Appropriation culturelle : retour sur la terrible affaire entre le Mexique et Adidas
Le 8 août, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum Pardo s’avance sur la scène du Palais national de Mexico. Derrière elle, l’objet de sa conférence de presse – et de son courroux – s’affiche sur un écran géant : il s’agit… d’une paire de baskets Adidas.
Une vive polémique secoue en effet le pays depuis le lancement du dernier modèle de la firme allemande. Baptisé « Oaxaca Slip-On », celui-ci s’inspire ouvertement des huaraches, sandales traditionnelles tressées qui font la fierté des artisans de la région d’Oaxaca depuis des générations. Mais une banale accusation de plagiat industriel ne saurait suffire : assez vite, l’infamant chiffon rouge de l’appropriation culturelle est agité. « Ce n’est pas seulement un design, il s’agit de la culture, de l’histoire et de l’identité d’un peuple, et nous ne permettrons pas qu’il soit traité comme une marchandise », a tonné, avec force lyrisme, Salomon Jara Cruz, gouverneur de l’État d’Oaxaca, sur X. Car au Mexique, on ne badine pas avec la question indigéniste : depuis 2021, la loi prévoit des amendes, voire des peines de prison, en cas « d’utilisation non autorisée de la propriété intellectuelle et culturelle des peuples indigènes et afro-mexicains ». Plusieurs fabricants de prêt-à-porter tels que Shein, Zara ou Isabelle Marant ont d’ores et déjà été poursuivis pour ce motif.
Prise dans la tourmente des réseaux sociaux, menacée d’une action judiciaire, la marque aux trois bandes espère limiter le « bad buzz » en s’engageant à collaborer avec la communauté locale « dans un dialogue respectueux qui honore son héritage culturel ». Les excuses fébriles pleuvent comme à Gravelotte : Willy Chavarria, le designer – américain d’origine mexicaine – des souliers de la discorde se répand en remords et contritions publiques. Mais rien n’y fera, et les sneakers honnies seront, fin août, définitivement retirées des plateformes de vente. Plus que jamais, l’extension du domaine de l’appropriation culturelle est en marche. Et la décolonisation s’applique intégralement, de la tête aux pieds.





