Accueil Féminisme Une pétition contre une future station du métro dénonce la «misogynie notoire» de Serge Gainsbourg

Une pétition contre une future station du métro dénonce la «misogynie notoire» de Serge Gainsbourg

Et si on laissait tranquille le chanteur de "Lemon incest"?


Une pétition contre une future station du métro dénonce la «misogynie notoire» de Serge Gainsbourg
Serge et Charlotte Gainsbourg, 1986 © RETRO/VILLARD/BATTISTINI/VILLARD

Des citoyens vertueux s’opposent à une future station de métro Serge Gainsbourg, aux Lilas (93).


La cancel culture frappe à tour de bras, vivants et morts. La mairie des Lilas veut donner le nom du chanteur Serge Gainsbourg (1928-1991) à une station de métro qui ouvrira en 2024. Une pétition dénonce l’honneur fait à un artiste qui « a chanté des féminicides sadiques (Marilou sous la neigne, NDLR) et des viols incestueux (Lemon incest, chanté avec sa fille Charlotte NDLR) ».

Apparemment les pétitionnaires ne connaissent pas la différence entre l’art et la vie, le réel et sa représentation. Et ne comprennent rien à la provocation. Il faut donc brûler Gainsbourg.

Sale temps pour les génies. Les mêmes meutes vertueuses se déchaînent contre Gérard Depardieu depuis la diffusion d’une émission où on le voit en 2018 en Corée faire des blagues graveleuses[1], notamment sur une fillette qui fait du cheval. « Il sexualise une enfant », s’indignent les commères qui, n’ayant jamais lu Freud, ignorent que les enfants n’ont pas attendu Depardieu pour être sexualisés. Précisons que le comédien ne parle absolument pas à la fillette qui ignore tout de cette polémique. Il fait de la grosse provocation.

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On a le droit de détester les chansons de Gainsbourg et les blagues de Depardieu, qui par ailleurs est mis en examen pour viol. Donc présumé innocent. Comme Frédéric Beigbeder dont on a appris hier qu’il était entendu dans une drôle d’affaire de viol[2], ce qu’on ne voulait nullement savoir. Puisque les médias  nous invitent dans la chambre à coucher, il faut tout dire. La victime présumée admet un rapport consenti suivi, la même nuit, dans le même hôtel, d’un rapport non consenti. La justice tranchera, mais le tribunal médiatique n’attend pas pour dresser les bûchers.

Cependant, effectivement, on a le droit de ne pas aimer Gainsbourg, Depardieu et leurs débordements. On a le droit de ne rien comprendre à l’humanité, à la masculinité, à la transgression, et de détester les tableaux de nus et les blagues grossières. Mais il y a deux choses qu’on n’a pas le droit de faire : 1) Chasser en meute et condamner au bannissement social des hommes qui n’ont pas été condamnés par la justice ; 2) et surtout, on n’a pas le droit de censurer ou de dénigrer des œuvres au prétexte que leurs auteurs seraient infréquentables ou leur propos scandaleux. En matière d’art comme de fantasme, la seule loi c’est la liberté. Bonne nouvelle : cette opinion libérale est largement partagée. La ridicule pétition n’a recueilli que 3000 signatures. Message aux vestales de la bienséance : foutez la paix à Gainsbarre !

Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale, après le journal de 8 heures.


[1] https://www.causeur.fr/depardieu-complement-d-enquete-viols-propos-grivois-271350

[2] https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/frederic-beigbeder-place-en-garde-a-vue-dans-le-cadre-d-une-enquete-preliminaire-diligentee-pour-viol_6238734.html



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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