L’antiquité romaine est très tendance sur TikTok. Un engouement dénoncé par les féministes comme un « marqueur de genre », et tourné en dérision.
Combien de fois par jour pensez-vous à l’Empire romain ? Depuis septembre, cette question, posée aux hommes, représente une des plus fortes tendances sur TikTok. Tout est parti d’un fan de reconstitutions historiques, Artur Hulu, plus connu sous le pseudonyme de « Gaius Flavius », qui a suggéré à ses abonnés de sexe féminin de poser cette question à leurs maris, copains et autres accointances masculines. Les réponses données par de très nombreuses internautes dans des vidéos, dont beaucoup sont devenues virales et qui continuent à être postées aujourd’hui, révèlent une véritable obsession chez les hommes pour cet empire tombé en l’an 476 de notre ère. La plupart des interrogés y penseraient souvent, la fréquence variant entre une fois par mois et quatre fois par jour. Leur fascination est alimentée moins par des ouvrages savants que par les jeux vidéo, les péplums ou les nombreux documentaires à la télévision ou sur YouTube. Pour justifier leur enthousiasme, ils évoquent les combats de gladiateurs, le génie technologique et la puissance militaire des anciens Romains – des sujets propres à l’imaginaire masculin traditionnel.
C’est ainsi que l’engouement pour l’empire des Césars est devenu un marqueur de genre, comme les couleurs– bleu et rose. En réponse, beaucoup de tiktokeuses publient des vidéos satiriques, tournant en dérision cette tendance éminemment viriliste mais alimentant encore l’obsession générale sur l’antiquité romaine. Dans leurs posts, les hommes font étalage de leur savoir sur le sujet, donnant lieu à l’expression « romansplaining » sur le modèle de « mansplaining », terme féministe pour dénoncer la tendance patriarcale à parler de façon à la fois savante et condescendante. Inévitablement, des rabat-joie ont fait remarquer que la plupart des amateurs étaient non seulement des hommes, mais des Blancs. Le hashtag #romanempire totalise près de 3 milliards de vues au compteur. Ave César !
Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, le président de Reconquête s’est rendu en Israël où il a constaté, bouleversé, l’étendue des massacres. Quels sont les devoirs, mais aussi les intérêts de la France dans cette épreuve? Éric Zemmour en est convaincu : elle doit être à la pointe du réarmement de l’Occident.
Causeur. L’un des piliers de la civilisation judéo-chrétienne, l’Église catholique, se range aussi dans le camp de nos adversaires. Sans même parler des positions du pape François, les évêques de France viennent de se prononcer pour la création d’un État palestinien. On sent d’ailleurs dans certains milieux cathos un certain tropisme arabe.
Éric Zemmour. Depuis longtemps, les positions du pape sur la question migratoire montrent qu’il a pris acte de l’islamisation de l’Europe. Et ça n’a pas l’air de le déranger, comme si c’était le prix à payer pour la déchristianisation de l’Europe. Cela dit, ni le pape ni l’Église de France ne représentent les catholiques. Ces institutions sont encore marquées par les débats des années 1960-1970 quand l’Église voulait absolument être plus à gauche que le Parti communiste. Ces gens-là ont toute leur place dans la gauche et dans le peuple islamo-gauchiste qui suit Mélenchon. Ce qui est nouveau en revanche, c’est qu’il y a un jeune peuple catholique qui a conscience d’être devenu une minorité en France et en Europe, qui se situe politiquement aux antipodes de ses aînés soixante-huitards et du pape et qui veut se battre pour son pays. La preuve, beaucoup ont voté pour moi en 2022.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas obliger les autres à adopter nos valeurs et nos mœurs même si nous les jugeons meilleures.
L’Occident est faible, parce qu’il croit garder l’ancien discours mondialiste et universaliste tout en ayant perdu les attributs de sa puissance qui lui avaient permis de dominer le monde. Je note d’ailleurs que l’Occident s’ouvre à un multiculturalisme destructeur quand les autres civilisations, et en particulier, l’arabo-musulmane, se ferment à toutes les populations qui vivaient jadis sur leur sol : il n’y a quasiment plus de juifs et de chrétiens dans le monde arabe. Comme Dominique de Villepin, je refuse l’« occidentalisme » ; je ne crois pas que l’Occident puisse ou doive imposer savision du monde et la démocratie au monde entier. Je me contente de dire, et c’est déjà énorme, que l’Occident doit redevenir l’Occident et faire comme les autres civilisations : renouer avec sa propre identité – notamment le culte du savoir, du mérite, de l’intelligence, de la famille, le rapport à la femme. Ce qui suppose de se battre sur deux fronts : contre les autres civilisations qui veulent l’écraser pour se venger, et contre les woke qui veulent détruire la civilisation occidentale de l’intérieur. Je penseque la France doit être l’avant-garde de la ré-occidentalisation de l’Occident. Qu’est-ce que c’est, la France ? Les croisés et les soldats de l’An II, répondait Malraux.
Sauf qu’il y a chez les souverainistes français un réflexe anti-américain qui s’oppose à votre rêve occidental…
Mais je suis un souverainiste français ! La civilisation occidentale n’est pas un rêve : elle a mille cinq cents ans d’histoire et elle a eu des patrons différents selon les époques – l’Espagne de Charles Quint, la France de Louis XIV et de Napoléon, l’Angleterre, puis aujourd’hui les États-Unis. Napoléon se voulait l’empereur d’Occident : était-il soumis aux États-Unis ? Être occidental ne veut pas dire se soumettre en tout aux patrons du jour. J’en veux aux Américains de l’extraterritorialité de leur droit, de leur ingérence, de leurs leçons de morale, je vais même vous dire : j’en veux encore aux Anglais d’avoir battu Napoléon, mais ça ne m’empêche pas de comprendre qu’aujourd’hui, nous avons les mêmes ennemis et sommes confrontés au même danger de disparition.
Peut-être, mais nombre de vos partisans admirent surtout Poutine…
Parce que pendant des années, Poutine a voulu parler aux Occidentaux qui déploraient la décadence de l’Occident. Dans la sphère orthodoxe aussi, nous voyons ressurgir la vieille grammaire des civilisations, le conflit entre Rome et Byzance qui avait été recouvert, mais pas effacé, par l’opposition idéologique de la guerre froide. Depuis des siècles, la Russie se considère agressée par l’Occident, et l’Occident se considère agressé par la Russie. En vérité, les deux ont raison. Je n’approuve pas Poutine, je dis simplement que pour lui, il s’agit d’un conflit inexpiable : il n’acceptera jamais l’occidentalisation de l’Ukraine, qui a le malheur d’être à l’épicentre de la frontière civilisationnelle.
Résumons : contrairement à ceux qui pensent que nous devons défendre l’Occident de Kiev à Sdérot, vous pensez que se joue en Ukraine un conflit de civilisations qui se superpose au conflit principal Islam/Occident sans se confondre avec lui.
Il y a plusieurs civilisations et donc plusieurs conflits. Je ne crois ni à l’opposition entre les régimes, démocratique et autoritaire, ni à celui qui opposerait le Sud global au seul Occident. En tout cas, les Occidentaux doivent tout faire pour séparer les autres civilisations, et même tout faire pour trouver, au sein de chacune des civilisations, des pays qui pourraient être nos alliés. Le conflit de civilisations n’efface nullement les stratégies, les intérêts des nations qui les composent. La France est bien placée pour jouer ce rôle-là.
Quel rôle doit-elle jouer dans la ré-occidentalisation de l’Occident ?
Le même que depuis mille ans : « La France, hier soldat de Dieu sera toujours le soldat de l’idéal »,comme disait Clemenceau. La France, machine à réfléchir, à penser, manieuse de mots et d’idées peut parfaitement réarmer l’Occident moralement. Vous allez me dire que la France n’est plus ce qu’elle était, que l’école s’est effondrée. Tout se refait. C’est mon objectif politique fondamental : refaire des Français. Pour refaire la France.
Pour l’instant, on a surtout fabriqué des légions de Français qui n’aiment pas la France. Ce qui nous amène à Crépol. La mort de Thomas, assassiné par des racailles qui voulaient « planter du Blanc », est-elle aussi une manifestation de la guerre de civilisations ? Peut-on tirer un trait de Kfar Aza à Crépol ?
Oui. C’est la même guerre de civilisations qui brûle Kfar Aza et Crépol, Marseille et Stockholm, Londres et Berlin, qui arme les terroristes du Hamas ou du Bataclan, comme les innombrables attaques au couteau, viols, meurtres, ce « continuum de violences », pour parler comme les féministes, qui est l’essence même du « djihad du quotidien » qui embrase toute l’Europe.
Le bien le plus précieux de la France des villages, c’était ce doux sentiment de sécurité. Comme le 7 octobre en Israël, Crépol marque-t-il un basculement en France ?
Depuis des décennies, les Français croient qu’ils pourront échapper aux ravages de l’islamisation en fuyant les terres envahies par l’immigration arabo-musulmane. Ils ont quitté les banlieues, puis se sont enfoncés dans des terres de plus en plus éloignées des métropoles, quitte à faire des dizaines de kilomètres par jour pour aller travailler. Le déferlement migratoire, mais aussi les conséquences de la loi SRU – qui oblige tous les maires à construire des logements sociaux dans leur commune et dont j’étais le seul candidat à la présidentielle à réclamer l’abolition – les ont rattrapés. Je le dis solennellement aux Français : il n’y aura pas de solution individuelle ; ils pourront partir au fin fond de la France, ils ne sont pas tranquilles tant que nous ne renversons pas la table. La solution est politique.
Que la gauche et les médias tentent de camoufler la réalité, c’est habituel. Mais là, il y a eu en plus une incroyable mobilisation du pouvoir pour nous empêcher de savoir ce que nous savions déjà (en censurant les noms des suspects). Pourquoi cet acharnement dérisoire ?
L’idéologie totalitaire de la diversité repose sur le mensonge et l’intimidation, la répression judiciaire et la censure. Je note d’ailleurs avec un brin d’ironie que ce sont des prénoms coraniques que l’on dissimule, alors que toute la classe politique et médiatique m’avait affirmé que les prénoms d’une personne ne signifiaient rien de son identité. Mais je note surtout un fantastique motif d’espoir : tout le monde avait compris ce que le pouvoir voulait cacher. Le peuple français est lucide. Sans bénéficier de la moindre information, puisque tout était caché, les Français savaient. Ils savaient d’où venait le gang qui a tué Thomas. Ils savaient où se situaient les agresseurs, et où se situaient les victimes. Il a fallu une semaine pour que le pouvoir et les médias finissent par admettre, toujours à demi-mot, que les Français avaient raison.
La Macronie honore la mémoire de Nahel plutôt que celle de Thomas, appelle à la décence des gens qui marchent en silence plutôt que des émeutiers. Faut-il en conclure qu’entre les deux peuples qui coexistent en France, Emmanuel Macron a choisi le plus récent – et le plus jeune ?
Emmanuel Macron a peur. Peur de ce qu’il a découvert : il est le président de deux peuples. Peur d’émeutes, peur d’être le président de la guerre civile. Toute son attitude est dictée par cette peur panique.
La France, dites-vous, doit être un manieur de mots. Mais dans nos belles provinces, on en a assez des mots, des bougies, des discours. Aujourd’hui, la colère s’exprime dignement, elle appelle à la justice. Mais y a-t-il un risque de violences aveugles contre des Arabes comme à Dublin ? Que faire pour l’empêcher ?
Ce risque existe évidemment. On l’a vu d’ailleurs à Romans, le soir même où – la charge symbolique est cruelle – Gérard Collomb mourait, ce même Gérard Collomb qui, en quittant son ministère de la place Beauvau, avait prophétisé que les populations qui vivaient encore « côte à côte » seraient demain « face à face ». Que faire pour l’empêcher ? La réponse est simple. La légitimité historique de l’État repose sur la protection qu’il assure à tous ses citoyens. En échange de la paix publique, les individus renoncent à se protéger, à s’armer et à se faire justice eux-mêmes. À partir du moment où l’État ne protège plus les habitants d’un pays, ceux-ci sont tentés de reprendre leur liberté de se défendre eux-mêmes pour mieux protéger leur famille et leurs proches. Il faut donc que la justice cesse d’être faible et laxiste, qu’elle punisse sévèrement le moindre délit, que les étrangers coupables de délits et crimes soient expulsés du territoire, que l’invasion migratoire soit endiguée.
Si l’heure est aussi grave, n’est-il pas temps de vous concentrer sur ce qui vous rapproche du RN plutôt que sur ce qui vous en sépare ? Après tout, s’il s’agit de lutter contre l’islamisation et d’arrêter l’immigration, quelle importance qu’on appelle ou non cela guerre des civilisations ?
La politique, selon moi, ce n’est pas suivre les sondages ou monter des petits coups tactiques ; c’est mettre des mots sur des situations historiques pour les expliquer, les éclairer et tenter de les régler. Comme en médecine, le diagnostic précède le traitement ; si le diagnostic n’est pas le bon, c’est-à-dire si les mots ne sont pas les bons, le traitement ne sera pas efficace. C’est d’ailleurs pour cette raison que la gauche prend toujours soin d’imposer ses mots dans le débat public, pour mieux imposer son idéologie. Comme le conseillait Lénine à ses ouailles : « Faites leur manger le mot, vous leur ferez avaler la chose. » À LFI, il existe un « comité des mots » qui se réunit pour choisir le vocabulaire qui sera privilégié par ses membres dans le débat public.
Manifestement, Marine Le Pen a jugé que cette distinction entre nous était importante puisqu’elle a décidé de m’attaquer il y a quelques jours en affirmant péremptoirement que contrairement à moi, elle ne croit aucunement à la « guerre de civilisations ». Elle ajoute qu’à ses yeux, « l’islam est compatible avec la République ». Je crois exactement l’inverse. Cela ne signifie pas que des musulmans qui veulent devenir français, adopter nos mœurs, nos règles mais aussi nos ancêtres et notre passé, ne le pourraient pas. Encore faut-il qu’ils acceptent d’adapter leurs pratiques et d’observer une certaine discrétion accordée à l’esprit français. Je ne sais pas combien sont prêts à faire cet aggiornamento, mais à ceux-là, je tends une main fraternelle.
Vous conviendrez que cette différence d’appréciation sur la nature de l’islam n’est pas un désaccord de pacotille et encore moins une affaire personnelle : elle a le droit de m’attaquer sur le fond, je ne m’en offusque pas. S’il n’y a pas de guerre de civilisations, la délinquance des racailles issues de l’immigration est uniquement une affaire sécuritaire ; et aucune considération ethnique ou religieuse ou civilisationnelle n’anime cette violence. Je ne le crois pas. Si on ne comprend pas cela, on ne pourra pas l’endiguer avec efficacité. Quand on parle comme le système, on agit comme le système. Ce qui explique par exemple que Marine Le Pen affirmait en juillet dernier, après les émeutes urbaines, qu’elle « ne ferait rien » contre les émeutiers et « assumerait les erreurs de ses prédécesseurs », tandis que je réclamais leur déchéance de la nationalité française.
Qu’est-ce qui prouve, selon vous, que l’islam est incompatible avec la République ?
Raisonnons a contrario. Si l’islam est compatible avec la République, pourquoi interdire le voile dans l’espace public ? Pourquoi s’offusquer de ces femmes qui ne veulent pas se faire soigner par des médecins de sexe masculin ? De ces musulmans qui refusent de serrer la main des femmes ? De ces tapis de prière dans les entreprises, dans les écoles ? Des homosexuels qui sont insultés, menacés tabassés, dans les enclaves étrangères ? De ces prêches d’imams qui appellent à tuer les juifs et chrétiens ? Tout cela se trouve dans le Coran ou les hadits, récits de la vie du prophète Mahomet « exemple parfait » à suivre, même lorsqu’il égorge des tribus juives rebelles ou des poètes irrévérencieux. Pourquoi, surtout, s’inquiéter de l’installation de millions de musulmans en France, si leur religion est compatible avec notre pays ? Les autres prétendent lutter contre l’immigration, mais ne donnent aucune justification culturelle à cette politique ; moi, je lutte contre l’islamisation de la France et de l’Europe. Il est essentiel que quelqu’un mène ce combat.
L’arrivée d’un nouveau-né s’avère bien souvent « toxique » pour la sexualité du couple. Heureusement, le magazine féministe Causette fournit des solutions.
Chaque mois, le magazine Causette propose « le récit d’un moment d’épiphanie sexuelle ». Dans son dernier numéro, c’est Sidonie, éducatrice en santé sexuelle ayant « beaucoup pensé et politisé les questions de sexualité », qui a partagé une « pépite intime et politique » de sa vie érotique. Après la naissance de leur premier enfant, elle et son conjoint ont eu du mal à se retrouver, sexuellement parlant : « Il et elle ont toujours du désir l’un pour l’autre mais pas toujours le temps et l’espace pour s’y consacrer, écrit la journaliste de Causette sur le mode inclusif qui sied à ce magazine. Il et elle décident alors de consacrer un temps hebdomadaire de garde à leur duo amoureux, sans savoir ce qu’il ou elle feront ensemble de ce temps précieux. »
Un soir qu’ils sont parvenus à faire garder le mioche, « il et elle ont rendez-vous l’un.e avec l’autre ». Les premiers gestes sont « assez basiques », mais « la magie opère » au moment où « les sexes se touchent pour la première fois ». Bref, c’est une affaire qui roule. Entre deux galipettes, Sidonie s’avise que, dans ce moment de félicité, elle n’est plus « la mère ni la cogestionnaire du foyer », ce qui lui décongestionne les neurones et le reste. Après ces « belles retrouvailles » avec son conjoint, elle a confié à Causette sa bisexualité, laquelle lui a permis de découvrir une approche « dé-hétérocentrée » du « sexe pénétratif ». Il faut dire que Sidonie découvre à chaque instant de son existence des choses étonnantes :« Je me suis même dit pendant le sexe que c’était fou, que c’était par là que la tête de mon bébé était passée ». Forts de cette expérience régénératrice, Sidonie et son conjoint n’hésitent plus à se débarrasser régulièrement de leur encombrant marmot :« Il et elle deviennent comme des amant.es fougeux.euses qui se retrouvent à l’hôtel », écrit la journaliste en précisant que « l’absence d’enfant fluidifie les choses ». C’est beau comme du Mona Chollet ! Et dire qu’il y a encore des anthropopithèques qui pensent que les magazines féministes sont une fumisterie.
Le président Macron refuse d’abandonner le texte, et tente de minimiser la crise politique et de cacher son exaspération. Il espère toujours faire voter la loi avant Noël. Analyses
Lors du premier jour de son examen à l’Assemblée nationale, le projet de loi Immigration, porté par Gérald Darmanin, a été rejeté. La motion de rejet, proposée par Benjamin Lucas (écologiste), a recueilli 270 voix contre 265. Pourtant, sur TF1, le ministre de l’Intérieur a indiqué lundi soir à 20 h que le texte ne sera pas retiré et continuera son « chemin institutionnel ».Qu’est-ce que cela veut dire ?
Voter une motion de rejet signifie que l’Assemblée nationale refuse d’examiner le texte. Le parlement met ainsi le gouvernement face à l’impossibilité de changer quoi que ce soit faute de majorité (sauf à avoir recours au 49.3, ce qui est compliqué hors textes budgétaires). C’est souvent une étape avant la possible adoption d’une motion de censure qui, elle, fait chuter le gouvernement. Ce vote a été une surprise et montre que certains tabous sont en train de tomber. D’abord il a manqué des voix au camp présidentiel, l’adoption de la motion s’est joué à cinq voix près et une dizaine ont manqué dans le camp présidentiel. Ensuite, les oppositions ont accepté de voter ensemble de la LFI au RN. Les députés de l’opposition se sont constitués en force d’empêchement à défaut de pouvoir être une force de proposition ou d’avoir la capacité de constituer une alternative. Concrètement, certaines digues sont sans doute en train de sauter qui faisaient du RN un pestiféré et les oppositions assument parfaitement cette motion de rejet.
Pour la suite de l’examen de ce texte, Olivier Véran a indiqué hier qu’il passerait en commission paritaire. L’exécutif fait le choix de la rapidité et d’une certaine prise de risque. En effet il avait 3 options :
Première option : renoncer au texte. Le parlement n’en veut pas, l’exécutif tourne la page. Une décision qui peut être sage mais qui demande que le parlement soit respecté et la démocratie comprise. C’est intellectuellement impossible pour la technostructure. Or le gouvernement Macron est un pur produit de l’idéal technocratique. Pour quelqu’un comme le président ou la cheffe du gouvernement, le peuple est un amas d’imbéciles qui empêche de gouverner rationnellement et s’acharne à saboter les bonnes décisions prises pour assurer son bonheur malgré lui. Ils ne peuvent envisager que le blocage du parlement soit un révélateur de la crise politique qui sévit dans le pays et d’une légitimité très faible de l’exécutif qui fait que s’opposer à lui de cette manière rapporte politiquement. En abandonnant le texte, le gouvernement marquait sa reconnaissance du refus du pays exprimé par ses représentants et passait à autre chose. Mais l’ego présidentiel a été heurté dans la bataille et le président refuse de tirer les conclusions de cet échec. Cette option n’était donc pas envisageable.
Deuxième option : reprendre la navette parlementaire. C’est-à-dire renvoyer le texte au Sénat en deuxième lecture, puis retour à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Là, la prise de risque était énorme pour la majorité présidentielle. En effet, ce qui arrive à Renaissance est le pire de ce qui peut arriver à un parti politique : le râteau s’est transformé en piège à loup. Vouloir un parti qui va du PS à LR n’est pas compliqué en terme économique et social, le gros des troupes est libéral et prêt à sacrifier le filet de sécurité des Français. Ils n’ont pas de convictions, pas de projet d’avenir alors ils cultivent le scrupule et un texte comme celui sur l’immigration est exactement ce qu’il faut pour créer une nouvelle génération de frondeurs, les héritiers de ceux qui ont assuré la chute du gouvernement Hollande. Il invite aux envolées lyriques autour de la nécessité de l’immigration, du devoir d’accueil et dessine une ligne d’affrontement au sein de Renaissance. Le fan-club d’Emmanuel Macron ne s’est pas transformé en parti politique avec une ligne politique claire et son principal ciment, la personne du président, ne peut se représenter. La désagrégation commence et chacun retrouve sa sensibilité d’origine sur les clivages sociétaux. Dans ces circonstances, le débat risquait de devenir étalement des divisions de la majorité, exacerbation des dissensions, risque de rupture. D’autant que le président de la commission des lois, Sacha Houlié, s’acharne en sous-main à fragiliser le ministre de l’intérieur et est un des acteurs de l’échec de la procédure législative. Lui, vient de la gauche Gérard Darmanin de la droite, mais ils ont un point commun : leur échec à établir un lien avec les Français sur un sujet qui pourtant intéresse les citoyens. La loi Darmanin n’est pas vue comme changeant réellement la donne et à la hauteur des attentes; quant au discours déconnecté d’un Sacha Houlié, il se heurte au ras-le-bol profond et à la volonté des Français de voir marquer un coup d’arrêt à l’immigration. Une volonté qu’ils affirment sondages après sondages sans être entendus.
Le choix a donc été fait de la troisième voie : le passage en Commission Mixte Paritaire (CMP). C’est un passage qui n’a rien d’exceptionnel. Sauf qu’habituellement, il se fait quand le texte voté par l’Assemblée et celui du Sénat est différent. Il faut donc une CMP pour élaborer un texte commun aux deux Assemblées et rapprocher les points de vue. La CMP est strictement encadrée, elle ne peut modifier le texte de loi à sa guise, ajouter des amendements, etc. La CMP n’est pas une troisième lecture du texte. Une fois rédigé, celui-ci doit à nouveau être voté par les deux assemblées. Voilà pourquoi le texte issu de la CMP, basé sur celui voté par le Sénat, sera forcément plus à droite que celui voulu par le gouvernement. C’est là que réside la prise de risque. Si la CMP est conclusive, que le parlement propose un texte et que celui-ci échoue à être voté car la majorité présidentielle le désavoue, alors la crise politique sera plus profonde encore et pourrait signer l’éclatement de la majorité et son refus d’accepter les choix du parlement. C’est se retrouver en situation de faiblesse de légitimité à la fois dans la relation avec les citoyens et dans la relation avec les représentants. Ce serait pour le gouvernement, infliger un camouflet au Parlement et rentrer dans un rapport de force dont il n’aurait pas les moyens de sortir car il ne pourrait faire appel au peuple, tant il est déconnecté de ses attentes. Les dissensions politiques d’une majorité trop hétéroclite, qui n’a pas su se forger des représentations communes et reste tributaire de ses anciennes appartenances font que le râteau, utilisé pour ramasser large, est en train de refermer ses dents, mettant dans un face-à-face délétère les deux composantes de la non-majorité présidentielle. La volonté présidentielle de brutaliser le parlement en y allant à la hussarde n’est pas un bon signe : le président veut une CMP lundi 18 décembre pour un vote des assemblées mardi 19. Le président réagit en enfant contrarié et comme s’il n’était pas comptable de cette cacophonie qui se termine en pantalonnade.
Alors, la France est-elle devenue ingouvernable ?L’exécutif a trois options pour débloquer la situation : 1) demander à Darmanin de partir 2) envisager un remaniement ministériel plus large après les fêtes 3) dissoudre l’Assemblée nationale. Quels sont les avantages de chaque solution et les scénarios envisageables ? Je vous propose enfin un dernier scénario : la démission d’Emmanuel Macron. Mais n’est-ce pas un rêve un peu fou de commentateur ? Explorons ces options.
Scénario démission : La démission d’Emmanuel Macron n’arrivera pas ! L’homme trouve toujours un substitut sur lequel faire porter ses propres erreurs et est incapable de toute remise en cause. Et même dans une situation politique bloquée, il peut tout à fait se maintenir au pouvoir en ne faisant rien.
Départ de Darmanin : Gérald Darmanin a proposé sa démission lundi soir, qui a été refusée. La vérité est donc qu’il n’a jamais voulu démissionner. Il lui suffisait non de proposer sa démission, mais de partir tout simplement. Là, il s’agissait d’une mise en scène très ancienne mode, destinée à redonner du crédit et de la légitimité à un ministre via l’onction présidentielle. Cela ne peut marcher car justement la légitimité du président est faible. Cela entérine simplement le fait qu’Emmanuel Macron n’a personne d’autre sous la main ! Et il y a derrière, la volonté d’envoyer un message à la frange gauche de Renaissance, en plein retour du refoulé frondeur qui a achevé le PS. Mais cette tentative de recréditation n’a aucun effet à l’extérieur. Pourtant, pour Gérald Darmanin, rompre avec le « en même temps » présidentiel sur la question de l’immigration aurait été un moyen de rentrer dans le jeu de la future campagne de 2027. En termes d’avenir politique, c’était d’ailleurs la bonne décision, il aurait même été crédité de courage. Il aurait expliqué que, n’ayant pas les moyens d’agir sur son domaine de compétence et face à une majorité déchirée refusant de prendre ses responsabilités, le compromis était impossible et surtout finissait par ressembler à un arrangement politicien réalisé au détriment des attentes des Français et de la lisibilité de l’action. Ne pouvant agir, qu’il démissionne est logique et il aurait pu faire entendre une petite musique plus souveraine sur la question de l’immigration, plaçant ainsi ses pions pour 2027. Là, la séquence ne peut s’achever que de façon assez minable et laissera des traces dans la majorité en même temps qu’elle a exhibé toutes les faiblesses du pouvoir actuel.
Dissoudre l’Assemblée : Cela deviendra peut-être inéluctable, mais ce sont les faits et l’accumulation des blocages qui entraineront cette décision. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, à part au RN, personne n’a intérêt à la dissolution. Pour le PS et LR, la question se pose de la poursuite de leur effacement du paysage et si LR a réussi son coup sur l’immigration, elle n’a toujours ni ligne politique lisible ni leader reconnu. Pour LFI, la question démocratique ne se pose plus vraiment. Ils sont perdus dans un rêve révolutionnaire et espèrent plutôt une prise de pouvoir grâce au chaos, d’où la stratégie de conflictualisation mise en œuvre et la dérive vers la violence politique. Cette gauche totalitaire est minoritaire en France, mais garde quand même un socle électoral étonnant eu égard à son positionnement fort peu démocratique. Il n’en reste pas moins que l’image de Mélenchon et de LFI s’est fortement dégradée et que le parti et son leader sont vus comme des dangers pour la démocratie par de plus en plus de Français. Cela peut avoir des effets dans les urnes qui entameront leur hégémonie à gauche et réduiront leur influence. Du côté de Renaissance, les seules martingales qui leur permettent d’exister sont leur allégeance au président de la République et la dénonciation de l’extrême-droite comme retour de la bête immonde. Le problème est qu’Emmanuel Macron est franchement démonétisé. Quand un président dissout, c’est qu’il pense que le pays le soutiendra contre les turbulences de sa majorité et de son opposition. Là, on ne voit pas comment il pourrait s’en sortir : sa loi immigration ne correspondant pas aux attentes des Français, il ne gagnera pas le soutien populaire. La fracture de sa majorité est inscrite dans le fait que, n’ayant pas de projets pour la France, il ne peut transcender les sensibilités qui composent sa majorité par l’action. Les fractures de sa majorité ne pourront donc que s’approfondir sous la tension et cela ne devrait pas lui permettre de retrouver une majorité dans les urnes.
Remanier : en cas de crise politique, le remaniement doit être porteur d’un message politique qui s’incarne dans le choix des hommes, à travers leur appartenance ou à travers ce qu’ils incarnent. Un remaniement traduit une alliance politique nouvelle, ou une orientation idéologique différente. Mais qui nagerait dans l’eau glacée pour monter dans le Titanic en train de sombrer ? Une alliance à gauche est impossible ou inutile : le PS ne représente plus rien, LFI est dans son délire révolutionnaire, quant aux Verts, embourbés dans leur stratégie woke, ils n’incarnent plus vraiment le souci de la planète et perdent du terrain. S’allier avec eux est inutile. De toute façon ils ne sont pas en demande. A droite, même si LR est amoché, s’allier avec le parti présidentiel serait du suicide alors que celui-ci est destiné à éclater un fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus au pouvoir. On ne rejoint pas celui que l’on peut dépecer simplement en attendant. Si les LR ont un peu de sang-froid, ils laisseront sombrer une majorité sans avenir et reconstruiront plutôt une ligne politique cohérente. D’autant qu’un tel rapprochement peut également faire éclater Renaissance. On voit mal Sacha Houllié et Eric Ciotti travailler ensemble. Mais, surtout, le fait que Renaissance n’ait pas d’avenir fait de tout rapprochement avec le parti présidentiel, une prise de risque avec peu de chances de gain politique associé. Quant à débaucher quelque figure emblématique, on a de la peine à voir surgir un nom signifiant ou incontournable dans le milieu politique. Quant aux recrutements ministériels en mode « exaltation de la société civile », ils n’ont rien donné de bien convaincant quand ils ne se sont pas finis en tragi-comédie.
L’exécutif nous rappelle que le projet gouvernemental entendait durcir la législation pour combattre l’immigration illégale. Et que de telles mesures font plutôt consensus dans l’opinion. LR et RN ne risquent-ils pas de passer pour de dangereux irresponsables aux yeux de leurs électeurs, ce que ne manque pas de souligner l’exécutif depuis lundi soir ? A quel jeu jouent Olivier Marleix et Eric Ciotti ?
Si le projet du Sénat est repris par le gouvernement, les Français seront sans doute plus satisfaits, mais la majorité présidentielle risque de le désavouer elle-même car elle compte pas mal de partisans d’une immigration peu régulée. C’est néanmoins le seul moyen d’avoir le soutien des LR et donc de faire passer la loi.
La vraie question est : est-ce-que cette loi correspond aux attentes des Français, est-ce qu’elle change vraiment la donne, ou est-elle la énième loi qui ne résoudra toujours pas la question des reconduite à la frontière, de l’attribution de la nationalité française, de l’absence de respect des frontières, de la multiplication des « mineurs isolés », de l’installation de clandestins… Voire pour être plus cynique : est-ce-que cette loi est vue par les Français, quelle que soit sa réalité effective, comme à la hauteur des enjeux. La réponse est non. Aucun point lié au durcissement ne s’est installé dans le débat public, personne ne sait vraiment quels problèmes concrets cette loi entend résoudre. La seule chose qu’ont retenue les citoyens c’est que l’on allait ouvrir l’immigration dans les métiers en tension. Donc, qu’une loi dont ils espéraient qu’elle ralentisse fortement l’immigration avait pour résultat notable d’ouvrir encore plus les frontières. Pour ceux qui n’ont pas perçu le paradoxe, ne reste que le sentiment du « en même temps ». Un « en même temps » vécu non comme un souci d’équilibre entre humanité et fermeté, mais vu comme un moyen de mettre en avant la fermeté pour au final justifier la prolongation du laxisme et des dispositifs dilatoires. Cette loi Immigration ne correspond pas aux attentes des Français, et ne peut être illustrée par un exemple de fermeté qui ait un sens pour eux. Elle n’a que le discours politique qui assure qu’elle permettra plus de reconduites à la frontière mais personne n’y croit plus. Le discours n’est pas performatif, les exemples concrets ne sont pas là, les Français pensent que cette loi n’est pas adaptée et sera dépassée à peine votée. Ils peuvent donc trouver que la motion de rejet était légitime, que le fait que LR ait tapé du poing sur la table était nécessaire et être bien plus satisfait par le texte issu des travaux du Sénat que par celui du gouvernement. Et si la majorité présidentielle ne le vote pas, elle montrera juste que cette lecture était juste et se tirera une balle dans le pied. Et si la CMP fait sauter les mesures les plus symboliques, elle donnera à LR des arguments pour ne pas voter le texte au nom du respect de la volonté des Français. Le gouvernement est décidément en mauvaise posture.
Marine Le Pen jubile et attend
Marine Le Pen apparaît depuis lundi soir comme la grande gagnante de la situation. Le rejet de la loi immigration ne revient pas à une motion de censure du gouvernement qui serait passée, mais cela y ressemble… Alors, voir Marine Le Pen ou Jordan Bardella débarquer à Matignon, après des élections législatives anticipées est-il probable ? Le souhaitent-ils ?
C’est politiquement compliqué. La seule légitimité d’Emmanuel Macron est de s’être posé en rempart contre l’extrême-droite et d’avoir diabolisé Marine Le Pen.
Après, si le RN gagne des législatives anticipées à lui tout seul, pour le coup la question de la démission du président peut se poser, après un tel désaveu citoyen.
Sinon, il peut effectivement se réfugier dans la cohabitation et se présenter en rempart et garde-fou de la République. Mais ce cas de politique fiction n’est pas dans l’intérêt de Marine Le Pen qui risquerait d’y perdre pour 2027 le facteur « on n’a jamais essayé le RN », qui est un des chemins pour élargir son électorat…
Dans « Le Monde après nous », une gentille famille américaine partie se reposer dans une luxueuse maison se trouve confrontée à une situation chaotique après une cyberattaque. Tout appareil électronique est hors service, et deux inconnus font irruption dans la location.
Mis en ligne par Netflix le 8 décembre, Le Monde après nous de Sam Esmail a vite occupé la première place des audiences de la plateforme. Selon les chiffres communiqués par le géant du divertissement en streaming, 41 millions de téléspectateurs ont effectivement visionné le film de 2 heures 20 en une semaine.
Angoisse sourde
« Pardonnez-moi de vous déranger, mais vous êtes dans notre maison ! » s’entend dire au début du film le couple new-yorkais bobo formé par Julia Roberts et Ethan Hawke. C’est fâcheux : ils s’apprêtaient à passer leur première nuit tranquilles, dans cette luxueuse demeure de campagne qu’ils viennent de louer sur Airbnb. Soupçonneuse, Julia Roberts n’entend pas laisser entrer l’homme noir qui se présente avec sa fille à sa porte ; elle invite son mari à rester méfiant. Les propriétaires présumés venus déranger la tranquillité des principaux protagonistes racontent qu’ils n’ont pas trouvé d’autre endroit où aller, et qu’un blackout terrible touche New York non loin de là. Cette intrigue plutôt classique, et la trouille de Julia Roberts qui invite son époux à se munir d’une batte, car elle craint pour la sécurité de ses deux enfants couchés, laisse présager que nous allons voir un énième film de « home invasion ». Mais, nous découvrons vite que s’il faut craindre une invasion, ce n’est pas celle-là.
Ce film n’est donc pas un film de « home invasion » comme les autres, mais le thriller d’anticipation de Sam Esmail (connu pour les séries Mr Robot, en 2015, avec Rami Malek sur USA Network, ou Homecoming, en 2018, avec déjà Julia Roberts sur Amazon Prime Vidéo) est efficace et vite assez étouffant. L’angoisse sourde, ressentie par les personnages, et le spectateur qui les observe, est finalement très proche de celle que les spectateurs avaient pu avoir il y a bien longtemps devant Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Ce qui, pour un thriller psychologique post-apocalypse, est bon signe. Et d’ailleurs, le comportement des animaux autour de la propriété est assez étrange.
Sur la forme, certains plans ou effets spéciaux peuvent lasser. Notamment lorsque la caméra passe sans cesse à travers les fenêtres ou les murs, sans aucune raison, à part celle de vouloir démontrer que le réal est un virtuose et qu’il a obtenu un coquet budget pour réaliser tous ses effets spéciaux. Ou lorsqu’on nous montre des cerfs effrayants ou des flamants roses, reproduits en image de synthèse (il faudrait dire un jour à toutes ces productions américaines où les animaux sont faits en 3D, que cela se voit toujours). Mais, si on laisse ces peccadilles de côté, le plus terrible c’est que le fond de l’intrigue demeure terriblement crédible. Même si le film contient inévitablement quelques messages politiques un peu pénibles (et pas qu’à la fin), même s’il semble blâmer le manque de réalisme de la série Friends ou s’en prendre aux partisans du survivalisme (des bas du front, forcément), il parvient brillamment à aborder les principales peurs qui assaillent l’Amérique ou l’Occident actuellement : montée en puissance des géants asiatiques, intelligence artificielle, crainte de l’extinction de l’espèce ou du retour de conflits ethniques.
Récits concurrents
C’est le premier film de fiction produit par Higher Ground, la société de production de Barack et Michelle Obama, lesquels ont signé en 2018 un gros deal avec Netflix. L’ancien président démocrate et sa femme sont persuadés que le vrai pouvoir réside désormais dans la « mise en récit » du monde. Invité à commenter sa décision de travailler avec Netflix, Obama affirmait en 2018 de façon un peu brumeuse: « Je n’aurais jamais été président si je n’avais appris très tôt dans ma carrière l’importance des histoires (…) Nous sommes tous humains et pourtant, actuellement, nous avons des récits concurrents. Je continue de croire que si nous écoutons les histoires des uns et des autres et que nous nous reconnaissons les uns les autres, alors notre démocratie fonctionnera ». Alors que son film est inspiré d’un roman de Rumaan Alam publié en 2020, Sam Esmail a expliqué à Vanity Fair que « dans les versions originales du scénario, [il a] définitivement poussé les choses beaucoup plus loin que dans le film, et le président Obama, ayant l’expérience qu’il a, a pu donner un peu de recul sur la manière dont les choses pourraient se dérouler dans la réalité ». Le couple Obama est par ailleurs ami avec M. Esmail depuis longtemps, et l’ancien président avait inclus le roman de Rumaan Alam dans sa liste de lecture annuelle en 2021.
Mais n’en dévoilons pas plus sur l’intrigue pour ceux qui souhaitent voir le film. Surtout : qu’ils se demandent lors de leur visionnage pourquoi Julia Roberts est de si mauvaise humeur, pourquoi elle n’aime pas ses contemporains et ne fait confiance à personne. Rien que pour les scènes spectaculaires et inventives du pétrolier qui vient s’échouer sur la plage ou des voitures Tesla autonomes devenues folles, ce film vaut de toute manière le coup d’œil.
Des citoyens vertueux s’opposent à une future station de métro Serge Gainsbourg, aux Lilas (93).
La cancel culture frappe à tour de bras, vivants et morts. La mairie des Lilas veut donner le nom du chanteur Serge Gainsbourg (1928-1991) à une station de métro qui ouvrira en 2024. Une pétition dénonce l’honneur fait à un artiste qui « a chanté des féminicides sadiques (Marilou sous la neigne, NDLR) et des viols incestueux (Lemon incest, chanté avec sa fille Charlotte NDLR) ».
Apparemment les pétitionnaires ne connaissent pas la différence entre l’art et la vie, le réel et sa représentation. Et ne comprennent rien à la provocation. Il faut donc brûler Gainsbourg.
Sale temps pour les génies. Les mêmes meutes vertueuses se déchaînent contre Gérard Depardieu depuis la diffusion d’une émission où on le voit en 2018 en Corée faire des blagues graveleuses[1], notamment sur une fillette qui fait du cheval. « Il sexualise une enfant », s’indignent les commères qui, n’ayant jamais lu Freud, ignorent que les enfants n’ont pas attendu Depardieu pour être sexualisés. Précisons que le comédien ne parle absolument pas à la fillette qui ignore tout de cette polémique. Il fait de la grosse provocation.
On a le droit de détester les chansons de Gainsbourg et les blagues de Depardieu, qui par ailleurs est mis en examen pour viol. Donc présumé innocent. Comme Frédéric Beigbeder dont on a appris hier qu’il était entendu dans une drôle d’affaire de viol[2], ce qu’on ne voulait nullement savoir. Puisque les médias nous invitent dans la chambre à coucher, il faut tout dire. La victime présumée admet un rapport consenti suivi, la même nuit, dans le même hôtel, d’un rapport non consenti. La justice tranchera, mais le tribunal médiatique n’attend pas pour dresser les bûchers.
Cependant, effectivement, on a le droit de ne pas aimer Gainsbourg, Depardieu et leurs débordements. On a le droit de ne rien comprendre à l’humanité, à la masculinité, à la transgression, et de détester les tableaux de nus et les blagues grossières. Mais il y a deux choses qu’on n’a pas le droit de faire : 1) Chasser en meute et condamner au bannissement social des hommes qui n’ont pas été condamnés par la justice ; 2) et surtout, on n’a pas le droit de censurer ou de dénigrer des œuvres au prétexte que leurs auteurs seraient infréquentables ou leur propos scandaleux. En matière d’art comme de fantasme, la seule loi c’est la liberté. Bonne nouvelle : cette opinion libérale est largement partagée. La ridicule pétition n’a recueilli que 3000 signatures. Message aux vestales de la bienséance : foutez la paix à Gainsbarre !
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures.
Notre chroniqueur voit dans le camouflet parlementaire sur la loi immigration le signe d’une possible chute d’Emmanuel Macron, et se réjouit du rapprochement LR-RN sur la question migratoire.
Le Titanic est en train de sombrer. Pour ne pas avoir voulu voir l’iceberg de l’insécurité identitaire, en dépit des alertes, Emmanuel Macron doit être tenu pour responsable du rejet préalable, lundi par les députés, du projet de loi sur l’immigration présenté par Gérald Darmanin. Là est le naufrage. Une insurrection parlementaire a répondu, enfin, aux arrogances répétées du chef de l’État et du ministre de l’Intérieur.
Sur la question migratoire, il n’y a pas de « en même temps » qui tienne
Cette sorte de « gilet-jaunisation » des élus, naguère timorés, vient en écho à l’exaspération de l’opinion confrontée à une caste incapable d’entendre le peuple dans ses angoisses existentielles. « Je sais où je veux emmener le pays », avait pompeusement déclaré Macron en mai 2018 devant Jean-Pierre Pernaut, sur TF1. En réalité, les objectifs du président, illisibles dans leur « en même temps » indécis, ont toujours été à rebours des attentes des oubliés de la classe moyenne. Ces Français sont confrontés, eux, à une préférence immigrée qu’ils doivent non seulement prendre en charge financièrement mais qui est devenue insupportable dans ses injustices quotidiennes (prestations sociales, santé et école gratuites, logement prioritaire, etc.)
Or l’immigration est, et restera, un sujet qui ennuie le monarque et sa cour. L’obsession de la macronie est de donner tort, coûte que coûte, au RN et à la droite « populiste ». Ceux-ci ont pourtant des solutions pour mettre un terme à l’invasion migratoire (près de 500 000 arrivées par an !), qui alimente un islam colonisateur et revanchard et accentue le déclin de la nation.
Qui pour réparer la France brisée ?
Macron restera dans l’histoire comme l’ultime naufrageur d’une France abîmée par près d’un demi-siècle de décisions ubuesques inspirées par des idéologues hors-sol. Jamais les guerres extérieures n’ont autant affaibli la nation que les politiques suivies par des « élites » adeptes du mondialisme et du grand mélangisme. L’orgueil présidentiel va tout faire ces prochaines semaines pour faire oublier le désaveu parlementaire. Il a dès à présent ressorti son mépris, adressé à ceux qui ont osé l’humilier dans une coalition il est vrai baroque (Verts, LFI, LR, RN).
Il ne faut pas exclure de voir Macron, soucieux de sauver les apparences, multiplier les initiatives pour feindre une maîtrise qu’il n’a plus.
Cicéron avait déjà prévenu : « Plus l’effondrement d’un Empire est proche, plus les lois sont folles ». En attendant, le chef de l’État a involontairement réussi non seulement à placer l’immigration comme le sujet politique central, mais aussi à rompre définitivement le lien entre la macronie et les Républicains. Quarante députés LR sur 58 ont en effet voté le rejet préalable, en refusant ainsi la « main ouverte » que Darmanin leur tendait, y compris au prix de promesses, pour certains, d’effectifs supplémentaires en policiers ou en gendarmes. Les Verts, à l’initiative de la motion, ont réussi pour leur part à tenir la chandelle dans l’esquisse du rapprochement LR-RN sur l’immigration. La chute de Macron oblige les droites à se tenir prêtes.
Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.
Il y a bel et bien deux peuples. Un peuple pour qui tout va plutôt bien, et un autre pour qui ça va de plus en plus mal. Lors du lancement de la 39e campagne de distribution alimentaire des Restos du cœur, Patrice Douret, leur président, a fait ce constat en trois mots : « La faim progresse. » Pour la première fois depuis l’appel de Coluche en septembre 1985, l’association est dans l’obligation d’abaisser le niveau de revenus qui donne droit à son aide. Dans la France de 2023, plus d’un Français modeste sur deux (gagnant le SMIC ou moins) dit avoir réduit les portions de ses repas[1]. C’est du jamais-vu.
Mais certains préfèrent encore évacuer la question sociale pour carburer à la question identitaire. Que ceux qui ont le ventre vide se remplissent la tête de haine et de ressentiments. Ah, si ces « salauds de pauvres » pouvaient ne penser qu’aux immigrés !
La pauvreté s’installe et s’aggrave. Dans un contexte de forte inflation, des vies sont sur le fil. Nombreuses sont celles à avoir déjà basculé quand d’autres redoutent de ne pouvoir tenir le coup. Des étudiants et des retraités, des privés d’emploi comme des travailleurs pauvres. L’existence se rabougrit au strict essentiel. Faire le plein du frigo et du réservoir d’essence. Ou un demi-plein. Payer les factures. Une vie amputée des plaisirs de la vie : un petit resto en famille, un cinéma, un livre, quelques jours de vacances pour changer d’air et d’horizon.
Les femmes particulièrement touchées
Une dernière enquête du Secours catholique sur « L’état de la pauvreté en France » confirme combien l’augmentation de la pauvreté frappe en premier lieu les femmes, et d’abord les mères isolées. Rappelez-vous, elles avaient témoigné, il y a cinq ans, sur les ronds-points des gilets jaunes. Rappelez-vous encore, il avait été question d’elles lors du Covid et des confinements, quand il s’agissait de rendre hommage à ces métiers essentiels et pénibles, si mal payés, et si peu considérés en temps ordinaire. Et depuis ? Rien. Ou si peu. L’absence d’une véritable politique publique, ambitieuse et innovante, pour les deux millions de mères isolées, est un manquement grave à la solidarité nationale.
Que faire ? Revaloriser les minima sociaux, le SMIC et les bas salaires. En finir avec la smicardisation du salariat. De 1 à 1, 6 SMIC, les exonérations sociales patronales sont si importantes, voire totales, que les employeurs ont intérêt à maintenir les salariés dans cette fourchette salariale. La moitié des employés est ainsi rémunérée à un salaire inférieur à 1,6 SMIC (Dares). Il s’agit aussi de s’attaquer au non-recours aux aides. Plus d’un tiers des personnes éligibles au RSA ne l’ont pas perçu en 2022.
Enfin, finissons-en avec la méfiance, quand cela n’est pas une véritable hostilité, vis-à-vis des politiques publiques en faveur des pauvres. Notre système économique et social, en posant la nécessité d’une autre répartition de la richesse entre travail et capital, pourrait être bien plus généreux et solidaire ! Finissons-en aussi avec la fausse idée selon laquelle les amortisseurs sociaux et autres aides décourageraient la recherche d’un travail. Toutes les études prouvent le contraire.
Je vous agace ? C’est très précisément l’objectif de cette chronique. Joyeux Noël !
[1] Sondage IFOP pour La Tablée des chefs, mars 2023.
Les polars du froid ont gagné nos chaumières, mais de temps en temps – surtout pour cette période que les réacs appellent Noël –, il est bon d’offrir un livre sans meurtre ni viol, sans cadavre dans le placard ni sous la couette. Juste une gentille déclaration d’amour, et l’humour de la savoir obsolète d’ici quelques années… Alors si vous cherchez à dire je t’aime en français, danois ou inuit, Les monologues d’un hippocampe, roman de Stine Pilgaard publié par le Bruit du monde, maison d’édition marseillaise (eh oui, il n’y a pas que Paris…) est le parfait cadeau pour le cocooning des vacances au coin du feu…
Si l’on est d’un naturel bougon, et que l’on a le cœur brisé après une rupture qui se règle sur la répartition d’une bibliothèque commune, que faire ? Courir en parler à ses proches, chercher le réconfort d’une oreille attentive ? Quand on a une mère qui vous assène : « Le fait que tu n’aies pas su marcher avant l’âge de trois ans était un peu embarrassant dans le groupe des mamans », ou un père qui ne souhaite qu’une chose — « que les offices de minuit soient à une heure différente », on peut vivre quelques moments de solitude…
Poésie noire
Et quand on vous propose de venir vous ressourcer à Amtoft où « les crabes du Limfjord sont réputés pour être les plus agressifs de tout le Danemark », il serait tout aussi légitime de choisir la drogue, la prostitution ou l’exil au fond de l’Himalaya. « Ce n’est pas possible », dira la mère aimante « tu n’as aucun sens de l’orientation, imagine comme tu trouves difficile d’aller à Amtoft, tu ne trouveras jamais l’Himalaya. Ton père et moi nous devrons alors te chercher avec Interpol et Perdu de vue, ou je ne sais quoi »… Autant se consoler avec soi-même, avec son propre hippocampe, cette partie du cerveau dédiée à la mémoire émotionnelle. À ressasser, on se guérit et on écrit.
Les Monologues d’un hippocampe, petit bijou de poésie noire qui faire rire jaune, est une consolation paradoxale. La consolation pour laquelle on souhaiterait se consumer d’amour, se battre froid et se remémorer. C’est le livre parfait pour tous les misanthropes qui s’enflamment de passion et se repaissent de leur idylle passée, rêvant n’avoir jamais connu le bourreau de leur cœur. Mais « parfois, c’est encore plus douloureux de regretter quelqu’un qu’on n’a pas connu… ça donne une étrange sensation de vide de n’avoir nulle part où placer son manque. » Parce que plus que le cœur, c’est le cerveau qui compte. La mémoire des nuits, des rires et des piques. La très belle traduction de Catherine Renaud y rend hommage.
Associations flottantes
Pilgaard construit son récit sur l’alternance entre la reconstruction amoureuse de la narratrice, grande sceptique de l’efficacité cathartique des sourires (« la contraction musculaire la plus surestimée du monde occidental, juste après l’orgasme ») et les « associations flottantes » de son hippocampe bouleversé.
Ensemble, ils savent dire « je t’aime » en libanais (bahibak), en inuit (negligevapse) ou encore en cambodgien (soro lahn nhee ah), mais ils ne savent pas relever la tête. Leurs pauses romanesques et romantiques font sourire et le lecteur qui s’en délecte s’intègre à la narration car à l’intérieur de ce roman, « il y a une bibliothèque avec des crânes alignés sur les étagères… je pense à vous, des démons rieurs tapant et martelant mon corps. Vous êtes la somme de toutes mes défaites, vous êtes tous mes sentiments de culpabilité accumulés. … c’est votre faute si j’avance à reculons à travers le monde » conclut l’hippocampe. Et pour notre plus grand bonheur, c’est grâce à ses monologues si l’on avance.
Stine Pilgaard, Les Monologues d’un hippocampe, Le Bruit du monde, octobre 2023, 150 p.
Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, le président de Reconquête s’est rendu en Israël où il a constaté, bouleversé, l’étendue des massacres. Quels sont les devoirs, mais aussi les intérêts de la France dans cette épreuve? Éric Zemmour en est convaincu : elle doit être à la pointe du réarmement de l’Occident.
Causeur. Vous revenez d’Israël où nous nous sommes croisés, dans la vieille ville de Jérusalem. Vous avez prié au mur des Lamentations. Jusque-là, vous n’affichiez pas de lien particulier avec ce pays. Le pogrom du 7 octobre a-t-il réveillé chez vous une fibre juive et/ou sioniste ?
Éric Zemmour. Je suis un juif de la tradition israélite, un Français de confession juive, j’ai été élevé comme ça, je mourrai comme ça. Si je subis la vindicte des institutions juives comme le CRIF, c’est justement parce qu’elles ont abandonné l’héritage universaliste et assimilationniste de Napoléon au profit d’un lobby communautariste à l’anglo-saxonne. Cela dit, on n’a pas besoin d’être juif pour être effaré, révulsé par ces récits de bébés brûlés et suppliciés, de femmes enceintes à qui on lacère le ventre, de femmes qu’on viole après les avoir brûlées. On n’a pas besoin d’être juif pour se sentir solidaire d’un peuple frappé au fond de son âme, mais qui se bat pour son existence et refuse de se soumettre à la barbarie. Je serais attaché à l’existence d’Israël même si je n’étais pas juif.
En attendant, les « juifs couscous » qui vous ont accueilli en héros à Netanya ne sont pas de distingués israélites assimilationnistes. S’ils ont quitté la France, c’est que beaucoup se sentaient d’abord et surtout juifs.
Ça dépend des générations. Les gens de mon âge, ou plus vieux que moi, ont quitté l’Algérie en 1962, chassés par le FLN, alors qu’ils étaient là avant la colonisation arabe. Quasiment tous se sont installés en France, et non en Israël. Ils s’étaient au fil du temps agrégés au peuple des pieds-noirs, et étaient devenus français. Ils se prénommaient Annie, Lucette, Roger, Pierre. Chez les plus jeunes, c’est différent. À partir des années 1980-1990, il y a eu un mouvement général de défrancisation de la population française, qui a touché tout le monde, y compris les israélites français : à l’école, les enfants passaient leur temps à se chercher des origines étrangères, des Français de souche étaient très gênés car ils n’avaient pas d’« origine », donc certains s’en inventaient des allemandes, italiennes… En même temps, l’immigration massive du Maghreb et d’Afrique noire a rendu la vie dans les banlieues impossible pour tous les non-musulmans. Certains quartiers sont devenus des enclaves étrangères et islamiques. Israël, c’est la France périphérique des juifs de ces quartiers. À Netanya, dont vous parlez, il y avait plus de mille personnes et des drapeaux français brandis fièrement. Cela m’a frappé là-bas : j’enrage que des gens qui aiment autant la France aient été obligés de la quitter, tandis que tant de gens qui la détestent restent et arrivent chaque année.
Les crises sont souvent des occasions de dévoilement. Que vous ont appris l’attaque du Hamas et ses conséquences ?
Plutôt qu’un dévoilement, il s’agit d’une confirmation d’évolutions à l’œuvre depuis longtemps. S’il y a une surprise, c’est qu’Israël se soit fait surprendre. Mais la véritable nouveauté, je l’ai vue en France.
Les flambées d’antisémitisme quand les armes parlent au Proche-Orient, ce n’est pas très nouveau…
Je ne parlais pas de ça ! Pour la première fois depuis la guerre des Six Jours, il y a eu dans l’espace public français une réelle empathie pour Israël. Je n’avais jamais vu une telle bienveillance, et pas seulement dans l’espace médiatique, mais aussi chez le peuple français. Cela s’explique par la sauvagerie de l’attaque. On est dans le registre d’une barbarie pure. Or, c’est précisément pour protéger les juifs de cette barbarie qu’Israël a été créé, c’est le cœur de sa légitimité. Il y a là un enjeu presque métaphysique. Contrairement à ce que prétend la doxa politique française, la solution des deux États est aujourd’hui impossible : le Hamas, pour qui les Palestiniens ont voté, ne veut pas de solution, il veut tuer les juifs. Le mouvement palestinien a changé d’âme, au tournant de l’année 2000. Il n’a plus un objectif national et territorial, il s’inscrit dans un projet planétaire d’islamisation qui ne peut tolérer qu’une terre musulmane soit redevenue une terre juive. Pour les Palestiniens, Israël, c’est le royaume des croisés. Ce royaume n’a duré que cent ans… Les Palestiniens veulent qu’Israël connaisse le même destin.
Vous idéalisez l’OLP, dont la laïcité était aussi authentique que celle du FLN ou de Saddam Hussein et qui, on l’a aujourd’hui oublié, pratiquait la terreur autant que le Hamas.
Je suis le premier à dire que le nationalisme, venu d’Europe, n’a jamais été, en terre d’islam, pur de toute référence religieuse. Le journal du FLN s’appelait El Moudjahid, en référence au djihad. Il n’empêche qu’autour d’Arafat, ce sont des élites chrétiennes et non musulmanes qui ont forgé le nationalisme palestinien, sur le modèle du sionisme. Quant à la terreur, tous les mouvements nationaux y ont eu recours à leurs débuts. Les Allemands et les Espagnols ont pratiqué la terreur contre Napoléon, les Israéliens, contre les occupants anglais. Ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est : dans quel but recourt-on à la terreur ? Le nationalisme de l’époque d’Arafat voulait deux États, celui du Hamas veut « jeter les juifs à la mer ».
Puisque votre pensée se nourrit toujours de références historiques, à quels événements compareriez-vous le 7 octobre ?
Tout d’abord, aux guerres d’Algérie : la guerre d’Indépendance au xxe siècle, mais aussi la guerre de conquête, de 1830 à 1840. Il faut lire le général Bugeaud et tous les témoins de l’époque. Ils sont sidérés de la violence des combattants arabes. D’ailleurs, lorsqu’on accusera l’armée de férocité à l’égard des ouvriers français, dans la répression des journées de juin 1848, on l’imputera aux habitudes prises dans cette région.
Et puis, il y a évidemment la Seconde Guerre mondiale et les nazis, et la rupture qu’elle provoque – le plus jamais ça. Et le 7 octobre, ça a recommencé. Je suis allé au centre médico-légal, où ils s’efforçaient de reconstituer les corps brûlés, martyrisés, pour leur donner une sépulture digne et simplement une identité. Je suis allé au kibboutz de Kfar Aza, j’ai vu ces maisons éventrées, ces voitures calcinées, la vie arrêtée brutalement – du linge, des tasses de café, des jouets d’enfants cassés. Mais ce qui m’a le plus pris aux tripes, ce que je n’oublierai jamais, c’est l’odeur de la mort partout.
Peut-on penser quand tout provoque la sidération ?
Il le faut. Parfois c’est même un petit élément qui donne à réfléchir. Dans une maison j’ai vu une affiche de Chalom Archav – La paix maintenant. Les officiers qui nous accompagnaient m’ont expliqué qu’il s’agissait d’un kibboutz de gauche, pacifiste, dont les habitants croyaient à un accord, à la paix. Ils allaient chercher les enfants palestiniens malades à Gaza pour les conduire dans les hôpitaux israéliens. J’ai immédiatement pensé à la célèbre formule du philosophe Julien Freund : « C’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. » Donc oui, cet affrontement fait partie d’une guerre qui nous dépasse, même quand on la refuse : une guerre de civilisations. La civilisation islamique mène une guerre à l’Occident, mais cette guerre a lieu partout où réside une forte communauté musulmane, en Afrique, en Inde, en Chine, en Russie. Cela n’empêche pas ces pays de soutenir le camp anti-occidental : il y a toujours eu des intérêts économiques et militaires, des alliances qui s’ajoutent aux questions de civilisations. C’est la logique d’intérêts communs, notamment en termes de coopération militaire, qui explique l’alliance entre Israël et l’Azerbaïdjan. Mais pour moi, les Israéliens ont tort. Je peux comprendre toutes les stratégies, mais je crois qu’à terme, le conflit de civilisations nous dépasse et nous emporte. D’ailleurs, le gouvernement d’Azerbaïdjan a voté contre Israël à l’ONU, et dans les manifestations des rues de Bakou, le mot d’ordre était « les Israéliens sont peut-être nos alliés, mais les Palestiniens sont nos frères ». Comme le disait Raymond Aron :« Ceux qui croient que les peuples suivront leurs intérêts plutôt que leurs passions n’ont rien compris au xxe siècle. » Cela vaut pour notre siècle aussi.
Ce qu’on appelle crime contre l’humanité est donc en réalité un crime contre l’Occident. Les autres nations soit approuvent, soit ne se sentent pas concernées. Une grande partie de l’Asie regarde ailleurs.
L’Asie n’est pas l’Occident. Vous me dites que l’Occident soutient l’Occident : ça semble logique.
Vous conviendrez que ce concept de guerre de civilisations est d’un maniement délicat : il ne s’agit pas, ou pas seulement, d’un conflit entre nations ou entre aires géographiques, il prend des formes très différentes– des attentats et une guerre, ce n’est pas pareil.
Revenons aux sources. Tout le monde a entendu parler du texte d’Huntington, Le Choc des civilisations, qui, après la chute du Mur de Berlin, affirmait que le conflit majeur n’opposerait plus désormais l’Est et l’Ouest, mais de grandes civilisations. Ce qu’on sait moins, c’est qu’Huntington n’a rien inventé. Ce conflit de civilisations est le cours traditionnel des choses depuis l’aube de l’humanité. C’est la guerre froide, un affrontement entre deux idéologies occidentales, qui a été une parenthèse. La logique de l’Histoire depuis cinq mille ans, comme nous l’a appris le grand historien britannique Arnold Toynbee, c’est qu’il y a différentes civilisations (chinoise, hindoue, islamique, occidentale, orthodoxe, etc.) qui s’ignorent ou s’affrontent, se toisent ou se méprisent. À partir du xve siècle, forts de leur supériorité technique, les Occidentaux occidentalisent le monde et déstabilisent des civilisations qui se croyaient toutes le centre de l’univers. Les musulmans sont déstabilisés par l’arrivée de Bonaparte en 1798, les Chinois par la diplomatie de la canonnière au xixe siècle, etc. Après la disparition de l’URSS remontent à la surface des civilisations désireuses de prendre leur revanche sur des Occidentaux qui les ont dominées. Chacune use de moyens différents. La civilisation chinoise emprunte tous les moyens de l’Occident, technique, guerre, industrie – à l’exception de la liberté.
En revanche, l’islam conjugue deux armes qui lui sont propres : la démographie et la spiritualité. Il se présente comme la réponse au vide spirituel imposé partout par le matérialisme occidental. Par deux fois, déjà, l’islam a été le porte-drapeau de l’Orient et de sa revanche contre une offensive occidentale : la première fois, quand les héritiers de Mahomet conquièrent l’Égypte et la Syrie qui étaient grecques depuis mille ans et la deuxième, lorsque Saladin refoule les Croisés. Nous vivons aujourd’hui la troisième offensive.
Oui, mais ce conflit traverse les sociétés occidentales. Contrairement aux autres civilisations, l’Occident ne jouit pas de l’homogénéité culturelle. Au contraire, la diversité, l’ouverture à l’Autre font partie de son identité, singulièrement depuis 1945. Au point que l’essentiel des forces de gauche se sont mises au service de l’islamisme.
Tout à fait, c’est exactement ce que je dis. En effet, aux États-Unis comme en Europe, il y a une alliance entre le mouvement d’islamisation de nos pays et une gauche woke qui a fait de la défense des minorités l’axe central de son progressisme. L’origine de cette gauche, c’est la pente occidentale vers l’autodestruction qui a succédé à l’instinct de développement et de domination. C’est parce que l’Occident est faible qu’une partie des élites, de la jeunesse et des universitaires est devenue l’alliée objective de nos ennemis. Pendant la guerre de Cent Ans, les Bourguignons s’allient aux Anglais ; pendant les guerres de religion, les protestants sont les alliés des Anglais et des Hollandais contre les puissances catholiques. Et au xxe siècle, tout le monde se souvient des collabos alliés aux Allemands. On peut d’ailleurs poursuivre avec les communistes qui soutenaient l’URSS pendant la guerre froide. Aujourd’hui, la gauche soutient le mouvement d’islamisation de notre pays. Électoralement, on peut dire qu’il n’y a plus d’autre gauche. Mélenchon l’a compris : sans l’électorat musulman, il ne peut plus y avoir de candidat de gauche au second tour.
L’antiquité romaine est très tendance sur TikTok. Un engouement dénoncé par les féministes comme un « marqueur de genre », et tourné en dérision.
Combien de fois par jour pensez-vous à l’Empire romain ? Depuis septembre, cette question, posée aux hommes, représente une des plus fortes tendances sur TikTok. Tout est parti d’un fan de reconstitutions historiques, Artur Hulu, plus connu sous le pseudonyme de « Gaius Flavius », qui a suggéré à ses abonnés de sexe féminin de poser cette question à leurs maris, copains et autres accointances masculines. Les réponses données par de très nombreuses internautes dans des vidéos, dont beaucoup sont devenues virales et qui continuent à être postées aujourd’hui, révèlent une véritable obsession chez les hommes pour cet empire tombé en l’an 476 de notre ère. La plupart des interrogés y penseraient souvent, la fréquence variant entre une fois par mois et quatre fois par jour. Leur fascination est alimentée moins par des ouvrages savants que par les jeux vidéo, les péplums ou les nombreux documentaires à la télévision ou sur YouTube. Pour justifier leur enthousiasme, ils évoquent les combats de gladiateurs, le génie technologique et la puissance militaire des anciens Romains – des sujets propres à l’imaginaire masculin traditionnel.
C’est ainsi que l’engouement pour l’empire des Césars est devenu un marqueur de genre, comme les couleurs– bleu et rose. En réponse, beaucoup de tiktokeuses publient des vidéos satiriques, tournant en dérision cette tendance éminemment viriliste mais alimentant encore l’obsession générale sur l’antiquité romaine. Dans leurs posts, les hommes font étalage de leur savoir sur le sujet, donnant lieu à l’expression « romansplaining » sur le modèle de « mansplaining », terme féministe pour dénoncer la tendance patriarcale à parler de façon à la fois savante et condescendante. Inévitablement, des rabat-joie ont fait remarquer que la plupart des amateurs étaient non seulement des hommes, mais des Blancs. Le hashtag #romanempire totalise près de 3 milliards de vues au compteur. Ave César !
Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, le président de Reconquête s’est rendu en Israël où il a constaté, bouleversé, l’étendue des massacres. Quels sont les devoirs, mais aussi les intérêts de la France dans cette épreuve? Éric Zemmour en est convaincu : elle doit être à la pointe du réarmement de l’Occident.
Causeur. L’un des piliers de la civilisation judéo-chrétienne, l’Église catholique, se range aussi dans le camp de nos adversaires. Sans même parler des positions du pape François, les évêques de France viennent de se prononcer pour la création d’un État palestinien. On sent d’ailleurs dans certains milieux cathos un certain tropisme arabe.
Éric Zemmour. Depuis longtemps, les positions du pape sur la question migratoire montrent qu’il a pris acte de l’islamisation de l’Europe. Et ça n’a pas l’air de le déranger, comme si c’était le prix à payer pour la déchristianisation de l’Europe. Cela dit, ni le pape ni l’Église de France ne représentent les catholiques. Ces institutions sont encore marquées par les débats des années 1960-1970 quand l’Église voulait absolument être plus à gauche que le Parti communiste. Ces gens-là ont toute leur place dans la gauche et dans le peuple islamo-gauchiste qui suit Mélenchon. Ce qui est nouveau en revanche, c’est qu’il y a un jeune peuple catholique qui a conscience d’être devenu une minorité en France et en Europe, qui se situe politiquement aux antipodes de ses aînés soixante-huitards et du pape et qui veut se battre pour son pays. La preuve, beaucoup ont voté pour moi en 2022.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas obliger les autres à adopter nos valeurs et nos mœurs même si nous les jugeons meilleures.
L’Occident est faible, parce qu’il croit garder l’ancien discours mondialiste et universaliste tout en ayant perdu les attributs de sa puissance qui lui avaient permis de dominer le monde. Je note d’ailleurs que l’Occident s’ouvre à un multiculturalisme destructeur quand les autres civilisations, et en particulier, l’arabo-musulmane, se ferment à toutes les populations qui vivaient jadis sur leur sol : il n’y a quasiment plus de juifs et de chrétiens dans le monde arabe. Comme Dominique de Villepin, je refuse l’« occidentalisme » ; je ne crois pas que l’Occident puisse ou doive imposer savision du monde et la démocratie au monde entier. Je me contente de dire, et c’est déjà énorme, que l’Occident doit redevenir l’Occident et faire comme les autres civilisations : renouer avec sa propre identité – notamment le culte du savoir, du mérite, de l’intelligence, de la famille, le rapport à la femme. Ce qui suppose de se battre sur deux fronts : contre les autres civilisations qui veulent l’écraser pour se venger, et contre les woke qui veulent détruire la civilisation occidentale de l’intérieur. Je penseque la France doit être l’avant-garde de la ré-occidentalisation de l’Occident. Qu’est-ce que c’est, la France ? Les croisés et les soldats de l’An II, répondait Malraux.
Sauf qu’il y a chez les souverainistes français un réflexe anti-américain qui s’oppose à votre rêve occidental…
Mais je suis un souverainiste français ! La civilisation occidentale n’est pas un rêve : elle a mille cinq cents ans d’histoire et elle a eu des patrons différents selon les époques – l’Espagne de Charles Quint, la France de Louis XIV et de Napoléon, l’Angleterre, puis aujourd’hui les États-Unis. Napoléon se voulait l’empereur d’Occident : était-il soumis aux États-Unis ? Être occidental ne veut pas dire se soumettre en tout aux patrons du jour. J’en veux aux Américains de l’extraterritorialité de leur droit, de leur ingérence, de leurs leçons de morale, je vais même vous dire : j’en veux encore aux Anglais d’avoir battu Napoléon, mais ça ne m’empêche pas de comprendre qu’aujourd’hui, nous avons les mêmes ennemis et sommes confrontés au même danger de disparition.
Peut-être, mais nombre de vos partisans admirent surtout Poutine…
Parce que pendant des années, Poutine a voulu parler aux Occidentaux qui déploraient la décadence de l’Occident. Dans la sphère orthodoxe aussi, nous voyons ressurgir la vieille grammaire des civilisations, le conflit entre Rome et Byzance qui avait été recouvert, mais pas effacé, par l’opposition idéologique de la guerre froide. Depuis des siècles, la Russie se considère agressée par l’Occident, et l’Occident se considère agressé par la Russie. En vérité, les deux ont raison. Je n’approuve pas Poutine, je dis simplement que pour lui, il s’agit d’un conflit inexpiable : il n’acceptera jamais l’occidentalisation de l’Ukraine, qui a le malheur d’être à l’épicentre de la frontière civilisationnelle.
Résumons : contrairement à ceux qui pensent que nous devons défendre l’Occident de Kiev à Sdérot, vous pensez que se joue en Ukraine un conflit de civilisations qui se superpose au conflit principal Islam/Occident sans se confondre avec lui.
Il y a plusieurs civilisations et donc plusieurs conflits. Je ne crois ni à l’opposition entre les régimes, démocratique et autoritaire, ni à celui qui opposerait le Sud global au seul Occident. En tout cas, les Occidentaux doivent tout faire pour séparer les autres civilisations, et même tout faire pour trouver, au sein de chacune des civilisations, des pays qui pourraient être nos alliés. Le conflit de civilisations n’efface nullement les stratégies, les intérêts des nations qui les composent. La France est bien placée pour jouer ce rôle-là.
Quel rôle doit-elle jouer dans la ré-occidentalisation de l’Occident ?
Le même que depuis mille ans : « La France, hier soldat de Dieu sera toujours le soldat de l’idéal »,comme disait Clemenceau. La France, machine à réfléchir, à penser, manieuse de mots et d’idées peut parfaitement réarmer l’Occident moralement. Vous allez me dire que la France n’est plus ce qu’elle était, que l’école s’est effondrée. Tout se refait. C’est mon objectif politique fondamental : refaire des Français. Pour refaire la France.
Pour l’instant, on a surtout fabriqué des légions de Français qui n’aiment pas la France. Ce qui nous amène à Crépol. La mort de Thomas, assassiné par des racailles qui voulaient « planter du Blanc », est-elle aussi une manifestation de la guerre de civilisations ? Peut-on tirer un trait de Kfar Aza à Crépol ?
Oui. C’est la même guerre de civilisations qui brûle Kfar Aza et Crépol, Marseille et Stockholm, Londres et Berlin, qui arme les terroristes du Hamas ou du Bataclan, comme les innombrables attaques au couteau, viols, meurtres, ce « continuum de violences », pour parler comme les féministes, qui est l’essence même du « djihad du quotidien » qui embrase toute l’Europe.
Le bien le plus précieux de la France des villages, c’était ce doux sentiment de sécurité. Comme le 7 octobre en Israël, Crépol marque-t-il un basculement en France ?
Depuis des décennies, les Français croient qu’ils pourront échapper aux ravages de l’islamisation en fuyant les terres envahies par l’immigration arabo-musulmane. Ils ont quitté les banlieues, puis se sont enfoncés dans des terres de plus en plus éloignées des métropoles, quitte à faire des dizaines de kilomètres par jour pour aller travailler. Le déferlement migratoire, mais aussi les conséquences de la loi SRU – qui oblige tous les maires à construire des logements sociaux dans leur commune et dont j’étais le seul candidat à la présidentielle à réclamer l’abolition – les ont rattrapés. Je le dis solennellement aux Français : il n’y aura pas de solution individuelle ; ils pourront partir au fin fond de la France, ils ne sont pas tranquilles tant que nous ne renversons pas la table. La solution est politique.
Que la gauche et les médias tentent de camoufler la réalité, c’est habituel. Mais là, il y a eu en plus une incroyable mobilisation du pouvoir pour nous empêcher de savoir ce que nous savions déjà (en censurant les noms des suspects). Pourquoi cet acharnement dérisoire ?
L’idéologie totalitaire de la diversité repose sur le mensonge et l’intimidation, la répression judiciaire et la censure. Je note d’ailleurs avec un brin d’ironie que ce sont des prénoms coraniques que l’on dissimule, alors que toute la classe politique et médiatique m’avait affirmé que les prénoms d’une personne ne signifiaient rien de son identité. Mais je note surtout un fantastique motif d’espoir : tout le monde avait compris ce que le pouvoir voulait cacher. Le peuple français est lucide. Sans bénéficier de la moindre information, puisque tout était caché, les Français savaient. Ils savaient d’où venait le gang qui a tué Thomas. Ils savaient où se situaient les agresseurs, et où se situaient les victimes. Il a fallu une semaine pour que le pouvoir et les médias finissent par admettre, toujours à demi-mot, que les Français avaient raison.
La Macronie honore la mémoire de Nahel plutôt que celle de Thomas, appelle à la décence des gens qui marchent en silence plutôt que des émeutiers. Faut-il en conclure qu’entre les deux peuples qui coexistent en France, Emmanuel Macron a choisi le plus récent – et le plus jeune ?
Emmanuel Macron a peur. Peur de ce qu’il a découvert : il est le président de deux peuples. Peur d’émeutes, peur d’être le président de la guerre civile. Toute son attitude est dictée par cette peur panique.
La France, dites-vous, doit être un manieur de mots. Mais dans nos belles provinces, on en a assez des mots, des bougies, des discours. Aujourd’hui, la colère s’exprime dignement, elle appelle à la justice. Mais y a-t-il un risque de violences aveugles contre des Arabes comme à Dublin ? Que faire pour l’empêcher ?
Ce risque existe évidemment. On l’a vu d’ailleurs à Romans, le soir même où – la charge symbolique est cruelle – Gérard Collomb mourait, ce même Gérard Collomb qui, en quittant son ministère de la place Beauvau, avait prophétisé que les populations qui vivaient encore « côte à côte » seraient demain « face à face ». Que faire pour l’empêcher ? La réponse est simple. La légitimité historique de l’État repose sur la protection qu’il assure à tous ses citoyens. En échange de la paix publique, les individus renoncent à se protéger, à s’armer et à se faire justice eux-mêmes. À partir du moment où l’État ne protège plus les habitants d’un pays, ceux-ci sont tentés de reprendre leur liberté de se défendre eux-mêmes pour mieux protéger leur famille et leurs proches. Il faut donc que la justice cesse d’être faible et laxiste, qu’elle punisse sévèrement le moindre délit, que les étrangers coupables de délits et crimes soient expulsés du territoire, que l’invasion migratoire soit endiguée.
Si l’heure est aussi grave, n’est-il pas temps de vous concentrer sur ce qui vous rapproche du RN plutôt que sur ce qui vous en sépare ? Après tout, s’il s’agit de lutter contre l’islamisation et d’arrêter l’immigration, quelle importance qu’on appelle ou non cela guerre des civilisations ?
La politique, selon moi, ce n’est pas suivre les sondages ou monter des petits coups tactiques ; c’est mettre des mots sur des situations historiques pour les expliquer, les éclairer et tenter de les régler. Comme en médecine, le diagnostic précède le traitement ; si le diagnostic n’est pas le bon, c’est-à-dire si les mots ne sont pas les bons, le traitement ne sera pas efficace. C’est d’ailleurs pour cette raison que la gauche prend toujours soin d’imposer ses mots dans le débat public, pour mieux imposer son idéologie. Comme le conseillait Lénine à ses ouailles : « Faites leur manger le mot, vous leur ferez avaler la chose. » À LFI, il existe un « comité des mots » qui se réunit pour choisir le vocabulaire qui sera privilégié par ses membres dans le débat public.
Manifestement, Marine Le Pen a jugé que cette distinction entre nous était importante puisqu’elle a décidé de m’attaquer il y a quelques jours en affirmant péremptoirement que contrairement à moi, elle ne croit aucunement à la « guerre de civilisations ». Elle ajoute qu’à ses yeux, « l’islam est compatible avec la République ». Je crois exactement l’inverse. Cela ne signifie pas que des musulmans qui veulent devenir français, adopter nos mœurs, nos règles mais aussi nos ancêtres et notre passé, ne le pourraient pas. Encore faut-il qu’ils acceptent d’adapter leurs pratiques et d’observer une certaine discrétion accordée à l’esprit français. Je ne sais pas combien sont prêts à faire cet aggiornamento, mais à ceux-là, je tends une main fraternelle.
Vous conviendrez que cette différence d’appréciation sur la nature de l’islam n’est pas un désaccord de pacotille et encore moins une affaire personnelle : elle a le droit de m’attaquer sur le fond, je ne m’en offusque pas. S’il n’y a pas de guerre de civilisations, la délinquance des racailles issues de l’immigration est uniquement une affaire sécuritaire ; et aucune considération ethnique ou religieuse ou civilisationnelle n’anime cette violence. Je ne le crois pas. Si on ne comprend pas cela, on ne pourra pas l’endiguer avec efficacité. Quand on parle comme le système, on agit comme le système. Ce qui explique par exemple que Marine Le Pen affirmait en juillet dernier, après les émeutes urbaines, qu’elle « ne ferait rien » contre les émeutiers et « assumerait les erreurs de ses prédécesseurs », tandis que je réclamais leur déchéance de la nationalité française.
Qu’est-ce qui prouve, selon vous, que l’islam est incompatible avec la République ?
Raisonnons a contrario. Si l’islam est compatible avec la République, pourquoi interdire le voile dans l’espace public ? Pourquoi s’offusquer de ces femmes qui ne veulent pas se faire soigner par des médecins de sexe masculin ? De ces musulmans qui refusent de serrer la main des femmes ? De ces tapis de prière dans les entreprises, dans les écoles ? Des homosexuels qui sont insultés, menacés tabassés, dans les enclaves étrangères ? De ces prêches d’imams qui appellent à tuer les juifs et chrétiens ? Tout cela se trouve dans le Coran ou les hadits, récits de la vie du prophète Mahomet « exemple parfait » à suivre, même lorsqu’il égorge des tribus juives rebelles ou des poètes irrévérencieux. Pourquoi, surtout, s’inquiéter de l’installation de millions de musulmans en France, si leur religion est compatible avec notre pays ? Les autres prétendent lutter contre l’immigration, mais ne donnent aucune justification culturelle à cette politique ; moi, je lutte contre l’islamisation de la France et de l’Europe. Il est essentiel que quelqu’un mène ce combat.
L’arrivée d’un nouveau-né s’avère bien souvent « toxique » pour la sexualité du couple. Heureusement, le magazine féministe Causette fournit des solutions.
Chaque mois, le magazine Causette propose « le récit d’un moment d’épiphanie sexuelle ». Dans son dernier numéro, c’est Sidonie, éducatrice en santé sexuelle ayant « beaucoup pensé et politisé les questions de sexualité », qui a partagé une « pépite intime et politique » de sa vie érotique. Après la naissance de leur premier enfant, elle et son conjoint ont eu du mal à se retrouver, sexuellement parlant : « Il et elle ont toujours du désir l’un pour l’autre mais pas toujours le temps et l’espace pour s’y consacrer, écrit la journaliste de Causette sur le mode inclusif qui sied à ce magazine. Il et elle décident alors de consacrer un temps hebdomadaire de garde à leur duo amoureux, sans savoir ce qu’il ou elle feront ensemble de ce temps précieux. »
Un soir qu’ils sont parvenus à faire garder le mioche, « il et elle ont rendez-vous l’un.e avec l’autre ». Les premiers gestes sont « assez basiques », mais « la magie opère » au moment où « les sexes se touchent pour la première fois ». Bref, c’est une affaire qui roule. Entre deux galipettes, Sidonie s’avise que, dans ce moment de félicité, elle n’est plus « la mère ni la cogestionnaire du foyer », ce qui lui décongestionne les neurones et le reste. Après ces « belles retrouvailles » avec son conjoint, elle a confié à Causette sa bisexualité, laquelle lui a permis de découvrir une approche « dé-hétérocentrée » du « sexe pénétratif ». Il faut dire que Sidonie découvre à chaque instant de son existence des choses étonnantes :« Je me suis même dit pendant le sexe que c’était fou, que c’était par là que la tête de mon bébé était passée ». Forts de cette expérience régénératrice, Sidonie et son conjoint n’hésitent plus à se débarrasser régulièrement de leur encombrant marmot :« Il et elle deviennent comme des amant.es fougeux.euses qui se retrouvent à l’hôtel », écrit la journaliste en précisant que « l’absence d’enfant fluidifie les choses ». C’est beau comme du Mona Chollet ! Et dire qu’il y a encore des anthropopithèques qui pensent que les magazines féministes sont une fumisterie.
Le président Macron refuse d’abandonner le texte, et tente de minimiser la crise politique et de cacher son exaspération. Il espère toujours faire voter la loi avant Noël. Analyses
Lors du premier jour de son examen à l’Assemblée nationale, le projet de loi Immigration, porté par Gérald Darmanin, a été rejeté. La motion de rejet, proposée par Benjamin Lucas (écologiste), a recueilli 270 voix contre 265. Pourtant, sur TF1, le ministre de l’Intérieur a indiqué lundi soir à 20 h que le texte ne sera pas retiré et continuera son « chemin institutionnel ».Qu’est-ce que cela veut dire ?
Voter une motion de rejet signifie que l’Assemblée nationale refuse d’examiner le texte. Le parlement met ainsi le gouvernement face à l’impossibilité de changer quoi que ce soit faute de majorité (sauf à avoir recours au 49.3, ce qui est compliqué hors textes budgétaires). C’est souvent une étape avant la possible adoption d’une motion de censure qui, elle, fait chuter le gouvernement. Ce vote a été une surprise et montre que certains tabous sont en train de tomber. D’abord il a manqué des voix au camp présidentiel, l’adoption de la motion s’est joué à cinq voix près et une dizaine ont manqué dans le camp présidentiel. Ensuite, les oppositions ont accepté de voter ensemble de la LFI au RN. Les députés de l’opposition se sont constitués en force d’empêchement à défaut de pouvoir être une force de proposition ou d’avoir la capacité de constituer une alternative. Concrètement, certaines digues sont sans doute en train de sauter qui faisaient du RN un pestiféré et les oppositions assument parfaitement cette motion de rejet.
Pour la suite de l’examen de ce texte, Olivier Véran a indiqué hier qu’il passerait en commission paritaire. L’exécutif fait le choix de la rapidité et d’une certaine prise de risque. En effet il avait 3 options :
Première option : renoncer au texte. Le parlement n’en veut pas, l’exécutif tourne la page. Une décision qui peut être sage mais qui demande que le parlement soit respecté et la démocratie comprise. C’est intellectuellement impossible pour la technostructure. Or le gouvernement Macron est un pur produit de l’idéal technocratique. Pour quelqu’un comme le président ou la cheffe du gouvernement, le peuple est un amas d’imbéciles qui empêche de gouverner rationnellement et s’acharne à saboter les bonnes décisions prises pour assurer son bonheur malgré lui. Ils ne peuvent envisager que le blocage du parlement soit un révélateur de la crise politique qui sévit dans le pays et d’une légitimité très faible de l’exécutif qui fait que s’opposer à lui de cette manière rapporte politiquement. En abandonnant le texte, le gouvernement marquait sa reconnaissance du refus du pays exprimé par ses représentants et passait à autre chose. Mais l’ego présidentiel a été heurté dans la bataille et le président refuse de tirer les conclusions de cet échec. Cette option n’était donc pas envisageable.
Deuxième option : reprendre la navette parlementaire. C’est-à-dire renvoyer le texte au Sénat en deuxième lecture, puis retour à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture. Là, la prise de risque était énorme pour la majorité présidentielle. En effet, ce qui arrive à Renaissance est le pire de ce qui peut arriver à un parti politique : le râteau s’est transformé en piège à loup. Vouloir un parti qui va du PS à LR n’est pas compliqué en terme économique et social, le gros des troupes est libéral et prêt à sacrifier le filet de sécurité des Français. Ils n’ont pas de convictions, pas de projet d’avenir alors ils cultivent le scrupule et un texte comme celui sur l’immigration est exactement ce qu’il faut pour créer une nouvelle génération de frondeurs, les héritiers de ceux qui ont assuré la chute du gouvernement Hollande. Il invite aux envolées lyriques autour de la nécessité de l’immigration, du devoir d’accueil et dessine une ligne d’affrontement au sein de Renaissance. Le fan-club d’Emmanuel Macron ne s’est pas transformé en parti politique avec une ligne politique claire et son principal ciment, la personne du président, ne peut se représenter. La désagrégation commence et chacun retrouve sa sensibilité d’origine sur les clivages sociétaux. Dans ces circonstances, le débat risquait de devenir étalement des divisions de la majorité, exacerbation des dissensions, risque de rupture. D’autant que le président de la commission des lois, Sacha Houlié, s’acharne en sous-main à fragiliser le ministre de l’intérieur et est un des acteurs de l’échec de la procédure législative. Lui, vient de la gauche Gérard Darmanin de la droite, mais ils ont un point commun : leur échec à établir un lien avec les Français sur un sujet qui pourtant intéresse les citoyens. La loi Darmanin n’est pas vue comme changeant réellement la donne et à la hauteur des attentes; quant au discours déconnecté d’un Sacha Houlié, il se heurte au ras-le-bol profond et à la volonté des Français de voir marquer un coup d’arrêt à l’immigration. Une volonté qu’ils affirment sondages après sondages sans être entendus.
Le choix a donc été fait de la troisième voie : le passage en Commission Mixte Paritaire (CMP). C’est un passage qui n’a rien d’exceptionnel. Sauf qu’habituellement, il se fait quand le texte voté par l’Assemblée et celui du Sénat est différent. Il faut donc une CMP pour élaborer un texte commun aux deux Assemblées et rapprocher les points de vue. La CMP est strictement encadrée, elle ne peut modifier le texte de loi à sa guise, ajouter des amendements, etc. La CMP n’est pas une troisième lecture du texte. Une fois rédigé, celui-ci doit à nouveau être voté par les deux assemblées. Voilà pourquoi le texte issu de la CMP, basé sur celui voté par le Sénat, sera forcément plus à droite que celui voulu par le gouvernement. C’est là que réside la prise de risque. Si la CMP est conclusive, que le parlement propose un texte et que celui-ci échoue à être voté car la majorité présidentielle le désavoue, alors la crise politique sera plus profonde encore et pourrait signer l’éclatement de la majorité et son refus d’accepter les choix du parlement. C’est se retrouver en situation de faiblesse de légitimité à la fois dans la relation avec les citoyens et dans la relation avec les représentants. Ce serait pour le gouvernement, infliger un camouflet au Parlement et rentrer dans un rapport de force dont il n’aurait pas les moyens de sortir car il ne pourrait faire appel au peuple, tant il est déconnecté de ses attentes. Les dissensions politiques d’une majorité trop hétéroclite, qui n’a pas su se forger des représentations communes et reste tributaire de ses anciennes appartenances font que le râteau, utilisé pour ramasser large, est en train de refermer ses dents, mettant dans un face-à-face délétère les deux composantes de la non-majorité présidentielle. La volonté présidentielle de brutaliser le parlement en y allant à la hussarde n’est pas un bon signe : le président veut une CMP lundi 18 décembre pour un vote des assemblées mardi 19. Le président réagit en enfant contrarié et comme s’il n’était pas comptable de cette cacophonie qui se termine en pantalonnade.
Alors, la France est-elle devenue ingouvernable ?L’exécutif a trois options pour débloquer la situation : 1) demander à Darmanin de partir 2) envisager un remaniement ministériel plus large après les fêtes 3) dissoudre l’Assemblée nationale. Quels sont les avantages de chaque solution et les scénarios envisageables ? Je vous propose enfin un dernier scénario : la démission d’Emmanuel Macron. Mais n’est-ce pas un rêve un peu fou de commentateur ? Explorons ces options.
Scénario démission : La démission d’Emmanuel Macron n’arrivera pas ! L’homme trouve toujours un substitut sur lequel faire porter ses propres erreurs et est incapable de toute remise en cause. Et même dans une situation politique bloquée, il peut tout à fait se maintenir au pouvoir en ne faisant rien.
Départ de Darmanin : Gérald Darmanin a proposé sa démission lundi soir, qui a été refusée. La vérité est donc qu’il n’a jamais voulu démissionner. Il lui suffisait non de proposer sa démission, mais de partir tout simplement. Là, il s’agissait d’une mise en scène très ancienne mode, destinée à redonner du crédit et de la légitimité à un ministre via l’onction présidentielle. Cela ne peut marcher car justement la légitimité du président est faible. Cela entérine simplement le fait qu’Emmanuel Macron n’a personne d’autre sous la main ! Et il y a derrière, la volonté d’envoyer un message à la frange gauche de Renaissance, en plein retour du refoulé frondeur qui a achevé le PS. Mais cette tentative de recréditation n’a aucun effet à l’extérieur. Pourtant, pour Gérald Darmanin, rompre avec le « en même temps » présidentiel sur la question de l’immigration aurait été un moyen de rentrer dans le jeu de la future campagne de 2027. En termes d’avenir politique, c’était d’ailleurs la bonne décision, il aurait même été crédité de courage. Il aurait expliqué que, n’ayant pas les moyens d’agir sur son domaine de compétence et face à une majorité déchirée refusant de prendre ses responsabilités, le compromis était impossible et surtout finissait par ressembler à un arrangement politicien réalisé au détriment des attentes des Français et de la lisibilité de l’action. Ne pouvant agir, qu’il démissionne est logique et il aurait pu faire entendre une petite musique plus souveraine sur la question de l’immigration, plaçant ainsi ses pions pour 2027. Là, la séquence ne peut s’achever que de façon assez minable et laissera des traces dans la majorité en même temps qu’elle a exhibé toutes les faiblesses du pouvoir actuel.
Dissoudre l’Assemblée : Cela deviendra peut-être inéluctable, mais ce sont les faits et l’accumulation des blocages qui entraineront cette décision. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, à part au RN, personne n’a intérêt à la dissolution. Pour le PS et LR, la question se pose de la poursuite de leur effacement du paysage et si LR a réussi son coup sur l’immigration, elle n’a toujours ni ligne politique lisible ni leader reconnu. Pour LFI, la question démocratique ne se pose plus vraiment. Ils sont perdus dans un rêve révolutionnaire et espèrent plutôt une prise de pouvoir grâce au chaos, d’où la stratégie de conflictualisation mise en œuvre et la dérive vers la violence politique. Cette gauche totalitaire est minoritaire en France, mais garde quand même un socle électoral étonnant eu égard à son positionnement fort peu démocratique. Il n’en reste pas moins que l’image de Mélenchon et de LFI s’est fortement dégradée et que le parti et son leader sont vus comme des dangers pour la démocratie par de plus en plus de Français. Cela peut avoir des effets dans les urnes qui entameront leur hégémonie à gauche et réduiront leur influence. Du côté de Renaissance, les seules martingales qui leur permettent d’exister sont leur allégeance au président de la République et la dénonciation de l’extrême-droite comme retour de la bête immonde. Le problème est qu’Emmanuel Macron est franchement démonétisé. Quand un président dissout, c’est qu’il pense que le pays le soutiendra contre les turbulences de sa majorité et de son opposition. Là, on ne voit pas comment il pourrait s’en sortir : sa loi immigration ne correspondant pas aux attentes des Français, il ne gagnera pas le soutien populaire. La fracture de sa majorité est inscrite dans le fait que, n’ayant pas de projets pour la France, il ne peut transcender les sensibilités qui composent sa majorité par l’action. Les fractures de sa majorité ne pourront donc que s’approfondir sous la tension et cela ne devrait pas lui permettre de retrouver une majorité dans les urnes.
Remanier : en cas de crise politique, le remaniement doit être porteur d’un message politique qui s’incarne dans le choix des hommes, à travers leur appartenance ou à travers ce qu’ils incarnent. Un remaniement traduit une alliance politique nouvelle, ou une orientation idéologique différente. Mais qui nagerait dans l’eau glacée pour monter dans le Titanic en train de sombrer ? Une alliance à gauche est impossible ou inutile : le PS ne représente plus rien, LFI est dans son délire révolutionnaire, quant aux Verts, embourbés dans leur stratégie woke, ils n’incarnent plus vraiment le souci de la planète et perdent du terrain. S’allier avec eux est inutile. De toute façon ils ne sont pas en demande. A droite, même si LR est amoché, s’allier avec le parti présidentiel serait du suicide alors que celui-ci est destiné à éclater un fois qu’Emmanuel Macron ne sera plus au pouvoir. On ne rejoint pas celui que l’on peut dépecer simplement en attendant. Si les LR ont un peu de sang-froid, ils laisseront sombrer une majorité sans avenir et reconstruiront plutôt une ligne politique cohérente. D’autant qu’un tel rapprochement peut également faire éclater Renaissance. On voit mal Sacha Houllié et Eric Ciotti travailler ensemble. Mais, surtout, le fait que Renaissance n’ait pas d’avenir fait de tout rapprochement avec le parti présidentiel, une prise de risque avec peu de chances de gain politique associé. Quant à débaucher quelque figure emblématique, on a de la peine à voir surgir un nom signifiant ou incontournable dans le milieu politique. Quant aux recrutements ministériels en mode « exaltation de la société civile », ils n’ont rien donné de bien convaincant quand ils ne se sont pas finis en tragi-comédie.
L’exécutif nous rappelle que le projet gouvernemental entendait durcir la législation pour combattre l’immigration illégale. Et que de telles mesures font plutôt consensus dans l’opinion. LR et RN ne risquent-ils pas de passer pour de dangereux irresponsables aux yeux de leurs électeurs, ce que ne manque pas de souligner l’exécutif depuis lundi soir ? A quel jeu jouent Olivier Marleix et Eric Ciotti ?
Si le projet du Sénat est repris par le gouvernement, les Français seront sans doute plus satisfaits, mais la majorité présidentielle risque de le désavouer elle-même car elle compte pas mal de partisans d’une immigration peu régulée. C’est néanmoins le seul moyen d’avoir le soutien des LR et donc de faire passer la loi.
La vraie question est : est-ce-que cette loi correspond aux attentes des Français, est-ce qu’elle change vraiment la donne, ou est-elle la énième loi qui ne résoudra toujours pas la question des reconduite à la frontière, de l’attribution de la nationalité française, de l’absence de respect des frontières, de la multiplication des « mineurs isolés », de l’installation de clandestins… Voire pour être plus cynique : est-ce-que cette loi est vue par les Français, quelle que soit sa réalité effective, comme à la hauteur des enjeux. La réponse est non. Aucun point lié au durcissement ne s’est installé dans le débat public, personne ne sait vraiment quels problèmes concrets cette loi entend résoudre. La seule chose qu’ont retenue les citoyens c’est que l’on allait ouvrir l’immigration dans les métiers en tension. Donc, qu’une loi dont ils espéraient qu’elle ralentisse fortement l’immigration avait pour résultat notable d’ouvrir encore plus les frontières. Pour ceux qui n’ont pas perçu le paradoxe, ne reste que le sentiment du « en même temps ». Un « en même temps » vécu non comme un souci d’équilibre entre humanité et fermeté, mais vu comme un moyen de mettre en avant la fermeté pour au final justifier la prolongation du laxisme et des dispositifs dilatoires. Cette loi Immigration ne correspond pas aux attentes des Français, et ne peut être illustrée par un exemple de fermeté qui ait un sens pour eux. Elle n’a que le discours politique qui assure qu’elle permettra plus de reconduites à la frontière mais personne n’y croit plus. Le discours n’est pas performatif, les exemples concrets ne sont pas là, les Français pensent que cette loi n’est pas adaptée et sera dépassée à peine votée. Ils peuvent donc trouver que la motion de rejet était légitime, que le fait que LR ait tapé du poing sur la table était nécessaire et être bien plus satisfait par le texte issu des travaux du Sénat que par celui du gouvernement. Et si la majorité présidentielle ne le vote pas, elle montrera juste que cette lecture était juste et se tirera une balle dans le pied. Et si la CMP fait sauter les mesures les plus symboliques, elle donnera à LR des arguments pour ne pas voter le texte au nom du respect de la volonté des Français. Le gouvernement est décidément en mauvaise posture.
Marine Le Pen jubile et attend
Marine Le Pen apparaît depuis lundi soir comme la grande gagnante de la situation. Le rejet de la loi immigration ne revient pas à une motion de censure du gouvernement qui serait passée, mais cela y ressemble… Alors, voir Marine Le Pen ou Jordan Bardella débarquer à Matignon, après des élections législatives anticipées est-il probable ? Le souhaitent-ils ?
C’est politiquement compliqué. La seule légitimité d’Emmanuel Macron est de s’être posé en rempart contre l’extrême-droite et d’avoir diabolisé Marine Le Pen.
Après, si le RN gagne des législatives anticipées à lui tout seul, pour le coup la question de la démission du président peut se poser, après un tel désaveu citoyen.
Sinon, il peut effectivement se réfugier dans la cohabitation et se présenter en rempart et garde-fou de la République. Mais ce cas de politique fiction n’est pas dans l’intérêt de Marine Le Pen qui risquerait d’y perdre pour 2027 le facteur « on n’a jamais essayé le RN », qui est un des chemins pour élargir son électorat…
Dans « Le Monde après nous », une gentille famille américaine partie se reposer dans une luxueuse maison se trouve confrontée à une situation chaotique après une cyberattaque. Tout appareil électronique est hors service, et deux inconnus font irruption dans la location.
Mis en ligne par Netflix le 8 décembre, Le Monde après nous de Sam Esmail a vite occupé la première place des audiences de la plateforme. Selon les chiffres communiqués par le géant du divertissement en streaming, 41 millions de téléspectateurs ont effectivement visionné le film de 2 heures 20 en une semaine.
Angoisse sourde
« Pardonnez-moi de vous déranger, mais vous êtes dans notre maison ! » s’entend dire au début du film le couple new-yorkais bobo formé par Julia Roberts et Ethan Hawke. C’est fâcheux : ils s’apprêtaient à passer leur première nuit tranquilles, dans cette luxueuse demeure de campagne qu’ils viennent de louer sur Airbnb. Soupçonneuse, Julia Roberts n’entend pas laisser entrer l’homme noir qui se présente avec sa fille à sa porte ; elle invite son mari à rester méfiant. Les propriétaires présumés venus déranger la tranquillité des principaux protagonistes racontent qu’ils n’ont pas trouvé d’autre endroit où aller, et qu’un blackout terrible touche New York non loin de là. Cette intrigue plutôt classique, et la trouille de Julia Roberts qui invite son époux à se munir d’une batte, car elle craint pour la sécurité de ses deux enfants couchés, laisse présager que nous allons voir un énième film de « home invasion ». Mais, nous découvrons vite que s’il faut craindre une invasion, ce n’est pas celle-là.
Ce film n’est donc pas un film de « home invasion » comme les autres, mais le thriller d’anticipation de Sam Esmail (connu pour les séries Mr Robot, en 2015, avec Rami Malek sur USA Network, ou Homecoming, en 2018, avec déjà Julia Roberts sur Amazon Prime Vidéo) est efficace et vite assez étouffant. L’angoisse sourde, ressentie par les personnages, et le spectateur qui les observe, est finalement très proche de celle que les spectateurs avaient pu avoir il y a bien longtemps devant Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock. Ce qui, pour un thriller psychologique post-apocalypse, est bon signe. Et d’ailleurs, le comportement des animaux autour de la propriété est assez étrange.
Sur la forme, certains plans ou effets spéciaux peuvent lasser. Notamment lorsque la caméra passe sans cesse à travers les fenêtres ou les murs, sans aucune raison, à part celle de vouloir démontrer que le réal est un virtuose et qu’il a obtenu un coquet budget pour réaliser tous ses effets spéciaux. Ou lorsqu’on nous montre des cerfs effrayants ou des flamants roses, reproduits en image de synthèse (il faudrait dire un jour à toutes ces productions américaines où les animaux sont faits en 3D, que cela se voit toujours). Mais, si on laisse ces peccadilles de côté, le plus terrible c’est que le fond de l’intrigue demeure terriblement crédible. Même si le film contient inévitablement quelques messages politiques un peu pénibles (et pas qu’à la fin), même s’il semble blâmer le manque de réalisme de la série Friends ou s’en prendre aux partisans du survivalisme (des bas du front, forcément), il parvient brillamment à aborder les principales peurs qui assaillent l’Amérique ou l’Occident actuellement : montée en puissance des géants asiatiques, intelligence artificielle, crainte de l’extinction de l’espèce ou du retour de conflits ethniques.
Récits concurrents
C’est le premier film de fiction produit par Higher Ground, la société de production de Barack et Michelle Obama, lesquels ont signé en 2018 un gros deal avec Netflix. L’ancien président démocrate et sa femme sont persuadés que le vrai pouvoir réside désormais dans la « mise en récit » du monde. Invité à commenter sa décision de travailler avec Netflix, Obama affirmait en 2018 de façon un peu brumeuse: « Je n’aurais jamais été président si je n’avais appris très tôt dans ma carrière l’importance des histoires (…) Nous sommes tous humains et pourtant, actuellement, nous avons des récits concurrents. Je continue de croire que si nous écoutons les histoires des uns et des autres et que nous nous reconnaissons les uns les autres, alors notre démocratie fonctionnera ». Alors que son film est inspiré d’un roman de Rumaan Alam publié en 2020, Sam Esmail a expliqué à Vanity Fair que « dans les versions originales du scénario, [il a] définitivement poussé les choses beaucoup plus loin que dans le film, et le président Obama, ayant l’expérience qu’il a, a pu donner un peu de recul sur la manière dont les choses pourraient se dérouler dans la réalité ». Le couple Obama est par ailleurs ami avec M. Esmail depuis longtemps, et l’ancien président avait inclus le roman de Rumaan Alam dans sa liste de lecture annuelle en 2021.
Mais n’en dévoilons pas plus sur l’intrigue pour ceux qui souhaitent voir le film. Surtout : qu’ils se demandent lors de leur visionnage pourquoi Julia Roberts est de si mauvaise humeur, pourquoi elle n’aime pas ses contemporains et ne fait confiance à personne. Rien que pour les scènes spectaculaires et inventives du pétrolier qui vient s’échouer sur la plage ou des voitures Tesla autonomes devenues folles, ce film vaut de toute manière le coup d’œil.
Des citoyens vertueux s’opposent à une future station de métro Serge Gainsbourg, aux Lilas (93).
La cancel culture frappe à tour de bras, vivants et morts. La mairie des Lilas veut donner le nom du chanteur Serge Gainsbourg (1928-1991) à une station de métro qui ouvrira en 2024. Une pétition dénonce l’honneur fait à un artiste qui « a chanté des féminicides sadiques (Marilou sous la neigne, NDLR) et des viols incestueux (Lemon incest, chanté avec sa fille Charlotte NDLR) ».
Apparemment les pétitionnaires ne connaissent pas la différence entre l’art et la vie, le réel et sa représentation. Et ne comprennent rien à la provocation. Il faut donc brûler Gainsbourg.
Sale temps pour les génies. Les mêmes meutes vertueuses se déchaînent contre Gérard Depardieu depuis la diffusion d’une émission où on le voit en 2018 en Corée faire des blagues graveleuses[1], notamment sur une fillette qui fait du cheval. « Il sexualise une enfant », s’indignent les commères qui, n’ayant jamais lu Freud, ignorent que les enfants n’ont pas attendu Depardieu pour être sexualisés. Précisons que le comédien ne parle absolument pas à la fillette qui ignore tout de cette polémique. Il fait de la grosse provocation.
On a le droit de détester les chansons de Gainsbourg et les blagues de Depardieu, qui par ailleurs est mis en examen pour viol. Donc présumé innocent. Comme Frédéric Beigbeder dont on a appris hier qu’il était entendu dans une drôle d’affaire de viol[2], ce qu’on ne voulait nullement savoir. Puisque les médias nous invitent dans la chambre à coucher, il faut tout dire. La victime présumée admet un rapport consenti suivi, la même nuit, dans le même hôtel, d’un rapport non consenti. La justice tranchera, mais le tribunal médiatique n’attend pas pour dresser les bûchers.
Cependant, effectivement, on a le droit de ne pas aimer Gainsbourg, Depardieu et leurs débordements. On a le droit de ne rien comprendre à l’humanité, à la masculinité, à la transgression, et de détester les tableaux de nus et les blagues grossières. Mais il y a deux choses qu’on n’a pas le droit de faire : 1) Chasser en meute et condamner au bannissement social des hommes qui n’ont pas été condamnés par la justice ; 2) et surtout, on n’a pas le droit de censurer ou de dénigrer des œuvres au prétexte que leurs auteurs seraient infréquentables ou leur propos scandaleux. En matière d’art comme de fantasme, la seule loi c’est la liberté. Bonne nouvelle : cette opinion libérale est largement partagée. La ridicule pétition n’a recueilli que 3000 signatures. Message aux vestales de la bienséance : foutez la paix à Gainsbarre !
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures.
Notre chroniqueur voit dans le camouflet parlementaire sur la loi immigration le signe d’une possible chute d’Emmanuel Macron, et se réjouit du rapprochement LR-RN sur la question migratoire.
Le Titanic est en train de sombrer. Pour ne pas avoir voulu voir l’iceberg de l’insécurité identitaire, en dépit des alertes, Emmanuel Macron doit être tenu pour responsable du rejet préalable, lundi par les députés, du projet de loi sur l’immigration présenté par Gérald Darmanin. Là est le naufrage. Une insurrection parlementaire a répondu, enfin, aux arrogances répétées du chef de l’État et du ministre de l’Intérieur.
Sur la question migratoire, il n’y a pas de « en même temps » qui tienne
Cette sorte de « gilet-jaunisation » des élus, naguère timorés, vient en écho à l’exaspération de l’opinion confrontée à une caste incapable d’entendre le peuple dans ses angoisses existentielles. « Je sais où je veux emmener le pays », avait pompeusement déclaré Macron en mai 2018 devant Jean-Pierre Pernaut, sur TF1. En réalité, les objectifs du président, illisibles dans leur « en même temps » indécis, ont toujours été à rebours des attentes des oubliés de la classe moyenne. Ces Français sont confrontés, eux, à une préférence immigrée qu’ils doivent non seulement prendre en charge financièrement mais qui est devenue insupportable dans ses injustices quotidiennes (prestations sociales, santé et école gratuites, logement prioritaire, etc.)
Or l’immigration est, et restera, un sujet qui ennuie le monarque et sa cour. L’obsession de la macronie est de donner tort, coûte que coûte, au RN et à la droite « populiste ». Ceux-ci ont pourtant des solutions pour mettre un terme à l’invasion migratoire (près de 500 000 arrivées par an !), qui alimente un islam colonisateur et revanchard et accentue le déclin de la nation.
Qui pour réparer la France brisée ?
Macron restera dans l’histoire comme l’ultime naufrageur d’une France abîmée par près d’un demi-siècle de décisions ubuesques inspirées par des idéologues hors-sol. Jamais les guerres extérieures n’ont autant affaibli la nation que les politiques suivies par des « élites » adeptes du mondialisme et du grand mélangisme. L’orgueil présidentiel va tout faire ces prochaines semaines pour faire oublier le désaveu parlementaire. Il a dès à présent ressorti son mépris, adressé à ceux qui ont osé l’humilier dans une coalition il est vrai baroque (Verts, LFI, LR, RN).
Il ne faut pas exclure de voir Macron, soucieux de sauver les apparences, multiplier les initiatives pour feindre une maîtrise qu’il n’a plus.
Cicéron avait déjà prévenu : « Plus l’effondrement d’un Empire est proche, plus les lois sont folles ». En attendant, le chef de l’État a involontairement réussi non seulement à placer l’immigration comme le sujet politique central, mais aussi à rompre définitivement le lien entre la macronie et les Républicains. Quarante députés LR sur 58 ont en effet voté le rejet préalable, en refusant ainsi la « main ouverte » que Darmanin leur tendait, y compris au prix de promesses, pour certains, d’effectifs supplémentaires en policiers ou en gendarmes. Les Verts, à l’initiative de la motion, ont réussi pour leur part à tenir la chandelle dans l’esquisse du rapprochement LR-RN sur l’immigration. La chute de Macron oblige les droites à se tenir prêtes.
Habitué aux joutes médiatiques, hier comme dirigeant communiste, aujourd’hui comme chroniqueur politique, Olivier a des tripes et du cœur quand il s’agit de défendre ses idées. «J’aime qu’on me contredise!» pourrait être sa devise.
Il y a bel et bien deux peuples. Un peuple pour qui tout va plutôt bien, et un autre pour qui ça va de plus en plus mal. Lors du lancement de la 39e campagne de distribution alimentaire des Restos du cœur, Patrice Douret, leur président, a fait ce constat en trois mots : « La faim progresse. » Pour la première fois depuis l’appel de Coluche en septembre 1985, l’association est dans l’obligation d’abaisser le niveau de revenus qui donne droit à son aide. Dans la France de 2023, plus d’un Français modeste sur deux (gagnant le SMIC ou moins) dit avoir réduit les portions de ses repas[1]. C’est du jamais-vu.
Mais certains préfèrent encore évacuer la question sociale pour carburer à la question identitaire. Que ceux qui ont le ventre vide se remplissent la tête de haine et de ressentiments. Ah, si ces « salauds de pauvres » pouvaient ne penser qu’aux immigrés !
La pauvreté s’installe et s’aggrave. Dans un contexte de forte inflation, des vies sont sur le fil. Nombreuses sont celles à avoir déjà basculé quand d’autres redoutent de ne pouvoir tenir le coup. Des étudiants et des retraités, des privés d’emploi comme des travailleurs pauvres. L’existence se rabougrit au strict essentiel. Faire le plein du frigo et du réservoir d’essence. Ou un demi-plein. Payer les factures. Une vie amputée des plaisirs de la vie : un petit resto en famille, un cinéma, un livre, quelques jours de vacances pour changer d’air et d’horizon.
Les femmes particulièrement touchées
Une dernière enquête du Secours catholique sur « L’état de la pauvreté en France » confirme combien l’augmentation de la pauvreté frappe en premier lieu les femmes, et d’abord les mères isolées. Rappelez-vous, elles avaient témoigné, il y a cinq ans, sur les ronds-points des gilets jaunes. Rappelez-vous encore, il avait été question d’elles lors du Covid et des confinements, quand il s’agissait de rendre hommage à ces métiers essentiels et pénibles, si mal payés, et si peu considérés en temps ordinaire. Et depuis ? Rien. Ou si peu. L’absence d’une véritable politique publique, ambitieuse et innovante, pour les deux millions de mères isolées, est un manquement grave à la solidarité nationale.
Que faire ? Revaloriser les minima sociaux, le SMIC et les bas salaires. En finir avec la smicardisation du salariat. De 1 à 1, 6 SMIC, les exonérations sociales patronales sont si importantes, voire totales, que les employeurs ont intérêt à maintenir les salariés dans cette fourchette salariale. La moitié des employés est ainsi rémunérée à un salaire inférieur à 1,6 SMIC (Dares). Il s’agit aussi de s’attaquer au non-recours aux aides. Plus d’un tiers des personnes éligibles au RSA ne l’ont pas perçu en 2022.
Enfin, finissons-en avec la méfiance, quand cela n’est pas une véritable hostilité, vis-à-vis des politiques publiques en faveur des pauvres. Notre système économique et social, en posant la nécessité d’une autre répartition de la richesse entre travail et capital, pourrait être bien plus généreux et solidaire ! Finissons-en aussi avec la fausse idée selon laquelle les amortisseurs sociaux et autres aides décourageraient la recherche d’un travail. Toutes les études prouvent le contraire.
Je vous agace ? C’est très précisément l’objectif de cette chronique. Joyeux Noël !
[1] Sondage IFOP pour La Tablée des chefs, mars 2023.
Les polars du froid ont gagné nos chaumières, mais de temps en temps – surtout pour cette période que les réacs appellent Noël –, il est bon d’offrir un livre sans meurtre ni viol, sans cadavre dans le placard ni sous la couette. Juste une gentille déclaration d’amour, et l’humour de la savoir obsolète d’ici quelques années… Alors si vous cherchez à dire je t’aime en français, danois ou inuit, Les monologues d’un hippocampe, roman de Stine Pilgaard publié par le Bruit du monde, maison d’édition marseillaise (eh oui, il n’y a pas que Paris…) est le parfait cadeau pour le cocooning des vacances au coin du feu…
Si l’on est d’un naturel bougon, et que l’on a le cœur brisé après une rupture qui se règle sur la répartition d’une bibliothèque commune, que faire ? Courir en parler à ses proches, chercher le réconfort d’une oreille attentive ? Quand on a une mère qui vous assène : « Le fait que tu n’aies pas su marcher avant l’âge de trois ans était un peu embarrassant dans le groupe des mamans », ou un père qui ne souhaite qu’une chose — « que les offices de minuit soient à une heure différente », on peut vivre quelques moments de solitude…
Poésie noire
Et quand on vous propose de venir vous ressourcer à Amtoft où « les crabes du Limfjord sont réputés pour être les plus agressifs de tout le Danemark », il serait tout aussi légitime de choisir la drogue, la prostitution ou l’exil au fond de l’Himalaya. « Ce n’est pas possible », dira la mère aimante « tu n’as aucun sens de l’orientation, imagine comme tu trouves difficile d’aller à Amtoft, tu ne trouveras jamais l’Himalaya. Ton père et moi nous devrons alors te chercher avec Interpol et Perdu de vue, ou je ne sais quoi »… Autant se consoler avec soi-même, avec son propre hippocampe, cette partie du cerveau dédiée à la mémoire émotionnelle. À ressasser, on se guérit et on écrit.
Les Monologues d’un hippocampe, petit bijou de poésie noire qui faire rire jaune, est une consolation paradoxale. La consolation pour laquelle on souhaiterait se consumer d’amour, se battre froid et se remémorer. C’est le livre parfait pour tous les misanthropes qui s’enflamment de passion et se repaissent de leur idylle passée, rêvant n’avoir jamais connu le bourreau de leur cœur. Mais « parfois, c’est encore plus douloureux de regretter quelqu’un qu’on n’a pas connu… ça donne une étrange sensation de vide de n’avoir nulle part où placer son manque. » Parce que plus que le cœur, c’est le cerveau qui compte. La mémoire des nuits, des rires et des piques. La très belle traduction de Catherine Renaud y rend hommage.
Associations flottantes
Pilgaard construit son récit sur l’alternance entre la reconstruction amoureuse de la narratrice, grande sceptique de l’efficacité cathartique des sourires (« la contraction musculaire la plus surestimée du monde occidental, juste après l’orgasme ») et les « associations flottantes » de son hippocampe bouleversé.
Ensemble, ils savent dire « je t’aime » en libanais (bahibak), en inuit (negligevapse) ou encore en cambodgien (soro lahn nhee ah), mais ils ne savent pas relever la tête. Leurs pauses romanesques et romantiques font sourire et le lecteur qui s’en délecte s’intègre à la narration car à l’intérieur de ce roman, « il y a une bibliothèque avec des crânes alignés sur les étagères… je pense à vous, des démons rieurs tapant et martelant mon corps. Vous êtes la somme de toutes mes défaites, vous êtes tous mes sentiments de culpabilité accumulés. … c’est votre faute si j’avance à reculons à travers le monde » conclut l’hippocampe. Et pour notre plus grand bonheur, c’est grâce à ses monologues si l’on avance.
Stine Pilgaard, Les Monologues d’un hippocampe, Le Bruit du monde, octobre 2023, 150 p.
Quelques jours après l’attaque du 7 octobre, le président de Reconquête s’est rendu en Israël où il a constaté, bouleversé, l’étendue des massacres. Quels sont les devoirs, mais aussi les intérêts de la France dans cette épreuve? Éric Zemmour en est convaincu : elle doit être à la pointe du réarmement de l’Occident.
Causeur. Vous revenez d’Israël où nous nous sommes croisés, dans la vieille ville de Jérusalem. Vous avez prié au mur des Lamentations. Jusque-là, vous n’affichiez pas de lien particulier avec ce pays. Le pogrom du 7 octobre a-t-il réveillé chez vous une fibre juive et/ou sioniste ?
Éric Zemmour. Je suis un juif de la tradition israélite, un Français de confession juive, j’ai été élevé comme ça, je mourrai comme ça. Si je subis la vindicte des institutions juives comme le CRIF, c’est justement parce qu’elles ont abandonné l’héritage universaliste et assimilationniste de Napoléon au profit d’un lobby communautariste à l’anglo-saxonne. Cela dit, on n’a pas besoin d’être juif pour être effaré, révulsé par ces récits de bébés brûlés et suppliciés, de femmes enceintes à qui on lacère le ventre, de femmes qu’on viole après les avoir brûlées. On n’a pas besoin d’être juif pour se sentir solidaire d’un peuple frappé au fond de son âme, mais qui se bat pour son existence et refuse de se soumettre à la barbarie. Je serais attaché à l’existence d’Israël même si je n’étais pas juif.
En attendant, les « juifs couscous » qui vous ont accueilli en héros à Netanya ne sont pas de distingués israélites assimilationnistes. S’ils ont quitté la France, c’est que beaucoup se sentaient d’abord et surtout juifs.
Ça dépend des générations. Les gens de mon âge, ou plus vieux que moi, ont quitté l’Algérie en 1962, chassés par le FLN, alors qu’ils étaient là avant la colonisation arabe. Quasiment tous se sont installés en France, et non en Israël. Ils s’étaient au fil du temps agrégés au peuple des pieds-noirs, et étaient devenus français. Ils se prénommaient Annie, Lucette, Roger, Pierre. Chez les plus jeunes, c’est différent. À partir des années 1980-1990, il y a eu un mouvement général de défrancisation de la population française, qui a touché tout le monde, y compris les israélites français : à l’école, les enfants passaient leur temps à se chercher des origines étrangères, des Français de souche étaient très gênés car ils n’avaient pas d’« origine », donc certains s’en inventaient des allemandes, italiennes… En même temps, l’immigration massive du Maghreb et d’Afrique noire a rendu la vie dans les banlieues impossible pour tous les non-musulmans. Certains quartiers sont devenus des enclaves étrangères et islamiques. Israël, c’est la France périphérique des juifs de ces quartiers. À Netanya, dont vous parlez, il y avait plus de mille personnes et des drapeaux français brandis fièrement. Cela m’a frappé là-bas : j’enrage que des gens qui aiment autant la France aient été obligés de la quitter, tandis que tant de gens qui la détestent restent et arrivent chaque année.
Les crises sont souvent des occasions de dévoilement. Que vous ont appris l’attaque du Hamas et ses conséquences ?
Plutôt qu’un dévoilement, il s’agit d’une confirmation d’évolutions à l’œuvre depuis longtemps. S’il y a une surprise, c’est qu’Israël se soit fait surprendre. Mais la véritable nouveauté, je l’ai vue en France.
Les flambées d’antisémitisme quand les armes parlent au Proche-Orient, ce n’est pas très nouveau…
Je ne parlais pas de ça ! Pour la première fois depuis la guerre des Six Jours, il y a eu dans l’espace public français une réelle empathie pour Israël. Je n’avais jamais vu une telle bienveillance, et pas seulement dans l’espace médiatique, mais aussi chez le peuple français. Cela s’explique par la sauvagerie de l’attaque. On est dans le registre d’une barbarie pure. Or, c’est précisément pour protéger les juifs de cette barbarie qu’Israël a été créé, c’est le cœur de sa légitimité. Il y a là un enjeu presque métaphysique. Contrairement à ce que prétend la doxa politique française, la solution des deux États est aujourd’hui impossible : le Hamas, pour qui les Palestiniens ont voté, ne veut pas de solution, il veut tuer les juifs. Le mouvement palestinien a changé d’âme, au tournant de l’année 2000. Il n’a plus un objectif national et territorial, il s’inscrit dans un projet planétaire d’islamisation qui ne peut tolérer qu’une terre musulmane soit redevenue une terre juive. Pour les Palestiniens, Israël, c’est le royaume des croisés. Ce royaume n’a duré que cent ans… Les Palestiniens veulent qu’Israël connaisse le même destin.
Vous idéalisez l’OLP, dont la laïcité était aussi authentique que celle du FLN ou de Saddam Hussein et qui, on l’a aujourd’hui oublié, pratiquait la terreur autant que le Hamas.
Je suis le premier à dire que le nationalisme, venu d’Europe, n’a jamais été, en terre d’islam, pur de toute référence religieuse. Le journal du FLN s’appelait El Moudjahid, en référence au djihad. Il n’empêche qu’autour d’Arafat, ce sont des élites chrétiennes et non musulmanes qui ont forgé le nationalisme palestinien, sur le modèle du sionisme. Quant à la terreur, tous les mouvements nationaux y ont eu recours à leurs débuts. Les Allemands et les Espagnols ont pratiqué la terreur contre Napoléon, les Israéliens, contre les occupants anglais. Ce n’est pas le sujet. Le sujet c’est : dans quel but recourt-on à la terreur ? Le nationalisme de l’époque d’Arafat voulait deux États, celui du Hamas veut « jeter les juifs à la mer ».
Puisque votre pensée se nourrit toujours de références historiques, à quels événements compareriez-vous le 7 octobre ?
Tout d’abord, aux guerres d’Algérie : la guerre d’Indépendance au xxe siècle, mais aussi la guerre de conquête, de 1830 à 1840. Il faut lire le général Bugeaud et tous les témoins de l’époque. Ils sont sidérés de la violence des combattants arabes. D’ailleurs, lorsqu’on accusera l’armée de férocité à l’égard des ouvriers français, dans la répression des journées de juin 1848, on l’imputera aux habitudes prises dans cette région.
Et puis, il y a évidemment la Seconde Guerre mondiale et les nazis, et la rupture qu’elle provoque – le plus jamais ça. Et le 7 octobre, ça a recommencé. Je suis allé au centre médico-légal, où ils s’efforçaient de reconstituer les corps brûlés, martyrisés, pour leur donner une sépulture digne et simplement une identité. Je suis allé au kibboutz de Kfar Aza, j’ai vu ces maisons éventrées, ces voitures calcinées, la vie arrêtée brutalement – du linge, des tasses de café, des jouets d’enfants cassés. Mais ce qui m’a le plus pris aux tripes, ce que je n’oublierai jamais, c’est l’odeur de la mort partout.
Peut-on penser quand tout provoque la sidération ?
Il le faut. Parfois c’est même un petit élément qui donne à réfléchir. Dans une maison j’ai vu une affiche de Chalom Archav – La paix maintenant. Les officiers qui nous accompagnaient m’ont expliqué qu’il s’agissait d’un kibboutz de gauche, pacifiste, dont les habitants croyaient à un accord, à la paix. Ils allaient chercher les enfants palestiniens malades à Gaza pour les conduire dans les hôpitaux israéliens. J’ai immédiatement pensé à la célèbre formule du philosophe Julien Freund : « C’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut que vous soyez l’ennemi, vous l’êtes. » Donc oui, cet affrontement fait partie d’une guerre qui nous dépasse, même quand on la refuse : une guerre de civilisations. La civilisation islamique mène une guerre à l’Occident, mais cette guerre a lieu partout où réside une forte communauté musulmane, en Afrique, en Inde, en Chine, en Russie. Cela n’empêche pas ces pays de soutenir le camp anti-occidental : il y a toujours eu des intérêts économiques et militaires, des alliances qui s’ajoutent aux questions de civilisations. C’est la logique d’intérêts communs, notamment en termes de coopération militaire, qui explique l’alliance entre Israël et l’Azerbaïdjan. Mais pour moi, les Israéliens ont tort. Je peux comprendre toutes les stratégies, mais je crois qu’à terme, le conflit de civilisations nous dépasse et nous emporte. D’ailleurs, le gouvernement d’Azerbaïdjan a voté contre Israël à l’ONU, et dans les manifestations des rues de Bakou, le mot d’ordre était « les Israéliens sont peut-être nos alliés, mais les Palestiniens sont nos frères ». Comme le disait Raymond Aron :« Ceux qui croient que les peuples suivront leurs intérêts plutôt que leurs passions n’ont rien compris au xxe siècle. » Cela vaut pour notre siècle aussi.
Ce qu’on appelle crime contre l’humanité est donc en réalité un crime contre l’Occident. Les autres nations soit approuvent, soit ne se sentent pas concernées. Une grande partie de l’Asie regarde ailleurs.
L’Asie n’est pas l’Occident. Vous me dites que l’Occident soutient l’Occident : ça semble logique.
Vous conviendrez que ce concept de guerre de civilisations est d’un maniement délicat : il ne s’agit pas, ou pas seulement, d’un conflit entre nations ou entre aires géographiques, il prend des formes très différentes– des attentats et une guerre, ce n’est pas pareil.
Revenons aux sources. Tout le monde a entendu parler du texte d’Huntington, Le Choc des civilisations, qui, après la chute du Mur de Berlin, affirmait que le conflit majeur n’opposerait plus désormais l’Est et l’Ouest, mais de grandes civilisations. Ce qu’on sait moins, c’est qu’Huntington n’a rien inventé. Ce conflit de civilisations est le cours traditionnel des choses depuis l’aube de l’humanité. C’est la guerre froide, un affrontement entre deux idéologies occidentales, qui a été une parenthèse. La logique de l’Histoire depuis cinq mille ans, comme nous l’a appris le grand historien britannique Arnold Toynbee, c’est qu’il y a différentes civilisations (chinoise, hindoue, islamique, occidentale, orthodoxe, etc.) qui s’ignorent ou s’affrontent, se toisent ou se méprisent. À partir du xve siècle, forts de leur supériorité technique, les Occidentaux occidentalisent le monde et déstabilisent des civilisations qui se croyaient toutes le centre de l’univers. Les musulmans sont déstabilisés par l’arrivée de Bonaparte en 1798, les Chinois par la diplomatie de la canonnière au xixe siècle, etc. Après la disparition de l’URSS remontent à la surface des civilisations désireuses de prendre leur revanche sur des Occidentaux qui les ont dominées. Chacune use de moyens différents. La civilisation chinoise emprunte tous les moyens de l’Occident, technique, guerre, industrie – à l’exception de la liberté.
En revanche, l’islam conjugue deux armes qui lui sont propres : la démographie et la spiritualité. Il se présente comme la réponse au vide spirituel imposé partout par le matérialisme occidental. Par deux fois, déjà, l’islam a été le porte-drapeau de l’Orient et de sa revanche contre une offensive occidentale : la première fois, quand les héritiers de Mahomet conquièrent l’Égypte et la Syrie qui étaient grecques depuis mille ans et la deuxième, lorsque Saladin refoule les Croisés. Nous vivons aujourd’hui la troisième offensive.
Oui, mais ce conflit traverse les sociétés occidentales. Contrairement aux autres civilisations, l’Occident ne jouit pas de l’homogénéité culturelle. Au contraire, la diversité, l’ouverture à l’Autre font partie de son identité, singulièrement depuis 1945. Au point que l’essentiel des forces de gauche se sont mises au service de l’islamisme.
Tout à fait, c’est exactement ce que je dis. En effet, aux États-Unis comme en Europe, il y a une alliance entre le mouvement d’islamisation de nos pays et une gauche woke qui a fait de la défense des minorités l’axe central de son progressisme. L’origine de cette gauche, c’est la pente occidentale vers l’autodestruction qui a succédé à l’instinct de développement et de domination. C’est parce que l’Occident est faible qu’une partie des élites, de la jeunesse et des universitaires est devenue l’alliée objective de nos ennemis. Pendant la guerre de Cent Ans, les Bourguignons s’allient aux Anglais ; pendant les guerres de religion, les protestants sont les alliés des Anglais et des Hollandais contre les puissances catholiques. Et au xxe siècle, tout le monde se souvient des collabos alliés aux Allemands. On peut d’ailleurs poursuivre avec les communistes qui soutenaient l’URSS pendant la guerre froide. Aujourd’hui, la gauche soutient le mouvement d’islamisation de notre pays. Électoralement, on peut dire qu’il n’y a plus d’autre gauche. Mélenchon l’a compris : sans l’électorat musulman, il ne peut plus y avoir de candidat de gauche au second tour.