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Âme et conscience

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Le père d’un chroniqueur judiciaire, magistrat, fait retirer ses trois enfants à une mère. Cela lui est reproché. Le fils décide de mener l’enquête…


Chronique d’un cas de conscience, dernier ouvrage de Pierre Commeine, est-il un roman, un récit et/ou une chronique ? Difficile à dire, même si, dès l’avertissement, son auteur nous prévient : « Ce roman s’inspire d’une histoire bien réelle, comme en témoignent différentes coupures de presse de l’époque, sous le titre : « Rendez-moi mes enfants ! » Cependant, le détail des faits rapportés, la description des lieux ainsi que les noms cités sont strictement de pure fiction. En conséquence, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. »

Pierre Commeine est loin d’être un inconnu. Né dans l’Aisne d’une mère française et d’un père belge, passionné par l’histoire (en particulier la Première Guerre mondiale), la peinture et la photographie, il a publié de nombreux ouvrages, essais et romans.

Le procès Goldman en arrière-plan

Que nous raconte-t-il dans Chronique d’un cas de conscience ? Le chroniqueur judiciaire Philippe Minouflet remet de l’ordre dans les papiers de son père, procureur de profession, récemment décédé. Il découvre un numéro du journal Détective daté du 16 septembre 1957. Dans un article, on lui reproche d’avoir fait retirer à une mère ses trois enfants pour amoralité; le journaliste lui reproche également d’avoir jugé « en son âme et conscience » et non pas en se référant au Code pénal et aux lois en vigueur. Philippe Minouflet décide de mener l’enquête afin de se forger une opinion sur la décision de justice prise par son père. Pour ce faire, il rencontre les témoins de ce drame familial. « Ainsi, détaillant son enquête menée au cours de l’année 1985, il nous raconte le parcours du chroniqueur judiciaire et nous fait suivre le procès de Pierre Goldman à Amiens en 1976 », explique l’éditeur en quatrième de couverture du livre. « Enfin, il nous plonge dans le Vailly-sur-Aisne des années quarante et cinquante, avec celle qui déclarait avoir toujours été déchirée par ses passions de femme en proie à ses démons intérieurs, et qui criait au tribunal : « Rendez-moi mes enfants ! »… »

Dans cet opus à la construction habile mais parfois complexe, on croise beaucoup de monde, dont l’excellent avocat amiénois Pascal Pouillot, le chanteur et producteur Pierre Barouh (proche de Pierre Goldman), Jean-René Huleu, l’un des fondateurs de Libération. Il nous donne à lire de beaux passages sur les deux dernières guerres, en particulier dans l’Aisne, et éclaire avec délicatesse le psychisme d’illustres inconnus dont Lucie Anglade, la mère éplorée. À découvrir.

Chronique d’un cas de conscience, Pierre Commeine ; à contresens éditions. 255 pages.

Chronique d’un cas de conscience

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La divergence des luttes

Ça par exemple! Dans son nouveau parti, Zarah Sultana est confrontée à des tensions internes dues à des divisions idéologiques – doux euphémisme – et à un mystérieux sexisme de ses collègues masculins.


Jeremy Corbyn, le frère d’armes de Jean-Luc Mélenchon en islamo-gauchisme, vient de subir un revers dans sa création d’un nouveau parti destiné à porter cette idéologie socialiste aux relents antisémites. Rappelons que Corbyn, député depuis quarante-deux ans, a été le chef des travaillistes entre 2015 et 2020. Démissionnaire après la défaite humiliante du parti en 2019, il est suspendu par le nouveau leader, Keir Starmer, parce qu’il aurait encouragé une atmosphère de judéophobie décomplexée.

A lire aussi, du même auteur: Hausser le ton et hisser les couleurs

Annonçant qu’il se présentera comme indépendant lors des élections de 2024, il est expulsé du parti. Il forme ensuite une « alliance indépendante » avec quatre autres députés, tous des hommes musulmans élus sur un programme pro-Gaza. En juillet 2025 une nouvelle recrue permet de transformer cette affiliation en parti politique. Il s’agit de Zarah Sultana, 31 ans, musulmane d’ascendance pakistanaise, élue députée travailliste en 2019 et de nouveau en 2024. Suspendue du parti en juillet 2024 pour avoir voté contre le gouvernement de Starmer, elle démissionne un an plus tard et entre en négociations avec Corbyn. Mais quand elle annonce le lancement d’un nouveau parti au nom provisoire de « Your Party », l’entourage de Corbyn l’accuse de prendre une initiative prématurée. Your Party est néanmoins lancé peu après avec les deux élus comme cofondateurs. Pourtant, des fissures refont surface en septembre, quand Sultana lance une invitation en ligne pour recruter des adhérents. Des cadres du parti l’accusent de prendre encore une initiative personnelle et tentent d’annuler l’opération. Des militants favorables à Sultana ripostent en exigeant l’élection d’un comité directeur.

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Cependant les désaccords ne portent pas que sur le modèle de fonctionnement. Le transgenrisme, fer de lance progressiste, ne plaît pas aux musulmans conservateurs, tandis que Sultana n’avait pas compté avec le masculinisme de ses coreligionnaires. Elle se prétend marginalisée par ses collègues qu’elle accuse de former un « club pour garçons sexiste ». Islam et gauchisme ne font pas toujours bon ménage.

Donald Trump, faites libérer Boualem Sansal!

Un appel un peu fou ?


Les autorités françaises, à quelque niveau que ce soit, ne sont pas à la hauteur. Et Boualem Sansal va croupir en enfermement jusqu’à sa mort si une poigne politique ne s’en mêle pas !

Comment ne pas songer, en ces jours miraculeux, au président Donald Trump qui a réussi le tour de force, à la fois en soutenant Israël et en contraignant le Hamas, de faire libérer les trop rares otages encore vivants, avec tous les disparus – il n’y a plus une seule femme… – après ces 738 jours d’enfer ?

Cette immense allégresse collective, consensuelle et déchirante, qui a rassemblé dans une sombre joie les Israéliens, avec ce splendide hymne composé pour la libération des otages et leur « retour au pays », sera inoubliable, et le 13 octobre un jour à jamais singulier, où les affrontements politiques, à peu près partout, ont cédé le pas à un bonheur intense.

Certes ce n’est que la première phase du plan de Donald Trump mais puis-je dire qu’elle se suffit pour l’instant à elle-même, dans l’attente de la deuxième – avec la menace d’un Hamas réglant ses comptes – et des suivantes qui promettent d’être encore plus délicates. Elles seront cependant dans les mains et l’énergie d’un homme qui accomplit ce qu’il annonce et n’a pas pour vocation de rompre devant les obstacles diplomatiques et une Histoire faite de crises paraissant insolubles…

Je n’oublie pas la Russie et l’Ukraine et j’ai bien conscience que, s’étant heurté à un dictateur cynique, sans foi ni loi, Vladimir Poutine, il s’est d’une certaine manière désengagé, en devenant pourtant plus équitable avec le président Zelensky, au profit de cet Himalaya concernant le conflit israélo-palestinien.

J’admets volontiers que le comportement du président Trump, lunatique, instable, fluctuant, contradictoire, m’a à plusieurs reprises inquiété et déplu mais que pèse ma modeste critique face à ce triomphe des vies sauvegardées et arrachées à leurs bourreaux ! Pour moi, Donald Trump restera pour toujours l’homme de ce salut auquel personne ne croyait. Sauf lui.

Je n’ai pas aimé, de notre piètre ministre des Affaires étrangères jusqu’à Valérie Hayer face à Robert Ménard (sur BFM TV), la réticence, voire le dédain, avec lesquels les autorités françaises ont cherché à se tailler une mince place dans une négociation et une pression américaines qui les ont dépassées…

Il est clair qu’on ne saurait attendre de la France, diminuée et affaiblie comme elle est sur le plan national, un rôle équivalent à celui de l’immense puissance américaine désireuse, en permanence, de se manifester et de permettre à son président atypique de faire mentir ses adversaires compulsifs… En revanche, de notre pays, il aurait été sain d’entendre des éloges sans aigreur et le fair play d’une « grenouille n’aspirant pas à se faire passer pour un bœuf »…

Boualem Sansal est en train de disparaître, de subir l’inaction coupable de nos dirigeants, même si cette personnalité extraordinaire et indomptable ne s’efface pas de nos mémoires. C’est pourquoi, aussi absurde que soit mon appel, aussi utopique qu’apparaisse, à ce point, l’immixtion de Donald Trump dans nos affaires, je me résous à adresser au président américain cette injonction admirative : Donald Trump, faites libérer Boualem Sansal !

Lâche-moi les baskets

Appropriation culturelle : retour sur la terrible affaire entre le Mexique et Adidas


Le 8 août, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum Pardo s’avance sur la scène du Palais national de Mexico. Derrière elle, l’objet de sa conférence de presse – et de son courroux – s’affiche sur un écran géant : il s’agit… d’une paire de baskets Adidas.

Une vive polémique secoue en effet le pays depuis le lancement du dernier modèle de la firme allemande. Baptisé « Oaxaca Slip-On », celui-ci s’inspire ouvertement des huaraches, sandales traditionnelles tressées qui font la fierté des artisans de la région d’Oaxaca depuis des générations. Mais une banale accusation de plagiat industriel ne saurait suffire : assez vite, l’infamant chiffon rouge de l’appropriation culturelle est agité. « Ce n’est pas seulement un design, il s’agit de la culture, de l’histoire et de l’identité d’un peuple, et nous ne permettrons pas qu’il soit traité comme une marchandise », a tonné, avec force lyrisme, Salomon Jara Cruz, gouverneur de l’État d’Oaxaca, sur X. Car au Mexique, on ne badine pas avec la question indigéniste : depuis 2021, la loi prévoit des amendes, voire des peines de prison, en cas « d’utilisation non autorisée de la propriété intellectuelle et culturelle des peuples indigènes et afro-mexicains ». Plusieurs fabricants de prêt-à-porter tels que Shein, Zara ou Isabelle Marant ont d’ores et déjà été poursuivis pour ce motif.

Prise dans la tourmente des réseaux sociaux, menacée d’une action judiciaire, la marque aux trois bandes espère limiter le « bad buzz » en s’engageant à collaborer avec la communauté locale « dans un dialogue respectueux qui honore son héritage culturel ». Les excuses fébriles pleuvent comme à Gravelotte : Willy Chavarria, le designer – américain d’origine mexicaine – des souliers de la discorde se répand en remords et contritions publiques. Mais rien n’y fera, et les sneakers honnies seront, fin août, définitivement retirées des plateformes de vente. Plus que jamais, l’extension du domaine de l’appropriation culturelle est en marche. Et la décolonisation s’applique intégralement, de la tête aux pieds.

Macron et la paix «made in Trump»

Faiseur de paix au Proche-Orient, Donald Trump relègue Emmanuel Macron au rôle ingrat de VRP de sa «Pax Americana». Analyse.


Emmanuel Macron était hier en Égypte pour « soutenir la mise en œuvre » d’un accord qu’il n’a ni conçu ni négocié. C’est bien le plan de Donald Trump — partiellement accepté par Israël et le Hamas — qui a désormais été entériné à Charm el-Cheikh. Or, en février, le président français dénonçait avec vigueur les premières esquisses de la « Riviera du Moyen-Orient » de Trump. Voici donc un nouveau retournement symbolique pour une diplomatie française adepte du « coup d’éclat », qui prétendait « mettre la pression » mais se retrouve à valider un ordre négocié ailleurs…

Emmanuel Macron adopte une nouvelle posture : celle du soutien à Trump

La France est arrivée à Charm el-Cheikh très affaiblie. Paris est enlisé dans une crise gouvernementale, avec un président au capital politique faible tant sur le plan intérieur qu’à l’international. Emmanuel Macron est désormais le président le plus impopulaire de la Ve République, égalant le record de François Hollande avec 14 % d’opinions favorables.

Cela n’interdit pas la diplomatie présidentielle, mais cela donne à la politique étrangère des allures de refuge plutôt que de mandat. Pour exister politiquement sur le plan intérieur, Emmanuel Macron avait depuis l’été adopté une stratégie de « diplomatie populaire », se montrant sévère envers Israël, une posture devenue « à la mode » et « mainstream ».

Si cette inclination à se réfugier dans les affaires internationales n’est pas problématique en soi depuis la dissolution de 2024, les revirements le sont davantage. Le président ne porte plus une ligne française singulière et originale : il s’aligne désormais sur le plan de Trump.
Le cessez-le-feu et la première phase d’échanges d’otages et de prisonniers reposent sur le plan américain en vingt points dévoilé en septembre. Or, Emmanuel Macron avait, à contretemps, reconnu l’État de Palestine sans exiger la libération immédiate des otages ! Désormais, Paris soutient l’exécution plutôt que de porter un schéma alternatif. Une souplesse en forme de renoncement, comme pour masquer son impuissance.

Notons toutefois que Donald Trump a lui-même assoupli sa position. Son plan de paix pour Gaza laisse désormais « entrouverte » l’hypothèse d’un État palestinien et tempère ses anciens discours maximalistes sur le « déplacement » des populations. Fini, aussi, l’idée d’un GREAT trust : Trump dirigera plutôt un Conseil de paix chargé de superviser une autorité palestinienne technocratique et apolitique. Cette flexibilité a ouvert un espace d’adhésion israélien, arabe et européen qu’aucune initiative française isolée n’aurait pu créer.

Seul Trump peut réussir, pas Macron

Deux ans après le début du conflit, Israël a besoin de Donald Trump. L’État hébreu n’a pas atteint ses objectifs de destruction du Hamas ni obtenu le retour de ses otages. Il se retrouve isolé au sein de l’Occident, avec une Europe qui se fracture sur l’effondrement humanitaire à Gaza.

Le plan de Trump rompt cette impasse en proposant des étapes tangibles : cessez-le-feu, redéploiement israélien sous supervision, libérations d’otages et échanges de prisonniers, montée en puissance humanitaire, puis discussions sur la gouvernance. Difficile à enrayer, coûteux à violer, le plan offre à chaque camp des gains concrets à court terme — le plus précieux pour Israël demeurant la libération des otages.

Ce plan s’appuie sur un Donald Trump disposant des moyens de ses ambitions. Fort d’un savoir-faire diplomatique déjà visible durant son premier mandat — des Accords d’Abraham à la normalisation progressive avec les dirigeants régionaux, de l’Arabie saoudite à la Syrie —, le président américain dispose de puissants leviers : une diplomatie coercitive, un appareil militaire projetable et un poids économique sans équivalent.

Face à cela, Emmanuel Macron et les Européens restent inaudibles dans la région : dépourvus d’atouts comparables, ils se limitent à des effets d’annonce sur l’État palestinien. Pour tenter d’incarner une pseudo-crédibilité diplomatique, Macron s’arrime donc à un projet qu’il ne peut pas véritablement influencer.

Emmanuel Macron, VRP de la « Pax Americana » ?

Donald Trump a relégué Emmanuel Macron au rang de simple VRP de sa « Pax Americana ». Là où le président français plaide pour la paix par conviction morale, son homologue américain la recherche par intérêt stratégique.

À la différence du duo Biden-Blinken, à qui le retrait catastrophique d’Afghanistan colle à la peau, Washington passe du rôle de « facilitateur » à celui de « garant », dans la perspective d’une vaste alliance régionale contre le terrorisme islamiste incarné par l’Iran et ses proxys. Ce nouvel ordre régional, orchestré par les États-Unis, vise à imposer une « Pax Americana », c’est à dire une paix imposée par la force d’un empire comme la « Pax Romana » sous l’Empire romain.

Mais trois obstacles pourraient faire échouer ce projet. D’abord, le risque d’exécution : des factions à Gaza ou des extrémistes en Israël pourraient saboter le processus de paix. Ensuite, la question de la gouvernance à long terme de Gaza reste entière : tout rôle élargi de l’Autorité palestinienne, même réformée, serait contesté à la fois à Ramallah et à Jérusalem.
Enfin, le danger d’un remake des erreurs américaines du passé persiste : imposer une structure politique sans tenir compte des réalités locales, comme en Afghanistan ou en Irak.

La diplomatie se fait avec des leviers de puissance plus qu’avec des déclarations morales. La visite d’Emmanuel Macron en Égypte, en simple « ambassadeur de la paix trumpienne », le démontre. Ironie du sort : il n’est pas totalement inconcevable que le grand pacificateur Donald Trump décroche un jour le Graal ultime de ceux qui aiment faire la morale : le prix Nobel de la paix.

Trump Power: une main de fer dans un gant de fou

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Le 13 octobre, une date historique ? Elisabeth Lévy veut croire au nouveau plan de paix entre Israël et le Hamas, parce que Trump.


Oui, ce fut une journée historique. Le monde retiendra que ce 13 octobre 2025, le gouvernement Lecornu 2 est né dans la douleur. Blague à part, le contraste était cruel entre les interminables palinodies de la popol française et l’Histoire en marche à la tribune de la Knesset. Mais Sébastien Lecornu n’y est pour rien. S’il pêche, c’est par excès de loyauté. Passons et revenons à l’événement.

D’abord, il y a eu ces images bouleversantes d’un pays réuni dans l’attente puis la joie du retour des otages. Comme l’ont écrit des soldats sur un mur de Gaza avant de se retirer, pour les Israéliens, il n’y aura ni oubli ni pardon. Mais la page du 7-octobre peut se refermer. Il n’y a plus de menace existentielle.

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Jour historique aussi pour les Palestiniens, le Moyen-Orient, le monde arabe et le monde tout court qui depuis des décennies vit par contagion ce conflit sur et pour un confetti. Trump n’a pas mégoté sur le lyrisme : «Aujourd’hui, les sirènes se taisent, les fusils se taisent et le soleil se lève sur une terre sacrée, qui, avec l’aide de Dieu, vivra en paix pour l’éternité. C’est la fin d’une ère de terreur et de mort et le début d’une ère de foi, d’espérance. Le début d’une harmonie perpétuelle entre Israël et les autres nations. C’est l’aube historique d’un nouveau Moyen-Orient. »

En termes plus prosaïques, ce n’est pas la fin, pas encore même le début de la fin, mais un tournant décisif dans la guerre de 100 ans entre juifs et arabes de Palestine (sans remonter au roi David comme l’a fait Trump).

Les raisons de douter sont légion. J’ai déjà prononcé et entendu les mêmes grands mots, en 1993 lors des accords d’Oslo. J’ai pleuré en voyant Arafat et Rabin se serrer la main devant un président américain à l’air adolescent. Puis Rabin a été assassiné par un extrémiste juif. J’ai entendu Shimon Peres parler d’un Moyen-Orient connecté et pacifié. Et une vague d’attentats-suicides a balayé la gauche israélienne. J’ai salué les accords d’Abraham et puis il y a eu le 7-Octobre.

Dans ces conditions, me dira-t-on pourquoi y croire encore ? D’abord parce que Donald Trump. Ce n’est pas seulement que, par fonction, il est l’homme le plus puissant du monde, ce que ses prédécesseurs étaient aussi, c’est qu’il est prêt à utiliser sa puissance – comme en Iran – et à laisser son allié Netanyahou utiliser la sienne. Rappelant qu’il avait changé le nom de son ministère de la Défense en ministère de la Guerre, le président américain a averti : « Si nous faisons la guerre, nous écraserons nos ennemis. Nous n’allons pas être politiquement corrects. Il s’agit de la paix par la force.» Et puis, il y a sa personnalité imprévisible. On se dit que si on l’énerve trop, il peut envahir le Groenland. C’est peut-être ça le Trump power : une main de fer dans un gant de fou.

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Son plan est à l’avenant. Derrière le lyrisme, la menace est omniprésente. L’ONU et les institutions multilatérales ne jouent aucun rôle, ce qui est un excellent point. En réalité, il s’agit d’installer à Gaza un protectorat international sur le modèle de l’Allemagne en 1945.  Bien sûr les chausse-trappes ne manquent pas mais faisons un rêve comme disait l’autre. Peut-être existe-t-il à l’horizon d’une génération un autre avenir, une autre cause pour les jeunesses arabes et palestinienne que la haine des juifs et de l’Etat juif, qui sait une véritable paix. En attendant, une coexistence armée sous protection internationale, ce serait déjà bien.

Certes, le Hamas ne veut pas être désarmé. Mais il ne voulait pas non plus rendre les otages. Aujourd’hui, il est encore l’un des plus puissants gangs de Gaza, pas une force capable d’imposer ses exigences, pour la bonne raison qu’il est isolé, lâché par ses sponsors et parrains. En tout cas dans le monde arabe et musulman. Chez nous, Mélenchon refuse de demander le désarmement du mouvement islamo-terroriste parce que, ose-t-il, «la résistance armée est un droit». Je ne sais pas si Trump réussira à pacifier le Moyen Orient. Mais il y a encore du boulot pour pacifier la France.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

« Le dernier bastion »

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Sophie de Menthon appelle à mettre nos chicaneries politiques partisanes de côté un court instant pour fêter les entreprises. «J’aime ma boite», c’est ce jeudi. Célébrons ceux qui font tourner la France: les rêveurs, les bosseurs, les entrepreneurs et leurs salariés !


« L’entreprise notre force à tous » est le credo de la campagne publicitaire de la 23e Fête des entreprises qui se déroule ce jeudi 16 octobre, et qui prend un poids qu’elle n’avait jamais eu. C’est bien plus que la commémoration de l’affectio societatis, dans le double sens du terme, c’est la revendication d’un pays tout entier, salariés et entrepreneurs, qui comprennent chaque jour davantage que sans eux rien n’existerait, ce que l’on se garde bien de leur dire dans les discours politiques.

C’est aussi la révolte des entrepreneurs qui se font donner des ordres à longueur d’année, se font diriger, prélever, taxer, sans aucune concertation véritable et sans reconnaissance. On ne peut pas dire « l’entreprise » car il y a des entreprises, de la magnifique boîte du CAC 40 jusqu’à la formidable PME qui crée un marché, en passant par nos ingénieurs et scientifiques (au bord de quitter la France). Nous les aimons tous, salariés et patrons, autant chez LVMH, que chez « Amplitude communication » qui gère ses coursiers en résistant aux plateformes low cost. Nous les aimons et nous devons leur dire, au moins une fois dans l’année. La célébration est essentielle, car finalement c’est une pédagogie induite. C’est aussi le rappel que le politique les entrave et nuit à la croissance économique avec les dettes abyssales, la fiscalité, la complexité… le moment de dire “on existe“. Fêter les entreprises, c’est ne pas faire preuve d’idéologie, c’est faire comprendre qu’il faut épargner les poules aux œufs d’or, aujourd’hui les entreprises doivent expliquer et faire comprendre leur vitalité. Elles ont bien compris que c’était exclusivement elles qui finançaient intégralement le pays, alors qu’elles ne peuvent pas assez payer leurs salariés à cause des prélèvements indécents : que ceux qui nous gouvernent reprennent une feuille de salaire en l’analysant comme au premier regard, ligne par ligne, et repartent de là, comme base pour rétablir un peu le budget de la France : tout y est !

A lire aussi: Travail: le sentiment surnuméraire

La vraie question au fond c’est : est-ce vraiment LE moment pour faire la fête ? Eh bien oui, plus que jamais. Dire « j’aime ma boite » est l’expression nationale d’une démocratie d’entreprises. Écoutons cette démocratie du travail, cette représentation entrepreneuriale, la vraie, le peuple des entreprises, des entrepreneurs et des salariés, sans oublier les autoentrepreneurs : leur boîte c’est eux, sans parachute ! Écoutez ces patrons qui ne veulent plus d’aides mais veulent leur liberté de gérer sans interventionnisme, et qui clament : reprenez vos « cadeaux », le terme brandi par les jaloux ignorants, car une aide de l’État arrive lorsque le même gouvernement a mis un secteur d’activité en telle difficulté qu’il faut compenser ! Plus aucune aide : mais la suppression des taxations permanentes sans visibilité, plus d’antidotes mais supprimer le poison administratif et fiscal distillé aux entreprises à longueur d’année et ce pour le bonheur des salariés français.

La « Fête des entreprises », c’est tout le contraire d’une grève ou d’un jour férié ! C’est le jour d’une indispensable reconnaissance — celle du travail de chacun, de la prise de risque, et de cette colonne vertébrale de notre société : l’entrepreneuriat. Soyons fous, célébrons nos entreprises, tous ensemble, dans un même élan — syndicats compris ! Ce jeudi 16 octobre, faisons-en un rappel à l’ordre joyeux et collectif: celui de la fierté de créer, d’innover et de faire avancer le pays. Le mot “entreprise” qui comprend tous les acteurs qui la font exister, n’est jamais prononcé dans les discours dont nous sommes abreuvés ni même dans les débats publics.

Puisse cette “Fête des entreprises” être le révélateur qu’il faut gouverner autrement, et revenir au plus près du terrain. La Fête des entreprises, c’est aussi celle des riches, de ceux que l’on veut punir d’avoir réussi parce qu’ils gagnent trop. Les entreprises sont le dernier bastion d’une France attaquée par elle-même.  “J’aime ma boite” vous avez le droit de le clamer, c’est le jour…

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Châtelet-Les Halles: plus de bastons et de baffes que de beats…

Alors que le préfet de Paris Laurent Nuñez venait la veille d’être nommé ministre de l’Intérieur, le cœur de Paris a connu samedi des débordements graves autour d’un concert de rap en plein air.


Samedi 11 octobre, le centre de Paris a de nouveau été le théâtre de violences urbaines. Et ce qui devait être un simple concert gratuit a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Bilan : huit interpellations et quatre policiers blessés.
Une scène devenue tristement banale, mais qui révèle un malaise profond: celui d’un espace public parisien de plus en plus incontrôlé.

Un concert qui vire au chaos

En fin d’après-midi, un rassemblement s’est formé au niveau du Forum des Halles, pour un concert sauvage du groupe L2B, très suivi sur les réseaux sociaux. L2B est constitué de trois membres ; le nom du groupe fait référence au quartier du Bois-l’Abbé de Champigny-sur-Marne où ces trois larrons ont grandi. Le lieu n’avait rien d’anodin: les Halles sont depuis des années un point névralgique de toute une jeunesse banlieusarde francilienne.

Très vite, plusieurs centaines de personnes se sont massées sur l’esplanade. Les vidéos diffusées sur TikTok et X montrent des adolescents surexcités souhaitant se rapprocher de la scène, criant et chahutant. Puis, lorsque les policiers sont intervenus pour disperser la foule trop nombreuse, des affrontements ont éclaté. Jets de projectiles, provocations, insultes: la scène avait tout d’une mini-émeute (voir vidéo plus bas). Huit personnes ont été interpellées pour violences et dégradations. Quatre policiers ont été blessés. Le concert n’a jamais vraiment eu lieu: il a surtout servi de prétexte à un défouloir collectif.

Ce nouvel épisode ne surprend guère les habitants et commerçants du quartier. Le Forum des Halles, longtemps présenté comme le « ventre de Paris », est devenu une zone où se concentrent insécurité, incivilités et tensions. Notamment en fin de semaine. Le lieu attire une jeunesse nombreuse, souvent livrée à elle-même, parfois violente, dans un contexte de délitement de l’autorité.

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Depuis plusieurs années, les incidents s’y multiplient : rixes entre bandes, vols à la tire, agressions, rodéos urbains et rassemblements non encadrés. Et les renforts policiers réguliers ne suffisent plus à rétablir durablement l’ordre.

Culture de l’instant

L’épisode de samedi illustre un autre phénomène inquiétant : la montée d’une culture de la foule incontrôlée, nourrie par les réseaux sociaux et le sentiment d’impunité. Ce type de concert « sauvage » fonctionne sur une mécanique bien rodée : annonce virale, afflux massif, tension, et affrontements.

Les artistes y trouvent un moyen de gagner en visibilité sans passer par les circuits légaux ; les participants viennent autant pour le spectacle que pour le frisson de la transgression. Ce mélange explosif transforme des lieux publics en zones de non-droit temporaires. D’autres incidents autour d’opérations commerciales dans des fast-foods ont également défrayé la chronique ces dernières semaines en France.

On pourra objecter qu’il ne s’agit à chaque fois que d’une minorité de perturbateurs ou de casseurs parmi une foule de badauds. Et c’est vrai. Mais c’est précisément l’effacement de l’autorité qui permet à cette minorité d’imposer temporairement sa loi au plus grand nombre dans l’espace public.

Une jeunesse qui n’a plus les codes

Au-delà du fait divers, cette soirée interroge la capacité de l’État et de la mairie à maintenir l’ordre dans le cœur même de la capitale. Les Halles, ce n’est pas franchement une cité de banlieue, encore moins une zone périphérique : c’est le centre historique et commercial de Paris ! Si même là, les forces de l’ordre doivent subir les coups, qu’en est-il ailleurs ?

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Depuis des années, une stratégie politique de tolérance molle et de gestion au cas par cas a remplacé une politique d’autorité claire. On réagit, on disperse, mais on n’anticipe pas. On « gère » la violence au lieu de la prévenir.


La jeunesse qui se rassemble aux Halles n’est pas homogène : elle mêle des groupes désœuvrés, des danseurs de hip-hop pas bien méchants, des jeunes qui font du lèche-vitrine dans le centre commercial, des fans de rap, des bandes en quête d’affrontements et des curieux attirés par l’effet de foule. Beaucoup de ces jeunes n’ont plus de rapport structuré à l’autorité, ni à l’espace public. Pour eux, la rue est un terrain de jeu — ou de guerre — où l’État n’est qu’un figurant.

Dans ce contexte, l’événement de samedi n’est pas une exception, mais un symptôme. Les Halles ne sont plus un lieu de rencontre conviviale ; elles sont devenues une scène de tension permanente. Et le concert de L2B n’a été que l’étincelle.

Ce que révèle ce nouvel épisode

– L’État est toujours en position défensive, réagissant au lieu de maîtriser.
– L’espace public est de plus en plus confisqué par des groupes informels, souvent jeunes et incontrôlables.
– Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la mobilisation de foules éphémères mais puissantes.
– La violence devient banale, presque routinière, y compris dans des lieux très touristiques et censés symboliser la capitale.

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Rétablir l’autorité, une urgence

La couverture médiatique des incidents graves de ce samedi a été minimale, une actualité en chassant une autre, et les péripéties gouvernementales et de la géopolitique du Proche-Orient ayant pris toute la place aux unes des gazettes. Face à cette situation, les réponses habituelles — indignation politique, déclarations fermes et déploiements temporaires de CRS — apparaissent bien dérisoires. Rétablir durablement l’ordre aux Halles supposerait une politique d’autorité assumée: reconquête de l’espace public, contrôle plus rigoureux des rassemblements, sanctions rapides.

La capitale de la France est-elle encore capable de garantir l’ordre et la sécurité, ou est-elle en passe de devenir une ville livrée à des logiques de gangs américains ? Les habitants se contenteront-ils une nouvelle fois des communiqués de circonstance des autorités ? La soirée de samedi a donné des réponses inquiétantes.

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Place des otages, deux ans d’attente

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La gorge nouée, une foule d’anonymes était une fois encore réunie aujourd’hui à Tel-Aviv. Mais aujourd’hui, c’était pour fêter le retour des vingt otages du Hamas! Notre contributrice sur place raconte les scènes émouvantes auxquelles elle vient d’assister.


Tel-Aviv, place des Otages, 14h. C’est ici qu’aujourd’hui, le cœur du pays bat le plus fort.

Cette place, c’est le centre névralgique de la mobilisation pour la libération des otages depuis le 7-Octobre, renommée depuis « la place des Otages ».

Un endroit qui a accueilli les larmes et le désespoir de toute une nation. Où des survivants sont venus témoigner, et où des concerts ont été organisés pour maintenir vivant le fil de l’espoir. Sans se douter qu’il faudrait tenir aussi longtemps. Deux ans.

Aujourd’hui, on reconnaît à peine la place. Il y a dans l’air un parfum de joie, au milieu de la retenue de rigueur dans cet Israël traumatisé.

La foule est dense. Des jeunes et des vieux. Surtout des jeunes. La société israélienne dans toute sa splendeur, dans toute sa diversité, dans toute sa grâce.

On peine à croire que le hasard ait fait coïncider la fin de la guerre avec un jour de fête – et, plus encore, qu’elle tombe jour pour jour, deux ans après le 7-Octobre, selon le calendrier hébraïque. 

Les affiches des otages sont posées sur les tables. Demain, elles trôneront dans un musée. Transformées en objets d’histoire. En reliques d’une période bientôt révolue.

Des mots écrits sur des cartes postales, des dessins adressés aux otages sont encore accrochés, ils pendent, tenus par des ficelles jaunes, rappelant le mur des lamentations.

La guerre est finie et les 20 otages vivants rentrent chez eux aujourd’hui.

Ils font désormais partie intégrante de l’histoire, leur sort scellé à celui du pays, et la foule semble déjà consciente de ce qui se joue en cette journée brûlante : l’Histoire s’écrit en direct sous ses yeux.
Tout va si vite ici.
Hier, le tunnel des échecs de négociations semblait sans fin.
Aujourd’hui, les écrans géants diffusent les images que la foule a rêvées comme un horizon inatteignable.

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Ici, chacun connaît le visage, le nom, l’histoire personnelle même de chaque otage. « C’est la moindre des choses », me dit une dame. « Ils ont payé de leur souffrance pendant deux ans, la moindre des choses, c’est de connaître leur histoire, et les méandres de leurs existences chamboulées. » À chaque retrouvaille d’un otage avec ses proches, la foule pleure d’émotion. Eviatar, Etan, Matan, Rom, Nimrod, Yossef-Haim, la foule répète leurs prénoms sans fin. L’intensité est à son comble. 

Les visages qui crèvent les écrans auraient pu être nos fils, nos frères, notre meilleur ami. Des mois durant, nous les avons vus figés, imprimés sur des posters, ils s’animent enfin. 

Et quand cette mère hurle en retrouvant son fils : « ata melech », « tu es un roi », c’est notre sang qui se fige dans une identification totale. Car son cri est celui qui est coincé dans nos gorges encore nouées.

Now

Le ciel bourdonne. La voix au micro nous annonce le nom de l’otage transporté en hélicoptère vers l’hôpital Ichilov. Nous voulons en savoir plus.

À l’intérieur, la caméra capte leurs premiers mots écrits sur des ardoises blanches: « Am Israël ‘Haï », le peuple d’Israël est vivant. Il n’a jamais été aussi vivant qu’en cet instant. À côté de moi, une femme est assise, drapée dans le drapeau bleu et blanc. Sur ses genoux, la pancarte de Daniel Peretz.

Je lui demande doucement : « C’est un proche à toi ? ». Elle secoue la tête : « Il ne reviendra pas. Mais tant que sa dépouille n’est pas arrivée, je reste ici et j’attends. »

Elle baisse la voix, répondant à la question dont j’ai déjà honte. « Je ne le connais pas. Mais c’est mon frère. Ils sont tous mes frères. Les vivants comme les morts. Tous, sans exception. »

Je retiens mes larmes. Je traverse la foule, le soleil cogne et j’aimerais photographier chacun des visages de ces anonymes, les expressions qui les traversent, une émotion chassant l’autre l’instant d’après.

Les chansons les plus iconiques du folklore israélien sont diffusées dans les haut-parleurs. On vibre à chaque mélodie et on se souvient. Telle chanson est associée à telle guerre. Les plus âgés savent. Les jeunes ouvrent grand leurs yeux : ils seront les relais de cette histoire contemporaine.

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La voix au micro annonce l’arrivée de Trump à la Knesset.

Un murmure traverse la foule : la place des Otages s’appellera bientôt la place des Héros. Mais notre héros en ce jour, c’est lui.

« Sans lui, où serions-nous ? » me dit la vendeuse des casquettes qui ne sont plus imprimées de « Bring them home now » mais d’un seul mot, « Now ».

Un drapeau américain flotte à côté du drapeau israélien. Après chacune des phrases du président américain, des tonnerres d’applaudissements. Trump remercie son équipe, puis l’armée israélienne. Il rend hommage aux soldats du pays, à ceux qui y ont laissé leur vie. Puis il dit que sans Benyamin Netanyahou, il n’y serait pas arrivé. Une partie de la foule ne retient pas ses huées, la voix au micro les rappelle immédiatement à l’ordre, recouvrant un instant les mots de Trump ; l’heure est au respect. Aujourd’hui, en ce jour historique, en ce jour de délivrance, il n’y a ni gauche, ni droite. Il n’y a qu’un seul parti : celui de ceux qui sont venus pour soutenir les familles et les survivants.

Si seulement c’était vrai 

La foule se tait. Deux députés sont expulsés de la Knesset alors qu’ils affichent un panneau portant la mention « génocide » en signe de provocation. « Benyamin Netanyahou is a nice guy » déclame Trump pour détendre l’atmosphère. Et malgré le ton volontairement léger, il grave son nom dans l’Histoire, promettant au Moyen-Orient un avenir doré.

Une femme debout près de moi pose son drapeau par terre pour s’essuyer les yeux.

« Si seulement… » répète-t-elle. « Si seulement c’était vrai. »

Au même moment, loin de la Place des Otages, loin des caméras venues du monde entier pour capter quelques instantanés de ce jour pas comme les autres, des centaines de familles sont restées chez elles.

Dans une solitude chargée de gravité, celles qui ont perdu un proche ont les yeux fixés sur le décompte des jours d’absence. Il continuera pour elles à s’égrener sans fin.

Leur silence peut être traduit par les mots du poète Elyasaf Ezra :

« 915 soldats, hommes et femmes,
héros et héroïnes,
sont maintenant assis au ciel,
sur le balcon de Dieu,
dans la soukka des anges.
Se tenant la main,
essuyant les larmes de leurs yeux,
ils se regardent les uns les autres,
ils nous regardent,
et crient :
Nous l’avons fait. »

Matthieu Grimpret: dessine-moi une école

La bienveillance est le nouveau maître-mot de l’Éducation nationale. Sous son diktat, le bien-être des élèves passe avant leur instruction. Un « psychosystème » que dénonce Matthieu Grimpret dans Bullshit bienveillance.


L’avachissement français commence dès le plus jeune âge, sur les bancs de l’école. Sur les décombres de l’éducation soixante-huitarde est née une nouvelle vision, une nouvelle doctrine pédagogique qui s’est muée en dictature : le « bien-être ». L’école n’a plus pour objectif principal d’apprendre à lire, écrire et compter. Sa priorité est désormais d’enseigner la « bienveillance » à des élèves qui peuvent ainsi laisser libre cours à leurs émotions, leurs pulsions et leur narcissisme. Cela porte un nom : la psychologie positive. Et quand le prof est sommé de jouer au psy en classe, il n’y a plus personne pour jouer au prof.

Matthieu Grimpret dénonce ce « psychosystème » dans un livre édifiant[1]. Ce n’est pas un pamphlet, se défend-il d’emblée, mais une enquête, une somme de témoignages, un document brut. Ce qui le rend d’autant plus explosif. En vingt ans de carrière, ce professeur – qui a aussi bien enseigné en filière professionnelle qu’à Sciences-Po – a assisté à la désagrégation de la transmission des savoirs au bénéfice (relatif) de ce pseudo-épanouissement. C’est le drame qu’il pointe : pour ne pas traumatiser de pauvres « apprenants », selon la terminologie officielle, on leur en apprend de moins en moins. Le niveau s’effondre mais victoire, l’élève a gagné le droit au bien-être! Et le commandement vient d’en haut, comme le prouve ce rapport de la Cour des comptes publié en mai 2025 : « Le premier enjeu que l’école doit relever est de mettre le bien-être des élèves au centre des initiatives innovantes. » Que cette docte sentence émane des comptables de la Rue Cambon a de quoi surprendre. « L’enseignement primaire : une organisation en décalage avec les besoins de l’élève » : le titre donne une idée de l’ampleur du phénomène. Après avoir été un centre d’endoctrinement idéologique, « l’école est en train de devenir un “tiers-lieu” (notion woke à la mode) à mi-chemin entre le spa et le cabinet du psy », souligne Grimpret. Selon une prof à la retraite, c’est même pire : les mandarins de la Rue de Grenelle ont laissé place à des « laborantins ». Des experts autoproclamés en sciences de l’éducation qui expérimentent leurs méthodes dites révolutionnaires sur des « cobayes » – les enfants. Et de pédagogisme en pédagogisme se dessine une tendance évidente : nul attachement à la transmission du savoir universel, mais une intention politique. Pour les pédagogues, des activistes, « le métier d’instruire est non une cause finale mais une cause instrumentale. Ils se lancent dans l’enseignement pour “changer la vie”, selon le fameux slogan socialiste des années 1970 et 1980. »

Qu’on se rassure, Grimpret ne prône pas le mal-être des élèves ! Mais fort de son expérience, il constate qu’on ne peut enseigner et apprendre « dans la bienveillance ». Il constate aussi que le sens de l’effort et de la discipline, valorisé dans des pans entiers de la culture populaire, du sport aux émissions de télé (« Danse avec les stars », « Top chef », etc.), n’a plus droit de cité dans l’enceinte scolaire. Et le pire, c’est que toute cette bienveillance est vaine : en plus d’être de moins en moins instruits, les jeunes Français n’ont jamais eu une santé mentale aussi fragile.

222 pages


[1] Bullshit bienveillance, Magnus, 2025.

Âme et conscience

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Le romancier Pierre Commeine photographié en 2025. DR.

Le père d’un chroniqueur judiciaire, magistrat, fait retirer ses trois enfants à une mère. Cela lui est reproché. Le fils décide de mener l’enquête…


Chronique d’un cas de conscience, dernier ouvrage de Pierre Commeine, est-il un roman, un récit et/ou une chronique ? Difficile à dire, même si, dès l’avertissement, son auteur nous prévient : « Ce roman s’inspire d’une histoire bien réelle, comme en témoignent différentes coupures de presse de l’époque, sous le titre : « Rendez-moi mes enfants ! » Cependant, le détail des faits rapportés, la description des lieux ainsi que les noms cités sont strictement de pure fiction. En conséquence, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. »

Pierre Commeine est loin d’être un inconnu. Né dans l’Aisne d’une mère française et d’un père belge, passionné par l’histoire (en particulier la Première Guerre mondiale), la peinture et la photographie, il a publié de nombreux ouvrages, essais et romans.

Le procès Goldman en arrière-plan

Que nous raconte-t-il dans Chronique d’un cas de conscience ? Le chroniqueur judiciaire Philippe Minouflet remet de l’ordre dans les papiers de son père, procureur de profession, récemment décédé. Il découvre un numéro du journal Détective daté du 16 septembre 1957. Dans un article, on lui reproche d’avoir fait retirer à une mère ses trois enfants pour amoralité; le journaliste lui reproche également d’avoir jugé « en son âme et conscience » et non pas en se référant au Code pénal et aux lois en vigueur. Philippe Minouflet décide de mener l’enquête afin de se forger une opinion sur la décision de justice prise par son père. Pour ce faire, il rencontre les témoins de ce drame familial. « Ainsi, détaillant son enquête menée au cours de l’année 1985, il nous raconte le parcours du chroniqueur judiciaire et nous fait suivre le procès de Pierre Goldman à Amiens en 1976 », explique l’éditeur en quatrième de couverture du livre. « Enfin, il nous plonge dans le Vailly-sur-Aisne des années quarante et cinquante, avec celle qui déclarait avoir toujours été déchirée par ses passions de femme en proie à ses démons intérieurs, et qui criait au tribunal : « Rendez-moi mes enfants ! »… »

Dans cet opus à la construction habile mais parfois complexe, on croise beaucoup de monde, dont l’excellent avocat amiénois Pascal Pouillot, le chanteur et producteur Pierre Barouh (proche de Pierre Goldman), Jean-René Huleu, l’un des fondateurs de Libération. Il nous donne à lire de beaux passages sur les deux dernières guerres, en particulier dans l’Aisne, et éclaire avec délicatesse le psychisme d’illustres inconnus dont Lucie Anglade, la mère éplorée. À découvrir.

Chronique d’un cas de conscience, Pierre Commeine ; à contresens éditions. 255 pages.

Chronique d’un cas de conscience

Price: 17,00 €

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La divergence des luttes

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DR.

Ça par exemple! Dans son nouveau parti, Zarah Sultana est confrontée à des tensions internes dues à des divisions idéologiques – doux euphémisme – et à un mystérieux sexisme de ses collègues masculins.


Jeremy Corbyn, le frère d’armes de Jean-Luc Mélenchon en islamo-gauchisme, vient de subir un revers dans sa création d’un nouveau parti destiné à porter cette idéologie socialiste aux relents antisémites. Rappelons que Corbyn, député depuis quarante-deux ans, a été le chef des travaillistes entre 2015 et 2020. Démissionnaire après la défaite humiliante du parti en 2019, il est suspendu par le nouveau leader, Keir Starmer, parce qu’il aurait encouragé une atmosphère de judéophobie décomplexée.

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Annonçant qu’il se présentera comme indépendant lors des élections de 2024, il est expulsé du parti. Il forme ensuite une « alliance indépendante » avec quatre autres députés, tous des hommes musulmans élus sur un programme pro-Gaza. En juillet 2025 une nouvelle recrue permet de transformer cette affiliation en parti politique. Il s’agit de Zarah Sultana, 31 ans, musulmane d’ascendance pakistanaise, élue députée travailliste en 2019 et de nouveau en 2024. Suspendue du parti en juillet 2024 pour avoir voté contre le gouvernement de Starmer, elle démissionne un an plus tard et entre en négociations avec Corbyn. Mais quand elle annonce le lancement d’un nouveau parti au nom provisoire de « Your Party », l’entourage de Corbyn l’accuse de prendre une initiative prématurée. Your Party est néanmoins lancé peu après avec les deux élus comme cofondateurs. Pourtant, des fissures refont surface en septembre, quand Sultana lance une invitation en ligne pour recruter des adhérents. Des cadres du parti l’accusent de prendre encore une initiative personnelle et tentent d’annuler l’opération. Des militants favorables à Sultana ripostent en exigeant l’élection d’un comité directeur.

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Cependant les désaccords ne portent pas que sur le modèle de fonctionnement. Le transgenrisme, fer de lance progressiste, ne plaît pas aux musulmans conservateurs, tandis que Sultana n’avait pas compté avec le masculinisme de ses coreligionnaires. Elle se prétend marginalisée par ses collègues qu’elle accuse de former un « club pour garçons sexiste ». Islam et gauchisme ne font pas toujours bon ménage.

Donald Trump, faites libérer Boualem Sansal!

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Boualem Sansal © Hannah Assouline

Un appel un peu fou ?


Les autorités françaises, à quelque niveau que ce soit, ne sont pas à la hauteur. Et Boualem Sansal va croupir en enfermement jusqu’à sa mort si une poigne politique ne s’en mêle pas !

Comment ne pas songer, en ces jours miraculeux, au président Donald Trump qui a réussi le tour de force, à la fois en soutenant Israël et en contraignant le Hamas, de faire libérer les trop rares otages encore vivants, avec tous les disparus – il n’y a plus une seule femme… – après ces 738 jours d’enfer ?

Cette immense allégresse collective, consensuelle et déchirante, qui a rassemblé dans une sombre joie les Israéliens, avec ce splendide hymne composé pour la libération des otages et leur « retour au pays », sera inoubliable, et le 13 octobre un jour à jamais singulier, où les affrontements politiques, à peu près partout, ont cédé le pas à un bonheur intense.

Certes ce n’est que la première phase du plan de Donald Trump mais puis-je dire qu’elle se suffit pour l’instant à elle-même, dans l’attente de la deuxième – avec la menace d’un Hamas réglant ses comptes – et des suivantes qui promettent d’être encore plus délicates. Elles seront cependant dans les mains et l’énergie d’un homme qui accomplit ce qu’il annonce et n’a pas pour vocation de rompre devant les obstacles diplomatiques et une Histoire faite de crises paraissant insolubles…

Je n’oublie pas la Russie et l’Ukraine et j’ai bien conscience que, s’étant heurté à un dictateur cynique, sans foi ni loi, Vladimir Poutine, il s’est d’une certaine manière désengagé, en devenant pourtant plus équitable avec le président Zelensky, au profit de cet Himalaya concernant le conflit israélo-palestinien.

J’admets volontiers que le comportement du président Trump, lunatique, instable, fluctuant, contradictoire, m’a à plusieurs reprises inquiété et déplu mais que pèse ma modeste critique face à ce triomphe des vies sauvegardées et arrachées à leurs bourreaux ! Pour moi, Donald Trump restera pour toujours l’homme de ce salut auquel personne ne croyait. Sauf lui.

Je n’ai pas aimé, de notre piètre ministre des Affaires étrangères jusqu’à Valérie Hayer face à Robert Ménard (sur BFM TV), la réticence, voire le dédain, avec lesquels les autorités françaises ont cherché à se tailler une mince place dans une négociation et une pression américaines qui les ont dépassées…

Il est clair qu’on ne saurait attendre de la France, diminuée et affaiblie comme elle est sur le plan national, un rôle équivalent à celui de l’immense puissance américaine désireuse, en permanence, de se manifester et de permettre à son président atypique de faire mentir ses adversaires compulsifs… En revanche, de notre pays, il aurait été sain d’entendre des éloges sans aigreur et le fair play d’une « grenouille n’aspirant pas à se faire passer pour un bœuf »…

Boualem Sansal est en train de disparaître, de subir l’inaction coupable de nos dirigeants, même si cette personnalité extraordinaire et indomptable ne s’efface pas de nos mémoires. C’est pourquoi, aussi absurde que soit mon appel, aussi utopique qu’apparaisse, à ce point, l’immixtion de Donald Trump dans nos affaires, je me résous à adresser au président américain cette injonction admirative : Donald Trump, faites libérer Boualem Sansal !

Lâche-moi les baskets

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D.R.

Appropriation culturelle : retour sur la terrible affaire entre le Mexique et Adidas


Le 8 août, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum Pardo s’avance sur la scène du Palais national de Mexico. Derrière elle, l’objet de sa conférence de presse – et de son courroux – s’affiche sur un écran géant : il s’agit… d’une paire de baskets Adidas.

Une vive polémique secoue en effet le pays depuis le lancement du dernier modèle de la firme allemande. Baptisé « Oaxaca Slip-On », celui-ci s’inspire ouvertement des huaraches, sandales traditionnelles tressées qui font la fierté des artisans de la région d’Oaxaca depuis des générations. Mais une banale accusation de plagiat industriel ne saurait suffire : assez vite, l’infamant chiffon rouge de l’appropriation culturelle est agité. « Ce n’est pas seulement un design, il s’agit de la culture, de l’histoire et de l’identité d’un peuple, et nous ne permettrons pas qu’il soit traité comme une marchandise », a tonné, avec force lyrisme, Salomon Jara Cruz, gouverneur de l’État d’Oaxaca, sur X. Car au Mexique, on ne badine pas avec la question indigéniste : depuis 2021, la loi prévoit des amendes, voire des peines de prison, en cas « d’utilisation non autorisée de la propriété intellectuelle et culturelle des peuples indigènes et afro-mexicains ». Plusieurs fabricants de prêt-à-porter tels que Shein, Zara ou Isabelle Marant ont d’ores et déjà été poursuivis pour ce motif.

Prise dans la tourmente des réseaux sociaux, menacée d’une action judiciaire, la marque aux trois bandes espère limiter le « bad buzz » en s’engageant à collaborer avec la communauté locale « dans un dialogue respectueux qui honore son héritage culturel ». Les excuses fébriles pleuvent comme à Gravelotte : Willy Chavarria, le designer – américain d’origine mexicaine – des souliers de la discorde se répand en remords et contritions publiques. Mais rien n’y fera, et les sneakers honnies seront, fin août, définitivement retirées des plateformes de vente. Plus que jamais, l’extension du domaine de l’appropriation culturelle est en marche. Et la décolonisation s’applique intégralement, de la tête aux pieds.

Macron et la paix «made in Trump»

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Le président Emmanuel Macron avec le Palestinien Mahmoud Abbas à Charm el-Cheikh, En Egypte, 13 octobre 2025 © Eliot Blondet-Pool/SIPA

Faiseur de paix au Proche-Orient, Donald Trump relègue Emmanuel Macron au rôle ingrat de VRP de sa «Pax Americana». Analyse.


Emmanuel Macron était hier en Égypte pour « soutenir la mise en œuvre » d’un accord qu’il n’a ni conçu ni négocié. C’est bien le plan de Donald Trump — partiellement accepté par Israël et le Hamas — qui a désormais été entériné à Charm el-Cheikh. Or, en février, le président français dénonçait avec vigueur les premières esquisses de la « Riviera du Moyen-Orient » de Trump. Voici donc un nouveau retournement symbolique pour une diplomatie française adepte du « coup d’éclat », qui prétendait « mettre la pression » mais se retrouve à valider un ordre négocié ailleurs…

Emmanuel Macron adopte une nouvelle posture : celle du soutien à Trump

La France est arrivée à Charm el-Cheikh très affaiblie. Paris est enlisé dans une crise gouvernementale, avec un président au capital politique faible tant sur le plan intérieur qu’à l’international. Emmanuel Macron est désormais le président le plus impopulaire de la Ve République, égalant le record de François Hollande avec 14 % d’opinions favorables.

Cela n’interdit pas la diplomatie présidentielle, mais cela donne à la politique étrangère des allures de refuge plutôt que de mandat. Pour exister politiquement sur le plan intérieur, Emmanuel Macron avait depuis l’été adopté une stratégie de « diplomatie populaire », se montrant sévère envers Israël, une posture devenue « à la mode » et « mainstream ».

Si cette inclination à se réfugier dans les affaires internationales n’est pas problématique en soi depuis la dissolution de 2024, les revirements le sont davantage. Le président ne porte plus une ligne française singulière et originale : il s’aligne désormais sur le plan de Trump.
Le cessez-le-feu et la première phase d’échanges d’otages et de prisonniers reposent sur le plan américain en vingt points dévoilé en septembre. Or, Emmanuel Macron avait, à contretemps, reconnu l’État de Palestine sans exiger la libération immédiate des otages ! Désormais, Paris soutient l’exécution plutôt que de porter un schéma alternatif. Une souplesse en forme de renoncement, comme pour masquer son impuissance.

Notons toutefois que Donald Trump a lui-même assoupli sa position. Son plan de paix pour Gaza laisse désormais « entrouverte » l’hypothèse d’un État palestinien et tempère ses anciens discours maximalistes sur le « déplacement » des populations. Fini, aussi, l’idée d’un GREAT trust : Trump dirigera plutôt un Conseil de paix chargé de superviser une autorité palestinienne technocratique et apolitique. Cette flexibilité a ouvert un espace d’adhésion israélien, arabe et européen qu’aucune initiative française isolée n’aurait pu créer.

Seul Trump peut réussir, pas Macron

Deux ans après le début du conflit, Israël a besoin de Donald Trump. L’État hébreu n’a pas atteint ses objectifs de destruction du Hamas ni obtenu le retour de ses otages. Il se retrouve isolé au sein de l’Occident, avec une Europe qui se fracture sur l’effondrement humanitaire à Gaza.

Le plan de Trump rompt cette impasse en proposant des étapes tangibles : cessez-le-feu, redéploiement israélien sous supervision, libérations d’otages et échanges de prisonniers, montée en puissance humanitaire, puis discussions sur la gouvernance. Difficile à enrayer, coûteux à violer, le plan offre à chaque camp des gains concrets à court terme — le plus précieux pour Israël demeurant la libération des otages.

Ce plan s’appuie sur un Donald Trump disposant des moyens de ses ambitions. Fort d’un savoir-faire diplomatique déjà visible durant son premier mandat — des Accords d’Abraham à la normalisation progressive avec les dirigeants régionaux, de l’Arabie saoudite à la Syrie —, le président américain dispose de puissants leviers : une diplomatie coercitive, un appareil militaire projetable et un poids économique sans équivalent.

Face à cela, Emmanuel Macron et les Européens restent inaudibles dans la région : dépourvus d’atouts comparables, ils se limitent à des effets d’annonce sur l’État palestinien. Pour tenter d’incarner une pseudo-crédibilité diplomatique, Macron s’arrime donc à un projet qu’il ne peut pas véritablement influencer.

Emmanuel Macron, VRP de la « Pax Americana » ?

Donald Trump a relégué Emmanuel Macron au rang de simple VRP de sa « Pax Americana ». Là où le président français plaide pour la paix par conviction morale, son homologue américain la recherche par intérêt stratégique.

À la différence du duo Biden-Blinken, à qui le retrait catastrophique d’Afghanistan colle à la peau, Washington passe du rôle de « facilitateur » à celui de « garant », dans la perspective d’une vaste alliance régionale contre le terrorisme islamiste incarné par l’Iran et ses proxys. Ce nouvel ordre régional, orchestré par les États-Unis, vise à imposer une « Pax Americana », c’est à dire une paix imposée par la force d’un empire comme la « Pax Romana » sous l’Empire romain.

Mais trois obstacles pourraient faire échouer ce projet. D’abord, le risque d’exécution : des factions à Gaza ou des extrémistes en Israël pourraient saboter le processus de paix. Ensuite, la question de la gouvernance à long terme de Gaza reste entière : tout rôle élargi de l’Autorité palestinienne, même réformée, serait contesté à la fois à Ramallah et à Jérusalem.
Enfin, le danger d’un remake des erreurs américaines du passé persiste : imposer une structure politique sans tenir compte des réalités locales, comme en Afghanistan ou en Irak.

La diplomatie se fait avec des leviers de puissance plus qu’avec des déclarations morales. La visite d’Emmanuel Macron en Égypte, en simple « ambassadeur de la paix trumpienne », le démontre. Ironie du sort : il n’est pas totalement inconcevable que le grand pacificateur Donald Trump décroche un jour le Graal ultime de ceux qui aiment faire la morale : le prix Nobel de la paix.

Trump Power: une main de fer dans un gant de fou

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Le président américain Donald Trump s’exprime lors du Sommet international pour la paix à Gaza à Charm el-Cheikh, en Égypte, le lundi 13 octobre 2025 © Amr Nabil/AP/SIPA.

Le 13 octobre, une date historique ? Elisabeth Lévy veut croire au nouveau plan de paix entre Israël et le Hamas, parce que Trump.


Oui, ce fut une journée historique. Le monde retiendra que ce 13 octobre 2025, le gouvernement Lecornu 2 est né dans la douleur. Blague à part, le contraste était cruel entre les interminables palinodies de la popol française et l’Histoire en marche à la tribune de la Knesset. Mais Sébastien Lecornu n’y est pour rien. S’il pêche, c’est par excès de loyauté. Passons et revenons à l’événement.

D’abord, il y a eu ces images bouleversantes d’un pays réuni dans l’attente puis la joie du retour des otages. Comme l’ont écrit des soldats sur un mur de Gaza avant de se retirer, pour les Israéliens, il n’y aura ni oubli ni pardon. Mais la page du 7-octobre peut se refermer. Il n’y a plus de menace existentielle.

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Jour historique aussi pour les Palestiniens, le Moyen-Orient, le monde arabe et le monde tout court qui depuis des décennies vit par contagion ce conflit sur et pour un confetti. Trump n’a pas mégoté sur le lyrisme : «Aujourd’hui, les sirènes se taisent, les fusils se taisent et le soleil se lève sur une terre sacrée, qui, avec l’aide de Dieu, vivra en paix pour l’éternité. C’est la fin d’une ère de terreur et de mort et le début d’une ère de foi, d’espérance. Le début d’une harmonie perpétuelle entre Israël et les autres nations. C’est l’aube historique d’un nouveau Moyen-Orient. »

En termes plus prosaïques, ce n’est pas la fin, pas encore même le début de la fin, mais un tournant décisif dans la guerre de 100 ans entre juifs et arabes de Palestine (sans remonter au roi David comme l’a fait Trump).

Les raisons de douter sont légion. J’ai déjà prononcé et entendu les mêmes grands mots, en 1993 lors des accords d’Oslo. J’ai pleuré en voyant Arafat et Rabin se serrer la main devant un président américain à l’air adolescent. Puis Rabin a été assassiné par un extrémiste juif. J’ai entendu Shimon Peres parler d’un Moyen-Orient connecté et pacifié. Et une vague d’attentats-suicides a balayé la gauche israélienne. J’ai salué les accords d’Abraham et puis il y a eu le 7-Octobre.

Dans ces conditions, me dira-t-on pourquoi y croire encore ? D’abord parce que Donald Trump. Ce n’est pas seulement que, par fonction, il est l’homme le plus puissant du monde, ce que ses prédécesseurs étaient aussi, c’est qu’il est prêt à utiliser sa puissance – comme en Iran – et à laisser son allié Netanyahou utiliser la sienne. Rappelant qu’il avait changé le nom de son ministère de la Défense en ministère de la Guerre, le président américain a averti : « Si nous faisons la guerre, nous écraserons nos ennemis. Nous n’allons pas être politiquement corrects. Il s’agit de la paix par la force.» Et puis, il y a sa personnalité imprévisible. On se dit que si on l’énerve trop, il peut envahir le Groenland. C’est peut-être ça le Trump power : une main de fer dans un gant de fou.

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Son plan est à l’avenant. Derrière le lyrisme, la menace est omniprésente. L’ONU et les institutions multilatérales ne jouent aucun rôle, ce qui est un excellent point. En réalité, il s’agit d’installer à Gaza un protectorat international sur le modèle de l’Allemagne en 1945.  Bien sûr les chausse-trappes ne manquent pas mais faisons un rêve comme disait l’autre. Peut-être existe-t-il à l’horizon d’une génération un autre avenir, une autre cause pour les jeunesses arabes et palestinienne que la haine des juifs et de l’Etat juif, qui sait une véritable paix. En attendant, une coexistence armée sous protection internationale, ce serait déjà bien.

Certes, le Hamas ne veut pas être désarmé. Mais il ne voulait pas non plus rendre les otages. Aujourd’hui, il est encore l’un des plus puissants gangs de Gaza, pas une force capable d’imposer ses exigences, pour la bonne raison qu’il est isolé, lâché par ses sponsors et parrains. En tout cas dans le monde arabe et musulman. Chez nous, Mélenchon refuse de demander le désarmement du mouvement islamo-terroriste parce que, ose-t-il, «la résistance armée est un droit». Je ne sais pas si Trump réussira à pacifier le Moyen Orient. Mais il y a encore du boulot pour pacifier la France.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

« Le dernier bastion »

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Sophie de Menthon © Eric Fougère

Sophie de Menthon appelle à mettre nos chicaneries politiques partisanes de côté un court instant pour fêter les entreprises. «J’aime ma boite», c’est ce jeudi. Célébrons ceux qui font tourner la France: les rêveurs, les bosseurs, les entrepreneurs et leurs salariés !


« L’entreprise notre force à tous » est le credo de la campagne publicitaire de la 23e Fête des entreprises qui se déroule ce jeudi 16 octobre, et qui prend un poids qu’elle n’avait jamais eu. C’est bien plus que la commémoration de l’affectio societatis, dans le double sens du terme, c’est la revendication d’un pays tout entier, salariés et entrepreneurs, qui comprennent chaque jour davantage que sans eux rien n’existerait, ce que l’on se garde bien de leur dire dans les discours politiques.

C’est aussi la révolte des entrepreneurs qui se font donner des ordres à longueur d’année, se font diriger, prélever, taxer, sans aucune concertation véritable et sans reconnaissance. On ne peut pas dire « l’entreprise » car il y a des entreprises, de la magnifique boîte du CAC 40 jusqu’à la formidable PME qui crée un marché, en passant par nos ingénieurs et scientifiques (au bord de quitter la France). Nous les aimons tous, salariés et patrons, autant chez LVMH, que chez « Amplitude communication » qui gère ses coursiers en résistant aux plateformes low cost. Nous les aimons et nous devons leur dire, au moins une fois dans l’année. La célébration est essentielle, car finalement c’est une pédagogie induite. C’est aussi le rappel que le politique les entrave et nuit à la croissance économique avec les dettes abyssales, la fiscalité, la complexité… le moment de dire “on existe“. Fêter les entreprises, c’est ne pas faire preuve d’idéologie, c’est faire comprendre qu’il faut épargner les poules aux œufs d’or, aujourd’hui les entreprises doivent expliquer et faire comprendre leur vitalité. Elles ont bien compris que c’était exclusivement elles qui finançaient intégralement le pays, alors qu’elles ne peuvent pas assez payer leurs salariés à cause des prélèvements indécents : que ceux qui nous gouvernent reprennent une feuille de salaire en l’analysant comme au premier regard, ligne par ligne, et repartent de là, comme base pour rétablir un peu le budget de la France : tout y est !

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La vraie question au fond c’est : est-ce vraiment LE moment pour faire la fête ? Eh bien oui, plus que jamais. Dire « j’aime ma boite » est l’expression nationale d’une démocratie d’entreprises. Écoutons cette démocratie du travail, cette représentation entrepreneuriale, la vraie, le peuple des entreprises, des entrepreneurs et des salariés, sans oublier les autoentrepreneurs : leur boîte c’est eux, sans parachute ! Écoutez ces patrons qui ne veulent plus d’aides mais veulent leur liberté de gérer sans interventionnisme, et qui clament : reprenez vos « cadeaux », le terme brandi par les jaloux ignorants, car une aide de l’État arrive lorsque le même gouvernement a mis un secteur d’activité en telle difficulté qu’il faut compenser ! Plus aucune aide : mais la suppression des taxations permanentes sans visibilité, plus d’antidotes mais supprimer le poison administratif et fiscal distillé aux entreprises à longueur d’année et ce pour le bonheur des salariés français.

La « Fête des entreprises », c’est tout le contraire d’une grève ou d’un jour férié ! C’est le jour d’une indispensable reconnaissance — celle du travail de chacun, de la prise de risque, et de cette colonne vertébrale de notre société : l’entrepreneuriat. Soyons fous, célébrons nos entreprises, tous ensemble, dans un même élan — syndicats compris ! Ce jeudi 16 octobre, faisons-en un rappel à l’ordre joyeux et collectif: celui de la fierté de créer, d’innover et de faire avancer le pays. Le mot “entreprise” qui comprend tous les acteurs qui la font exister, n’est jamais prononcé dans les discours dont nous sommes abreuvés ni même dans les débats publics.

Puisse cette “Fête des entreprises” être le révélateur qu’il faut gouverner autrement, et revenir au plus près du terrain. La Fête des entreprises, c’est aussi celle des riches, de ceux que l’on veut punir d’avoir réussi parce qu’ils gagnent trop. Les entreprises sont le dernier bastion d’une France attaquée par elle-même.  “J’aime ma boite” vous avez le droit de le clamer, c’est le jour…

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Châtelet-Les Halles: plus de bastons et de baffes que de beats…

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Canopée du Forum des Halles, Paris, 11 octobre 2025. capture vidéo Le Parisien.

Alors que le préfet de Paris Laurent Nuñez venait la veille d’être nommé ministre de l’Intérieur, le cœur de Paris a connu samedi des débordements graves autour d’un concert de rap en plein air.


Samedi 11 octobre, le centre de Paris a de nouveau été le théâtre de violences urbaines. Et ce qui devait être un simple concert gratuit a dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
Bilan : huit interpellations et quatre policiers blessés.
Une scène devenue tristement banale, mais qui révèle un malaise profond: celui d’un espace public parisien de plus en plus incontrôlé.

Un concert qui vire au chaos

En fin d’après-midi, un rassemblement s’est formé au niveau du Forum des Halles, pour un concert sauvage du groupe L2B, très suivi sur les réseaux sociaux. L2B est constitué de trois membres ; le nom du groupe fait référence au quartier du Bois-l’Abbé de Champigny-sur-Marne où ces trois larrons ont grandi. Le lieu n’avait rien d’anodin: les Halles sont depuis des années un point névralgique de toute une jeunesse banlieusarde francilienne.

Très vite, plusieurs centaines de personnes se sont massées sur l’esplanade. Les vidéos diffusées sur TikTok et X montrent des adolescents surexcités souhaitant se rapprocher de la scène, criant et chahutant. Puis, lorsque les policiers sont intervenus pour disperser la foule trop nombreuse, des affrontements ont éclaté. Jets de projectiles, provocations, insultes: la scène avait tout d’une mini-émeute (voir vidéo plus bas). Huit personnes ont été interpellées pour violences et dégradations. Quatre policiers ont été blessés. Le concert n’a jamais vraiment eu lieu: il a surtout servi de prétexte à un défouloir collectif.

Ce nouvel épisode ne surprend guère les habitants et commerçants du quartier. Le Forum des Halles, longtemps présenté comme le « ventre de Paris », est devenu une zone où se concentrent insécurité, incivilités et tensions. Notamment en fin de semaine. Le lieu attire une jeunesse nombreuse, souvent livrée à elle-même, parfois violente, dans un contexte de délitement de l’autorité.

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Depuis plusieurs années, les incidents s’y multiplient : rixes entre bandes, vols à la tire, agressions, rodéos urbains et rassemblements non encadrés. Et les renforts policiers réguliers ne suffisent plus à rétablir durablement l’ordre.

Culture de l’instant

L’épisode de samedi illustre un autre phénomène inquiétant : la montée d’une culture de la foule incontrôlée, nourrie par les réseaux sociaux et le sentiment d’impunité. Ce type de concert « sauvage » fonctionne sur une mécanique bien rodée : annonce virale, afflux massif, tension, et affrontements.

Les artistes y trouvent un moyen de gagner en visibilité sans passer par les circuits légaux ; les participants viennent autant pour le spectacle que pour le frisson de la transgression. Ce mélange explosif transforme des lieux publics en zones de non-droit temporaires. D’autres incidents autour d’opérations commerciales dans des fast-foods ont également défrayé la chronique ces dernières semaines en France.

On pourra objecter qu’il ne s’agit à chaque fois que d’une minorité de perturbateurs ou de casseurs parmi une foule de badauds. Et c’est vrai. Mais c’est précisément l’effacement de l’autorité qui permet à cette minorité d’imposer temporairement sa loi au plus grand nombre dans l’espace public.

Une jeunesse qui n’a plus les codes

Au-delà du fait divers, cette soirée interroge la capacité de l’État et de la mairie à maintenir l’ordre dans le cœur même de la capitale. Les Halles, ce n’est pas franchement une cité de banlieue, encore moins une zone périphérique : c’est le centre historique et commercial de Paris ! Si même là, les forces de l’ordre doivent subir les coups, qu’en est-il ailleurs ?

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Depuis des années, une stratégie politique de tolérance molle et de gestion au cas par cas a remplacé une politique d’autorité claire. On réagit, on disperse, mais on n’anticipe pas. On « gère » la violence au lieu de la prévenir.


La jeunesse qui se rassemble aux Halles n’est pas homogène : elle mêle des groupes désœuvrés, des danseurs de hip-hop pas bien méchants, des jeunes qui font du lèche-vitrine dans le centre commercial, des fans de rap, des bandes en quête d’affrontements et des curieux attirés par l’effet de foule. Beaucoup de ces jeunes n’ont plus de rapport structuré à l’autorité, ni à l’espace public. Pour eux, la rue est un terrain de jeu — ou de guerre — où l’État n’est qu’un figurant.

Dans ce contexte, l’événement de samedi n’est pas une exception, mais un symptôme. Les Halles ne sont plus un lieu de rencontre conviviale ; elles sont devenues une scène de tension permanente. Et le concert de L2B n’a été que l’étincelle.

Ce que révèle ce nouvel épisode

– L’État est toujours en position défensive, réagissant au lieu de maîtriser.
– L’espace public est de plus en plus confisqué par des groupes informels, souvent jeunes et incontrôlables.
– Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la mobilisation de foules éphémères mais puissantes.
– La violence devient banale, presque routinière, y compris dans des lieux très touristiques et censés symboliser la capitale.

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Rétablir l’autorité, une urgence

La couverture médiatique des incidents graves de ce samedi a été minimale, une actualité en chassant une autre, et les péripéties gouvernementales et de la géopolitique du Proche-Orient ayant pris toute la place aux unes des gazettes. Face à cette situation, les réponses habituelles — indignation politique, déclarations fermes et déploiements temporaires de CRS — apparaissent bien dérisoires. Rétablir durablement l’ordre aux Halles supposerait une politique d’autorité assumée: reconquête de l’espace public, contrôle plus rigoureux des rassemblements, sanctions rapides.

La capitale de la France est-elle encore capable de garantir l’ordre et la sécurité, ou est-elle en passe de devenir une ville livrée à des logiques de gangs américains ? Les habitants se contenteront-ils une nouvelle fois des communiqués de circonstance des autorités ? La soirée de samedi a donné des réponses inquiétantes.

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Place des otages, deux ans d’attente

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Une jeune femme en pleurs alors que la foule est rassemblée pour regarder la retransmission en direct de la libération d’otages israéliens depuis Gaza, sur une place connue sous le nom de « place des otages » à Tel-Aviv, le lundi 13 octobre 2025 © Emilio Morenatti/AP/SIPA

La gorge nouée, une foule d’anonymes était une fois encore réunie aujourd’hui à Tel-Aviv. Mais aujourd’hui, c’était pour fêter le retour des vingt otages du Hamas! Notre contributrice sur place raconte les scènes émouvantes auxquelles elle vient d’assister.


Tel-Aviv, place des Otages, 14h. C’est ici qu’aujourd’hui, le cœur du pays bat le plus fort.

Cette place, c’est le centre névralgique de la mobilisation pour la libération des otages depuis le 7-Octobre, renommée depuis « la place des Otages ».

Un endroit qui a accueilli les larmes et le désespoir de toute une nation. Où des survivants sont venus témoigner, et où des concerts ont été organisés pour maintenir vivant le fil de l’espoir. Sans se douter qu’il faudrait tenir aussi longtemps. Deux ans.

Aujourd’hui, on reconnaît à peine la place. Il y a dans l’air un parfum de joie, au milieu de la retenue de rigueur dans cet Israël traumatisé.

La foule est dense. Des jeunes et des vieux. Surtout des jeunes. La société israélienne dans toute sa splendeur, dans toute sa diversité, dans toute sa grâce.

On peine à croire que le hasard ait fait coïncider la fin de la guerre avec un jour de fête – et, plus encore, qu’elle tombe jour pour jour, deux ans après le 7-Octobre, selon le calendrier hébraïque. 

Les affiches des otages sont posées sur les tables. Demain, elles trôneront dans un musée. Transformées en objets d’histoire. En reliques d’une période bientôt révolue.

Des mots écrits sur des cartes postales, des dessins adressés aux otages sont encore accrochés, ils pendent, tenus par des ficelles jaunes, rappelant le mur des lamentations.

La guerre est finie et les 20 otages vivants rentrent chez eux aujourd’hui.

Ils font désormais partie intégrante de l’histoire, leur sort scellé à celui du pays, et la foule semble déjà consciente de ce qui se joue en cette journée brûlante : l’Histoire s’écrit en direct sous ses yeux.
Tout va si vite ici.
Hier, le tunnel des échecs de négociations semblait sans fin.
Aujourd’hui, les écrans géants diffusent les images que la foule a rêvées comme un horizon inatteignable.

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Ici, chacun connaît le visage, le nom, l’histoire personnelle même de chaque otage. « C’est la moindre des choses », me dit une dame. « Ils ont payé de leur souffrance pendant deux ans, la moindre des choses, c’est de connaître leur histoire, et les méandres de leurs existences chamboulées. » À chaque retrouvaille d’un otage avec ses proches, la foule pleure d’émotion. Eviatar, Etan, Matan, Rom, Nimrod, Yossef-Haim, la foule répète leurs prénoms sans fin. L’intensité est à son comble. 

Les visages qui crèvent les écrans auraient pu être nos fils, nos frères, notre meilleur ami. Des mois durant, nous les avons vus figés, imprimés sur des posters, ils s’animent enfin. 

Et quand cette mère hurle en retrouvant son fils : « ata melech », « tu es un roi », c’est notre sang qui se fige dans une identification totale. Car son cri est celui qui est coincé dans nos gorges encore nouées.

Now

Le ciel bourdonne. La voix au micro nous annonce le nom de l’otage transporté en hélicoptère vers l’hôpital Ichilov. Nous voulons en savoir plus.

À l’intérieur, la caméra capte leurs premiers mots écrits sur des ardoises blanches: « Am Israël ‘Haï », le peuple d’Israël est vivant. Il n’a jamais été aussi vivant qu’en cet instant. À côté de moi, une femme est assise, drapée dans le drapeau bleu et blanc. Sur ses genoux, la pancarte de Daniel Peretz.

Je lui demande doucement : « C’est un proche à toi ? ». Elle secoue la tête : « Il ne reviendra pas. Mais tant que sa dépouille n’est pas arrivée, je reste ici et j’attends. »

Elle baisse la voix, répondant à la question dont j’ai déjà honte. « Je ne le connais pas. Mais c’est mon frère. Ils sont tous mes frères. Les vivants comme les morts. Tous, sans exception. »

Je retiens mes larmes. Je traverse la foule, le soleil cogne et j’aimerais photographier chacun des visages de ces anonymes, les expressions qui les traversent, une émotion chassant l’autre l’instant d’après.

Les chansons les plus iconiques du folklore israélien sont diffusées dans les haut-parleurs. On vibre à chaque mélodie et on se souvient. Telle chanson est associée à telle guerre. Les plus âgés savent. Les jeunes ouvrent grand leurs yeux : ils seront les relais de cette histoire contemporaine.

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La voix au micro annonce l’arrivée de Trump à la Knesset.

Un murmure traverse la foule : la place des Otages s’appellera bientôt la place des Héros. Mais notre héros en ce jour, c’est lui.

« Sans lui, où serions-nous ? » me dit la vendeuse des casquettes qui ne sont plus imprimées de « Bring them home now » mais d’un seul mot, « Now ».

Un drapeau américain flotte à côté du drapeau israélien. Après chacune des phrases du président américain, des tonnerres d’applaudissements. Trump remercie son équipe, puis l’armée israélienne. Il rend hommage aux soldats du pays, à ceux qui y ont laissé leur vie. Puis il dit que sans Benyamin Netanyahou, il n’y serait pas arrivé. Une partie de la foule ne retient pas ses huées, la voix au micro les rappelle immédiatement à l’ordre, recouvrant un instant les mots de Trump ; l’heure est au respect. Aujourd’hui, en ce jour historique, en ce jour de délivrance, il n’y a ni gauche, ni droite. Il n’y a qu’un seul parti : celui de ceux qui sont venus pour soutenir les familles et les survivants.

Si seulement c’était vrai 

La foule se tait. Deux députés sont expulsés de la Knesset alors qu’ils affichent un panneau portant la mention « génocide » en signe de provocation. « Benyamin Netanyahou is a nice guy » déclame Trump pour détendre l’atmosphère. Et malgré le ton volontairement léger, il grave son nom dans l’Histoire, promettant au Moyen-Orient un avenir doré.

Une femme debout près de moi pose son drapeau par terre pour s’essuyer les yeux.

« Si seulement… » répète-t-elle. « Si seulement c’était vrai. »

Au même moment, loin de la Place des Otages, loin des caméras venues du monde entier pour capter quelques instantanés de ce jour pas comme les autres, des centaines de familles sont restées chez elles.

Dans une solitude chargée de gravité, celles qui ont perdu un proche ont les yeux fixés sur le décompte des jours d’absence. Il continuera pour elles à s’égrener sans fin.

Leur silence peut être traduit par les mots du poète Elyasaf Ezra :

« 915 soldats, hommes et femmes,
héros et héroïnes,
sont maintenant assis au ciel,
sur le balcon de Dieu,
dans la soukka des anges.
Se tenant la main,
essuyant les larmes de leurs yeux,
ils se regardent les uns les autres,
ils nous regardent,
et crient :
Nous l’avons fait. »

Matthieu Grimpret: dessine-moi une école

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Matthieu Grimpret © Editions Magnus

La bienveillance est le nouveau maître-mot de l’Éducation nationale. Sous son diktat, le bien-être des élèves passe avant leur instruction. Un « psychosystème » que dénonce Matthieu Grimpret dans Bullshit bienveillance.


L’avachissement français commence dès le plus jeune âge, sur les bancs de l’école. Sur les décombres de l’éducation soixante-huitarde est née une nouvelle vision, une nouvelle doctrine pédagogique qui s’est muée en dictature : le « bien-être ». L’école n’a plus pour objectif principal d’apprendre à lire, écrire et compter. Sa priorité est désormais d’enseigner la « bienveillance » à des élèves qui peuvent ainsi laisser libre cours à leurs émotions, leurs pulsions et leur narcissisme. Cela porte un nom : la psychologie positive. Et quand le prof est sommé de jouer au psy en classe, il n’y a plus personne pour jouer au prof.

Matthieu Grimpret dénonce ce « psychosystème » dans un livre édifiant[1]. Ce n’est pas un pamphlet, se défend-il d’emblée, mais une enquête, une somme de témoignages, un document brut. Ce qui le rend d’autant plus explosif. En vingt ans de carrière, ce professeur – qui a aussi bien enseigné en filière professionnelle qu’à Sciences-Po – a assisté à la désagrégation de la transmission des savoirs au bénéfice (relatif) de ce pseudo-épanouissement. C’est le drame qu’il pointe : pour ne pas traumatiser de pauvres « apprenants », selon la terminologie officielle, on leur en apprend de moins en moins. Le niveau s’effondre mais victoire, l’élève a gagné le droit au bien-être! Et le commandement vient d’en haut, comme le prouve ce rapport de la Cour des comptes publié en mai 2025 : « Le premier enjeu que l’école doit relever est de mettre le bien-être des élèves au centre des initiatives innovantes. » Que cette docte sentence émane des comptables de la Rue Cambon a de quoi surprendre. « L’enseignement primaire : une organisation en décalage avec les besoins de l’élève » : le titre donne une idée de l’ampleur du phénomène. Après avoir été un centre d’endoctrinement idéologique, « l’école est en train de devenir un “tiers-lieu” (notion woke à la mode) à mi-chemin entre le spa et le cabinet du psy », souligne Grimpret. Selon une prof à la retraite, c’est même pire : les mandarins de la Rue de Grenelle ont laissé place à des « laborantins ». Des experts autoproclamés en sciences de l’éducation qui expérimentent leurs méthodes dites révolutionnaires sur des « cobayes » – les enfants. Et de pédagogisme en pédagogisme se dessine une tendance évidente : nul attachement à la transmission du savoir universel, mais une intention politique. Pour les pédagogues, des activistes, « le métier d’instruire est non une cause finale mais une cause instrumentale. Ils se lancent dans l’enseignement pour “changer la vie”, selon le fameux slogan socialiste des années 1970 et 1980. »

Qu’on se rassure, Grimpret ne prône pas le mal-être des élèves ! Mais fort de son expérience, il constate qu’on ne peut enseigner et apprendre « dans la bienveillance ». Il constate aussi que le sens de l’effort et de la discipline, valorisé dans des pans entiers de la culture populaire, du sport aux émissions de télé (« Danse avec les stars », « Top chef », etc.), n’a plus droit de cité dans l’enceinte scolaire. Et le pire, c’est que toute cette bienveillance est vaine : en plus d’être de moins en moins instruits, les jeunes Français n’ont jamais eu une santé mentale aussi fragile.

222 pages


[1] Bullshit bienveillance, Magnus, 2025.