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C’est oui ou c’est non ?


C’est oui ou c’est non ?

Avant même que la campagne des Européennes s’engage, un fait semble déjà acquis, le PS, qui vient de présenter aux militants ses propositions de listes a remis en route, inexorablement, la machine à perdre.

Pourtant, personne ne pourra accuser la Première secrétaire d’avoir voulu bétonner les listes à son profit : elles ont été soupesées au milligramme près pour refléter le poids respectif de chaque motion du Congrès de Reims, donc pour ne léser personne, avec une précision à faire pâlir d’envie votre dealer de quartier.

Et pourtant, les projets de listes socialistes pour les Européennes vont immanquablement déboucher sur un pugilat général, une bonne vielle baston entre socialistes comme on les aime tant.

Il y a bien sûr les parachutages hasardeux, notamment ceux de Vincent Peillon et Henri Weber; ces délocalisations sauvages ont déjà été abondamment commentées par mes confrères qui, en se recopiant les uns les autres, ont juste omis de mentionner l’un des aspects les plus croustillants du problème. Weber et Peillon ne sont pas seulement des parachutés, ce sont aussi de sacré poissards. Partout où ils passent, le PS trépasse. Envoyé par Fabius se tailler un fief dans le 9/3 puis à Dieppe, Henri Weber y a connu, semble-t-il, quelques difficultés de contact avec l’électorat ouvrier, ce qui dans ces contrées glauques est synonyme de mort sociale. Même motif, même punition pour l’agrégé de philo Vincent Peillon. Certes il a pour lui son physique de gendre idéal à rendre jaloux Laurent Wauquiez et sa connaissance approfondie de l’œuvre de Merleau-Ponty. Hélas, Peillon semble souffrir du même symptôme de prolophobie aiguë que Weber, à tel point qu’il a réussi, sans aide extérieure, à faire basculer à droite la circonscription ultra-populaire du Vimeu dans la Somme, qui votait pourtant à gauche depuis les Mérovingiens. Autant prévenir tout de suite ces éternels mal-aimés des scrutins populaires et des électeurs éponymes : les régions Centre et PACA, ce n’est pas seulement les bobolands du Perche ou du Lubéron.

De la bonne rigolade en perspective donc, mais ces parachutages ne sont pas la pire bombe à retardement déclenchée par Martine. Pas besoin d’être un philologue aguerri pour constater que dans Européennes il y a le mot Europe. Or, il est évident que pour tenter de réduire une fracture, celle de Reims, Martine Aubry prend le risque de rouvrir une plaie béante très mal cicatrisée, celle du référendum sur le TCE. Franchement, les amis, la cohabitation s’annonce problématique entre les tenants de La Marseillaise et/ou de L’Internationale et ceux qui se repassent en boucle L’Hymne à la joie sur leur iPod. On savait déjà que Benoît Hamon n’aimait pas beaucoup Harlem Désir, lequel lui a soufflé la tête de liste en Région Parisienne où Hamon n’est finalement que numéro 3. N’empêche qu’ils sont sur la même liste et que ça risque de chauffer. Car Harlem a été un des plus virulents partisans du oui dans le débat interne du PS sur feu le Traité Constitutionnel Européen, et qu’il a eu des mots particulièrement désagréables pour ceux de ses camarades qui, tel Benoît, ont fait campagne pour le non malgré la consigne officielle du Parti. Pour bien marquer son soutien sans faille au chef d’œuvre de VGE, Harlem Désir avait brutalement et publiquement démissionné d’Attac en 2005, après que l’association avait appelé a voter non. Il avait assorti sa sortie de quelques qualificatifs peu fraternels pour ses ex-amis nonistes de gauche, les traitant d’ »apprentis sorciers » et de « jusqu’au-boutistes », les accusant « d’utiliser les travailleurs des pays pauvres comme boucs émissaires ou comme repoussoirs » et leur reprochant finalement leur « démagogie nationaliste ». Comme je ne suis pas certain que Benoit Hamon, n’ait pas pris de notes à l’époque, ni qu’il les ait brûlées dans un accès de charité chrétienne, ça promet de l’ambiance.

De l’ambiance, il y en aura aussi par exemple dans la région Est, où le n°2 de la liste du PS, l’économiste hétérodoxe Liem Hoang Gnoc se retrouve pris en sandwich entre Catherine Trautmann, eurobéate historique ; et Aurélie Fillipetti, oui-ouiste hystérique. Rappelons que l’excellent Liem Hoang Gnoc ne cesse de fournir en argumentaires et contre-argumentaires bourrés de courbes et de chiffres les partisans de l’«Autre Politique» économique, sociale et, disons-le, européenne. On n’ose pas imaginer ce qui va se passer si ces trois-là se retrouvent sur une même tribune à la selle des Fêtes de Longwy et si un chômeur ou un métallo en voie de licenciement leur pose une question sur le protectionnisme, les diktats de la Commission de Bruxelles, ou les oukases de la BCE. Ou plutôt si, osons l’imaginer. Soit nos candidats réciteront le texte commun à la noix des socialistes sur l’Europe, qui est un gloubiboulga consensuel apuré de la moindre trace de sens, ce qui est toujours avisé pour faire fuir l’électeur, qui vers le Modem, qui vers le Front de Gauche. Soit, et c’est plus probable, ce sera la foire d’empoigne et les noms d’oiseaux, ce qui est plus agréable pour les spectateurs du meeting, mais tout aussi efficace pour perdre un maximum de voix le 7 juin.

Un 7 juin qu’attendent donc avec impatience Bayrou et Mélenchon. Mais pas seulement eux : pour dire les choses clairement, je ne suis pas certain que cette perspective de déculottée pour le Parti de Reims enfin réconcilié soit vraiment de nature à désespérer François Hollande…



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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