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Saint-Malo: une nouvelle statue pour Chateaubriand?

Entretien avec le sculpteur Henri Mezzadri


Saint-Malo: une nouvelle statue pour Chateaubriand?
Chateaubriand par Girodet-Trioson. Musee de Versailles. 24/05/2001 NAMUR-LALANCE/SIPA

Henri Mezzadri est peintre et sculpteur. On peut le croiser par hasard dans les vieux murs de Saint-Malo. Il s’est mis une drôle d’idée en tête : offrir à sa ville une statue (en bronze, et de trois mètres s’il vous plait) de l’un de ses plus illustres enfants : François-René de Chateaubriand. Rencontre.


Henri Mezzadri

Causeur. Je vous ai rencontré dans le restaurant Le coup de canon* à Saint-Malo. Vous parliez d’un projet de statue rendant hommage à François-René de Châteaubriand. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Chateaubriand a été une véritable révélation pour moi. Le premier ouvrage que j’ai lu de lui, Le Génie du Christianisme est un hommage éclatant à la foi chrétienne, mais qui dépasse de loin le simple cadre théologique. Convaincre par la beauté et l’amour, sublimer la religion par la sensibilité romantique : ce fut pour moi une expérience bouleversante. Lorsque j’étais au plus bas, j’aimais me rendre sur son tombeau, face à la mer, pour y puiser l’inspiration et garder espoir. Cette croix de granit, dressée sur l’île du Grand Bé, représente énormément à mes yeux ; et l’homme qui repose en dessous encore davantage.

Il y a déjà une statue de l’écrivain à proximité du casino. N’avez-vous pas peur du doublon ?

À Saint-Malo, on compte quatre statues de bronze [Jacques Cartier, Surcouf, Duguay-Trouin, Mahé de la Bourdonnais, ndlr], appelées à durer des siècles. Pourtant, le plus grand des Malouins, Chateaubriand, n’a pas droit à cet honneur. Sa mémoire est figée dans une statue de pierre, érodée par le temps, reléguée au bord d’un rond-point, devant le casino. Un emplacement bien peu glorieux, quand on sait que les autres statues trônent sur les magnifiques remparts. Il y eut pourtant une époque où une sublime statue de bronze lui rendait justice… jusqu’à ce qu’elle soit fondue durant la Seconde Guerre mondiale.

Je crois que c’est à la jeune génération qu’il revient aujourd’hui de réparer cette injustice, d’offrir à Chateaubriand (et à la France) une statue digne de ce nom. Quant à la statue actuelle, près du casino, elle est non seulement médiocre sur le plan académique, mais aussi en bien triste état. Et cela me semble indigne. Chateaubriand n’est pas un écrivain parmi d’autres : il est une figure majeure de notre patrimoine.

Quelles sont à ce jour vos réalisations ?

À ce jour, j’ai réalisé plusieurs sculptures, notamment Chateaubriand sous différents formats, mais aussi Richelieu, Cyrano, et récemment Bossuet. Je peins également à l’huile : le 21 janvier 1793, une Descente de croix, ou encore la Rencontre de Chateaubriand et de Louis XVI. Je vais jusqu’à confectionner moi-même les cadres de mes toiles, que je dore à la feuille d’or, pour offrir à chaque œuvre un écrin à sa mesure.

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Mais l’époque étant plutôt à la destruction de statues plutôt qu’à leur construction, n’est-ce pas une idée incongrue ?

Peu m’importe que ma démarche soit jugée anachronique. Certains hommes sont enracinés dans leur époque ; moi, je me sens homme de tous les siècles — serviteur du passé, du présent et de l’avenir.
Cette statue, je l’ai façonnée pour Chateaubriand, pour les Français d’aujourd’hui, et pour les enfants de demain, afin qu’ils puissent s’inspirer de ce grand homme. Comme il l’écrivait lui-même :
“Quand je ne serai plus, s’il se trouve de jeunes gens pour lire mes Mémoires, ma voix sortira alors de la tombe pour leur dire que les rêves ne meurent jamais.”

Et sur le plan du financement ? Est-ce possible ?

Absolument. Il existe plusieurs manières de financer un tel projet. Prenez l’exemple de la statue de Mahé de La Bourdonnais : elle fut financée par les Mauriciens. Chateaubriand compte de nombreux admirateurs en France, et je suis convaincu que beaucoup seraient prêts à contribuer, chacun à leur échelle. Nous envisageons également la voie du mécénat. Ce n’est pas parce qu’une entreprise coûte cher qu’elle ne mérite pas d’exister. Toute œuvre de grandeur implique de l’effort, de l’investissement, et de la volonté.

Nous avons cessé d’ériger de belles choses en France ; nous avons arrêté de rêver le monde. Nous demeurons spectateurs, pendant que la France s’étiole. Les tailleurs de pierre ne bâtissent plus, ils réparent. Les académies des beaux-arts ont tourné le dos à l’enseignement classique. Créer une statue digne de Chateaubriand, c’est offrir un symbole à la jeunesse, aux artistes, aux passionnés d’histoire. C’est raviver une flamme dans une époque où la volonté semble vaciller. Saint-Malo ne s’est pas bâtie en un jour : elle est le fruit d’un immense travail. Cela ne signifie pas que son embellissement doive s’arrêter. D’autant que la majeure partie des revenus de la ville provient du tourisme. Et que font les touristes en été, sinon visiter les musées, les églises, les statues ?

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* Au coup de canon, tenu par Gilles et Jules, père et fils, est le meilleur restaurant de viande de Saint-Malo, avec notamment un formidable confit de canard.




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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