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T’as pas une clope ?

Elisabeth Lévy, fumeuse, nous a parlé du PSG et du capitaine Dreyfus dans son billet matinal. Mais pas uniquement. Nous vous proposons d’écouter sa chronique.


Je m’interroge sur les priorités de nos gouvernants. Ce week-end a prouvé une nouvelle fois que l’Etat ne parvient plus à garantir la sécurité des rassemblements populaires. Et pour cause : les sanctions, difficiles à mettre en œuvre, sont dérisoires ou absentes. Sur 202 gardes à vues à Paris, il y a eu 13 déferrements au tribunal. Pour le reste : classements sans suite, convocations devant un délégué du procureur (contribution citoyenne), 16 ordonnances pénales (procédure simplifiée). Bref, on nous endort avec les arrestations mais la réalité c’est que la plupart des fauteurs de troubles ne seront pas sanctionnés et que beaucoup des mineurs s’en sortiront avec une petite tape sur les doigts. Et que le même spectacle désolant se reproduira lors de la prochaine victoire ou défaite du PSG ou de l’équipe de France.

Y’a qu’à, faut qu’on

Certes, il n’y a pas de solution simple face à des mineurs hors de contrôle. Mais cela devrait être la priorité de nos gouvernants. Et qu’a fait le parlement, hier ? Voté une loi pour élever le capitaine Dreyfus au grade de général ! Une loi qui ne mange pas de pain et ne sert à rien sinon à faire la promotion de son promoteur, Gabriel Attal. Une loi à peu près aussi utile que celle qui vise à supprimer le Code noir que propose François Bayrou. Abroger une loi qui n’est pas appliquée depuis 1848, c’est en effet une urgence.

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Toute la France sait que le capitaine Dreyfus était innocent. Je ne pense pas qu’on va lutter contre l’antisémitisme d’aujourd’hui en s’agitant contre celui d’hier. Et s’agissant du Code noir de 1685, rappelons plutôt que la France a été l’un des premiers pays à abolir l’esclavage.

Est-ce à dire que les pouvoirs publics ne devraient s’occuper que de sécurité et de délinquance ?

En tout cas, ce que les Français reprochent à leurs gouvernants n’est pas que le Code noir n’ait pas été officiellement abrogé, c’est leur impuissance notamment en matière de sécurité.

La faiblesse de l’État face aux délinquants contraste avec sa sévérité avec les gens honnêtes. A ce titre, l’interdiction de la cigarette à l’extérieur semble être une mesure punitive pour les fumeurs plus qu’une protection pour les autres. Quoi que racontent les croisés de l’anti-tabac, vous n’allez pas attraper le cancer parce que des gens fument dans la rue où vous vous baladez. Ce n’est plus une mesure sanitaire mais une sorte de morale sociale (exactement comme les masques à l’extérieur pendant le Covid). Céline disait qu’un jour tous les plaisirs de pauvres seront interdits.  Nous y sommes. Quant à moi, j’arrêterai de fumer dans la rue quand on pourra s’y promener sans risque.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Christian Krohg, l’émotion du nord

Le musée d’Orsay propose la première rétrospective en dehors de Scandinavie d’un peintre norvégien majeur: Christian Krohg. L’occasion de découvrir une œuvre d’une profondeur exceptionnelle. 


Métropoles et colonies d’artistes

Christian Krohg (1852-1925) naît à Oslo, alors appelée Kristiania, dans un milieu aisé. Après des études de droit, il se réoriente vers la peinture. Pour se former, il se rend d’abord à Berlin où il partage un appartement avec Max Klinger, artiste allemand particulièrement doué et imaginatif. En côtoyant diverses personnalités, sa vocation de représenter la vie des hommes et des femmes de son temps s’affirme.

Krohg réside ensuite à Paris et à Grez-sur-Loing, colonie artistique en bordure de forêt de Fontainebleau. C’est dans ces lieux et en observant des maîtres comme Jules Bastien-Lepage que son naturalisme accède à une réelle finesse.

Rentré en Norvège, il multiplie les activités, devenant non seulement peintre, mais aussi journaliste, militant et auteur de romans. Il évolue dans la bohème d’Oslo où il côtoie Ibsen. C’est là qu’il rencontre Oda, femme très belle et très libre. Pendant près de dix ans, il revient à Paris comme enseignant à la fameuse Académie Colarossi. Il réside souvent à Skagen[1], colonie d’artistes à la pointe nord du Danemark. Finalement, il rentre à Oslo où il devient professeur et enseigne à des élèves comme Edward Munch.

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Peintre et observateur de son temps

Krohg s’illustre souvent par une picturalité très mature, donnant beaucoup de saveur à ses œuvres. Avec lui, on jouit d’une vraie musique des formes. Ajoutons qu’il a un sens aigu des cadrages surprenants. Il aime peindre la vie des gens du peuple et des souffrants. Par exemple, sa Jeune fille malade (1881), tout en nuances de blanc, est à la fois d’une retenue déchirante et d’une rare virtuosité. « Vous devez, dit-il, peindre de manière à toucher, émouvoir, scandaliser ou réjouir le public par ce qui vous a vous-même réjoui, ému, scandalisé ou touché. »

Christian Krohg, Jeune fille malade, 1881, Huile sur toile, Nasjonalmuseet, Oslo, © NasjonalmuseetBørre Høstland

Les femmes, la fatigue et la prostitution

C’est probablement par son attention à la condition des femmes qu’il se révèle particulièrement intéressant. À part Antonio Fillol, en Espagne, peu d’artistes de cette époque explorent autant ce sujet. Krohg montre d’abord la fatigue des femmes entre le travail et la maternité. Il est également très préoccupé par la prostitution. Cela lui inspire son roman, Albertine. C’est aussi un thème de peintures, notamment pour une grande composition (1885) qui remue le public norvégien.

Une exposition « découverte »

Cette exposition Krohg s’avère donc d’un intérêt exceptionnel. Elle a été programmée par Christophe Leribault lors de son bref passage à la présidence du musée, avant d’être magnifiquement orchestrée par Servane Dargnies. C’est le type d’exposition que l’on aimerait voir très souvent au musée d’Orsay.


À voir absolument

« Christian Krohg (1852-1925) : le peuple du Nord », musée d’Orsay, jusqu’au 27 juillet. 16 € l’entrée

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[1] Le musée d’Orsay a récemment exposé l’excellente Harriet Backer, également active à Skagen.

Islam: obsession ou présence obsédante?

Pour masquer la réalité inquiétante d’une présence envahissante de courants islamistes incompatibles avec les valeurs démocratiques, de beaux esprits parlent souvent d’une « obsession » supposée de l’Occident pour l’islam. Charles Rojzman observe que depuis 20 ans, en France, on ne parvient pas à une réforme profonde de l’islam ni à mettre en place une résistance ferme contre un totalitarisme politico-religieux menaçant.


Il est devenu coutumier — comme le sont les lamentations modernes, usées jusqu’à l’ennui — d’entendre que l’Occident souffrirait d’une obsession maladive vis-à-vis de l’islam : accusation si facile, jetée à la face des sociétés européennes déjà accablées par leur propre déclin, comme s’il leur fallait encore porter le fardeau de leur prétendue compulsion à scruter, caricaturer, vouer aux gémonies une religion qui, à les entendre, ne leur aurait rien demandé.

Mais c’est là une fiction — une fiction qui se veut consolatrice, et qui masque mal une réalité autrement plus inquiétante : ce n’est pas l’Occident qui est obsédé par l’islam ; ce sont certaines manifestations contemporaines de l’islam qui, pour nombre de nos concitoyens, s’imposent comme une présence obsédante, diffuse, rampante, suintant dans les failles d’un monde à bout de souffle.

Certains musulmans, feignant l’innocence, protestent, s’étonnent : pourquoi tant de bruit ? pourquoi tant d’hostilité ? Ils se disent stigmatisés, injustement assimilés à des extrémistes qu’ils prétendent ne pas reconnaître. Mais cette indignation, cette posture de victime outragée, sonne creux. Ils savent. Oui, ils savent ce qui travaille en sourdine la trame de nos sociétés fatiguées : ils voient les revendications communautaires s’infiltrer dans les institutions, ils entendent les prêches dans les mosquées, connaissent les réseaux, soupçonnent les intimidations faites aux femmes, ferment les yeux sur les menaces contre les libres penseurs. Tout cela, ils le savent — et pourtant, ils se taisent, ou détournent le regard.

Il est temps de cesser de les prendre pour ces enfants blessés qu’il faudrait, au nom d’une humanité mal placée, ménager à tout prix. Leur responsabilité est là, nue, massive, irréfutable. S’ils souhaitent vivre dans des sociétés libres — ce mot si précieux et pourtant si galvaudé —, ils doivent prendre part à la réforme intérieure de leur religion. Non pour complaire à une quelconque injonction extérieure, mais parce qu’aucune société moderne ne peut survivre à l’intérieur de laquelle subsiste un corpus doctrinal figé, archaïque, autoritaire, frontalement opposé aux principes mêmes de la démocratie.

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L’islam doit se réformer, non pas comme on repeint une façade, mais comme on entame une mue spirituelle, intellectuelle, théologique. Abandonner toute prétention hégémonique, toute confusion entre foi et loi, toute tentation totalitaire. S’il ne le fait pas, il s’exclura de lui-même du monde moderne, et précipitera dans l’impasse ceux-là mêmes qui, sincèrement, s’en réclament.

Depuis deux décennies, nous assistons, impuissants ou complaisants, à l’essor d’un islam revendicatif, parfois conquérant, qui s’emploie à redéfinir les normes culturelles, sociales, parfois même juridiques, de certains espaces publics. À chaque polémique sur le voile, à chaque demande d’aménagement religieux, à chaque manifestation de séparatisme culturel, s’ajoutent les ombres portées des agressions verbales, physiques, des attentats, des meurtres. Tout cela tisse une atmosphère d’effroi larvé, de méfiance endémique, de peur rentrée.

Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas une lubie d’intellectuels aigris : c’est un constat empirique. Les sociétés européennes se trouvent confrontées à un phénomène de réislamisation, souvent militante, le plus souvent incompatible avec ce que l’on nommait jadis, avec une gravité un peu naïve, les principes fondamentaux de la République, de la laïcité, de l’humanisme des Lumières. Cette incompatibilité n’est pas une vue de l’esprit : elle est vécue, chaque jour, dans la chair, par les enseignants, les médecins, les élus locaux, les policiers, les citoyens anonymes, tous ceux qui, en silence, encaissent.

Et pourtant, ceux qui osent parler, qui alertent, sont réduits au silence, disqualifiés, acculés par des élites politiques et médiatiques toujours promptes à voir en eux des « fascistes », des « semeurs de haine ». On oublie — ou feint d’oublier — que parmi ces voix, certaines viennent précisément du monde arabo-musulman, qu’elles connaissent de l’intérieur les dérives de l’islam politique, qu’elles parlent avec le courage de ceux qui vivent sous protection policière, menacés de mort. Mais ces voix-là, trop souvent, sont rejetées, marginalisées, traitées en traîtres.

Alors, de quoi parlons-nous ? D’un malaise diffus ? D’une crispation passagère ? Non : nous parlons d’un totalitarisme rampant, d’autant plus dangereux qu’il se drape dans les habits de la foi, de la justice, de l’identité blessée. Comme tous les totalitarismes, il prospère sur les failles de nos démocraties : sur les inégalités sociales, sur le vide spirituel, sur le communautarisme, sur la lâcheté morale des élites.

Face à cette menace, il ne suffit plus d’invoquer la tolérance ou le « vivre-ensemble », ces mots usés comme des prières profanes. Il faut résister. Nommer l’adversaire pour ce qu’il est : un totalitarisme politico-religieux qui cherche à soumettre la société à ses dogmes. Et ce combat, nous ne pourrons le mener qu’avec des lignes claires, une volonté ferme d’exclure de l’espace commun tout ce qui nie la liberté, l’égalité, la dignité humaine.

Oui, il faut exclure : non par haine, mais par fidélité à l’idée même de démocratie, qui ne survit qu’à condition de poser des frontières et de faire preuve de fermeté morale.

Et surtout — surtout — il nous faut l’humilité de reconnaître que ce totalitarisme s’engraisse de nos faiblesses : de notre passivité, de notre silence, de notre complaisance. Chaque fois que nous acceptons qu’une femme renonce à sa liberté, chaque fois que nous tolérons le recul de la mixité, de la libre pensée, du débat, nous trahissons les valeurs que nous prétendons défendre. Ce n’est pas seulement l’islamisme qu’il faut combattre, c’est notre propre faiblesse face à lui.

L’obsession ? Non. La lucidité, oui : celle qu’il faut cultiver sans relâche, à l’heure où l’histoire bascule dans l’ombre. Car ce que nous devons rejeter, ce n’est pas l’islam en tant que foi privée, c’est cette entreprise politico-religieuse qui entend soumettre nos sociétés. Et nous ne pourrons l’emporter que si nous nous montrons, enfin, à la hauteur des idéaux que nous prétendons incarner — ou si nous acceptons, avec une forme de stoïcisme tragique, de contempler notre propre chute.

Oui, des barbares…

Alors que la fête a tourné au cauchemar à Paris après la victoire du PSG, Eric Coquerel (LFI) estime que parler de barbares comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau aurait des « soubassements racistes »…


Il y a quelque chose d’indécent et, pire, d’odieux à s’interroger depuis la soirée du 31 mai jusqu’à la nuit du 1er au 2 juin sur la qualification qu’il convient de donner à ces voyous auteurs d’affrontements avec la police, de violences et de dégradations qui ont donné lieu à de nombreuses interpellations.

Paris ne sait plus être une fête

Il ne faut pas se tromper de coupables et se plaindre que les forces de l’ordre n’aient pas pu totalement maîtriser un processus qui inéluctablement survient après les manifestations, quelle que soit leur nature. L’immense joie sportive suscitée par la superbe victoire du PSG a, comme d’habitude, été assombrie par des tragédies et des débordements honteux de jeunes gens qui n’avaient pour envie que d’engendrer le chaos.
Oui, ce sont des barbares comme l’a très justement dénoncé Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur. On peut gloser à perte de vue sur ces malfaisants qui viennent, tels des parasites, se greffer sur les joies et les célébrations pour les dénaturer et les dévoyer. Barbares n’est pas une définition absurde, bien au contraire. Comme, pour les Athéniens, les barbares étaient ceux qui ne parlaient pas le grec, les barbares d’aujourd’hui sont ceux qui ne parlent pas la langue d’une société civilisée et pour qui le respect et la tranquillité sont des notions étrangères.

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Qu’un élu de la République, en l’occurrence Antoine Léaument, député LFI, ose insulter Bruno Retailleau en le traitant, lui, de barbare et en l’accusant d’être responsable de ce que Paris a subi depuis le 31 mai est véritablement une indignité, une vilenie. Comment s’étonner qu’après de tels propos, la politique ne soit plus considérée comme une activité honorable, la démocratie telle une richesse ?

https://twitter.com/ALeaument/status/1928947055692587344

L’irresponsabilité, la bêtise et le Mal atteignent de tels sommets que garder l’espoir en demain relève du miracle.
Les barbares sont entrés dans Paris et il aurait fallu les accueillir à bras ouverts ?

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Saint-Malo: une nouvelle statue pour Chateaubriand?

Henri Mezzadri est peintre et sculpteur. On peut le croiser par hasard dans les vieux murs de Saint-Malo. Il s’est mis une drôle d’idée en tête : offrir à sa ville une statue (en bronze, et de trois mètres s’il vous plait) de l’un de ses plus illustres enfants : François-René de Chateaubriand. Rencontre.


Henri Mezzadri

Causeur. Je vous ai rencontré dans le restaurant Le coup de canon* à Saint-Malo. Vous parliez d’un projet de statue rendant hommage à François-René de Châteaubriand. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Chateaubriand a été une véritable révélation pour moi. Le premier ouvrage que j’ai lu de lui, Le Génie du Christianisme est un hommage éclatant à la foi chrétienne, mais qui dépasse de loin le simple cadre théologique. Convaincre par la beauté et l’amour, sublimer la religion par la sensibilité romantique : ce fut pour moi une expérience bouleversante. Lorsque j’étais au plus bas, j’aimais me rendre sur son tombeau, face à la mer, pour y puiser l’inspiration et garder espoir. Cette croix de granit, dressée sur l’île du Grand Bé, représente énormément à mes yeux ; et l’homme qui repose en dessous encore davantage.

Il y a déjà une statue de l’écrivain à proximité du casino. N’avez-vous pas peur du doublon ?

À Saint-Malo, on compte quatre statues de bronze [Jacques Cartier, Surcouf, Duguay-Trouin, Mahé de la Bourdonnais, ndlr], appelées à durer des siècles. Pourtant, le plus grand des Malouins, Chateaubriand, n’a pas droit à cet honneur. Sa mémoire est figée dans une statue de pierre, érodée par le temps, reléguée au bord d’un rond-point, devant le casino. Un emplacement bien peu glorieux, quand on sait que les autres statues trônent sur les magnifiques remparts. Il y eut pourtant une époque où une sublime statue de bronze lui rendait justice… jusqu’à ce qu’elle soit fondue durant la Seconde Guerre mondiale.

Je crois que c’est à la jeune génération qu’il revient aujourd’hui de réparer cette injustice, d’offrir à Chateaubriand (et à la France) une statue digne de ce nom. Quant à la statue actuelle, près du casino, elle est non seulement médiocre sur le plan académique, mais aussi en bien triste état. Et cela me semble indigne. Chateaubriand n’est pas un écrivain parmi d’autres : il est une figure majeure de notre patrimoine.

Quelles sont à ce jour vos réalisations ?

À ce jour, j’ai réalisé plusieurs sculptures, notamment Chateaubriand sous différents formats, mais aussi Richelieu, Cyrano, et récemment Bossuet. Je peins également à l’huile : le 21 janvier 1793, une Descente de croix, ou encore la Rencontre de Chateaubriand et de Louis XVI. Je vais jusqu’à confectionner moi-même les cadres de mes toiles, que je dore à la feuille d’or, pour offrir à chaque œuvre un écrin à sa mesure.

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Mais l’époque étant plutôt à la destruction de statues plutôt qu’à leur construction, n’est-ce pas une idée incongrue ?

Peu m’importe que ma démarche soit jugée anachronique. Certains hommes sont enracinés dans leur époque ; moi, je me sens homme de tous les siècles — serviteur du passé, du présent et de l’avenir.
Cette statue, je l’ai façonnée pour Chateaubriand, pour les Français d’aujourd’hui, et pour les enfants de demain, afin qu’ils puissent s’inspirer de ce grand homme. Comme il l’écrivait lui-même :
“Quand je ne serai plus, s’il se trouve de jeunes gens pour lire mes Mémoires, ma voix sortira alors de la tombe pour leur dire que les rêves ne meurent jamais.”

Et sur le plan du financement ? Est-ce possible ?

Absolument. Il existe plusieurs manières de financer un tel projet. Prenez l’exemple de la statue de Mahé de La Bourdonnais : elle fut financée par les Mauriciens. Chateaubriand compte de nombreux admirateurs en France, et je suis convaincu que beaucoup seraient prêts à contribuer, chacun à leur échelle. Nous envisageons également la voie du mécénat. Ce n’est pas parce qu’une entreprise coûte cher qu’elle ne mérite pas d’exister. Toute œuvre de grandeur implique de l’effort, de l’investissement, et de la volonté.

Nous avons cessé d’ériger de belles choses en France ; nous avons arrêté de rêver le monde. Nous demeurons spectateurs, pendant que la France s’étiole. Les tailleurs de pierre ne bâtissent plus, ils réparent. Les académies des beaux-arts ont tourné le dos à l’enseignement classique. Créer une statue digne de Chateaubriand, c’est offrir un symbole à la jeunesse, aux artistes, aux passionnés d’histoire. C’est raviver une flamme dans une époque où la volonté semble vaciller. Saint-Malo ne s’est pas bâtie en un jour : elle est le fruit d’un immense travail. Cela ne signifie pas que son embellissement doive s’arrêter. D’autant que la majeure partie des revenus de la ville provient du tourisme. Et que font les touristes en été, sinon visiter les musées, les églises, les statues ?

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* Au coup de canon, tenu par Gilles et Jules, père et fils, est le meilleur restaurant de viande de Saint-Malo, avec notamment un formidable confit de canard.

Londres: tout, sauf froisser l’exquise sensibilité du Hezbollah

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En septembre 2024, à Londres, un manifestant juif a été arrêté lors d’une manifestation. Motif : il avait brandi, pendant trois minutes, une caricature qui ridiculisait Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.


– Ne croyez-vous pas que vous risquiez d’induire de la détresse chez les partisans du Hezbollah qui auraient vu cette pancarte ? lui demande une enquêtrice, sur la vidéo diffusée par The Telegraph[1].

– Ne pensez-vous pas qu’en montrant cette image à des manifestants qui sont clairement pro-Hezbollah et anti-Israël, vous attisez encore davantage la haine raciale ? insiste-t-elle.

– Et vous, vous pensez que les manifestants étaient des partisans du Hezbollah, un mouvement qui est classé terroriste ici, au Royaume-Uni ? a répondu à l’interrogatrice l’avocat du mis en cause pour « harcèlement, inquiétude ou détresse causés avec la circonstance aggravante de motivation par la race ou la religion. »

On ne sait pas si le Hezbollah est une race ou une religion, mais le manifestant juif, dans la capitale de Sa Majesté, qui est encore plus antisémite que Paris, a été harcelé par la police pendant six mois à la suite de son interpellation.

Mesures contre un dangereux manifestant armé d’ironie

Avant d’enfermer le manifestant moqueur dans une cellule où il a passé la nuit, la police avait perquisitionné son domicile : deux fourgons de police et six agents avaient été déplacés pour mettre la main sur du « matériel offensant ». Ils étaient repartis bredouilles.

Au bout de huit mois, le 10 mai 2025, la police a abandonné les poursuites, la Couronne ayant estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves dans le dossier pour avoir la moindre chance d’obtenir une condamnation.

Pourtant, le porte-parole de la police londonienne avait affirmé, à l’époque de l’arrestation, que l’homme avait « été mis en examen après une étude minutieuse des éléments de preuves qui étaient en notre possession ».

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En fait de mea culpa, la police s’est contentée de regretter que la policière chargée de l’interrogatoire ait parlé de « manifestants pro-Hezbollah », alors qu’elle aurait dû employer le terme « propalestiniens ».

Chris Philp, le ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme britannique[2], a été sévère. Ce n’est pas inattendu, puisqu’il est dans l’opposition : « ces derniers temps, la police n’a pas réagi lorsqu’elle a été confrontée à des manifestants qui appelaient au djihad et à l’intifada à Londres. Pourtant, cet homme a apparemment été arrêté parce qu’il était susceptible d’offenser les partisans d’une organisation terroriste interdite.[3] »

Lord Walney, ancien conseiller du gouvernement en matière de terrorisme, a qualifié cette affaire de « grotesque » et a déclaré qu’il était « invraisemblable » que la policière se soit simplement mal exprimée.

Cette bavure aurait-elle un rapport avec le recrutement dans la police ?

Le 10 avril 2025, l’une des plus importantes forces de police britanniques s’est vu accuser de racisme antiblancs. Ce n’était pas un fantasme : une plainte a été déposée contre la police du West Yorkshire (WYP) par un candidat policier blanc, pour avoir bloqué temporairement les candidatures des Britanniques visiblement issus de la majorité. Pas d’amalgame : ce n’est pas du racisme, c’est de la discrimination positive.

La WYP empêcherait les candidats britanniques blancs de postuler à ses programmes d’entrée dans la police, car elle cherche à attirer des groupes « sous-représentés », ce que l’on nomme, de notre côté de la Manche, des « minorités visibles »[4].

Un ancien officier lanceur d’alerte a expliqué que cette politique visait à cibler certains groupes. Les policiers postulant étaient classés sur un podium virtuel qui délivrait les médailles de l’or au bronze, en fonction de leur origine ethnique : plus la peau du candidat était foncée et plus son classement se rapprochait de l’or. Idem pour la religion, l’or étant réservé à l’islam.

Sur son site web, la police du Yorkshire explique qu’en raison du manque criant d’officiers issus de minorités ethniques, elle doit accepter des candidatures « tout au long de l’année de la part de ces groupes sous-représentés », tandis que les autres candidats doivent attendre que le « processus de recrutement soit ouvert » : « Nous acceptons actuellement les candidatures de personnes issues de nos groupes sous-représentés pour les deux programmes d’entrée dans la police (uniforme et détective) … Si vous n’appartenez pas à l’un de ces groupes, veuillez continuer à consulter cette page pour connaître les futures opportunités de recrutement. »

Alors avis aux amateurs : « Si vous êtes issu(e) d’une minorité ethnique et que vous souhaitez en savoir plus sur ce que c’est que de travailler pour la police du West Yorkshire, envoyez-nous un courriel en utilisant ces coordonnées pour une discussion informelle :

positive.action@westyorkshire.police.uk »[5]


[1] www.telegraph.co.uk/news/2025/05/23/jewish-protester-arrested-mocking-terrorist-leader/

[2] En Angleterre, il existe un gouvernement bis, ou fantôme, dans lequel siègent les députés les plus influents du principal parti d’opposition. Il se réunit comme le gouvernement en place et il est tenu au courant de toutes les affaires courantes, afin qu’il existe une structure capable de gouverner en cas de changement brusque de majorité parlementaire.

[3] https://www.facebook.com/groups/1965857726900049/posts/3139814419504368/

[4] www.lbc.co.uk/politics/uk-politics/police-force-white-british-diversity-applications-discrimination-west-yorkshire/

[5] www.westyorkshire.police.uk/about-us/diversity-equality-and-inclusion/valuing-difference

Cher Monsieur Kassovitz…

Avant de présenter ses excuses, l’acteur avait suscité une vive polémique et été accusé de racisme anti-blanc après avoir déclaré sur LCI: « Si il y a des Français de souche, ce sont des fins de race. Ils finiront par se mélanger aux autres, et ce sera mieux pour tout le monde ».


Je m’étonne. Je m’étonne que vous ne fassiez pas la différence entre le racisme qui est une intolérance à ce qui n’est pas soi, couleur de peau comprise et le refus d’un melting-pot qui est en train de tuer toutes les civilisations. Pas que la nôtre !

Oui, on voyage, vous avez raison, on se mélange, comme vous dites. Ce qui n’a rien de négatif a priori. Au contraire : connaître l’autre (autrement dit co-naître avec lui) est une des conditions de ce que vous appelez le vivre ensemble et que j’appelle l’amour, la tolérance. Sauf que ce mélange est en train de produire un gloubi-boulga général qui prive peu à peu de leur richesse les multiples cultures qui se sont enracinées partout sur notre belle planète. Exactement comme en cuisine, quand trop de saveurs dans un plat finissent par en faire une infâme ragougnasse. Vous dites préférer que l’on se concentre sur nos ressemblances plutôt que sur nos différences, mais justement ce sont nos différences qui font cette richesse. Imaginez un monde où l’on se ressemblerait tous. Quel ennui !

Je me demande si vous avez lu. Je suis d’une génération qui a relativement peu voyagé, mais mes nombreuses lectures m’ont entraînée sur des rivages parfois très lointains qui m’ont fait rêver et, surtout comprendre qu’en effet, l’être humain est partout foncièrement le même. Sauf qu’il ne vit pas et ne pense pas toujours de la même façon. Et c’est cela que lire m’a révélé. Grâce à mon métier de traductrice littéraire, j’ai rencontré, sur le papier, des civilisations captivantes. J’ai même compris pourquoi à trop vouloir civiliser le monde entier l’Occident lui-même avait détruit des équilibres parfois fragiles, mais nécessaires à la survie de certains peuples. Des films comme Mission de Roland Joffé, que vous avez certainement vu, Monsieur Kassovitz, ont parfois grandiosement illustré ce manquement au respect de l’Autre.

En traduisant un Pakistanais de langue anglaise, j’ai aussi appris que dans les montages de l’Indu Kush, les peuples nomades qui vivaient tant bien que mal sur des territoires immenses qu’ils arpentaient d’une année sur l’autre se sont retrouvés prisonniers de frontières absurdes par l’Europe imposées qui les ont tout simplement privés de leur gagne-pain, puisqu’ils ne pouvaient plus migrer vers des terres où leurs bêtes allaient paître chaque année.  

Après avoir lu Joseph Kessel, j’ai voulu parcourir l’Afghanistan et la route de la soie. En lisant le Roumain Panaït Istrati, j’ai commencé à entrevoir ce que le mot liberté signifiait. Jack Kerouac m’a fait rêver d’aller me perdre dans les forêts canadiennes. Faulkner m’a donné à respirer les parfums du sud de la grande Amérique. Parce que j’avais lu le conte de Baba Yaga la sorcière, j’ai choisi le russe en seconde langue puis lu tous les auteurs russes qui me tombaient sous la main… J’ai lu Jünger, aussi, parce que j’ai voulu comprendre l’Allemagne que les Français de ma génération haïssaient. À la lecture des livres de Kazantsakis, j’ai voulu aller danser en Grèce, respirer son soleil. Avec Levi-Strauss, j’ai marché, transpiré en Amazonie. Et avec Primo Levi, j’ai connu la souffrance du prisonnier humilié, affamé, dont on avait voulu exterminer la « race ».

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Plus près de nous, en lisant Sylvain Tesson, ou Christiane Rancé, j’ai presque pleuré d’être devenue trop vieille pour leur emboîter le pas dans la solitude de régions encore peu fréquentées. Et, comme il y a trente-cinq ans, prendre un billet de train de nuit pour Venise à peine je venais de refermer Venise en miroir, de Robert Marteau.

La liste pourrait inclure presque tous les régions du monde. J’ai beaucoup voyagé, en fin de compte. Les Français ne sont pas racistes, Monsieur Kassovitz, les Français aimeraient bien, comme tous les peuples de la terre, préserver ce qui reste de leur civilisation, de leur culture, de leur langue, si belles, si enrichissantes. Les Français de souche, Monsieur Kassovitz, ce sont tous les hommes, toutes les
femmes qui sont venus prendre racine en France au cours des siècles. Jusqu’à ceux qui, aujourd’hui, décident de devenir français. Boualem
Sansal fut récemment de ceux-là.

Comme beaucoup de mes amis, je suis horrifiée par la présence trop envahissante des musulmans en Europe, de même que par l’américanisation de l’Europe, de notre langue en particulier. J’aime l’Amérique, pourtant, où j’ai vécu, ainsi que les Américains et leur langue d’origine, que je traduis, mais elle est devenue envahissante, elle aussi, partout, y compris dans les médias. Trop c’est trop. Déjà, en France, la jeunesse parle une langue poubelle qui n’a plus aucun sens. Une espèce de sabir parfois presque incompréhensible. Au point qu’ils n’ont plus les mots pour le dire, au point qu’une violence insidieuse s’installe, comme toujours quand on n’arrive plus à se comprendre. 

Mais revenons aux autres peuples dont vous vous réjouissez qu’ils viennent « se mélanger » à nous les Européens, les « fins de race ». Quand je vais voir l’une de nos filles qui vit au Maroc, je déplore tout autant l’européanisation galopante du pays. Y voir un homme en Nike et en jogging me désole. Le voile, là-bas (bien que le Coran ne l’ait jamais déclaré obligatoire – seule la pudeur des femmes y est évoquée), fait partie du paysage et ne me dérange nullement. Pas plus que la djellaba pour les hommes. En France, en Angleterre ou en Suède, ces tenues me dérangent, oui, parce que leur nombre changent le paysage qui est le nôtre. Mais aussi parce qu’elles sont l’étendard d’une théocratie globalisante, quand bien même vous semblez ne pas en avoir conscience. Il fut un temps pourtant, déjà lointain, où travaillant dans un magasin de couturier de la rue du Faubourg Saint-Honoré, je regardais fascinée des touristes débarquer dans une tenue qui m’évoquait le désert, Eugène Delacroix ou les contes des mille et une nuits. C’est fini ; la fascination s’est muée en rejet. Le nombre, Monsieur Kassovitz. Le nombre. Trop, c’est trop.

Je suis sûre que n’étant pas un mauvais bougre, vous accueilleriez un pauvre diable sans ressources qui débarquerait chez vous quelle que soit la couleur de sa peau ; mais s’il revenait la semaine suivante avec toute sa famille, la famille de sa belle-sœur et celle de son meilleur ami, je suis prête à parier que vous le repousseriez, et même que vous changeriez toutes vos serrures.

Ceux qui, comme vous, prompts à nous culpabiliser, parlent de racisme aujourd’hui, sont d’une mauvaise foi affligeante. Ce que nous refusons, ce n’est pas de perdre notre couleur de peau. Quoique, jaune, blanc, noir, café au lait, ou métissées, moi je les trouve toutes belles, la blanche y comprise. Non, ce que je refuse c’est un métissage de cultures qui efface peu à peu nos différences. Oui, on voyage beaucoup en 2025, on s’ouvre à des mondes divers, et c’est une bonne chose parce que comme pour la lecture, ça ouvre les esprits et les cœurs. Mais à quoi servira de voyager quand tous les êtres humains se ressembleront ? Quand toutes les cultures se seront mélangées au point de n’avoir plus d’identité ?

Frère toi même!

Après avoir fêté leur victoire avec leurs supporters sur les Champs-Élysées, les joueurs du PSG, vainqueurs de la Ligue des champions, ont été reçus ce dimanche soir à l’Élysée par le président de la République. Tout le monde était très joyeux. Désolé, Elisabeth Lévy casse un peu l’ambiance dans sa chronique matinale.


Malgré les violences et les pillages, peut-on vraiment se réjouir que le sport crée des moments d’union nationale ? Réjouissez-vous si vous y arrivez. Moi je ne marche plus. Et même, l’idolâtrie qu’on voue à ces sportifs, ou à quiconque d’ailleurs me met un peu mal à l’aise.

Malaise identitaire

Certes, des millions de Français ont regardé la même chose et hurlé ensemble. Mais ce patriotisme des stades est un patriotisme de pacotille, un cache misère. On agite le drapeau, on chante « on a gagné ». Des gens de gauche qui d’ordinaire taxent la France de colonialisme et de racisme applaudissent des milliardaires. And so what ? C’est la fin de comète de l’identité. On la proclame d’autant plus bruyamment qu’elle est menacée.

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D’ailleurs, personne ne s’émeut qu’on se barbouille de tricolore en arborant les couleurs du Qatar. Ni que le président de la République rende hommage à ce pays qui a été, dit-il, un actionnaire exigeant. Du Hamas ? Rappelons que le Hamas, ami du Qatar, c’est les Frères musulmans sur lesquels on s’excite depuis dix jours. Mais passons… je sens que je gâche la fête ! Quant au tweet présidentiel à la fin du match « Champion frère ! », il est au minimum ridicule.

La fraternité, c’est dans la devise nationale. Sauf que la fraternité dont il est question ici n’est pas universelle ni nationale. Emmanuel Macron singe la langue des quartiers où « frère » (ou cousins) ne s’adresse pas à tous les Français mais aux gens de votre communauté, origine ou appartenance. Dans cette logique communautaire, les Palestiniens sont mes frères, pas les juifs ou les Berrichons. On a d’ailleurs vu pendant le weekend une vidéo assez déplaisante de manifestations de supporters français du PSG à Munich défilant aux cris de « Nous sommes tous les enfants de Gaza ». Et hier, la foule qui a envahi tout le centre de Paris n’était pas à l’image de la France. Déjà, il n’y avait presque pas de femmes – et certaines de celles qui étaient quand même présentes se plaignent sur les réseaux sociaux d’attouchements et autres frottages. Nous avons observé de très jeunes garçons (majoritairement ?) issus de l’immigration. Et des racailles – certes je ne les mélange pas avec les autres jeunes – qui sont semble-t-il intervenues un peu plus tard. Mais même quand ils ne cassaient pas, tous ces gens s’amusaient de façon un peu agressive, ils faisaient du bazar avec leurs scooters, les voitures. On sentait qu’une étincelle pouvait tout faire partir.

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Gueule de bois

En 1998, on m’a fait le coup de la France Black Blanc Beur unie derrière son drapeau. Sept ans plus tard, les émeutes de 2005 révélaient l’étendue des fractures françaises. Et depuis, ça n’a fait qu’empirer. Le sport ne peut pas créer une unité nationale qui n’existe pas. Alors frère, ton match de foot, je m’en bats les oreilles.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale.

PSG vs Inter de Milan: 5-0 Ordre public vs racaille de Paris: match très très nul…

Ensauvagement. On dénombre deux morts, d’innombrables pillages et plus de 550 interpellations en marge des célébrations de la victoire du PSG en Ligue des champions samedi soir. L’extrême gauche charge le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et passe tout à la jeunesse séparatiste banlieusarde. Quand elle ne l’encourage pas.


On n’en demandait pas tant. Une victoire aurait suffi, genre 2-1. Mais 5-0 ! Qui aurait parié sur un tel score au coup d’envoi ? Un régal. Du beau jeu. L’adversaire dans les cordes dès le premier round. Et pour autant, pas de mauvais gestes tout au long de la partie, pas de contestations hystériques de l’arbitrage. Du sport, quoi. Comme on l’aime.

La fête et les quartiers « populaires »

Alors la liesse, les rires et les cris libérateurs. Le bonheur de la fête de masse, la fête populaire dans le meilleur sens du terme. On saluait, on s’extasiait, on célébrait. Et que célébrait-on au-delà de la performance de l’équipe ? Un homme, l’entraîneur, Luis Enrique. Et à travers lui, mine de rien, le miracle que seuls peuvent permettre l’autorité bien comprise, la discipline assumée et consentie, le respect hiérarchique. Bref, tout ce qui fait défaut dans le fonctionnement actuel de notre société. Des images le montrent dirigeant ses joueurs à l’entraînement juché sur une nacelle de chantier, surplombant le jeu, dominant ses hommes. Le chef tel qu’en lui-même qui n’hésite pas à priver de match – match important, de qualification – un de ses meilleurs éléments pour s’être pointé en retard à un entraînement. Fermeté payante, au bout du compte. Au bout de ce 5-0.

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Et puis, les héros du soir à peine rentrés au vestiaire, la horde sauvageonne parisienne, les racailles perpétuellement en embuscade  investissent les rues, saccagent, pillent, incendient, agressent, bastonnent. Deux morts en France, des blessés. Des bagnoles brûlées, des vitrines brisées, des magasins pillés, bref de l’outil de travail – un mot sans doute inconnu de beaucoup de ces égarés de la République – bousillé, ravagé. Ceux-là sont incapables de partager quoi que ce soit avec la nation, le pays, son peuple. Incapables de partager ne serait-ce que – le temps d’une soirée- la joie commune, la joie primaire, roborative des jeux du cirque.

Les télévisions minimisent la gravité des violences

Les tv, les médias parlent d’incidents. Ce ne sont plus des incidents, ce sont autant de coups de boutoir contre ce qu’est la République, ce que devraient être la France et le consensus censé fédérer ses populations. Ce sont autant d’épisodes subversifs préparant peut-être bien la convulsion majeure, décisive, celle du grand soir.

Aussi faut-il absolument saluer encore et encore, remercier, féliciter toujours et toujours davantage les forces de l’ordre. Manifestement, tout est fait pour les pousser à bout. Et c’est une sorte de miracle que – parce qu’ils savent faire preuve d’un sang-froid et d’une capacité de résilience proprement exceptionnels, quasi surhumains – c’est une sorte de miracle, disais-je, qu’aucun de ces hommes et femmes n’ait craqué, commis l’irréparable, ne se soit laissé entraîner dans un dérapage mortel. Celui que d’aucuns probablement attendent, pour ne pas dire espèrent. Ce premier sang qui en ferait couler beaucoup d’autre et qui serait la gloire suprême des forces révolutionnaires ténébreuses dont les sinistres meneurs n’ont pas à être cités ici. On les connaît. Ils braillent assez fort pour ça.

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Or, si les choses devaient rester en l’état, un jour où l’autre, ce pire se produira. Avec les conséquences dont on préfère ne pas imaginer, en ce lendemain de liesse partagée, les effets.

En attendant, ayant reçu à l’Élysée les vainqueurs de la prestigieuse coupe aux grandes oreilles, ce qui est bien naturel, il serait souhaitable qu’on y reçoive aussi ces hommes et ces femmes pour qui, j’en suis bien certain, la coupe – la leur, celle de chacune de leur journée de service – est pleine. Comme elle l’est d’ailleurs pour nous.

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Le jardin en mouvement

Dans Vagabondages et Conversations, le célèbre paysagiste et jardinier français Gilles Clément est mis en scène par et avec l’artiste autrichien Christian Ubl.


Longtemps les chaisières des jardins publics et les gardiens de square à l’œil torve ont vu en Gilles Clément bien pire que l’Antéchrist. Car il a a bouleversé sans pitié leur univers propret et désespérant de pelouses sages et de plates-bandes immuables, figées dès la funeste naissance de la Troisième République pour l’agrément des sénateurs-maires radicaux et des sous-préfets boulangistes.    

Fantaisie et joie de vivre

On doit à Gilles Clément d’avoir conjuré la terrible malédiction qui frappait depuis des décennies les jardins publics, leur parterre central immanquablement circulaire, leurs régiments de glaïeuls raides comme des Prussiens montant la garde autour d’un buste de notable à la barbe fleurie et obligatoirement entourés de bordures de bégonias roses comme de grasses Bavaroises en mal de mari.

On lui doit d’avoir condamné la bête monotonie des pelouses uniformes, aussi pathétiques que la moquette d’un salon de petits bourgeois étriqués. D’avoir honni les insecticides et autres pesticides dangereux. D’avoir rendu aux fleurs des parterres leur fantaisie et leur joie de vivre en les lançant dans de joyeuses sarabandes. D’avoir remplacé la dignité ennuyeuse d’immuables ornementations végétales par la nonchalance poétique et la créativité inépuisable de la nature. D’avoir exorcisé enfin l’esprit mesquin du fonctionnaire qui, aussi sûrement que le puceron ou la cochenille, ravage les espaces verts ainsi lamentablement nommés dans le jargon des municipaux sous l’effet de ce souffle épique propre aux administrations.

L’éloge des vagabondes

Gilles Clément a ouvert les grilles des jardins à la folie aimable des graminées, à la fantaisie de végétaux improbables, à la cohabitation d’espèces à qui on interdisait de se côtoyer, comme jadis lorsqu’on rappelait sèchement à l’ordre les enfants de milieux sociaux trop disparates dès qu’ils faisaient mine de vouloir jouer ensemble.

Foin des interdits, des prérogatives de la naissance, de la noblesse des origines, de la sagesse bourgeoise : les jardins en mouvement de Gilles Clément sont des mondes ouverts à tous les végétaux, du moment qu’ils cohabitent pacifiquement. Ils chantent « l’éloge des vagabondes », c’est à dire qu’ils accueillent, plutôt que de les arracher, ces plantes qu’emportent les vents lointains et qui s’installent par surprise, mais avec bonheur là où l’on ne les avait jamais vues. Et bien évidemment, cet hymne de liberté et de métissage que susurrent les réalisations de Gilles Clément, au domaine du Rayol, dans le parc André Citroën, dans les jardins du musée du quai Branly, à Saint Nazaire ou ailleurs dans ses livres,  cet hymne prend immanquablement un ton politique. Ses jardins se font les chantres de la mixité heureuse, de l’égalité des origines. Sans pour autant cautionner les invasions périlleuses et massives, sans renoncer à l’harmonie d’une cohabitation apaisée et harmonieuse.

Dans un monde inattendu

Et voilà que lui aussi, à l’image de ces vagabondes qu’il a défendues toute sa vie, voilà que Gilles Clément se retrouve implanté dans un monde où personne à priori ne l’aurait attendu. Et lui moins que tout autre. Au cœur d’un spectacle chorégraphique imaginé par un Autrichien installé en France, Christian Ubl, lequel a lu ses ouvrages et s’est reconnu sans doute comme l’un de ces végétaux aventureux qui comptent parmi les héros du jardinier-paysagiste.

Par ses réalisations autant que par ses nombreux écrits, Gilles Clément s’est fait d’innombrables disciples. On le voit partout aujourd’hui, dans les villes particulièrement, et singulièrement à Paris où les végétaux se multiplient  sous une apparence informelle et bohême qu’on ne leur avait jamais connue dans l’univers urbain.

Ensemble, maître et disciples, ont partiellement vaincu les résistances les plus acharnées à leur discours écologique et libertaire. Ils ont transformé les cités, mais aussi le regard et la sensibilité de ceux qui y vivent.

Le jardin en mouvement

Tout est né sans doute avec la révolution du « jardin planétaire », tel qu’il a été imaginé par Gilles Clément dans le parc André Citroën, en collaboration avec Alain Provost.

« A l’époque de la création de ce premier jardin en mouvement, souligne Gilles Clément, les commanditaires de la Ville de Paris n’y croyaient pas trop. On tentait une expérience avec l’idée qu’on reviendrait vite aux anciennes pratiques en vigueur dans les jardins publics. Or la réaction des riverains comme des promeneurs a joué à plein en faveur du jardin. Nostalgiques d’un monde qu’ils avaient connu naguère, ils ont dit avoir retrouvé là quelque chose d’un univers encore naturel, sinon sauvage, rendant la ville plus aimable. On ne s’attendait pas à une telle adhésion. Et le jardin a ainsi conservé l’essentiel de son nouveau caractère ».

Même chose avec les révolutions écologiques du jardin du Musée des Arts premiers, au quai Branly, ou des Jardins du Rayol sur la côte varoise. Un changement radical dans la conception des jardins était en marche. Et il était irréversible.

Moi, je ne suis pas danseur !

« C’est lui, Christian Ubl, qui un jour m’a demandé de considérer son travail en compagnie d’une danseuse australienne dans une pièce qu’ils avaient baptisée AU-AU  pour Autriche et Australie. Ils désiraient qu’un regard extérieur se porte sur l’évolution du spectacle. Des liens d’amitié se sont ainsi créés et qui ont perduré. Il y a un peu plus d’un an, Christian Ubl a proposé qu’ensemble, lui et moi, nous participions à un nouveau pectacle,  « Vagabondages et Conversations ». Drôle d’idée, non ? Moi, je ne suis pas danseur. Cà m’a fait rire. Mais le projet a fini par me séduire quand j’ai réalisé que tout cela avait un sens et que la production basée sur les conceptions que je défends nous permettait de toucher et de convaincre peut-être un public tout autre que celui que je connaissais. Gestuellement, j’interviens très peu. En revanche, je demeure tout le temps sur le plateau, soit pour lire des textes que j’avais rédigé, soit pour en dire d’autres, de mémoire, soit pour les écouter en voix off, comme celui qui évoque l’importance de l’eau dans le cycle de la vie. La chorégraphie, à laquelle je prends part parfois, suit mes propos. Moi qui n’avais jamais imaginé cette possibilité de toucher un public nouveau ».

La végétation à Pompéi

Gilles Clément prend aussi conscience de l’extrême exigence et de la rudesse de la vie d’artiste. «Cette activité artistique prend beaucoup de temps. Pour honorer chacune des représentations, un soir ici, un soir là, données à des dates éparpillées dans le temps, il faut être mobilisé trois jours pour chacune d’entre elles. Un jour consacré au voyage pour se rendre sur le lieu du spectacle. Un autre pour assurer les répétitions, l’adaptation à un nouveau plateau et pour le spectacle lui-même. Et un troisième pour retourner là où j’ai à travailler. C’est lourd. Et difficilement conciliable avec mes autres activités ».

S’il se multiplie désormais  dans ses fonctions de professeur et de conférencier qui lui font sillonner le monde à l’instar de ces plantes dont il s’est fait l’avocat, Gilles Clément ne crée plus guère de nouveaux jardins, excepté le sien, niché en pleine campagne, dans un département sans ville, la Creuse, qui fut jadis le comté de la Marche. Mais bientôt peut-être, il sera à Pompéi, dans le cadre d’un projet porté par des spécialistes italiens et concernant la végétation qui s’épanouissait dans les cités de l’Antiquité romaine.   


Vagabondages et Conversations
Avec Gilles Clément et Christian Ubl.

Le 7 juin 2025, Festival June Events. Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Cartoucherie de Vincennes.
Le 3 juillet, Festival Mimos, Théâtre de l’Odysée, Périgueux.
Le 18 novembre, Théâtre Au Fil de l’eau, Pantin.
Le 23 novembre, Théâtre de Suresnes.
Les 27 et 28 novembre, Théâtre du Briançonnais, Briançon
Les 2 et 3 décembre, Théâtre Durance, Château-Arnoux.
Le 30  janvier 2026, Théâtre de Fontenay-le-Fleury.
Le 7 février, Théâtre de l’Arc, Le Creusot.
Le 7 mai, Théâtre de l’Etoile du Nord, Paris.
Le 21 mai, Zef, Marseille.
En mai 2026 encore au Théâtre Molière, à Sète.

T’as pas une clope ?

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DR.

Elisabeth Lévy, fumeuse, nous a parlé du PSG et du capitaine Dreyfus dans son billet matinal. Mais pas uniquement. Nous vous proposons d’écouter sa chronique.


Je m’interroge sur les priorités de nos gouvernants. Ce week-end a prouvé une nouvelle fois que l’Etat ne parvient plus à garantir la sécurité des rassemblements populaires. Et pour cause : les sanctions, difficiles à mettre en œuvre, sont dérisoires ou absentes. Sur 202 gardes à vues à Paris, il y a eu 13 déferrements au tribunal. Pour le reste : classements sans suite, convocations devant un délégué du procureur (contribution citoyenne), 16 ordonnances pénales (procédure simplifiée). Bref, on nous endort avec les arrestations mais la réalité c’est que la plupart des fauteurs de troubles ne seront pas sanctionnés et que beaucoup des mineurs s’en sortiront avec une petite tape sur les doigts. Et que le même spectacle désolant se reproduira lors de la prochaine victoire ou défaite du PSG ou de l’équipe de France.

Y’a qu’à, faut qu’on

Certes, il n’y a pas de solution simple face à des mineurs hors de contrôle. Mais cela devrait être la priorité de nos gouvernants. Et qu’a fait le parlement, hier ? Voté une loi pour élever le capitaine Dreyfus au grade de général ! Une loi qui ne mange pas de pain et ne sert à rien sinon à faire la promotion de son promoteur, Gabriel Attal. Une loi à peu près aussi utile que celle qui vise à supprimer le Code noir que propose François Bayrou. Abroger une loi qui n’est pas appliquée depuis 1848, c’est en effet une urgence.

A ne pas manquer, le nouveau magazine Causeur: A-t-on le droit de défendre Israël?

Toute la France sait que le capitaine Dreyfus était innocent. Je ne pense pas qu’on va lutter contre l’antisémitisme d’aujourd’hui en s’agitant contre celui d’hier. Et s’agissant du Code noir de 1685, rappelons plutôt que la France a été l’un des premiers pays à abolir l’esclavage.

Est-ce à dire que les pouvoirs publics ne devraient s’occuper que de sécurité et de délinquance ?

En tout cas, ce que les Français reprochent à leurs gouvernants n’est pas que le Code noir n’ait pas été officiellement abrogé, c’est leur impuissance notamment en matière de sécurité.

La faiblesse de l’État face aux délinquants contraste avec sa sévérité avec les gens honnêtes. A ce titre, l’interdiction de la cigarette à l’extérieur semble être une mesure punitive pour les fumeurs plus qu’une protection pour les autres. Quoi que racontent les croisés de l’anti-tabac, vous n’allez pas attraper le cancer parce que des gens fument dans la rue où vous vous baladez. Ce n’est plus une mesure sanitaire mais une sorte de morale sociale (exactement comme les masques à l’extérieur pendant le Covid). Céline disait qu’un jour tous les plaisirs de pauvres seront interdits.  Nous y sommes. Quant à moi, j’arrêterai de fumer dans la rue quand on pourra s’y promener sans risque.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale

Christian Krohg, l’émotion du nord

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Christian Krohg, La Barre sous le vent ! (détail) 1882 © Photo : Nasjonalmuseet / Jaques Lathion

Le musée d’Orsay propose la première rétrospective en dehors de Scandinavie d’un peintre norvégien majeur: Christian Krohg. L’occasion de découvrir une œuvre d’une profondeur exceptionnelle. 


Métropoles et colonies d’artistes

Christian Krohg (1852-1925) naît à Oslo, alors appelée Kristiania, dans un milieu aisé. Après des études de droit, il se réoriente vers la peinture. Pour se former, il se rend d’abord à Berlin où il partage un appartement avec Max Klinger, artiste allemand particulièrement doué et imaginatif. En côtoyant diverses personnalités, sa vocation de représenter la vie des hommes et des femmes de son temps s’affirme.

Krohg réside ensuite à Paris et à Grez-sur-Loing, colonie artistique en bordure de forêt de Fontainebleau. C’est dans ces lieux et en observant des maîtres comme Jules Bastien-Lepage que son naturalisme accède à une réelle finesse.

Rentré en Norvège, il multiplie les activités, devenant non seulement peintre, mais aussi journaliste, militant et auteur de romans. Il évolue dans la bohème d’Oslo où il côtoie Ibsen. C’est là qu’il rencontre Oda, femme très belle et très libre. Pendant près de dix ans, il revient à Paris comme enseignant à la fameuse Académie Colarossi. Il réside souvent à Skagen[1], colonie d’artistes à la pointe nord du Danemark. Finalement, il rentre à Oslo où il devient professeur et enseigne à des élèves comme Edward Munch.

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Peintre et observateur de son temps

Krohg s’illustre souvent par une picturalité très mature, donnant beaucoup de saveur à ses œuvres. Avec lui, on jouit d’une vraie musique des formes. Ajoutons qu’il a un sens aigu des cadrages surprenants. Il aime peindre la vie des gens du peuple et des souffrants. Par exemple, sa Jeune fille malade (1881), tout en nuances de blanc, est à la fois d’une retenue déchirante et d’une rare virtuosité. « Vous devez, dit-il, peindre de manière à toucher, émouvoir, scandaliser ou réjouir le public par ce qui vous a vous-même réjoui, ému, scandalisé ou touché. »

Christian Krohg, Jeune fille malade, 1881, Huile sur toile, Nasjonalmuseet, Oslo, © NasjonalmuseetBørre Høstland

Les femmes, la fatigue et la prostitution

C’est probablement par son attention à la condition des femmes qu’il se révèle particulièrement intéressant. À part Antonio Fillol, en Espagne, peu d’artistes de cette époque explorent autant ce sujet. Krohg montre d’abord la fatigue des femmes entre le travail et la maternité. Il est également très préoccupé par la prostitution. Cela lui inspire son roman, Albertine. C’est aussi un thème de peintures, notamment pour une grande composition (1885) qui remue le public norvégien.

Une exposition « découverte »

Cette exposition Krohg s’avère donc d’un intérêt exceptionnel. Elle a été programmée par Christophe Leribault lors de son bref passage à la présidence du musée, avant d’être magnifiquement orchestrée par Servane Dargnies. C’est le type d’exposition que l’on aimerait voir très souvent au musée d’Orsay.


À voir absolument

« Christian Krohg (1852-1925) : le peuple du Nord », musée d’Orsay, jusqu’au 27 juillet. 16 € l’entrée

Christian Krohg (1852-1925) Le Peuple du Nord Catalogue officiel de l'exposition

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[1] Le musée d’Orsay a récemment exposé l’excellente Harriet Backer, également active à Skagen.

Islam: obsession ou présence obsédante?

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Métro toulousain, 23 mai 2025 © FRED SCHEIBER/SIPA

Pour masquer la réalité inquiétante d’une présence envahissante de courants islamistes incompatibles avec les valeurs démocratiques, de beaux esprits parlent souvent d’une « obsession » supposée de l’Occident pour l’islam. Charles Rojzman observe que depuis 20 ans, en France, on ne parvient pas à une réforme profonde de l’islam ni à mettre en place une résistance ferme contre un totalitarisme politico-religieux menaçant.


Il est devenu coutumier — comme le sont les lamentations modernes, usées jusqu’à l’ennui — d’entendre que l’Occident souffrirait d’une obsession maladive vis-à-vis de l’islam : accusation si facile, jetée à la face des sociétés européennes déjà accablées par leur propre déclin, comme s’il leur fallait encore porter le fardeau de leur prétendue compulsion à scruter, caricaturer, vouer aux gémonies une religion qui, à les entendre, ne leur aurait rien demandé.

Mais c’est là une fiction — une fiction qui se veut consolatrice, et qui masque mal une réalité autrement plus inquiétante : ce n’est pas l’Occident qui est obsédé par l’islam ; ce sont certaines manifestations contemporaines de l’islam qui, pour nombre de nos concitoyens, s’imposent comme une présence obsédante, diffuse, rampante, suintant dans les failles d’un monde à bout de souffle.

Certains musulmans, feignant l’innocence, protestent, s’étonnent : pourquoi tant de bruit ? pourquoi tant d’hostilité ? Ils se disent stigmatisés, injustement assimilés à des extrémistes qu’ils prétendent ne pas reconnaître. Mais cette indignation, cette posture de victime outragée, sonne creux. Ils savent. Oui, ils savent ce qui travaille en sourdine la trame de nos sociétés fatiguées : ils voient les revendications communautaires s’infiltrer dans les institutions, ils entendent les prêches dans les mosquées, connaissent les réseaux, soupçonnent les intimidations faites aux femmes, ferment les yeux sur les menaces contre les libres penseurs. Tout cela, ils le savent — et pourtant, ils se taisent, ou détournent le regard.

Il est temps de cesser de les prendre pour ces enfants blessés qu’il faudrait, au nom d’une humanité mal placée, ménager à tout prix. Leur responsabilité est là, nue, massive, irréfutable. S’ils souhaitent vivre dans des sociétés libres — ce mot si précieux et pourtant si galvaudé —, ils doivent prendre part à la réforme intérieure de leur religion. Non pour complaire à une quelconque injonction extérieure, mais parce qu’aucune société moderne ne peut survivre à l’intérieur de laquelle subsiste un corpus doctrinal figé, archaïque, autoritaire, frontalement opposé aux principes mêmes de la démocratie.

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L’islam doit se réformer, non pas comme on repeint une façade, mais comme on entame une mue spirituelle, intellectuelle, théologique. Abandonner toute prétention hégémonique, toute confusion entre foi et loi, toute tentation totalitaire. S’il ne le fait pas, il s’exclura de lui-même du monde moderne, et précipitera dans l’impasse ceux-là mêmes qui, sincèrement, s’en réclament.

Depuis deux décennies, nous assistons, impuissants ou complaisants, à l’essor d’un islam revendicatif, parfois conquérant, qui s’emploie à redéfinir les normes culturelles, sociales, parfois même juridiques, de certains espaces publics. À chaque polémique sur le voile, à chaque demande d’aménagement religieux, à chaque manifestation de séparatisme culturel, s’ajoutent les ombres portées des agressions verbales, physiques, des attentats, des meurtres. Tout cela tisse une atmosphère d’effroi larvé, de méfiance endémique, de peur rentrée.

Ce n’est pas un fantasme, ce n’est pas une lubie d’intellectuels aigris : c’est un constat empirique. Les sociétés européennes se trouvent confrontées à un phénomène de réislamisation, souvent militante, le plus souvent incompatible avec ce que l’on nommait jadis, avec une gravité un peu naïve, les principes fondamentaux de la République, de la laïcité, de l’humanisme des Lumières. Cette incompatibilité n’est pas une vue de l’esprit : elle est vécue, chaque jour, dans la chair, par les enseignants, les médecins, les élus locaux, les policiers, les citoyens anonymes, tous ceux qui, en silence, encaissent.

Et pourtant, ceux qui osent parler, qui alertent, sont réduits au silence, disqualifiés, acculés par des élites politiques et médiatiques toujours promptes à voir en eux des « fascistes », des « semeurs de haine ». On oublie — ou feint d’oublier — que parmi ces voix, certaines viennent précisément du monde arabo-musulman, qu’elles connaissent de l’intérieur les dérives de l’islam politique, qu’elles parlent avec le courage de ceux qui vivent sous protection policière, menacés de mort. Mais ces voix-là, trop souvent, sont rejetées, marginalisées, traitées en traîtres.

Alors, de quoi parlons-nous ? D’un malaise diffus ? D’une crispation passagère ? Non : nous parlons d’un totalitarisme rampant, d’autant plus dangereux qu’il se drape dans les habits de la foi, de la justice, de l’identité blessée. Comme tous les totalitarismes, il prospère sur les failles de nos démocraties : sur les inégalités sociales, sur le vide spirituel, sur le communautarisme, sur la lâcheté morale des élites.

Face à cette menace, il ne suffit plus d’invoquer la tolérance ou le « vivre-ensemble », ces mots usés comme des prières profanes. Il faut résister. Nommer l’adversaire pour ce qu’il est : un totalitarisme politico-religieux qui cherche à soumettre la société à ses dogmes. Et ce combat, nous ne pourrons le mener qu’avec des lignes claires, une volonté ferme d’exclure de l’espace commun tout ce qui nie la liberté, l’égalité, la dignité humaine.

Oui, il faut exclure : non par haine, mais par fidélité à l’idée même de démocratie, qui ne survit qu’à condition de poser des frontières et de faire preuve de fermeté morale.

Et surtout — surtout — il nous faut l’humilité de reconnaître que ce totalitarisme s’engraisse de nos faiblesses : de notre passivité, de notre silence, de notre complaisance. Chaque fois que nous acceptons qu’une femme renonce à sa liberté, chaque fois que nous tolérons le recul de la mixité, de la libre pensée, du débat, nous trahissons les valeurs que nous prétendons défendre. Ce n’est pas seulement l’islamisme qu’il faut combattre, c’est notre propre faiblesse face à lui.

L’obsession ? Non. La lucidité, oui : celle qu’il faut cultiver sans relâche, à l’heure où l’histoire bascule dans l’ombre. Car ce que nous devons rejeter, ce n’est pas l’islam en tant que foi privée, c’est cette entreprise politico-religieuse qui entend soumettre nos sociétés. Et nous ne pourrons l’emporter que si nous nous montrons, enfin, à la hauteur des idéaux que nous prétendons incarner — ou si nous acceptons, avec une forme de stoïcisme tragique, de contempler notre propre chute.

Oui, des barbares…

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Sacre du PSG: la conférence de presse de Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, le 1er juin 2025 © D.R.

Alors que la fête a tourné au cauchemar à Paris après la victoire du PSG, Eric Coquerel (LFI) estime que parler de barbares comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau aurait des « soubassements racistes »…


Il y a quelque chose d’indécent et, pire, d’odieux à s’interroger depuis la soirée du 31 mai jusqu’à la nuit du 1er au 2 juin sur la qualification qu’il convient de donner à ces voyous auteurs d’affrontements avec la police, de violences et de dégradations qui ont donné lieu à de nombreuses interpellations.

Paris ne sait plus être une fête

Il ne faut pas se tromper de coupables et se plaindre que les forces de l’ordre n’aient pas pu totalement maîtriser un processus qui inéluctablement survient après les manifestations, quelle que soit leur nature. L’immense joie sportive suscitée par la superbe victoire du PSG a, comme d’habitude, été assombrie par des tragédies et des débordements honteux de jeunes gens qui n’avaient pour envie que d’engendrer le chaos.
Oui, ce sont des barbares comme l’a très justement dénoncé Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur. On peut gloser à perte de vue sur ces malfaisants qui viennent, tels des parasites, se greffer sur les joies et les célébrations pour les dénaturer et les dévoyer. Barbares n’est pas une définition absurde, bien au contraire. Comme, pour les Athéniens, les barbares étaient ceux qui ne parlaient pas le grec, les barbares d’aujourd’hui sont ceux qui ne parlent pas la langue d’une société civilisée et pour qui le respect et la tranquillité sont des notions étrangères.

À lire aussi, Dominique Labarrière : PSG vs Inter de Milan: 5-0 Ordre public vs racaille de Paris: match très très nul…

Qu’un élu de la République, en l’occurrence Antoine Léaument, député LFI, ose insulter Bruno Retailleau en le traitant, lui, de barbare et en l’accusant d’être responsable de ce que Paris a subi depuis le 31 mai est véritablement une indignité, une vilenie. Comment s’étonner qu’après de tels propos, la politique ne soit plus considérée comme une activité honorable, la démocratie telle une richesse ?

https://twitter.com/ALeaument/status/1928947055692587344

L’irresponsabilité, la bêtise et le Mal atteignent de tels sommets que garder l’espoir en demain relève du miracle.
Les barbares sont entrés dans Paris et il aurait fallu les accueillir à bras ouverts ?

MeTooMuch ?

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Saint-Malo: une nouvelle statue pour Chateaubriand?

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Chateaubriand par Girodet-Trioson. Musee de Versailles. 24/05/2001 NAMUR-LALANCE/SIPA

Henri Mezzadri est peintre et sculpteur. On peut le croiser par hasard dans les vieux murs de Saint-Malo. Il s’est mis une drôle d’idée en tête : offrir à sa ville une statue (en bronze, et de trois mètres s’il vous plait) de l’un de ses plus illustres enfants : François-René de Chateaubriand. Rencontre.


Henri Mezzadri

Causeur. Je vous ai rencontré dans le restaurant Le coup de canon* à Saint-Malo. Vous parliez d’un projet de statue rendant hommage à François-René de Châteaubriand. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Chateaubriand a été une véritable révélation pour moi. Le premier ouvrage que j’ai lu de lui, Le Génie du Christianisme est un hommage éclatant à la foi chrétienne, mais qui dépasse de loin le simple cadre théologique. Convaincre par la beauté et l’amour, sublimer la religion par la sensibilité romantique : ce fut pour moi une expérience bouleversante. Lorsque j’étais au plus bas, j’aimais me rendre sur son tombeau, face à la mer, pour y puiser l’inspiration et garder espoir. Cette croix de granit, dressée sur l’île du Grand Bé, représente énormément à mes yeux ; et l’homme qui repose en dessous encore davantage.

Il y a déjà une statue de l’écrivain à proximité du casino. N’avez-vous pas peur du doublon ?

À Saint-Malo, on compte quatre statues de bronze [Jacques Cartier, Surcouf, Duguay-Trouin, Mahé de la Bourdonnais, ndlr], appelées à durer des siècles. Pourtant, le plus grand des Malouins, Chateaubriand, n’a pas droit à cet honneur. Sa mémoire est figée dans une statue de pierre, érodée par le temps, reléguée au bord d’un rond-point, devant le casino. Un emplacement bien peu glorieux, quand on sait que les autres statues trônent sur les magnifiques remparts. Il y eut pourtant une époque où une sublime statue de bronze lui rendait justice… jusqu’à ce qu’elle soit fondue durant la Seconde Guerre mondiale.

Je crois que c’est à la jeune génération qu’il revient aujourd’hui de réparer cette injustice, d’offrir à Chateaubriand (et à la France) une statue digne de ce nom. Quant à la statue actuelle, près du casino, elle est non seulement médiocre sur le plan académique, mais aussi en bien triste état. Et cela me semble indigne. Chateaubriand n’est pas un écrivain parmi d’autres : il est une figure majeure de notre patrimoine.

Quelles sont à ce jour vos réalisations ?

À ce jour, j’ai réalisé plusieurs sculptures, notamment Chateaubriand sous différents formats, mais aussi Richelieu, Cyrano, et récemment Bossuet. Je peins également à l’huile : le 21 janvier 1793, une Descente de croix, ou encore la Rencontre de Chateaubriand et de Louis XVI. Je vais jusqu’à confectionner moi-même les cadres de mes toiles, que je dore à la feuille d’or, pour offrir à chaque œuvre un écrin à sa mesure.

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Mais l’époque étant plutôt à la destruction de statues plutôt qu’à leur construction, n’est-ce pas une idée incongrue ?

Peu m’importe que ma démarche soit jugée anachronique. Certains hommes sont enracinés dans leur époque ; moi, je me sens homme de tous les siècles — serviteur du passé, du présent et de l’avenir.
Cette statue, je l’ai façonnée pour Chateaubriand, pour les Français d’aujourd’hui, et pour les enfants de demain, afin qu’ils puissent s’inspirer de ce grand homme. Comme il l’écrivait lui-même :
“Quand je ne serai plus, s’il se trouve de jeunes gens pour lire mes Mémoires, ma voix sortira alors de la tombe pour leur dire que les rêves ne meurent jamais.”

Et sur le plan du financement ? Est-ce possible ?

Absolument. Il existe plusieurs manières de financer un tel projet. Prenez l’exemple de la statue de Mahé de La Bourdonnais : elle fut financée par les Mauriciens. Chateaubriand compte de nombreux admirateurs en France, et je suis convaincu que beaucoup seraient prêts à contribuer, chacun à leur échelle. Nous envisageons également la voie du mécénat. Ce n’est pas parce qu’une entreprise coûte cher qu’elle ne mérite pas d’exister. Toute œuvre de grandeur implique de l’effort, de l’investissement, et de la volonté.

Nous avons cessé d’ériger de belles choses en France ; nous avons arrêté de rêver le monde. Nous demeurons spectateurs, pendant que la France s’étiole. Les tailleurs de pierre ne bâtissent plus, ils réparent. Les académies des beaux-arts ont tourné le dos à l’enseignement classique. Créer une statue digne de Chateaubriand, c’est offrir un symbole à la jeunesse, aux artistes, aux passionnés d’histoire. C’est raviver une flamme dans une époque où la volonté semble vaciller. Saint-Malo ne s’est pas bâtie en un jour : elle est le fruit d’un immense travail. Cela ne signifie pas que son embellissement doive s’arrêter. D’autant que la majeure partie des revenus de la ville provient du tourisme. Et que font les touristes en été, sinon visiter les musées, les églises, les statues ?

Mémoires d'outre-tombe : extraits

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* Au coup de canon, tenu par Gilles et Jules, père et fils, est le meilleur restaurant de viande de Saint-Malo, avec notamment un formidable confit de canard.

Londres: tout, sauf froisser l’exquise sensibilité du Hezbollah

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DR

En septembre 2024, à Londres, un manifestant juif a été arrêté lors d’une manifestation. Motif : il avait brandi, pendant trois minutes, une caricature qui ridiculisait Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah.


– Ne croyez-vous pas que vous risquiez d’induire de la détresse chez les partisans du Hezbollah qui auraient vu cette pancarte ? lui demande une enquêtrice, sur la vidéo diffusée par The Telegraph[1].

– Ne pensez-vous pas qu’en montrant cette image à des manifestants qui sont clairement pro-Hezbollah et anti-Israël, vous attisez encore davantage la haine raciale ? insiste-t-elle.

– Et vous, vous pensez que les manifestants étaient des partisans du Hezbollah, un mouvement qui est classé terroriste ici, au Royaume-Uni ? a répondu à l’interrogatrice l’avocat du mis en cause pour « harcèlement, inquiétude ou détresse causés avec la circonstance aggravante de motivation par la race ou la religion. »

On ne sait pas si le Hezbollah est une race ou une religion, mais le manifestant juif, dans la capitale de Sa Majesté, qui est encore plus antisémite que Paris, a été harcelé par la police pendant six mois à la suite de son interpellation.

Mesures contre un dangereux manifestant armé d’ironie

Avant d’enfermer le manifestant moqueur dans une cellule où il a passé la nuit, la police avait perquisitionné son domicile : deux fourgons de police et six agents avaient été déplacés pour mettre la main sur du « matériel offensant ». Ils étaient repartis bredouilles.

Au bout de huit mois, le 10 mai 2025, la police a abandonné les poursuites, la Couronne ayant estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves dans le dossier pour avoir la moindre chance d’obtenir une condamnation.

Pourtant, le porte-parole de la police londonienne avait affirmé, à l’époque de l’arrestation, que l’homme avait « été mis en examen après une étude minutieuse des éléments de preuves qui étaient en notre possession ».

A lire aussi, Charles Rojzman: Les Frères musulmans et l’art du mensonge victimaire: l’exemple du Hamas

En fait de mea culpa, la police s’est contentée de regretter que la policière chargée de l’interrogatoire ait parlé de « manifestants pro-Hezbollah », alors qu’elle aurait dû employer le terme « propalestiniens ».

Chris Philp, le ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme britannique[2], a été sévère. Ce n’est pas inattendu, puisqu’il est dans l’opposition : « ces derniers temps, la police n’a pas réagi lorsqu’elle a été confrontée à des manifestants qui appelaient au djihad et à l’intifada à Londres. Pourtant, cet homme a apparemment été arrêté parce qu’il était susceptible d’offenser les partisans d’une organisation terroriste interdite.[3] »

Lord Walney, ancien conseiller du gouvernement en matière de terrorisme, a qualifié cette affaire de « grotesque » et a déclaré qu’il était « invraisemblable » que la policière se soit simplement mal exprimée.

Cette bavure aurait-elle un rapport avec le recrutement dans la police ?

Le 10 avril 2025, l’une des plus importantes forces de police britanniques s’est vu accuser de racisme antiblancs. Ce n’était pas un fantasme : une plainte a été déposée contre la police du West Yorkshire (WYP) par un candidat policier blanc, pour avoir bloqué temporairement les candidatures des Britanniques visiblement issus de la majorité. Pas d’amalgame : ce n’est pas du racisme, c’est de la discrimination positive.

La WYP empêcherait les candidats britanniques blancs de postuler à ses programmes d’entrée dans la police, car elle cherche à attirer des groupes « sous-représentés », ce que l’on nomme, de notre côté de la Manche, des « minorités visibles »[4].

Un ancien officier lanceur d’alerte a expliqué que cette politique visait à cibler certains groupes. Les policiers postulant étaient classés sur un podium virtuel qui délivrait les médailles de l’or au bronze, en fonction de leur origine ethnique : plus la peau du candidat était foncée et plus son classement se rapprochait de l’or. Idem pour la religion, l’or étant réservé à l’islam.

Sur son site web, la police du Yorkshire explique qu’en raison du manque criant d’officiers issus de minorités ethniques, elle doit accepter des candidatures « tout au long de l’année de la part de ces groupes sous-représentés », tandis que les autres candidats doivent attendre que le « processus de recrutement soit ouvert » : « Nous acceptons actuellement les candidatures de personnes issues de nos groupes sous-représentés pour les deux programmes d’entrée dans la police (uniforme et détective) … Si vous n’appartenez pas à l’un de ces groupes, veuillez continuer à consulter cette page pour connaître les futures opportunités de recrutement. »

Alors avis aux amateurs : « Si vous êtes issu(e) d’une minorité ethnique et que vous souhaitez en savoir plus sur ce que c’est que de travailler pour la police du West Yorkshire, envoyez-nous un courriel en utilisant ces coordonnées pour une discussion informelle :

positive.action@westyorkshire.police.uk »[5]


[1] www.telegraph.co.uk/news/2025/05/23/jewish-protester-arrested-mocking-terrorist-leader/

[2] En Angleterre, il existe un gouvernement bis, ou fantôme, dans lequel siègent les députés les plus influents du principal parti d’opposition. Il se réunit comme le gouvernement en place et il est tenu au courant de toutes les affaires courantes, afin qu’il existe une structure capable de gouverner en cas de changement brusque de majorité parlementaire.

[3] https://www.facebook.com/groups/1965857726900049/posts/3139814419504368/

[4] www.lbc.co.uk/politics/uk-politics/police-force-white-british-diversity-applications-discrimination-west-yorkshire/

[5] www.westyorkshire.police.uk/about-us/diversity-equality-and-inclusion/valuing-difference

Cher Monsieur Kassovitz…

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Cannes, 19 mai 2025 © JP PARIENTE/SIPA

Avant de présenter ses excuses, l’acteur avait suscité une vive polémique et été accusé de racisme anti-blanc après avoir déclaré sur LCI: « Si il y a des Français de souche, ce sont des fins de race. Ils finiront par se mélanger aux autres, et ce sera mieux pour tout le monde ».


Je m’étonne. Je m’étonne que vous ne fassiez pas la différence entre le racisme qui est une intolérance à ce qui n’est pas soi, couleur de peau comprise et le refus d’un melting-pot qui est en train de tuer toutes les civilisations. Pas que la nôtre !

Oui, on voyage, vous avez raison, on se mélange, comme vous dites. Ce qui n’a rien de négatif a priori. Au contraire : connaître l’autre (autrement dit co-naître avec lui) est une des conditions de ce que vous appelez le vivre ensemble et que j’appelle l’amour, la tolérance. Sauf que ce mélange est en train de produire un gloubi-boulga général qui prive peu à peu de leur richesse les multiples cultures qui se sont enracinées partout sur notre belle planète. Exactement comme en cuisine, quand trop de saveurs dans un plat finissent par en faire une infâme ragougnasse. Vous dites préférer que l’on se concentre sur nos ressemblances plutôt que sur nos différences, mais justement ce sont nos différences qui font cette richesse. Imaginez un monde où l’on se ressemblerait tous. Quel ennui !

Je me demande si vous avez lu. Je suis d’une génération qui a relativement peu voyagé, mais mes nombreuses lectures m’ont entraînée sur des rivages parfois très lointains qui m’ont fait rêver et, surtout comprendre qu’en effet, l’être humain est partout foncièrement le même. Sauf qu’il ne vit pas et ne pense pas toujours de la même façon. Et c’est cela que lire m’a révélé. Grâce à mon métier de traductrice littéraire, j’ai rencontré, sur le papier, des civilisations captivantes. J’ai même compris pourquoi à trop vouloir civiliser le monde entier l’Occident lui-même avait détruit des équilibres parfois fragiles, mais nécessaires à la survie de certains peuples. Des films comme Mission de Roland Joffé, que vous avez certainement vu, Monsieur Kassovitz, ont parfois grandiosement illustré ce manquement au respect de l’Autre.

En traduisant un Pakistanais de langue anglaise, j’ai aussi appris que dans les montages de l’Indu Kush, les peuples nomades qui vivaient tant bien que mal sur des territoires immenses qu’ils arpentaient d’une année sur l’autre se sont retrouvés prisonniers de frontières absurdes par l’Europe imposées qui les ont tout simplement privés de leur gagne-pain, puisqu’ils ne pouvaient plus migrer vers des terres où leurs bêtes allaient paître chaque année.  

Après avoir lu Joseph Kessel, j’ai voulu parcourir l’Afghanistan et la route de la soie. En lisant le Roumain Panaït Istrati, j’ai commencé à entrevoir ce que le mot liberté signifiait. Jack Kerouac m’a fait rêver d’aller me perdre dans les forêts canadiennes. Faulkner m’a donné à respirer les parfums du sud de la grande Amérique. Parce que j’avais lu le conte de Baba Yaga la sorcière, j’ai choisi le russe en seconde langue puis lu tous les auteurs russes qui me tombaient sous la main… J’ai lu Jünger, aussi, parce que j’ai voulu comprendre l’Allemagne que les Français de ma génération haïssaient. À la lecture des livres de Kazantsakis, j’ai voulu aller danser en Grèce, respirer son soleil. Avec Levi-Strauss, j’ai marché, transpiré en Amazonie. Et avec Primo Levi, j’ai connu la souffrance du prisonnier humilié, affamé, dont on avait voulu exterminer la « race ».

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Plus près de nous, en lisant Sylvain Tesson, ou Christiane Rancé, j’ai presque pleuré d’être devenue trop vieille pour leur emboîter le pas dans la solitude de régions encore peu fréquentées. Et, comme il y a trente-cinq ans, prendre un billet de train de nuit pour Venise à peine je venais de refermer Venise en miroir, de Robert Marteau.

La liste pourrait inclure presque tous les régions du monde. J’ai beaucoup voyagé, en fin de compte. Les Français ne sont pas racistes, Monsieur Kassovitz, les Français aimeraient bien, comme tous les peuples de la terre, préserver ce qui reste de leur civilisation, de leur culture, de leur langue, si belles, si enrichissantes. Les Français de souche, Monsieur Kassovitz, ce sont tous les hommes, toutes les
femmes qui sont venus prendre racine en France au cours des siècles. Jusqu’à ceux qui, aujourd’hui, décident de devenir français. Boualem
Sansal fut récemment de ceux-là.

Comme beaucoup de mes amis, je suis horrifiée par la présence trop envahissante des musulmans en Europe, de même que par l’américanisation de l’Europe, de notre langue en particulier. J’aime l’Amérique, pourtant, où j’ai vécu, ainsi que les Américains et leur langue d’origine, que je traduis, mais elle est devenue envahissante, elle aussi, partout, y compris dans les médias. Trop c’est trop. Déjà, en France, la jeunesse parle une langue poubelle qui n’a plus aucun sens. Une espèce de sabir parfois presque incompréhensible. Au point qu’ils n’ont plus les mots pour le dire, au point qu’une violence insidieuse s’installe, comme toujours quand on n’arrive plus à se comprendre. 

Mais revenons aux autres peuples dont vous vous réjouissez qu’ils viennent « se mélanger » à nous les Européens, les « fins de race ». Quand je vais voir l’une de nos filles qui vit au Maroc, je déplore tout autant l’européanisation galopante du pays. Y voir un homme en Nike et en jogging me désole. Le voile, là-bas (bien que le Coran ne l’ait jamais déclaré obligatoire – seule la pudeur des femmes y est évoquée), fait partie du paysage et ne me dérange nullement. Pas plus que la djellaba pour les hommes. En France, en Angleterre ou en Suède, ces tenues me dérangent, oui, parce que leur nombre changent le paysage qui est le nôtre. Mais aussi parce qu’elles sont l’étendard d’une théocratie globalisante, quand bien même vous semblez ne pas en avoir conscience. Il fut un temps pourtant, déjà lointain, où travaillant dans un magasin de couturier de la rue du Faubourg Saint-Honoré, je regardais fascinée des touristes débarquer dans une tenue qui m’évoquait le désert, Eugène Delacroix ou les contes des mille et une nuits. C’est fini ; la fascination s’est muée en rejet. Le nombre, Monsieur Kassovitz. Le nombre. Trop, c’est trop.

Je suis sûre que n’étant pas un mauvais bougre, vous accueilleriez un pauvre diable sans ressources qui débarquerait chez vous quelle que soit la couleur de sa peau ; mais s’il revenait la semaine suivante avec toute sa famille, la famille de sa belle-sœur et celle de son meilleur ami, je suis prête à parier que vous le repousseriez, et même que vous changeriez toutes vos serrures.

Ceux qui, comme vous, prompts à nous culpabiliser, parlent de racisme aujourd’hui, sont d’une mauvaise foi affligeante. Ce que nous refusons, ce n’est pas de perdre notre couleur de peau. Quoique, jaune, blanc, noir, café au lait, ou métissées, moi je les trouve toutes belles, la blanche y comprise. Non, ce que je refuse c’est un métissage de cultures qui efface peu à peu nos différences. Oui, on voyage beaucoup en 2025, on s’ouvre à des mondes divers, et c’est une bonne chose parce que comme pour la lecture, ça ouvre les esprits et les cœurs. Mais à quoi servira de voyager quand tous les êtres humains se ressembleront ? Quand toutes les cultures se seront mélangées au point de n’avoir plus d’identité ?

Frère toi même!

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Le président Macron, à gauche, prend la parole tandis que le capitaine du PSG, Marquinhos, à droite, pleure, et que le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, écoute, après la victoire de l’équipe en finale de la Ligue des champions face à l’Inter Milan, le dimanche 1er juin 2025, au palais de l’Élysée à Paris © AP/SIPA

Après avoir fêté leur victoire avec leurs supporters sur les Champs-Élysées, les joueurs du PSG, vainqueurs de la Ligue des champions, ont été reçus ce dimanche soir à l’Élysée par le président de la République. Tout le monde était très joyeux. Désolé, Elisabeth Lévy casse un peu l’ambiance dans sa chronique matinale.


Malgré les violences et les pillages, peut-on vraiment se réjouir que le sport crée des moments d’union nationale ? Réjouissez-vous si vous y arrivez. Moi je ne marche plus. Et même, l’idolâtrie qu’on voue à ces sportifs, ou à quiconque d’ailleurs me met un peu mal à l’aise.

Malaise identitaire

Certes, des millions de Français ont regardé la même chose et hurlé ensemble. Mais ce patriotisme des stades est un patriotisme de pacotille, un cache misère. On agite le drapeau, on chante « on a gagné ». Des gens de gauche qui d’ordinaire taxent la France de colonialisme et de racisme applaudissent des milliardaires. And so what ? C’est la fin de comète de l’identité. On la proclame d’autant plus bruyamment qu’elle est menacée.

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D’ailleurs, personne ne s’émeut qu’on se barbouille de tricolore en arborant les couleurs du Qatar. Ni que le président de la République rende hommage à ce pays qui a été, dit-il, un actionnaire exigeant. Du Hamas ? Rappelons que le Hamas, ami du Qatar, c’est les Frères musulmans sur lesquels on s’excite depuis dix jours. Mais passons… je sens que je gâche la fête ! Quant au tweet présidentiel à la fin du match « Champion frère ! », il est au minimum ridicule.

La fraternité, c’est dans la devise nationale. Sauf que la fraternité dont il est question ici n’est pas universelle ni nationale. Emmanuel Macron singe la langue des quartiers où « frère » (ou cousins) ne s’adresse pas à tous les Français mais aux gens de votre communauté, origine ou appartenance. Dans cette logique communautaire, les Palestiniens sont mes frères, pas les juifs ou les Berrichons. On a d’ailleurs vu pendant le weekend une vidéo assez déplaisante de manifestations de supporters français du PSG à Munich défilant aux cris de « Nous sommes tous les enfants de Gaza ». Et hier, la foule qui a envahi tout le centre de Paris n’était pas à l’image de la France. Déjà, il n’y avait presque pas de femmes – et certaines de celles qui étaient quand même présentes se plaignent sur les réseaux sociaux d’attouchements et autres frottages. Nous avons observé de très jeunes garçons (majoritairement ?) issus de l’immigration. Et des racailles – certes je ne les mélange pas avec les autres jeunes – qui sont semble-t-il intervenues un peu plus tard. Mais même quand ils ne cassaient pas, tous ces gens s’amusaient de façon un peu agressive, ils faisaient du bazar avec leurs scooters, les voitures. On sentait qu’une étincelle pouvait tout faire partir.

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Gueule de bois

En 1998, on m’a fait le coup de la France Black Blanc Beur unie derrière son drapeau. Sept ans plus tard, les émeutes de 2005 révélaient l’étendue des fractures françaises. Et depuis, ça n’a fait qu’empirer. Le sport ne peut pas créer une unité nationale qui n’existe pas. Alors frère, ton match de foot, je m’en bats les oreilles.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale.

PSG vs Inter de Milan: 5-0 Ordre public vs racaille de Paris: match très très nul…

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Paris, alentours du Parc des Princes, 31 mai 2025 © Stefano Lorusso/ZUMA/SIPA

Ensauvagement. On dénombre deux morts, d’innombrables pillages et plus de 550 interpellations en marge des célébrations de la victoire du PSG en Ligue des champions samedi soir. L’extrême gauche charge le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, et passe tout à la jeunesse séparatiste banlieusarde. Quand elle ne l’encourage pas.


On n’en demandait pas tant. Une victoire aurait suffi, genre 2-1. Mais 5-0 ! Qui aurait parié sur un tel score au coup d’envoi ? Un régal. Du beau jeu. L’adversaire dans les cordes dès le premier round. Et pour autant, pas de mauvais gestes tout au long de la partie, pas de contestations hystériques de l’arbitrage. Du sport, quoi. Comme on l’aime.

La fête et les quartiers « populaires »

Alors la liesse, les rires et les cris libérateurs. Le bonheur de la fête de masse, la fête populaire dans le meilleur sens du terme. On saluait, on s’extasiait, on célébrait. Et que célébrait-on au-delà de la performance de l’équipe ? Un homme, l’entraîneur, Luis Enrique. Et à travers lui, mine de rien, le miracle que seuls peuvent permettre l’autorité bien comprise, la discipline assumée et consentie, le respect hiérarchique. Bref, tout ce qui fait défaut dans le fonctionnement actuel de notre société. Des images le montrent dirigeant ses joueurs à l’entraînement juché sur une nacelle de chantier, surplombant le jeu, dominant ses hommes. Le chef tel qu’en lui-même qui n’hésite pas à priver de match – match important, de qualification – un de ses meilleurs éléments pour s’être pointé en retard à un entraînement. Fermeté payante, au bout du compte. Au bout de ce 5-0.

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Et puis, les héros du soir à peine rentrés au vestiaire, la horde sauvageonne parisienne, les racailles perpétuellement en embuscade  investissent les rues, saccagent, pillent, incendient, agressent, bastonnent. Deux morts en France, des blessés. Des bagnoles brûlées, des vitrines brisées, des magasins pillés, bref de l’outil de travail – un mot sans doute inconnu de beaucoup de ces égarés de la République – bousillé, ravagé. Ceux-là sont incapables de partager quoi que ce soit avec la nation, le pays, son peuple. Incapables de partager ne serait-ce que – le temps d’une soirée- la joie commune, la joie primaire, roborative des jeux du cirque.

Les télévisions minimisent la gravité des violences

Les tv, les médias parlent d’incidents. Ce ne sont plus des incidents, ce sont autant de coups de boutoir contre ce qu’est la République, ce que devraient être la France et le consensus censé fédérer ses populations. Ce sont autant d’épisodes subversifs préparant peut-être bien la convulsion majeure, décisive, celle du grand soir.

Aussi faut-il absolument saluer encore et encore, remercier, féliciter toujours et toujours davantage les forces de l’ordre. Manifestement, tout est fait pour les pousser à bout. Et c’est une sorte de miracle que – parce qu’ils savent faire preuve d’un sang-froid et d’une capacité de résilience proprement exceptionnels, quasi surhumains – c’est une sorte de miracle, disais-je, qu’aucun de ces hommes et femmes n’ait craqué, commis l’irréparable, ne se soit laissé entraîner dans un dérapage mortel. Celui que d’aucuns probablement attendent, pour ne pas dire espèrent. Ce premier sang qui en ferait couler beaucoup d’autre et qui serait la gloire suprême des forces révolutionnaires ténébreuses dont les sinistres meneurs n’ont pas à être cités ici. On les connaît. Ils braillent assez fort pour ça.

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Or, si les choses devaient rester en l’état, un jour où l’autre, ce pire se produira. Avec les conséquences dont on préfère ne pas imaginer, en ce lendemain de liesse partagée, les effets.

En attendant, ayant reçu à l’Élysée les vainqueurs de la prestigieuse coupe aux grandes oreilles, ce qui est bien naturel, il serait souhaitable qu’on y reçoive aussi ces hommes et ces femmes pour qui, j’en suis bien certain, la coupe – la leur, celle de chacune de leur journée de service – est pleine. Comme elle l’est d’ailleurs pour nous.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

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Le jardin en mouvement

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© j2mc

Dans Vagabondages et Conversations, le célèbre paysagiste et jardinier français Gilles Clément est mis en scène par et avec l’artiste autrichien Christian Ubl.


Longtemps les chaisières des jardins publics et les gardiens de square à l’œil torve ont vu en Gilles Clément bien pire que l’Antéchrist. Car il a a bouleversé sans pitié leur univers propret et désespérant de pelouses sages et de plates-bandes immuables, figées dès la funeste naissance de la Troisième République pour l’agrément des sénateurs-maires radicaux et des sous-préfets boulangistes.    

Fantaisie et joie de vivre

On doit à Gilles Clément d’avoir conjuré la terrible malédiction qui frappait depuis des décennies les jardins publics, leur parterre central immanquablement circulaire, leurs régiments de glaïeuls raides comme des Prussiens montant la garde autour d’un buste de notable à la barbe fleurie et obligatoirement entourés de bordures de bégonias roses comme de grasses Bavaroises en mal de mari.

On lui doit d’avoir condamné la bête monotonie des pelouses uniformes, aussi pathétiques que la moquette d’un salon de petits bourgeois étriqués. D’avoir honni les insecticides et autres pesticides dangereux. D’avoir rendu aux fleurs des parterres leur fantaisie et leur joie de vivre en les lançant dans de joyeuses sarabandes. D’avoir remplacé la dignité ennuyeuse d’immuables ornementations végétales par la nonchalance poétique et la créativité inépuisable de la nature. D’avoir exorcisé enfin l’esprit mesquin du fonctionnaire qui, aussi sûrement que le puceron ou la cochenille, ravage les espaces verts ainsi lamentablement nommés dans le jargon des municipaux sous l’effet de ce souffle épique propre aux administrations.

L’éloge des vagabondes

Gilles Clément a ouvert les grilles des jardins à la folie aimable des graminées, à la fantaisie de végétaux improbables, à la cohabitation d’espèces à qui on interdisait de se côtoyer, comme jadis lorsqu’on rappelait sèchement à l’ordre les enfants de milieux sociaux trop disparates dès qu’ils faisaient mine de vouloir jouer ensemble.

Foin des interdits, des prérogatives de la naissance, de la noblesse des origines, de la sagesse bourgeoise : les jardins en mouvement de Gilles Clément sont des mondes ouverts à tous les végétaux, du moment qu’ils cohabitent pacifiquement. Ils chantent « l’éloge des vagabondes », c’est à dire qu’ils accueillent, plutôt que de les arracher, ces plantes qu’emportent les vents lointains et qui s’installent par surprise, mais avec bonheur là où l’on ne les avait jamais vues. Et bien évidemment, cet hymne de liberté et de métissage que susurrent les réalisations de Gilles Clément, au domaine du Rayol, dans le parc André Citroën, dans les jardins du musée du quai Branly, à Saint Nazaire ou ailleurs dans ses livres,  cet hymne prend immanquablement un ton politique. Ses jardins se font les chantres de la mixité heureuse, de l’égalité des origines. Sans pour autant cautionner les invasions périlleuses et massives, sans renoncer à l’harmonie d’une cohabitation apaisée et harmonieuse.

Dans un monde inattendu

Et voilà que lui aussi, à l’image de ces vagabondes qu’il a défendues toute sa vie, voilà que Gilles Clément se retrouve implanté dans un monde où personne à priori ne l’aurait attendu. Et lui moins que tout autre. Au cœur d’un spectacle chorégraphique imaginé par un Autrichien installé en France, Christian Ubl, lequel a lu ses ouvrages et s’est reconnu sans doute comme l’un de ces végétaux aventureux qui comptent parmi les héros du jardinier-paysagiste.

Par ses réalisations autant que par ses nombreux écrits, Gilles Clément s’est fait d’innombrables disciples. On le voit partout aujourd’hui, dans les villes particulièrement, et singulièrement à Paris où les végétaux se multiplient  sous une apparence informelle et bohême qu’on ne leur avait jamais connue dans l’univers urbain.

Ensemble, maître et disciples, ont partiellement vaincu les résistances les plus acharnées à leur discours écologique et libertaire. Ils ont transformé les cités, mais aussi le regard et la sensibilité de ceux qui y vivent.

Le jardin en mouvement

Tout est né sans doute avec la révolution du « jardin planétaire », tel qu’il a été imaginé par Gilles Clément dans le parc André Citroën, en collaboration avec Alain Provost.

« A l’époque de la création de ce premier jardin en mouvement, souligne Gilles Clément, les commanditaires de la Ville de Paris n’y croyaient pas trop. On tentait une expérience avec l’idée qu’on reviendrait vite aux anciennes pratiques en vigueur dans les jardins publics. Or la réaction des riverains comme des promeneurs a joué à plein en faveur du jardin. Nostalgiques d’un monde qu’ils avaient connu naguère, ils ont dit avoir retrouvé là quelque chose d’un univers encore naturel, sinon sauvage, rendant la ville plus aimable. On ne s’attendait pas à une telle adhésion. Et le jardin a ainsi conservé l’essentiel de son nouveau caractère ».

Même chose avec les révolutions écologiques du jardin du Musée des Arts premiers, au quai Branly, ou des Jardins du Rayol sur la côte varoise. Un changement radical dans la conception des jardins était en marche. Et il était irréversible.

Moi, je ne suis pas danseur !

« C’est lui, Christian Ubl, qui un jour m’a demandé de considérer son travail en compagnie d’une danseuse australienne dans une pièce qu’ils avaient baptisée AU-AU  pour Autriche et Australie. Ils désiraient qu’un regard extérieur se porte sur l’évolution du spectacle. Des liens d’amitié se sont ainsi créés et qui ont perduré. Il y a un peu plus d’un an, Christian Ubl a proposé qu’ensemble, lui et moi, nous participions à un nouveau pectacle,  « Vagabondages et Conversations ». Drôle d’idée, non ? Moi, je ne suis pas danseur. Cà m’a fait rire. Mais le projet a fini par me séduire quand j’ai réalisé que tout cela avait un sens et que la production basée sur les conceptions que je défends nous permettait de toucher et de convaincre peut-être un public tout autre que celui que je connaissais. Gestuellement, j’interviens très peu. En revanche, je demeure tout le temps sur le plateau, soit pour lire des textes que j’avais rédigé, soit pour en dire d’autres, de mémoire, soit pour les écouter en voix off, comme celui qui évoque l’importance de l’eau dans le cycle de la vie. La chorégraphie, à laquelle je prends part parfois, suit mes propos. Moi qui n’avais jamais imaginé cette possibilité de toucher un public nouveau ».

La végétation à Pompéi

Gilles Clément prend aussi conscience de l’extrême exigence et de la rudesse de la vie d’artiste. «Cette activité artistique prend beaucoup de temps. Pour honorer chacune des représentations, un soir ici, un soir là, données à des dates éparpillées dans le temps, il faut être mobilisé trois jours pour chacune d’entre elles. Un jour consacré au voyage pour se rendre sur le lieu du spectacle. Un autre pour assurer les répétitions, l’adaptation à un nouveau plateau et pour le spectacle lui-même. Et un troisième pour retourner là où j’ai à travailler. C’est lourd. Et difficilement conciliable avec mes autres activités ».

S’il se multiplie désormais  dans ses fonctions de professeur et de conférencier qui lui font sillonner le monde à l’instar de ces plantes dont il s’est fait l’avocat, Gilles Clément ne crée plus guère de nouveaux jardins, excepté le sien, niché en pleine campagne, dans un département sans ville, la Creuse, qui fut jadis le comté de la Marche. Mais bientôt peut-être, il sera à Pompéi, dans le cadre d’un projet porté par des spécialistes italiens et concernant la végétation qui s’épanouissait dans les cités de l’Antiquité romaine.   


Vagabondages et Conversations
Avec Gilles Clément et Christian Ubl.

Le 7 juin 2025, Festival June Events. Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Cartoucherie de Vincennes.
Le 3 juillet, Festival Mimos, Théâtre de l’Odysée, Périgueux.
Le 18 novembre, Théâtre Au Fil de l’eau, Pantin.
Le 23 novembre, Théâtre de Suresnes.
Les 27 et 28 novembre, Théâtre du Briançonnais, Briançon
Les 2 et 3 décembre, Théâtre Durance, Château-Arnoux.
Le 30  janvier 2026, Théâtre de Fontenay-le-Fleury.
Le 7 février, Théâtre de l’Arc, Le Creusot.
Le 7 mai, Théâtre de l’Etoile du Nord, Paris.
Le 21 mai, Zef, Marseille.
En mai 2026 encore au Théâtre Molière, à Sète.