Accueil Site Page 1687

Réforme du bac: retour vers le futur !

0

La nouvelle formule du bac, présentée hier, le 14 février, par Jean-Michel Blanquer, n’est plus « terminale »: elle prépare à nouveau à l’enseignement supérieur.


Voilà une affaire réglée, et non des moindres : le bac nouveau est né. Il est arrivé plus vite qu’on aurait cru. Et devrait être mis en place dès 2021… si les élèves ne descendent pas dans la rue, si les syndicats qui sont, pour le moment, sans voix restent tranquilles et si le corporatisme ne se redresse pas. Pour les élèves, il semble qu’il y ait peu de risques depuis que Bruno Julliard, ce lycéen missionné pour faire sortir ses petits camarades de leur lycée, a été récompensé par une admission à jouer dans la cour des grands. Même la France insoumise n’a pas réussi à mobiliser. Les syndicats, eux, ne manqueront pas de demander quelques moyens supplémentaires. Rien de bien inquiétant. Les difficultés seront sans doute plus grandes du côté corporatiste, car on peut comprendre que les professeurs défendent leur discipline.

Le bac « remusclé » est un lycée « remusclé »

La presse et le grand public ne verront que les modifications de l’examen lui-même, ramené à du contrôle continu (plutôt des sortes de partiels), quatre épreuves écrites ou orales (réparties sur les deux années) et, nouveauté, un oral de vingt minutes. Il y a de quoi alimenter bien des discussions, qui tourneront vite en rond, car il n’y a là rien de bouleversant et tout peut se justifier facilement.

Passons sur le vocabulaire, aujourd’hui inévitable à qui veut être entendu, comme « le baccalauréat égalité », « le baccalauréat plus juste », « le baccalauréat réussite ». Gardons tout le même, pour l’expressivité de la formulation, le « baccalauréat remusclé ».

La vraie nouveauté, celle qu’on n’a peut-être pas encore bien aperçue, c’est que ce baccalauréat est la partie visible d’une transformation discrète, mais profonde des lycées. Méthode Blanquer. L’air de rien, par ce qu’on pourrait penser n’être que de petites touches, on réforme du tout au tout. Déjà la mise en place de Parcoursup, sans en avoir l’air, modifiait toute l’économie du lycée. Par exemple, ce qui n’est quasiment pas commenté et qui est, peut-être, le plus important dans cette réforme : la classe de Terminale n’est plus une classe dite « terminale » mais une classe de « maturation ». Vocabulaire québécois, en usage en Italie, qui devrait être bien accueilli en raison de son allure pédagogiste. On ne voit pas bien ce que cela veut dire, mais on voit bien que la classe Terminale ne termine plus rien. Elle commence autre chose. Elle commence les études post-baccalauréat.

Le bac tient à nouveau compte de la fac

Le sens de cette désignation devient un peu plus clair lorsqu’on se penche sur l’organisation de cette « classe de maturation », qui comportera, naturellement, de la culture commune dite « socle de culture commune » – tout pédagogiste aime les « socles » – des disciplines de spécialités, mais surtout des enseignements facultatifs. Facultatif, c’est dire, au choix des élèves, qui peuvent en prendre jusqu’à deux ou bien ne pas en prendre. Et là se trouve le lycée « remusclé » : mathématiques expertes, mathématiques complémentaires, droit et grands enjeux du monde contemporains. On voit bien que c’est l’enseignement supérieur qui vient ici se faire une place. L’irruption du droit (enfin!) en est un bon signe.

A lire aussi: La crise de l’Université est une crise des lycées

Tous les espoirs sont donc permis, même si on ne manquera pas de l’entendre dire : cette organisation va accentuer les inégalités. Certes. Mais les inégalités qui se manifestent au lycée ne peuvent pas être corrigées au lycée. C’est trop tard. Les inégalités se corrigent à l’école primaire. Passé le CM2, cette correction est très difficile. Passé la classe de Quatrième, elle est devenue quasi impossible. Et la technique de l’ancien ministère qui consistait à vider les enseignements de leur contenu ne faisait qu’aggraver les choses. Elle masquait les inégalités en réduisant l’enseignement à une sorte de plus petit commun dénominateur, en privant les élèves capables d’un enseignement qui leur aurait été pourtant profitable. L’ancien ministère ne s’y était d’ailleurs pas trompé en proposant de corriger ces inégalités après la classe de Troisième, lorsque ce n’est déjà plus possible.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement…

Comme on ne peut pas refuser les élèves à l’entrée de la classe de Seconde, des petits détails sont prévus. D’abord l’optionnalité. Sans commentaire. Ensuite « un test numérique de positionnement en début d’année pour permettre à chacun de savoir où il en est en français et en mathématiques ». Aïe ! Puis « un accompagnement personnalisé » et « une aide à l’orientation » de 54 heures.

Maintenant, regardons les « enseignements facultatifs ». En numéro un, voici les « mathématiques expertes » sorte de retour de la magnifique classe de Math’élem d’avant 1967. Pour les ingénieurs et les carrières scientifiques. En numéro deux, les « mathématiques complémentaires », soit le couple proba-statistiques dont ont besoin les gestionnaires d’entreprises d’aujourd’hui et de demain. En numéro trois, « droits et grands enjeux du monde contemporain », sorte de prépa Science Po dont ont besoin les décideurs d’entreprises.

Quant à l’épreuve d’oral, pourtant lourde et onéreuse à organiser, elle est une idée conséquente. Les élèves vont devoir faire l’effort d’abandonner le parler « djeune », « verlandisé » et truffé d’anglicismes lexicaux et syntaxiques. Ce sera une bonne chose, car il est vrai qu’un oral déficient s’accompagne toujours d’une incapacité à s’exprimer à l’écrit.

Il reste encore à trouver une rédaction des programmes susceptible de donner corps à ce rétablissement des lycées. Souhaitons que la nouvelle présidente du CSP, Souâd Ayada y parvienne.

Quelle loi nous protégera des « fake news » des politiques?

0

Si les politiciens savent si bien ce qu’est une « fake news », c’est peut-être parce qu’ils les utilisent eux-mêmes…


Dès le début de l’année, le président Emmanuel Macron a fait de son projet de loi contre les fausses informations l’une de ses priorités, épaulé dans ce sens par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Cette dernière a récemment livré quelques détails inquiétants de l’esprit de cette réforme pour le JDD : les médias devront désormais « coopérer » avec l’Etat…

A l’Etat de décider si une info’ est juste ou non ? A l’Etat de juger si un scandale est une fausse information ou pas ? « Une procédure de référé judiciaire sera mise en place pour faire cesser rapidement la diffusion d’une fausse nouvelle, lorsque celle-ci est manifeste », a même précisé la ministre ! Dès lors, l’Etat pourra sanctionner les médias. Pourtant, le passé regorge de sprétendues fausses nouvelles, établies ensuite comme véridiques. Mais aucune loi ne pouvait alors permettre à l’Etat ou aux différents pouvoirs d’empêcher ces révélations.

Heureusement qu’il y a des (prétendues) « fake news »

Un exemple : avec ce type de loi, les quelques journalistes courageux du monde sportif n’auraient jamais pu alerter d’un quelconque soupçon de dopage chez Lance Armstrong, dès ses premières victoires sur le Tour de France en 1999. Les instances du cyclisme, comme la puissante Union cycliste internationale (UCI), défendaient l’Américain face aux informations « infondées » du Monde. « Vainqueur » de l’épreuve de 1999 à 2005, il ne sera officiellement convaincu de dopage qu’en 2012, discréditant l’UCI et l’autre presse, celle qui ne voulait pas voir le problème. Si cette loi avait existé en 1999, Le Monde aurait probablement pu être poursuivi en justice par l’UCI pour ses révélations.

A lire aussi: Emmanuel Macron et la « fake » liberté d’expression

Les affaires politiques, comme « l’affaire Cahuzac », seront probablement ciblées par le pouvoir. Un mauvais souvenir pour les socialistes, et certainement pour Emmanuel Macron qui était à cette période secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République, François Hollande. Mediapart avait suscité des réserves et subi des critiques et pressions d’un réseau médiatique défendant le corps politique lors de la publication des premiers éléments de l’enquête en 2012. Ces mêmes politiques qui, lorsqu’ils sont dans l’opposition, se mettent à défendre la presse quand elle sort des affaires contre le pouvoir, et qui s’attaquent à cette même presse lorsqu’elle ose enquêter sur eux. La soi-disant fake news de Mediapart, grâce à de longues investigations, s’est avérée juste. Avec une loi comme celle qui est en projet, le pouvoir aurait vraisemblablement pu menacer le média et la poursuite de l’investigation.

Les médias, ou ceux qui sont considérés comme des « poils à gratter » du pouvoir, pourront craindre la nouvelle loi. Le politique aura besoin du soutien d’une certaine presse pour se faire épauler dans cette bataille. Pourquoi pas le Décodex du Monde qui se charge déjà de cette mission, celle de pister des médias qu’il juge non « fiables » ?

La « fake news » comme instrument d’oubli

En revanche, le politique se garde bien de balayer devant sa porte. Il ose ordonner une morale, un code de bonne pratique pour le journaliste. Mais où est-il pour sanctionner ses propres fake news ? Ce projet de loi-là n’est évidemment pas à l’ordre du jour. Et on comprend pourquoi. Leurs fake news sont très utiles pour guider le citoyen sur ce qu’il faut penser et, accessoirement, voter.

L’une des plus grotesques, récemment, est justement l’oeuvre d’un député de La République en marche (LREM). Sylvain Maillard a assuré, le 5 février sur RFI, que « pour l’immense majorité de SDF qui dorment dans la rue, c’est leur choix ».

Pointée du doigt par la presse de gauche ou de droite, cette fake news ne sera pas sanctionnée. Le gouvernement et la majorité tenteraient-il de faire oublier une promesse du soldat Macron ? Le président s’était engagé, le 27 juillet dernier, à ne plus voir aucune personne dans la rue avant la fin de l’année 2017.

Si la promesse est non tenue, c’est donc simplement de la faute des pauvres, qui ont – on s’en doute – un désir masochiste de vivre au plus près du froid l’hiver.

En janvier, sur France Inter, Julien Denormandie, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, avait attesté de la réussite du gouvernement puisqu’il n’y avait, selon lui, en Île-de-France qu’une « cinquantaine d’hommes isolés [qui dormaient dehors] pour être précis ». Christophe Castaner, délégué général de LREM disait à peu près la même chose fin décembre sur BFM TV, estimant qu’il y avait des places disponibles pour loger les SDF, mais que ceux-ci refusaient en partie d’y être hébergés…

La « fake news », un barrage contre le belliqueux

Avant la mise en place de la loi, un média est d’ores et déjà ouvertement sanctionné pour ses positions : RT France. En janvier, certains de ses journalistes se sont vus refouler de la conférence de presse du président Emmanuel Macron. La ligne éditoriale de RT justifie-t-elle cette punition avant l’heure ? Leurs journalistes – au même titre que ceux de Libération, du Monde, de TF1, du Figaro ou de Télérama – possèdent pourtant une carte de presse, délivrée par une commission indépendante.

Ce n’est donc pas une surprise si la loi contre les fausses informations est souhaitée par Emmanuel Macron pour les élections européennes de 2019. L’idée que des médias ne puissent plus condamner l’Union européenne est bien commode dans une période où la sainte institution n’a jamais été aussi critiquée en France ou ailleurs.

Le djihadisme reste à construire

0

Depuis la défaite de l’État islamique en Irak et en Syrie, l’opinion publique s’inquiète du retour des Françaises et Français partis rejoindre Daech qui essaient maintenant de regagner leur mère patrie. Et l’interrogatoire d’un certain Thomas Barnouin, que ses geôliers kurdes ont diffusé sur Twitter, ne rassurera pas nos compatriotes.

Converti à l’islam en 1999, djihadiste à partir de son séjour en Arabie saoudite en 2005 et ancien de la célèbre filière d’Artigat à laquelle appartiennent les frères Merah, Barnouin est un gros poisson. Il explique s’être décidé à partir en Syrie avec femme et enfants en 2014 après que « des musulmans » sont venus chez lui pour lui annoncer qu’ils y avaient fondé un État islamique.

« Je me suis rendu compte après quatre ans avec Daech qu’il s’agissait de criminels »

Quelques années plus tard, le prisonnier des Kurdes ne cache pas son amertume : « Je me suis rendu compte après avoir combattu durant quatre ans avec Daech qu’il s’agissait de criminels. Pour moi, honnêtement, Daech est une création des services de renseignements. Ce n’est pas une organisation islamique sincère. C’est une alliance entre services de renseignements et d’anciens baasistes qui sert son propre agenda au Moyen-Orient. »

Autrement dit, si l’État islamique a trahi l’islam, ce n’est ni en défenestrant des homosexuels ni en brûlant vifs des prisonniers, mais parce qu’ils « se sont battus pour le pétrole ». Aux yeux de Barnouin, Daech était un vaste complot ourdi par les services de renseignement occidentaux dont les djihadistes sincères seraient les innocentes victimes. Au fond, Thomas Barnouin réécrit le bon vieux mythe du coup de poignard dans le dos. Sans doute prépare-t-il inconsciemment le coup d’après : Daech a échoué parce que ce n’était pas l’authentique Daech. Bref, pas d’amalgame !

Clips antisionistes subventionnés : l’UJFP va devoir rembourser

0

Dans son numéro de février, notre mensuel publie une enquête, réalisée en collaboration avec le centre « NGO Monitor » de Jérusalem, établissant que l’Union juive française pour la paix (UJFP) avait sollicité auprès du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), institution dépendant du Premier ministre, une subvention dans le cadre du programme de « lutte contre les discriminations ».

A lire aussi: L’UJFP, l’antisionisme subventionné par l’Etat

L’UJFP proposait de réaliser des documents, écrits et audiovisuels, pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Notre enquête avait établi que l’argent reçu avait servi à produire des documents, un livre et une série de clips vidéo diffusant un discours violemment antisioniste, accusant la France de racisme d’Etat et manifestant la sympathie de l’UJFP pour les tenants de l’islamisme radical.

« L’UJFP a été mise en demeure »

Après la publication de cette enquête, nous avons reçu de Corinne Gonthier, directrice de la communication du CGET, une lettre dont voici les principaux extraits :

« Comme il est prévu dans ses attributions, le CGET finance notamment des actions en faveur de la lutte contre les discriminations.

C’est à ce titre, qu’en 2016, il a subventionné à hauteur de 18 000 euros l’association Union Juive Française pour la Paix. Le partenariat visait à soutenir un projet dénommé « Une parole juive contre le racisme : production d’outils-réunions publiques ». Il consistait notamment à réaliser des clips vidéos portant sur la lutte contre le racisme et la déconstruction des discours antisémites de Dieudonné et d’Alain Soral en direction des enseignants, des étudiants des écoles supérieures du professorat et de l’éducation et des agents des centres sociaux.

Les clips vidéo ont été mis en ligne sur le site de l’association fin 2017, avec un logo Premier ministre/CGET mais sans information préalable et sans avoir recueilli de validation du CGET.

Alerté en décembre dernier sur la teneur de ces clips, le CGET a constaté qu’ils ne correspondent pas du tout au cahier des charges conventionné et ne sont pas admissibles car ils mettent en cause un prétendu « racisme d’Etat ».

Dès le 19 janvier, l’association a ainsi été mise en demeure de retirer du site et des documents de l’association toute référence à un soutien de l’Etat. Ce qui a été fait. Parallèlement, le CGET a engagé une procédure de recouvrement de la subvention pour non-respect du cahier des charges. Enfin, le ministère de l’Education nationale a été prévenu et nous n’avons pas d’information sur une diffusion de ces clips en milieu scolaire.

A l’heure où vous avez fait paraître votre article, le 7 février dernier, la subvention faisait donc déjà l’objet d’une procédure d’annulation et de recouvrement auprès de l’UJFP. »

Cette lettre valide donc totalement le contenu de notre enquête, et par conséquent les accusations de détournement de fonds publics que nous avions formulées, sous forme interrogative, dans notre article.

L’intervention de Manuel Valls

Il est pourtant nécessaire de préciser que si la direction du CGET est intervenue (bien tard !) pour tenter de réparer ce grave dysfonctionnement d’une institution d’Etat, cela n’est pas sans rapport avec nos investigations, intervenues bien en amont de la date de publication de l’article de Causeur. C’est le cas notamment de l’intervention de l’ancien Premier ministre Manuel Valls, en fonction à l’époque des faits, auquel nous avons appris, début janvier, la manipulation dont avait été l’objet le CGET dont il exerçait la tutelle, ainsi que de celle du sénateur Loïc Hervé, auteur, fin décembre, d’une question écrite au Premier ministre, après que nous lui avons transmis les éléments du dossier. Manuel Valls nous avait indiqué qu’il allait tenter de tirer cette affaire au clair…

Enfin, pour qu’il n’y ait pas de malentendus, précisons que ce n’est pas l’action militante, ni même le contenu de la propagande de l’UJFP que nous clouons au pilori, même si nous ne partageons pas, loin de là, son idéologie ni ses méthodes. Il s’agit, en l’espèce, d’une malversation caractérisée, d’un rapt d’argent public par la ruse. Qu’ils rendent donc l’argent, et le dossier, pour ce qui nous concerne, sera clos.

Listes transnationales aux européennes: l’idée hors-sol d’un président hors-sol

0

C’est à l’Europe de s’adapter aux nations. Il faut faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes.


Que se cache-t-il derrière la volonté du président de la République et de son gouvernement dans le changement du mode de scrutin aux élections européennes ? On doit douter du dessein européen dans lequel la France a livré sa voix par l’intermédiaire du discours d’Emmanuel Macron devant une assemblée étudiante à la Sorbonne le 26 septembre dernier.

Qui veut encore mourir pour cette Europe ?

Un mot revient sans cesse dans ce discours. Inlassablement, comme pour convaincre un auditoire qui en est gorgé : l’Europe est une « idée ». Une « idée » qui aurait permis de tourner la page d’un XXe siècle de conflits. Une « idée » qui aura vu naître le marché unique. Une « idée » désormais assaillie par les populismes et le « souverainisme de repli ». La seule « idée » défendue est désormais celle d’un souverainisme européen.

On tombe dans l’oxymore sinon dans l’absurde. Dans Les Justes, Albert Camus le disait: « mourir pour une idée c’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée ». Qui veut encore mourir pour cette Europe ? Et pourtant, nous risquons bien de faillir à poursuivre dans cette voie.

A trop se nourrir d’idées on en oublie l’essentiel, le réel. L’Europe est à un tournant comme elle l’est depuis toujours non pas à tourner en rond mais à osciller, tituber, d’un pas pesant vers son avenir. Il n’est que trop rarement question d’ « avenir » dans cette idée de l’Europe. Il trouve malgré tout, dans ce discours, une place, à force de se faufiler, comme un intrus, au milieu des concepts, des idées reçues et arguments convenus.

L’avenir d’une illusion

Il faut y voir un aveu. Votre idée d’Europe, Monsieur le président, ne laisse pas de place à l’avenir. Or, l’Europe, c’est un projet. Un projet concret, un avenir. Il est ubuesque de croire encore que les maux dont l’Europe souffre puissent être soignés en promouvant leurs sources. L’échec règne sur notre continent. Les populismes que vous combattez tel on agite un chiffon sont le résultat de votre « idée » de l’Europe.

La défiance populaire répond à la défiance d’une loge européenne bureaucratique envers les peuples et qui préside au destin des nations européennes. La proposition de créer des listes transnationales est une étape de plus vers une Europe hors-sol, hors-peuple, hors démocratie. Votre proposition illustre l’idée que vous vous faites de l’Europe. Une simple idée qui n’a de succès que dans la réponse qu’elle a su produire face aux réticences populaires souvent caricaturées.

Il n’en sera rien pour l’instant. Le parlement de Strasbourg n’en veut pas. Même lui. Le retour à la circonscription unique sera la seule voie de salut pour fournir au juvénile parti présidentiel les moyens d’envoyer quelques députés dans l’hémicycle européen.

Faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes

Alors puisque l’idée doit produire du concret, attachons nous à rendre aux peuples européens leur parlement lequel est la seule expression et émanation démocratique. Soyons concrets lorsqu’il s’agit de parler d’Europe : l’avenir de l’Europe repose sur ses nations comme celles-ci ont l’Europe pour avenir. Alors il faut changer son logiciel démocratique et donc le mode de scrutin des élections européennes.

Il est temps de rendre aux citoyens européens leur Parlement. Pour cela, un moyen : faire coïncider les élections parlementaires nationales avec les élections au Parlement européen. Chaque peuple décidera alors en même temps qu’il choisit ses représentants dans les parlements nationaux ceux qu’il enverra les représenter à l’échelle européenne.

Evidemment, à l’écho de cette proposition on entend déjà les critiques, la litanie du « jamais », de « l’impossible », du « ça ne sert à rien ». Car cette évolution nécessite une révolution institutionnelle et politique qui consiste à accepter l’idée (une nouvelle… mais bien concrète) de ne plus renouveler intégralement le Parlement européen tous les cinq ans mais, progressivement, au rythme des élections parlementaires nationales.

Mobiliser, concerner, légitimer

Ce nouveau mode de scrutin remplit trois objectifs. Le premier est de mobiliser les peuples européens à choisir leurs représentants. Le taux de participation aux élections européennes, isolées de toutes autres échéances nationales, est catastrophique. Cela ne peut plus durer et forcer nos citoyens à voter n’est pas la solution.

Le second est d’inscrire les questions européennes dans les débats au même titre que les problématiques nationales. Il est désormais essentiel de mettre en perspective les sujets nationaux et européens. On soumettra au suffrage ce qui forme le possible ou l’impossible et se décide à Bruxelles.

Le troisième est de légitimer nos représentants en mettant leurs engagements à l’épreuve des électeurs. Il n’est pas acceptable que nos députés européens ne puissent pas relayer au niveau national les enjeux européens. Comme nos représentants au parlement européen ont besoin de la légitimité de leurs représentés.

C’est à l’Europe de s’adapter aux nations

Ce nouveau mode de scrutin appelle une adaptation des travaux du parlement de Strasbourg aux calendriers électoraux des membres de l’Union européenne quitte à marquer une pause bienvenue dans l’exercice de production réglementaire.

Rappelons-nous la conviction de Philippe Séguin qui détonne le 5 mai 1992 à l’Assemblée nationale : « Il me faut dire avec beaucoup d’autres, au nom de beaucoup d’autres, qu’il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne ». Alors une troisième voie doit s’ouvrir entre fédéralisme et populisme afin de rendre aux peuples européens, en premier lieu, une véritable représentation démocratique.

Les Justes

Price: 6,50 €

83 used & new available from 1,82 €

Fiscalité: la vraie raison pour laquelle les élites détestent Trump

0

La révolution fiscale de Donald Trump pénalise les riches habitants des grandes villes… qui ont massivement voté pour son ancienne rivale, Hillary Clinton. 


Le 8 novembre 2016, Donald Trump défiait les sondages unanimes donnant Hillary Clinton largement vainqueur de l’élection présidentielle américaine. En arrivant en tête dans 30 des 50 Etats, il remportait 57 % des « grands électeurs », c’est-à-dire plus de « grands électeursé que n’en a obtenu George W. Bush en 2000 et en 2004.

L’un des thèmes prédominants de la campagne électorale fut la fiscalité. Alors qu’Hillary Clinton proposait de maintenir un statu quo fiscal, son rival républicain promettait tout simplement “la réforme fiscale la plus ambitieuse que le pays ait jamais connue”. L’homme d’affaires proposait une baisse drastique du taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral, le ramenant de 35 % à 15 % ainsi que la suppression des droits de succession et une baisse de l’impôt sur le Revenu fédéral (en remplaçant les 7 tranches alors en vigueur par 3 tranches, de 12 %, de 25 % et de 35 %).

Son Amérique d’abord

Les deux chambres du Congrès se sont mis d’accord, le 15 décembre 2017, sur un texte commun (“The Tax Cuts and Jobs Act”), lequel s’inspire largement des promesses électorales. Le taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral a finalement été réduit à 21 % (au lieu de 15 %) et la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral abaissée de 39,6 % à  37 %. Le président a signé la loi le 22 décembre 2017, juste avant de partir en Floride pour les vacances de Noël. Et la loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2018, sans effet rétroactif.

Désormais, les entreprises établies dans le Wyoming ou dans le Dakota du Sud (les deux seuls Etats à ne pas prélever d’impôt sur les bénéfices ou sur le chiffre d’affaires des sociétés aux Etats-Unis) bénéficient donc de l’un des taux d’imposition des bénéfices les plus bas du monde occidental. Et même les sociétés établies dans des Etats comme l’Iowa (12 %), le New Jersey (9 %) ou la Californie (8,84 %), qui sont ceux qui taxent le plus fortement les bénéfices des entreprises, subiront un taux global d’imposition des bénéfices de 30 % à 33 % (contre 44 % à 47 % auparavant).

A lire aussi: Trump va-t-il détruire la mondialisation ?

Par ailleurs, des pans entiers de la fiscalité internationale des sociétés sont réformés en profondeur, avec notamment l’instauration d’un régime des sociétés mères (exonération des dividendes versés par des filiales étrangères détenues à au moins 10 %). Les groupes américains pourront donc rapatrier, sans difficulté, aux Etats-Unis les bénéfices de leurs filiales étrangères, au lieu de les laisser en réserve à l’étranger. Les marchés financiers ont apprécié la réforme. La hausse spectaculaire (35 %) de la bourse de New-York entre l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, et l’adoption de la réforme fiscale, fin décembre 2017, a été principalement alimentée par cette perspective de réduction substantielle de la charge fiscale pesant sur les entreprises.

En sus de la baisse de la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral (de 39,6 % à 37 %), les déductions forfaitaires (“standard deductions”) sont doublées, ainsi que le “Child Tax Credit”. Les droits de donation et de succession fédéraux (au taux de 40 %) ne sont certes pas abrogés (comme le promettait Donald Trump), mais l’exonération passe de 5 millions à 10 millions de dollars par personne. Très peu de foyers seront donc désormais concernés aux Etats-Unis (la succession de Donald Trump, c’est certain, ne sera pas exonérée…).

« Une guerre civile » contre les habitants des grandes villes

En contrepartie des cadeaux précédents, certaines déductions fiscales spécifiques (“Itemized deductions”), très populaires auprès des contribuables américains, sont drastiquement réduites. Les intérêts des emprunts hypothécaires contractés à partir de 2018 restent déductibles, mais seulement dans la limite d’une dette d’un montant maximum de 750 000 dollars (contre 1 million auparavant). Surtout, la déduction des taxes locales (impôt sur le Revenu de l’Etat et taxes foncières des municipalités, qui correspondent parfois à 2 % par an de la valeur de marché des résidences) est désormais plafonnée à 10 000 dollars par foyer, comparée à une déduction sans limitation applicable jusqu’alors. Les habitants des villes et des Etats où les taxes locales sont les plus élevées perdent un avantage fiscal conséquent. Pour illustrer le propos, il faut savoir que la tranche marginale de l’impôt sur les Revenus de la Californie est de 13,3 % ou de 8,82 % à New-York, à laquelle s’ajoute 3,876 % au titre de l’impôt sur le Revenu de la ville de New-York, soit un total de 12,696 % (à comparer avec… 0 % dans les Etats qui ne prélèvent pas d’impôt sur le Revenu comme la Floride ou le Texas). Il est estimé que les résidents de l’Etat de New-York vont voir augmenter leur charge fiscale fédérale de 14 milliards de dollars en 2018.

Le Tax Policy Center a prévu que toutes les catégories sociales seraient bénéficiaires de la réforme de l’impôt sur le Revenu, à l’exception de 5 % des contribuables qui verront leur note fiscale augmenter. Ces 5 % sont typiquement des habitants de grandes villes en Californie ou de la côte Est des Etats-Unis, c’est-à-dire des Etats qui ont massivement voté en faveur d’Hillary Clinton (on rappellera que Manhattan a voté à 86,36 % pour Hillary Clinton – contre seulement 9,87 % pour Donald Trump, et que la Californie a donné 8,7 millions de voix à la candidate démocrate contre 4,4 millions au candidat républicain). Ce n’est donc pas un hasard si Jerry Brown, le gouverneur de la Californie qualifie cette réforme de “monstruosité dont le but est de punir la Californie qui a voté pour Hillary Clinton” et si Andrew Cuomo, le gouverneur de l’Etat de New-York, y a vu “une guerre civile économique contre les Etats démocrates”.

Marcel Gauchet: « Les réseaux sociaux ont démocratisé la manipulation »


Le débat sur les fake news part sur des bases malsaines: la grande majorité de la population est à la fois dépendante des médias et convaincue qu’ils ne répercutent pas ce qu’elle vit au quotidien. Nourris par cette défiance anti-élites, les réseaux sociaux offrent une caisse de résonance virtuelle aux pires balivernes. Entretien avec l’intellectuel Marcel Gauchet. 


Causeur. Du collier de la reine à l’affaire Dreyfus, les rumeurs et les mensonges, parfois propagés au plus haut niveau de l’État ne datent pas d’hier. En quoi les « fausses nouvelles », qui inquiètent tant le président de la République, sont-elles un phénomène nouveau ?

Marcel Gauchet. Cette histoire est l’exemple même de l’illusion de nouveauté que peut créer l’adoption d’une langue étrangère. Une vieille plaie devient, par la magie de l’anglais, un mal inédit et tellement dramatique que le président de la République se doit de monter en première ligne. Reprenons nos esprits en revenant aux faits : dans la campagne présidentielle française de 2017, quelle fausse nouvelle aurait influencé le résultat ? Aucune ! Quel est donc ce spectre qu’il y aurait urgence à exorciser ?

La nouveauté du phénomène, car il y en a quand même une, ne réside pas dans l’existence de fausses nouvelles, mais dans leurs conditions d’émission et de circulation. D’abord, le peuple dispose désormais de moyens incomparablement puissants de lancer et de répercuter, via internet et les réseaux sociaux, des bobards. La caisse de résonance numérique est autrement plus efficace que le bouche-à-oreille, et elle est ouverte à tous. Aujourd’hui, le péquin moyen peut diffuser des messages à la terre entière en dehors de tout contrôle, filtrage ou manipulation d’en haut. Autrement dit, le pouvoir de manipulation se démocratise par l’intermédiaire de la technique.

Mais en même temps, les progrès de la connaissance et, osons le dire, de la Raison, devraient nous rendre moins vulnérables aux bobards.

C’est l’autre aspect du problème. Une chose est l’existence de fausses nouvelles, autre chose est le retentissement que certaines fausses nouvelles sont susceptibles d’avoir parce qu’elles prennent un sens qui les rend crédibles auprès des gens. Ce n’est pas nouveau en soi, mais il est visible que le phénomène prend de l’extension et il faut se demander pourquoi. Le tri rationnel entre le vrai et le faux ne fonctionne plus quand les gens sont prêts à croire une rumeur tout en sachant qu’elle ne repose sur rien, parce qu’elle leur paraît exprimer ce qu’ils ressentent.

L’histoire du prétendu compte aux Bahamas de Macron, par exemple ?

Voilà, on n’en a aucune preuve, mais on se dit que le « banquier », comme dit Mélenchon, est bien du genre à en avoir un ! Cela prend tout son sens dans un contexte marqué par une extraordinaire méfiance des populations par rapport à toute parole jouissant d’un statut officiel. Ça commence dans la salle de classe, avec des étudiants qui vérifient sur Wikipédia si ce que raconte le prof est vrai, puis ça continue dans la société et ça prend une tournure paroxystique en politique. Un quart à un tiers de la population est totalement réfractaire au discours des politiques !

Si les Français se détournent massivement des politiques et des médias, c’est parce qu’ils ont le sentiment qu’on leur cache des choses.

C’est le cœur du problème : les médias ont acquis le monopole de la visibilité publique à mesure de l’atomisation de la société. Il n’y a pas si longtemps, celle-ci était structurée en gros blocs de croyance, de classe, de communautés professionnelles qui avaient chacun leur représentation de ce qui se passait. L’Église catholique, le Parti communiste, le monde ouvrier, le monde paysan constituaient des groupes organisés à l’intérieur desquels circulait une information qui faisait le lien entre leurs membres. Tous ces mondes-là étaient articulés autour de leur vérité et faisaient peu de cas de ce qui pouvait se raconter dans la presse ou les médias, d’une autre opinion que la leur. La dissolution de ces groupements laisse les individus tout seuls dans leur coin, au mieux avec leur cinquantaine d’amis Facebook. Le pouvoir des médias s’en trouve extraordinairement renforcé, puisqu’ils sont les seuls à dire ce qui fait sens pour l’ensemble. Ils sont maîtres de choisir ce qui est digne d’être relaté et montré, et ce qui ne l’est pas. Dans les conditions où il est exercé, ce monopole est ressenti par une partie importante de la population comme illégitime et insupportable.

La démocratisation de l’information, un espace où les people seraient à égalité avec leur boulangère, telle était bien la promesse des nouveaux réseaux sociaux comme Twitter. Qu’en est-il advenu ? 

On voudrait des statistiques fiables. Combien de gens en France utilisent Twitter pour faire circuler des informations et des commentaires politiques ? Le chiffre est probablement dérisoire à l’échelle de la population globale. Il y aurait, paraît-il, une « fachosphère », une « féminosphère », que sais-je encore. Combien de divisions ? La réalité est que la grande majorité de la population est à la fois dépendante des médias et convaincue qu’ils ne répercutent pas ce qu’elle vit dans son environnement quotidien. La machine médiatique a beau être pluraliste, elle est perçue comme un seul bloc, notamment en raison de son homogénéité intellectuelle, culturelle et sociale. C’est accentué en France par la centralisation parisienne et la faiblesse des médias locaux.

D’où vient cette défiance anti-élites, devenue une composante de notre vie publique ?

Le phénomène est né dans les années 1980 et il s’est déployé avec le sentiment nouveau que les gouvernants faisaient le contraire de ce qu’ils disaient. En France, le tournant de la rigueur de 1983 a marqué une date à cet égard. C’est un autre genre de lutte des classes par d’autres voies, opposant ceux qui sont perçus comme les représentants d’une société officielle, médias en tête, et ceux qui se pensent comme les exclus de cette société, avec parfois d’excellentes raisons de le penser. En un sens, cette fracture est plus profonde que la traditionnelle division entre bourgeois et prolétaires, car salariés et patrons vivaient au moins en contact les uns avec les autres, alors que là, il y a deux mondes qui ne se rencontrent pas : une société qui se sent réduite au silence et une sphère médiatique qui lui échappe complètement.

Dans votre article du Débat, « La guerre des vérités », vous écrivez que « la post-vérité est le rejeton adultérin du politiquement correct ». En somme, les gens ordinaires, comme disait Orwell, ont d’autant plus tendance à croire des bobards que le journalisme qu’ils considèrent comme officiel prêche au lieu d’informer ?

Avant la post-vérité, il y a eu en effet l’arrangement et la neutralisation de la réalité, opérés par le politiquement correct. Une partie de la population a l’impression que la sphère médiatique se tamponne radicalement le coquillard de ce qui se passe chez elle, avec pour seule préoccupation de la détourner des mauvais sentiments que pourraient lui inspirer les situations dont elle ne parle pas, ou seulement à mots couverts. Il faut dire que pour dédramatiser les faits les plus perturbants et arrondir les angles des nouvelles les plus dérangeantes, nos élites ont élevé l’art de l’euphémisme à un haut degré de sophistication. J’entendais récemment l’aimable Jean-Louis Borloo expliquer doctement qu’« il y a un bouillonnement dans les banlieues, c’est quelquefois un bouillonnement pour le bien, et puis quelquefois, pour le moins bien ». On ne peut pas dire le contraire, mais je doute que ce « moins bien » sonne très convaincant aux oreilles de ceux qui subissent la dictature des dealers au pied de leur immeuble !

Et cette novlangue euphémisante favoriserait paradoxalement en retour les thèses complotistes ?

La décrédibilisation des médias a mécaniquement pour effet en retour d’accréditer une contre-information qui s’engouffre dans le « on vous cache quelque chose » et donc dans la possibilité de faire croire n’importe quoi. C’est un système infernal à deux pôles. Le malheureux citoyen moyennement informé est confronté à un choix cornélien. Il doit choisir entre un discours qui enrobe les réalités dérangeantes au point de les escamoter, et un autre, carrément onirique, mais dont les auteurs tirent une grande légitimité de leur opposition à la parole perçue comme officielle.

Pour conjurer ce genre de délires, le président Macron a l’intention de légiférer contre les fake news. Faut-il instaurer une vérité officielle ?

Je me demande encore ce qui lui a pris. Macron lui-même n’a pas vraiment souffert des rumeurs de la campagne, comme celle sur son homosexualité supposée, qui a laissé l’opinion de marbre. Alors pourquoi cette croisade ? Je m’interroge. Primo, légiférer sur la question paraît impraticable. Où sont les tribunaux qui établiront la vérité et la fausseté des faits ? Comment savoir si Macron est homosexuel ou non ? Secundo, même en supposant qu’on parvienne à sanctionner quelques lanceurs de sornettes, ce n’est pas avec ces piqûres d’épingle que l’on viendra à bout d’un phénomène subdélirant comme l’antisémitisme des banlieues.  Il est vrai que, dans une démarche d’affirmation d’autorité régalienne, il est beaucoup plus facile d’annoncer avec fracas qu’on va mater les menteurs professionnels que de botter le cul des zadistes de Notre-Dame-des-Landes !

Cette croisade contre les fake news repose implicitement sur l’idée selon laquelle la vérité est simplement synonyme d’absence de fausses nouvelles ?

C’est toute la naïveté du « fact checking » que de le croire. Même en supposant que les faits soient tous avérés, l’interprétation à en donner reste totalement ouverte. En partant des mêmes chiffres, on peut tirer des conclusions dramatiquement opposées. Par exemple, qu’il y a très peu d’immigrés en France ou qu’il y en a énormément. C’est une affaire de perception subjective, aussi le « fact checking » n’a-t-il qu’une efficacité marginale.

Pour des journaux comme Libération et Le Monde, le « décodage » des fausses informations – en général, des articles qui leur déplaisent idéologiquement – relève de la croisade. Est-ce un nouveau clergé de la vérité ?

Que représente ce clergé ? Pas grand-chose. Sa crédibilité est mince et sa religion des plus incertaines. Il ne recrutera pas beaucoup de fidèles. Il est sans prise sur le véritable problème qui est la sécession d’une partie de la société par rapport à un espace de référence commun.

Finalement, ce monde de mieux en mieux connu serait-il de moins en moins intelligible ?

Ces deux mondes sociaux coexistent : le monde objectif qu’on peut décrire pour lui-même – avec des données à peu près fiables – et le monde tel que la masse de la société l’interprète et le comprend. C’est ce dernier monde qui nous échappe. Si on sait tout de la répartition des revenus, on ignore ce que pense une grande partie des gens qui correspondent à telle ou telle catégorie de revenu. Or, en démocratie, il est vital de comprendre les représentations des citoyens.

Doit-on en déduire que nos démocraties représentatives sont en train de flancher ?

Elles échouent dans leur mission fondamentale qui est de représenter la réalité de la société. Les élus représentent des familles d’opinion, mais quel est leur lien avec ce qui se passe dans les profondeurs du pays ? On n’en sait rien ! Aléatoirement, des épiphénomènes comme Nuit debout créent une illusion d’optique : le rapport entre l’énorme volume d’informations qu’il a généré et son impact réel inexistant sur la société est hallucinant. Rappelez-vous, ce n’était pas moins que la réinvention de la politique…

Nous ne sommes plus dans un cadre démocratique normal où la discussion raisonnée fait loi, mais dans une démocratie des affects où les passions du moment prennent le dessus dans une fluctuation constante. Les plus lucides des dirigeants des démocraties occidentales ont d’ailleurs intégré cette versatilité et naviguent à vue. Ils « accompagnent les émotions collectives », comme on dit joliment dans la langue de la science politique.

Au-delà des mouvements d’humeur virtuels, comment se manifeste cette « démocratie des affects » ?

Prenons deux exemples : l’affaire de la déchéance de nationalité ou la loi El Khomri. Dans ces deux dossiers de la fin du quinquennat Hollande, le débat n’a pas tourné autour de la réalité des problèmes, mais de ce qu’ils représentaient. La démocratie des affects est une sorte de régression vers une expression qui n’est plus conceptuelle ou rationnelle, mais symbolique, on le voit bien avec Trump. Il n’y a plus de débat public. Les citoyens interprètent des images, à défaut de saisir les discours qui leur échappent ou suscitent leur indifférence. Alors, je ne crois pas du tout au retour des totalitarismes, mais je crains une vaste régression intellectuelle de la démocratie.

Entre la presse à l’ancienne et les réseaux sociaux, il y a une chose qui a progressé, c’est le niveau d’invective. Tel est lynché pour son salaire, tel autre pour un mot de trop.

L’affect le plus fondamental qui émerge sur internet, c’est tout bêtement la haine ! On l’avait un peu oubliée. La réduction objective du niveau de violence dans les sociétés européennes, tant sur le plan politique que sur le plan des rapports entre les personnes, nous l’avait cachée, mais elle est toujours bien là et l’espace numérique la révèle. On peut donner une lecture somme toute optimiste de cette résurgence en termes de défoulement. La domestication sociale de la violence comprime la haine, mais ne la supprime pas. D’où le besoin qu’éprouveraient certains de la manifester verbalement pour ne pas passer à l’acte. Ce serait cathartique, en quelque sorte. Mais on peut donner une lecture pessimiste en se disant que la légitimation que représente de fait son expression publique préfigure au contraire son passage à l’acte. Je ne tranche pas. Mais j’observe que si les actes de violence restent quantitativement limités, l’expression de la haine, dans toutes ses nuances, s’avère en revanche illimitée. Il y a apparemment un stock inépuisable en magasin !

Cette violence latente est-elle dédoublée par la surveillance de tout le monde par tout le monde ?  

Non. Le fait dominant dans la société n’est pas la surveillance mutuelle, mais l’indifférence. Nous ne sommes plus à l’ère de l’embrigadement où les groupes radicaux cherchaient à imposer leur loi à la majorité en prenant le pouvoir et en envoyant les opposants en camps de concentration. Nous sommes à l’époque du « à chacun sa vérité ». Mais cela n’élimine pas la radicalité. Elle se réinvente à l’échelle individuelle en fonction du primat de l’affect. Les réseaux sociaux sont typiquement le domaine de l’extrémisme individuel, inaccessible à la raison et à l’argumentation. De cet enfermement dans son opinion, on passe facilement à l’idée que ses contradicteurs ne devraient pas exister. L’appel au meurtre n’est pas loin. Ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut attendre le progrès de la démocratie.

Comprendre le malheur français

Price: 9,50 €

22 used & new available from 2,84 €

L'avènement de la démocratie, IV : Le nouveau monde: L'Avènement de la démocratie IV

Price: 25,00 €

20 used & new available from 14,89 €

Le désenchantement du monde: Une histoire politique de la religion

Price: 11,90 €

21 used & new available from 6,62 €

Mennel, bouc émissaire de la bêtise ordinaire

0

De Mennel à Kassovitz, tous les « complotistes » ne sont pas logés à la même enseigne…


Occupé à défendre bec et ongles Tariq Ramadan à l’insu de mon plein gré, j’ai pris du retard sur une des polémiques suivantes, l’histoire de Mennel Ibtissem, la chanteuse voilée sélectionnée pour un télé-crochet de TF1 dont j’ignorais l’existence.

Mennel, la madone diabolisée

Voulant me mettre à jour, j’ai été voir sur Internet de quoi il retournait. Un premier choc, je suis tombé sur une apparition ! La jeune personne dont il est question est absolument sublime. Le voile très étudié, « glamourisé » dirions-nous, la met encore en valeur. Le fait qu’elle chante banalement n’a aucune importance, elle est trop belle. Un deuxième choc, le grand feu de forêt dans les médias et sur les réseaux. Cela partait dans tous les sens avec une violence surprenante qui en dit long sur les tensions qui traversent l’opinion à propos de l’islam. Dont on avait eu une belle illustration avec Tariq Ramadan, mais qui pour la jeune Mennel paraissait hors de proportion. Et avec en particulier sur les réseaux, des interventions fleurant ouvertement le racisme, la haine et la bêtise. Au bout du compte, la madone diabolisée a été contrainte de se retirer.

Les islamistes ont gagné

Malheureusement, saute immédiatement aux yeux l’évidence que les principaux bénéficiaires de la violence de la réaction et de la rapidité de ce retrait, ce seront précisément ceux qui, en général barbus, travaillent les jeunes Français musulmans au corps. Ils disposeront ainsi à nouveau de leurs arguments massues : « vous voyez bien que vous ne pourrez jamais crever le plafond, ils vous rejetteront toujours. Comme ils viennent de le faire avec Mennel, une jeune musulmane comme vous, votre sœur. » Et ils ne manqueront pas d’ajouter: « tenez, une vidéo de frère Tariq, lui aussi victime de ce racisme et qui vous explique pourquoi il faut emprunter la voie de l’islam rigoriste ».

A lire aussi: Glamour, islam et beauté: Mennel, le cocktail manqué de TF1

L’islamophobe solide et assumé que je suis a donc décidé de s’informer et de tenter de réfléchir. Pour aboutir au constat qu’il n’y avait que deux hypothèses : soit la jeune Mennel Ibtissem était de bonne foi dans sa volonté d’accélérer sa carrière et la dimension prosélyte de son apparence et de ses choix musicaux étaient très secondaires par rapport à ses ambitions personnelles; soit il s’agissait d’une opération en forme de taqya entriste, visant à la création d’un symbole glamour de la part des Frères musulmans ou autres salafistes. Le problème est qu’avec la violence des réactions, et le retrait de la chanteuse, quelle que soit l’hypothèse, le mal est fait. Il y avait un piège, dans lequel nous sommes tombés à pieds joints. Les islamistes peuvent boire du petit lait.

La beauté du Diable

Comment cela s’est-il produit et comment le fonctionnement en écho et en temps réel des médias et des réseaux, en libérant souvent de bien mauvais instincts, a abouti à une faute politique aussi grossière.

Tout d’abord, Mennel Ibtissem était-elle de bonne foi ? Je n’en sais rien, et de toute façon, il est impossible d’en avoir une vision tranchée sans être dans sa tête. Simplement, son comportement et les reproches qui lui étaient faits apportent un crédit sérieux à cette hypothèse. Le voile tout d’abord, traité comme un ornement glamour et élégant, n’a pas grand-chose à voir avec l’empaquetage que les rigoristes veulent imposer aux femmes comme symbole de leur soumission. Hani Ramadan (le frère) nous dit qu’une femme qui n’est pas voilée n’est qu’une tentatrice. Force est de constater que la jeune Ibtissem, enturbannée, maquillée et souriante affiche nettement la beauté du Diable, de Sheitan comme dit Ramadan.

Fatwas anti-Mennel

Mais les supplétifs de la police des réseaux, ces renseignements généraux du net, sont allés fouiller dans le passé et ont lancé les fatwas. « C’est une salafiste, frèriste, intégriste, de la graine de djihadiste ! » La preuve ? Elle a relayé sur son compte Twitter il y a quelques années une vidéo d’Hassan Iquioussen prédicateur des Frères musulmans. Il faut se taper les neuf minutes parfaitement rasoirs au cours desquelles le gars explique sa vision de la répartition des rôles entre père et mère dans l’éducation des enfants. Déterminant en effet… Il y a aussi des selfies avec des gens de l’association Lallab subventionnée sur fonds publics que l’on voit parfois à la télévision. Équation classique: photo = accointance= complicité. Une référence à un bouquin de Tariq Ramadan, à l’époque où il était encensé par Plenel, Gresh, reçu par Tony Blair, et professeur à Oxford. Effectivement, infréquentable. Et puis, la jeune beauté, a chanté un standard, le célébrissime Hallelujah de Leonard Cohen, mais en y introduisant une strophe supplémentaire en arabe, qui ne serait qu’un chant religieux intégriste. Une fois traduit, on parcourt un texte à l’eau de rose sans intérêt qui se termine par une invocation à Dieu.

Mennel, une « complotiste » comme tant d’autres

Oui mais attention, le gros morceau, c’est que Mennel Ibtissem est « complotiste » ! La nouvelle incrimination disqualifiante, mieux que nazi et fasciste, qui permet de foudroyer toute personne qui n’est pas d’accord avec vous. La jeune femme, alors âgée de 20 ans, a relevé dans un tweet maladroit la coïncidence de ces terroristes que l’on retrouve avec leurs papiers d’identité sur eux. Cette phrase idiote, formulée dans le même temps par probablement des millions d’autres internautes, témoigne surtout d’une volonté de dédouaner l’islam du terrorisme. En général, les djihadistes revendiquent. Elle s’en est excusée, de même que pour l’autre publication disant que « les terroristes, c’était notre gouvernement ». Outre que cette opinion est partagée, on relèvera le « notre » inhabituel sous la plume d’une véritable militante intégriste. Mais avec cette accusation, on la tient !

On relèvera aussi que l’accusation de complotisme est drôlement à géométrie variable. Je pense aux vedettes médiatiques adoptant sans barguigner les thèses les plus délirantes sur les attentats du 11 septembre, sans que cela ne gêne grand monde. Cotillard, Kassovitz, Bigard, Geluck d’autres vont bien, leurs carrières respectives aussi.

Naufrage chez Hanouna

Et puis rappelons que dans le genre, une des plus grosses fake news complotistes de l’histoire est quand même la fable des armes de destruction massive en Irak. À laquelle une collection d’intellectuels de chez nous ont souscrit et se sont transformés en militants de l’agression américaine en Irak avec les conséquences monstrueuses que l’on connaît. Nous n’avons eu aucune excuse et ces complotistes là continuent à parader et sont reçus partout. Mennel Ibtissem, elle, s’est excusée, mais peine perdue: TF1 a annoncé que la chaîne envisageait son retrait. Et elle a dû se retirer.

A lire aussi: Mennel, la « Française ordinaire » de Libération

Comment veut-on que ce qui apparaît bien comme une injustice soit perçue par les jeunes Français musulmans ? Surtout après la violence de la campagne sur les réseaux mais aussi dans les médias nationaux. Comme par exemple dans l’émission de d’Hanouna, où l’on assiste à un florilège et on entend Isabelle Morini-Bosc lui reprocher d’avoir chanté en arabe ! Pardon ? On ne reproduira pas ici ce qu’on trouvait sur les réseaux, inutile d’encourir les foudres du juge pénal.

Une éviction révélatrice de tensions

Personnellement, je penche donc pour l’hypothèse de la bonne foi de Mennel Ibtissem, même si je suis opposé à ses convictions religieuses. Qui relèvent d’une liberté de conscience que la République française garantit. Et si je déplore cette éviction, c’est d’abord parce qu’elle a révélé des tensions qui traversent la société française, et de l’exaspération ressentie par une grande partie de la population. Même si les responsabilités des pouvoirs politiques sont lourdement engagées, on ne peut pas se réjouir de l’affaiblissement des principes républicains qui se manifeste dans la libération d’une parole aux accents parfois redoutables. Je répète encore que ces principes, auxquels nous devons rester attachés comme une bernique à son rocher, sont ceux qui fondent la supériorité de notre modèle sur celui des États musulmans.

Une opération prosélyte masquée ?

Mais, ce qui est évident, c’est que les « barbus » islamistes peuvent se frotter les mains et faire leur miel auprès des jeunes Français musulmans, de ce qui vient de se passer. Parce que si je retiens l’hypothèse de la bonne foi, celle d’une opération de prosélytisme masquée est tout à fait plausible. Et si l’on m’apporte des éléments convaincants, je suis prêt à changer d’avis. Le problème étant cependant que même s’il y avait « complot » (eh oui) de la part des Frères musulmans, le résultat est exactement le même. Les islamistes joueront tout autant sur le velours. Parce que le piège était bien celui-là: faire la démonstration qu’une jeune musulmane affichant sa foi, comme autrefois Sœur Sourire la sienne, n’avait pas sa place dans la société française. Et nous y sommes tombés à pieds joints.

La peur de l’islam est mauvaise conseillère

Pour avoir, non pas pris la défense de Tariq Ramadan, mais pour avoir demandé que la justice française s’exerce dignement, j’ai été insulté et traité d’avocat salafiste.

Ce que je voulais simplement dire, c’est que, la peur justifiée du terrorisme islamiste et l’aversion pour l’islam rigoriste ne doivent pas être mauvaises conseillères. Restons ce que nous devons être. Il faut y faire attention et je vais rappeler une fois de plus la fameuse citation de Barrès à propos de Dreyfus. Non pas bien évidemment pour comparer Ramadan à Dreyfus, mais les aboyeurs d’aujourd’hui au pire produit par Barrès. « La culpabilité de Dreyfus je la déduis de sa race », disait-il. J’entends comme un écho, la phrase de Samia Ghali disant à propos de Ramadan : « j’espère que l’on juge le (présumé) violeur et non pas le musulman ». Je l’espère aussi.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,30 €

Les Rien-pensants

Price: 23,56 €

23 used & new available from 3,96 €

Réforme de l’islam: le passif d’une illusion


Malgré toute sa bonne volonté, Emmanuel Macron ne parviendra pas à réformer véritablement l’islam de France. Sauf s’il parvient à lui faire accepter trois importantes concessions. 


La violence commise au nom de l’islam est l’un des plus graves problèmes dans le monde. Non seulement la religion musulmane est liée à la guerre et au terrorisme, mais elle favorise la montée de tensions intercommunautaires un peu partout en Occident. En annonçant qu’il travaillait activement à la structuration d’un islam de France réformé, le président Emmanuel Macron semble reconnaître cette réalité.

Les trois piliers de l’islam républicain

Mais quelle forme pourrait-elle prendre cette réforme tant attendue ? Comment faire pour fonder un islam plus spirituel et culturel que politique et idéologique ?

Il n’existe évidemment pas de solution miracle. L’inexistence d’un clergé bien identifié dans le monde musulman (surtout sunnite) ne rend pas une réforme de l’islam très probable. Pour réaliser cet objectif, il faudrait que les différents représentants de la religion musulmane se réorganisent à l’échelle de la France. Il faudrait ensuite qu’ils arrivent à établir un consensus autour de problématiques très précises. Le projet paraît irréaliste, mais il faut quand même l’encourager. Ancrer et réformer l’islam en France pourrait, dans le meilleur des mondes, le couper de ses influences étrangères extrémistes et le rendre plus compatible avec l’esprit de ce pays.

1. L’islam de France doit abolir son caractère juridique

Le premier point que cette réforme devrait toucher est le caractère juridique de l’islam. Effectivement, l’islam est une religion qui s’accompagne d’un système de droit appelé la charia. Le droit musulman est contenu dans le Coran et la Sunna, des textes qui font toujours figure de code civil, de code pénal et de code criminel pour les intégristes. Sans l’abandon de ce caractère juridique, il est nettement improbable que cette religion puisse s’adapter à la modernité, et ce, tant en Occident que dans les pays musulmans traversés par un désir de progrès. L’islam doit abandonner sa prétention à règlementer et à légiférer, sans quoi cette religion se repliera davantage sur elle-même dans un élan destructeur.

A lire aussi: L’islam de France est-il (vraiment) différent des autres?

L’entretien de ce système juridique dérogatoire contribue également à la ghettoïsation des communautés musulmanes dans les pays européens et par le fait même, à l’établissement d’une forme d’apartheid religieux. Autrement dit, les musulmans doivent accepter l’universalité des lois de la République et non embrasser le multiculturalisme.

2. L’islam de France doit établir une hiérarchie entre les sourates du Coran

Le deuxième point que cette réforme devrait toucher est le caractère violent de certaines sourates du Coran. Contrairement aux sourates révélées à La Mecque, plusieurs sourates révélées à Médine affichent une volonté de conquête évidente. Cette réalité s’explique par la différence des contextes sociopolitiques dans lesquels a évolué le prophète Mahomet au VIIe siècle dans la péninsule arabique. Si ce dernier affichera à La Mecque (610-622) un tempérament pacifique qui se traduira par des appels au respect et à l’harmonie, il se fera beaucoup moins conciliant à Médine (622-632) envers ses adversaires, ce qui confèrera au texte coranique un aspect belliqueux et vindicatif.

Plusieurs musulmans choisissent déjà de se référer aux sourates pacifiques plutôt qu’aux sourates guerrières avec lesquelles ils n’ont rien en commun. Il n’en demeure pas moins que décréter officiellement que les sourates intolérantes n’ont aucune valeur prescriptive est plus que nécessaire. Cette opération devrait toutefois être faite au détriment du principe d’abrogation voulant que les dernières sourates révélées aient préséance sur les premières, en l’occurrence sur les sourates pacifiques. Les représentants de l’islam de France devront favoriser la naissance d’un islam de La Mecque libéré de sa violence fondatrice.

3. L’islam de France doit revoir son rapport à la sexualité

Le troisième point que cette réforme devrait toucher est le rapport très problématique qu’entretient l’islam à la sexualité depuis sa fondation. Historiquement, l’islam a cultivé une vision prédatrice et possessive de la femme qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Quand la femme n’est pas perçue à travers le prisme du tribalisme, elle est perçue comme « une terre à labourer », comme un trésor dont on peut souvent s’emparer. Des harems aux djihadistes obnubilés par les vierges, en passant par la polygamie, l’islam demeure le lieu privilégié d’un imaginaire fondé sur la colonisation symbolique de la femme.

A lire aussi: La charia est-elle compatible avec l’esprit de l’Orient ?

La réforme de l’islam de France ne devrait donc pas se limiter à la question du port du voile dans l’espace public, mais engager une profonde réflexion sur la manière dont sont conçues les relations entre les hommes et les femmes dans cette religion. L’islam de France doit absolument se reconnecter à l’érotisme arabe dont il a été coupé, sans quoi il continuera à marginaliser ses adeptes dans un monde de plus en plus libéral.

La face cachée du multiculturalisme

Price: 22,00 €

15 used & new available from 15,26 €

Mennel, la « Française ordinaire » de Libération

0

Après Mehdi Meklat et Théo, Libération défend Mennel, une « Française ordinaire ». Mais qui défendra Libé ? Pas Franck Crudo.


On a définitivement perdu « Libération » (les guillemets sont de rigueur). Vendredi dernier, le quotidien a publié une tribune intitulée « Mennel, une Française ordinaire » d’un certain Saïd Benmouffok, professeur de philosophie au lycée Condorcet de Limay (78). Condorcet, le célèbre défenseur de la cause des femmes et de l’esprit des Lumières, mort sous la Terreur, a dû se retourner dans sa tombe…  Surtout quand on sait que l’auteur de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain avait écrit, en son temps, que la religion de Mahomet « semble condamner à un esclavage éternel et à une incurable stupidité toute cette vaste portion de la Terre où elle a étendu son empire ».

Mennel « aime la France, son pays »

Saïd Benmouffok prend la défense de Mennel Ibtissem, cette jeune candidate enturbannée de  l’émission « The Voice », au cœur d’une polémique… pardon « victime d’une polémique » pour avoir notamment tweeté « vivement que je me casse d’ici (la France) », relayé des thèses complotistes au lendemain de l’attentat de Nice ou encore affirmé après l’égorgement du père Hamel que « les vrais terroristes, c’est notre gouvernement ».

A lire aussi: Glamour, islam et beauté: Mennel, le cocktail manqué de TF1

Outre ses « erreurs de jeunesse » – lesquelles datent d’un an et demi c’est-à-dire presque un siècle – cette « Française ordinaire » à qui l’on prête « des sympathies islamistes » a « liké » sur les réseaux sociaux un spectacle de Dieudonné, fait l’éloge d’un livre de Tariq Ramadan ou encore enregistré une chanson pour Lallab, une association proche… des Frères musulmans. Une peccadille. Bref, même avec tous ces éléments mis bout à bout, y a pas de quoi lapider un chat estime-t-on sans doute au sein de la rédaction du quotidien. Au point de publier une tribune que l’on se laisserait presque aller à qualifier de « nauséabonde », si cette terminologie n’était pas justement employée à satiété par Libération à l’encontre de toute idée ne se situant pas… à sa gauche.

Ce prof de philo des Yvelines cible en vrac « les réseaux d’extrême-droite » et « les réseaux laïcards » puisque, évidemment, tout individu pas forcément emballé à l’idée qu’on puisse chanter voilé à la télévision française après avoir bavé quelques inepties morbides sur les réseaux sociaux est forcément soit d’extrême droite, soit laïcard. Notre Socrate du 78, lequel connaissait bien les sophistes en son temps, nous apprend que cette « Française ordinaire » au visage d’ange « aime la France, son pays », ce que seul un analphabète (laïcard ?) n’aurait pas saisi après la lecture de son tweet de juin 2016.

Libération porte bien mal son nom

Après avoir taclé par derrière – ce qui, normalement, est passible d’un carton rouge – Manuel Valls en mettant entre guillemets l’expression « rendre gorge », Saïd Benmouffok ironise sur le fait que Mennel serait « le paravent de l’islamisme, ce mot fourre-tout [comme l’islamophobie professeur ?] qui autorise la confusion entre un tweet imbécile et une complicité criminelle. » Fort de ce raisonnement limpide et en toute logique, dans d’autres cas de figure, notre avocat de Limay se refuserait donc certainement à assimiler un tweet imbécile et raciste à l’extrême droite ou même, soyons fous, au fascisme.

Maître Benmouffok, qui voit des complots tout azimut, ponctue son argumentaire, sans qu’on sache trop comment il en est arrivé à cette conclusion un brin hâtive et où il veut en venir : « Voilà comment certains pourfendeurs du complotisme sont eux-mêmes devenus des complotistes », assène-t-il. Si l’on était doté d’un quelconque mauvais esprit, on suspecterait presque notre prof de philo de s’être mordu les doigts pour ne pas gribouiller « judéo-maçonniques » à la fin de sa phrase…

Décidément, Libération file un mauvais coton ces derniers temps. Et dire que ce quotidien presque quinquagénaire, créé en 1973 sous le parrainage de Jean-Paul Sartre, reprenait alors l’appellation du journal éponyme de la Résistance, dirigé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie sous l’Occupation. Le célèbre combattant antinazi, auteur de La Complainte du partisan, doit lui aussi se retourner dans sa tombe. Libération porte de moins en moins bien son nom et incarne de plus en plus cette gauche historiquement antifasciste mais pas anti-totalitaire, pour reprendre la terminologie Orwellienne, ainsi que cette compromission si Sartrienne (avec l’Union soviétique de Staline et consorts en ce qui concerne le philosophe). Au nom de l’anticapitalisme ou de l’anti-impérialisme hier, sur l’autel de l’antiracisme aujourd’hui.

Meklat, Théo, etc.

On jettera un voile pudique sur Mehdi Meklat, ex-coqueluche de la presse « progressiste » en général et du journal de Laurent Joffrin en particulier. En février 2017, on apprend que le chroniqueur du Bondy Blog a, sous un prête-nom, réalisé le grand chelem des tweets haineux : antisémitisme, sexisme, homophobie, apologie d’Hitler et du nazisme, bref la totale.

Non, le petit pêché mignon de Libération, ce sont les tribunes. Comme celle pour Théo, qui fustige les violences policières en Une du journal, toujours en février 2017.

Une tribune désormais collector quand on connaît, un an après, l’épilogue de cette affaire. Et qui a déclenché la colère des forces de l’ordre. Car visiblement, au sein de la rédaction du journal, on a le « pas d’amalgame » à géométrie variable.

On se demande d’ailleurs si le plus kitsch, dans la tribune de février 2017, ce ne sont finalement pas les signataires eux-mêmes. Avec, parmi les têtes de gondole, un certain Eric Cantona dont on connaît le légendaire self-control et le goût prononcé pour la non-violence.

On rêverait presque d’un « Rendez-vous en terre inconnue » où Frédéric Lopez emmènerait le célèbre footballeur dans l’un de nos territoires perdus de la République, vêtu d’un uniforme de policier ou de pompier (ça marche aussi hélas). Histoire d’admirer la réaction exemplaire de « Canto » après s’être fait caillassé, insulté, voire plus si affinités.

Parmi les signataires, on trouve aussi une ribambelle de rappeurs, surreprésentés dans cette pétition, dont certains « chantaient » en 2013 : « Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie ». Un autre qui « met un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour » (1’50 »).

Mais aussi Black M, accusé d’antisémitisme et boycotté par les radios belges. Ou encore Magyd Cherfi, le chanteur du groupe Zebda, lequel affirmait que Mohamed Merah n’était «  pas un monstre », qu’il avait été « abandonné par la République » et que l’on a « un devoir d’empathie » à son égard. Sans oublier, cerise sur le gâteau, quelques casiers judiciaires bien garnis…

Libé sait choisir ses combats et ses ambassadeurs.

Réforme du bac: retour vers le futur !

0
Jean-Michel Blanquer a présenté, le 14 février 2018, sa réforme du bac, prévue pour 2021. SIPA. 00841261_000001

La nouvelle formule du bac, présentée hier, le 14 février, par Jean-Michel Blanquer, n’est plus « terminale »: elle prépare à nouveau à l’enseignement supérieur.


Voilà une affaire réglée, et non des moindres : le bac nouveau est né. Il est arrivé plus vite qu’on aurait cru. Et devrait être mis en place dès 2021… si les élèves ne descendent pas dans la rue, si les syndicats qui sont, pour le moment, sans voix restent tranquilles et si le corporatisme ne se redresse pas. Pour les élèves, il semble qu’il y ait peu de risques depuis que Bruno Julliard, ce lycéen missionné pour faire sortir ses petits camarades de leur lycée, a été récompensé par une admission à jouer dans la cour des grands. Même la France insoumise n’a pas réussi à mobiliser. Les syndicats, eux, ne manqueront pas de demander quelques moyens supplémentaires. Rien de bien inquiétant. Les difficultés seront sans doute plus grandes du côté corporatiste, car on peut comprendre que les professeurs défendent leur discipline.

Le bac « remusclé » est un lycée « remusclé »

La presse et le grand public ne verront que les modifications de l’examen lui-même, ramené à du contrôle continu (plutôt des sortes de partiels), quatre épreuves écrites ou orales (réparties sur les deux années) et, nouveauté, un oral de vingt minutes. Il y a de quoi alimenter bien des discussions, qui tourneront vite en rond, car il n’y a là rien de bouleversant et tout peut se justifier facilement.

Passons sur le vocabulaire, aujourd’hui inévitable à qui veut être entendu, comme « le baccalauréat égalité », « le baccalauréat plus juste », « le baccalauréat réussite ». Gardons tout le même, pour l’expressivité de la formulation, le « baccalauréat remusclé ».

La vraie nouveauté, celle qu’on n’a peut-être pas encore bien aperçue, c’est que ce baccalauréat est la partie visible d’une transformation discrète, mais profonde des lycées. Méthode Blanquer. L’air de rien, par ce qu’on pourrait penser n’être que de petites touches, on réforme du tout au tout. Déjà la mise en place de Parcoursup, sans en avoir l’air, modifiait toute l’économie du lycée. Par exemple, ce qui n’est quasiment pas commenté et qui est, peut-être, le plus important dans cette réforme : la classe de Terminale n’est plus une classe dite « terminale » mais une classe de « maturation ». Vocabulaire québécois, en usage en Italie, qui devrait être bien accueilli en raison de son allure pédagogiste. On ne voit pas bien ce que cela veut dire, mais on voit bien que la classe Terminale ne termine plus rien. Elle commence autre chose. Elle commence les études post-baccalauréat.

Le bac tient à nouveau compte de la fac

Le sens de cette désignation devient un peu plus clair lorsqu’on se penche sur l’organisation de cette « classe de maturation », qui comportera, naturellement, de la culture commune dite « socle de culture commune » – tout pédagogiste aime les « socles » – des disciplines de spécialités, mais surtout des enseignements facultatifs. Facultatif, c’est dire, au choix des élèves, qui peuvent en prendre jusqu’à deux ou bien ne pas en prendre. Et là se trouve le lycée « remusclé » : mathématiques expertes, mathématiques complémentaires, droit et grands enjeux du monde contemporains. On voit bien que c’est l’enseignement supérieur qui vient ici se faire une place. L’irruption du droit (enfin!) en est un bon signe.

A lire aussi: La crise de l’Université est une crise des lycées

Tous les espoirs sont donc permis, même si on ne manquera pas de l’entendre dire : cette organisation va accentuer les inégalités. Certes. Mais les inégalités qui se manifestent au lycée ne peuvent pas être corrigées au lycée. C’est trop tard. Les inégalités se corrigent à l’école primaire. Passé le CM2, cette correction est très difficile. Passé la classe de Quatrième, elle est devenue quasi impossible. Et la technique de l’ancien ministère qui consistait à vider les enseignements de leur contenu ne faisait qu’aggraver les choses. Elle masquait les inégalités en réduisant l’enseignement à une sorte de plus petit commun dénominateur, en privant les élèves capables d’un enseignement qui leur aurait été pourtant profitable. L’ancien ministère ne s’y était d’ailleurs pas trompé en proposant de corriger ces inégalités après la classe de Troisième, lorsque ce n’est déjà plus possible.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement…

Comme on ne peut pas refuser les élèves à l’entrée de la classe de Seconde, des petits détails sont prévus. D’abord l’optionnalité. Sans commentaire. Ensuite « un test numérique de positionnement en début d’année pour permettre à chacun de savoir où il en est en français et en mathématiques ». Aïe ! Puis « un accompagnement personnalisé » et « une aide à l’orientation » de 54 heures.

Maintenant, regardons les « enseignements facultatifs ». En numéro un, voici les « mathématiques expertes » sorte de retour de la magnifique classe de Math’élem d’avant 1967. Pour les ingénieurs et les carrières scientifiques. En numéro deux, les « mathématiques complémentaires », soit le couple proba-statistiques dont ont besoin les gestionnaires d’entreprises d’aujourd’hui et de demain. En numéro trois, « droits et grands enjeux du monde contemporain », sorte de prépa Science Po dont ont besoin les décideurs d’entreprises.

Quant à l’épreuve d’oral, pourtant lourde et onéreuse à organiser, elle est une idée conséquente. Les élèves vont devoir faire l’effort d’abandonner le parler « djeune », « verlandisé » et truffé d’anglicismes lexicaux et syntaxiques. Ce sera une bonne chose, car il est vrai qu’un oral déficient s’accompagne toujours d’une incapacité à s’exprimer à l’écrit.

Il reste encore à trouver une rédaction des programmes susceptible de donner corps à ce rétablissement des lycées. Souhaitons que la nouvelle présidente du CSP, Souâd Ayada y parvienne.

Quelle loi nous protégera des « fake news » des politiques?

0
Sylvain Maillard, député LREM de Paris, capture d'écran RFI

Si les politiciens savent si bien ce qu’est une « fake news », c’est peut-être parce qu’ils les utilisent eux-mêmes…


Dès le début de l’année, le président Emmanuel Macron a fait de son projet de loi contre les fausses informations l’une de ses priorités, épaulé dans ce sens par la ministre de la Culture, Françoise Nyssen. Cette dernière a récemment livré quelques détails inquiétants de l’esprit de cette réforme pour le JDD : les médias devront désormais « coopérer » avec l’Etat…

A l’Etat de décider si une info’ est juste ou non ? A l’Etat de juger si un scandale est une fausse information ou pas ? « Une procédure de référé judiciaire sera mise en place pour faire cesser rapidement la diffusion d’une fausse nouvelle, lorsque celle-ci est manifeste », a même précisé la ministre ! Dès lors, l’Etat pourra sanctionner les médias. Pourtant, le passé regorge de sprétendues fausses nouvelles, établies ensuite comme véridiques. Mais aucune loi ne pouvait alors permettre à l’Etat ou aux différents pouvoirs d’empêcher ces révélations.

Heureusement qu’il y a des (prétendues) « fake news »

Un exemple : avec ce type de loi, les quelques journalistes courageux du monde sportif n’auraient jamais pu alerter d’un quelconque soupçon de dopage chez Lance Armstrong, dès ses premières victoires sur le Tour de France en 1999. Les instances du cyclisme, comme la puissante Union cycliste internationale (UCI), défendaient l’Américain face aux informations « infondées » du Monde. « Vainqueur » de l’épreuve de 1999 à 2005, il ne sera officiellement convaincu de dopage qu’en 2012, discréditant l’UCI et l’autre presse, celle qui ne voulait pas voir le problème. Si cette loi avait existé en 1999, Le Monde aurait probablement pu être poursuivi en justice par l’UCI pour ses révélations.

A lire aussi: Emmanuel Macron et la « fake » liberté d’expression

Les affaires politiques, comme « l’affaire Cahuzac », seront probablement ciblées par le pouvoir. Un mauvais souvenir pour les socialistes, et certainement pour Emmanuel Macron qui était à cette période secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République, François Hollande. Mediapart avait suscité des réserves et subi des critiques et pressions d’un réseau médiatique défendant le corps politique lors de la publication des premiers éléments de l’enquête en 2012. Ces mêmes politiques qui, lorsqu’ils sont dans l’opposition, se mettent à défendre la presse quand elle sort des affaires contre le pouvoir, et qui s’attaquent à cette même presse lorsqu’elle ose enquêter sur eux. La soi-disant fake news de Mediapart, grâce à de longues investigations, s’est avérée juste. Avec une loi comme celle qui est en projet, le pouvoir aurait vraisemblablement pu menacer le média et la poursuite de l’investigation.

Les médias, ou ceux qui sont considérés comme des « poils à gratter » du pouvoir, pourront craindre la nouvelle loi. Le politique aura besoin du soutien d’une certaine presse pour se faire épauler dans cette bataille. Pourquoi pas le Décodex du Monde qui se charge déjà de cette mission, celle de pister des médias qu’il juge non « fiables » ?

La « fake news » comme instrument d’oubli

En revanche, le politique se garde bien de balayer devant sa porte. Il ose ordonner une morale, un code de bonne pratique pour le journaliste. Mais où est-il pour sanctionner ses propres fake news ? Ce projet de loi-là n’est évidemment pas à l’ordre du jour. Et on comprend pourquoi. Leurs fake news sont très utiles pour guider le citoyen sur ce qu’il faut penser et, accessoirement, voter.

L’une des plus grotesques, récemment, est justement l’oeuvre d’un député de La République en marche (LREM). Sylvain Maillard a assuré, le 5 février sur RFI, que « pour l’immense majorité de SDF qui dorment dans la rue, c’est leur choix ».

Pointée du doigt par la presse de gauche ou de droite, cette fake news ne sera pas sanctionnée. Le gouvernement et la majorité tenteraient-il de faire oublier une promesse du soldat Macron ? Le président s’était engagé, le 27 juillet dernier, à ne plus voir aucune personne dans la rue avant la fin de l’année 2017.

Si la promesse est non tenue, c’est donc simplement de la faute des pauvres, qui ont – on s’en doute – un désir masochiste de vivre au plus près du froid l’hiver.

En janvier, sur France Inter, Julien Denormandie, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires, avait attesté de la réussite du gouvernement puisqu’il n’y avait, selon lui, en Île-de-France qu’une « cinquantaine d’hommes isolés [qui dormaient dehors] pour être précis ». Christophe Castaner, délégué général de LREM disait à peu près la même chose fin décembre sur BFM TV, estimant qu’il y avait des places disponibles pour loger les SDF, mais que ceux-ci refusaient en partie d’y être hébergés…

La « fake news », un barrage contre le belliqueux

Avant la mise en place de la loi, un média est d’ores et déjà ouvertement sanctionné pour ses positions : RT France. En janvier, certains de ses journalistes se sont vus refouler de la conférence de presse du président Emmanuel Macron. La ligne éditoriale de RT justifie-t-elle cette punition avant l’heure ? Leurs journalistes – au même titre que ceux de Libération, du Monde, de TF1, du Figaro ou de Télérama – possèdent pourtant une carte de presse, délivrée par une commission indépendante.

Ce n’est donc pas une surprise si la loi contre les fausses informations est souhaitée par Emmanuel Macron pour les élections européennes de 2019. L’idée que des médias ne puissent plus condamner l’Union européenne est bien commode dans une période où la sainte institution n’a jamais été aussi critiquée en France ou ailleurs.

Le djihadisme reste à construire

0
Thomas Barnouin ®DR

Depuis la défaite de l’État islamique en Irak et en Syrie, l’opinion publique s’inquiète du retour des Françaises et Français partis rejoindre Daech qui essaient maintenant de regagner leur mère patrie. Et l’interrogatoire d’un certain Thomas Barnouin, que ses geôliers kurdes ont diffusé sur Twitter, ne rassurera pas nos compatriotes.

Converti à l’islam en 1999, djihadiste à partir de son séjour en Arabie saoudite en 2005 et ancien de la célèbre filière d’Artigat à laquelle appartiennent les frères Merah, Barnouin est un gros poisson. Il explique s’être décidé à partir en Syrie avec femme et enfants en 2014 après que « des musulmans » sont venus chez lui pour lui annoncer qu’ils y avaient fondé un État islamique.

« Je me suis rendu compte après quatre ans avec Daech qu’il s’agissait de criminels »

Quelques années plus tard, le prisonnier des Kurdes ne cache pas son amertume : « Je me suis rendu compte après avoir combattu durant quatre ans avec Daech qu’il s’agissait de criminels. Pour moi, honnêtement, Daech est une création des services de renseignements. Ce n’est pas une organisation islamique sincère. C’est une alliance entre services de renseignements et d’anciens baasistes qui sert son propre agenda au Moyen-Orient. »

Autrement dit, si l’État islamique a trahi l’islam, ce n’est ni en défenestrant des homosexuels ni en brûlant vifs des prisonniers, mais parce qu’ils « se sont battus pour le pétrole ». Aux yeux de Barnouin, Daech était un vaste complot ourdi par les services de renseignement occidentaux dont les djihadistes sincères seraient les innocentes victimes. Au fond, Thomas Barnouin réécrit le bon vieux mythe du coup de poignard dans le dos. Sans doute prépare-t-il inconsciemment le coup d’après : Daech a échoué parce que ce n’était pas l’authentique Daech. Bref, pas d’amalgame !

Clips antisionistes subventionnés : l’UJFP va devoir rembourser

0
Capture d'écran d'un des clips de l'UJFP

Dans son numéro de février, notre mensuel publie une enquête, réalisée en collaboration avec le centre « NGO Monitor » de Jérusalem, établissant que l’Union juive française pour la paix (UJFP) avait sollicité auprès du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), institution dépendant du Premier ministre, une subvention dans le cadre du programme de « lutte contre les discriminations ».

A lire aussi: L’UJFP, l’antisionisme subventionné par l’Etat

L’UJFP proposait de réaliser des documents, écrits et audiovisuels, pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Notre enquête avait établi que l’argent reçu avait servi à produire des documents, un livre et une série de clips vidéo diffusant un discours violemment antisioniste, accusant la France de racisme d’Etat et manifestant la sympathie de l’UJFP pour les tenants de l’islamisme radical.

« L’UJFP a été mise en demeure »

Après la publication de cette enquête, nous avons reçu de Corinne Gonthier, directrice de la communication du CGET, une lettre dont voici les principaux extraits :

« Comme il est prévu dans ses attributions, le CGET finance notamment des actions en faveur de la lutte contre les discriminations.

C’est à ce titre, qu’en 2016, il a subventionné à hauteur de 18 000 euros l’association Union Juive Française pour la Paix. Le partenariat visait à soutenir un projet dénommé « Une parole juive contre le racisme : production d’outils-réunions publiques ». Il consistait notamment à réaliser des clips vidéos portant sur la lutte contre le racisme et la déconstruction des discours antisémites de Dieudonné et d’Alain Soral en direction des enseignants, des étudiants des écoles supérieures du professorat et de l’éducation et des agents des centres sociaux.

Les clips vidéo ont été mis en ligne sur le site de l’association fin 2017, avec un logo Premier ministre/CGET mais sans information préalable et sans avoir recueilli de validation du CGET.

Alerté en décembre dernier sur la teneur de ces clips, le CGET a constaté qu’ils ne correspondent pas du tout au cahier des charges conventionné et ne sont pas admissibles car ils mettent en cause un prétendu « racisme d’Etat ».

Dès le 19 janvier, l’association a ainsi été mise en demeure de retirer du site et des documents de l’association toute référence à un soutien de l’Etat. Ce qui a été fait. Parallèlement, le CGET a engagé une procédure de recouvrement de la subvention pour non-respect du cahier des charges. Enfin, le ministère de l’Education nationale a été prévenu et nous n’avons pas d’information sur une diffusion de ces clips en milieu scolaire.

A l’heure où vous avez fait paraître votre article, le 7 février dernier, la subvention faisait donc déjà l’objet d’une procédure d’annulation et de recouvrement auprès de l’UJFP. »

Cette lettre valide donc totalement le contenu de notre enquête, et par conséquent les accusations de détournement de fonds publics que nous avions formulées, sous forme interrogative, dans notre article.

L’intervention de Manuel Valls

Il est pourtant nécessaire de préciser que si la direction du CGET est intervenue (bien tard !) pour tenter de réparer ce grave dysfonctionnement d’une institution d’Etat, cela n’est pas sans rapport avec nos investigations, intervenues bien en amont de la date de publication de l’article de Causeur. C’est le cas notamment de l’intervention de l’ancien Premier ministre Manuel Valls, en fonction à l’époque des faits, auquel nous avons appris, début janvier, la manipulation dont avait été l’objet le CGET dont il exerçait la tutelle, ainsi que de celle du sénateur Loïc Hervé, auteur, fin décembre, d’une question écrite au Premier ministre, après que nous lui avons transmis les éléments du dossier. Manuel Valls nous avait indiqué qu’il allait tenter de tirer cette affaire au clair…

Enfin, pour qu’il n’y ait pas de malentendus, précisons que ce n’est pas l’action militante, ni même le contenu de la propagande de l’UJFP que nous clouons au pilori, même si nous ne partageons pas, loin de là, son idéologie ni ses méthodes. Il s’agit, en l’espèce, d’une malversation caractérisée, d’un rapt d’argent public par la ruse. Qu’ils rendent donc l’argent, et le dossier, pour ce qui nous concerne, sera clos.

Listes transnationales aux européennes: l’idée hors-sol d’un président hors-sol

0
Emmanuel Macron lors de son discours sur l'Europe de la Sorbonne, 26 septembre 2017. SIPA. AP22109423_000001

C’est à l’Europe de s’adapter aux nations. Il faut faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes.


Que se cache-t-il derrière la volonté du président de la République et de son gouvernement dans le changement du mode de scrutin aux élections européennes ? On doit douter du dessein européen dans lequel la France a livré sa voix par l’intermédiaire du discours d’Emmanuel Macron devant une assemblée étudiante à la Sorbonne le 26 septembre dernier.

Qui veut encore mourir pour cette Europe ?

Un mot revient sans cesse dans ce discours. Inlassablement, comme pour convaincre un auditoire qui en est gorgé : l’Europe est une « idée ». Une « idée » qui aurait permis de tourner la page d’un XXe siècle de conflits. Une « idée » qui aura vu naître le marché unique. Une « idée » désormais assaillie par les populismes et le « souverainisme de repli ». La seule « idée » défendue est désormais celle d’un souverainisme européen.

On tombe dans l’oxymore sinon dans l’absurde. Dans Les Justes, Albert Camus le disait: « mourir pour une idée c’est la seule façon d’être à la hauteur de l’idée ». Qui veut encore mourir pour cette Europe ? Et pourtant, nous risquons bien de faillir à poursuivre dans cette voie.

A trop se nourrir d’idées on en oublie l’essentiel, le réel. L’Europe est à un tournant comme elle l’est depuis toujours non pas à tourner en rond mais à osciller, tituber, d’un pas pesant vers son avenir. Il n’est que trop rarement question d’ « avenir » dans cette idée de l’Europe. Il trouve malgré tout, dans ce discours, une place, à force de se faufiler, comme un intrus, au milieu des concepts, des idées reçues et arguments convenus.

L’avenir d’une illusion

Il faut y voir un aveu. Votre idée d’Europe, Monsieur le président, ne laisse pas de place à l’avenir. Or, l’Europe, c’est un projet. Un projet concret, un avenir. Il est ubuesque de croire encore que les maux dont l’Europe souffre puissent être soignés en promouvant leurs sources. L’échec règne sur notre continent. Les populismes que vous combattez tel on agite un chiffon sont le résultat de votre « idée » de l’Europe.

La défiance populaire répond à la défiance d’une loge européenne bureaucratique envers les peuples et qui préside au destin des nations européennes. La proposition de créer des listes transnationales est une étape de plus vers une Europe hors-sol, hors-peuple, hors démocratie. Votre proposition illustre l’idée que vous vous faites de l’Europe. Une simple idée qui n’a de succès que dans la réponse qu’elle a su produire face aux réticences populaires souvent caricaturées.

Il n’en sera rien pour l’instant. Le parlement de Strasbourg n’en veut pas. Même lui. Le retour à la circonscription unique sera la seule voie de salut pour fournir au juvénile parti présidentiel les moyens d’envoyer quelques députés dans l’hémicycle européen.

Faire coïncider les élections parlementaires nationales et européennes

Alors puisque l’idée doit produire du concret, attachons nous à rendre aux peuples européens leur parlement lequel est la seule expression et émanation démocratique. Soyons concrets lorsqu’il s’agit de parler d’Europe : l’avenir de l’Europe repose sur ses nations comme celles-ci ont l’Europe pour avenir. Alors il faut changer son logiciel démocratique et donc le mode de scrutin des élections européennes.

Il est temps de rendre aux citoyens européens leur Parlement. Pour cela, un moyen : faire coïncider les élections parlementaires nationales avec les élections au Parlement européen. Chaque peuple décidera alors en même temps qu’il choisit ses représentants dans les parlements nationaux ceux qu’il enverra les représenter à l’échelle européenne.

Evidemment, à l’écho de cette proposition on entend déjà les critiques, la litanie du « jamais », de « l’impossible », du « ça ne sert à rien ». Car cette évolution nécessite une révolution institutionnelle et politique qui consiste à accepter l’idée (une nouvelle… mais bien concrète) de ne plus renouveler intégralement le Parlement européen tous les cinq ans mais, progressivement, au rythme des élections parlementaires nationales.

Mobiliser, concerner, légitimer

Ce nouveau mode de scrutin remplit trois objectifs. Le premier est de mobiliser les peuples européens à choisir leurs représentants. Le taux de participation aux élections européennes, isolées de toutes autres échéances nationales, est catastrophique. Cela ne peut plus durer et forcer nos citoyens à voter n’est pas la solution.

Le second est d’inscrire les questions européennes dans les débats au même titre que les problématiques nationales. Il est désormais essentiel de mettre en perspective les sujets nationaux et européens. On soumettra au suffrage ce qui forme le possible ou l’impossible et se décide à Bruxelles.

Le troisième est de légitimer nos représentants en mettant leurs engagements à l’épreuve des électeurs. Il n’est pas acceptable que nos députés européens ne puissent pas relayer au niveau national les enjeux européens. Comme nos représentants au parlement européen ont besoin de la légitimité de leurs représentés.

C’est à l’Europe de s’adapter aux nations

Ce nouveau mode de scrutin appelle une adaptation des travaux du parlement de Strasbourg aux calendriers électoraux des membres de l’Union européenne quitte à marquer une pause bienvenue dans l’exercice de production réglementaire.

Rappelons-nous la conviction de Philippe Séguin qui détonne le 5 mai 1992 à l’Assemblée nationale : « Il me faut dire avec beaucoup d’autres, au nom de beaucoup d’autres, qu’il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne ». Alors une troisième voie doit s’ouvrir entre fédéralisme et populisme afin de rendre aux peuples européens, en premier lieu, une véritable représentation démocratique.

Les Justes

Price: 6,50 €

83 used & new available from 1,82 €

Fiscalité: la vraie raison pour laquelle les élites détestent Trump

0
Manifestation anti-Trump à Washington, janvier 2017. SIPA. 00789713_000002

La révolution fiscale de Donald Trump pénalise les riches habitants des grandes villes… qui ont massivement voté pour son ancienne rivale, Hillary Clinton. 


Le 8 novembre 2016, Donald Trump défiait les sondages unanimes donnant Hillary Clinton largement vainqueur de l’élection présidentielle américaine. En arrivant en tête dans 30 des 50 Etats, il remportait 57 % des « grands électeurs », c’est-à-dire plus de « grands électeursé que n’en a obtenu George W. Bush en 2000 et en 2004.

L’un des thèmes prédominants de la campagne électorale fut la fiscalité. Alors qu’Hillary Clinton proposait de maintenir un statu quo fiscal, son rival républicain promettait tout simplement “la réforme fiscale la plus ambitieuse que le pays ait jamais connue”. L’homme d’affaires proposait une baisse drastique du taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral, le ramenant de 35 % à 15 % ainsi que la suppression des droits de succession et une baisse de l’impôt sur le Revenu fédéral (en remplaçant les 7 tranches alors en vigueur par 3 tranches, de 12 %, de 25 % et de 35 %).

Son Amérique d’abord

Les deux chambres du Congrès se sont mis d’accord, le 15 décembre 2017, sur un texte commun (“The Tax Cuts and Jobs Act”), lequel s’inspire largement des promesses électorales. Le taux de l’impôt sur les Sociétés fédéral a finalement été réduit à 21 % (au lieu de 15 %) et la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral abaissée de 39,6 % à  37 %. Le président a signé la loi le 22 décembre 2017, juste avant de partir en Floride pour les vacances de Noël. Et la loi est entrée en vigueur au 1er janvier 2018, sans effet rétroactif.

Désormais, les entreprises établies dans le Wyoming ou dans le Dakota du Sud (les deux seuls Etats à ne pas prélever d’impôt sur les bénéfices ou sur le chiffre d’affaires des sociétés aux Etats-Unis) bénéficient donc de l’un des taux d’imposition des bénéfices les plus bas du monde occidental. Et même les sociétés établies dans des Etats comme l’Iowa (12 %), le New Jersey (9 %) ou la Californie (8,84 %), qui sont ceux qui taxent le plus fortement les bénéfices des entreprises, subiront un taux global d’imposition des bénéfices de 30 % à 33 % (contre 44 % à 47 % auparavant).

A lire aussi: Trump va-t-il détruire la mondialisation ?

Par ailleurs, des pans entiers de la fiscalité internationale des sociétés sont réformés en profondeur, avec notamment l’instauration d’un régime des sociétés mères (exonération des dividendes versés par des filiales étrangères détenues à au moins 10 %). Les groupes américains pourront donc rapatrier, sans difficulté, aux Etats-Unis les bénéfices de leurs filiales étrangères, au lieu de les laisser en réserve à l’étranger. Les marchés financiers ont apprécié la réforme. La hausse spectaculaire (35 %) de la bourse de New-York entre l’élection de Donald Trump, en novembre 2016, et l’adoption de la réforme fiscale, fin décembre 2017, a été principalement alimentée par cette perspective de réduction substantielle de la charge fiscale pesant sur les entreprises.

En sus de la baisse de la tranche marginale de l’impôt sur le Revenu fédéral (de 39,6 % à 37 %), les déductions forfaitaires (“standard deductions”) sont doublées, ainsi que le “Child Tax Credit”. Les droits de donation et de succession fédéraux (au taux de 40 %) ne sont certes pas abrogés (comme le promettait Donald Trump), mais l’exonération passe de 5 millions à 10 millions de dollars par personne. Très peu de foyers seront donc désormais concernés aux Etats-Unis (la succession de Donald Trump, c’est certain, ne sera pas exonérée…).

« Une guerre civile » contre les habitants des grandes villes

En contrepartie des cadeaux précédents, certaines déductions fiscales spécifiques (“Itemized deductions”), très populaires auprès des contribuables américains, sont drastiquement réduites. Les intérêts des emprunts hypothécaires contractés à partir de 2018 restent déductibles, mais seulement dans la limite d’une dette d’un montant maximum de 750 000 dollars (contre 1 million auparavant). Surtout, la déduction des taxes locales (impôt sur le Revenu de l’Etat et taxes foncières des municipalités, qui correspondent parfois à 2 % par an de la valeur de marché des résidences) est désormais plafonnée à 10 000 dollars par foyer, comparée à une déduction sans limitation applicable jusqu’alors. Les habitants des villes et des Etats où les taxes locales sont les plus élevées perdent un avantage fiscal conséquent. Pour illustrer le propos, il faut savoir que la tranche marginale de l’impôt sur les Revenus de la Californie est de 13,3 % ou de 8,82 % à New-York, à laquelle s’ajoute 3,876 % au titre de l’impôt sur le Revenu de la ville de New-York, soit un total de 12,696 % (à comparer avec… 0 % dans les Etats qui ne prélèvent pas d’impôt sur le Revenu comme la Floride ou le Texas). Il est estimé que les résidents de l’Etat de New-York vont voir augmenter leur charge fiscale fédérale de 14 milliards de dollars en 2018.

Le Tax Policy Center a prévu que toutes les catégories sociales seraient bénéficiaires de la réforme de l’impôt sur le Revenu, à l’exception de 5 % des contribuables qui verront leur note fiscale augmenter. Ces 5 % sont typiquement des habitants de grandes villes en Californie ou de la côte Est des Etats-Unis, c’est-à-dire des Etats qui ont massivement voté en faveur d’Hillary Clinton (on rappellera que Manhattan a voté à 86,36 % pour Hillary Clinton – contre seulement 9,87 % pour Donald Trump, et que la Californie a donné 8,7 millions de voix à la candidate démocrate contre 4,4 millions au candidat républicain). Ce n’est donc pas un hasard si Jerry Brown, le gouverneur de la Californie qualifie cette réforme de “monstruosité dont le but est de punir la Californie qui a voté pour Hillary Clinton” et si Andrew Cuomo, le gouverneur de l’Etat de New-York, y a vu “une guerre civile économique contre les Etats démocrates”.

Marcel Gauchet: « Les réseaux sociaux ont démocratisé la manipulation »

0
Marcel Gauchet, janvier 2018. ©Hannah Assouline

Le débat sur les fake news part sur des bases malsaines: la grande majorité de la population est à la fois dépendante des médias et convaincue qu’ils ne répercutent pas ce qu’elle vit au quotidien. Nourris par cette défiance anti-élites, les réseaux sociaux offrent une caisse de résonance virtuelle aux pires balivernes. Entretien avec l’intellectuel Marcel Gauchet. 


Causeur. Du collier de la reine à l’affaire Dreyfus, les rumeurs et les mensonges, parfois propagés au plus haut niveau de l’État ne datent pas d’hier. En quoi les « fausses nouvelles », qui inquiètent tant le président de la République, sont-elles un phénomène nouveau ?

Marcel Gauchet. Cette histoire est l’exemple même de l’illusion de nouveauté que peut créer l’adoption d’une langue étrangère. Une vieille plaie devient, par la magie de l’anglais, un mal inédit et tellement dramatique que le président de la République se doit de monter en première ligne. Reprenons nos esprits en revenant aux faits : dans la campagne présidentielle française de 2017, quelle fausse nouvelle aurait influencé le résultat ? Aucune ! Quel est donc ce spectre qu’il y aurait urgence à exorciser ?

La nouveauté du phénomène, car il y en a quand même une, ne réside pas dans l’existence de fausses nouvelles, mais dans leurs conditions d’émission et de circulation. D’abord, le peuple dispose désormais de moyens incomparablement puissants de lancer et de répercuter, via internet et les réseaux sociaux, des bobards. La caisse de résonance numérique est autrement plus efficace que le bouche-à-oreille, et elle est ouverte à tous. Aujourd’hui, le péquin moyen peut diffuser des messages à la terre entière en dehors de tout contrôle, filtrage ou manipulation d’en haut. Autrement dit, le pouvoir de manipulation se démocratise par l’intermédiaire de la technique.

Mais en même temps, les progrès de la connaissance et, osons le dire, de la Raison, devraient nous rendre moins vulnérables aux bobards.

C’est l’autre aspect du problème. Une chose est l’existence de fausses nouvelles, autre chose est le retentissement que certaines fausses nouvelles sont susceptibles d’avoir parce qu’elles prennent un sens qui les rend crédibles auprès des gens. Ce n’est pas nouveau en soi, mais il est visible que le phénomène prend de l’extension et il faut se demander pourquoi. Le tri rationnel entre le vrai et le faux ne fonctionne plus quand les gens sont prêts à croire une rumeur tout en sachant qu’elle ne repose sur rien, parce qu’elle leur paraît exprimer ce qu’ils ressentent.

L’histoire du prétendu compte aux Bahamas de Macron, par exemple ?

Voilà, on n’en a aucune preuve, mais on se dit que le « banquier », comme dit Mélenchon, est bien du genre à en avoir un ! Cela prend tout son sens dans un contexte marqué par une extraordinaire méfiance des populations par rapport à toute parole jouissant d’un statut officiel. Ça commence dans la salle de classe, avec des étudiants qui vérifient sur Wikipédia si ce que raconte le prof est vrai, puis ça continue dans la société et ça prend une tournure paroxystique en politique. Un quart à un tiers de la population est totalement réfractaire au discours des politiques !

Si les Français se détournent massivement des politiques et des médias, c’est parce qu’ils ont le sentiment qu’on leur cache des choses.

C’est le cœur du problème : les médias ont acquis le monopole de la visibilité publique à mesure de l’atomisation de la société. Il n’y a pas si longtemps, celle-ci était structurée en gros blocs de croyance, de classe, de communautés professionnelles qui avaient chacun leur représentation de ce qui se passait. L’Église catholique, le Parti communiste, le monde ouvrier, le monde paysan constituaient des groupes organisés à l’intérieur desquels circulait une information qui faisait le lien entre leurs membres. Tous ces mondes-là étaient articulés autour de leur vérité et faisaient peu de cas de ce qui pouvait se raconter dans la presse ou les médias, d’une autre opinion que la leur. La dissolution de ces groupements laisse les individus tout seuls dans leur coin, au mieux avec leur cinquantaine d’amis Facebook. Le pouvoir des médias s’en trouve extraordinairement renforcé, puisqu’ils sont les seuls à dire ce qui fait sens pour l’ensemble. Ils sont maîtres de choisir ce qui est digne d’être relaté et montré, et ce qui ne l’est pas. Dans les conditions où il est exercé, ce monopole est ressenti par une partie importante de la population comme illégitime et insupportable.

La démocratisation de l’information, un espace où les people seraient à égalité avec leur boulangère, telle était bien la promesse des nouveaux réseaux sociaux comme Twitter. Qu’en est-il advenu ? 

On voudrait des statistiques fiables. Combien de gens en France utilisent Twitter pour faire circuler des informations et des commentaires politiques ? Le chiffre est probablement dérisoire à l’échelle de la population globale. Il y aurait, paraît-il, une « fachosphère », une « féminosphère », que sais-je encore. Combien de divisions ? La réalité est que la grande majorité de la population est à la fois dépendante des médias et convaincue qu’ils ne répercutent pas ce qu’elle vit dans son environnement quotidien. La machine médiatique a beau être pluraliste, elle est perçue comme un seul bloc, notamment en raison de son homogénéité intellectuelle, culturelle et sociale. C’est accentué en France par la centralisation parisienne et la faiblesse des médias locaux.

D’où vient cette défiance anti-élites, devenue une composante de notre vie publique ?

Le phénomène est né dans les années 1980 et il s’est déployé avec le sentiment nouveau que les gouvernants faisaient le contraire de ce qu’ils disaient. En France, le tournant de la rigueur de 1983 a marqué une date à cet égard. C’est un autre genre de lutte des classes par d’autres voies, opposant ceux qui sont perçus comme les représentants d’une société officielle, médias en tête, et ceux qui se pensent comme les exclus de cette société, avec parfois d’excellentes raisons de le penser. En un sens, cette fracture est plus profonde que la traditionnelle division entre bourgeois et prolétaires, car salariés et patrons vivaient au moins en contact les uns avec les autres, alors que là, il y a deux mondes qui ne se rencontrent pas : une société qui se sent réduite au silence et une sphère médiatique qui lui échappe complètement.

Dans votre article du Débat, « La guerre des vérités », vous écrivez que « la post-vérité est le rejeton adultérin du politiquement correct ». En somme, les gens ordinaires, comme disait Orwell, ont d’autant plus tendance à croire des bobards que le journalisme qu’ils considèrent comme officiel prêche au lieu d’informer ?

Avant la post-vérité, il y a eu en effet l’arrangement et la neutralisation de la réalité, opérés par le politiquement correct. Une partie de la population a l’impression que la sphère médiatique se tamponne radicalement le coquillard de ce qui se passe chez elle, avec pour seule préoccupation de la détourner des mauvais sentiments que pourraient lui inspirer les situations dont elle ne parle pas, ou seulement à mots couverts. Il faut dire que pour dédramatiser les faits les plus perturbants et arrondir les angles des nouvelles les plus dérangeantes, nos élites ont élevé l’art de l’euphémisme à un haut degré de sophistication. J’entendais récemment l’aimable Jean-Louis Borloo expliquer doctement qu’« il y a un bouillonnement dans les banlieues, c’est quelquefois un bouillonnement pour le bien, et puis quelquefois, pour le moins bien ». On ne peut pas dire le contraire, mais je doute que ce « moins bien » sonne très convaincant aux oreilles de ceux qui subissent la dictature des dealers au pied de leur immeuble !

Et cette novlangue euphémisante favoriserait paradoxalement en retour les thèses complotistes ?

La décrédibilisation des médias a mécaniquement pour effet en retour d’accréditer une contre-information qui s’engouffre dans le « on vous cache quelque chose » et donc dans la possibilité de faire croire n’importe quoi. C’est un système infernal à deux pôles. Le malheureux citoyen moyennement informé est confronté à un choix cornélien. Il doit choisir entre un discours qui enrobe les réalités dérangeantes au point de les escamoter, et un autre, carrément onirique, mais dont les auteurs tirent une grande légitimité de leur opposition à la parole perçue comme officielle.

Pour conjurer ce genre de délires, le président Macron a l’intention de légiférer contre les fake news. Faut-il instaurer une vérité officielle ?

Je me demande encore ce qui lui a pris. Macron lui-même n’a pas vraiment souffert des rumeurs de la campagne, comme celle sur son homosexualité supposée, qui a laissé l’opinion de marbre. Alors pourquoi cette croisade ? Je m’interroge. Primo, légiférer sur la question paraît impraticable. Où sont les tribunaux qui établiront la vérité et la fausseté des faits ? Comment savoir si Macron est homosexuel ou non ? Secundo, même en supposant qu’on parvienne à sanctionner quelques lanceurs de sornettes, ce n’est pas avec ces piqûres d’épingle que l’on viendra à bout d’un phénomène subdélirant comme l’antisémitisme des banlieues.  Il est vrai que, dans une démarche d’affirmation d’autorité régalienne, il est beaucoup plus facile d’annoncer avec fracas qu’on va mater les menteurs professionnels que de botter le cul des zadistes de Notre-Dame-des-Landes !

Cette croisade contre les fake news repose implicitement sur l’idée selon laquelle la vérité est simplement synonyme d’absence de fausses nouvelles ?

C’est toute la naïveté du « fact checking » que de le croire. Même en supposant que les faits soient tous avérés, l’interprétation à en donner reste totalement ouverte. En partant des mêmes chiffres, on peut tirer des conclusions dramatiquement opposées. Par exemple, qu’il y a très peu d’immigrés en France ou qu’il y en a énormément. C’est une affaire de perception subjective, aussi le « fact checking » n’a-t-il qu’une efficacité marginale.

Pour des journaux comme Libération et Le Monde, le « décodage » des fausses informations – en général, des articles qui leur déplaisent idéologiquement – relève de la croisade. Est-ce un nouveau clergé de la vérité ?

Que représente ce clergé ? Pas grand-chose. Sa crédibilité est mince et sa religion des plus incertaines. Il ne recrutera pas beaucoup de fidèles. Il est sans prise sur le véritable problème qui est la sécession d’une partie de la société par rapport à un espace de référence commun.

Finalement, ce monde de mieux en mieux connu serait-il de moins en moins intelligible ?

Ces deux mondes sociaux coexistent : le monde objectif qu’on peut décrire pour lui-même – avec des données à peu près fiables – et le monde tel que la masse de la société l’interprète et le comprend. C’est ce dernier monde qui nous échappe. Si on sait tout de la répartition des revenus, on ignore ce que pense une grande partie des gens qui correspondent à telle ou telle catégorie de revenu. Or, en démocratie, il est vital de comprendre les représentations des citoyens.

Doit-on en déduire que nos démocraties représentatives sont en train de flancher ?

Elles échouent dans leur mission fondamentale qui est de représenter la réalité de la société. Les élus représentent des familles d’opinion, mais quel est leur lien avec ce qui se passe dans les profondeurs du pays ? On n’en sait rien ! Aléatoirement, des épiphénomènes comme Nuit debout créent une illusion d’optique : le rapport entre l’énorme volume d’informations qu’il a généré et son impact réel inexistant sur la société est hallucinant. Rappelez-vous, ce n’était pas moins que la réinvention de la politique…

Nous ne sommes plus dans un cadre démocratique normal où la discussion raisonnée fait loi, mais dans une démocratie des affects où les passions du moment prennent le dessus dans une fluctuation constante. Les plus lucides des dirigeants des démocraties occidentales ont d’ailleurs intégré cette versatilité et naviguent à vue. Ils « accompagnent les émotions collectives », comme on dit joliment dans la langue de la science politique.

Au-delà des mouvements d’humeur virtuels, comment se manifeste cette « démocratie des affects » ?

Prenons deux exemples : l’affaire de la déchéance de nationalité ou la loi El Khomri. Dans ces deux dossiers de la fin du quinquennat Hollande, le débat n’a pas tourné autour de la réalité des problèmes, mais de ce qu’ils représentaient. La démocratie des affects est une sorte de régression vers une expression qui n’est plus conceptuelle ou rationnelle, mais symbolique, on le voit bien avec Trump. Il n’y a plus de débat public. Les citoyens interprètent des images, à défaut de saisir les discours qui leur échappent ou suscitent leur indifférence. Alors, je ne crois pas du tout au retour des totalitarismes, mais je crains une vaste régression intellectuelle de la démocratie.

Entre la presse à l’ancienne et les réseaux sociaux, il y a une chose qui a progressé, c’est le niveau d’invective. Tel est lynché pour son salaire, tel autre pour un mot de trop.

L’affect le plus fondamental qui émerge sur internet, c’est tout bêtement la haine ! On l’avait un peu oubliée. La réduction objective du niveau de violence dans les sociétés européennes, tant sur le plan politique que sur le plan des rapports entre les personnes, nous l’avait cachée, mais elle est toujours bien là et l’espace numérique la révèle. On peut donner une lecture somme toute optimiste de cette résurgence en termes de défoulement. La domestication sociale de la violence comprime la haine, mais ne la supprime pas. D’où le besoin qu’éprouveraient certains de la manifester verbalement pour ne pas passer à l’acte. Ce serait cathartique, en quelque sorte. Mais on peut donner une lecture pessimiste en se disant que la légitimation que représente de fait son expression publique préfigure au contraire son passage à l’acte. Je ne tranche pas. Mais j’observe que si les actes de violence restent quantitativement limités, l’expression de la haine, dans toutes ses nuances, s’avère en revanche illimitée. Il y a apparemment un stock inépuisable en magasin !

Cette violence latente est-elle dédoublée par la surveillance de tout le monde par tout le monde ?  

Non. Le fait dominant dans la société n’est pas la surveillance mutuelle, mais l’indifférence. Nous ne sommes plus à l’ère de l’embrigadement où les groupes radicaux cherchaient à imposer leur loi à la majorité en prenant le pouvoir et en envoyant les opposants en camps de concentration. Nous sommes à l’époque du « à chacun sa vérité ». Mais cela n’élimine pas la radicalité. Elle se réinvente à l’échelle individuelle en fonction du primat de l’affect. Les réseaux sociaux sont typiquement le domaine de l’extrémisme individuel, inaccessible à la raison et à l’argumentation. De cet enfermement dans son opinion, on passe facilement à l’idée que ses contradicteurs ne devraient pas exister. L’appel au meurtre n’est pas loin. Ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut attendre le progrès de la démocratie.

Comprendre le malheur français

Price: 9,50 €

22 used & new available from 2,84 €

L'avènement de la démocratie, IV : Le nouveau monde: L'Avènement de la démocratie IV

Price: 25,00 €

20 used & new available from 14,89 €

Le désenchantement du monde: Une histoire politique de la religion

Price: 11,90 €

21 used & new available from 6,62 €

Mennel, bouc émissaire de la bêtise ordinaire

0
mennel the voice islam ramadan
Mennel Ibtissem. DR.

De Mennel à Kassovitz, tous les « complotistes » ne sont pas logés à la même enseigne…


Occupé à défendre bec et ongles Tariq Ramadan à l’insu de mon plein gré, j’ai pris du retard sur une des polémiques suivantes, l’histoire de Mennel Ibtissem, la chanteuse voilée sélectionnée pour un télé-crochet de TF1 dont j’ignorais l’existence.

Mennel, la madone diabolisée

Voulant me mettre à jour, j’ai été voir sur Internet de quoi il retournait. Un premier choc, je suis tombé sur une apparition ! La jeune personne dont il est question est absolument sublime. Le voile très étudié, « glamourisé » dirions-nous, la met encore en valeur. Le fait qu’elle chante banalement n’a aucune importance, elle est trop belle. Un deuxième choc, le grand feu de forêt dans les médias et sur les réseaux. Cela partait dans tous les sens avec une violence surprenante qui en dit long sur les tensions qui traversent l’opinion à propos de l’islam. Dont on avait eu une belle illustration avec Tariq Ramadan, mais qui pour la jeune Mennel paraissait hors de proportion. Et avec en particulier sur les réseaux, des interventions fleurant ouvertement le racisme, la haine et la bêtise. Au bout du compte, la madone diabolisée a été contrainte de se retirer.

Les islamistes ont gagné

Malheureusement, saute immédiatement aux yeux l’évidence que les principaux bénéficiaires de la violence de la réaction et de la rapidité de ce retrait, ce seront précisément ceux qui, en général barbus, travaillent les jeunes Français musulmans au corps. Ils disposeront ainsi à nouveau de leurs arguments massues : « vous voyez bien que vous ne pourrez jamais crever le plafond, ils vous rejetteront toujours. Comme ils viennent de le faire avec Mennel, une jeune musulmane comme vous, votre sœur. » Et ils ne manqueront pas d’ajouter: « tenez, une vidéo de frère Tariq, lui aussi victime de ce racisme et qui vous explique pourquoi il faut emprunter la voie de l’islam rigoriste ».

A lire aussi: Glamour, islam et beauté: Mennel, le cocktail manqué de TF1

L’islamophobe solide et assumé que je suis a donc décidé de s’informer et de tenter de réfléchir. Pour aboutir au constat qu’il n’y avait que deux hypothèses : soit la jeune Mennel Ibtissem était de bonne foi dans sa volonté d’accélérer sa carrière et la dimension prosélyte de son apparence et de ses choix musicaux étaient très secondaires par rapport à ses ambitions personnelles; soit il s’agissait d’une opération en forme de taqya entriste, visant à la création d’un symbole glamour de la part des Frères musulmans ou autres salafistes. Le problème est qu’avec la violence des réactions, et le retrait de la chanteuse, quelle que soit l’hypothèse, le mal est fait. Il y avait un piège, dans lequel nous sommes tombés à pieds joints. Les islamistes peuvent boire du petit lait.

La beauté du Diable

Comment cela s’est-il produit et comment le fonctionnement en écho et en temps réel des médias et des réseaux, en libérant souvent de bien mauvais instincts, a abouti à une faute politique aussi grossière.

Tout d’abord, Mennel Ibtissem était-elle de bonne foi ? Je n’en sais rien, et de toute façon, il est impossible d’en avoir une vision tranchée sans être dans sa tête. Simplement, son comportement et les reproches qui lui étaient faits apportent un crédit sérieux à cette hypothèse. Le voile tout d’abord, traité comme un ornement glamour et élégant, n’a pas grand-chose à voir avec l’empaquetage que les rigoristes veulent imposer aux femmes comme symbole de leur soumission. Hani Ramadan (le frère) nous dit qu’une femme qui n’est pas voilée n’est qu’une tentatrice. Force est de constater que la jeune Ibtissem, enturbannée, maquillée et souriante affiche nettement la beauté du Diable, de Sheitan comme dit Ramadan.

Fatwas anti-Mennel

Mais les supplétifs de la police des réseaux, ces renseignements généraux du net, sont allés fouiller dans le passé et ont lancé les fatwas. « C’est une salafiste, frèriste, intégriste, de la graine de djihadiste ! » La preuve ? Elle a relayé sur son compte Twitter il y a quelques années une vidéo d’Hassan Iquioussen prédicateur des Frères musulmans. Il faut se taper les neuf minutes parfaitement rasoirs au cours desquelles le gars explique sa vision de la répartition des rôles entre père et mère dans l’éducation des enfants. Déterminant en effet… Il y a aussi des selfies avec des gens de l’association Lallab subventionnée sur fonds publics que l’on voit parfois à la télévision. Équation classique: photo = accointance= complicité. Une référence à un bouquin de Tariq Ramadan, à l’époque où il était encensé par Plenel, Gresh, reçu par Tony Blair, et professeur à Oxford. Effectivement, infréquentable. Et puis, la jeune beauté, a chanté un standard, le célébrissime Hallelujah de Leonard Cohen, mais en y introduisant une strophe supplémentaire en arabe, qui ne serait qu’un chant religieux intégriste. Une fois traduit, on parcourt un texte à l’eau de rose sans intérêt qui se termine par une invocation à Dieu.

Mennel, une « complotiste » comme tant d’autres

Oui mais attention, le gros morceau, c’est que Mennel Ibtissem est « complotiste » ! La nouvelle incrimination disqualifiante, mieux que nazi et fasciste, qui permet de foudroyer toute personne qui n’est pas d’accord avec vous. La jeune femme, alors âgée de 20 ans, a relevé dans un tweet maladroit la coïncidence de ces terroristes que l’on retrouve avec leurs papiers d’identité sur eux. Cette phrase idiote, formulée dans le même temps par probablement des millions d’autres internautes, témoigne surtout d’une volonté de dédouaner l’islam du terrorisme. En général, les djihadistes revendiquent. Elle s’en est excusée, de même que pour l’autre publication disant que « les terroristes, c’était notre gouvernement ». Outre que cette opinion est partagée, on relèvera le « notre » inhabituel sous la plume d’une véritable militante intégriste. Mais avec cette accusation, on la tient !

On relèvera aussi que l’accusation de complotisme est drôlement à géométrie variable. Je pense aux vedettes médiatiques adoptant sans barguigner les thèses les plus délirantes sur les attentats du 11 septembre, sans que cela ne gêne grand monde. Cotillard, Kassovitz, Bigard, Geluck d’autres vont bien, leurs carrières respectives aussi.

Naufrage chez Hanouna

Et puis rappelons que dans le genre, une des plus grosses fake news complotistes de l’histoire est quand même la fable des armes de destruction massive en Irak. À laquelle une collection d’intellectuels de chez nous ont souscrit et se sont transformés en militants de l’agression américaine en Irak avec les conséquences monstrueuses que l’on connaît. Nous n’avons eu aucune excuse et ces complotistes là continuent à parader et sont reçus partout. Mennel Ibtissem, elle, s’est excusée, mais peine perdue: TF1 a annoncé que la chaîne envisageait son retrait. Et elle a dû se retirer.

A lire aussi: Mennel, la « Française ordinaire » de Libération

Comment veut-on que ce qui apparaît bien comme une injustice soit perçue par les jeunes Français musulmans ? Surtout après la violence de la campagne sur les réseaux mais aussi dans les médias nationaux. Comme par exemple dans l’émission de d’Hanouna, où l’on assiste à un florilège et on entend Isabelle Morini-Bosc lui reprocher d’avoir chanté en arabe ! Pardon ? On ne reproduira pas ici ce qu’on trouvait sur les réseaux, inutile d’encourir les foudres du juge pénal.

Une éviction révélatrice de tensions

Personnellement, je penche donc pour l’hypothèse de la bonne foi de Mennel Ibtissem, même si je suis opposé à ses convictions religieuses. Qui relèvent d’une liberté de conscience que la République française garantit. Et si je déplore cette éviction, c’est d’abord parce qu’elle a révélé des tensions qui traversent la société française, et de l’exaspération ressentie par une grande partie de la population. Même si les responsabilités des pouvoirs politiques sont lourdement engagées, on ne peut pas se réjouir de l’affaiblissement des principes républicains qui se manifeste dans la libération d’une parole aux accents parfois redoutables. Je répète encore que ces principes, auxquels nous devons rester attachés comme une bernique à son rocher, sont ceux qui fondent la supériorité de notre modèle sur celui des États musulmans.

Une opération prosélyte masquée ?

Mais, ce qui est évident, c’est que les « barbus » islamistes peuvent se frotter les mains et faire leur miel auprès des jeunes Français musulmans, de ce qui vient de se passer. Parce que si je retiens l’hypothèse de la bonne foi, celle d’une opération de prosélytisme masquée est tout à fait plausible. Et si l’on m’apporte des éléments convaincants, je suis prêt à changer d’avis. Le problème étant cependant que même s’il y avait « complot » (eh oui) de la part des Frères musulmans, le résultat est exactement le même. Les islamistes joueront tout autant sur le velours. Parce que le piège était bien celui-là: faire la démonstration qu’une jeune musulmane affichant sa foi, comme autrefois Sœur Sourire la sienne, n’avait pas sa place dans la société française. Et nous y sommes tombés à pieds joints.

La peur de l’islam est mauvaise conseillère

Pour avoir, non pas pris la défense de Tariq Ramadan, mais pour avoir demandé que la justice française s’exerce dignement, j’ai été insulté et traité d’avocat salafiste.

Ce que je voulais simplement dire, c’est que, la peur justifiée du terrorisme islamiste et l’aversion pour l’islam rigoriste ne doivent pas être mauvaises conseillères. Restons ce que nous devons être. Il faut y faire attention et je vais rappeler une fois de plus la fameuse citation de Barrès à propos de Dreyfus. Non pas bien évidemment pour comparer Ramadan à Dreyfus, mais les aboyeurs d’aujourd’hui au pire produit par Barrès. « La culpabilité de Dreyfus je la déduis de sa race », disait-il. J’entends comme un écho, la phrase de Samia Ghali disant à propos de Ramadan : « j’espère que l’on juge le (présumé) violeur et non pas le musulman ». Je l’espère aussi.

Génération «J'ai le droit »: La faillite de notre éducation

Price: 18,00 €

42 used & new available from 2,30 €

Les Rien-pensants

Price: 23,56 €

23 used & new available from 3,96 €

Réforme de l’islam: le passif d’une illusion

0
Emmanuel Macron lors du repas de rupture du jeune du Ramadan avec le Conseil français du Culte musulman (CFCM), juin 2017, Paris. 00811891_000016

Malgré toute sa bonne volonté, Emmanuel Macron ne parviendra pas à réformer véritablement l’islam de France. Sauf s’il parvient à lui faire accepter trois importantes concessions. 


La violence commise au nom de l’islam est l’un des plus graves problèmes dans le monde. Non seulement la religion musulmane est liée à la guerre et au terrorisme, mais elle favorise la montée de tensions intercommunautaires un peu partout en Occident. En annonçant qu’il travaillait activement à la structuration d’un islam de France réformé, le président Emmanuel Macron semble reconnaître cette réalité.

Les trois piliers de l’islam républicain

Mais quelle forme pourrait-elle prendre cette réforme tant attendue ? Comment faire pour fonder un islam plus spirituel et culturel que politique et idéologique ?

Il n’existe évidemment pas de solution miracle. L’inexistence d’un clergé bien identifié dans le monde musulman (surtout sunnite) ne rend pas une réforme de l’islam très probable. Pour réaliser cet objectif, il faudrait que les différents représentants de la religion musulmane se réorganisent à l’échelle de la France. Il faudrait ensuite qu’ils arrivent à établir un consensus autour de problématiques très précises. Le projet paraît irréaliste, mais il faut quand même l’encourager. Ancrer et réformer l’islam en France pourrait, dans le meilleur des mondes, le couper de ses influences étrangères extrémistes et le rendre plus compatible avec l’esprit de ce pays.

1. L’islam de France doit abolir son caractère juridique

Le premier point que cette réforme devrait toucher est le caractère juridique de l’islam. Effectivement, l’islam est une religion qui s’accompagne d’un système de droit appelé la charia. Le droit musulman est contenu dans le Coran et la Sunna, des textes qui font toujours figure de code civil, de code pénal et de code criminel pour les intégristes. Sans l’abandon de ce caractère juridique, il est nettement improbable que cette religion puisse s’adapter à la modernité, et ce, tant en Occident que dans les pays musulmans traversés par un désir de progrès. L’islam doit abandonner sa prétention à règlementer et à légiférer, sans quoi cette religion se repliera davantage sur elle-même dans un élan destructeur.

A lire aussi: L’islam de France est-il (vraiment) différent des autres?

L’entretien de ce système juridique dérogatoire contribue également à la ghettoïsation des communautés musulmanes dans les pays européens et par le fait même, à l’établissement d’une forme d’apartheid religieux. Autrement dit, les musulmans doivent accepter l’universalité des lois de la République et non embrasser le multiculturalisme.

2. L’islam de France doit établir une hiérarchie entre les sourates du Coran

Le deuxième point que cette réforme devrait toucher est le caractère violent de certaines sourates du Coran. Contrairement aux sourates révélées à La Mecque, plusieurs sourates révélées à Médine affichent une volonté de conquête évidente. Cette réalité s’explique par la différence des contextes sociopolitiques dans lesquels a évolué le prophète Mahomet au VIIe siècle dans la péninsule arabique. Si ce dernier affichera à La Mecque (610-622) un tempérament pacifique qui se traduira par des appels au respect et à l’harmonie, il se fera beaucoup moins conciliant à Médine (622-632) envers ses adversaires, ce qui confèrera au texte coranique un aspect belliqueux et vindicatif.

Plusieurs musulmans choisissent déjà de se référer aux sourates pacifiques plutôt qu’aux sourates guerrières avec lesquelles ils n’ont rien en commun. Il n’en demeure pas moins que décréter officiellement que les sourates intolérantes n’ont aucune valeur prescriptive est plus que nécessaire. Cette opération devrait toutefois être faite au détriment du principe d’abrogation voulant que les dernières sourates révélées aient préséance sur les premières, en l’occurrence sur les sourates pacifiques. Les représentants de l’islam de France devront favoriser la naissance d’un islam de La Mecque libéré de sa violence fondatrice.

3. L’islam de France doit revoir son rapport à la sexualité

Le troisième point que cette réforme devrait toucher est le rapport très problématique qu’entretient l’islam à la sexualité depuis sa fondation. Historiquement, l’islam a cultivé une vision prédatrice et possessive de la femme qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Quand la femme n’est pas perçue à travers le prisme du tribalisme, elle est perçue comme « une terre à labourer », comme un trésor dont on peut souvent s’emparer. Des harems aux djihadistes obnubilés par les vierges, en passant par la polygamie, l’islam demeure le lieu privilégié d’un imaginaire fondé sur la colonisation symbolique de la femme.

A lire aussi: La charia est-elle compatible avec l’esprit de l’Orient ?

La réforme de l’islam de France ne devrait donc pas se limiter à la question du port du voile dans l’espace public, mais engager une profonde réflexion sur la manière dont sont conçues les relations entre les hommes et les femmes dans cette religion. L’islam de France doit absolument se reconnecter à l’érotisme arabe dont il a été coupé, sans quoi il continuera à marginaliser ses adeptes dans un monde de plus en plus libéral.

La face cachée du multiculturalisme

Price: 22,00 €

15 used & new available from 15,26 €

Mennel, la « Française ordinaire » de Libération

0
Mennel lors de son passage dans "The Voice" sur TF1, diffusé en février 2018

Après Mehdi Meklat et Théo, Libération défend Mennel, une « Française ordinaire ». Mais qui défendra Libé ? Pas Franck Crudo.


On a définitivement perdu « Libération » (les guillemets sont de rigueur). Vendredi dernier, le quotidien a publié une tribune intitulée « Mennel, une Française ordinaire » d’un certain Saïd Benmouffok, professeur de philosophie au lycée Condorcet de Limay (78). Condorcet, le célèbre défenseur de la cause des femmes et de l’esprit des Lumières, mort sous la Terreur, a dû se retourner dans sa tombe…  Surtout quand on sait que l’auteur de l’Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain avait écrit, en son temps, que la religion de Mahomet « semble condamner à un esclavage éternel et à une incurable stupidité toute cette vaste portion de la Terre où elle a étendu son empire ».

Mennel « aime la France, son pays »

Saïd Benmouffok prend la défense de Mennel Ibtissem, cette jeune candidate enturbannée de  l’émission « The Voice », au cœur d’une polémique… pardon « victime d’une polémique » pour avoir notamment tweeté « vivement que je me casse d’ici (la France) », relayé des thèses complotistes au lendemain de l’attentat de Nice ou encore affirmé après l’égorgement du père Hamel que « les vrais terroristes, c’est notre gouvernement ».

A lire aussi: Glamour, islam et beauté: Mennel, le cocktail manqué de TF1

Outre ses « erreurs de jeunesse » – lesquelles datent d’un an et demi c’est-à-dire presque un siècle – cette « Française ordinaire » à qui l’on prête « des sympathies islamistes » a « liké » sur les réseaux sociaux un spectacle de Dieudonné, fait l’éloge d’un livre de Tariq Ramadan ou encore enregistré une chanson pour Lallab, une association proche… des Frères musulmans. Une peccadille. Bref, même avec tous ces éléments mis bout à bout, y a pas de quoi lapider un chat estime-t-on sans doute au sein de la rédaction du quotidien. Au point de publier une tribune que l’on se laisserait presque aller à qualifier de « nauséabonde », si cette terminologie n’était pas justement employée à satiété par Libération à l’encontre de toute idée ne se situant pas… à sa gauche.

Ce prof de philo des Yvelines cible en vrac « les réseaux d’extrême-droite » et « les réseaux laïcards » puisque, évidemment, tout individu pas forcément emballé à l’idée qu’on puisse chanter voilé à la télévision française après avoir bavé quelques inepties morbides sur les réseaux sociaux est forcément soit d’extrême droite, soit laïcard. Notre Socrate du 78, lequel connaissait bien les sophistes en son temps, nous apprend que cette « Française ordinaire » au visage d’ange « aime la France, son pays », ce que seul un analphabète (laïcard ?) n’aurait pas saisi après la lecture de son tweet de juin 2016.

Libération porte bien mal son nom

Après avoir taclé par derrière – ce qui, normalement, est passible d’un carton rouge – Manuel Valls en mettant entre guillemets l’expression « rendre gorge », Saïd Benmouffok ironise sur le fait que Mennel serait « le paravent de l’islamisme, ce mot fourre-tout [comme l’islamophobie professeur ?] qui autorise la confusion entre un tweet imbécile et une complicité criminelle. » Fort de ce raisonnement limpide et en toute logique, dans d’autres cas de figure, notre avocat de Limay se refuserait donc certainement à assimiler un tweet imbécile et raciste à l’extrême droite ou même, soyons fous, au fascisme.

Maître Benmouffok, qui voit des complots tout azimut, ponctue son argumentaire, sans qu’on sache trop comment il en est arrivé à cette conclusion un brin hâtive et où il veut en venir : « Voilà comment certains pourfendeurs du complotisme sont eux-mêmes devenus des complotistes », assène-t-il. Si l’on était doté d’un quelconque mauvais esprit, on suspecterait presque notre prof de philo de s’être mordu les doigts pour ne pas gribouiller « judéo-maçonniques » à la fin de sa phrase…

Décidément, Libération file un mauvais coton ces derniers temps. Et dire que ce quotidien presque quinquagénaire, créé en 1973 sous le parrainage de Jean-Paul Sartre, reprenait alors l’appellation du journal éponyme de la Résistance, dirigé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie sous l’Occupation. Le célèbre combattant antinazi, auteur de La Complainte du partisan, doit lui aussi se retourner dans sa tombe. Libération porte de moins en moins bien son nom et incarne de plus en plus cette gauche historiquement antifasciste mais pas anti-totalitaire, pour reprendre la terminologie Orwellienne, ainsi que cette compromission si Sartrienne (avec l’Union soviétique de Staline et consorts en ce qui concerne le philosophe). Au nom de l’anticapitalisme ou de l’anti-impérialisme hier, sur l’autel de l’antiracisme aujourd’hui.

Meklat, Théo, etc.

On jettera un voile pudique sur Mehdi Meklat, ex-coqueluche de la presse « progressiste » en général et du journal de Laurent Joffrin en particulier. En février 2017, on apprend que le chroniqueur du Bondy Blog a, sous un prête-nom, réalisé le grand chelem des tweets haineux : antisémitisme, sexisme, homophobie, apologie d’Hitler et du nazisme, bref la totale.

Non, le petit pêché mignon de Libération, ce sont les tribunes. Comme celle pour Théo, qui fustige les violences policières en Une du journal, toujours en février 2017.

Une tribune désormais collector quand on connaît, un an après, l’épilogue de cette affaire. Et qui a déclenché la colère des forces de l’ordre. Car visiblement, au sein de la rédaction du journal, on a le « pas d’amalgame » à géométrie variable.

On se demande d’ailleurs si le plus kitsch, dans la tribune de février 2017, ce ne sont finalement pas les signataires eux-mêmes. Avec, parmi les têtes de gondole, un certain Eric Cantona dont on connaît le légendaire self-control et le goût prononcé pour la non-violence.

On rêverait presque d’un « Rendez-vous en terre inconnue » où Frédéric Lopez emmènerait le célèbre footballeur dans l’un de nos territoires perdus de la République, vêtu d’un uniforme de policier ou de pompier (ça marche aussi hélas). Histoire d’admirer la réaction exemplaire de « Canto » après s’être fait caillassé, insulté, voire plus si affinités.

Parmi les signataires, on trouve aussi une ribambelle de rappeurs, surreprésentés dans cette pétition, dont certains « chantaient » en 2013 : « Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie ». Un autre qui « met un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour » (1’50 »).

Mais aussi Black M, accusé d’antisémitisme et boycotté par les radios belges. Ou encore Magyd Cherfi, le chanteur du groupe Zebda, lequel affirmait que Mohamed Merah n’était «  pas un monstre », qu’il avait été « abandonné par la République » et que l’on a « un devoir d’empathie » à son égard. Sans oublier, cerise sur le gâteau, quelques casiers judiciaires bien garnis…

Libé sait choisir ses combats et ses ambassadeurs.