Dans Normale, d’Olivier Babinet (sortie le 5 avril), Benoît Poelvoorde livre une prestation convaincante.
Il y a un mystère Poelvoorde. Non pas que chacun des films dans lesquels il choisit d’apparaître revête le même intérêt. Très loin s’en faut.
Mais il se dégage de cet acteur une telle énergie combinée avec une insondable solitude que les spectateurs que nous sommes en restent bouche bée. Normale, le film réalisé par Olivier Babinet, n’est pas un chef-d’œuvre. Il cultive même certaines petites coquetteries du film d’émancipation adolescente proprement agaçantes. Peu importe, puisque rayonne en son centre la figure paternelle incarnée par Poelvoorde que l’on dirait tout droit sorti des Vitelloni de Fellini. Avec lui, tout passe, même la touche de mélo quand son personnage devient aveugle et que l’on se croit alors dans Parfum de femme. Convoquer ainsi le meilleur du cinéma italien n’est évidemment pas innocent. Ici comme ailleurs, Poelvoorde fait inévitablement penser à Gassman, Sordi et Tognazzi.
L’acteur belge est la synthèse parfaite de ces matamores magnifiques, héros déchus qui nous donnent à rire en cachant les larmes dont ils sont remplis. Et nous avec.
Tous Français, et mieux payés qu’un prof. Voici ce que la fiche de poste révèle des conditions de travail des éboueurs de la mairie de Paris. Dur dur d’être éboueur…
Depuis le début du mouvement des manifestations liées à la réforme des retraites, les éboueurs ont la part belle pour ce qui est des grèves. Paris étouffe sous le poids des ordures qui s’amoncellent dans les rues, mais est-ce justifié ? Causeur s’est procuré la fiche de poste de l’éboueur.e (sic) de statut public-municipal à Paris (ce n’était pas trop dur, il suffit de chercher sur le site).
Pour exercer ce métier, il faut tout d’abord être français ou citoyen de l’UE, ce qui casse le mythe des « métiers dont les Français ne veulent pas ». De plus, leur rémunération en début de carrière est fixée à 2 000 euros bruts par mois, soit plus qu’un instituteur. Ils partent aujourd’hui en retraite à 57 ans et devraient donc, si la loi est promulguée, attendre jusqu’à 59 ans. En revanche, leur espérance de vie reste plus basse que la moyenne (mais elle est bien meilleure que ce qu’on raconte sur les plateaux) : 76 ans dans ce métier quasi exclusivement masculin, contre 79 ans en moyenne pour les hommes en France. Selon un contact à la mairie de Paris, les jours de grève des éboueurs ne seront pas directement décomptés de leur salaire, mais bien étalés sur plusieurs années. Les éboueurs municipaux ramassent les ordures dans dix des arrondissements parisiens. Dans les autres, ce sont des salariés du privé qui s’en chargent : eux partent à la retraite actuellement à 62 ans. Ce métier est-il plus pénible dans le secteur public que dans le privé ?
Racheté par l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, Twitter promet désormais une liberté d’expression sans limite. La fuite des emails de « l’avant Musk », les Twitter files, révèle la censure des anti-woke de l’ère précédente. Les acteurs de ce scandale sont auditionnés par les Républicains à la Chambre des représentants.
Depuis que les Républicains ont récupéré de justesse la majorité à la Chambre des représentants américaine, ils organisent de multiples commissions d’enquête. La Sous-Commission consacrée à la « transformation en arme » de Twitter par le gouvernement fédéral de Biden (Select Subcommittee on the Weaponization of the Federal Government on the Twitter Files) éclaire l’existence de comités de censure qui sévissaient sur Twitter avant le rachat par Elon Musk. Ce dernier a fourni des dizaines de milliers d’emails, suggérant l’existence de ce que certains ont appelé un véritable « complexe industriel » de la censure (Censorship Industrial Complex) dans lequel le FBI aurait joué un rôle assez trouble. Courant février et mars 2023, les Républicains américains ont auditionné une série d’anciens haut-dirigeants de Twitter, virés par Elon Musk lors du rachat. L’audition du 8 février 2023, notamment, a mis sur le grill James A. Baker, ancien directeur juridique adjoint chez Twitter et ancien directeur juridique au FBI; Vijaya Gadde, ancienne directrice juridique; Yoel Roth, ancien responsable de la sécurité, ainsi qu’une « simple » employée, Anika Collier Navaroli.
Les griefs des Républicains portent sur les différents comités de censure qui fonctionnaient au sein de Twitter avant l’arrivée d’Elon Musk, essentiellement contre les conservateurs au nom de la lutte contre les fake news. Ou encore sur l’affaire de Hunter Biden et de son ordinateur portable, censurée par Twitter et, enfin, sur les liens supposés de l’oiseau bleu avec le FBI. Les différentes auditions sont toujours visibles sur YouTube via la chaîne Forbes Breaking News.
Viol du 1er Amendement
En ligne de mire: l’ancien responsable de la sécurité, Yoel Roth, âme pensante (damnée ?) de Twitter, qui avait notamment qualifié, via un tweet, les conseillers de Trump à la Maison-Blanche de « nazis », un tweet qu’en séance il a dit regretter. Ce dernier a démissionné peu de temps après la prise de poste de Musk, malgré leur bonne entente publique.
C’est la députée républicaine Lauren Boebert, militante en faveur du port d’armes, qui dénoncera le « shadow ban » dont elle fut la victime, une politique de censure de certains élus républicains dans l’opacité la plus totale et en l’absence de toute possibilité d’appel. Mme Boebert, dont le compte Twitter a été censuré à plusieurs reprises, l’empêchant de dialoguer avec ses électeurs, a fini par faire avouer à Yoel Roth qu’au moins dix agents du FBI travaillaient étroitement avec Twitter pour aider le réseau social à gérer les « haters », les conspirationnistes anti-vaccins et autres ennemis de la démocratie. Les Républicains soupçonnent au contraire le FBI d’avoir agi en service commandé pour affaiblir leur influence électoralement. Ces anciens dirigeants de Twitter risquent des amendes pénales, voire de l’emprisonnement pour avoir enfreint le 1er Amendement (celui qui garantit la liberté d’expression) et pour entrave au bon déroulement de l’élection présidentielle de 2020. Leur inculpation reste toutefois peu probable. En France, à ma connaissance, seuls les médias de « réinformation » (Sud-Radio…) ou d’extrême-gauche (Le Media…) en ont réellement parlé, ainsi que Florian Philippot, le président des Patriotes. Pour les médias mainstream, l’essentiel, depuis le rachat du réseau social par le « fantasque » Elon Musk, consiste, non pas à saluer son combat pour la liberté d’expression, mais à accabler celui-ci, regrettant le temps d’avant et qualifiant son management de « montagnes russes ».
Le FBI au service de la censure?
Matt Taibbi et Michael Shellenberger, deux journalistes qui ont enquêté sur des documents mis à leur disposition par Elon Musk, ont été également auditionnés par la même Sous-Commission de la Chambre des représentants. Ils auraient eu accès à des dizaines de milliers d’emails internes démontrant que le FBI est allé bien plus loin qu’une aide logistique à Twitter. Il apparaît aujourd’hui que le Twitter d’avant Musk a contribué avec le FBI à censurer essentiellement le camp conservateur et donc peut-être aidé à faire élire Joe Biden.
« Les leaders intellectuels du complexe de censure ont convaincu les journalistes et les dirigeants des médias sociaux que des informations exactes sont de la désinformation, que des hypothèses valables sont des théories du complot et qu’une plus grande autocensure est essentielle pour un journalisme plus rigoureux », selon Shellenberger sur Fox News. Toujours selon M. Shellenberger, le gouvernement travaillerait main dans la main avec les GAFAM pour développer des outils informatiques, dont l’intelligence artificielle, capables de censurer des informations, jugées valables ou non selon un algorithme.
En séance, bien sûr, Shellenberger et Taibbi ont fait l’objet, de la part des représentants démocrates, d’une extrême agressivité, et de la part des élus républicains, d’une grande mansuétude…
Nos femmes et hommes politiques, de quelque bord que ce soit, se laisseront-ils emporter par la foule des manifestants et des émeutiers qui contestent l’actuelle réforme des retraites ? S’abandonneront-ils à la démagogie la plus débridée ? Ou seront-ils réduits, par manque de légitimité populaire, à l’impuissance gouvernementale la plus totale ? Pour Elisabeth Lévy, l’agitation que connaît la France n’est pas seulement la énième bataille des retraites mais l’aboutissement d’un long délitement. Macron n’est pas seul responsable de l’état calamiteux du pays, nous le sommes tous. Si les gouvernants ont vendu des illusions, les gouvernés les ont achetées avec joie. « Nous sommes devenus une nation de consommateurs drogués à la dépense publique – un post-peuple en somme ». Selon l’analyse de Pierre Vermeren, cela fait des décennies que nos dirigeants encouragent une croissance tirée par la consommation plutôt que par la production. Ce modèle est largement financé par la dépense sociale et alimenté par l’immigration qui ne vise pas à combler nos besoins en main-d’œuvre mais à soutenir la consommation. Gaulliste pur jus, anciennement plume de Nicolas Sarkozy et député, Henri Guaino rappelle qu’on ne peut gouverner sans le consentement du peuple. Le pire des gouvernants est celui qui fait passer son orgueil personnel avant l’intérêt du pays. Stéphane Germain explique comment le « modèle social » de la France conduit le pays à la ruine. La réforme des retraites est une mesurette qui ne résout rien au problème abyssal de la dette publique.
Faute d’alternative possible, nous sommes dans une impasse politique, selon Céline Pina. Incapables de se coaliser, le RN et LFI se neutralisent l’un l’autre et sont les meilleurs alliés du président de la République. Mais entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, c’est la présidente du RN qui a le vent dans les voiles. Pourtant, la crise profonde que nous vivons n’est pas inédite dans notre histoire. Pour l’historien, Emmanuel de Waresquiel, elle témoigne même d’une longue « tradition » héritée de 1789 : la guerre de légitimité entre le peuple et ses gouvernants. Nos dirigeants devraient se rappeler que, notre culture privilégiant l’affrontement à la négociation, la politique se fait aussi dans la rue. Le parti qui souffre le plus à l’heure actuelle, c’est peut-être Les Républicains, tiraillés qu’ils sont entre les amoureux de la macronie, les nostalgiques du gaullisme, les dragueurs de RN et les adeptes de l’immobilisme. Si vous étiez un élu LR, dans quel rang seriez-vous ? Pour le savoir, passez le test proposé par Céline Pina !
Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente le dernier avis du Comité consultatif national d’éthique qui recommande aux gynécologues, urologues et autres proctologues de ne procéder à l’examen des parties intimes de leurs patients qu’en recueillant à chaque étape de la consultation le consentement de ces derniers. Et ce, au nom de leur « savoir-être ». Conclusion ? « L’idéologie du soin et de la bienveillance nous transforme insensiblement en êtres fragiles, dépendants, craintifs ». Pour le reste de l’actu, Jean-Noël Poirier nous parle de l’explosion du gazoduc Nord Stream, et Driss Ghali des propos du président tunisien qualifiant l’immigration subsaharienne de « plan criminel », propos qui nous rappellent le vieux racisme des Arabes contre les Noirs ; inconcevable pour nos bien-pensants. La députée, Emmanuelle Ménard, raconte sa vie à l’Assemblée où tout se passe avec des cris, des pleurs et des grincements de dents. Jean-Michel Delacomptée fait une analyse critique de l’histoire du terme « féminicide », utilisé pour désigner indistinctement des faits de société et des faits divers. Chacun de ces crimes relève d’une histoire singulière, irréductible à toute interprétation globalisante, tandis que « l’utilisation du mot féminicide tend, implicitement ou explicitement, à criminaliser l’ensemble des hommes ». Pour Ivan Rioufol, le pouvoir en place n’est pas content d’ignorer avec superbe les gémissements de la France ordinaire. Maintenant, c’est sur la classe moyenne que s’acharne le « Mozart de la finance ».
« Génération Dieudonné, génération intoxiquée ». Notre dossier porte sur l’humoriste et complotiste qui, le 10 janvier, a publié une lettre ouverte dans Israël Magazine où il présente ses excuses à « toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de lacommunauté juive ». Faut-il accepter ces excuses ? Sont-elles sincères ? Le vrai problème de Dieudonné n’est pas sa sincérité mais son héritage, toujours vivace, qu’il faut inlassablement démonter et dénoncer. Dans un témoignage aussi poignant qu’assassin, Yannis Ezziadi, dieudonniste repenti, raconte les ravages de la sphère « Soral-Dieudonné », et s’insurge contre les excuses de son ancien gourou. Comme il le dit : « Son grand crime, c’est son crime contre la vérité : son complotisme ». Gil Mihaely retrace la carrière de l’humouriste, de son ascension remarquable au cours des années 90 à sa transformation à partir de 2002 en conspirationniste, antisémite et négationniste. Aujourd’hui, privé de théâtre et interdit de réseaux sociaux, il est surtout passé de mode. Jean-Baptiste Roques voit dans le dieudonnisme non seulement une banalisation pernicieuse de l’antisémitisme, mais une redoutable habileté médiatique à se faire passer pour un héros de la liberté et de la vérité. J’analyse le modèle économique de Dieudonné qui ressemble de très près à celui de ses principaux confrères dans le business du complotisme, pendant qu’Olivier Douman explique comment l’humouriste bénéficie de soutiens d’une complaisance plus que douteuse, notamment à la FNAC du Forum des Halles, à Paris, où un responsable de rayon, sous couvert « d’ésotérisme », continue de promouvoir les pires thèses complotistes et antisémites. Nous avons deux témoignages. Alexandre de Galzain a assisté au nouveau spectacle de Dieudonné, « Foutu pour foutu », qui pour lui tend à confirmer la sincérité de ses excuses. Jean-Paul Lilienfeld, qui a été le premier réalisateur à offrir un grand rôle au cinéma à l’humoriste avant de voir la direction antisémite qu’il allait prendre, affirme, au contraire, qu’il ne peut croire en l’honnêteté de ses « excuses ».
Côté culture, rappelons-nous que James Bond, quand il commandait son vodka Martini, disait toujours, « au shaker et pas à la cuillère ». Malheureusement, les nouveaux puritains n’y vont pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit d’expurger les livres d’Ian Fleming, ainsi que ceux de Roald Dahl et d’autres auteurs du passé, leur enlevant toute aspérité et toute complexité, éliminant le moindre mot qui puisse troubler le lecteur bisounours issu du wokisme. Patrice Jean dénonce le travail de ces « sensitivity readers » : « Souhaiter une littérature débarrassée du négatif, c’est souhaiter, ni plus ni moins, la mort de la littérature ». Georgia Ray nous encourage à découvrir La Maison, un inédit de Julien Gracq. Ces 30 pages humbles et percutantes nous consolent du morne paysage proposé par nos écrivains contemporains, donneurs de leçons accaparés par les petits bobos. Tout n’est pas à rejeter de la production artistique notre époque : Pierre Lamalattie s’enthousiasme pour l’univers étrange de l’artiste belge, Hans Op de Beeck, dont les œuvres font l’objet d’une exposition au musée de Flandre, à Cassel.Julien San Frax salue une nouvelle biographie du collabo, Abel Bonnard, qui révèle tout un pan, complexe et paradoxal, de l’histoire de Vichy. Où sont les sardineries artisanales d’antan ? Emmanuel Tresmontant nous révèle qu’elles étaient 200 au siècle dernier. Aujourd’hui, il en reste huit. C’est dommage, car une boîte de sardines à l’huile est aussi riche en histoires qu’en oméga 3, évoquant toute l’épopée de la conserverie, des marins-pêcheurs, de leurs épouses et de leurs veuves. Mieux vaut un goût de sardine dans la bouche que celui, amer, laissé par la nouvelle adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires. Pour Jean Chauvet, c’est un véritable massacre à la tronçonneuse qu’Alexandre Dumas n’avait pas mérité. Si le nouvel opus de Dany Boon a la même odeur de faisandé, il reste le film de Benoît Poelvoorde… Si notre président actuel était un personnage historique du passé, ce serait qui ? Marsault nous apporte une réponse, définitive.
Des visages d’anges au service d’une idéologie pas toujours divine…
En 2018, le monde apprit l’existence de Greta Thunberg, cette très jeune Suédoise qui dénonçait chaque vendredi les gouvernements occidentaux supposément inactifs face au réchauffement climatique. Elle avait alors quinze ans, l’allure et l’élocution d’un robot dyslexique, le regard mauvais. Son discours tenait en quelques mots rageurs, ses gestes étaient asynchrones et sa bouche, déformée par des spasmes, lançait de dures sentences et de lourdes menaces.
Grincheuse Thunberg
Les médias et les écolos profitèrent d’avoir ce monstre de foire sous la main pour affoler les citoyens. Les parlements nationaux et européen invitèrent la jeune créature à vomir sa bile verdâtre dans leurs enceintes – après s’être fait copieusement insulter, ils applaudirent à tout rompre le dragon suédois qui venait de les cramer devant les caméras du monde entier. Les Verts s’agenouillèrent devant la grincheuse, quémandèrent sa bénédiction en se signant frénétiquement, promirent de porter son message à travers les villes et les campagnes.
Benoît Hamon se réveilla en sursaut, déclara: « C’est elle, le génie européen », puis retourna dans les catacombes politiques où il demeurait depuis sa déroute aux élections présidentielles. Les colères apocalyptiques de Greta Thunberg sont écoutées comme des oracles par une partie de la jeunesse et les représentants politiques adeptes d’un écologisme sectaire et prêt à tout pour détruire notre industrie, notre agriculture, notre indépendance énergétique, nos paysages et notre identité. La propagande continue de battre son plein, à l’école et dans les médias, et vise principalement la partie de la population la plus perméable à ce type d’idéologies, la jeunesse petite-bourgeoise attirée par les idées simplistes mais mortifères du gauchisme écolo-wokiste.
La jeune Scandinave qui ânonnait des diatribes apprises par cœur a maintenant vingt ans. C’est jeune, biologiquement parlant, mais déjà presque obsolète pour des médias en quête de phénomènes de cirque à peine sortis de l’enfance ou des jupes de leur mère. Un de ceux-là, âgé de quinze ans, est apparu tout récemment sur nos écrans. Élève de seconde au lycée Buffon à Paris, représentant du syndicat La Voix lycéenne, le juvénile Manès Nadel rabâche métronomiquement les discours des Insoumis et des Verts, ses références. « Ce sont les mouvements révolutionnaires à tendance tyrannique qui croient que pour mettre en place de nouvelles conditions il faut commencer par les enfants », écrit Hannah Arendt (1). Les mouvements radicaux cherchent à embrigader une jeunesse d’autant plus manipulable que les adultes, apeurés ou eux-mêmes idéologisés, ne savent ou ne veulent plus faire montre du minimum d’autorité nécessaire pour remettre simplement à sa place la marmaille. Des parents et des professeurs courbent l’échine devant de très jeunes gens vindicatifs et colériques que de plus malins qu’eux manipulent sans vergogne dans le but de détruire « ce monde qui a pourtant besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération (1) ». Manès Nadel et ses congénères, adolescents bercés d’utopies révolutionnaires, sont à la fois des marionnettes manipulées par des politiciens affranchis et des tyranneaux. L’écologisme et le gauchisme, ces deux plaies du monde, semblent s’être donné rendez-vous dans le corps chétif de cet adolescent qui admoneste le gouvernement en répétant, tel un singe savant, les tours de langage de ses aînés politiques ou syndicalistes. Les médias s’extasient devant ce perroquet jacassant et commentent le plus sérieusement du monde un bredouillis remâché et encore plus ridicule lorsqu’il sort de la bouche d’un enfant. Un journaliste plus que cinquantenaire parle avec lui d’égal à égal, comme si rien ne les séparait, surtout pas les nombreuses années qui font la différence entre un blanc-bec et un homme expérimenté. Dans L’ingratitude, Alain Finkielkraut rappelait l’effroi de Henry James, de retour en Amérique après vingt ans d’absence, devant les enfants de Boston qu’il qualifie de « petit démocrates endiablés par la démocratie » – non pas la démocratie en tant que régime politique mais en tant que forme sociale où l’égalitarisme est arrivé à son point le plus haut et, ce faisant, a englouti toutes les notions de hiérarchie, d’écart, de différence entre les individus, en particulier de différence d’âge. Dans une nouvelle de James, notait encore Alain Finkielkraut, un personnage, Miss Sturdy, s’insurge contre la glorification de cette jeunesse dans la société américaine égalitariste : « Les gens parlent de la jeunesse, la considèrent, la respectent, s’inclinent devant elle. Elle est partout, et partout où elle est, c’est la fin de tout le reste. […] En tant que femme de cinquante ans, je proteste. Je tiens à être jugée par mes pairs. C’est trop tard […] la maturité sera manifestement de plus en plus dévalorisée. » Dans une France atteinte aujourd’hui du même mal égalitariste et ultra-démocratique, un adolescent à peine sorti de l’enfance peut avoir le sentiment d’être totalement autonome et se croire arrivé – sentiment renforcé par l’agrément d’adultes soucieux de ne pas passer pour des monstres autoritaires ou, pire encore à leurs yeux, anti-démocratiques. Manès Nadel, petit démocrate endiablé par la démocratie, n’est entravé par aucune autorité – en hyper-démocratie, « autorité » est devenu un gros mot, on l’évite, au même titre que « hiérarchie », « transmission » ou « héritage ». En revanche, le mot « égalité » est sur toutes les lèvres, y compris et surtout celles des marmots.
#balancelesadultes
La lecture du dernier roman d’Alexis Legayet, Ainsi parlait Célestine (2), permet d’appréhender ce phénomène sur un mode littéraire. Célestine a treize ans. Elle est écologiste et végétarienne. Pour « sauver la planète », elle a renoncé à la douche et trie les détritus domestiques dans sept poubelles de différentes couleurs ; son père peine à ne pas déroger aux règles qu’elle impose, en particulier l’interdiction de fumer, de boire de l’alcool ou de manger de la viande. Prête à tout pour culpabiliser et changer ce « vieux monde », Célestine installe un spyware (logiciel espion) sur le portable de son géniteur et s’aperçoit avec horreur qu’il visite des sites pornographiques. Après avoir créé avec sa copine Lucette le #balancetonpère, elle diffuse un premier message en guise de manifeste: « Nos pères sont des irresponsables. La planète brûle et ils boivent, fument, baisent, regardent le football et roulent en 4×4. Le mien s’appelle Francis Durand. Il mélange les poubelles, fume en cachette, mange du saucisson, refuse le train et le covoiturage et mate des films pornos en cachette ! » Le succès est au rendez-vous, le nombre de Gardes Verts augmente de jour en jour, avec des conséquences catastrophiques pour les « vieux mâles dominants » dénoncés par leur progéniture. Plusieurs hashtags voient le jour et complètent la panoplie totalitaire : #balancelesadultes, #balancelesvoisins, puis, finalement c’est plus simple, #balancetoutlemonde. Tandis que les adultes sont rééduqués grâce à des stages sur mesure, Célestine et ses acolytes lancent les Brigades de la Planète, occupent les collèges, séquestrent les professeurs qui veulent leur imposer la lecture de cette vieillerie qu’est Le Rouge et le Noir, affolent le gouvernement qui se refuse à les « maltraiter », réclament finalement l’extension du droit de vote aux enfants à partir de onze ans et la possibilité d’être élu maire, député ou président à partir de treize ans. Je vous laisse découvrir si ces jeunes et féroces activistes parviendront à leurs fins.
Ce roman, très drôle, est également assez angoissant : les sermons et les agissements extrêmes des jeunes protagonistes, la torpeur des adultes infantilisés, la défaillance de l’État, la léthargie de la société hébétée, ne sont déjà presque plus des caricatures. Jean-Luc Mélenchon proposait, s’il était élu, d’abaisser l’âge du droit de vote à seize ans. Des individus à peine pubères sont interviewés sur la réforme des retraites comme s’ils avaient derrière eux une longue pratique du travail et une immense expérience de la vie. Le journal moribond L’Humanité encense bien entendu le « jeune prodige », Manès Nadel, et, lors d’un micro-trottoir, n’hésite pas à interviewer Maya, élève en CM2 qui, doctement, donne son avis sur la politique du gouvernement. On voit par là que le roman d’Alexis Legayet n’est pas un roman d’anticipation, mais une prophétie dystopique en train de s’accomplir – et que ce monde déglingué continue de sombrer dans l’abîme. Inévitablement, nous pensons une fois de plus à Jaime Semprun: « Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “À quels enfants allons-nous laisser le monde ?”(3) » Les médias et l’Éducation nationale formatant nos très jeunes hyper-démocrates enivrés d’hyper-démocratie, les adultes refusant d’endosser leur rôle – qui est de protéger les enfants vis-à-vis de la société mais aussi de protéger le monde vis-à-vis des enfants – il y aura évidemment de plus en plus de Manès et de Célestine et, évidemment, le monde n’en sortira pas indemne.
(1) Hannah Arendt, « La crise de l’éducation » dans La crise de la culture, Folio essais.
L’agitation que connait la France n’est pas seulement la énième bataille des retraites, mais l’aboutissement d’un long délitement. Alors que le divorce semble consommé entre les Français et le pouvoir, le récit dominant dans les médias, c’est que tout est de la faute de Macron. En réalité, nous sommes tous responsables de l’état calamiteux du pays, les gouvernants qui ont vendu des illusions, et les gouvernés qui les ont achetées avec enthousiasme.
« Crise » est trop vague (même quand on y ajoute « de régime »), « agitation », trop faible, « révolution », inadapté (ou prématuré). En vérité, on ne sait à quel mot se vouer. Personne n’a trouvé la martingale sémantique qui raconterait le chaudron français. Peut-être parce que, comme l’a dit, je ne sais plus qui, l’histoire nous présente en même temps toutes les factures de quarante ans de choix collectifs calamiteux.
Doit-on parler pudiquement des « événements », comme en mai 1968 ou aux débuts de la guerre d’Algérie, de la « situation », comme des proches du président cités dans un quotidien ? Une chose est sûre, la France est une cocotte-minute, chacun semblant avoir un compte personnel à régler avec le pouvoir. Depuis deux mois, la contestation bat le pavé, des trains sont annulés, des classes fermées, des facs bloquées, y compris Assas et Paris-Dauphine qui a connu la première grève de son histoire. Les rues de la capitale (et d’autres cités), jonchées de montagnes de détritus, ont pris un air encore plus désolé que d’habitude. Les touristes ont fui nos villes transformées en territoires hostiles.
On a aussi découvert que les Français étaient très à cheval sur le rôle du Parlement. Soixante millions de constitutionnalistes pointilleux se sont étranglés de rage après l’annonce du recours au 49.3, érigé en symbole de la surdité du pouvoir et du débat confisqué – confiscation très théorique quand, depuis des semaines, nous ne parlons que de ça. Un rassemblement sauvage s’est invité place de la Concorde, à un jet de pavé de l’Assemblée nationale. Certains y ont vu un quasi-remake de février 1934, d’autres, une représentation de la décapitation du roi. À Paris et dans d’autres villes, des jeunes gens très à cran sur leurs vieux jours ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre au cours de soirées Butagaz (comme on disait en Corse à la grande époque du FLNC) à l’issue desquelles on comptait les incendies de la nuit. Avant même le festival extrême gauchiste de Sainte-Soline, on dénombrait des dizaines de blessés, forces de l’ordre et manifestants. Parfaits idiots utiles du capitalisme qu’ils prétendent combattre, les black blocs et leurs jeunes émules qui jouent au Grand Soir permettront sans doute au pouvoir de rameuter le Parti de l’ordre. Reste qu’il est difficile de se départir du sentiment que notre merveilleux État, si efficace pour persécuter d’honnêtes travailleurs, est impuissant face aux voyous et autres casseurs.
Tout est de sa faute !
Rembobinons. Un président réélu avec 58 % des suffrages présente la seule réforme qu’il avait annoncée (passablement adoucie de surcroît). Et toute la France (en tout cas une très large majorité) se dresse contre lui, le sommant de la retirer. C’est la preuve que l’élection ne produit plus de légitimité, ce qui est bien fâcheux car, à l’âge démocratique, nous n’avons pas inventé d’autre moyen d’en fabriquer. Emmanuel de Waresquiel rappelle (pages 32-34) que ce conflit de légitimité entre la rue et les urnes est un classique de notre histoire depuis la Révolution. Ça finit rarement bien.
La question est épineuse : jusqu’à quel point un dirigeant régulièrement élu peut-il gouverner contre la volonté majoritaire, fut-elle exprimée seulement dans la rue ou dans les sondages ? Pour Henri Guaino, gaulliste sourcilleux, cela ne se discute pas (voir pages 24-27) : « Que le peuple ait raison ou tort, il doit avoir le dernier mot. » Reste à savoir si nous sommes encore un peuple, quand la seule chose qui paraît nous rassembler, c’est le sentiment que l’avenir est sombre, et la « colère », mot qui permet de sanctifier n’importe quelle transgression. Alors certes, on ne peut pas gouverner contre le peuple. Mais on conviendra qu’il est souvent difficile de gouverner avec lui.
On n’est donc pas obligé d’adhérer au récit romantique et doloriste d’un peuple paré de toutes les vertus, pétri d’intérêt général, victime du cynisme et du mépris de ses élites incarnées au premier chef par la figure maléfique du chef de l’État. C’est la faute à Macron ! Ce récit s’est largement imposé dans les médias, soucieux de câliner leur public. Par son style, son assurance de gars à qui tout a toujours réussi, sa certitude d’avoir raison contre tous, le chef de l’Etat concentre toutes les tares, réelles ou supposées, prêtées aux gouvernants. Aux manettes depuis six ans, il est évidemment l’un des premiers artisans du marasme où nous sommes. Mais la dégringolade française n’a pas commencé avec Macron. Dans le long processus de délitement entamé dans les années 1980, les responsabilités sont largement partagées entre gouvernants et gouvernés pour la bonne raison que nous nous sommes vautrés dans les mêmes mensonges. Qui nous explosent à la figure aujourd’hui.
Le procès des gouvernants est instruit à intervalles réguliers, leurs errements connus. Une classe dirigeante élue pour défendre les intérêts du pays a abdiqué de la réalité du pouvoir au profit de la technocratie bruxelloise, abandon assaisonné, pour le supplément d’âme, de repentance et autre autoflagellation. Pour justifier pleinement la préférence post-nationale, lui conférer une dignité morale, il fallait dénigrer tout ce qui était national, accusé de sentir le rance et de charrier des idées nauséabondes. L’Europe n’était pas un choix rationnel reposant sur une appréciation de nos intérêts, mais le moyen de nous délivrer des vieux démons de l’idéologie française et d’en finir avec un passé criminel. Dans la même logique antifasciste, grâce aux manigances de François Mitterrand avec Jean-Marie Le Pen, la plupart de nos présidents, de droite comme de gauche, se sont satisfaits d’une élection par défaut, emportée en jouant le grand air de « moi ou les fachos », le funeste « cordon sanitaire » permettant de neutraliser les voix d’un nombre croissant de Français. Faire barrage à Le Pen, quel beau et grand projet pour la France !
Ces mêmes dirigeants, démontre magistralement Pierre Vermeren, ont fait le choix d’une croissance tirée par la consommation, largement financée par la protection sociale. Résultat, résumé par Stéphane Germain (pages 28-29) : « Plus d’Europe, plus de dettes, plus d’allocs, plus d’immigration, plus d’impôts, moins de services publics. » À quoi on peut ajouter : moins d’école, moins de nucléaire, moins de médecine, moins de sciences. Et moins de travail. Enfin, par lâcheté, courte vue et conformisme, ils ont effrontément menti sur l’état réel du pays. Quand le réel s’infiltre de toutes parts comme autant de voies d’eau, le déni est intenable.
Aider les riches et insulter les pauvres
Devant le tribunal de l’Histoire, les gens qui ont gouverné la France pendant cette période prendront cher et ce sera justice. Mais nous, les citoyens, valons-nous beaucoup mieux ? Nous nous réclamons du peuple avec les trémolos de rigueur, mais Macron a raison (même s’il a eu tort de le dire): des foules en colère ne font pas un peuple, c’est-à-dire une communauté politique qui s’accorde au moins sur la possibilité du désaccord. Dans l’espace public, il n’y a plus d’adversaires, il n’y a que des ennemis. Une élue insoumise a tranquillement traité ses collègues de la majorité de monstres. Un monstre n’appartient pas à l’humanité commune. « Macron n’est pas humain », peut-on lire sur un mur surplombant les voies sur berge à Paris. Sans doute boit-il du sang d’enfant au petit déjeuner. Ce qui flotte dans l’air, ce n’est pas la joie de la concorde civile, ni même le rêve de l’avenir radieux, mais une envie de têtes plantées sur des piques, le pire de l’esprit sans-culotte, revu et aggravé par les réseaux sociaux : envie, assimilation de toute différence à une inégalité et de toute inégalité à un privilège. Pourquoi lui et pas moi ? L’affaire de la montre est emblématique de ce climat délétère. Pendant son intervention télévisée, le président a ôté sa montre (parce qu’elle faisait du bruit a-t-on appris ensuite). Il n’en fallait pas plus pour lancer les meutes numériques, convaincues que la tocante coûtait cinq ans de SMIC, au point que l’Élysée a dû faire savoir qu’elle vaut 2 400 euros. Dans Libération, Daniel Schneidermann établit un parallèle avec l’affaire du collier de la reine, sombre histoire d’un bijou hors de prix prétendument acheté par Marie-Antoinette sur deniers publics. De fait, il n’y avait pas de collier et il n’y a pas de montre à 80 000 euros. Sauf que, pour Schneidermann, le soupçon est légitime. Si Macron, comme Marie-Antoinette, est personnellement haï, c’est parce qu’il aide les riches et insulte les pauvres, en particulier quand il prétend les ramener sur le chemin du travail.
Nous nous racontons des histoires sur nous-mêmes. Nous invoquons pieusement 1789, mais notre horizon, ce n’est pas la liberté, c’est la retraite. Nous nous gargarisons de fraternité, mais chacun estime en avoir fait assez et pense que c’est au tour des autres d’en baver – ainsi aurons-nous inventé l’individualisme d’État. Comme le démontre Pierre Vermeren (pages 20-23), 26 millions d’actifs (représentant 35 % de la population contre 55 % en Allemagne) portent tout le monde à bout de bras.
Nous nous berçons collectivement de la grande illusion qui constitue à peu près le seul programme de la gauche : de l’argent il y en a, il suffit de le prendre aux riches. Forts de nos droits acquis (pour l’éternité ?), voilà quarante ans que nous dépensons 50 % de plus que ce que nous produisons. Nous sommes devenus une nation de consommateurs drogués à la dépense publique – un post-peuple en somme.
Alors, bien sûr, le peuple a le dernier mot. On aimerait savoir ce qu’il a à dire. « Nous n’avons pas élu Macron pour faire cette réforme », clament les manifestants. D’accord, mais pour quoi faire l’avons-nous élu ? Peut-être que la réponse est simplement : rien ! C’est l’hypothèse désenchantée de Marcel Gauchet : « L’affect profond qui travaille la société française, c’est l’immobilisme : c’est notre manière de nous protéger des malheurs du monde. En 1981, au moment où le monde entier changeait de direction, nous décidions d’instaurer le socialisme dans un seul pays. » Avec les heureux résultats que l’on sait. Aujourd’hui, ça nous reprend : quand le monde entier retarde le moment du départ à la retraite, nous rêvons de droit à la paresse. Je le reconnais, l’argument « les autres le font » n’est pas très folichon. Serions-nous, nous les Français, soumis au réel comme de vulgaires Grecs ? J’aimerais croire encore que notre voix singulière, notre génie particulier nous autorisent à nous affranchir des lois du marché, qu’en fiers Gaulois réfractaires, nous sommes prêts à défendre notre village contre la macdonaldisation planétaire. Seulement, l’indépendance, la singularité, la souveraineté, cela se paye. Cela exige du courage, de l’honneur, du panache. Il n’est pas certain qu’un peuple qui laisse son école périr sans réagir, mais se dit prêt à se battre pour sa retraite et ses prestations sociales ait les moyens de son ambition.
Les citoyens ne sont pas des enfants. Le grand déclassement n’est pas un phénomène naturel. Gouvernés et gouvernants, nous en sommes tous responsables. Ils ne voulaient pas dire la vérité et nous ne voulions pas l’entendre. Ils nous ont vendu des illusions, et nous les avons achetées avec enthousiasme. En somme, tout le monde était d’accord pour se coller la tête dans le sable. Et maintenant, c’est tous ensemble que nous sortons de l’Histoire.
Alexandre Dumas n’avait pas mérité ça: le massacre à la tronçonneuse qu’opère un film français sur ses Trois Mousquetaires laisse un goût amer dans la bouche.
« On peut violer l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants », écrivit un jour Alexandre Dumas qui parlait en orfèvre. Son génie lui permettait tout en la matière, y compris d’inventer un surnom à Marguerite de France que jamais personne avant lui n’appela « Margot ». C’est pourtant ainsi qu’on la désigne désormais. On pourrait multiplier les exemples des erreurs, raccourcis, inventions et autres réécritures pratiqués par Dumas et ses nègres pour faire de l’histoire de France un merveilleux réservoir d’histoires tout court. Montecristo est ainsi l’un des plus beaux enfants de la littérature française, tout comme la Nuit de la Saint-Barthelemy dans La Reine Margot déjà citée. Oui, les enfants inventés de toutes pièces par Dumas et son génie fécond méritent de figurer au panthéon de nos lectures d’enfant puis d’adulte. On y trouve tout ce qui nous manque tant et si souvent : du souffle, du panache, de l’humour et du tragique. Bref, du romanesque en veux-tu, en voilà. Élevés au lait maternel d’Alexandre Dumas, nous serons toujours à même de nous plonger dans un roman avec le secret espoir d’y trouver une vie meilleure. Alors, quand s’annonce l’adaptation des Trois Mousquetaires sur grand écran, que faire d’autre que de rêver et tout bonnement saliver à la perspective de retrouver les quatre cavaliers de cette machine à rêves flanqués de Richelieu, Planchet, Bonacieux et les autres ? On passe vite sur le nom du réalisateur Martin Bourboulon parce qu’il a récemment et littéralement massacré la vie de Gustave Eiffel avec une tour devenue infernale à cause de lui. On passe aussi vite en apprenant que c’est François Civil, au charisme de courgette, qui incarne d’Artagnan. On jette d’autres voiles plus pudiques sur telle actrice ou tel autre acteur. Bref, on est prêt à tout pour se laisser embarquer et plonger avec délice dans la course aux ferrets.
Mais c’était hélas sans compter avec les deux scénaristes, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, à la tête d’une entreprise de démolition en tous genres. On songe alors à la phrase de Dumas et on se dit que ces deux-là lui ont fait des enfants bien laids… Tout dérape dès l’introduction. Chez Dumas, c’est un festival de malices et de bonheurs narratifs. D’Artagnan est sous sa plume alerte un « Don Quichotte de dix-huit ans » monté qui plus est sur un « bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe ». S’ensuit le réjouissant récit d’une entrée dans la vie qui vire à la raillerie et au désastre. Mais nos deux scénaristes, eux, ont l’esprit de sérieux. Pas question de rire. Il faut du drame et pas qu’un peu. La scène se passera donc de nuit, sous la pluie battante, avec un Bruce Lee d’époque, version fier à bras. D’entrée de jeu, on se bat plus au pistolet qu’à l’épée, ce qui transforme la France de 1626 en une sorte d’annexe d’un western spaghetti des années 1970. C’est triste, sinistre et rigoureusement anachronique. Pour parachever l’ensemble, on donne D’Artagnan pour mort, mais pour bien montrer qu’on a lu tout Dumas (tu parles…), on le fait ressusciter de son cimetière comme Monte Cristo de son linceul. Et tout le reste sera à l’avenant, dans une sorte de frénésie indigeste. Il faudrait recenser toutes les trahisons et se demander la raison de chacune d’entre elles. Pourquoi imaginer un complot contre Louis XIII ? Pourquoi amoindrir la portée maléfique du personnage de Milady en lui inventant un passé de victime familiale (air du temps, je te hais !) ? Et que dire de la bisexualité de l’un des trois mousquetaires ? Envolés les valets de ces soldats qui apportaient leur lot de fantaisie, Planchet en tête. Disparu l’ombrageux Monsieur Bonacieux pour laisser la place à une amoureuse étrangement fade.
On sort de la projection l’âme nostalgique. On se désole à l’idée que certains croiront avoir ainsi découvert le roman de Dumas. Et on se promet surtout de ne pas aller voir la suite déjà tournée : il ne faut jamais encourager les délinquants multirécidivistes, au cinéma comme ailleurs.
Fanatique de break dance, Kim Sohee est une lycéenne coréenne. Adolescente pleine d’allant quoiqu’un peu renfermée, elle vit chez ses parents, dans un milieu social tout ce qu’il y a de simple. Elle se voit recrutée en stage de fin d’études, via son école, dans un centre d’appels de Korea Telecom. Open space, horaires extensibles, chantage à la prime-qui-ne-vient-jamais, pression constante sur les objectifs à atteindre, culte de la performance – jamais suffisante, toujours inaccessible, les managers reportant leur propre stress sur leurs équipes : l’enfer sur terre. Quoique bien noté par la hiérarchie, le jeune manager de Kim Sohee se suicide ; l’affaire est vite étouffée. Kim Sohee, de plus en plus perdue, finit par s’ouvrir les veines. Ses parents affolés la récupèrent à l’hôpital. Pour eux, l’enjeu de la réussite de leur fille prime sur le reste: et c’est reparti pour le stage. Mais les choses vont de mal en pis pour Kim Sohee. Jusqu’au dénouement fatal, qu’on pressentait.
Doona Bae. Photo: Arizona Distribution
Dans une seconde partie, c’est Yoo-Jin, une femme inspecteur de police qui, éprouvée par la mort de sa propre mère, prend la relève de feu Kim Sohee, pour enquêter sur les circonstances et les raisons de la mort de la jeune fille. Elle affrontera sa propre hiérarchie pour combattre le déni qu’oppose le corps social tout entier à l’élucidation de cette tragédie, le Ministère de l’éducation se défaussant sur la direction de l’école, le staff du centre d’appel sur leurs chefs, etc.
Tout, dans ce film, est dans la manière. Quasiment pas de musique. De longs plans qui fouillent la réalité, comme au scanner. Des dialogues millimétrés, des séquences dépouillées de tout artifice, un découpage attentif à la maîtrise scrupuleuse du tempo, une construction qui confine à l’abstraction. Implacable, About Kim Sohee est admirablement porté par les deux protagonistes qui structurent ce diptyque : Kim Si-eun, actrice débutante, dont le rôle presque mutique exige une intériorisation subtile et délicate ; mais surtout Doona Bae, qui campe l’enquêtrice : elle interprétait déjà une policière dans A Girl at my Door, le film précédent de Judy Jung. C’est une star en Corée du Sud. La respiration du second volet de l’intrigue doit beaucoup à l’intensité de ce regard, à la fois scrutateur et compassionnel.
About Kim Sohee. Film de July Jung. Corée du Sud, couleur, 2022. Durée : 2h15. En salles le 5 avril 2023.
On connaît le poids très important des réseaux sociaux dans le façonnement des débats publics dans les sociétés libres comme les États-Unis ou la France. Leur poids est encore plus grand dans la République islamique où la presse libre n’existe pas… L’ensemble de la société civile dissidente n’a pas d’autres canaux que «les réseaux».
Pour rappel, le nombre de journalistes étrangers est très limité, car ils sont rarement admis et quand ils le sont, c’est à condition d’être accompagnés par les traducteurs locaux (fixeurs) dont les habilitations sont délivrées par les autorités iraniennes. Autant dire qu’ils sont surveillés de près.
La finalisation de l’intranet iranien fermé sonnera le glas de la diffusion de l’information non contrôlée
Dans cette bataille de communication, la République Islamique emploie une « armée cyber », une structure dont le nombre d’agents est estimé entre deux et trois mille et qui dépendent de la cellule de Renseignements des Gardiens de la Révolution. Or, pendant les premiers mois qui ont suivi la désastreuse arrestation de Mahsa Amini en septembre dernier, son décès en détention quelques jours plus tard et le vaste mouvement populaire de contestation que la mort de la jeune femme a déclenché, le régime des Mollahs était complètement hors-jeu dans la bataille de la communication, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Une nation adepte des VPN
Même aujourd’hui, le régime n’arrive toujours pas à contrôler le cyber environnement national. Les applications locales ne fonctionnent pas et tout un écosystème de VPN permet aux activistes de contourner le système de surveillance, afin de rester connecté et de continuer à diffuser de l’information.
Ayant perdu la bataille, le régime essaie de gagner la guerre et s’y emploie en déployant deux stratégies visant à museler l’information.
Le premier volet est technologique : finaliser son réseau d’intranet local comme en Chine, et empêcher l’accès à l’internet d’une manière globale. Des projets importants sont en cours, à la fois pour le déploiement du réseau physique et pour assurer ensuite sa protection matérielle contre des opérations de sabotage.
La finalisation de l’intranet iranien fermé sonnera le glas de la diffusion de l’information non contrôlée. Pour le contourner, il sera nécessaire d’avoir recours à du matériel type Star Link pour continuer d’avoir accès à l’internet. Or, Star Link, comme tout autre accès direct à l’internet satellitaire est bien entendu interdit par l’Iran et de surcroît très cher. Dès lors, son coût d’acquisition et sa rareté réduiraient extrêmement l’accès à l’internet libre ; raison pour laquelle et afin de compléter la boîte à outils dans le domaine du cyber, l’Iran se tourne également vers la Russie.
Le Wall Street Journal en date du 27 mars a publié un article divulguant que la Russie, en échange de la coopération militaire de l’Iran, va livrer à ce dernier un dispositif avancé de cyberguerre offensif. Ce dispositif permettrait au régime d’accroître sa surveillance et de mener des attaques contre les intérêts occidentaux et bien sûr israéliens.
La Russie et l’Iran avaient déjà signé il y a deux ans un accord de coopération pour la défense cyber, mais jusqu’à aujourd’hui la Russie était réticente à livrer les dispositifs les plus avancés dont elle disposait. Avec ce renforcement de la coopération, un seuil sera franchi dans la capacité de nuisance intérieure et extérieure de l’Iran. Interrogé suite à la parution de cet article, Vedant Patel, le vice porte-parole du département d’État américain, a fait part de l’inquiétude de l’administration américaine face à ces nouvelles capacités offensives iraniennes.
Intox et deep fake
Le deuxième volet est psychologique. Il s’agit de pratiquer une politique de la terre brûlée et de semer le doute parmi les utilisateurs de réseaux sociaux par des campagnes d’intox et de deep fake. Autrement dit, rendre l’information si peu fiable que les internautes ne pourraient plus jamais faire confiance à quiconque s’abritant derrière un pseudo. Des trolls, prétendant être des monarchistes, sont déjà utilisés pour semer la zizanie au sein de la coalition des forces d’opposition formée autour de Reza Pahlavi, laquelle compte des personnalités publiques et politiques diverses comme le prix Nobel de la Paix Shirine Ebadi et un parti kurde fédéraliste.
Afin d’illustrer la stratégie de sape de la confiance des internautes, prenons le cas de la nouvelle de l’assassinat du juge Ghassem Salavati. C’est l’un des plus importants juges de la cour d’appel de Téhéran chargé par le régime de prononcer de nombreuses condamnations à mort des opposants, une mission qui lui a fait gagner le surnom de « Juge de la Mort ».
En décembre dernier, le compte Twitter de « Jupiter », chef d’un grand réseau de maquisards, annonce l’assassinat du juge. Un autre compte Twitter, tenu par l’activiste iranien Shahriar Shams, dément immédiatement cet assassinat sans avancer de preuves. Certains internautes soupçonnent Shahriar Shams, en liberté, mais sous la surveillance du régime, d’avoir cédé au contre renseignement du régime. D’autres accusent « Jupiter » d’avoir publié de fausses informations. Le compte Twitter de @Jupiter_rad_2 a même été suspendu suite à un nombre très important de signalements, ce qui laisse supposer une campagne orchestrée. Le compte est désormais restauré et vérifié avec le fameux symbole bleu. Quant au principal concerné, le juge Salavati, il n’a tenu aucune audience publique et n’est apparu dans aucun événement public, y compris à l’occasion de l’anniversaire de la République islamique d’Iran, le 11 février. Seule une photo d’une très basse définition, publiée dans la presse locale, sert de preuve de vie largement insuffisante. On ne sait donc toujours pas avec certitude si le juge de la mort est toujours en vie. Inutile de préciser que le démenti officiel du régime ne vaut ni le papier ni l’encre qui ont servi à sa rédaction…
Twitter pris d’assaut par les trolls
D’autres mouvements politiques se cachent derrière des comptes populaires et ont aussi investi la twittosphère iranienne. C’est notamment le cas des indépendantistes kurdes et du groupuscule marxiste islamique (si si ça existe !), le MEK. Ces comptes populaires ne se revendiquent évidemment pas officiellement de ces groupuscules. Ils jouent cependant un rôle néfaste sur la coalition et l’union de la dissidence iranienne autour de Reza Pahlavi.
Deux comptes viennent d’être démasqués. L’identité et la motivation réelle de leur plume ont été divulguées, et cela a confirmé les soupçons des internautes et la nécessité de se méfier d’un potentiel cheval de Troie.
La stratégie du doute permanent semble être efficace. Les trolls et les avatars, qui y trouvent un espace propice à leur action, s’immiscent dans les commentaires des internautes, ce qui a pour résultat que les leaders d’opinion (les influenceurs politiques) se retrouvent à s’accuser mutuellement d’être à la solde du régime. Ces tensions affaiblissent, bien sûr, les mouvements contestataires et profitent donc au régime en place.
Le délicat débat sur la fin de vie se résume-t-il à ce désir: en finir le plus vite possible?
On peut avoir le plus grand respect pour les enquêtes d’opinion et les sondages, mais savoir les relativiser quand ils sont effectués bien longtemps avant l’échéance qu’ils concernent. Et douter de la fiabilité de la majorité qu’ils dégagent, sur la fin de vie, avant l’issue douloureuse qui confrontera chacun à un choix terriblement concret, et non plus à une interrogation abstraite autorisant une apparente sérénité. C’est dire que, si je ne les juge pas inutiles, je les estime au moins dangereux. Ils constituent à force une sorte d’opinion dominante laissant entendre que l’obsession d’aujourd’hui est l’euthanasie et le suicide assisté, ce qui à l’évidence n’est pas le cas.
Le président de la République avait promis à Line Renaud d’avancer sur l’aide active à mourir. Mais apparemment, sa propre conviction n’est pas encore forgée sur ce sujet infiniment sensible même si l’acte 1 de la Convention citoyenne pourrait être suivi par un acte 2. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs engagé à ce qu’un « projet de loi soit bâti d’ici à la fin de l’été 2023, de manière à permettre de tracer les contours d’un modèle français de la fin de vie ». En même temps, le président a annoncé « qu’il allait lancer un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ».
Qu’on m’entende bien: discuter la validité de ces processus et de ces réflexions collectives sur l’intimité ultime de nos existences n’est en aucun cas nier la réalité des souffrances parfois intolérables éprouvées au sein de familles éplorées et brisées par l’attente de l’inéluctable. Je mesure aussi combien ces citoyens considèrent que leur fonction démocratique est importante et à respecter à l’issue de leurs travaux. À 76%, les membres de la Convention sont favorables à l’accès au suicide assisté et à l’euthanasie « selon certaines conditions et au terme d’un parcours balisé ».
Il me semble qu’ouvrir, sur la fin de vie, « le chantier d’un modèle français » représente un « en même temps » contradictoire dès lors qu’on va s’efforcer également d’amplifier les traitements palliatifs. Ce n’est plus tenir les deux bouts d’une chaîne, c’est feindre de supposer accordés et complémentaires deux bouts qui sont en rupture l’un par rapport à l’autre. Et provoquer inutilement avec l’un nuira à la validité de l’autre. Les soins palliatifs, l’apaisement des souffrances, éventuellement des ajouts à la loi Claeys-Leonetti de 2016, au demeurant insuffisamment appliquée, relèvent d’un registre qui permet aux médecins non seulement de ne pas trahir leur mission mais au contraire de l’exercer encore plus dignement et efficacement. L’aide active à mourir en est la négation. Elle ferait rentrer la tâche de ces professionnels de la vie accompagnée le plus doucement possible jusqu’à la mort naturelle, dans un autre univers qui les conduirait à faire advenir cette dernière sur un mode forcé.
La pratique belge a beau défendre l’idée que l’éthique médicale n’est pas violée par cette aide active à mourir soumise à des garanties, la médecine française est réticente à changer sa volonté de préserver le plus longtemps possible le souffle de vie en une politique du pire avant l’heure. Est-il permis de voir dans cet étrange débat, qu’on revêt artificiellement d’un caractère d’urgence, une diversion par rapport à des problématiques économiques, sociales, sanitaires infiniment plus impérieuses et préoccupantes? Pourquoi cette obsession d’introduire, contre la normalité du processus actuel représentant une parfaite synthèse entre l’homme en voie de mourir et le médecin consacré à son bien-être final, un espace où on présume que chacun d’entre nous n’aura que ce désir: en finir le plus vite possible?
La fin de vie, le suicide assisté sont des sujets à traiter avec infiniment de délicatesse. Je ne suis pas persuadé que la grosse patte législative qui s’immiscera dans les pensées, les sentiments, les douleurs des familles pour théoriquement leur simplifier la tâche ne les dépossédera pas de l’honneur et de la tragédie d’être seules face à un être humain qui heureusement, la plupart du temps, ne leur offrira pas le terrifiant confort d’une demande de départ anticipé. Contre Line Renaud, qu’on me pardonne de préférer les pages fulgurantes de Michel Houellebecq dans une tribune écrite pour Harper’s. Il avait déjà dans son dialogue avec Michel Onfray (dans Front Populaire) dit avec finesse et émotion tout le mal qu’il pensait d’une éventuelle légalisation de l’euthanasie dans notre pays.
Dans la traduction de Harper’s, il écrit: « Peu à peu, sans que personne n’y trouve à redire, sans que personne ne semble même le remarquer, la loi civile s’écarte de la loi morale qu’elle devrait avoir pour unique fonction de servir». Il ajoute que la douleur causée par des souffrances physiques inhumaines sera de plus en plus apaisée par les progrès de la médecine et les soins palliatifs. Enfin, il craint le basculement dans une société à la « Soleil Vert »« où le recours à l’euthanasie serait le moyen de lutter contre les difficultés financières liées au vieillissement de la population. » Je voudrais terminer cette analyse par la douceur tendre et mélancolique de ce propos qui émane encore de Michel Houellebecq, quand il imagine qu’on réponde à une personne désirant mourir: « Mais nous on t’aime, on tient à toi, on veut que tu restes »…
Dans Normale, d’Olivier Babinet (sortie le 5 avril), Benoît Poelvoorde livre une prestation convaincante.
Il y a un mystère Poelvoorde. Non pas que chacun des films dans lesquels il choisit d’apparaître revête le même intérêt. Très loin s’en faut.
Mais il se dégage de cet acteur une telle énergie combinée avec une insondable solitude que les spectateurs que nous sommes en restent bouche bée. Normale, le film réalisé par Olivier Babinet, n’est pas un chef-d’œuvre. Il cultive même certaines petites coquetteries du film d’émancipation adolescente proprement agaçantes. Peu importe, puisque rayonne en son centre la figure paternelle incarnée par Poelvoorde que l’on dirait tout droit sorti des Vitelloni de Fellini. Avec lui, tout passe, même la touche de mélo quand son personnage devient aveugle et que l’on se croit alors dans Parfum de femme. Convoquer ainsi le meilleur du cinéma italien n’est évidemment pas innocent. Ici comme ailleurs, Poelvoorde fait inévitablement penser à Gassman, Sordi et Tognazzi.
L’acteur belge est la synthèse parfaite de ces matamores magnifiques, héros déchus qui nous donnent à rire en cachant les larmes dont ils sont remplis. Et nous avec.
Tous Français, et mieux payés qu’un prof. Voici ce que la fiche de poste révèle des conditions de travail des éboueurs de la mairie de Paris. Dur dur d’être éboueur…
Depuis le début du mouvement des manifestations liées à la réforme des retraites, les éboueurs ont la part belle pour ce qui est des grèves. Paris étouffe sous le poids des ordures qui s’amoncellent dans les rues, mais est-ce justifié ? Causeur s’est procuré la fiche de poste de l’éboueur.e (sic) de statut public-municipal à Paris (ce n’était pas trop dur, il suffit de chercher sur le site).
Pour exercer ce métier, il faut tout d’abord être français ou citoyen de l’UE, ce qui casse le mythe des « métiers dont les Français ne veulent pas ». De plus, leur rémunération en début de carrière est fixée à 2 000 euros bruts par mois, soit plus qu’un instituteur. Ils partent aujourd’hui en retraite à 57 ans et devraient donc, si la loi est promulguée, attendre jusqu’à 59 ans. En revanche, leur espérance de vie reste plus basse que la moyenne (mais elle est bien meilleure que ce qu’on raconte sur les plateaux) : 76 ans dans ce métier quasi exclusivement masculin, contre 79 ans en moyenne pour les hommes en France. Selon un contact à la mairie de Paris, les jours de grève des éboueurs ne seront pas directement décomptés de leur salaire, mais bien étalés sur plusieurs années. Les éboueurs municipaux ramassent les ordures dans dix des arrondissements parisiens. Dans les autres, ce sont des salariés du privé qui s’en chargent : eux partent à la retraite actuellement à 62 ans. Ce métier est-il plus pénible dans le secteur public que dans le privé ?
Racheté par l’homme le plus riche du monde, Elon Musk, Twitter promet désormais une liberté d’expression sans limite. La fuite des emails de « l’avant Musk », les Twitter files, révèle la censure des anti-woke de l’ère précédente. Les acteurs de ce scandale sont auditionnés par les Républicains à la Chambre des représentants.
Depuis que les Républicains ont récupéré de justesse la majorité à la Chambre des représentants américaine, ils organisent de multiples commissions d’enquête. La Sous-Commission consacrée à la « transformation en arme » de Twitter par le gouvernement fédéral de Biden (Select Subcommittee on the Weaponization of the Federal Government on the Twitter Files) éclaire l’existence de comités de censure qui sévissaient sur Twitter avant le rachat par Elon Musk. Ce dernier a fourni des dizaines de milliers d’emails, suggérant l’existence de ce que certains ont appelé un véritable « complexe industriel » de la censure (Censorship Industrial Complex) dans lequel le FBI aurait joué un rôle assez trouble. Courant février et mars 2023, les Républicains américains ont auditionné une série d’anciens haut-dirigeants de Twitter, virés par Elon Musk lors du rachat. L’audition du 8 février 2023, notamment, a mis sur le grill James A. Baker, ancien directeur juridique adjoint chez Twitter et ancien directeur juridique au FBI; Vijaya Gadde, ancienne directrice juridique; Yoel Roth, ancien responsable de la sécurité, ainsi qu’une « simple » employée, Anika Collier Navaroli.
Les griefs des Républicains portent sur les différents comités de censure qui fonctionnaient au sein de Twitter avant l’arrivée d’Elon Musk, essentiellement contre les conservateurs au nom de la lutte contre les fake news. Ou encore sur l’affaire de Hunter Biden et de son ordinateur portable, censurée par Twitter et, enfin, sur les liens supposés de l’oiseau bleu avec le FBI. Les différentes auditions sont toujours visibles sur YouTube via la chaîne Forbes Breaking News.
Viol du 1er Amendement
En ligne de mire: l’ancien responsable de la sécurité, Yoel Roth, âme pensante (damnée ?) de Twitter, qui avait notamment qualifié, via un tweet, les conseillers de Trump à la Maison-Blanche de « nazis », un tweet qu’en séance il a dit regretter. Ce dernier a démissionné peu de temps après la prise de poste de Musk, malgré leur bonne entente publique.
C’est la députée républicaine Lauren Boebert, militante en faveur du port d’armes, qui dénoncera le « shadow ban » dont elle fut la victime, une politique de censure de certains élus républicains dans l’opacité la plus totale et en l’absence de toute possibilité d’appel. Mme Boebert, dont le compte Twitter a été censuré à plusieurs reprises, l’empêchant de dialoguer avec ses électeurs, a fini par faire avouer à Yoel Roth qu’au moins dix agents du FBI travaillaient étroitement avec Twitter pour aider le réseau social à gérer les « haters », les conspirationnistes anti-vaccins et autres ennemis de la démocratie. Les Républicains soupçonnent au contraire le FBI d’avoir agi en service commandé pour affaiblir leur influence électoralement. Ces anciens dirigeants de Twitter risquent des amendes pénales, voire de l’emprisonnement pour avoir enfreint le 1er Amendement (celui qui garantit la liberté d’expression) et pour entrave au bon déroulement de l’élection présidentielle de 2020. Leur inculpation reste toutefois peu probable. En France, à ma connaissance, seuls les médias de « réinformation » (Sud-Radio…) ou d’extrême-gauche (Le Media…) en ont réellement parlé, ainsi que Florian Philippot, le président des Patriotes. Pour les médias mainstream, l’essentiel, depuis le rachat du réseau social par le « fantasque » Elon Musk, consiste, non pas à saluer son combat pour la liberté d’expression, mais à accabler celui-ci, regrettant le temps d’avant et qualifiant son management de « montagnes russes ».
Le FBI au service de la censure?
Matt Taibbi et Michael Shellenberger, deux journalistes qui ont enquêté sur des documents mis à leur disposition par Elon Musk, ont été également auditionnés par la même Sous-Commission de la Chambre des représentants. Ils auraient eu accès à des dizaines de milliers d’emails internes démontrant que le FBI est allé bien plus loin qu’une aide logistique à Twitter. Il apparaît aujourd’hui que le Twitter d’avant Musk a contribué avec le FBI à censurer essentiellement le camp conservateur et donc peut-être aidé à faire élire Joe Biden.
« Les leaders intellectuels du complexe de censure ont convaincu les journalistes et les dirigeants des médias sociaux que des informations exactes sont de la désinformation, que des hypothèses valables sont des théories du complot et qu’une plus grande autocensure est essentielle pour un journalisme plus rigoureux », selon Shellenberger sur Fox News. Toujours selon M. Shellenberger, le gouvernement travaillerait main dans la main avec les GAFAM pour développer des outils informatiques, dont l’intelligence artificielle, capables de censurer des informations, jugées valables ou non selon un algorithme.
En séance, bien sûr, Shellenberger et Taibbi ont fait l’objet, de la part des représentants démocrates, d’une extrême agressivité, et de la part des élus républicains, d’une grande mansuétude…
Nos femmes et hommes politiques, de quelque bord que ce soit, se laisseront-ils emporter par la foule des manifestants et des émeutiers qui contestent l’actuelle réforme des retraites ? S’abandonneront-ils à la démagogie la plus débridée ? Ou seront-ils réduits, par manque de légitimité populaire, à l’impuissance gouvernementale la plus totale ? Pour Elisabeth Lévy, l’agitation que connaît la France n’est pas seulement la énième bataille des retraites mais l’aboutissement d’un long délitement. Macron n’est pas seul responsable de l’état calamiteux du pays, nous le sommes tous. Si les gouvernants ont vendu des illusions, les gouvernés les ont achetées avec joie. « Nous sommes devenus une nation de consommateurs drogués à la dépense publique – un post-peuple en somme ». Selon l’analyse de Pierre Vermeren, cela fait des décennies que nos dirigeants encouragent une croissance tirée par la consommation plutôt que par la production. Ce modèle est largement financé par la dépense sociale et alimenté par l’immigration qui ne vise pas à combler nos besoins en main-d’œuvre mais à soutenir la consommation. Gaulliste pur jus, anciennement plume de Nicolas Sarkozy et député, Henri Guaino rappelle qu’on ne peut gouverner sans le consentement du peuple. Le pire des gouvernants est celui qui fait passer son orgueil personnel avant l’intérêt du pays. Stéphane Germain explique comment le « modèle social » de la France conduit le pays à la ruine. La réforme des retraites est une mesurette qui ne résout rien au problème abyssal de la dette publique.
Faute d’alternative possible, nous sommes dans une impasse politique, selon Céline Pina. Incapables de se coaliser, le RN et LFI se neutralisent l’un l’autre et sont les meilleurs alliés du président de la République. Mais entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, c’est la présidente du RN qui a le vent dans les voiles. Pourtant, la crise profonde que nous vivons n’est pas inédite dans notre histoire. Pour l’historien, Emmanuel de Waresquiel, elle témoigne même d’une longue « tradition » héritée de 1789 : la guerre de légitimité entre le peuple et ses gouvernants. Nos dirigeants devraient se rappeler que, notre culture privilégiant l’affrontement à la négociation, la politique se fait aussi dans la rue. Le parti qui souffre le plus à l’heure actuelle, c’est peut-être Les Républicains, tiraillés qu’ils sont entre les amoureux de la macronie, les nostalgiques du gaullisme, les dragueurs de RN et les adeptes de l’immobilisme. Si vous étiez un élu LR, dans quel rang seriez-vous ? Pour le savoir, passez le test proposé par Céline Pina !
Dans son édito du mois, Elisabeth Lévy commente le dernier avis du Comité consultatif national d’éthique qui recommande aux gynécologues, urologues et autres proctologues de ne procéder à l’examen des parties intimes de leurs patients qu’en recueillant à chaque étape de la consultation le consentement de ces derniers. Et ce, au nom de leur « savoir-être ». Conclusion ? « L’idéologie du soin et de la bienveillance nous transforme insensiblement en êtres fragiles, dépendants, craintifs ». Pour le reste de l’actu, Jean-Noël Poirier nous parle de l’explosion du gazoduc Nord Stream, et Driss Ghali des propos du président tunisien qualifiant l’immigration subsaharienne de « plan criminel », propos qui nous rappellent le vieux racisme des Arabes contre les Noirs ; inconcevable pour nos bien-pensants. La députée, Emmanuelle Ménard, raconte sa vie à l’Assemblée où tout se passe avec des cris, des pleurs et des grincements de dents. Jean-Michel Delacomptée fait une analyse critique de l’histoire du terme « féminicide », utilisé pour désigner indistinctement des faits de société et des faits divers. Chacun de ces crimes relève d’une histoire singulière, irréductible à toute interprétation globalisante, tandis que « l’utilisation du mot féminicide tend, implicitement ou explicitement, à criminaliser l’ensemble des hommes ». Pour Ivan Rioufol, le pouvoir en place n’est pas content d’ignorer avec superbe les gémissements de la France ordinaire. Maintenant, c’est sur la classe moyenne que s’acharne le « Mozart de la finance ».
« Génération Dieudonné, génération intoxiquée ». Notre dossier porte sur l’humoriste et complotiste qui, le 10 janvier, a publié une lettre ouverte dans Israël Magazine où il présente ses excuses à « toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de lacommunauté juive ». Faut-il accepter ces excuses ? Sont-elles sincères ? Le vrai problème de Dieudonné n’est pas sa sincérité mais son héritage, toujours vivace, qu’il faut inlassablement démonter et dénoncer. Dans un témoignage aussi poignant qu’assassin, Yannis Ezziadi, dieudonniste repenti, raconte les ravages de la sphère « Soral-Dieudonné », et s’insurge contre les excuses de son ancien gourou. Comme il le dit : « Son grand crime, c’est son crime contre la vérité : son complotisme ». Gil Mihaely retrace la carrière de l’humouriste, de son ascension remarquable au cours des années 90 à sa transformation à partir de 2002 en conspirationniste, antisémite et négationniste. Aujourd’hui, privé de théâtre et interdit de réseaux sociaux, il est surtout passé de mode. Jean-Baptiste Roques voit dans le dieudonnisme non seulement une banalisation pernicieuse de l’antisémitisme, mais une redoutable habileté médiatique à se faire passer pour un héros de la liberté et de la vérité. J’analyse le modèle économique de Dieudonné qui ressemble de très près à celui de ses principaux confrères dans le business du complotisme, pendant qu’Olivier Douman explique comment l’humouriste bénéficie de soutiens d’une complaisance plus que douteuse, notamment à la FNAC du Forum des Halles, à Paris, où un responsable de rayon, sous couvert « d’ésotérisme », continue de promouvoir les pires thèses complotistes et antisémites. Nous avons deux témoignages. Alexandre de Galzain a assisté au nouveau spectacle de Dieudonné, « Foutu pour foutu », qui pour lui tend à confirmer la sincérité de ses excuses. Jean-Paul Lilienfeld, qui a été le premier réalisateur à offrir un grand rôle au cinéma à l’humoriste avant de voir la direction antisémite qu’il allait prendre, affirme, au contraire, qu’il ne peut croire en l’honnêteté de ses « excuses ».
Côté culture, rappelons-nous que James Bond, quand il commandait son vodka Martini, disait toujours, « au shaker et pas à la cuillère ». Malheureusement, les nouveaux puritains n’y vont pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit d’expurger les livres d’Ian Fleming, ainsi que ceux de Roald Dahl et d’autres auteurs du passé, leur enlevant toute aspérité et toute complexité, éliminant le moindre mot qui puisse troubler le lecteur bisounours issu du wokisme. Patrice Jean dénonce le travail de ces « sensitivity readers » : « Souhaiter une littérature débarrassée du négatif, c’est souhaiter, ni plus ni moins, la mort de la littérature ». Georgia Ray nous encourage à découvrir La Maison, un inédit de Julien Gracq. Ces 30 pages humbles et percutantes nous consolent du morne paysage proposé par nos écrivains contemporains, donneurs de leçons accaparés par les petits bobos. Tout n’est pas à rejeter de la production artistique notre époque : Pierre Lamalattie s’enthousiasme pour l’univers étrange de l’artiste belge, Hans Op de Beeck, dont les œuvres font l’objet d’une exposition au musée de Flandre, à Cassel.Julien San Frax salue une nouvelle biographie du collabo, Abel Bonnard, qui révèle tout un pan, complexe et paradoxal, de l’histoire de Vichy. Où sont les sardineries artisanales d’antan ? Emmanuel Tresmontant nous révèle qu’elles étaient 200 au siècle dernier. Aujourd’hui, il en reste huit. C’est dommage, car une boîte de sardines à l’huile est aussi riche en histoires qu’en oméga 3, évoquant toute l’épopée de la conserverie, des marins-pêcheurs, de leurs épouses et de leurs veuves. Mieux vaut un goût de sardine dans la bouche que celui, amer, laissé par la nouvelle adaptation au cinéma des Trois Mousquetaires. Pour Jean Chauvet, c’est un véritable massacre à la tronçonneuse qu’Alexandre Dumas n’avait pas mérité. Si le nouvel opus de Dany Boon a la même odeur de faisandé, il reste le film de Benoît Poelvoorde… Si notre président actuel était un personnage historique du passé, ce serait qui ? Marsault nous apporte une réponse, définitive.
Des visages d’anges au service d’une idéologie pas toujours divine…
En 2018, le monde apprit l’existence de Greta Thunberg, cette très jeune Suédoise qui dénonçait chaque vendredi les gouvernements occidentaux supposément inactifs face au réchauffement climatique. Elle avait alors quinze ans, l’allure et l’élocution d’un robot dyslexique, le regard mauvais. Son discours tenait en quelques mots rageurs, ses gestes étaient asynchrones et sa bouche, déformée par des spasmes, lançait de dures sentences et de lourdes menaces.
Grincheuse Thunberg
Les médias et les écolos profitèrent d’avoir ce monstre de foire sous la main pour affoler les citoyens. Les parlements nationaux et européen invitèrent la jeune créature à vomir sa bile verdâtre dans leurs enceintes – après s’être fait copieusement insulter, ils applaudirent à tout rompre le dragon suédois qui venait de les cramer devant les caméras du monde entier. Les Verts s’agenouillèrent devant la grincheuse, quémandèrent sa bénédiction en se signant frénétiquement, promirent de porter son message à travers les villes et les campagnes.
Benoît Hamon se réveilla en sursaut, déclara: « C’est elle, le génie européen », puis retourna dans les catacombes politiques où il demeurait depuis sa déroute aux élections présidentielles. Les colères apocalyptiques de Greta Thunberg sont écoutées comme des oracles par une partie de la jeunesse et les représentants politiques adeptes d’un écologisme sectaire et prêt à tout pour détruire notre industrie, notre agriculture, notre indépendance énergétique, nos paysages et notre identité. La propagande continue de battre son plein, à l’école et dans les médias, et vise principalement la partie de la population la plus perméable à ce type d’idéologies, la jeunesse petite-bourgeoise attirée par les idées simplistes mais mortifères du gauchisme écolo-wokiste.
La jeune Scandinave qui ânonnait des diatribes apprises par cœur a maintenant vingt ans. C’est jeune, biologiquement parlant, mais déjà presque obsolète pour des médias en quête de phénomènes de cirque à peine sortis de l’enfance ou des jupes de leur mère. Un de ceux-là, âgé de quinze ans, est apparu tout récemment sur nos écrans. Élève de seconde au lycée Buffon à Paris, représentant du syndicat La Voix lycéenne, le juvénile Manès Nadel rabâche métronomiquement les discours des Insoumis et des Verts, ses références. « Ce sont les mouvements révolutionnaires à tendance tyrannique qui croient que pour mettre en place de nouvelles conditions il faut commencer par les enfants », écrit Hannah Arendt (1). Les mouvements radicaux cherchent à embrigader une jeunesse d’autant plus manipulable que les adultes, apeurés ou eux-mêmes idéologisés, ne savent ou ne veulent plus faire montre du minimum d’autorité nécessaire pour remettre simplement à sa place la marmaille. Des parents et des professeurs courbent l’échine devant de très jeunes gens vindicatifs et colériques que de plus malins qu’eux manipulent sans vergogne dans le but de détruire « ce monde qui a pourtant besoin d’une protection qui l’empêche d’être dévasté par la vague des nouveaux venus qui déferle sur lui à chaque nouvelle génération (1) ». Manès Nadel et ses congénères, adolescents bercés d’utopies révolutionnaires, sont à la fois des marionnettes manipulées par des politiciens affranchis et des tyranneaux. L’écologisme et le gauchisme, ces deux plaies du monde, semblent s’être donné rendez-vous dans le corps chétif de cet adolescent qui admoneste le gouvernement en répétant, tel un singe savant, les tours de langage de ses aînés politiques ou syndicalistes. Les médias s’extasient devant ce perroquet jacassant et commentent le plus sérieusement du monde un bredouillis remâché et encore plus ridicule lorsqu’il sort de la bouche d’un enfant. Un journaliste plus que cinquantenaire parle avec lui d’égal à égal, comme si rien ne les séparait, surtout pas les nombreuses années qui font la différence entre un blanc-bec et un homme expérimenté. Dans L’ingratitude, Alain Finkielkraut rappelait l’effroi de Henry James, de retour en Amérique après vingt ans d’absence, devant les enfants de Boston qu’il qualifie de « petit démocrates endiablés par la démocratie » – non pas la démocratie en tant que régime politique mais en tant que forme sociale où l’égalitarisme est arrivé à son point le plus haut et, ce faisant, a englouti toutes les notions de hiérarchie, d’écart, de différence entre les individus, en particulier de différence d’âge. Dans une nouvelle de James, notait encore Alain Finkielkraut, un personnage, Miss Sturdy, s’insurge contre la glorification de cette jeunesse dans la société américaine égalitariste : « Les gens parlent de la jeunesse, la considèrent, la respectent, s’inclinent devant elle. Elle est partout, et partout où elle est, c’est la fin de tout le reste. […] En tant que femme de cinquante ans, je proteste. Je tiens à être jugée par mes pairs. C’est trop tard […] la maturité sera manifestement de plus en plus dévalorisée. » Dans une France atteinte aujourd’hui du même mal égalitariste et ultra-démocratique, un adolescent à peine sorti de l’enfance peut avoir le sentiment d’être totalement autonome et se croire arrivé – sentiment renforcé par l’agrément d’adultes soucieux de ne pas passer pour des monstres autoritaires ou, pire encore à leurs yeux, anti-démocratiques. Manès Nadel, petit démocrate endiablé par la démocratie, n’est entravé par aucune autorité – en hyper-démocratie, « autorité » est devenu un gros mot, on l’évite, au même titre que « hiérarchie », « transmission » ou « héritage ». En revanche, le mot « égalité » est sur toutes les lèvres, y compris et surtout celles des marmots.
#balancelesadultes
La lecture du dernier roman d’Alexis Legayet, Ainsi parlait Célestine (2), permet d’appréhender ce phénomène sur un mode littéraire. Célestine a treize ans. Elle est écologiste et végétarienne. Pour « sauver la planète », elle a renoncé à la douche et trie les détritus domestiques dans sept poubelles de différentes couleurs ; son père peine à ne pas déroger aux règles qu’elle impose, en particulier l’interdiction de fumer, de boire de l’alcool ou de manger de la viande. Prête à tout pour culpabiliser et changer ce « vieux monde », Célestine installe un spyware (logiciel espion) sur le portable de son géniteur et s’aperçoit avec horreur qu’il visite des sites pornographiques. Après avoir créé avec sa copine Lucette le #balancetonpère, elle diffuse un premier message en guise de manifeste: « Nos pères sont des irresponsables. La planète brûle et ils boivent, fument, baisent, regardent le football et roulent en 4×4. Le mien s’appelle Francis Durand. Il mélange les poubelles, fume en cachette, mange du saucisson, refuse le train et le covoiturage et mate des films pornos en cachette ! » Le succès est au rendez-vous, le nombre de Gardes Verts augmente de jour en jour, avec des conséquences catastrophiques pour les « vieux mâles dominants » dénoncés par leur progéniture. Plusieurs hashtags voient le jour et complètent la panoplie totalitaire : #balancelesadultes, #balancelesvoisins, puis, finalement c’est plus simple, #balancetoutlemonde. Tandis que les adultes sont rééduqués grâce à des stages sur mesure, Célestine et ses acolytes lancent les Brigades de la Planète, occupent les collèges, séquestrent les professeurs qui veulent leur imposer la lecture de cette vieillerie qu’est Le Rouge et le Noir, affolent le gouvernement qui se refuse à les « maltraiter », réclament finalement l’extension du droit de vote aux enfants à partir de onze ans et la possibilité d’être élu maire, député ou président à partir de treize ans. Je vous laisse découvrir si ces jeunes et féroces activistes parviendront à leurs fins.
Ce roman, très drôle, est également assez angoissant : les sermons et les agissements extrêmes des jeunes protagonistes, la torpeur des adultes infantilisés, la défaillance de l’État, la léthargie de la société hébétée, ne sont déjà presque plus des caricatures. Jean-Luc Mélenchon proposait, s’il était élu, d’abaisser l’âge du droit de vote à seize ans. Des individus à peine pubères sont interviewés sur la réforme des retraites comme s’ils avaient derrière eux une longue pratique du travail et une immense expérience de la vie. Le journal moribond L’Humanité encense bien entendu le « jeune prodige », Manès Nadel, et, lors d’un micro-trottoir, n’hésite pas à interviewer Maya, élève en CM2 qui, doctement, donne son avis sur la politique du gouvernement. On voit par là que le roman d’Alexis Legayet n’est pas un roman d’anticipation, mais une prophétie dystopique en train de s’accomplir – et que ce monde déglingué continue de sombrer dans l’abîme. Inévitablement, nous pensons une fois de plus à Jaime Semprun: « Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “À quels enfants allons-nous laisser le monde ?”(3) » Les médias et l’Éducation nationale formatant nos très jeunes hyper-démocrates enivrés d’hyper-démocratie, les adultes refusant d’endosser leur rôle – qui est de protéger les enfants vis-à-vis de la société mais aussi de protéger le monde vis-à-vis des enfants – il y aura évidemment de plus en plus de Manès et de Célestine et, évidemment, le monde n’en sortira pas indemne.
(1) Hannah Arendt, « La crise de l’éducation » dans La crise de la culture, Folio essais.
L’agitation que connait la France n’est pas seulement la énième bataille des retraites, mais l’aboutissement d’un long délitement. Alors que le divorce semble consommé entre les Français et le pouvoir, le récit dominant dans les médias, c’est que tout est de la faute de Macron. En réalité, nous sommes tous responsables de l’état calamiteux du pays, les gouvernants qui ont vendu des illusions, et les gouvernés qui les ont achetées avec enthousiasme.
« Crise » est trop vague (même quand on y ajoute « de régime »), « agitation », trop faible, « révolution », inadapté (ou prématuré). En vérité, on ne sait à quel mot se vouer. Personne n’a trouvé la martingale sémantique qui raconterait le chaudron français. Peut-être parce que, comme l’a dit, je ne sais plus qui, l’histoire nous présente en même temps toutes les factures de quarante ans de choix collectifs calamiteux.
Doit-on parler pudiquement des « événements », comme en mai 1968 ou aux débuts de la guerre d’Algérie, de la « situation », comme des proches du président cités dans un quotidien ? Une chose est sûre, la France est une cocotte-minute, chacun semblant avoir un compte personnel à régler avec le pouvoir. Depuis deux mois, la contestation bat le pavé, des trains sont annulés, des classes fermées, des facs bloquées, y compris Assas et Paris-Dauphine qui a connu la première grève de son histoire. Les rues de la capitale (et d’autres cités), jonchées de montagnes de détritus, ont pris un air encore plus désolé que d’habitude. Les touristes ont fui nos villes transformées en territoires hostiles.
On a aussi découvert que les Français étaient très à cheval sur le rôle du Parlement. Soixante millions de constitutionnalistes pointilleux se sont étranglés de rage après l’annonce du recours au 49.3, érigé en symbole de la surdité du pouvoir et du débat confisqué – confiscation très théorique quand, depuis des semaines, nous ne parlons que de ça. Un rassemblement sauvage s’est invité place de la Concorde, à un jet de pavé de l’Assemblée nationale. Certains y ont vu un quasi-remake de février 1934, d’autres, une représentation de la décapitation du roi. À Paris et dans d’autres villes, des jeunes gens très à cran sur leurs vieux jours ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre au cours de soirées Butagaz (comme on disait en Corse à la grande époque du FLNC) à l’issue desquelles on comptait les incendies de la nuit. Avant même le festival extrême gauchiste de Sainte-Soline, on dénombrait des dizaines de blessés, forces de l’ordre et manifestants. Parfaits idiots utiles du capitalisme qu’ils prétendent combattre, les black blocs et leurs jeunes émules qui jouent au Grand Soir permettront sans doute au pouvoir de rameuter le Parti de l’ordre. Reste qu’il est difficile de se départir du sentiment que notre merveilleux État, si efficace pour persécuter d’honnêtes travailleurs, est impuissant face aux voyous et autres casseurs.
Tout est de sa faute !
Rembobinons. Un président réélu avec 58 % des suffrages présente la seule réforme qu’il avait annoncée (passablement adoucie de surcroît). Et toute la France (en tout cas une très large majorité) se dresse contre lui, le sommant de la retirer. C’est la preuve que l’élection ne produit plus de légitimité, ce qui est bien fâcheux car, à l’âge démocratique, nous n’avons pas inventé d’autre moyen d’en fabriquer. Emmanuel de Waresquiel rappelle (pages 32-34) que ce conflit de légitimité entre la rue et les urnes est un classique de notre histoire depuis la Révolution. Ça finit rarement bien.
La question est épineuse : jusqu’à quel point un dirigeant régulièrement élu peut-il gouverner contre la volonté majoritaire, fut-elle exprimée seulement dans la rue ou dans les sondages ? Pour Henri Guaino, gaulliste sourcilleux, cela ne se discute pas (voir pages 24-27) : « Que le peuple ait raison ou tort, il doit avoir le dernier mot. » Reste à savoir si nous sommes encore un peuple, quand la seule chose qui paraît nous rassembler, c’est le sentiment que l’avenir est sombre, et la « colère », mot qui permet de sanctifier n’importe quelle transgression. Alors certes, on ne peut pas gouverner contre le peuple. Mais on conviendra qu’il est souvent difficile de gouverner avec lui.
On n’est donc pas obligé d’adhérer au récit romantique et doloriste d’un peuple paré de toutes les vertus, pétri d’intérêt général, victime du cynisme et du mépris de ses élites incarnées au premier chef par la figure maléfique du chef de l’État. C’est la faute à Macron ! Ce récit s’est largement imposé dans les médias, soucieux de câliner leur public. Par son style, son assurance de gars à qui tout a toujours réussi, sa certitude d’avoir raison contre tous, le chef de l’Etat concentre toutes les tares, réelles ou supposées, prêtées aux gouvernants. Aux manettes depuis six ans, il est évidemment l’un des premiers artisans du marasme où nous sommes. Mais la dégringolade française n’a pas commencé avec Macron. Dans le long processus de délitement entamé dans les années 1980, les responsabilités sont largement partagées entre gouvernants et gouvernés pour la bonne raison que nous nous sommes vautrés dans les mêmes mensonges. Qui nous explosent à la figure aujourd’hui.
Le procès des gouvernants est instruit à intervalles réguliers, leurs errements connus. Une classe dirigeante élue pour défendre les intérêts du pays a abdiqué de la réalité du pouvoir au profit de la technocratie bruxelloise, abandon assaisonné, pour le supplément d’âme, de repentance et autre autoflagellation. Pour justifier pleinement la préférence post-nationale, lui conférer une dignité morale, il fallait dénigrer tout ce qui était national, accusé de sentir le rance et de charrier des idées nauséabondes. L’Europe n’était pas un choix rationnel reposant sur une appréciation de nos intérêts, mais le moyen de nous délivrer des vieux démons de l’idéologie française et d’en finir avec un passé criminel. Dans la même logique antifasciste, grâce aux manigances de François Mitterrand avec Jean-Marie Le Pen, la plupart de nos présidents, de droite comme de gauche, se sont satisfaits d’une élection par défaut, emportée en jouant le grand air de « moi ou les fachos », le funeste « cordon sanitaire » permettant de neutraliser les voix d’un nombre croissant de Français. Faire barrage à Le Pen, quel beau et grand projet pour la France !
Ces mêmes dirigeants, démontre magistralement Pierre Vermeren, ont fait le choix d’une croissance tirée par la consommation, largement financée par la protection sociale. Résultat, résumé par Stéphane Germain (pages 28-29) : « Plus d’Europe, plus de dettes, plus d’allocs, plus d’immigration, plus d’impôts, moins de services publics. » À quoi on peut ajouter : moins d’école, moins de nucléaire, moins de médecine, moins de sciences. Et moins de travail. Enfin, par lâcheté, courte vue et conformisme, ils ont effrontément menti sur l’état réel du pays. Quand le réel s’infiltre de toutes parts comme autant de voies d’eau, le déni est intenable.
Aider les riches et insulter les pauvres
Devant le tribunal de l’Histoire, les gens qui ont gouverné la France pendant cette période prendront cher et ce sera justice. Mais nous, les citoyens, valons-nous beaucoup mieux ? Nous nous réclamons du peuple avec les trémolos de rigueur, mais Macron a raison (même s’il a eu tort de le dire): des foules en colère ne font pas un peuple, c’est-à-dire une communauté politique qui s’accorde au moins sur la possibilité du désaccord. Dans l’espace public, il n’y a plus d’adversaires, il n’y a que des ennemis. Une élue insoumise a tranquillement traité ses collègues de la majorité de monstres. Un monstre n’appartient pas à l’humanité commune. « Macron n’est pas humain », peut-on lire sur un mur surplombant les voies sur berge à Paris. Sans doute boit-il du sang d’enfant au petit déjeuner. Ce qui flotte dans l’air, ce n’est pas la joie de la concorde civile, ni même le rêve de l’avenir radieux, mais une envie de têtes plantées sur des piques, le pire de l’esprit sans-culotte, revu et aggravé par les réseaux sociaux : envie, assimilation de toute différence à une inégalité et de toute inégalité à un privilège. Pourquoi lui et pas moi ? L’affaire de la montre est emblématique de ce climat délétère. Pendant son intervention télévisée, le président a ôté sa montre (parce qu’elle faisait du bruit a-t-on appris ensuite). Il n’en fallait pas plus pour lancer les meutes numériques, convaincues que la tocante coûtait cinq ans de SMIC, au point que l’Élysée a dû faire savoir qu’elle vaut 2 400 euros. Dans Libération, Daniel Schneidermann établit un parallèle avec l’affaire du collier de la reine, sombre histoire d’un bijou hors de prix prétendument acheté par Marie-Antoinette sur deniers publics. De fait, il n’y avait pas de collier et il n’y a pas de montre à 80 000 euros. Sauf que, pour Schneidermann, le soupçon est légitime. Si Macron, comme Marie-Antoinette, est personnellement haï, c’est parce qu’il aide les riches et insulte les pauvres, en particulier quand il prétend les ramener sur le chemin du travail.
Nous nous racontons des histoires sur nous-mêmes. Nous invoquons pieusement 1789, mais notre horizon, ce n’est pas la liberté, c’est la retraite. Nous nous gargarisons de fraternité, mais chacun estime en avoir fait assez et pense que c’est au tour des autres d’en baver – ainsi aurons-nous inventé l’individualisme d’État. Comme le démontre Pierre Vermeren (pages 20-23), 26 millions d’actifs (représentant 35 % de la population contre 55 % en Allemagne) portent tout le monde à bout de bras.
Nous nous berçons collectivement de la grande illusion qui constitue à peu près le seul programme de la gauche : de l’argent il y en a, il suffit de le prendre aux riches. Forts de nos droits acquis (pour l’éternité ?), voilà quarante ans que nous dépensons 50 % de plus que ce que nous produisons. Nous sommes devenus une nation de consommateurs drogués à la dépense publique – un post-peuple en somme.
Alors, bien sûr, le peuple a le dernier mot. On aimerait savoir ce qu’il a à dire. « Nous n’avons pas élu Macron pour faire cette réforme », clament les manifestants. D’accord, mais pour quoi faire l’avons-nous élu ? Peut-être que la réponse est simplement : rien ! C’est l’hypothèse désenchantée de Marcel Gauchet : « L’affect profond qui travaille la société française, c’est l’immobilisme : c’est notre manière de nous protéger des malheurs du monde. En 1981, au moment où le monde entier changeait de direction, nous décidions d’instaurer le socialisme dans un seul pays. » Avec les heureux résultats que l’on sait. Aujourd’hui, ça nous reprend : quand le monde entier retarde le moment du départ à la retraite, nous rêvons de droit à la paresse. Je le reconnais, l’argument « les autres le font » n’est pas très folichon. Serions-nous, nous les Français, soumis au réel comme de vulgaires Grecs ? J’aimerais croire encore que notre voix singulière, notre génie particulier nous autorisent à nous affranchir des lois du marché, qu’en fiers Gaulois réfractaires, nous sommes prêts à défendre notre village contre la macdonaldisation planétaire. Seulement, l’indépendance, la singularité, la souveraineté, cela se paye. Cela exige du courage, de l’honneur, du panache. Il n’est pas certain qu’un peuple qui laisse son école périr sans réagir, mais se dit prêt à se battre pour sa retraite et ses prestations sociales ait les moyens de son ambition.
Les citoyens ne sont pas des enfants. Le grand déclassement n’est pas un phénomène naturel. Gouvernés et gouvernants, nous en sommes tous responsables. Ils ne voulaient pas dire la vérité et nous ne voulions pas l’entendre. Ils nous ont vendu des illusions, et nous les avons achetées avec enthousiasme. En somme, tout le monde était d’accord pour se coller la tête dans le sable. Et maintenant, c’est tous ensemble que nous sortons de l’Histoire.
Alexandre Dumas n’avait pas mérité ça: le massacre à la tronçonneuse qu’opère un film français sur ses Trois Mousquetaires laisse un goût amer dans la bouche.
« On peut violer l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants », écrivit un jour Alexandre Dumas qui parlait en orfèvre. Son génie lui permettait tout en la matière, y compris d’inventer un surnom à Marguerite de France que jamais personne avant lui n’appela « Margot ». C’est pourtant ainsi qu’on la désigne désormais. On pourrait multiplier les exemples des erreurs, raccourcis, inventions et autres réécritures pratiqués par Dumas et ses nègres pour faire de l’histoire de France un merveilleux réservoir d’histoires tout court. Montecristo est ainsi l’un des plus beaux enfants de la littérature française, tout comme la Nuit de la Saint-Barthelemy dans La Reine Margot déjà citée. Oui, les enfants inventés de toutes pièces par Dumas et son génie fécond méritent de figurer au panthéon de nos lectures d’enfant puis d’adulte. On y trouve tout ce qui nous manque tant et si souvent : du souffle, du panache, de l’humour et du tragique. Bref, du romanesque en veux-tu, en voilà. Élevés au lait maternel d’Alexandre Dumas, nous serons toujours à même de nous plonger dans un roman avec le secret espoir d’y trouver une vie meilleure. Alors, quand s’annonce l’adaptation des Trois Mousquetaires sur grand écran, que faire d’autre que de rêver et tout bonnement saliver à la perspective de retrouver les quatre cavaliers de cette machine à rêves flanqués de Richelieu, Planchet, Bonacieux et les autres ? On passe vite sur le nom du réalisateur Martin Bourboulon parce qu’il a récemment et littéralement massacré la vie de Gustave Eiffel avec une tour devenue infernale à cause de lui. On passe aussi vite en apprenant que c’est François Civil, au charisme de courgette, qui incarne d’Artagnan. On jette d’autres voiles plus pudiques sur telle actrice ou tel autre acteur. Bref, on est prêt à tout pour se laisser embarquer et plonger avec délice dans la course aux ferrets.
Mais c’était hélas sans compter avec les deux scénaristes, Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, à la tête d’une entreprise de démolition en tous genres. On songe alors à la phrase de Dumas et on se dit que ces deux-là lui ont fait des enfants bien laids… Tout dérape dès l’introduction. Chez Dumas, c’est un festival de malices et de bonheurs narratifs. D’Artagnan est sous sa plume alerte un « Don Quichotte de dix-huit ans » monté qui plus est sur un « bidet du Béarn, âgé de douze ou quatorze ans, jaune de robe ». S’ensuit le réjouissant récit d’une entrée dans la vie qui vire à la raillerie et au désastre. Mais nos deux scénaristes, eux, ont l’esprit de sérieux. Pas question de rire. Il faut du drame et pas qu’un peu. La scène se passera donc de nuit, sous la pluie battante, avec un Bruce Lee d’époque, version fier à bras. D’entrée de jeu, on se bat plus au pistolet qu’à l’épée, ce qui transforme la France de 1626 en une sorte d’annexe d’un western spaghetti des années 1970. C’est triste, sinistre et rigoureusement anachronique. Pour parachever l’ensemble, on donne D’Artagnan pour mort, mais pour bien montrer qu’on a lu tout Dumas (tu parles…), on le fait ressusciter de son cimetière comme Monte Cristo de son linceul. Et tout le reste sera à l’avenant, dans une sorte de frénésie indigeste. Il faudrait recenser toutes les trahisons et se demander la raison de chacune d’entre elles. Pourquoi imaginer un complot contre Louis XIII ? Pourquoi amoindrir la portée maléfique du personnage de Milady en lui inventant un passé de victime familiale (air du temps, je te hais !) ? Et que dire de la bisexualité de l’un des trois mousquetaires ? Envolés les valets de ces soldats qui apportaient leur lot de fantaisie, Planchet en tête. Disparu l’ombrageux Monsieur Bonacieux pour laisser la place à une amoureuse étrangement fade.
On sort de la projection l’âme nostalgique. On se désole à l’idée que certains croiront avoir ainsi découvert le roman de Dumas. Et on se promet surtout de ne pas aller voir la suite déjà tournée : il ne faut jamais encourager les délinquants multirécidivistes, au cinéma comme ailleurs.
Fanatique de break dance, Kim Sohee est une lycéenne coréenne. Adolescente pleine d’allant quoiqu’un peu renfermée, elle vit chez ses parents, dans un milieu social tout ce qu’il y a de simple. Elle se voit recrutée en stage de fin d’études, via son école, dans un centre d’appels de Korea Telecom. Open space, horaires extensibles, chantage à la prime-qui-ne-vient-jamais, pression constante sur les objectifs à atteindre, culte de la performance – jamais suffisante, toujours inaccessible, les managers reportant leur propre stress sur leurs équipes : l’enfer sur terre. Quoique bien noté par la hiérarchie, le jeune manager de Kim Sohee se suicide ; l’affaire est vite étouffée. Kim Sohee, de plus en plus perdue, finit par s’ouvrir les veines. Ses parents affolés la récupèrent à l’hôpital. Pour eux, l’enjeu de la réussite de leur fille prime sur le reste: et c’est reparti pour le stage. Mais les choses vont de mal en pis pour Kim Sohee. Jusqu’au dénouement fatal, qu’on pressentait.
Doona Bae. Photo: Arizona Distribution
Dans une seconde partie, c’est Yoo-Jin, une femme inspecteur de police qui, éprouvée par la mort de sa propre mère, prend la relève de feu Kim Sohee, pour enquêter sur les circonstances et les raisons de la mort de la jeune fille. Elle affrontera sa propre hiérarchie pour combattre le déni qu’oppose le corps social tout entier à l’élucidation de cette tragédie, le Ministère de l’éducation se défaussant sur la direction de l’école, le staff du centre d’appel sur leurs chefs, etc.
Tout, dans ce film, est dans la manière. Quasiment pas de musique. De longs plans qui fouillent la réalité, comme au scanner. Des dialogues millimétrés, des séquences dépouillées de tout artifice, un découpage attentif à la maîtrise scrupuleuse du tempo, une construction qui confine à l’abstraction. Implacable, About Kim Sohee est admirablement porté par les deux protagonistes qui structurent ce diptyque : Kim Si-eun, actrice débutante, dont le rôle presque mutique exige une intériorisation subtile et délicate ; mais surtout Doona Bae, qui campe l’enquêtrice : elle interprétait déjà une policière dans A Girl at my Door, le film précédent de Judy Jung. C’est une star en Corée du Sud. La respiration du second volet de l’intrigue doit beaucoup à l’intensité de ce regard, à la fois scrutateur et compassionnel.
About Kim Sohee. Film de July Jung. Corée du Sud, couleur, 2022. Durée : 2h15. En salles le 5 avril 2023.
On connaît le poids très important des réseaux sociaux dans le façonnement des débats publics dans les sociétés libres comme les États-Unis ou la France. Leur poids est encore plus grand dans la République islamique où la presse libre n’existe pas… L’ensemble de la société civile dissidente n’a pas d’autres canaux que «les réseaux».
Pour rappel, le nombre de journalistes étrangers est très limité, car ils sont rarement admis et quand ils le sont, c’est à condition d’être accompagnés par les traducteurs locaux (fixeurs) dont les habilitations sont délivrées par les autorités iraniennes. Autant dire qu’ils sont surveillés de près.
La finalisation de l’intranet iranien fermé sonnera le glas de la diffusion de l’information non contrôlée
Dans cette bataille de communication, la République Islamique emploie une « armée cyber », une structure dont le nombre d’agents est estimé entre deux et trois mille et qui dépendent de la cellule de Renseignements des Gardiens de la Révolution. Or, pendant les premiers mois qui ont suivi la désastreuse arrestation de Mahsa Amini en septembre dernier, son décès en détention quelques jours plus tard et le vaste mouvement populaire de contestation que la mort de la jeune femme a déclenché, le régime des Mollahs était complètement hors-jeu dans la bataille de la communication, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Une nation adepte des VPN
Même aujourd’hui, le régime n’arrive toujours pas à contrôler le cyber environnement national. Les applications locales ne fonctionnent pas et tout un écosystème de VPN permet aux activistes de contourner le système de surveillance, afin de rester connecté et de continuer à diffuser de l’information.
Ayant perdu la bataille, le régime essaie de gagner la guerre et s’y emploie en déployant deux stratégies visant à museler l’information.
Le premier volet est technologique : finaliser son réseau d’intranet local comme en Chine, et empêcher l’accès à l’internet d’une manière globale. Des projets importants sont en cours, à la fois pour le déploiement du réseau physique et pour assurer ensuite sa protection matérielle contre des opérations de sabotage.
La finalisation de l’intranet iranien fermé sonnera le glas de la diffusion de l’information non contrôlée. Pour le contourner, il sera nécessaire d’avoir recours à du matériel type Star Link pour continuer d’avoir accès à l’internet. Or, Star Link, comme tout autre accès direct à l’internet satellitaire est bien entendu interdit par l’Iran et de surcroît très cher. Dès lors, son coût d’acquisition et sa rareté réduiraient extrêmement l’accès à l’internet libre ; raison pour laquelle et afin de compléter la boîte à outils dans le domaine du cyber, l’Iran se tourne également vers la Russie.
Le Wall Street Journal en date du 27 mars a publié un article divulguant que la Russie, en échange de la coopération militaire de l’Iran, va livrer à ce dernier un dispositif avancé de cyberguerre offensif. Ce dispositif permettrait au régime d’accroître sa surveillance et de mener des attaques contre les intérêts occidentaux et bien sûr israéliens.
La Russie et l’Iran avaient déjà signé il y a deux ans un accord de coopération pour la défense cyber, mais jusqu’à aujourd’hui la Russie était réticente à livrer les dispositifs les plus avancés dont elle disposait. Avec ce renforcement de la coopération, un seuil sera franchi dans la capacité de nuisance intérieure et extérieure de l’Iran. Interrogé suite à la parution de cet article, Vedant Patel, le vice porte-parole du département d’État américain, a fait part de l’inquiétude de l’administration américaine face à ces nouvelles capacités offensives iraniennes.
Intox et deep fake
Le deuxième volet est psychologique. Il s’agit de pratiquer une politique de la terre brûlée et de semer le doute parmi les utilisateurs de réseaux sociaux par des campagnes d’intox et de deep fake. Autrement dit, rendre l’information si peu fiable que les internautes ne pourraient plus jamais faire confiance à quiconque s’abritant derrière un pseudo. Des trolls, prétendant être des monarchistes, sont déjà utilisés pour semer la zizanie au sein de la coalition des forces d’opposition formée autour de Reza Pahlavi, laquelle compte des personnalités publiques et politiques diverses comme le prix Nobel de la Paix Shirine Ebadi et un parti kurde fédéraliste.
Afin d’illustrer la stratégie de sape de la confiance des internautes, prenons le cas de la nouvelle de l’assassinat du juge Ghassem Salavati. C’est l’un des plus importants juges de la cour d’appel de Téhéran chargé par le régime de prononcer de nombreuses condamnations à mort des opposants, une mission qui lui a fait gagner le surnom de « Juge de la Mort ».
En décembre dernier, le compte Twitter de « Jupiter », chef d’un grand réseau de maquisards, annonce l’assassinat du juge. Un autre compte Twitter, tenu par l’activiste iranien Shahriar Shams, dément immédiatement cet assassinat sans avancer de preuves. Certains internautes soupçonnent Shahriar Shams, en liberté, mais sous la surveillance du régime, d’avoir cédé au contre renseignement du régime. D’autres accusent « Jupiter » d’avoir publié de fausses informations. Le compte Twitter de @Jupiter_rad_2 a même été suspendu suite à un nombre très important de signalements, ce qui laisse supposer une campagne orchestrée. Le compte est désormais restauré et vérifié avec le fameux symbole bleu. Quant au principal concerné, le juge Salavati, il n’a tenu aucune audience publique et n’est apparu dans aucun événement public, y compris à l’occasion de l’anniversaire de la République islamique d’Iran, le 11 février. Seule une photo d’une très basse définition, publiée dans la presse locale, sert de preuve de vie largement insuffisante. On ne sait donc toujours pas avec certitude si le juge de la mort est toujours en vie. Inutile de préciser que le démenti officiel du régime ne vaut ni le papier ni l’encre qui ont servi à sa rédaction…
Twitter pris d’assaut par les trolls
D’autres mouvements politiques se cachent derrière des comptes populaires et ont aussi investi la twittosphère iranienne. C’est notamment le cas des indépendantistes kurdes et du groupuscule marxiste islamique (si si ça existe !), le MEK. Ces comptes populaires ne se revendiquent évidemment pas officiellement de ces groupuscules. Ils jouent cependant un rôle néfaste sur la coalition et l’union de la dissidence iranienne autour de Reza Pahlavi.
Deux comptes viennent d’être démasqués. L’identité et la motivation réelle de leur plume ont été divulguées, et cela a confirmé les soupçons des internautes et la nécessité de se méfier d’un potentiel cheval de Troie.
La stratégie du doute permanent semble être efficace. Les trolls et les avatars, qui y trouvent un espace propice à leur action, s’immiscent dans les commentaires des internautes, ce qui a pour résultat que les leaders d’opinion (les influenceurs politiques) se retrouvent à s’accuser mutuellement d’être à la solde du régime. Ces tensions affaiblissent, bien sûr, les mouvements contestataires et profitent donc au régime en place.
Le délicat débat sur la fin de vie se résume-t-il à ce désir: en finir le plus vite possible?
On peut avoir le plus grand respect pour les enquêtes d’opinion et les sondages, mais savoir les relativiser quand ils sont effectués bien longtemps avant l’échéance qu’ils concernent. Et douter de la fiabilité de la majorité qu’ils dégagent, sur la fin de vie, avant l’issue douloureuse qui confrontera chacun à un choix terriblement concret, et non plus à une interrogation abstraite autorisant une apparente sérénité. C’est dire que, si je ne les juge pas inutiles, je les estime au moins dangereux. Ils constituent à force une sorte d’opinion dominante laissant entendre que l’obsession d’aujourd’hui est l’euthanasie et le suicide assisté, ce qui à l’évidence n’est pas le cas.
Le président de la République avait promis à Line Renaud d’avancer sur l’aide active à mourir. Mais apparemment, sa propre conviction n’est pas encore forgée sur ce sujet infiniment sensible même si l’acte 1 de la Convention citoyenne pourrait être suivi par un acte 2. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs engagé à ce qu’un « projet de loi soit bâti d’ici à la fin de l’été 2023, de manière à permettre de tracer les contours d’un modèle français de la fin de vie ». En même temps, le président a annoncé « qu’il allait lancer un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ».
Qu’on m’entende bien: discuter la validité de ces processus et de ces réflexions collectives sur l’intimité ultime de nos existences n’est en aucun cas nier la réalité des souffrances parfois intolérables éprouvées au sein de familles éplorées et brisées par l’attente de l’inéluctable. Je mesure aussi combien ces citoyens considèrent que leur fonction démocratique est importante et à respecter à l’issue de leurs travaux. À 76%, les membres de la Convention sont favorables à l’accès au suicide assisté et à l’euthanasie « selon certaines conditions et au terme d’un parcours balisé ».
Il me semble qu’ouvrir, sur la fin de vie, « le chantier d’un modèle français » représente un « en même temps » contradictoire dès lors qu’on va s’efforcer également d’amplifier les traitements palliatifs. Ce n’est plus tenir les deux bouts d’une chaîne, c’est feindre de supposer accordés et complémentaires deux bouts qui sont en rupture l’un par rapport à l’autre. Et provoquer inutilement avec l’un nuira à la validité de l’autre. Les soins palliatifs, l’apaisement des souffrances, éventuellement des ajouts à la loi Claeys-Leonetti de 2016, au demeurant insuffisamment appliquée, relèvent d’un registre qui permet aux médecins non seulement de ne pas trahir leur mission mais au contraire de l’exercer encore plus dignement et efficacement. L’aide active à mourir en est la négation. Elle ferait rentrer la tâche de ces professionnels de la vie accompagnée le plus doucement possible jusqu’à la mort naturelle, dans un autre univers qui les conduirait à faire advenir cette dernière sur un mode forcé.
La pratique belge a beau défendre l’idée que l’éthique médicale n’est pas violée par cette aide active à mourir soumise à des garanties, la médecine française est réticente à changer sa volonté de préserver le plus longtemps possible le souffle de vie en une politique du pire avant l’heure. Est-il permis de voir dans cet étrange débat, qu’on revêt artificiellement d’un caractère d’urgence, une diversion par rapport à des problématiques économiques, sociales, sanitaires infiniment plus impérieuses et préoccupantes? Pourquoi cette obsession d’introduire, contre la normalité du processus actuel représentant une parfaite synthèse entre l’homme en voie de mourir et le médecin consacré à son bien-être final, un espace où on présume que chacun d’entre nous n’aura que ce désir: en finir le plus vite possible?
La fin de vie, le suicide assisté sont des sujets à traiter avec infiniment de délicatesse. Je ne suis pas persuadé que la grosse patte législative qui s’immiscera dans les pensées, les sentiments, les douleurs des familles pour théoriquement leur simplifier la tâche ne les dépossédera pas de l’honneur et de la tragédie d’être seules face à un être humain qui heureusement, la plupart du temps, ne leur offrira pas le terrifiant confort d’une demande de départ anticipé. Contre Line Renaud, qu’on me pardonne de préférer les pages fulgurantes de Michel Houellebecq dans une tribune écrite pour Harper’s. Il avait déjà dans son dialogue avec Michel Onfray (dans Front Populaire) dit avec finesse et émotion tout le mal qu’il pensait d’une éventuelle légalisation de l’euthanasie dans notre pays.
Dans la traduction de Harper’s, il écrit: « Peu à peu, sans que personne n’y trouve à redire, sans que personne ne semble même le remarquer, la loi civile s’écarte de la loi morale qu’elle devrait avoir pour unique fonction de servir». Il ajoute que la douleur causée par des souffrances physiques inhumaines sera de plus en plus apaisée par les progrès de la médecine et les soins palliatifs. Enfin, il craint le basculement dans une société à la « Soleil Vert »« où le recours à l’euthanasie serait le moyen de lutter contre les difficultés financières liées au vieillissement de la population. » Je voudrais terminer cette analyse par la douceur tendre et mélancolique de ce propos qui émane encore de Michel Houellebecq, quand il imagine qu’on réponde à une personne désirant mourir: « Mais nous on t’aime, on tient à toi, on veut que tu restes »…