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Madagascar: une politique étrangère au cœur des grands défis mondiaux

Durant son mandat, le président Andry Rajoelina a poursuivi activement l’ancrage de l’île à la communauté internationale...


Madagascar: une politique étrangère au cœur des grands défis mondiaux
Andry Rajoelina, président de la République de Madagascar © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

L’île conserve bien des atouts pour la stratégie géopolitique française. Mais elle est de plus en plus courtisée par les Chinois. Analyse.


Madagascar, plus grande île de l’Océan Indien, a toujours été au carrefour des grandes voies navigables et commerciales reliant l’Afrique à l’Asie. Depuis que le pays est devenu indépendant, en 1960, il a toujours cherché à la fois l’intégration aux grandes instances internationales, mais aussi le développement de relations privilégiées avec les grandes puissances, notamment la France et la Chine.

Durant son mandat, le président Andry Rajoelina a poursuivi activement l’ancrage de l’île à la communauté internationale pour lui offrir une stabilité politique et des débouchés économiques importants.

Une croissance soutenue

Fortement appuyé par l’aide internationale pour faire face aux multiples difficultés économiques et sociales, et à son retard de développement, Madagascar a pu récemment mesurer la force de ses partenariats après la série de catastrophes naturelles qu’il a affrontées avec la survenue de cyclones à répétition. Soutenue par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International, l’île mène une diplomatie active au sein de nombreuses organisations régionales et internationales. Le pays a pu ainsi maintenir une croissance soutenue depuis quatre ans, malgré les difficultés rencontrées sur l’île. Un des derniers projets de la Banque mondiale à Madagascar en matière d’énergie et de communication s’appelle DECIM, et a été approuvé par le conseil d’administration de la Banque le 30 mars ; il permettra de doubler l’accès à l’énergie. Ce projet devrait permettre enfin à l’île de résoudre définitivement le problème énergétique et digital.

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Membre des Nations unies, l’île est aussi membre de la Commission de l’Océan Indien, de la Communauté de Développement de l’Afrique australe, de l’Association des États riverains de l’Océan Indien, de l’Organisation Internationale de la Francophonie, mais aussi de l’Union Africaine. Cette dernière a tout dernièrement salué les progrès de développement inédits entrepris par le gouvernement actuel. En effet, Mme Hawa Ahmed Youssouf, la représentante spéciale de l’UA, qui vient de quitter son poste, déclarait en mars que la stabilité politique avait été atteinte à Madagascar, et que l’île n’avait plus de raisons de revenir en arrière. Pour cela, le pays reçoit aussi le soutien de l’Union européenne, dans le cadre d’un accord de coopération en cours de renouvellement. En effet, dans le cadre de l’accord de Cotonou, signé en 2000, la coopération politique, économique et commerciale et de développement avec Bruxelles est entérinée pour deux décennies.

Un lien étroit avec la France

Mais le pays doit s’appuyer aussi sur de grandes puissance, directement; il a notamment développé historiquement des relations fortes avec la France. Or, celles-ci ont connu aussi des fortes tensions. En témoigne le statut de la langue française, en particulier, et la place de Madagascar dans la francophonie. En 1960, lors de son indépendance, Madagascar fait du français sa deuxième langue officielle et intègre immédiatement la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie. Son assemblée nationale adhère à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) en  1967, et c’est encore à Antananarivo que, le 23 novembre 2005, a été adoptée définitivement la charte de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Mais entre ces deux dates, nous avons connu trois décennies de turbulences. Le français a perdu son statut de langue officielle en 1975, et l’a retrouvé 35 ans plus tard dans le cadre de la Constitution de la IVe République malgache. Ce retour au bercail a été marqué par l’accueil, à Tananarive, du XVIe sommet de la Francophonie, en novembre 2016.  

Avec la visite d’Emmanuel Macron, en 2017, Madagascar s’assurait de la continuité des relations entre les deux pays. La même année, l’aide au développement venant de Paris atteignait les 78 millions d’euros. Six ans plus tard, la France est le premier partenaire commercial d’Antananarivo, avec plus d’un milliard d’euros d’échanges chaque année, et plus d’un touriste sur deux qui se rend dans l’île en provenance de l’hexagone. 700 entreprises y sont installées et 25 000 Français vivent à Madagascar. Lors de leur dernière rencontre, le 29 août 2022, MM. Macron et Rajoelina ont promis de poursuivre le renforcement de leur coopération économique, et leur engagement en faveur de la sécurité alimentaire, de l’écologie et de la transition énergétique. La France a par ailleurs salué l’engagement du pays en faveur de la lutte contre la pauvreté dans le sud de l’île et a renouvelé son engagement dans le financement d’un pipeline permettant d’irriguer les terres agricoles méridionales de Madagascar. Pour autant, le différent autour des îles éparses, ce chapelet d’îles françaises dans l’Océan Indien (notamment dans le canal du Mozambique, région riche en réserves d’hydrocarbures), revendiquées par Madagascar, complique toujours les relations entre Tananarive et Paris.

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Aussi, l’île cultive une relation très forte avec une autre puissance mondiale, historiquement attirée depuis des décennies par l’Afrique : la Chine. Laquelle a fait de Madagascar un de ses principaux points d’ancrage économique. L’attrait des ressources pétrolières et minières n’y est pas pour rien, et les principaux opérateurs du pays en la matière sont donc désormais chinois. Dans le même temps, Pékin investit dans les infrastructures, même si dans ce domaine, France, Japon et Corée du Sud demeurent très présents. La France conserve de multiples atouts dans la région, et il suffit de jeter un coup d’œil sur une carte pour voir que Madagascar est entouré d’îles françaises, à commencer bien évidemment par Mayotte et la Réunion – sans oublier, bien sûr, les fameuses îles éparses au large du Mozambique… Au moment où l’Indopacifique devient l’arène d’une âpre concurrence entre la Chine et les États-Unis, un grand jeu où l’Inde tient elle aussi un rôle important, la France doit absolument s’appuyer sur ses points d’appui historiques pour construire une solide et cohérente politique.



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est chercheur en sciences politiques associé à l’ULB (Bruxelles) et à l’UQAM (Montréal). Publications récentes: "Les Emirats Arabes Unis à la conquête du monde" (2021, MAX MILO), "Les nouvelles menaces mondiales: La grande pandémie du déni" (2021, Mardaga).

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