Le musée d’Orsay propose la première rétrospective en dehors de Scandinavie d’un peintre norvégien majeur: Christian Krohg. L’occasion de découvrir une œuvre d’une profondeur exceptionnelle.
Métropoles et colonies d’artistes
Christian Krohg (1852-1925) naît à Oslo, alors appelée Kristiania, dans un milieu aisé. Après des études de droit, il se réoriente vers la peinture. Pour se former, il se rend d’abord à Berlin où il partage un appartement avec Max Klinger, artiste allemand particulièrement doué et imaginatif. En côtoyant diverses personnalités, sa vocation de représenter la vie des hommes et des femmes de son temps s’affirme.
Krohg réside ensuite à Paris et à Grez-sur-Loing, colonie artistique en bordure de forêt de Fontainebleau. C’est dans ces lieux et en observant des maîtres comme Jules Bastien-Lepage que son naturalisme accède à une réelle finesse.
Rentré en Norvège, il multiplie les activités, devenant non seulement peintre, mais aussi journaliste, militant et auteur de romans. Il évolue dans la bohème d’Oslo où il côtoie Ibsen. C’est là qu’il rencontre Oda, femme très belle et très libre. Pendant près de dix ans, il revient à Paris comme enseignant à la fameuse Académie Colarossi. Il réside souvent à Skagen[1], colonie d’artistes à la pointe nord du Danemark. Finalement, il rentre à Oslo où il devient professeur et enseigne à des élèves comme Edward Munch.
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Peintre et observateur de son temps
Krohg s’illustre souvent par une picturalité très mature, donnant beaucoup de saveur à ses œuvres. Avec lui, on jouit d’une vraie musique des formes. Ajoutons qu’il a un sens aigu des cadrages surprenants. Il aime peindre la vie des gens du peuple et des souffrants. Par exemple, sa Jeune fille malade (1881), tout en nuances de blanc, est à la fois d’une retenue déchirante et d’une rare virtuosité. « Vous devez, dit-il, peindre de manière à toucher, émouvoir, scandaliser ou réjouir le public par ce qui vous a vous-même réjoui, ému, scandalisé ou touché. »

Les femmes, la fatigue et la prostitution
C’est probablement par son attention à la condition des femmes qu’il se révèle particulièrement intéressant. À part Antonio Fillol, en Espagne, peu d’artistes de cette époque explorent autant ce sujet. Krohg montre d’abord la fatigue des femmes entre le travail et la maternité. Il est également très préoccupé par la prostitution. Cela lui inspire son roman, Albertine. C’est aussi un thème de peintures, notamment pour une grande composition (1885) qui remue le public norvégien.
Une exposition « découverte »
Cette exposition Krohg s’avère donc d’un intérêt exceptionnel. Elle a été programmée par Christophe Leribault lors de son bref passage à la présidence du musée, avant d’être magnifiquement orchestrée par Servane Dargnies. C’est le type d’exposition que l’on aimerait voir très souvent au musée d’Orsay.
À voir absolument
« Christian Krohg (1852-1925) : le peuple du Nord », musée d’Orsay, jusqu’au 27 juillet. 16 € l’entrée
Christian Krohg (1852-1925) Le Peuple du Nord Catalogue officiel de l'exposition
Price: 39,00 €
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[1] Le musée d’Orsay a récemment exposé l’excellente Harriet Backer, également active à Skagen.