieur. Et ce n’est pas sa faute véritablement. Je renvoie à mon billet du 1er septembre 2022: « Apologie d’un président qui ne pourra pas changer… »

En politique, dans une démocratie, le citoyen a tous les droits. Contester comme approuver. Mais c’est à cause de ces autres éléments, dont je prends ma part, que je demande pitié pour le président.

Makine: comme un roman d’amour

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Andreï Makine © crédit photo : JF Paga

Tout le talent d’Andreï Makine, en conjuguant nostalgie et quête amoureuse, apparaît de nouveau dans son dernier roman, L’ancien calendrier d’un amour (Grasset).


L’Ami arménien, le précédent roman d’Andreï Makine (1957), touchait juste par une nostalgie exempte de toute sensiblerie. Un autre roman, particulièrement réussi, L’Archipel d’une autre vie, mettait en scène la fuite éperdue d’un couple de proscrits, qui échappait à la tyrannie par le recours aux forêts. Avec L’ancien calendrier d’un amour, Makine opère une synthèse entre nostalgie et quête amoureuse. 

Sous le signe de Nabokov

Avec lui, nous traversons le terrible vingtième siècle russe en compagnie de Valdas Bataeff, fils d’un avocat libéral de la fin du tsarisme et d’une baronne balte. Poète, cadet de l’Armée impériale jeté dans la guerre civile et donc garde blanc de l’Armée Wrangel, il connaît les tueries révolutionnaires, l’exil à Constantinople, puis à Paris, comme chauffeur de taxi, et enfin à Nice, comme bien des Russes blancs, dont il incarne, dans ce roman elliptique, la figure quasi archétypale. 

Mais Valdas a un secret, double : celui d’amours rêvées d’une part, ou bien charnelles mais brisées net de l’autre. Soit l’exquise Kathleen, jeune fille de la grande bourgeoisie rencontrée dans le Yalta ensoleillé de l’été 1913, fiancée émigrée à Stockholm et perdue, qui fait songer à la Machenka de Nabokov.  

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Quelques années plus tard, juste avant le grand exode des Blancs quittant la Crimée, Taïa, contrebandière de tabac, qui se sacrifie pour son jeune amant pourchassé par les Rouges. Toute sa vie durant, Valdas vivra dans le souvenir fidèle de cette fille du peuple. 

Jeu avec le temps

Sa courte histoire d’amour, qui lui permet de survivre à soixante-dix ans d’exil, dure quelques jours, dans une parenthèse temporelle enchantée, quasi onirique et dépeinte avec maestria. Plus ou moins au même moment, la Russie change de calendrier, passant du calendrier julien de l’époque impériale au grégorien de la nouvelle patrie des travailleurs. En exil, Valdas connaîtra quelques femmes, elles aussi des archétypes d’émigrées russes. 

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Ce roman étrange et beau est pour Makine l’occasion de décrire la condition d’étranger absolu, nulle part à sa place mais survivant toutefois dans une patrie intérieure grâce à un amour partagé à l’écart du temps. Sa capacité à faire entendre par quelques notes la musique d’une vie fait de Makine l’un des grands compositeurs d’aujourd’hui. 

Andreï Makine, L’ancien calendrier d’un amour, Grasset, 192 pages.

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Colette à toutes les sauces

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Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette (1873 - 1954) © MARY EVANS/SIPA

Pour fêter les 150 ans de l’auteur du Blé en herbe, le recueil de textes Paris, je t’aime ! aux éditions de L’Herne est une belle entrée en matière


On n’en peut plus. Nous sommes gavés depuis le début de l’année. L’estomac chargé à bloc, le trop-plein nous guette. En magnet, en replay, en fiche « cuisine », en vignette Panini ou en tattoo, Colette, née le 28 janvier 1873, se vend à la découpe pour son 150ème anniversaire. Tout est bon à commercer avec ce nom qui fit vendre, par le passé, des millions de livres sans en lui rapporter vraiment beaucoup.

La légende brouille les écrits

Colette en ballon dirigeable, en comédienne dépoitraillée, en maquilleuse fauchée, en déménageuse frénétique, en VRP des « Claudine », en villageoise interdite, en bourgeoise sans dot, en mémère à chat du Palais-Royal, en faune roulant les « r » bourguignons, en baronne aux fourneaux, en féministe-arriviste des tréteaux, en amoureuse d’Oncle Max, en épouse avertie donc méfiante, en fille de capitaine ruiné ou en chromo de la Belle Époque, de Saint-Sauveur à l’Académie Goncourt, dans l’œil de Sido ou de Willy, elle aura enfilé tous les châles de l’existence. La publicité a toujours précédé ou suivi l’onde de son œuvre. Son image rabotée pour cadrer dans la légende finit par brouiller ses écrits. La lit-on, encore aujourd’hui ? Elle sert le plus souvent de porte-étendard ou de porte-manteau pour des idées qu’elle n’avait pas, c’est la rançon du succès.

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On l’affuble de toutes les marottes modernes, elle serait, tour à tour, et en même temps, soumise et émancipée, libérée et neurasthénique, sensuelle et perverse, affabulatrice et insatiable, victime et avide, ayant le sens des affaires et la cuisse légère. La gloire vous fait endosser autant de louanges que d’avanies. Y a-t-il une vérité ou plusieurs vérités Colette ? Les masques interchangeables ne sont-ils pas le privilège des auteurs, leur seule rente ? Alors, pour s’approcher du phénomène littéraire, goûter à sa prose verte et académique où s’entremêlent ardeurs physiques et prudences d’écolières, le recueil intitulé Paris, je t’aime ! aux éditions de L’Herne s’articule autour de textes judicieusement choisis, présentés et annotés par deux érudits de cette grande dame, Gérard Bonal disparu en 2022 et Frédéric Maget.

Eloge de la rondeur

Ces quelques chroniques donnent faim car on y voit tout le talent équivoque de Colette, sa sensibilité dans un gant de crin, l’éloge de la rondeur et de la jouissance maintenu par une fine bride de fer, une manière de tordre le réel pour le faire entrer dans son imaginaire. C’est, me semble-t-il, dans cette chaleur corsetée, ce plaisir chagrin, que la phrase de Colette s’infiltre en nous, à mi-chemin entre la rêverie nostalgique et la soif de revanche, entre le manuel du savoir-embrasser et les convenances.

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Pour accompagner ses réflexions sur la capitale, les auteurs ont recensé toutes ses adresses parisiennes, du 55, quai des Grands Augustins entre le 16 mai et 28 juin 1893 au 9, rue Beaujolais, au 1er étage, en 1954, l’année de sa disparition. Colette avait théorisé « les provinces de Paris », cette extraterritorialité sentimentale qui s’apparente à une Atlantide intérieure. « Soixante ans de Paris n’ont pas fait de moi autre chose qu’une provinciale en quête, sur vingt arrondissements et deux rives de fleuve, de sa province perdue » écrit-elle. Cette déclaration douce-amère à la ville lumière avait pourtant mal démarré. « Comme beaucoup de grandes amours, celui que je porte à Paris a commencé par l’aversion », on dirait du Guitry ou du Jules Renard, c’est du Colette. « A quel moment ai-je découvert que Paris n’existait pas, qu’il n’était qu’un amalgame de provinces liées par le plus ténu des fils conducteurs, qu’il m’était loisible d’y reconstituer la mienne ou toutes celles que mon imagination choisirait d’y délimiter ? » poursuit-elle dans cette veine qui lui est propre, l’affirmation de soi par l’exploration du passé. Et puis, on se délecte de sa chronique du 27 janvier 1939 sobrement titrée « J’aime être gourmande ».

Tartine de beurre et homard grillé

On souscrit à son bon sens paysan. Elle nous avertit qu’« en matière de cuisine, l’inspiration n’a jamais valu grand’chose ». « Un bon plat est l’affaire, avant tout, de modération et de classicisme » explique-t-elle pour avouer : « Mon estomac, remarquablement conservé, est celui d’une bourgeoise gourmette et gourmande ». Et je vous laisse méditer cette sentence finale : « Le vrai gourmet est celui qui se délecte d’une tartine de beurre comme d’un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri ».

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