La bienveillance est le nouveau maître-mot de l’Éducation nationale. Sous son diktat, le bien-être des élèves passe avant leur instruction. Un « psychosystème » que dénonce Matthieu Grimpret dans Bullshit bienveillance.

L’avachissement français commence dès le plus jeune âge, sur les bancs de l’école. Sur les décombres de l’éducation soixante-huitarde est née une nouvelle vision, une nouvelle doctrine pédagogique qui s’est muée en dictature : le « bien-être ». L’école n’a plus pour objectif principal d’apprendre à lire, écrire et compter. Sa priorité est désormais d’enseigner la « bienveillance » à des élèves qui peuvent ainsi laisser libre cours à leurs émotions, leurs pulsions et leur narcissisme. Cela porte un nom : la psychologie positive. Et quand le prof est sommé de jouer au psy en classe, il n’y a plus personne pour jouer au prof.
Matthieu Grimpret dénonce ce « psychosystème » dans un livre édifiant[1]. Ce n’est pas un pamphlet, se défend-il d’emblée, mais une enquête, une somme de témoignages, un document brut. Ce qui le rend d’autant plus explosif. En vingt ans de carrière, ce professeur – qui a aussi bien enseigné en filière professionnelle qu’à Sciences-Po – a assisté à la désagrégation de la transmission des savoirs au bénéfice (relatif) de ce pseudo-épanouissement. C’est le drame qu’il pointe : pour ne pas traumatiser de pauvres « apprenants », selon la terminologie officielle, on leur en apprend de moins en moins. Le niveau s’effondre mais victoire, l’élève a gagné le droit au bien-être! Et le commandement vient d’en haut, comme le prouve ce rapport de la Cour des comptes publié en mai 2025 : « Le premier enjeu que l’école doit relever est de mettre le bien-être des élèves au centre des initiatives innovantes. » Que cette docte sentence émane des comptables de la Rue Cambon a de quoi surprendre. « L’enseignement primaire : une organisation en décalage avec les besoins de l’élève » : le titre donne une idée de l’ampleur du phénomène. Après avoir été un centre d’endoctrinement idéologique, « l’école est en train de devenir un “tiers-lieu” (notion woke à la mode) à mi-chemin entre le spa et le cabinet du psy », souligne Grimpret. Selon une prof à la retraite, c’est même pire : les mandarins de la Rue de Grenelle ont laissé place à des « laborantins ». Des experts autoproclamés en sciences de l’éducation qui expérimentent leurs méthodes dites révolutionnaires sur des « cobayes » – les enfants. Et de pédagogisme en pédagogisme se dessine une tendance évidente : nul attachement à la transmission du savoir universel, mais une intention politique. Pour les pédagogues, des activistes, « le métier d’instruire est non une cause finale mais une cause instrumentale. Ils se lancent dans l’enseignement pour “changer la vie”, selon le fameux slogan socialiste des années 1970 et 1980. »
Qu’on se rassure, Grimpret ne prône pas le mal-être des élèves ! Mais fort de son expérience, il constate qu’on ne peut enseigner et apprendre « dans la bienveillance ». Il constate aussi que le sens de l’effort et de la discipline, valorisé dans des pans entiers de la culture populaire, du sport aux émissions de télé (« Danse avec les stars », « Top chef », etc.), n’a plus droit de cité dans l’enceinte scolaire. Et le pire, c’est que toute cette bienveillance est vaine : en plus d’être de moins en moins instruits, les jeunes Français n’ont jamais eu une santé mentale aussi fragile.
222 pages
Bullshit Bienveillance: Enquête sur la psychologie positive à l'école
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[1] Bullshit bienveillance, Magnus, 2025.





