La tuerie du 27 mars, dont l’auteur était un homme trans, a donné naissance à une controverse aux États-Unis qui ne porte pas uniquement sur la légalité de la possession d’armes à feu. Certains commentateurs y voient le signe d’une radicalisation violente du mouvement trans. L’annonce d’un « Jour de vengeance trans », une manifestation qui devait avoir lieu devant les locaux de la Cour suprême à Washington DC le 1er avril mais qui finalement a été annulée, constituerait un autre signe de l’extrémisme montant des militants du genre.
Après le massacre commis le 27 mars dans une école privée chrétienne à Nashville (Tennessee) par un « homme trans » de 28 ans, appelé Audrey Hale mais utilisant des pronoms masculins et parfois le prénom masculin « Aiden », un débat très tranché s’est immédiatement installé outre-Atlantique. D’un côté, des Démocrates et/ou des pro-trans qui affirment que la cause première de la tuerie est le libre accès aux armes à feu aux Etats-Unis. De l’autre, des conservateurs qui maintiennent que la cause est plutôt la radicalisation violente d’un certain nombre de personnes trans. Lors d’une conférence de presse tenue peu de temps après l’événement tragique, le chef de la police locale a révélé que l’auteur du crime avait laissé chez elle des écrits, dont un plan détaillé de l’école et ce que le policier a appelé un « manifeste ». L’usage d’un tel mot suggère non seulement que Hale avait tout un programme qu’elle cherchait à accomplir mais aussi que son crime avait une dimension politique. Un représentant républicain du Tennessee, Tim Burchett, a réclamé la publication de ce manifeste pour qu’on puisse mieux connaître l’état d’esprit de Hale. Des défenseurs de la cause trans s’y sont opposés, prétextant le risque que cela inspire des imitateurs. La police a finalement annoncé que le document serait divulgué à la longue, une fois que le FBI aura fini de l’analyser.
#TransTerrorism
Il est possible que les tergiversations des autorités concernant la publication du « manifeste » soient motivées par le désir de ne pas laisser penser que l’acte de Hale fait partie d’une véritable campagne de vengeance des trans contre les nombreux lois et projets de loi promulgués ou débattus par les législatures des différents Etats afin de limiter notamment les transitions de genre parmi les mineurs. Immédiatement après la tuerie, le hashtag #TransTerrorism s’est répandu sur Twitter, et Donald Trump Jr a tweeté que l’acte de Hale était le résultat de la propagande trans (« gender affirming bullshit »). En même temps, un groupe radical trans, le Trans Resistance Network, dont la mission est de faciliter « la survie à long terme et le bien-être de personnes de genres divers dans un environnement plus extrême », a publié une déclaration expliquant le massacre par « une véritable avalanche de législation anti-trans » qui constitue « rien de moins que l’éradication génocidaire des personnes trans de la société ». Le document, retweeté et commenté par Andy Ngo, l’auteur d’une enquête incontournable sur les Antifa (Démasqués – Infiltré au coeur du programme antifa de destruction de la démocratie), se termine par ce qui semble être un avertissement sinistre : « La haine a des conséquences ».
Il est peut-être significatif que l’Etat où la tuerie a eu lieu, le Tennessee, venait de promulguer, le 2 mars, une loi limitant l’accès des personnes mineures à ce qu’on appelle les « soins d’affirmation de genre ». Cet euphémisme désigne le recours aux traitements hormonaux, aux bloqueurs de puberté et à la chirurgie qui permet de soigner la dysphorie de genre. Depuis 2021, quand l’Etat d’Arkansas a légiféré pour limiter l’accès des enfants à ces soins, de nombreux autres Etats ont imité cet exemple, soit par des lois, soit par des ordres exécutifs. Dans un grand nombre de cas, l’action de ces lois est actuellement entravée par des contestations judiciaires, tandis que l’État fédéral, résolument pro-trans, essaie de contrer ces mesures. Le site pro-trans, Trans Legislation Tracker, qui dénombre tous les projets de lois en cours et toutes les lois qui restreignent l’accès aux soins ou à des espaces et aux compétitions sportives normalement réservées aux femmes, a repéré 174 projets de loi en 2022, dont 26 ont été promulgués. Dans le langage hyperbolique caractéristique des militants du genre, le site décrit cette législation comme une manière de priver les trans du « droit d’exister publiquement ». Le problème ne se résume pas au choix entre « les trans OU les armes à feu », mais s’étend au danger potentiel que représentent « des trans AVEC des armes à feu », enflammés par cette rhétorique incendiaire des militants.
Le grand soir arrive-t-il ?
Quelques heures à peine après le massacre, Josselyn Berry, l’attachée de presse de la gouverneure démocrate de l’Arizona, Katie Hobbs, a tweeté le GIF d’une femme tenant deux pistolets (il s’agit de Gena Rowlands dans le film Gloria de John Cassavetes de 1980) avec la légende : « C’est nous quand on voit des transphobes ».
Capture d’écran d’un tweet aujourd’hui supprimé reproduite par The Daily Mail
Suite au tollé provoqué, Berry a dû démissionner, mais l’exemple montre clairement les dangers de cette tendance hyperbolique chez les pro-trans. Où est la ligne de démarcation entre une « façon de parler » et une véritable incitation à la violence ? L’idée d’un « grand soir » où des trans armés se vengeraient de la société qui apparemment les persécute est suggérée par un événement portant le titre « Le jour de la vengeance trans » (Trans Day of Vengeance). Co-organisé par un collectif appelé « TRAN », autrement dit le « Trans Radical Activist Network », il devait avoir lieu samedi 1 avril et réunir des manifestants devant la Cour suprême à Washington. La semaine du 25 au 31 mars a été la « Trans Week of Visibility » (la Semaine de la visibilité trans) et le 31 mars le « Trans Day of Visibility ». La décision d’ajouter un jour de protestation et de remplacer la notion de visibilité par celle de vengeance semble irresponsable.
L’affiche mise en ligne pour annoncer « Le jour de la vengeance trans », le premier avril.
La page sur le site de TRAN qui annonce l’événement justifie le mot « vengeance » par les « quantités astronomiques de haine » dont les trans font l’objet et qui ont une incidence négative sur leur santé mentale. Niant tout désir de recourir à la violence dans cette protestation, la déclaration reste ambiguë, incorporant une citation de la militante trans, Sylvia Rivera, témoin des émeutes de Stonewall en 1969 : « Je me souviens : quelqu’un a jeté un cocktail Molotov, et je me suis dit, « Mon Dieu, la révolution est arrivée » ».
Suite à l’acte de Hale, les médias ont vivement critiqué la décision d’organiser un tel événement. Après avoir voulu obstinément maintenir l’événement, TRAN l’a finalement annulé le 31 mars. Le risque de dérapages violents a été suggéré par un autre événement organisé par la section de TRAN dans l’Etat de Virginie. Il s’agit d’une fête le 7 mars qui avait apparemment pour objectif de lever des fonds afin de subventionner des formations des trans au maniement des armes et à l’autodéfense.
Capture d’écran d’un tweet aujourd’hui supprimé reproduite dans The Daily Mail .
Aussi inflammatoire est la référence constante de ces militants à un « génocide » que la société est en train de perpétrer à l’égard des trans. L’affiche pour le « Le jour de la vengeance trans » enjoint à son public de mettre fin au « génocide des trans ». @OurRightsDC, un autre groupe derrière l’événement, a annoncé l’annulation dans un tweet qui explique que « des individus qui n’avaient rien à voir avec cet acte atroce [la tuerie de Nashville] ont fait l’objet de menaces très sérieuses et sont tenus pour responsables. Cela constitue une des étapes d’un génocide ». Il est évident que la notion d’un « génocide anti-trans », souvent justifiée par le prétexte d’éventuelles « détransitions » que les autorités s’apprêteraient à imposer aux trans, constitue, plus qu’une surenchère rhétorique, un mensonge abusif. Mais l’équation est évidente : puisqu’il y a un génocide, une vengeance – quelle que soit sa forme – est justifiée. Le risque d’une confusion entre une hyperbole et le passage à l’acte est clair.
La magie d’une formule
Le côté accrocheur de cette formule, « Trans Day of Vengeance », tellement plus entraînante qu’un simple « Day of Visibility », est évident. L’expression elle-même remonte à un EP par un groupe trans, G.L.O.S.S. (acronyme pour « Girls Living Outside Society’s Shit ») sorti en 2016 et acclamé par la critique spécialisée dans le genre hardcore punk. Le EP comporte non seulement une chanson éponyme, mais aussi un numéro qui renverse la fameuse injonction de John Lennon, « Give peace a chance » (Donnez une chance à la paix), puisqu’ici il s’agit de « Give violence a chance » (Donnez une chance à la violence). Combien de personnes trans ont écouté ces chansons en imaginant – certes, peut-être seulement dans leur esprit – une traduction de ces paroles en actes ? Apparemment, plus qu’on ne pense. Dans la foulée de l’annonce du crime de Hale, des tweets par des militants trans ont suggéré qu’ils étaient déjà armés et prêts à en découdre. Un compte, @TNDtracker, qui a été suspendu depuis, a posté un mème représentant, apparemment une femme trans armée d’un fusil d’assaut, au-dessus d’une légende poussant à l’assassinat violent des « christcucks », un terme péjoratif pour « chrétiens ». On se souviendra que la tuerie perpétrée par Hale a eu lieu dans une école chrétienne.
Capture d’écran d’un tweet aujourd’hui supprimé reproduite dans The Daily Mail
Une militante transgenre, Kayla (autrefois Adam) Denker, un ancien soldat selon The Daily Mail, a posté une vidéo après le massacre où « elle » charge un fusil d’assaut.
Dans d’autres tweets supprimés depuis, des personnes apparemment trans arborant des armes, affichent leur solidarité avec Hale. Dans l’un d’entre eux, Hale est présentée comme « un martyr » aux mains des « bigots chrétiens » qui « commettent un génocide » contre les trans qui ne feront preuve d’« aucune merci » à leur égard.
Capture d’écran d’un tweet aujourd’hui supprimé reproduite dans The Daily Mail
En plus des chansons de G.L.O.S.S., une imagerie violente est très présente chez les trans aux Etats-Unis. Des T-shirts montrant des armes à feu avec le slogan, « Trans rights… or else » (Des droits pour les trans… sinon) étaient vendus sur le site américain Amazon jusqu’à ce que des protestations suivant le massacre de Nashville n’entraînent leur suppression.
T-shirts qui se vendaient sur la plateforme d’Amazon aux Etats-Unis
Quand on pense maintenant au caractère ultraviolent des menaces contre une J.K. Rowling, peut-on être sûr qu’il s’agit de paroles en l’air ?
Souffrir le martyr
La fréquence chez les trans de cette imagerie quasi-apocalyptique correspond à une forme du complexe de martyr encouragé par les militants. Dans un article pour le média en ligne britannique, Unherd, Eliza Mondegreen propose une analyse très fine de ce phénomène et des risques qu’il présente : « Quand une communauté transforme le martyr en une mythologie, cette communauté va recruter des martyrs ». Car l’imaginaire violent chez les trans balance entre automutilation et suicide, d’un côté, et révolte armée de l’autre. Les idéologues et promoteurs du mouvement trans entretiennent un climat de peur où le transgenre lambda est facile à manipuler. Ce dernier est encouragé à démontrer son engagement dans la cause par la violence, qu’elle soit dirigée vers autrui ou soi-même. A cet égard, un tweet datant de février est typique, annonçant « plutôt la mort que la détransition ». L’ambiguïté est savamment cultivée entre le suicide et le meurtre.
« Vous serez noyé dans notre sang avant que nous ne renoncions à notre autonomie corporelle. Plutôt la mort que la détransition ».
Après la tuerie de Nashville, Twitter aurait supprimé plus de 5000 tweets au sujet du « Jour de la vengeance trans ». Combien de ces posts véhiculaient cette imagerie violente ?
Sur Fox News, le 28 mars, Andy Ngo a évoqué la fragilité mentale de beaucoup de trans – c’est certain dans le cas d’Audrey Hale – ce qui les rend plus ouverts à des suggestions conduisant aux passages à l’acte. Il a détecté aussi une présence importante des militants violents Antifa dans les rangs du mouvement trans: « un pourcentage disproportionné des membres des Antifa violents sont des trans ». C’est encore un facteur qui peut conduire à la radicalisation violente. Sommes-nous vraiment à la veille d’une véritable insurrection armée ? Certains massacres – en plus de celui de Nashville – ont été commis par des personnes trans : une fusillade dans une école à Denver, au Colorado, en mai 2019, et une autre à Aberdeen dans l’état de Maryland, en septembre 2018. Mais ces actes semblent relever plutôt de la fragilité mentale que d’un programme politique clairement défini. Le vrai problème, c’est que toute cette imagerie de génocide, de vengeance, de martyr et d’armes à feu peut influencer facilement une personne dans un état de détresse psychologique. Il suffit qu’une seule personne instable passe à l’acte pour qu’il y ait un massacre. Combien de jours de vengeance pareils nous attendent ?
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