La macronie se donne un mal fou pour se monarchiser. Gare à ne pas faire rigoler à nos dépens outre-Manche…
En attendant que M. le président de la République s’emploie à relever la France, nous devrons nous satisfaire de la relève de la garde. C’est déjà cela, se consolera-t-on. De là à considérer qu’il n’y avait rien de plus urgent à entreprendre pour le pays, voilà un pas que nous ne franchirons pas. « Pour la première fois depuis 1996, le 1er régiment d’infanterie de la Garde républicaine donnera à voir la cérémonie de la grande relève de la Garde devant le palais de l’Élysée, le mardi 7 novembre à partir de 9 heures. Cette cérémonie sera ouverte au public et se répétera tous les premiers mardis de chaque mois. »
Voilà ce qu’a fait savoir l’Élysée dans un communiqué. Il y aura tambours et trompettes, évidemment. Garde montante et garde descendante, comme il est indiqué dans le manuel. Seize militaires défilent avenue de Marigny, rue de l’Élysée, empruntent la rue du Faubourg-Saint-Honoré, marquent le pas devant les grilles du palais présidentiel. On se salue, épée au clair, et ceux qui doivent pénétrer dans la cour pour protéger ce qu’il y a à y protéger y pénètrent. Le public, qu’on espère nombreux, ne peut être que ravi. L’automobiliste qui a à faire dans le quartier, beaucoup moins sans doute. Cela dit, Mme Hidalgo l’a déjà familiarisé de longtemps avec ce genre de gaietés parisiennes. Néanmoins, l’initiative doit être saluée parce que si – ce qu’à Dieu ne plaise ! – la tenue des Jeux olympiques se trouvait empêchée, on pourrait se rabattre sur ce spectacle pour briller aux yeux du vaste monde. Certes, on trouvera de fourbes Britanniques pour crier à la pâle imitation de leur relève bien à eux, avec bonnets à poils. On ne leur donnera pas tort. La République de M. Macron se donne un mal fou pour se monarchiser dans ses rites et ses fastes. Pour un rien, un thé dansant de chefs d’État, on squatte Versailles. Et maintenant, la relève de la garde. La tentation du couronnement n’est pas loin. Dès que nous en connaîtrons la date, nous ne manquerons pas de vous la communiquer.
Le film « Napoléon » de Ridley Scott a déclenché un regain d’intérêt pour l’empereur des Français. Les corps des combattants sous les ordres de ce grand conquérant de l’Europe – 460 000 soldats morts – sont disséminés dans de nombreux pays du continent jusqu’en Russie… et même au fond du jardin devant chez moi!
La Villa Victoria, imposante bâtisse située dans l’ancien quartier des Anglais à Cannes s’étend le long de l’ancienne route de Fréjus. Dans les années 1850, un riche marchand de Birmingham, Sir Thomas Robinson Woolfield (1800-1888), la fit construire dans le style des manoirs anglais du XVème siècle. Woolfield édifia, dans cette immense propriété qui s’étendait alors jusqu’à la mer, la première église anglicane de la ville, « Christ Church », et plus tard, le premier court de tennis de France. Avec son jardinier, John Taylor, il fit venir du jardin botanique de Sidney, la plupart des plantes exotiques que l’on trouve de nos jours partout en France et qu’il eut le mérite d’acclimater à nos contrées, comme l’indique l’écrivain cannois Éric Starck dans son livre Cannes histoire et stories. En aménageant le jardin de trois hectares, quelle ne fut pas sa surprise cependant de découvrir plus d’une centaine de squelettes, enfouis dans le sable du terrain ! Les langues des Cannois de l’époque, qui lui avaient vendu ces anciennes dunes, se délièrent enfin et l’on apprit qu’il s’agissait des corps de conscrits de Napoléon qui rejoignaient l’Armée d’Italie à partir de Toulon pour compenser les pertes importantes subies à la bataille de Marengo lors de la deuxième Campagne d’Italie (1799-1800). Épuisés et malades, ils avaient été parqués dans l’église-forteresse Notre-Dame d’Espérance, qui surplombe la ville depuis le Moyen Âge, et ils y étaient passés de vie à trépas[1]. Gênées par cet immense fardeau humain, les autorités de l’époque les avaient fait enterrer nus dans les dunes, seuls les officiers furent enterrés dans cinq cercueils.
Fièvre immobilière
« Désirant s’assurer de la véracité de ces propos, M. Woolfield fit venir de Nice un éminent chirurgien anglais, qui, après avoir examiné les ossements confirma qu’il s’agissait bien de jeunes gens » rappelle, dans son ouvrage La Belle Epoque à Cannes et sur la côte d’Azur, l’écrivain cannois et vice-président de l’association des descendants des anciennes familles cannoises Christian Rizzo[2]. « Bouleversé par cette découverte, M. Woolfield décida de les réunir dans deux caveaux surmontés d’un mausolée et entourés de cyprès. Malheureusement, lors de la construction du chemin de fer [en 1864], la ligne passa sur le terrain où avaient été construits les caveaux entraînant leur destruction définitive », ajoute-t-il. Dans un ouvrage intitulé Thomas Robinson Woolfield’s Life at Cannes and Lord’s Brougham’s First arrival, une des nièces de Sir Thomas retrace ces événements.
Proie de la spéculation immobilière effrénée qui s’empara de Cannes au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la propriété de Sir Thomas Woolfield a finalement été vendue à la découpe au plus offrant. La Villa Victoria est devenue une copropriété, tandis que l’église Christ Church et sa bibliothèque étaient rasées sans état d’âme. Le merveilleux jardin aux essences rares était désormais voué à accueillir la construction de nombreuses villas et d’immeubles à l’architecture disparate.
Plan de la propriété Woolfield – Villa Victoria et Parc. Les conscrits de Napoléon ont été enterrés à l’emplacement de la voie ferrée actuelle.
Les squelettes étaient nickel
Plusieurs décennies après cette poussée de fièvre immobilière, la macabre affaire des conscrits de Napoléon ressurgit. En mars 2009, feu Bernard Rey, président de la « Team F1 » chez Renault, alors propriétaire de la villa Cynthia dans le parc de la Villa Victoria, décida de faire creuser une piscine. Les terrassiers y découvrirent trois squelettes. C’est sans aucun égard pour les pauvres défunts que l’un de ces ouvriers, interrogé par la gazette régionale déclara : « Au départ, j’ai explosé un crâne, je me suis demandé ce que c’était. Puis je suis descendu de mon engin, et j’ai trouvé une mâchoire. Après, il y avait tous ces os, que je déterrais en grattant à la main. Mais les squelettes étaient nickel, on voyait bien qu’ils étaient vieux. Ce n’est pas comme si j’avais déterré un cadavre »[3]. Le Figaro titra de son côté : « Trois squelettes humains dans un jardin à Cannes », sans apporter plus de détails[4]. Les squelettes furent transportés à Nice pour y être expertisés et l’on n’entendit plus jamais parler de cette encombrante découverte.
Il n’y eut jamais ni plaque commémorative en souvenir des conscrits napoléoniens et de leurs officiers, ni même de visites d’historiens sur le site en question. Sir Thomas Woolfield, tout comme son illustre contemporain Lord Henry Brougham (1778-1868) transforma le village de pêcheurs qu’était Cannes au 19ème siècle, en une ville cosmopolite florissante attirant le gotha international au fil des époques. Mais à la différence de Lord Brougham, il tomba dans l’oubli le plus total. L’inscription sur sa tombe au cimetière cannois du Grand-Jas s’efface peu à peu.
Tombe de Sir Thomas Robinson Woolfield, Cannes.
« Nul ne sait aujourd’hui ce que sont devenus les restes de ces malheureux conscrits napoléoniens auxquels, ironie du sort, un Anglais avait voulu rendre un dernier hommage », conclut d’ailleurs à juste titre Christian Rizzo, eu égard à cet épisode peu glorieux de l’histoire locale.
[1] Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes et d’arrondissement de Grasse, 117ème année, TomeXXX, Année 1983.
[2] Christian Rizzo : La Belle Epoque à Cannes et sur la côte d’Azur, 2023, 800 pages, 500 illustrations. Contact : Christian Rizzo sur Facebook ou Messenger.
Diplomatie du panda: contrairement aux Américains ou aux Anglais, les Français s’en sortent bien et ont vu leur prêt prolongé jusqu’en 2027. Il faut dire qu’à l’inverse de Joe Biden, Emmanuel Macron n’a jamais qualifié Xi Jinping de « dictateur ».
Il n’y a qu’en Chine que les pandas naissent à l’état sauvage. L’empire du Milieu exerce un « monopole » sur ces animaux, à tel point que ce mangeur de bambou est devenu l’un des emblèmes du pays, donnant son nom à la « diplomatie du panda ». Cette pratique politique consiste à prêter des pandas à certains pays dans le but d’améliorer ses relations avec eux. Le prêt symbolise les bonnes relations diplomatiques de la Chine avec les nations qui accueillent ces ours herbivores. Toutefois, ces derniers sont « loués » et la Chine se réserve le droit de les reprendre, car si le prêt de pandas représente un rapprochement politique, leur rapatriement est le signal d’un refroidissement. C’est ainsi que le zoo de Washington a récemment vu plusieurs pandas repartir vers la Chine. Même situation pour le Royaume-Uni et l’Australie, qui devront bientôt se séparer des leurs.
Rien de très étonnant quand on sait qu’en 2021, ces trois pays ont formé l’Aukus, un accord de coopération militaire pour contrer les ambitions militaires chinoises dans la région du Pacifique. En revanche, pour la France, le prêt des pandas a été prolongé jusqu’en 2027, bien qu’en juillet dernier, un panda né en France en 2017 soit reparti en Chine après avoir fait le bonheur des visiteurs du zoo de Beauval. Pourtant, bien que les relations sino-américaines se soient rafraîchies ces dernières années, à la mi-novembre, Joe Biden et Xi Jinping se sont retrouvés à San Francisco lors du sommet de l’APEC, et le président chinois a laissé entendre que les pandas pourraient faire leur retour en Amérique. Malheureusement pour les Américains, qui aimeraient que ces mammifères reviennent au plus vite, il va peut-être falloir attendre un peu car, lors d’une conférence de presse organisée à la suite de sa rencontre avec son homologue chinois, Joe Biden a qualifié ce dernier de « dictateur ».
Espérons que les pandas n’ont pas le mal de l’air car ils n’ont pas fini de voyager.
Féroce critique du néolibéralisme et de la post-modernité qui soufflent sous nos latitudes, Michel Onfray, philosophe athée, sait malgré tout ce qu’il doit au monde juif et au christianisme. Il explique pourquoi, face à l’islamisme, il soutient Israël et se «battra pour défendre» l’Occident.
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Je parle depuis bien longtemps d’une guerre civile à bas bruit en France. Ce bas bruit est devenu un vacarme épouvantable depuis qu’en réaction au pogrom du 7 octobre dernier infligé par des Palestiniens du Hamas à une population civile désarmée en Israël, on a vu sortir dans les rues d’Europe des peuples hétérogènes qui manifestaient en faveur de deux conceptions du monde radicalement antinomiques.
En France, ce fut un monde globalement blanc et âgé pour les judéo-chrétiens qui, sous le drapeau national, affichaient la nécessité de lutter pour la République contre l’antisémitisme, sans qu’une marée de drapeaux israéliens ne recouvre le tout. En face, et non plus à côté, le monde créolisé des arabo-musulmans, pour utiliser la formule d’Houria Bouteldja, où le drapeau français n’eut pas droit de cité mais où, en revanche, flottaient au vent mauvais quantité de drapeaux palestiniens, algériens ou d’autres pays du Maghreb.
Ceux qui refusent le réalisme tragique que Samuel Huntington expose dans Le Choc des civilisations pour lui préférer la potion magique de l’idéalisme libéral vendue dans La Fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama résistent encore aux leçons données par le réel. Diagnostiquer l’avenir de l’histoire du monde sous le signe du choc des civilisations, ce serait pour d’aucuns créer ce que l’on dénonce, comme si le cancérologue méritait d’être rossé pour avoir annoncé des tumeurs malignes à son patient !
Les éléments de langage des fukuyamistes – je les nomme ainsi – sont simples, sinon simplistes : ils opposent les pays illibéraux, dans le rôle des méchants bien sûr, et les pays démocratiques, dans celui des gentils évidemment. Imbibés de tiers-mondisme, comme on l’est d’un alcool éventé, quelques-uns mobilisent également le territoire et les nations, comme si le territoire et les nations existaient dans le ciel des idées, sans hommes, femmes, enfants, vieillards et morts pour les habiter, des humains qui ne prient pas par hasard Yahvé, l’ancien qui a plus de trois mille ans, Jésus-Christ qui en a deux mille ou Mahomet, le cadet, qui en a mille trois cents, une chronologie qui devrait régler définitivement le problème des préséances : les musulmans ne sauraient occuper une terre deux mille ans avant que leur religion n’existe ! Autant prétendre sans rire que Spinoza vivait dans le Saint-Germain-des-Prés existentialiste.
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Pour qui examine la validité des thèses intellectuelles à la lumière de ce qu’on ne nomme plus la praxis, ce qui a eu lieu dans le monde depuis un demi-siècle invalide la thèse de Fukuyama : qui prétendrait que le libéralisme a conquis la planète entière ?
En revanche, depuis l’arrivée des ayatollahs au pouvoir en Iran en 1979, avec l’aide des Américains qui laissent tomber le shah pour soutenir Khomeiny, l’histoire du monde est moins une affaire d’extension planétaire des marchés que de mondialisation de l’islam.
Israël nomme la résistance occidentale à ce tropisme planétaire.
L’Organisation de la coopération islamique liste cinquante-sept pays musulmans au monde. Les juifs disposent d’un seul État et il s’étend sur 25 000 km2. Les musulmans sont un cinquième de la population mondiale, avec plus d’un milliard et demi d’habitants ; les juifs en totalisent 15, dont sept en Israël. Plus de 6 millions de musulmans en France, pour 600 000 juifs.
Qu’est-ce qui justifie que ce Léviathan géographique et démographique musulman – des milliards de gens vivant sur des millions de kilomètres carrés – ne supporte pas un ciron géographique et démographique comme Israël qui, on l’a beaucoup dit, correspond peu ou prou à deux départements français ?
Réponse : parce que ce pays, ce peuple incarnent un génie qui féconde l’Occident et le rend possible. La Torah, le Pentateuque des chrétiens, autrement dit les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, puis le Nouveau Testament, avec ses quatre évangiles, mais aussi et surtout les épîtres du juif Saül qui se convertit au christianisme et devient le saint Paul que l’on sait, génèrent un judéo-christianisme qui constitue la spiritualité d’une civilisation, à savoir : sa matrice formelle.
D’où vient ce génie juif qui engendre la haine de ceux qui en sont dépourvus ? Non pas d’un peuple élu, cette thèse suppose la croyance en un Dieu électeur, mais d’une invite iconoclaste destinée à se démarquer des religions idolâtres, donc iconophiles, des ennemis de l’époque. Dans son deuxième commandement, le décalogue dit ceci : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte », (Exode 20.4).
Cette interdiction ouvre la porte à l’exégèse et à l’herméneutique qui supposent, via la lecture et le commentaire, la naissance et l’exercice d’une raison affûtée, d’une intelligence performante et d’un génie dans la rhétorique, la sophistique et la dialectique talmudiques. La formidable puissance du Livre s’exprime ici et ainsi.
La civilisation juive est aussi bien celle du chiffre des mathématiciens et des physiciens, sinon des astrophysiciens, que de la note musicale. C’est aussi celle du texte enroulé sur lui-même, déplié, déployé. Le monisme de Spinoza, le matérialisme dialectique de Marx, la relativité d’Einstein, le dodécaphonisme de Schönberg, la psychanalyse de Freud, les Arts incohérents initiés au xixe siècle par Jules Lévy et pillés par l’avant-garde esthétique du xxe siècle, le roman de Proust, le dadaïsme de Tzara, le lettrisme d’Isou créent des mondes qui permettent à leur tour de créer des mondes.
Les chrétiens procèdent du judaïsme, on le sait : Jésus était juif, saint Paul aussi. Les juifs annoncent un messie à venir en affirmant qu’il sera ainsi, dira cela, enseignera telle chose, se comportera de telle manière. Des juifs hétérodoxes, eux, disent qu’il n’est plus à venir car il est déjà venu et que, comme par hasard, il a dit ceci, il a fait cela, il a enseigné telle chose, il s’est comporté de telle manière. Le psaume XXII.2 prophétise qu’il dira : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et, toujours comme par hasard, ce sont les dernières paroles très exactement prononcées mille ans plus tard par le Christ sur sa croix.
Cette fiction suppose chez les chrétiens un goût particulier pour l’allégorie, le symbole, la parabole, l’image, la métaphore mais aussi, et surtout, après un long débat tranché par les conciles, le choix de l’iconophilie qui induit un autre genre de civilisation que la civilisation juive. Civilisation de l’icône, de l’image, de la peinture, donc de l’art occidental– et des images photographiques, cinématographiques, pixélisées, virtuelles.
Défilé militaire des Brigades Al-Qods, l’aile armée du Jihad islamique palestinien, Gaza, 7 octobre 2023. « C’est le lieu chimiquement pur de la charia, autrement dit : un État théocratique. » (c) Omar Ashtawy/APAIMAGES/sipa
La signature de l’islam n’est pas dans l’herméneutique et l’exégèse, ni dans l’allégorie et le symbole. Cette civilisation est elle aussi iconoclaste, elle refuse en effet l’image qu’elle associe aux idolâtres, mais elle s’interdit le commentaire de son texte, le Coran, car il est présenté comme un discours tenu par Dieu lui-même auquel on ne saurait changer quoi que ce soit sans commettre un blasphème fatal. Le Coran dit :« La religion, aux yeux de Dieu, est vraiment la soumission » (III.19). Et se soumettre, ça n’est ni réfléchir ni analyser, ni penser ni figurer, ni raisonner ni représenter, ni symboliser ni imaginer, mais obéir.
S’opposent donc de façon dialectique l’herméneutique juive, la symbolique chrétienne, donc l’exégèse allégorique judéo-chrétienne, et l’obéissance musulmane. L’islam suppose donc l’apprentissage du Coran par cœur, j’ai vu des écoles coraniques en Mauritanie et au Mali, à l’époque où l’on pouvait encore s’y rendre, et constaté de visu l’obéissance aveugle à l’imam qui, auprès des enfants, fonctionne en directeur de conscience, en maître spirituel et en instructeur des corps, des coeurs et des âmes.
Ceux que la religion condamne à répéter ne sauraient aimer ceux qui, en face d’eux, inventent, créent, innovent, découvrent, imaginent. L’éthologie qui fait la loi entre les mammifères la fait aussi entre les peuples et les civilisations.
L’époque interdit désormais de parler en termes de peuples, de génie des peuples, de civilisations, de différences entre les civilisations – j’écris bien différences et non inégalités – au nom d’un universalisme idéel peuplé d’abstractions humaines. Le refus de convenir qu’Huntigton dit vrai suppose un cerveau embué par les fumées universalistes. Il n’y aurait pas d’esprit des peuples pour la bonne et simple raison qu’il n’y aurait pas d’esprits et pas de peuples !
Les juifs, eux, témoignent que pareilles théories sont des sottises. Et ils le font avec un livre, autour d’un livre qu’ils veulent comprendre plutôt que de l’apprendre par coeur. C’est le vieux débat de la tête bien faite contre la tête bien pleine, cher aux humanistes de la Renaissance.
Une civilisation de la tête bien pleine se condamne à l’immobilisme, à la répétition. Peut-on penser et vivre à l’ère des vols interplanétaires comme dans le désert d’Arabie du viie siècle de l’ère commune ? Les islamistes répondent oui, on le sait.
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Je suis un pur produit du judéo-christianisme et je me sens chez moi quand je suis à Jérusalem et plus encore à Tel-Aviv. Chestov fit un livre notable intitulé Athènes ou Jérusalem ? Autrement dit : la raison grecque ou la foi juive ? Athènes et Jérusalem ont existé ensemble : non pas opposées, nécessitant le choix de l’une, donc l’éviction de l’autre, mais et Athènes et Jérusalem en même temps : c’est le judéo-christianisme mélangé aux gréco-romains.
La question qui se pose désormais n’est plus la même, l’opposition non plus. Ce pourrait être : Paris ou Gaza.
On dit peu qu’à Gaza, la civilisation islamique existe à l’état pur depuis qu’Israël a laissé la gouvernance de ce territoire au Hamas en juillet 2007, soit depuis seize années. Qu’ont-ils fait de cette terre, de leur terre ?
C’est le lieu chimiquement pur de la charia, autrement dit : un État théocratique. Depuis la proclamation, en France, de la République, la théocratie est une référence caduque.
Si l’on demande à Amnesty International ce qu’il pense des droits de l’homme à Gaza, alors que l’on connaît l’orientation politique de cette organisation humanitaire qui communique en écriture inclusive, on comprend qu’ils sont le cadet des soucis du Hamas qui dirige cette terre palestinienne. Voici la réponse : liberté d’expression, liberté d’association et liberté de réunion bâillonnées ; « climat de répression » contre la population qui manifeste contre la vie chère ; détentions arbitraires en prison ; actes de torture contre des prisonniers ; disparitions d’otages ; meurtres en quantité de femmes par leur famille ; refus d’enregistrer les plaintes contre les violences faites aux femmes dans les commissariats de Gaza ; sauvageries homophobes dans les rues sous le regard de la police qui laisse faire ; traque des homosexuels sur les réseaux gay ; « vague d’incitation à la violence et de discours haineux à l’encontre des personnes LGBTI et des féministes qui n’a donné lieu à aucune enquête des autorités », selon les termes mêmes d’Amnesty ; corruption de la justice et de la police ; usage de la peine de mort : 27 condamnations à mort en 2022, soit une tous les quinze jours ; transformation de peines de réclusion criminelle à perpétuité en peine capitale.
Ajoutons à cela : interdiction d’avorter, autorisation des répudiations des épouses par les maris, ratification de la polygamie. Faut-il préciser qu’il n’est bien sûr pas question à Gaza de gestation pour autrui, de mariage homosexuel ou d’adoption d’enfants par des couples du même sexe ?
Où l’on voit à quoi ressemblerait un plein État palestinien en terre d’Israël, un pays dont le Hamas annonce dans sa Charte qu’il a pour objectif de supprimer purement et simplement « l’entité sioniste », un projet commun aux Iraniens.
Théocratie, misogynie, phallocratie, patriarcat, homophobie, bellicisme, antisémitisme, virilisme, peine de mort : voici les valeurs de la civilisation islamique. Faut-il lister en face les valeurs d’Israël et du judéo-christianisme ? Facile : c’est très exactement l’inverse !
Quand les compagnons de route islamo-gauchistes du Hamas traquent dans la France décadente la grossophobie, la glossophobie, le spécisme, le carnisme, les écocides et que, de ce fait, ils défendent la surcharge pondérale, l’accent des banlieues plutôt que l’accent ch’ti, les piqûres de moustique, car elles sont des mères de famille comme les autres, et la cohabitation avec les rats, les punaises de lit et autres « animaux liminaires », les transports en trottinette et autres marqueurs wokistes de la sous-culture maastritchienne, les tueurs du Hamas, qu’ils défendent aussi, abattent des enfants, décapitent leurs parents, éventrent des femmes enceintes, rafalent des familles désarmées, violent, torturent des personnes âgées, pillent les maisons qu’ils aspergent de sang, de cervelle et de viscères, mutilent des cadavres, humilient et capturent des otages comme les tribus primitives au début de l’humanité.
Cette soldatesque pratique la guérilla : en tatanes sur des petites cylindrées, aux commandes d’ULM, transportés dans des pick-up, déplacés en véhicules civils, armés de kalachnikovs, aidés de drones de loisir, ces mercenaires de l’enfer réactivent les pogroms. Désemparé, surarmé, disposant de l’arme atomique et d’un matériel militaire de haute technologie ici inutiles, vaincue sur le terrain du renseignement, l’État d’Israël perd une première bataille avec ce « Déluge d’Al-Aqsa ».
Les catégories de la guerre napoléonienne sont ici inutiles. Potasser De la guerre de Clausewitz ne sert à rien : à quoi bon les porte-avions américains qui croisent au large de la bande de Gaza ? Ou la bombe atomique dans un silo quelque part sur la terre d’Israël ? C’est de « la petite guerre », ainsi que la nommait le même Clausewitz, qu’il est désormais question – de la guérilla.
Détruire les populations civiles palestiniennes ne sert à rien quand le gouvernement terroriste du Hamas choisit de ne pas mettre sa population à l’abri dans les 500 kilomètres, dit-on, de souterrains dans la bande de Gaza, et que ce cerveau politique se trouve probablement à l’abri dans des pays étrangers identifiés dans lesquels Israël ne peut intervenir sans créer une guerre mondiale – Qatar, Arabie saoudite, Liban, Iran probablement.
Ne pas abriter sa population dans les boyaux de Gaza, c’est, pour le Hamas, prendre sciemment sa population en otage : c’est décider de la faire tuer par des soldats israéliens avant d’accabler ceux qui tirent. Qui peut soutenir un pays qui tient son peuple dans une telle sujétion ? Les islamo-gauchistes, la gauche française, la Nupes réactivent de façon cynique et immorale les fantômes de la division Das Reich qui a opéré sur des populations civiles innocentes, elles aussi, à Oradour-sur-Glane.
Dans cette guerre de civilisation, les adversaires sont clairement identifiés. Les amis et les ennemis aussi. Les figures du Résistant et du Collaborateur reprennent du service – militaire.
Je n’ai jamais trouvé que défiler sur des chars à demi-nu avec des plumes de couleur fichées dans le derrière soit un sommet de civilisation judéo-chrétienne, j’y verrais même plutôt un signe inverse, mais c’est la mienne et je me battrai pour la défendre. Car je préfère cette vieille civilisation bosselée, couturée, balafrée, cacochyme, ridicule parfois dans la jouissance prise à son nihilisme, à une autre dans laquelle on précipite les gays du haut d’un immeuble en criant Allah Akbar ! On sait déjà, en France, qui collabore à ce genre de projet de société.
L’armée israélienne résiste : on peut lui faire le procès de la méthode. Qui sait mieux ? Qui peut mieux ? Qui fait mieux ? Qui propose mieux ? Des congrès, des rencontres, des négociations, des tables rondes ? De la diplomatie, secrète ou non ? Des dessous de table effectués dans les monarchies pétrolières du Golfe avec pays tiers qui se gobergent en passant ?
Quand un État, car Gaza et la Cisjordanie en constituent un, quoiqu’on en dise, quoi qu’on en pense, veut en détruire un autre et s’y attelle, qu’il a avec lui au moins un pays qui dispose de l’arsenal nucléaire, que l’oumma se trouve massivement derrière lui avec ses millions de fidèles, tous ceux qui fixent le doigt au lieu de regarder la lune sont gravement coupables. Des guerres mondiales se sont déclarées pour beaucoup moins que ça.
Un grand nombre de pays — ceux qui ont décrété dans l’affolement la suspension des cours sous prétexte d’une épidémie qui n’a touché ni les élèves ni les enseignants — dévissent dans la dernière enquête PISA réalisée en 2022. Oui, mais les « tigres » du sud-est asiatique (et quelques pays à jacobinisme dur, comme l’Estonie) non seulement résistent mais s’améliorent. Les conditions d’enseignement et les programmes débilitants sont-ils cependant seuls responsables du « choc » PISA ? se demande notre chroniqueur.
En 2000, après la parution de la première enquête PISA, l’Allemagne s’effara — et sous l’effet du choc, décréta une série de mesures qui permit à l’école d’outre-Rhin de regagner les places perdues.
C’est que les Allemands vivaient dans le mythe de l’école instituée par Bismarck dans les années 1860 — une école de grande qualité qui permit à l’armée prussienne d’enfoncer les Français en 1870. Ferdinand Buisson, futur grand conseiller de Jules Ferry (les lois Ferry, c’est lui, et pas le politicien corrompu dont elles portent le nom) transposa les règles de cette école en France — et la structure implacable du système scolaire de la IIIe République permit à la France de remporter la guerre de 14-18 et de développer son industrie au même niveau que son puissant voisin : l’exposition universelle de Paris en 1889 en fut la démonstration éclatante, et la Tour Eiffel fut un symbole assez éclatant pour qu’on décide de la pérenniser, alors qu’on devait la démonter.
L’Allemagne découvre les joies de l’immigration massive
L’Ecole vit de mythes — comme les nations. En 2000, en Allemagne, le mythe bismarckien était toujours vivace. En 2023, le mythe républicain en France est éparpillé façon puzzle. À part les enseignants « républicains », attachés à la transmission des savoirs, le gros des troupes a adopté le délitement général produit par les chocs successifs — et bien réels — du collège unique en 1976, de la loi Jospin en 1989, du Protocole de Lisbonne en 2000 et de la réforme de Vallaud-Belkacem en 2016. Sous ces coups de boutoir accumulés, que reste-t-il du mythe propagé jadis par Péguy des « hussards noirs » de la République ? Et soudain l’école allemande, cette année, s’effondre à nouveau. Quel mauvais génie…
Alles geht schief, doch die Regierung baut sich wenigstens quietschvergnügt ein riesiges Sparschwein aus Schnee – so sehen Thomas Plaßmann, Klaus Stuttmann und Chappatte das aktuelle Geschehen. Die Cartoons der Woche. https://t.co/pVYHmLkM5a
Sur le tableau : « Etude Pisa – les plus mauvais résultats allemands » L’élève : « Pisa (Pise) est une ville en Espagne! »
Écoutons ce qu’en disent les Allemands : « Le système scolaire allemand reste particulièrement injuste sur le plan social, constate Silke Fokken du Spiegel. Les performances des élèves dépendent davantage de leur origine sociale que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. L’effet de l’immigration est également supérieur à la moyenne. »
Comme le souligne Emmanuel Berretta dans Le Point, « l’Allemagne s’est montrée accueillante avec de très nombreux immigrés après la crise syrienne de 2015. La proportion des élèves issus de l’immigration a donc bondi de 13 à 26 % entre 2012 et 2022. Parmi eux, 9 % sont nés à l’étranger et ne sont arrivés que depuis quelques années (2 sur 10 avant l’âge de 5 ans et autant après l’âge de 12 ans). Cela se ressent dans l’apprentissage. En mathématiques, les enfants d’immigrés enregistrent 59 points de moins que les autres, une différence qui correspond à l’équivalent de trois années scolaires. Des résultats « alarmants », selon les termes des analystes éducation de l’OCDE. »
Eh oui : quand l’enfant ne parle pas allemand à la maison, il est pénalisé à l’école. L’immigration pose donc un défi énorme au système éducatif allemand, relèvent les journaux allemands dont Die Welt. Et Marie-Estelle Pech en rajoute une couche. Dans Marianne, pas dans Minute. Ce n’est pas l’extrême-droite qui proteste, c’est le principe de réalité qui revient pleine face.
En tête de PISA, des pays épargnés par l’immigration
En France, ce décrochage dû à une immigration massive a eu lieu à la fin des années 1970, par la grâce conjuguée du collège unique et, la même année, du regroupement familial. Nous avons vu arriver en classe, où ils entraient sur le seul critère de l’âge, des dizaines de milliers de jeunes Maghrébins. Personne ne me fera dire qu’ils étaient moins intelligents que les petits Français. Mais ils ne parlaient qu’un français illusoire, qui ne leur permettait pas de comprendre les cours de Français — et aussi tous les cours où il faut lire et saisir un énoncé.
Nous ne sommes jamais remontés de cette dégringolade. Plutôt que de tenter de la freiner, en détachant par exemples ces élèves en grande difficulté pour leur administrer des cours de Français Langue Étrangère dans des établissements dédiés, nous avons préféré les noyer dans le melting pot de la « massification ».
Remarquons au passage que les pays qui caracolent en tête du classement, Chine, Japon, Corée, Singapour et Estonie — sont peu touchés par l’immigration : la plupart d’entre eux ont cadenassé leurs frontières il y a bien longtemps. Cela donne aux débats actuels sur la « loi immigration » un aspect incongru. Soit nous acceptons des étrangers, et nous les formons en les dépaysant complètement — y compris en les éloignant pendant quelques années de leur famille, de leur ghetto et de leurs « grands frères » —, soit nous continuons la dégringolade scolaire au nom des grands principes. Joachim Le Floch-Imad a bien raison de dire dans Le Figaro que l’immigration est aujourd’hui le grand tabou français en matière d’éducation : « Les résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration sont tout d’abord nettement inférieurs à la moyenne, ce qui contribue à notre déclassement dans les études internationales. Cela favorise par ailleurs l’hétérogénéité des classes, déjà importante du fait de la massification, et conduit dès lors de nombreux professeurs à aligner leurs exigences sur le niveau des plus faibles. L’ensemble des statistiques à notre disposition accrédite ce constat », précise-t-il.
La proposition de Gabriel Attal de revenir sur le collège unique en instituant des classes de niveau n’est pas, quoi qu’en disent les amateurs de désordre, une mauvaise idée, mais elle risque de se heurter à la réalité du terrain. Pour que ça marche, il faut que les élèves les plus faibles soient regroupés dans des classes à faibles effectifs, avec des horaires renforcés. Où allons-nous trouver les enseignants capables de les prendre en charge, alors que les jurys renâclent à recruter les ânes bâtés qui se présentent devant eux ?
J’ai peur — c’est un euphémisme — que les conseillers du ministre, qui font de l’excellente communication, ne connaissent rien à la réalité de l’Ecole. Et qu’aux effets d’annonce succède un néant pédagogique. Mais après tout, dans quatre ans, quand paraîtra la prochaine étude PISA, qui ira reprocher au maire de Paris, Gabriel Attal, les errements de ses successeurs ?
Le critique belge Christopher Gérard nous amène dans un voyage au pays des dissidents, chez les réprouvés de la République des Lettres, dans une galerie de portraits exécutés à la manière d’un maître de la Renaissance…
Nous sommes en famille. En confraternité. En déshérence, aussi. Car, bien seuls, dans l’univers éditorial, j’allais écrire carcéral. Ils sont tous là, les vieux oncles ronchons, les stylistes interdits, les hussards de première cordée, les jeunes réactionnaires, les philosophes en rupture de ban et les copains de ma génération. L’ordre alphabétique m’a affreusement avantagé car je me glisse entre le glam-rocker stéphanois, mon camarade Jean-Pierre Montal et le voyageur pressé en 300 SL papillon, Paul Morand, non loin du druide populiste Olivier Maulin. Qui sont donc ces « Nobles Voyageurs » qui paraissent aux éditions de La Nouvelle Librairie ? Une réunion de réfractaires, d’insoumis assurément, d’écrivains qui, chacun à leur manière, tentent de dire leur vérité par les mots et traduisent le déshonneur de nos sociétés marchandes par le roman ou l’essai. Des désenchantés pour la plupart, certains plus amers que d’autres, des indisciplinés que vous ne verrez pas souvent sur les plateaux de télévision ; ils portent en eux une exigence ombrageuse et ce côté batailleur qui s’oppose à la mollesse générale de notre temps ; souvent même, ils sont carrément bannis des librairies.
Mauvais garçons
Tous ces non-alignés sont animés par un seul homme, Christopher Gérard, critique, lecteur d’élite et propagateur d’une certaine forme de littérature. « Mon idéal littéraire ? La littérature comme sacerdoce. L’écriture comme théurgie, comme exaltation de la beauté du monde visible et invisible », écrit-il. Est-ce un possédé ? Un esthète assoiffé de pureté ou de magie ? Un de ces piliers de bibliothèques qui ne trouvent réconfort et nourriture intellectuelle que dans une lecture compulsive et abrasive de l’âme ? Nous ne sommes plus tellement habitués à rencontrer des critiques qui s’agenouillent devant la littérature, non par réflexe victimaire ou sous le joug d’une quelconque idéologie, au contraire, par une sorte d’élévation spirituelle et de gourmandise qui les poussent, sans cesse, à combattre l’apathie et le reniement du monde. Ces « Nobles Voyageurs » sont une prolongation nettement enrichie de Quolibets, livre paru en 2013 qui « passe de soixante-huit portraits d’écrivains à cent vingt-deux ». À la fierté d’appartenir à cette cohorte de « mauvais garçons », je me suis surtout régalé en lisant ce photomaton littéraire, ces instantanés rigoureux, presque militaires, soutenus par une plume d’excellence. C’est ce qui fait la différence, à la fin, quand même les idées n’ont plus de sens, le style demeure, intact, vibrant ; à l’os, il bouge encore.
Christopher Gérard écrit comme les officiers britanniques chassent à courre, avec une précision dans l’attaque, une attention de l’expression juste, un souci d’équilibre dans l’éloge comme dans l’éraflure, il réussit à garder ses nerfs et sa veste de tweed parfaitement droite, à ne pas s’enflammer sur un auteur pourtant inconstant, son sang-froid est le signe d’une belle érudition et d’un véritable sens du partage. Je n’ai pas oublié son toucher de plume, je me souviens de son roman Le Prince d’Aquitaine paru chez PGDR en 2018, de cette nostalgie ébréchée, digne, jamais larmoyante et cependant, déchirante de sincérité. Dans les interstices, il excellait à retranscrire l’angoisse et la douleur.
Christopher Gérard, héritier de Pol Vandromme
En ouvrant ce solide volume de plus de 450 pages, j’ai vacillé, j’ai vu le fantôme de Pierre-Guillaume de Roux, ce grand échalas en duffle-coat m’est apparu dans sa soupente de la rue de Richelieu. Il me souriait. Je dois ajouter que je n’ai pas été formé à la littérature dans une université qui fiche les écrivains par obédience politique mais par Pol Vandromme. Le Belge m’a ouvert les portes d’un monde dont j’ignorais la fantaisie et la diversité (la vraie), je me suis alors promené de Tintin à Jacques Perret, de Brassens à Nourissier. Christopher Gérard est son héritier le plus légitime, le plus fidèle, le plus délicat. « Les Nobles Voyageurs » peuvent se lire dans toutes les directions possibles, en touriste sourcilleux, vous suivrez l’alphabet, pas à pas ; moi, je l’ai pratiqué en cabotage, au gré de mes envies buissonnières, sans plan défini, le coude à la vitre d’un Spider italien, d’abord en piochant chez les anciens, les Déon, Drieu, Marceau, Laurent, Laudenbach, puis n’écoutant que mon instinct, j’ai pris les chemins de traverse, je suis tombé sur Guy Dupré : « Les fiancées sont froides est en effet un livre fétiche, qui génération après génération, envoûte une poignée de lecteurs séduits par le ton incantatoire, unique dans les Lettres françaises contemporaines, et par le style elliptique comme par l’ironie doucement féroce » ou sur Jean-Baptiste Baronian que Gérard qualifie « d’ogre » tant son savoir est encyclopédique. Je fais mienne la formule de François Valery : « Aimons-nous vivants / N’attendons pas que la mort nous trouve du talent ». Christopher Gérard ne s’intéresse pas qu’aux morts dans sa galerie de portraits, il nous éclaire, avec brio, sur l’œuvre de confrères hautement estimables. Je pense ici à Stéphane Barsacq, Thomas Clavel, Rémi Soulié, Michel Lambert, Thierry Marignac, Bruno Lafourcade ou Michel Orcel. Croyez-moi, la place des « Nobles Voyageurs » est sous le sapin !
Les Nobles Voyageurs de Christopher Gérard – éditions La Nouvelle Librairie, 466 p.
Devant ses militants, Éric Zemmour a rappelé que la ville de Saint-Malo (35), ravagée par les bombardements au sortir de la guerre, un peu comme notre France atomisée, s’est reconstruite en 10 ans seulement. Autre signe encourageant: pour ce nouveau déplacement breton, les antifas ne sont pas parvenus à se joindre à la fête.
Le lieu avait été soigneusement gardé secret jusqu’au dernier moment par les organisateurs. C’est finalement dans une belle demeure du XVIIème siècle que les militants de « Reconquête ! » ont commencé à se retrouver, samedi dernier, à Saint-Malo, pour un meeting de Noël. Ils sont venus de l’Est breton et d’un peu plus loin, pour le passage d’Éric Zemmour dans la cité corsaire.
Reconquête aime les hommes en jupe !
En Bretagne, on assume un folklore celtique. Dans la cour du cossu domaine, un militant, en kilt, a même joué quelques airs de cornemuse. On ne dira pas que « Reconquête ! » n’aime pas les hommes en jupe !
Le vrai clou de la soirée, ce fut le discours d’Éric Zemmour. Arrivé en fin d’après-midi dans la cour, il débute quelques heures plus tard son intervention devant 400 militants, dans une pièce pleine à craquer. Zemmour a salué la gloire et le prestige de la ville malouine, les grandes figures locales, Surcouf et Chateaubriand, et a fait un parallèle entre l’histoire de la cité et le destin possible de la France. Il a rappelé que Saint-Malo avait été bombardée et détruite à plus de 80% par les Alliés en 1944 mais qu’elle a su se reconstruire, non pas à l’identique mais de façon respectueuse de son architecture et de son identité, en moins de dix ans. La France aussi pourrait se redresser très vite, selon le président de « Reconquête ! », à l’aide de quelques mesures efficaces.
Requinqué par l’air malouin après une ballade sur les remparts, Eric Zemmour était d’humeur optimiste, ce soir, malgré les drames qui se sont accumulés au cours de cet automne, d’Arras à Crépol, en passant par le pont de Bir-Hakeim. Dans cette ambiance morose, il a voulu regonfler à bloc ses troupes. Jamais peut-être l’analyse développée par Zemmour depuis quinze ans n’avait été autant validée par les faits, et dans le pays, l’état des esprits change. Le candidat à la présidentielle arrivé quatrième a tenu à marquer sa différence avec le RN de Marine Le Pen, laquelle refuse de parler de « guerre de civilisation ». Il a en revanche salué – « à la condition que ce ne soit pas que pure communication politique » les premiers mois de Gabriel Attal à la tête du ministère de l’Éducation nationale, « sa défense de la laïcité et des matières fondamentales à l’école ». Plus tard dans la soirée, le président du parti a glissé, en plus petit comité : « La grande différence avec Marine Le Pen lors de la campagne, c’est que j’ai considéré que le vrai adversaire était Mélenchon. Elle a considéré que c’était Macron ». Si le président de « Reconquête ! » a rappelé l’incompatibilité de l’islam et de la République, il a tenu à saluer l’attitude des parents d’Armand Rajabpour-Miyandoab, l’assaillant du 4 décembre, qui se sont complètement désolidarisés de leur fils et ont demandé pardon à la France. Une première, de mémoire de polémiste, depuis le début de la vague d’attaques djihadistes, en 2012.
Les antifas ne se sont pas ramenés pour le dessert
Avant que le meeting ne commence, une certaine appréhension parcourait les esprits de quelques militants. Saint-Malo ne se trouve qu’à 70 kilomètres de Rennes, bastion de l’activisme « antifa ». Dans la capitale rennaise, baigne depuis des années une atmosphère de terrorisme intellectuel. Un militant me montre les images d’un local « Reconquête ! », vandalisé cet automne, avant même son inauguration. « Le lieu avait été tenu secret. Un gars de chez nous a été suivi ». Sur Instagram, les « antifas » font des fiches et balancent des noms des principales figures militantes de droite du coin. Le souvenir du meeting de Zemmour organisé à Pleurtuit – à quelques kilomètres de Saint-Malo – en octobre 2021, était présent encore dans quelques têtes. Un comité d’accueil chaud bouillant de militants d’extrême gauche avait hué le futur candidat et ses sympathisants. À Brest, en juin 2023, les choses sont allées plus loin, avec intervention des CRS et un blessé de chaque côté. Alors, à Saint-Malo, ce samedi, les sections de la gauche locale, PS, LFI et NPA en tête, s’étaient donné rendez-vous à la gare. Environ soixante sexagénaires s’étaient mobilisés ; moins professionnels que les « antifas » rennais, ils ont cherché en vain le lieu du meeting puis sont rentrés chez eux, bredouilles.
Il faut dire que le gros des troupes antifas de l’Ouest de la France était occupé au Mans, pour contrer une mobilisation de royalistes sarthois qui se tient là chaque année en décembre. Mobilisation qui n’avait pas été annoncée cette année et qui n’a finalement pas eu lieu… En lutte contre une manifestation fantôme, les antifas se sont défoulés sur deux établissements de nuit manceaux, visés, d’après Ouest-France, à cause des prétendues sympathies « d’extrême droite » de leurs propriétaires…
Le parti pris propalestinien de cette opposante à l’islamisme en a surpris plus d’un. Hier, Valérie Pécresse a annoncé retirer le prix Simone Veil remis en 2019 à la militante: « Ses récentes déclarations quant aux tragiques événements survenus en Israël et dans les territoires palestiniens depuis le 7 octobre – dont son retweet d’un parallèle entre Auschwitz et la riposte israélienne contre les terroristes du Hamas à Gaza- sont outrancières et choquantes » a expliqué la présidente de la Région Ile-de-France.
Sur Twitter, le profil de l’influenceuse et ex-Charlie Hebdo Zineb El Rhazoui est désormais illustré par le drapeau palestinien. Depuis le 13 novembre, celle qui était jusqu’alors connue comme une passionaria de la laïcité, menacée par les islamistes, consacre l’intégralité de ses messages à soutenir la cause arabe, à dénoncer un « nettoyage ethnique » qui serait en cours depuis soixante-quinze ans. Elle va jusqu’à partager les messages des députés LFI « pro-pal » les plus en pointe, comme Antoine Léaumant ou David Guiraud ! C’est qu’après avoir laissé son compte Twitter « en jachère pendant des mois », Zineb affirme « ne plus arriver à se taire », qu’il en irait de « sa conscience et de son devoir d’être humain ».
Elle se révolte qu’il y ait eu – mais ce sont là des chiffres du Hamas – plus de morts à Gaza en un mois qu’en Ukraine pendant un an, et ne reconnaît plus ses anciens amis. Commençant modestement certaines de ses missives par « Bonjour humanité », réclamant ardemment un cessez-le-feu, elle se dit « extrêmement triste de voir des gens qu’elle estime s’indigner à juste titre du massacre du 7 octobre en Israël, et justifier que l’on tue de façon arbitraire et disproportionnée dix fois plus de vies humaines à Gaza. Une vie ne vaut-elle pas une vie ? »
Qui sont ces « gens » qu’elle accuse ? On peut se demander si Macron n’en fait pas partie, lui qui dans un premier temps était accommodant avec Israël, lui qui l’a humiliée en lui faisant miroiter le temps d’une réélection la dixième circo des Français de l’étranger – comprenant Dubaï où elle vit avec son richissime mari. Si elle prend encore plus de distances par rapport à Macron, dont elle a soutenu la candidature en 2022 (malgré le fait qu’il trouve « beau » le spectacle d’une femme « voilée et féministe » à Strasbourg pendant l’entre-deux-tours), ce n’est pas pour se rapprocher des droitards qui auraient voulu enrôler la pourfendeuse de l’islamisme dans leur lutte contre l’immigration musulmane. Reste à savoir quel accueil serait réservé à Zineb dans une marche pour Gaza. D’autant qu’y figurent en nombre les LFI, dont le grand mufti Mélenchon s’affirme un peu plus chaque jour comme un « accélérationniste » de cette communautarisation de la France qu’elle avait longtemps combattue.
Le rectorat de Paris entend fermer certaines classes préparatoires parisiennes à la rentrée 2024. Cette décision concernant l’un des derniers bastions de la méritocratie suscite incompréhension et inquiétude…
Le verdict est tombé le 13 novembre dernier : quatre classes préparatoires parisiennes (CPGE) sont menacées d’être fermées à la prochaine rentrée sous prétexte qu’elles ne se seraient pas assez attractives et trop coûteuses. Parmi ces classes, deux prépas littéraires, l’hypokhâgne de Lamartine (IXe) et une khâgne de Chaptal (XVIIe), qui pourtant attirent de plus en plus d’élèves depuis des années. Comme le rapporte la pétition lancée par des élèves et professeurs du Lycée Lamartine et du Lycée Chaptal, signée par presque 10 000 personnes, les candidatures Parcoursup augmentent très fortement et le nombre d’inscrits en classes préparatoires littéraires est en hausse de +1,2%. Pourquoi le recteur de l’académie de Paris s’acharne-t-il alors à fermer ces classes réputées pour leur exigence et leur réussite ?
Un fleuron français
Loin d’être anecdotique, cette décision s’inscrit dans une entreprise plus globale qui vise à remettre en cause la légitimité des classes préparatoires, soupçonnées d’être coûteuses et élitistes. Contrairement aux idées reçues, les classes préparatoires sont gratuites, ouvertes aux bacheliers de toutes origines, et accueillent un nombre important d’élèves boursiers : le recrutement dans ces filières d’excellence ne se fait pas sur l’indice de position sociale (IPS) mais uniquement sur les résultats scolaires. Qu’il s’agisse des grands lycées parisiens ou des « petites » mais non moins prestigieuses prépas, cette « singularité française » reste l’un des derniers fleurons de l’École de l’excellence et de la méritocratie. Élitiste ? Oui, mais au sens de l’élitisme républicain qui permet aux meilleurs, d’où qu’ils viennent, d’accéder aux plus hautes fonctions. Coûteux ? Un étudiant de classe préparatoire coûte un peu plus qu’un étudiant à l’Université, mais cette formation exigeante et rigoureuse, qu’il intègre ou non une grande école, le mènera au bout de son cursus et lui assurera de trouver un travail. La classe préparatoire est donc un bon investissement pour l’État !
Aujourd’hui, l’ascenseur social est en panne depuis des décennies : de fait, nombre d’élèves issus de milieux modestes ont moins de chances de s’inscrire en prépas et d’accéder aux grandes écoles. Si l’Ecole est devenue un système de reproduction sociale, de plus en plus inégalitaire, ce n’est pas pour les raisons invoquées par ces démagogues qui rêvent de voir disparaître les classes préparatoires et les concours en général. C’est parce que l’Ecole ne remplit plus sa mission de promotion par le mérite et l’excellence. C’est dès l’école primaire qu’il faut permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même, partout sur le territoire national, grâce à un enseignement aussi exigeant dans un établissement rural, qu’en banlieue ou en centre-ville. C’est le renoncement à cette exigence qui a disparu, faisant pour premières victimes les enfants qui n’ont pour patrimoine que le savoir et la culture offerts par l’École. Beaucoup de beaux potentiels se voient abandonnés et assignés à résidence, faute d’avoir fréquenté le bon établissement et d’avoir été repérés par des professeurs compétents.
Mais que va faire le sémillant Monsieur Attal?
Au lieu d’encourager ce que notre système produit de meilleur, les élites ont trouvé dans les classes prépas un bouc émissaire idéal. Alors qu’elles sont elles-mêmes, pour une bonne part, issues des grandes écoles (ENS, ENA, Polytechnique, Science Po), ces élites accusent sans mal ces filières d’excellence de tous les maux. Depuis Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, les ministres de l’Education nationale ont intégré l’idée que, pour rendre l’école égalitaire, il fallait abattre ce dernier bastion d’élitisme, devenu injustifiable à leurs yeux. Comble de cynisme et d’égoïsme d’avoir bénéficié d’une formation d’excellence et d’en priver les générations à venir !
Reste à savoir ce que va faire M. Attal, notre sémillant ministre de l’Education nationale, lui qui s’est toujours présenté comme le défenseur d’une école de l’exigence. Il a annoncé une série de mesures destinées à remettre le savoir au centre de l’enseignement. Mais il n’a encore pas contredit l’annonce faite par le rectorat de fermer des classes prépas parisiennes, malgré les appels lancés par plusieurs associations d’élèves et de professeurs de classes préparatoires. Nous avons là une formidable occasion de juger l’homme à ses actes : Gabriel Attal sera-t-il le réformateur de l’école républicaine, qu’il prétend être, en sauvegardent ce qu’elle produit de meilleur ? Ou bien va-t-il laisser entériner l’effondrement de notre système éducatif ? Ce qui est certain, c’est que cette affaire est révélatrice de la façon dont le gouvernement, par le rectorat, entend cacher l’effondrement de notre École en s’attaquant à ce qu’elle a de meilleur. Derrière la menace de suppression de certaines classes, c’est tout le système des classes préparatoires qui se trouve visé, dernier vestige de la méritocratie qui a fait le prestige et le rayonnement de notre école.
Valerie Solanas (1936-1988), intellectuelle féministe radicale américaine, surtout connue pour avoir tenté d’assassiner Andy Warhol, a diffusé à partir de 1967 un brûlot écœurant appelant à l’éradication du sexe masculin, Scum Manifesto. Des féministes radicales contemporaines bien de chez nous continuent pourtant de l’encenser (Lauren Bastide, Alice Coffin…). Lorsque le pamphlet est réédité par Les 1001 Nuits en France, en 2021, Le Monde le met en couverture de son magazine, c’est tellement avant-gardiste et tellement chic!
Admettons que j’écrive « le juif est un accident biologique », ou « être un juif, c’est avoir quelque chose en moins », « ils seront passés au gaz ». Ou encore : « Un dégénéré ne peut que produire de l’« art » dégénéré. L’artiste véritable, c’est tout aryen sain et sûr de lui », « la vie des aryens doit primer celle des juifs ». Cela ressemble à du nazisme, nous sommes d’accord ? Eh bien, remplacez « juif » par « homme » et « aryen » par « femme », et vous avez un texte de gauche ! Le fameux Scum Manifesto[1] de Valerie Solanas, féministe radicale devant l’Éternel, que dis-je, l’Éternelle.
Ce Mein Kampf du féminisme ne proposa rien de moins que l’extermination des hommes à l’exception généreuse de ceux qui déclareraient être « une merde minable et abjecte » (exercice auquel bon nombre de petits fayots à gauche se plieraient sans peine). En gros, la thèse principale de cet écœurant galimatias est que les hommes sont des sous-êtres qui méritent d’être exterminés pour que le « sexe supérieur » (l’expression est de moi, dans sa radicalité Solanas n’en a pas eu l’audace) puisse trouver son plein épanouissement.
Visionnaire
Véritable exercice d’humiliation de la gent masculine, le manifeste explique que l’existence des mâles n’est pas digne d’être vécue. Un homme n’est « qu’une mécanique, un godemiché ambulant », une « femelle incomplète » dont la seule et unique fonction « est de produire du sperme » ; il sait « au fond de lui, qu’il n’est qu’un tas de merde ». Quant aux femmes, leur fonction est « d’explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique – le tout, avec amour. En d’autres termes de créer un monde magique. » Le pays des fées !
Évidemment, l’engeance masculine porte l’entière responsabilité de ces terribles maux que sont « la guerre », « le travail », mais aussi « la culture », « l’éducation », « la philosophie »… la liste est large, incluant au passage « la mort ». Car bien sûr, c’est délibérément que les hommes s’abstiennent de régler cette simple formalité. Il suffirait pour l’abolir d’une automation digne de ce nom, mais hélas « l’institution de l’ordinateur sera continuellement retardée dans un système régi par les hommes car ceux-ci ont horreur d’être remplacés par des machines. » Visionnaire ! Qui ne pense immédiatement à la crainte de destructions d’emploi par les IA génératives, crainte réservée aux hommes cela s’entend ?
Rendons-lui grâce tout de même d’avoir anticipé certaines évolutions sociétales : « Si les hommes étaient raisonnables, ils chercheraient à se changer carrément en femmes, mèneraient des recherches biologiques intensives qui permettraient, au moyen d’opérations sur le cerveau et le système nerveux, de transformer les hommes en femmes, corps et esprit. » Il faut croire que la dame ne se serait pas satisfaite du simple « ressenti » dont se prévalent nos chers non-binaires. Qu’ils se rassurent, elle comptait épargner « les travelos qui par leur exemple magnifique encouragent les autres hommes à se démasculiniser et à se rendre ainsi relativement inoffensifs ». On peut se demander si cette haine des hommes et de la masculinité, concentrée dans ce pamphlet, mais diffuse au sein de la société depuis le féminisme des années 1970 auquel le féminisme actuel n’a rien à envier, ne pousse pas ces messieurs à se considérer comme des femmes pour échapper à leur stigmatisation, comme les juifs devaient se convertir au christianisme au temps de la judéophobie médiévale.
Le cas Solanas est-il une exception ? Pas tant que ça. Qu’on pense seulement à cet article-canular qui comportait une réécriture en version féministe d’un chapitre du livre d’Hitler. Soumis à l’examen d’une revue académique, il avait été accepté[2]. Sans doute avait-on à l’esprit la prose de Solanas, référence scientifique de premier ordre.
Fascisme de papier glacé
On ne s’étonnera donc pas que le Scum manifesto soit de nos jours encore encensé par la gauche, d’où sa réception en grande pompe par M, le magazine du Monde qui lui fit l’honneur de sa couverture à l’occasion de sa réédition, en 2021. La brochure de squats s’affichait sur le papier glacé des magazines de la bourgeoisie, quel triomphe !
Il semble qu’on permette beaucoup de choses au nom du féminisme, y compris le sexisme le plus fascisant. Dans le cas de Solanas et de quelques autres, le terme féminazie n’est vraiment pas usurpé. Cela montre clairement que le concept de féminisme ne coïncide pas avec celui d’antisexisme. Il est donc au mieux inutile (puisque faisant double emploi), au pire nuisible (puisque ne visant pas l’égalité). Après tout, personne ne se dit « noiriste » ou « arabiste » pour lutter contre des discriminations, réelles ou fantasmées. On se contente de parler d’antiracisme. Pourquoi alors devrait-on parler de féminisme ? Pourquoi ne pas se contenter du terme antisexisme ? Et qu’on ne me dise pas qu’il y aurait un risque d’invisibiliser les femmes par un terme aussi large, ce n’est pas comme s’il évoquait spontanément la condition masculine… Donc je le répète : pourquoi devrait-on parler de féminisme, si l’on ne cherchait pas à introduire subrepticement des choses très loin d’une soi-disant lutte pour l’égalité, à commencer par une grille de lecture victimaire, revancharde, essentialisante et stigmatisante ? L’antisexisme oui, le féminisme non.
Inutilité, nuisance, et surtout lâcheté de ces idéologues : car je doute que les thuriféraires du féminisme « radical » se permettent d’entrer dans le détail de leurs affirmations. Prenons les déclarations d’Alice Coffin, par exemple, comme quoi il ne faut pas lire les livres écrits par les hommes[3]. Ces horreurs proférées par une féministe radicale comme Madame Coffin, les tolèrerait-on d’un suprémaciste ? Accepterait-on par exemple que quelqu’un invite à ne pas lire les livres écrits par des hommes noirs ? Simple question rhétorique. La lâcheté du féminisme intersectionnel ne m’a pas échappé, lâcheté politique et morale bien sûr, lâcheté physique peut-être aussi. Libre à Coffin de me démentir en allant crier tout le mal qu’elle pense des hommes au beau milieu d’une cité sensible ! Il lui faudra le concours des forces de l’ordre, c’est-à-dire, pour une bonne part je le crains, des hommes…
Au fait, l’extermination des hommes, c’est bien, mais qui s’en charge ? Les femmes ? Cette pauvre Valerie armée d’un flingue n’avait même pas été foutue d’exterminer son amant Andy Warhol avant d’être envoyée à l’asile… Tragédie d’un irréalisable fascisme en jupons. Sauf peut-être à recourir demain aux robots de Boston Dynamics ? Voilà encore la mécanisation chère à Solanas et ses admiratrices. Il leur restera à convaincre ChatGPT de leur sororité.
[1] Traduction française Emmanuelle de Lesseps, chez Zanzara athée, décembre 2005.
La macronie se donne un mal fou pour se monarchiser. Gare à ne pas faire rigoler à nos dépens outre-Manche…
En attendant que M. le président de la République s’emploie à relever la France, nous devrons nous satisfaire de la relève de la garde. C’est déjà cela, se consolera-t-on. De là à considérer qu’il n’y avait rien de plus urgent à entreprendre pour le pays, voilà un pas que nous ne franchirons pas. « Pour la première fois depuis 1996, le 1er régiment d’infanterie de la Garde républicaine donnera à voir la cérémonie de la grande relève de la Garde devant le palais de l’Élysée, le mardi 7 novembre à partir de 9 heures. Cette cérémonie sera ouverte au public et se répétera tous les premiers mardis de chaque mois. »
Voilà ce qu’a fait savoir l’Élysée dans un communiqué. Il y aura tambours et trompettes, évidemment. Garde montante et garde descendante, comme il est indiqué dans le manuel. Seize militaires défilent avenue de Marigny, rue de l’Élysée, empruntent la rue du Faubourg-Saint-Honoré, marquent le pas devant les grilles du palais présidentiel. On se salue, épée au clair, et ceux qui doivent pénétrer dans la cour pour protéger ce qu’il y a à y protéger y pénètrent. Le public, qu’on espère nombreux, ne peut être que ravi. L’automobiliste qui a à faire dans le quartier, beaucoup moins sans doute. Cela dit, Mme Hidalgo l’a déjà familiarisé de longtemps avec ce genre de gaietés parisiennes. Néanmoins, l’initiative doit être saluée parce que si – ce qu’à Dieu ne plaise ! – la tenue des Jeux olympiques se trouvait empêchée, on pourrait se rabattre sur ce spectacle pour briller aux yeux du vaste monde. Certes, on trouvera de fourbes Britanniques pour crier à la pâle imitation de leur relève bien à eux, avec bonnets à poils. On ne leur donnera pas tort. La République de M. Macron se donne un mal fou pour se monarchiser dans ses rites et ses fastes. Pour un rien, un thé dansant de chefs d’État, on squatte Versailles. Et maintenant, la relève de la garde. La tentation du couronnement n’est pas loin. Dès que nous en connaîtrons la date, nous ne manquerons pas de vous la communiquer.
Villa Victoria, dans le quartier de la Croix-des-Gardes, à Cannes. Au second plan, la mer Méditerranée DR.
Le film « Napoléon » de Ridley Scott a déclenché un regain d’intérêt pour l’empereur des Français. Les corps des combattants sous les ordres de ce grand conquérant de l’Europe – 460 000 soldats morts – sont disséminés dans de nombreux pays du continent jusqu’en Russie… et même au fond du jardin devant chez moi!
La Villa Victoria, imposante bâtisse située dans l’ancien quartier des Anglais à Cannes s’étend le long de l’ancienne route de Fréjus. Dans les années 1850, un riche marchand de Birmingham, Sir Thomas Robinson Woolfield (1800-1888), la fit construire dans le style des manoirs anglais du XVème siècle. Woolfield édifia, dans cette immense propriété qui s’étendait alors jusqu’à la mer, la première église anglicane de la ville, « Christ Church », et plus tard, le premier court de tennis de France. Avec son jardinier, John Taylor, il fit venir du jardin botanique de Sidney, la plupart des plantes exotiques que l’on trouve de nos jours partout en France et qu’il eut le mérite d’acclimater à nos contrées, comme l’indique l’écrivain cannois Éric Starck dans son livre Cannes histoire et stories. En aménageant le jardin de trois hectares, quelle ne fut pas sa surprise cependant de découvrir plus d’une centaine de squelettes, enfouis dans le sable du terrain ! Les langues des Cannois de l’époque, qui lui avaient vendu ces anciennes dunes, se délièrent enfin et l’on apprit qu’il s’agissait des corps de conscrits de Napoléon qui rejoignaient l’Armée d’Italie à partir de Toulon pour compenser les pertes importantes subies à la bataille de Marengo lors de la deuxième Campagne d’Italie (1799-1800). Épuisés et malades, ils avaient été parqués dans l’église-forteresse Notre-Dame d’Espérance, qui surplombe la ville depuis le Moyen Âge, et ils y étaient passés de vie à trépas[1]. Gênées par cet immense fardeau humain, les autorités de l’époque les avaient fait enterrer nus dans les dunes, seuls les officiers furent enterrés dans cinq cercueils.
Fièvre immobilière
« Désirant s’assurer de la véracité de ces propos, M. Woolfield fit venir de Nice un éminent chirurgien anglais, qui, après avoir examiné les ossements confirma qu’il s’agissait bien de jeunes gens » rappelle, dans son ouvrage La Belle Epoque à Cannes et sur la côte d’Azur, l’écrivain cannois et vice-président de l’association des descendants des anciennes familles cannoises Christian Rizzo[2]. « Bouleversé par cette découverte, M. Woolfield décida de les réunir dans deux caveaux surmontés d’un mausolée et entourés de cyprès. Malheureusement, lors de la construction du chemin de fer [en 1864], la ligne passa sur le terrain où avaient été construits les caveaux entraînant leur destruction définitive », ajoute-t-il. Dans un ouvrage intitulé Thomas Robinson Woolfield’s Life at Cannes and Lord’s Brougham’s First arrival, une des nièces de Sir Thomas retrace ces événements.
Proie de la spéculation immobilière effrénée qui s’empara de Cannes au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la propriété de Sir Thomas Woolfield a finalement été vendue à la découpe au plus offrant. La Villa Victoria est devenue une copropriété, tandis que l’église Christ Church et sa bibliothèque étaient rasées sans état d’âme. Le merveilleux jardin aux essences rares était désormais voué à accueillir la construction de nombreuses villas et d’immeubles à l’architecture disparate.
Plan de la propriété Woolfield – Villa Victoria et Parc. Les conscrits de Napoléon ont été enterrés à l’emplacement de la voie ferrée actuelle.
Les squelettes étaient nickel
Plusieurs décennies après cette poussée de fièvre immobilière, la macabre affaire des conscrits de Napoléon ressurgit. En mars 2009, feu Bernard Rey, président de la « Team F1 » chez Renault, alors propriétaire de la villa Cynthia dans le parc de la Villa Victoria, décida de faire creuser une piscine. Les terrassiers y découvrirent trois squelettes. C’est sans aucun égard pour les pauvres défunts que l’un de ces ouvriers, interrogé par la gazette régionale déclara : « Au départ, j’ai explosé un crâne, je me suis demandé ce que c’était. Puis je suis descendu de mon engin, et j’ai trouvé une mâchoire. Après, il y avait tous ces os, que je déterrais en grattant à la main. Mais les squelettes étaient nickel, on voyait bien qu’ils étaient vieux. Ce n’est pas comme si j’avais déterré un cadavre »[3]. Le Figaro titra de son côté : « Trois squelettes humains dans un jardin à Cannes », sans apporter plus de détails[4]. Les squelettes furent transportés à Nice pour y être expertisés et l’on n’entendit plus jamais parler de cette encombrante découverte.
Il n’y eut jamais ni plaque commémorative en souvenir des conscrits napoléoniens et de leurs officiers, ni même de visites d’historiens sur le site en question. Sir Thomas Woolfield, tout comme son illustre contemporain Lord Henry Brougham (1778-1868) transforma le village de pêcheurs qu’était Cannes au 19ème siècle, en une ville cosmopolite florissante attirant le gotha international au fil des époques. Mais à la différence de Lord Brougham, il tomba dans l’oubli le plus total. L’inscription sur sa tombe au cimetière cannois du Grand-Jas s’efface peu à peu.
Tombe de Sir Thomas Robinson Woolfield, Cannes.
« Nul ne sait aujourd’hui ce que sont devenus les restes de ces malheureux conscrits napoléoniens auxquels, ironie du sort, un Anglais avait voulu rendre un dernier hommage », conclut d’ailleurs à juste titre Christian Rizzo, eu égard à cet épisode peu glorieux de l’histoire locale.
[1] Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes et d’arrondissement de Grasse, 117ème année, TomeXXX, Année 1983.
[2] Christian Rizzo : La Belle Epoque à Cannes et sur la côte d’Azur, 2023, 800 pages, 500 illustrations. Contact : Christian Rizzo sur Facebook ou Messenger.
Diplomatie du panda: contrairement aux Américains ou aux Anglais, les Français s’en sortent bien et ont vu leur prêt prolongé jusqu’en 2027. Il faut dire qu’à l’inverse de Joe Biden, Emmanuel Macron n’a jamais qualifié Xi Jinping de « dictateur ».
Il n’y a qu’en Chine que les pandas naissent à l’état sauvage. L’empire du Milieu exerce un « monopole » sur ces animaux, à tel point que ce mangeur de bambou est devenu l’un des emblèmes du pays, donnant son nom à la « diplomatie du panda ». Cette pratique politique consiste à prêter des pandas à certains pays dans le but d’améliorer ses relations avec eux. Le prêt symbolise les bonnes relations diplomatiques de la Chine avec les nations qui accueillent ces ours herbivores. Toutefois, ces derniers sont « loués » et la Chine se réserve le droit de les reprendre, car si le prêt de pandas représente un rapprochement politique, leur rapatriement est le signal d’un refroidissement. C’est ainsi que le zoo de Washington a récemment vu plusieurs pandas repartir vers la Chine. Même situation pour le Royaume-Uni et l’Australie, qui devront bientôt se séparer des leurs.
Rien de très étonnant quand on sait qu’en 2021, ces trois pays ont formé l’Aukus, un accord de coopération militaire pour contrer les ambitions militaires chinoises dans la région du Pacifique. En revanche, pour la France, le prêt des pandas a été prolongé jusqu’en 2027, bien qu’en juillet dernier, un panda né en France en 2017 soit reparti en Chine après avoir fait le bonheur des visiteurs du zoo de Beauval. Pourtant, bien que les relations sino-américaines se soient rafraîchies ces dernières années, à la mi-novembre, Joe Biden et Xi Jinping se sont retrouvés à San Francisco lors du sommet de l’APEC, et le président chinois a laissé entendre que les pandas pourraient faire leur retour en Amérique. Malheureusement pour les Américains, qui aimeraient que ces mammifères reviennent au plus vite, il va peut-être falloir attendre un peu car, lors d’une conférence de presse organisée à la suite de sa rencontre avec son homologue chinois, Joe Biden a qualifié ce dernier de « dictateur ».
Espérons que les pandas n’ont pas le mal de l’air car ils n’ont pas fini de voyager.
Féroce critique du néolibéralisme et de la post-modernité qui soufflent sous nos latitudes, Michel Onfray, philosophe athée, sait malgré tout ce qu’il doit au monde juif et au christianisme. Il explique pourquoi, face à l’islamisme, il soutient Israël et se «battra pour défendre» l’Occident.
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Je parle depuis bien longtemps d’une guerre civile à bas bruit en France. Ce bas bruit est devenu un vacarme épouvantable depuis qu’en réaction au pogrom du 7 octobre dernier infligé par des Palestiniens du Hamas à une population civile désarmée en Israël, on a vu sortir dans les rues d’Europe des peuples hétérogènes qui manifestaient en faveur de deux conceptions du monde radicalement antinomiques.
En France, ce fut un monde globalement blanc et âgé pour les judéo-chrétiens qui, sous le drapeau national, affichaient la nécessité de lutter pour la République contre l’antisémitisme, sans qu’une marée de drapeaux israéliens ne recouvre le tout. En face, et non plus à côté, le monde créolisé des arabo-musulmans, pour utiliser la formule d’Houria Bouteldja, où le drapeau français n’eut pas droit de cité mais où, en revanche, flottaient au vent mauvais quantité de drapeaux palestiniens, algériens ou d’autres pays du Maghreb.
Ceux qui refusent le réalisme tragique que Samuel Huntington expose dans Le Choc des civilisations pour lui préférer la potion magique de l’idéalisme libéral vendue dans La Fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama résistent encore aux leçons données par le réel. Diagnostiquer l’avenir de l’histoire du monde sous le signe du choc des civilisations, ce serait pour d’aucuns créer ce que l’on dénonce, comme si le cancérologue méritait d’être rossé pour avoir annoncé des tumeurs malignes à son patient !
Les éléments de langage des fukuyamistes – je les nomme ainsi – sont simples, sinon simplistes : ils opposent les pays illibéraux, dans le rôle des méchants bien sûr, et les pays démocratiques, dans celui des gentils évidemment. Imbibés de tiers-mondisme, comme on l’est d’un alcool éventé, quelques-uns mobilisent également le territoire et les nations, comme si le territoire et les nations existaient dans le ciel des idées, sans hommes, femmes, enfants, vieillards et morts pour les habiter, des humains qui ne prient pas par hasard Yahvé, l’ancien qui a plus de trois mille ans, Jésus-Christ qui en a deux mille ou Mahomet, le cadet, qui en a mille trois cents, une chronologie qui devrait régler définitivement le problème des préséances : les musulmans ne sauraient occuper une terre deux mille ans avant que leur religion n’existe ! Autant prétendre sans rire que Spinoza vivait dans le Saint-Germain-des-Prés existentialiste.
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Pour qui examine la validité des thèses intellectuelles à la lumière de ce qu’on ne nomme plus la praxis, ce qui a eu lieu dans le monde depuis un demi-siècle invalide la thèse de Fukuyama : qui prétendrait que le libéralisme a conquis la planète entière ?
En revanche, depuis l’arrivée des ayatollahs au pouvoir en Iran en 1979, avec l’aide des Américains qui laissent tomber le shah pour soutenir Khomeiny, l’histoire du monde est moins une affaire d’extension planétaire des marchés que de mondialisation de l’islam.
Israël nomme la résistance occidentale à ce tropisme planétaire.
L’Organisation de la coopération islamique liste cinquante-sept pays musulmans au monde. Les juifs disposent d’un seul État et il s’étend sur 25 000 km2. Les musulmans sont un cinquième de la population mondiale, avec plus d’un milliard et demi d’habitants ; les juifs en totalisent 15, dont sept en Israël. Plus de 6 millions de musulmans en France, pour 600 000 juifs.
Qu’est-ce qui justifie que ce Léviathan géographique et démographique musulman – des milliards de gens vivant sur des millions de kilomètres carrés – ne supporte pas un ciron géographique et démographique comme Israël qui, on l’a beaucoup dit, correspond peu ou prou à deux départements français ?
Réponse : parce que ce pays, ce peuple incarnent un génie qui féconde l’Occident et le rend possible. La Torah, le Pentateuque des chrétiens, autrement dit les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, puis le Nouveau Testament, avec ses quatre évangiles, mais aussi et surtout les épîtres du juif Saül qui se convertit au christianisme et devient le saint Paul que l’on sait, génèrent un judéo-christianisme qui constitue la spiritualité d’une civilisation, à savoir : sa matrice formelle.
D’où vient ce génie juif qui engendre la haine de ceux qui en sont dépourvus ? Non pas d’un peuple élu, cette thèse suppose la croyance en un Dieu électeur, mais d’une invite iconoclaste destinée à se démarquer des religions idolâtres, donc iconophiles, des ennemis de l’époque. Dans son deuxième commandement, le décalogue dit ceci : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces images, pour leur rendre un culte », (Exode 20.4).
Cette interdiction ouvre la porte à l’exégèse et à l’herméneutique qui supposent, via la lecture et le commentaire, la naissance et l’exercice d’une raison affûtée, d’une intelligence performante et d’un génie dans la rhétorique, la sophistique et la dialectique talmudiques. La formidable puissance du Livre s’exprime ici et ainsi.
La civilisation juive est aussi bien celle du chiffre des mathématiciens et des physiciens, sinon des astrophysiciens, que de la note musicale. C’est aussi celle du texte enroulé sur lui-même, déplié, déployé. Le monisme de Spinoza, le matérialisme dialectique de Marx, la relativité d’Einstein, le dodécaphonisme de Schönberg, la psychanalyse de Freud, les Arts incohérents initiés au xixe siècle par Jules Lévy et pillés par l’avant-garde esthétique du xxe siècle, le roman de Proust, le dadaïsme de Tzara, le lettrisme d’Isou créent des mondes qui permettent à leur tour de créer des mondes.
Les chrétiens procèdent du judaïsme, on le sait : Jésus était juif, saint Paul aussi. Les juifs annoncent un messie à venir en affirmant qu’il sera ainsi, dira cela, enseignera telle chose, se comportera de telle manière. Des juifs hétérodoxes, eux, disent qu’il n’est plus à venir car il est déjà venu et que, comme par hasard, il a dit ceci, il a fait cela, il a enseigné telle chose, il s’est comporté de telle manière. Le psaume XXII.2 prophétise qu’il dira : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et, toujours comme par hasard, ce sont les dernières paroles très exactement prononcées mille ans plus tard par le Christ sur sa croix.
Cette fiction suppose chez les chrétiens un goût particulier pour l’allégorie, le symbole, la parabole, l’image, la métaphore mais aussi, et surtout, après un long débat tranché par les conciles, le choix de l’iconophilie qui induit un autre genre de civilisation que la civilisation juive. Civilisation de l’icône, de l’image, de la peinture, donc de l’art occidental– et des images photographiques, cinématographiques, pixélisées, virtuelles.
Défilé militaire des Brigades Al-Qods, l’aile armée du Jihad islamique palestinien, Gaza, 7 octobre 2023. « C’est le lieu chimiquement pur de la charia, autrement dit : un État théocratique. » (c) Omar Ashtawy/APAIMAGES/sipa
La signature de l’islam n’est pas dans l’herméneutique et l’exégèse, ni dans l’allégorie et le symbole. Cette civilisation est elle aussi iconoclaste, elle refuse en effet l’image qu’elle associe aux idolâtres, mais elle s’interdit le commentaire de son texte, le Coran, car il est présenté comme un discours tenu par Dieu lui-même auquel on ne saurait changer quoi que ce soit sans commettre un blasphème fatal. Le Coran dit :« La religion, aux yeux de Dieu, est vraiment la soumission » (III.19). Et se soumettre, ça n’est ni réfléchir ni analyser, ni penser ni figurer, ni raisonner ni représenter, ni symboliser ni imaginer, mais obéir.
S’opposent donc de façon dialectique l’herméneutique juive, la symbolique chrétienne, donc l’exégèse allégorique judéo-chrétienne, et l’obéissance musulmane. L’islam suppose donc l’apprentissage du Coran par cœur, j’ai vu des écoles coraniques en Mauritanie et au Mali, à l’époque où l’on pouvait encore s’y rendre, et constaté de visu l’obéissance aveugle à l’imam qui, auprès des enfants, fonctionne en directeur de conscience, en maître spirituel et en instructeur des corps, des coeurs et des âmes.
Ceux que la religion condamne à répéter ne sauraient aimer ceux qui, en face d’eux, inventent, créent, innovent, découvrent, imaginent. L’éthologie qui fait la loi entre les mammifères la fait aussi entre les peuples et les civilisations.
L’époque interdit désormais de parler en termes de peuples, de génie des peuples, de civilisations, de différences entre les civilisations – j’écris bien différences et non inégalités – au nom d’un universalisme idéel peuplé d’abstractions humaines. Le refus de convenir qu’Huntigton dit vrai suppose un cerveau embué par les fumées universalistes. Il n’y aurait pas d’esprit des peuples pour la bonne et simple raison qu’il n’y aurait pas d’esprits et pas de peuples !
Les juifs, eux, témoignent que pareilles théories sont des sottises. Et ils le font avec un livre, autour d’un livre qu’ils veulent comprendre plutôt que de l’apprendre par coeur. C’est le vieux débat de la tête bien faite contre la tête bien pleine, cher aux humanistes de la Renaissance.
Une civilisation de la tête bien pleine se condamne à l’immobilisme, à la répétition. Peut-on penser et vivre à l’ère des vols interplanétaires comme dans le désert d’Arabie du viie siècle de l’ère commune ? Les islamistes répondent oui, on le sait.
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Je suis un pur produit du judéo-christianisme et je me sens chez moi quand je suis à Jérusalem et plus encore à Tel-Aviv. Chestov fit un livre notable intitulé Athènes ou Jérusalem ? Autrement dit : la raison grecque ou la foi juive ? Athènes et Jérusalem ont existé ensemble : non pas opposées, nécessitant le choix de l’une, donc l’éviction de l’autre, mais et Athènes et Jérusalem en même temps : c’est le judéo-christianisme mélangé aux gréco-romains.
La question qui se pose désormais n’est plus la même, l’opposition non plus. Ce pourrait être : Paris ou Gaza.
On dit peu qu’à Gaza, la civilisation islamique existe à l’état pur depuis qu’Israël a laissé la gouvernance de ce territoire au Hamas en juillet 2007, soit depuis seize années. Qu’ont-ils fait de cette terre, de leur terre ?
C’est le lieu chimiquement pur de la charia, autrement dit : un État théocratique. Depuis la proclamation, en France, de la République, la théocratie est une référence caduque.
Si l’on demande à Amnesty International ce qu’il pense des droits de l’homme à Gaza, alors que l’on connaît l’orientation politique de cette organisation humanitaire qui communique en écriture inclusive, on comprend qu’ils sont le cadet des soucis du Hamas qui dirige cette terre palestinienne. Voici la réponse : liberté d’expression, liberté d’association et liberté de réunion bâillonnées ; « climat de répression » contre la population qui manifeste contre la vie chère ; détentions arbitraires en prison ; actes de torture contre des prisonniers ; disparitions d’otages ; meurtres en quantité de femmes par leur famille ; refus d’enregistrer les plaintes contre les violences faites aux femmes dans les commissariats de Gaza ; sauvageries homophobes dans les rues sous le regard de la police qui laisse faire ; traque des homosexuels sur les réseaux gay ; « vague d’incitation à la violence et de discours haineux à l’encontre des personnes LGBTI et des féministes qui n’a donné lieu à aucune enquête des autorités », selon les termes mêmes d’Amnesty ; corruption de la justice et de la police ; usage de la peine de mort : 27 condamnations à mort en 2022, soit une tous les quinze jours ; transformation de peines de réclusion criminelle à perpétuité en peine capitale.
Ajoutons à cela : interdiction d’avorter, autorisation des répudiations des épouses par les maris, ratification de la polygamie. Faut-il préciser qu’il n’est bien sûr pas question à Gaza de gestation pour autrui, de mariage homosexuel ou d’adoption d’enfants par des couples du même sexe ?
Où l’on voit à quoi ressemblerait un plein État palestinien en terre d’Israël, un pays dont le Hamas annonce dans sa Charte qu’il a pour objectif de supprimer purement et simplement « l’entité sioniste », un projet commun aux Iraniens.
Théocratie, misogynie, phallocratie, patriarcat, homophobie, bellicisme, antisémitisme, virilisme, peine de mort : voici les valeurs de la civilisation islamique. Faut-il lister en face les valeurs d’Israël et du judéo-christianisme ? Facile : c’est très exactement l’inverse !
Quand les compagnons de route islamo-gauchistes du Hamas traquent dans la France décadente la grossophobie, la glossophobie, le spécisme, le carnisme, les écocides et que, de ce fait, ils défendent la surcharge pondérale, l’accent des banlieues plutôt que l’accent ch’ti, les piqûres de moustique, car elles sont des mères de famille comme les autres, et la cohabitation avec les rats, les punaises de lit et autres « animaux liminaires », les transports en trottinette et autres marqueurs wokistes de la sous-culture maastritchienne, les tueurs du Hamas, qu’ils défendent aussi, abattent des enfants, décapitent leurs parents, éventrent des femmes enceintes, rafalent des familles désarmées, violent, torturent des personnes âgées, pillent les maisons qu’ils aspergent de sang, de cervelle et de viscères, mutilent des cadavres, humilient et capturent des otages comme les tribus primitives au début de l’humanité.
Cette soldatesque pratique la guérilla : en tatanes sur des petites cylindrées, aux commandes d’ULM, transportés dans des pick-up, déplacés en véhicules civils, armés de kalachnikovs, aidés de drones de loisir, ces mercenaires de l’enfer réactivent les pogroms. Désemparé, surarmé, disposant de l’arme atomique et d’un matériel militaire de haute technologie ici inutiles, vaincue sur le terrain du renseignement, l’État d’Israël perd une première bataille avec ce « Déluge d’Al-Aqsa ».
Les catégories de la guerre napoléonienne sont ici inutiles. Potasser De la guerre de Clausewitz ne sert à rien : à quoi bon les porte-avions américains qui croisent au large de la bande de Gaza ? Ou la bombe atomique dans un silo quelque part sur la terre d’Israël ? C’est de « la petite guerre », ainsi que la nommait le même Clausewitz, qu’il est désormais question – de la guérilla.
Détruire les populations civiles palestiniennes ne sert à rien quand le gouvernement terroriste du Hamas choisit de ne pas mettre sa population à l’abri dans les 500 kilomètres, dit-on, de souterrains dans la bande de Gaza, et que ce cerveau politique se trouve probablement à l’abri dans des pays étrangers identifiés dans lesquels Israël ne peut intervenir sans créer une guerre mondiale – Qatar, Arabie saoudite, Liban, Iran probablement.
Ne pas abriter sa population dans les boyaux de Gaza, c’est, pour le Hamas, prendre sciemment sa population en otage : c’est décider de la faire tuer par des soldats israéliens avant d’accabler ceux qui tirent. Qui peut soutenir un pays qui tient son peuple dans une telle sujétion ? Les islamo-gauchistes, la gauche française, la Nupes réactivent de façon cynique et immorale les fantômes de la division Das Reich qui a opéré sur des populations civiles innocentes, elles aussi, à Oradour-sur-Glane.
Dans cette guerre de civilisation, les adversaires sont clairement identifiés. Les amis et les ennemis aussi. Les figures du Résistant et du Collaborateur reprennent du service – militaire.
Je n’ai jamais trouvé que défiler sur des chars à demi-nu avec des plumes de couleur fichées dans le derrière soit un sommet de civilisation judéo-chrétienne, j’y verrais même plutôt un signe inverse, mais c’est la mienne et je me battrai pour la défendre. Car je préfère cette vieille civilisation bosselée, couturée, balafrée, cacochyme, ridicule parfois dans la jouissance prise à son nihilisme, à une autre dans laquelle on précipite les gays du haut d’un immeuble en criant Allah Akbar ! On sait déjà, en France, qui collabore à ce genre de projet de société.
L’armée israélienne résiste : on peut lui faire le procès de la méthode. Qui sait mieux ? Qui peut mieux ? Qui fait mieux ? Qui propose mieux ? Des congrès, des rencontres, des négociations, des tables rondes ? De la diplomatie, secrète ou non ? Des dessous de table effectués dans les monarchies pétrolières du Golfe avec pays tiers qui se gobergent en passant ?
Quand un État, car Gaza et la Cisjordanie en constituent un, quoiqu’on en dise, quoi qu’on en pense, veut en détruire un autre et s’y attelle, qu’il a avec lui au moins un pays qui dispose de l’arsenal nucléaire, que l’oumma se trouve massivement derrière lui avec ses millions de fidèles, tous ceux qui fixent le doigt au lieu de regarder la lune sont gravement coupables. Des guerres mondiales se sont déclarées pour beaucoup moins que ça.
Un grand nombre de pays — ceux qui ont décrété dans l’affolement la suspension des cours sous prétexte d’une épidémie qui n’a touché ni les élèves ni les enseignants — dévissent dans la dernière enquête PISA réalisée en 2022. Oui, mais les « tigres » du sud-est asiatique (et quelques pays à jacobinisme dur, comme l’Estonie) non seulement résistent mais s’améliorent. Les conditions d’enseignement et les programmes débilitants sont-ils cependant seuls responsables du « choc » PISA ? se demande notre chroniqueur.
En 2000, après la parution de la première enquête PISA, l’Allemagne s’effara — et sous l’effet du choc, décréta une série de mesures qui permit à l’école d’outre-Rhin de regagner les places perdues.
C’est que les Allemands vivaient dans le mythe de l’école instituée par Bismarck dans les années 1860 — une école de grande qualité qui permit à l’armée prussienne d’enfoncer les Français en 1870. Ferdinand Buisson, futur grand conseiller de Jules Ferry (les lois Ferry, c’est lui, et pas le politicien corrompu dont elles portent le nom) transposa les règles de cette école en France — et la structure implacable du système scolaire de la IIIe République permit à la France de remporter la guerre de 14-18 et de développer son industrie au même niveau que son puissant voisin : l’exposition universelle de Paris en 1889 en fut la démonstration éclatante, et la Tour Eiffel fut un symbole assez éclatant pour qu’on décide de la pérenniser, alors qu’on devait la démonter.
L’Allemagne découvre les joies de l’immigration massive
L’Ecole vit de mythes — comme les nations. En 2000, en Allemagne, le mythe bismarckien était toujours vivace. En 2023, le mythe républicain en France est éparpillé façon puzzle. À part les enseignants « républicains », attachés à la transmission des savoirs, le gros des troupes a adopté le délitement général produit par les chocs successifs — et bien réels — du collège unique en 1976, de la loi Jospin en 1989, du Protocole de Lisbonne en 2000 et de la réforme de Vallaud-Belkacem en 2016. Sous ces coups de boutoir accumulés, que reste-t-il du mythe propagé jadis par Péguy des « hussards noirs » de la République ? Et soudain l’école allemande, cette année, s’effondre à nouveau. Quel mauvais génie…
Alles geht schief, doch die Regierung baut sich wenigstens quietschvergnügt ein riesiges Sparschwein aus Schnee – so sehen Thomas Plaßmann, Klaus Stuttmann und Chappatte das aktuelle Geschehen. Die Cartoons der Woche. https://t.co/pVYHmLkM5a
Sur le tableau : « Etude Pisa – les plus mauvais résultats allemands » L’élève : « Pisa (Pise) est une ville en Espagne! »
Écoutons ce qu’en disent les Allemands : « Le système scolaire allemand reste particulièrement injuste sur le plan social, constate Silke Fokken du Spiegel. Les performances des élèves dépendent davantage de leur origine sociale que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. L’effet de l’immigration est également supérieur à la moyenne. »
Comme le souligne Emmanuel Berretta dans Le Point, « l’Allemagne s’est montrée accueillante avec de très nombreux immigrés après la crise syrienne de 2015. La proportion des élèves issus de l’immigration a donc bondi de 13 à 26 % entre 2012 et 2022. Parmi eux, 9 % sont nés à l’étranger et ne sont arrivés que depuis quelques années (2 sur 10 avant l’âge de 5 ans et autant après l’âge de 12 ans). Cela se ressent dans l’apprentissage. En mathématiques, les enfants d’immigrés enregistrent 59 points de moins que les autres, une différence qui correspond à l’équivalent de trois années scolaires. Des résultats « alarmants », selon les termes des analystes éducation de l’OCDE. »
Eh oui : quand l’enfant ne parle pas allemand à la maison, il est pénalisé à l’école. L’immigration pose donc un défi énorme au système éducatif allemand, relèvent les journaux allemands dont Die Welt. Et Marie-Estelle Pech en rajoute une couche. Dans Marianne, pas dans Minute. Ce n’est pas l’extrême-droite qui proteste, c’est le principe de réalité qui revient pleine face.
En tête de PISA, des pays épargnés par l’immigration
En France, ce décrochage dû à une immigration massive a eu lieu à la fin des années 1970, par la grâce conjuguée du collège unique et, la même année, du regroupement familial. Nous avons vu arriver en classe, où ils entraient sur le seul critère de l’âge, des dizaines de milliers de jeunes Maghrébins. Personne ne me fera dire qu’ils étaient moins intelligents que les petits Français. Mais ils ne parlaient qu’un français illusoire, qui ne leur permettait pas de comprendre les cours de Français — et aussi tous les cours où il faut lire et saisir un énoncé.
Nous ne sommes jamais remontés de cette dégringolade. Plutôt que de tenter de la freiner, en détachant par exemples ces élèves en grande difficulté pour leur administrer des cours de Français Langue Étrangère dans des établissements dédiés, nous avons préféré les noyer dans le melting pot de la « massification ».
Remarquons au passage que les pays qui caracolent en tête du classement, Chine, Japon, Corée, Singapour et Estonie — sont peu touchés par l’immigration : la plupart d’entre eux ont cadenassé leurs frontières il y a bien longtemps. Cela donne aux débats actuels sur la « loi immigration » un aspect incongru. Soit nous acceptons des étrangers, et nous les formons en les dépaysant complètement — y compris en les éloignant pendant quelques années de leur famille, de leur ghetto et de leurs « grands frères » —, soit nous continuons la dégringolade scolaire au nom des grands principes. Joachim Le Floch-Imad a bien raison de dire dans Le Figaro que l’immigration est aujourd’hui le grand tabou français en matière d’éducation : « Les résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration sont tout d’abord nettement inférieurs à la moyenne, ce qui contribue à notre déclassement dans les études internationales. Cela favorise par ailleurs l’hétérogénéité des classes, déjà importante du fait de la massification, et conduit dès lors de nombreux professeurs à aligner leurs exigences sur le niveau des plus faibles. L’ensemble des statistiques à notre disposition accrédite ce constat », précise-t-il.
La proposition de Gabriel Attal de revenir sur le collège unique en instituant des classes de niveau n’est pas, quoi qu’en disent les amateurs de désordre, une mauvaise idée, mais elle risque de se heurter à la réalité du terrain. Pour que ça marche, il faut que les élèves les plus faibles soient regroupés dans des classes à faibles effectifs, avec des horaires renforcés. Où allons-nous trouver les enseignants capables de les prendre en charge, alors que les jurys renâclent à recruter les ânes bâtés qui se présentent devant eux ?
J’ai peur — c’est un euphémisme — que les conseillers du ministre, qui font de l’excellente communication, ne connaissent rien à la réalité de l’Ecole. Et qu’aux effets d’annonce succède un néant pédagogique. Mais après tout, dans quatre ans, quand paraîtra la prochaine étude PISA, qui ira reprocher au maire de Paris, Gabriel Attal, les errements de ses successeurs ?
"94 Degrees in the Shade", tableau de Lawrence Alma-Tadema, 1876. DR.
Le critique belge Christopher Gérard nous amène dans un voyage au pays des dissidents, chez les réprouvés de la République des Lettres, dans une galerie de portraits exécutés à la manière d’un maître de la Renaissance…
Nous sommes en famille. En confraternité. En déshérence, aussi. Car, bien seuls, dans l’univers éditorial, j’allais écrire carcéral. Ils sont tous là, les vieux oncles ronchons, les stylistes interdits, les hussards de première cordée, les jeunes réactionnaires, les philosophes en rupture de ban et les copains de ma génération. L’ordre alphabétique m’a affreusement avantagé car je me glisse entre le glam-rocker stéphanois, mon camarade Jean-Pierre Montal et le voyageur pressé en 300 SL papillon, Paul Morand, non loin du druide populiste Olivier Maulin. Qui sont donc ces « Nobles Voyageurs » qui paraissent aux éditions de La Nouvelle Librairie ? Une réunion de réfractaires, d’insoumis assurément, d’écrivains qui, chacun à leur manière, tentent de dire leur vérité par les mots et traduisent le déshonneur de nos sociétés marchandes par le roman ou l’essai. Des désenchantés pour la plupart, certains plus amers que d’autres, des indisciplinés que vous ne verrez pas souvent sur les plateaux de télévision ; ils portent en eux une exigence ombrageuse et ce côté batailleur qui s’oppose à la mollesse générale de notre temps ; souvent même, ils sont carrément bannis des librairies.
Mauvais garçons
Tous ces non-alignés sont animés par un seul homme, Christopher Gérard, critique, lecteur d’élite et propagateur d’une certaine forme de littérature. « Mon idéal littéraire ? La littérature comme sacerdoce. L’écriture comme théurgie, comme exaltation de la beauté du monde visible et invisible », écrit-il. Est-ce un possédé ? Un esthète assoiffé de pureté ou de magie ? Un de ces piliers de bibliothèques qui ne trouvent réconfort et nourriture intellectuelle que dans une lecture compulsive et abrasive de l’âme ? Nous ne sommes plus tellement habitués à rencontrer des critiques qui s’agenouillent devant la littérature, non par réflexe victimaire ou sous le joug d’une quelconque idéologie, au contraire, par une sorte d’élévation spirituelle et de gourmandise qui les poussent, sans cesse, à combattre l’apathie et le reniement du monde. Ces « Nobles Voyageurs » sont une prolongation nettement enrichie de Quolibets, livre paru en 2013 qui « passe de soixante-huit portraits d’écrivains à cent vingt-deux ». À la fierté d’appartenir à cette cohorte de « mauvais garçons », je me suis surtout régalé en lisant ce photomaton littéraire, ces instantanés rigoureux, presque militaires, soutenus par une plume d’excellence. C’est ce qui fait la différence, à la fin, quand même les idées n’ont plus de sens, le style demeure, intact, vibrant ; à l’os, il bouge encore.
Christopher Gérard écrit comme les officiers britanniques chassent à courre, avec une précision dans l’attaque, une attention de l’expression juste, un souci d’équilibre dans l’éloge comme dans l’éraflure, il réussit à garder ses nerfs et sa veste de tweed parfaitement droite, à ne pas s’enflammer sur un auteur pourtant inconstant, son sang-froid est le signe d’une belle érudition et d’un véritable sens du partage. Je n’ai pas oublié son toucher de plume, je me souviens de son roman Le Prince d’Aquitaine paru chez PGDR en 2018, de cette nostalgie ébréchée, digne, jamais larmoyante et cependant, déchirante de sincérité. Dans les interstices, il excellait à retranscrire l’angoisse et la douleur.
Christopher Gérard, héritier de Pol Vandromme
En ouvrant ce solide volume de plus de 450 pages, j’ai vacillé, j’ai vu le fantôme de Pierre-Guillaume de Roux, ce grand échalas en duffle-coat m’est apparu dans sa soupente de la rue de Richelieu. Il me souriait. Je dois ajouter que je n’ai pas été formé à la littérature dans une université qui fiche les écrivains par obédience politique mais par Pol Vandromme. Le Belge m’a ouvert les portes d’un monde dont j’ignorais la fantaisie et la diversité (la vraie), je me suis alors promené de Tintin à Jacques Perret, de Brassens à Nourissier. Christopher Gérard est son héritier le plus légitime, le plus fidèle, le plus délicat. « Les Nobles Voyageurs » peuvent se lire dans toutes les directions possibles, en touriste sourcilleux, vous suivrez l’alphabet, pas à pas ; moi, je l’ai pratiqué en cabotage, au gré de mes envies buissonnières, sans plan défini, le coude à la vitre d’un Spider italien, d’abord en piochant chez les anciens, les Déon, Drieu, Marceau, Laurent, Laudenbach, puis n’écoutant que mon instinct, j’ai pris les chemins de traverse, je suis tombé sur Guy Dupré : « Les fiancées sont froides est en effet un livre fétiche, qui génération après génération, envoûte une poignée de lecteurs séduits par le ton incantatoire, unique dans les Lettres françaises contemporaines, et par le style elliptique comme par l’ironie doucement féroce » ou sur Jean-Baptiste Baronian que Gérard qualifie « d’ogre » tant son savoir est encyclopédique. Je fais mienne la formule de François Valery : « Aimons-nous vivants / N’attendons pas que la mort nous trouve du talent ». Christopher Gérard ne s’intéresse pas qu’aux morts dans sa galerie de portraits, il nous éclaire, avec brio, sur l’œuvre de confrères hautement estimables. Je pense ici à Stéphane Barsacq, Thomas Clavel, Rémi Soulié, Michel Lambert, Thierry Marignac, Bruno Lafourcade ou Michel Orcel. Croyez-moi, la place des « Nobles Voyageurs » est sous le sapin !
Les Nobles Voyageurs de Christopher Gérard – éditions La Nouvelle Librairie, 466 p.
Devant ses militants, Éric Zemmour a rappelé que la ville de Saint-Malo (35), ravagée par les bombardements au sortir de la guerre, un peu comme notre France atomisée, s’est reconstruite en 10 ans seulement. Autre signe encourageant: pour ce nouveau déplacement breton, les antifas ne sont pas parvenus à se joindre à la fête.
Le lieu avait été soigneusement gardé secret jusqu’au dernier moment par les organisateurs. C’est finalement dans une belle demeure du XVIIème siècle que les militants de « Reconquête ! » ont commencé à se retrouver, samedi dernier, à Saint-Malo, pour un meeting de Noël. Ils sont venus de l’Est breton et d’un peu plus loin, pour le passage d’Éric Zemmour dans la cité corsaire.
Reconquête aime les hommes en jupe !
En Bretagne, on assume un folklore celtique. Dans la cour du cossu domaine, un militant, en kilt, a même joué quelques airs de cornemuse. On ne dira pas que « Reconquête ! » n’aime pas les hommes en jupe !
Le vrai clou de la soirée, ce fut le discours d’Éric Zemmour. Arrivé en fin d’après-midi dans la cour, il débute quelques heures plus tard son intervention devant 400 militants, dans une pièce pleine à craquer. Zemmour a salué la gloire et le prestige de la ville malouine, les grandes figures locales, Surcouf et Chateaubriand, et a fait un parallèle entre l’histoire de la cité et le destin possible de la France. Il a rappelé que Saint-Malo avait été bombardée et détruite à plus de 80% par les Alliés en 1944 mais qu’elle a su se reconstruire, non pas à l’identique mais de façon respectueuse de son architecture et de son identité, en moins de dix ans. La France aussi pourrait se redresser très vite, selon le président de « Reconquête ! », à l’aide de quelques mesures efficaces.
Requinqué par l’air malouin après une ballade sur les remparts, Eric Zemmour était d’humeur optimiste, ce soir, malgré les drames qui se sont accumulés au cours de cet automne, d’Arras à Crépol, en passant par le pont de Bir-Hakeim. Dans cette ambiance morose, il a voulu regonfler à bloc ses troupes. Jamais peut-être l’analyse développée par Zemmour depuis quinze ans n’avait été autant validée par les faits, et dans le pays, l’état des esprits change. Le candidat à la présidentielle arrivé quatrième a tenu à marquer sa différence avec le RN de Marine Le Pen, laquelle refuse de parler de « guerre de civilisation ». Il a en revanche salué – « à la condition que ce ne soit pas que pure communication politique » les premiers mois de Gabriel Attal à la tête du ministère de l’Éducation nationale, « sa défense de la laïcité et des matières fondamentales à l’école ». Plus tard dans la soirée, le président du parti a glissé, en plus petit comité : « La grande différence avec Marine Le Pen lors de la campagne, c’est que j’ai considéré que le vrai adversaire était Mélenchon. Elle a considéré que c’était Macron ». Si le président de « Reconquête ! » a rappelé l’incompatibilité de l’islam et de la République, il a tenu à saluer l’attitude des parents d’Armand Rajabpour-Miyandoab, l’assaillant du 4 décembre, qui se sont complètement désolidarisés de leur fils et ont demandé pardon à la France. Une première, de mémoire de polémiste, depuis le début de la vague d’attaques djihadistes, en 2012.
Les antifas ne se sont pas ramenés pour le dessert
Avant que le meeting ne commence, une certaine appréhension parcourait les esprits de quelques militants. Saint-Malo ne se trouve qu’à 70 kilomètres de Rennes, bastion de l’activisme « antifa ». Dans la capitale rennaise, baigne depuis des années une atmosphère de terrorisme intellectuel. Un militant me montre les images d’un local « Reconquête ! », vandalisé cet automne, avant même son inauguration. « Le lieu avait été tenu secret. Un gars de chez nous a été suivi ». Sur Instagram, les « antifas » font des fiches et balancent des noms des principales figures militantes de droite du coin. Le souvenir du meeting de Zemmour organisé à Pleurtuit – à quelques kilomètres de Saint-Malo – en octobre 2021, était présent encore dans quelques têtes. Un comité d’accueil chaud bouillant de militants d’extrême gauche avait hué le futur candidat et ses sympathisants. À Brest, en juin 2023, les choses sont allées plus loin, avec intervention des CRS et un blessé de chaque côté. Alors, à Saint-Malo, ce samedi, les sections de la gauche locale, PS, LFI et NPA en tête, s’étaient donné rendez-vous à la gare. Environ soixante sexagénaires s’étaient mobilisés ; moins professionnels que les « antifas » rennais, ils ont cherché en vain le lieu du meeting puis sont rentrés chez eux, bredouilles.
Il faut dire que le gros des troupes antifas de l’Ouest de la France était occupé au Mans, pour contrer une mobilisation de royalistes sarthois qui se tient là chaque année en décembre. Mobilisation qui n’avait pas été annoncée cette année et qui n’a finalement pas eu lieu… En lutte contre une manifestation fantôme, les antifas se sont défoulés sur deux établissements de nuit manceaux, visés, d’après Ouest-France, à cause des prétendues sympathies « d’extrême droite » de leurs propriétaires…
Le parti pris propalestinien de cette opposante à l’islamisme en a surpris plus d’un. Hier, Valérie Pécresse a annoncé retirer le prix Simone Veil remis en 2019 à la militante: « Ses récentes déclarations quant aux tragiques événements survenus en Israël et dans les territoires palestiniens depuis le 7 octobre – dont son retweet d’un parallèle entre Auschwitz et la riposte israélienne contre les terroristes du Hamas à Gaza- sont outrancières et choquantes » a expliqué la présidente de la Région Ile-de-France.
Sur Twitter, le profil de l’influenceuse et ex-Charlie Hebdo Zineb El Rhazoui est désormais illustré par le drapeau palestinien. Depuis le 13 novembre, celle qui était jusqu’alors connue comme une passionaria de la laïcité, menacée par les islamistes, consacre l’intégralité de ses messages à soutenir la cause arabe, à dénoncer un « nettoyage ethnique » qui serait en cours depuis soixante-quinze ans. Elle va jusqu’à partager les messages des députés LFI « pro-pal » les plus en pointe, comme Antoine Léaumant ou David Guiraud ! C’est qu’après avoir laissé son compte Twitter « en jachère pendant des mois », Zineb affirme « ne plus arriver à se taire », qu’il en irait de « sa conscience et de son devoir d’être humain ».
Elle se révolte qu’il y ait eu – mais ce sont là des chiffres du Hamas – plus de morts à Gaza en un mois qu’en Ukraine pendant un an, et ne reconnaît plus ses anciens amis. Commençant modestement certaines de ses missives par « Bonjour humanité », réclamant ardemment un cessez-le-feu, elle se dit « extrêmement triste de voir des gens qu’elle estime s’indigner à juste titre du massacre du 7 octobre en Israël, et justifier que l’on tue de façon arbitraire et disproportionnée dix fois plus de vies humaines à Gaza. Une vie ne vaut-elle pas une vie ? »
Qui sont ces « gens » qu’elle accuse ? On peut se demander si Macron n’en fait pas partie, lui qui dans un premier temps était accommodant avec Israël, lui qui l’a humiliée en lui faisant miroiter le temps d’une réélection la dixième circo des Français de l’étranger – comprenant Dubaï où elle vit avec son richissime mari. Si elle prend encore plus de distances par rapport à Macron, dont elle a soutenu la candidature en 2022 (malgré le fait qu’il trouve « beau » le spectacle d’une femme « voilée et féministe » à Strasbourg pendant l’entre-deux-tours), ce n’est pas pour se rapprocher des droitards qui auraient voulu enrôler la pourfendeuse de l’islamisme dans leur lutte contre l’immigration musulmane. Reste à savoir quel accueil serait réservé à Zineb dans une marche pour Gaza. D’autant qu’y figurent en nombre les LFI, dont le grand mufti Mélenchon s’affirme un peu plus chaque jour comme un « accélérationniste » de cette communautarisation de la France qu’elle avait longtemps combattue.
Le rectorat de Paris entend fermer certaines classes préparatoires parisiennes à la rentrée 2024. Cette décision concernant l’un des derniers bastions de la méritocratie suscite incompréhension et inquiétude…
Le verdict est tombé le 13 novembre dernier : quatre classes préparatoires parisiennes (CPGE) sont menacées d’être fermées à la prochaine rentrée sous prétexte qu’elles ne se seraient pas assez attractives et trop coûteuses. Parmi ces classes, deux prépas littéraires, l’hypokhâgne de Lamartine (IXe) et une khâgne de Chaptal (XVIIe), qui pourtant attirent de plus en plus d’élèves depuis des années. Comme le rapporte la pétition lancée par des élèves et professeurs du Lycée Lamartine et du Lycée Chaptal, signée par presque 10 000 personnes, les candidatures Parcoursup augmentent très fortement et le nombre d’inscrits en classes préparatoires littéraires est en hausse de +1,2%. Pourquoi le recteur de l’académie de Paris s’acharne-t-il alors à fermer ces classes réputées pour leur exigence et leur réussite ?
Un fleuron français
Loin d’être anecdotique, cette décision s’inscrit dans une entreprise plus globale qui vise à remettre en cause la légitimité des classes préparatoires, soupçonnées d’être coûteuses et élitistes. Contrairement aux idées reçues, les classes préparatoires sont gratuites, ouvertes aux bacheliers de toutes origines, et accueillent un nombre important d’élèves boursiers : le recrutement dans ces filières d’excellence ne se fait pas sur l’indice de position sociale (IPS) mais uniquement sur les résultats scolaires. Qu’il s’agisse des grands lycées parisiens ou des « petites » mais non moins prestigieuses prépas, cette « singularité française » reste l’un des derniers fleurons de l’École de l’excellence et de la méritocratie. Élitiste ? Oui, mais au sens de l’élitisme républicain qui permet aux meilleurs, d’où qu’ils viennent, d’accéder aux plus hautes fonctions. Coûteux ? Un étudiant de classe préparatoire coûte un peu plus qu’un étudiant à l’Université, mais cette formation exigeante et rigoureuse, qu’il intègre ou non une grande école, le mènera au bout de son cursus et lui assurera de trouver un travail. La classe préparatoire est donc un bon investissement pour l’État !
Aujourd’hui, l’ascenseur social est en panne depuis des décennies : de fait, nombre d’élèves issus de milieux modestes ont moins de chances de s’inscrire en prépas et d’accéder aux grandes écoles. Si l’Ecole est devenue un système de reproduction sociale, de plus en plus inégalitaire, ce n’est pas pour les raisons invoquées par ces démagogues qui rêvent de voir disparaître les classes préparatoires et les concours en général. C’est parce que l’Ecole ne remplit plus sa mission de promotion par le mérite et l’excellence. C’est dès l’école primaire qu’il faut permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même, partout sur le territoire national, grâce à un enseignement aussi exigeant dans un établissement rural, qu’en banlieue ou en centre-ville. C’est le renoncement à cette exigence qui a disparu, faisant pour premières victimes les enfants qui n’ont pour patrimoine que le savoir et la culture offerts par l’École. Beaucoup de beaux potentiels se voient abandonnés et assignés à résidence, faute d’avoir fréquenté le bon établissement et d’avoir été repérés par des professeurs compétents.
Mais que va faire le sémillant Monsieur Attal?
Au lieu d’encourager ce que notre système produit de meilleur, les élites ont trouvé dans les classes prépas un bouc émissaire idéal. Alors qu’elles sont elles-mêmes, pour une bonne part, issues des grandes écoles (ENS, ENA, Polytechnique, Science Po), ces élites accusent sans mal ces filières d’excellence de tous les maux. Depuis Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, les ministres de l’Education nationale ont intégré l’idée que, pour rendre l’école égalitaire, il fallait abattre ce dernier bastion d’élitisme, devenu injustifiable à leurs yeux. Comble de cynisme et d’égoïsme d’avoir bénéficié d’une formation d’excellence et d’en priver les générations à venir !
Reste à savoir ce que va faire M. Attal, notre sémillant ministre de l’Education nationale, lui qui s’est toujours présenté comme le défenseur d’une école de l’exigence. Il a annoncé une série de mesures destinées à remettre le savoir au centre de l’enseignement. Mais il n’a encore pas contredit l’annonce faite par le rectorat de fermer des classes prépas parisiennes, malgré les appels lancés par plusieurs associations d’élèves et de professeurs de classes préparatoires. Nous avons là une formidable occasion de juger l’homme à ses actes : Gabriel Attal sera-t-il le réformateur de l’école républicaine, qu’il prétend être, en sauvegardent ce qu’elle produit de meilleur ? Ou bien va-t-il laisser entériner l’effondrement de notre système éducatif ? Ce qui est certain, c’est que cette affaire est révélatrice de la façon dont le gouvernement, par le rectorat, entend cacher l’effondrement de notre École en s’attaquant à ce qu’elle a de meilleur. Derrière la menace de suppression de certaines classes, c’est tout le système des classes préparatoires qui se trouve visé, dernier vestige de la méritocratie qui a fait le prestige et le rayonnement de notre école.
Valerie Solanas (1936-1988), intellectuelle féministe radicale américaine, surtout connue pour avoir tenté d’assassiner Andy Warhol, a diffusé à partir de 1967 un brûlot écœurant appelant à l’éradication du sexe masculin, Scum Manifesto. Des féministes radicales contemporaines bien de chez nous continuent pourtant de l’encenser (Lauren Bastide, Alice Coffin…). Lorsque le pamphlet est réédité par Les 1001 Nuits en France, en 2021, Le Monde le met en couverture de son magazine, c’est tellement avant-gardiste et tellement chic!
Admettons que j’écrive « le juif est un accident biologique », ou « être un juif, c’est avoir quelque chose en moins », « ils seront passés au gaz ». Ou encore : « Un dégénéré ne peut que produire de l’« art » dégénéré. L’artiste véritable, c’est tout aryen sain et sûr de lui », « la vie des aryens doit primer celle des juifs ». Cela ressemble à du nazisme, nous sommes d’accord ? Eh bien, remplacez « juif » par « homme » et « aryen » par « femme », et vous avez un texte de gauche ! Le fameux Scum Manifesto[1] de Valerie Solanas, féministe radicale devant l’Éternel, que dis-je, l’Éternelle.
Ce Mein Kampf du féminisme ne proposa rien de moins que l’extermination des hommes à l’exception généreuse de ceux qui déclareraient être « une merde minable et abjecte » (exercice auquel bon nombre de petits fayots à gauche se plieraient sans peine). En gros, la thèse principale de cet écœurant galimatias est que les hommes sont des sous-êtres qui méritent d’être exterminés pour que le « sexe supérieur » (l’expression est de moi, dans sa radicalité Solanas n’en a pas eu l’audace) puisse trouver son plein épanouissement.
Visionnaire
Véritable exercice d’humiliation de la gent masculine, le manifeste explique que l’existence des mâles n’est pas digne d’être vécue. Un homme n’est « qu’une mécanique, un godemiché ambulant », une « femelle incomplète » dont la seule et unique fonction « est de produire du sperme » ; il sait « au fond de lui, qu’il n’est qu’un tas de merde ». Quant aux femmes, leur fonction est « d’explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique – le tout, avec amour. En d’autres termes de créer un monde magique. » Le pays des fées !
Évidemment, l’engeance masculine porte l’entière responsabilité de ces terribles maux que sont « la guerre », « le travail », mais aussi « la culture », « l’éducation », « la philosophie »… la liste est large, incluant au passage « la mort ». Car bien sûr, c’est délibérément que les hommes s’abstiennent de régler cette simple formalité. Il suffirait pour l’abolir d’une automation digne de ce nom, mais hélas « l’institution de l’ordinateur sera continuellement retardée dans un système régi par les hommes car ceux-ci ont horreur d’être remplacés par des machines. » Visionnaire ! Qui ne pense immédiatement à la crainte de destructions d’emploi par les IA génératives, crainte réservée aux hommes cela s’entend ?
Rendons-lui grâce tout de même d’avoir anticipé certaines évolutions sociétales : « Si les hommes étaient raisonnables, ils chercheraient à se changer carrément en femmes, mèneraient des recherches biologiques intensives qui permettraient, au moyen d’opérations sur le cerveau et le système nerveux, de transformer les hommes en femmes, corps et esprit. » Il faut croire que la dame ne se serait pas satisfaite du simple « ressenti » dont se prévalent nos chers non-binaires. Qu’ils se rassurent, elle comptait épargner « les travelos qui par leur exemple magnifique encouragent les autres hommes à se démasculiniser et à se rendre ainsi relativement inoffensifs ». On peut se demander si cette haine des hommes et de la masculinité, concentrée dans ce pamphlet, mais diffuse au sein de la société depuis le féminisme des années 1970 auquel le féminisme actuel n’a rien à envier, ne pousse pas ces messieurs à se considérer comme des femmes pour échapper à leur stigmatisation, comme les juifs devaient se convertir au christianisme au temps de la judéophobie médiévale.
Le cas Solanas est-il une exception ? Pas tant que ça. Qu’on pense seulement à cet article-canular qui comportait une réécriture en version féministe d’un chapitre du livre d’Hitler. Soumis à l’examen d’une revue académique, il avait été accepté[2]. Sans doute avait-on à l’esprit la prose de Solanas, référence scientifique de premier ordre.
Fascisme de papier glacé
On ne s’étonnera donc pas que le Scum manifesto soit de nos jours encore encensé par la gauche, d’où sa réception en grande pompe par M, le magazine du Monde qui lui fit l’honneur de sa couverture à l’occasion de sa réédition, en 2021. La brochure de squats s’affichait sur le papier glacé des magazines de la bourgeoisie, quel triomphe !
Il semble qu’on permette beaucoup de choses au nom du féminisme, y compris le sexisme le plus fascisant. Dans le cas de Solanas et de quelques autres, le terme féminazie n’est vraiment pas usurpé. Cela montre clairement que le concept de féminisme ne coïncide pas avec celui d’antisexisme. Il est donc au mieux inutile (puisque faisant double emploi), au pire nuisible (puisque ne visant pas l’égalité). Après tout, personne ne se dit « noiriste » ou « arabiste » pour lutter contre des discriminations, réelles ou fantasmées. On se contente de parler d’antiracisme. Pourquoi alors devrait-on parler de féminisme ? Pourquoi ne pas se contenter du terme antisexisme ? Et qu’on ne me dise pas qu’il y aurait un risque d’invisibiliser les femmes par un terme aussi large, ce n’est pas comme s’il évoquait spontanément la condition masculine… Donc je le répète : pourquoi devrait-on parler de féminisme, si l’on ne cherchait pas à introduire subrepticement des choses très loin d’une soi-disant lutte pour l’égalité, à commencer par une grille de lecture victimaire, revancharde, essentialisante et stigmatisante ? L’antisexisme oui, le féminisme non.
Inutilité, nuisance, et surtout lâcheté de ces idéologues : car je doute que les thuriféraires du féminisme « radical » se permettent d’entrer dans le détail de leurs affirmations. Prenons les déclarations d’Alice Coffin, par exemple, comme quoi il ne faut pas lire les livres écrits par les hommes[3]. Ces horreurs proférées par une féministe radicale comme Madame Coffin, les tolèrerait-on d’un suprémaciste ? Accepterait-on par exemple que quelqu’un invite à ne pas lire les livres écrits par des hommes noirs ? Simple question rhétorique. La lâcheté du féminisme intersectionnel ne m’a pas échappé, lâcheté politique et morale bien sûr, lâcheté physique peut-être aussi. Libre à Coffin de me démentir en allant crier tout le mal qu’elle pense des hommes au beau milieu d’une cité sensible ! Il lui faudra le concours des forces de l’ordre, c’est-à-dire, pour une bonne part je le crains, des hommes…
Au fait, l’extermination des hommes, c’est bien, mais qui s’en charge ? Les femmes ? Cette pauvre Valerie armée d’un flingue n’avait même pas été foutue d’exterminer son amant Andy Warhol avant d’être envoyée à l’asile… Tragédie d’un irréalisable fascisme en jupons. Sauf peut-être à recourir demain aux robots de Boston Dynamics ? Voilà encore la mécanisation chère à Solanas et ses admiratrices. Il leur restera à convaincre ChatGPT de leur sororité.