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Euthanasie: l’onction des ploucs

Une convention de citoyens approuve le suicide assisté. Le président Macron doit annoncer ce lundi les suites qu'il entend donner à leurs réflexions


Euthanasie: l’onction des ploucs
Thierry Beaudet, le président du Conseil Économique Social et Environnemental, s'exprime devant la convention citoyenne sur la fin de vie, Paris, 9 décembre 2022 © Aurélien Morissard/POOL/SIPA

72% des membres de la convention citoyenne sur la fin de vie se sont prononcés en faveur du suicide assisté, et 66% pour l’accès à l’euthanasie. Tout se déroule comme prévu, et le pouvoir pourrait logiquement rapidement envisager l’aide à mourir tel un soin comme un autre.


Dans le paradigme libéral dans lequel nous vivons, il y a deux sortes de libéraux : ceux qui réfléchissent – ou questionnent, dans leur langue, cette même langue qui ne connaît d’ailleurs pas de problèmes mais seulement des sujets – sur ledit paradigme et ceux qui ne le font pas. Les seconds sont beaucoup plus nombreux que les premiers. Pour eux, tout va de soi : la représentation, l’économie de marché, la mondialisation, l’Union européenne, l’immigration, le développement personnel, la-lutte-contre-les-violences-faites-aux-femmes, Bilal Hassani, Pfizer, l’Ukraine… Ils croient – et c’est là leur unique croyance, même si c’en est donc, le plus souvent, une par défaut – que tout – l’être, la foi, la sexualité, la politique, les nations, les civilisations – change en permanence et que l’Homme doit s’adapter ou disparaître.

Pourquoi une convention citoyenne?

Empêcheurs de changer en rond, les gilets jaunes en savent quelque chose. Leur critique de la démocratie représentative n’était pas la moins « démagogique » parmi toutes celles qu’ils beuglèrent – car c’étaient des animaux – dans le chaos – car ils étaient incapables de s’organiser. Politiciens, éditorialistes, comédiens subventionnés, membres d’associations ne représentant qu’eux-mêmes – l’omnipotence de ces dernières est un trait supplémentaire de notre américanisation en cours dans une logique utilitariste étrangère à notre conception du bien commun –, personnalités qualifiées issues des fameux corps intermédiaires, les obligés du système dont les plus chanceux vont asseoir leurs fesses au CESE – trouve-t-on à travers les siècles une institution à la fois plus inutile et plus clairement clientéliste ? –, tous dirent bien que la démocratie représentative était l’unique forme de gouvernement possible, et que seuls les fertiles esprits des membres du parlement pouvaient inventer des lois. Pour diriger « la marque France », il faut des professionnels. On ne va tout de même pas confier à ces cons qui regardent Hanouna des débats sur la flat tax ! Et, pire encore, sur les sujets de société ! Imaginez ce qu’elles deviendraient, nos « valeurs », entre les mains du beauf consanguin et ses « pulsions » ! Ce serait le retour de la peine de mort pour les assassins d’enfant, le retour au bled pour les délinquants et criminels étrangers, les djihadistes « français » à demeure en Syrie, la ruine de McKinsey en France, une télévision publique dont les journalistes n’accueilleraient pas Marine Le Pen avec des mines de croque-morts sous Lexomil et un exemplaire annoté de Mein Kampf dans leur poche.

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Macron est l’assurance-vie des classes dominantes et, subséquemment, de la démocratie représentative. L’idée de « conventions citoyennes » formées de citoyens tirés au sort est étrangère au macronisme. Alors, pourquoi en fait-il ? Car il y a déjà eu celle sur le climat, et la réponse est déjà là. En effet, Macron n’avait rien à perdre politiquement dans l’opération ; le thème faisait consensus, les conclusions étaient acquises ; et c’était tout bénéf pour la chose qui compte le plus, à savoir l’image. Il n’y avait rien à craindre non plus d’une « convention citoyenne » sur « le droit de mourir dans la dignité », c’est-à-dire l’euthanasie dans une langue mâle. Tous les milieux autorisés sont pour, pas un journaliste n’est contre, et même le pape, après s’être chauffé sur les migrants, serait bien capable d’approuver. Tous les sondages disaient les Français majoritairement favorables à cet énième droit ; ça tombait bien, le président l’était aussi. Alors on a fait cogiter ces braves citoyens, pour une fois invités à le faire en dehors des campagnes électorales, et, entre deux séances en amphi, on leur aura probablement fait faire, comme les pauvres manager dans leurs formations, des dessins et noter des trucs sur des post-its, dans une atmosphère studieuse mais toujours « bienveillante ».

Le Progrès ne connait que l’offensive

Le gouvernement a donné finalement peu de publicité à cette « convention citoyenne », sans doute fatigué d’avance par le SAV et empêtré dans cette réforme des retraites qui obsède logiquement les agents du système – pour les matérialistes, il n’est d’autres vrais sujets que les socio-économiques. Les conventionnels ont donc dit oui à 72% au suicide assisté, à 66% à l’euthanasie et, généreux, tant qu’à faire, ils ont aussi accordé ce droit aux… mineurs, peut-être les mêmes qui changent actuellement de sexe à huit ou douze ans, soumis qu’ils sont à une propagande de chaque instant, pourchassés jusque dans leurs écoles par les lobbys les plus sordides. Voilà, les citoyens vont pouvoir rentrer chez eux, « des souvenirs pleins la tête » ; certains tenteront de faire fructifier le réseau qu’ils auront tressé à table à Paris ; d’autres conserveront dans un tiroir quelque accessit distribué à la fin par un huissier marmoréen. Maintenant, une loi va suivre.

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Et sur le fond ? La logique est imparable. L’euthanasie est conforme à la dignité de l’Homme d’après l’Homme, de celui dont une sénatrice veut carrément faire de… l’humus. Gender fluid, cismachin, crémation, en attendant les puces et de nouvelles hormones : nous ne sommes que de la matière humaine, modelable, utilisable, réformable à l’envi. Tout ça était écrit ; ce glissement prodigieux vers le néant a d’évidentes origines philosophiques, des manifestations claires et des agents bien connus. L’IVG, l’abolition de la peine de mort, l’immigration extra-européenne pléthorique et continue, l’IMG, l’antispécisme, « sauver la planète » : tout participe du même mouvement – le mouvement propre au libéralisme. L’euthanasie s’ajoute. Et c’est sur ces questions-là, vitales, que l’on débat le moins, de moins en moins en tout cas. Partout où de grands principes sont requis, où c’est l’anthropologie qui point, on fonce, on agite quelques « valeurs », on exige un droit ou un passe-droit – vitesse, moraline et justice sont les trois mamelles du Progrès –, et on obtient ce dernier.

Sur le fond, je ne saurais dire mieux que ne l’a fait Houellebecq dans une superbe tribune dans Le Figaro, en 2021. Je me permettrais juste d’insister sur le fait que la loi à venir est non seulement accablante en soi mais aussi parce qu’elle s’inscrit donc dans une dynamique, et que ce sont les rouages de celle-ci qu’il faut creuser plutôt que, comme le font trop souvent les gens de notre camp, en tout cas ceux invités sur les plateaux télé, son écume. Et se dire libéral et conservateur c’est comme se dire escort et bonne sœur. Il faut choisir. Se contenter d’être de droite, c’est déjà renoncer. Après, je concède ne pas savoir comment on change de paradigme. Notre situation est inédite dans toute l’histoire humaine. Tout va trop vite. Chaque mois amène sa nouvelle –phobie, son nouvel –isme, sa nouvelle tendance venue de l’université ou du métro de New York. La propagande est partout. Il faut vraiment que la vie soit passionnante, l’amitié toujours présente, l’amour toujours trompeur, que l’existence draine tant de passions pour ne pas devenir fou. Par principe, le Progrès ne connaît que l’offensive.

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La loi sur l’euthanasie en est une. Sa fabrication originale est moins un fait politique que de communication ; l’onction des ploucs peut avoir du bon quand elle est bien mise en scène. Avec cette loi, comme avec la constitutionnalisation à venir de l’IVG, le parti du désordre raffermit son emprise, brûlant ses vaisseaux avec l’ancien monde qu’il veut voir périr avec ses habitants. Il n’y a plus de place pour les sentiments.



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Nicolas Lévine est écrivain

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